M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un prix Nobel de chimie attribué à une brillante chercheuse française expatriée en Allemagne, n’est-ce pas là le symbole de ce que nous devons éviter : la perte d’attractivité de la France en tant que grande nation scientifique ?
Pour éviter le décrochage de notre pays dans le domaine de la recherche, le projet de loi fixe un objectif ambitieux en termes de moyens budgétaires. Le groupe du RDSE partage l’avis de la commission, qui a ramené le cap de la programmation à 2027. Il y a urgence à agir, la compétition mondiale étant de plus en plus aiguë.
De nouvelles voies de recrutement sont créées. Elles ont donné lieu à de longs débats. Le travail parlementaire a contribué à mieux cadrer les dispositifs proposés. Mon groupe sera attentif à ce qu’ils soient complémentaires et non concurrents des voies de recrutement traditionnel.
Mes chers collègues, la pandémie de covid-19 nous rappelle hélas dramatiquement combien la recherche est un défi permanent pour le bien de l’humanité. Enfin, d’un point de vue davantage philosophique, la recherche, lorsqu’elle interroge la science, est une façon de mieux connaître le monde. À l’heure où un certain obscurantisme menace tragiquement notre société, notre responsabilité est d’encourager le progrès à tous les niveaux.
Par conséquent, le groupe du RDSE votera pour ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte était très attendu par la communauté scientifique, qui exprime depuis longtemps le besoin d’une véritable revalorisation du financement de la recherche.
Comme toujours, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat s’est efforcée de mener un travail de qualité qui a permis d’améliorer le texte, notamment en ramenant la durée de planification à l’horizon plus raisonnable de 2027.
Toutefois nous regrettons d’avoir été contraints d’examiner ce texte en procédure accélérée et dans l’urgence, au lieu de prendre le temps de construire collectivement un projet à long terme pour l’excellence de la recherche française, car, ce soir, le résultat n’est pas satisfaisant.
Je suis convaincue que le cœur de nos désaccords tient au fait que nous n’avons pas pu prendre le temps. Certes, l’objectif d’une planification jusqu’en 2027 est de permettre aux chercheuses et aux chercheurs de se projeter, mais c’est loin d’être suffisant pour créer les conditions d’une recherche sereine.
Pour leur donner réellement la possibilité de prendre le temps, ce temps si indispensable aux grandes découvertes, la recette est simple : il faut des financements pérennes et des contrats stables et sécurisants.
Le texte sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer ne repose ni sur l’un ni sur l’autre. Plutôt que de privilégier le financement de la recherche fondamentale dans tous les domaines, il fait la part belle aux financements par appel à projets, via l’ANR, alors que nous savons que nos chercheurs et nos chercheuses s’usent dans les procédures chronophages pour constituer des dossiers et vivent dans l’angoisse de la fin de leur financement.
Les articles 3, 4, 5 et 6 de ce texte prévoient également la création d’un certain nombre de contrats, qui vont susciter encore plus de situations précaires, alors que les postes de titulaires manquent cruellement.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avions l’occasion de bâtir un avenir radieux pour la recherche française, et de sortir de cet hémicycle en étant fiers d’être parvenus à renforcer notre service public de la recherche, pour qu’il soit prêt à faire rayonner la France sur la scène scientifique internationale et que nos plus brillants esprits soient ceux qui inventeront le socle d’une transition écologique et sociale heureuse.
Il n’en est rien ! Notre collègue Sylvie Robert nous avait indiqué que nous appelions de nos vœux un miracle. Force est de constater qu’il n’a pas eu lieu. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera donc contre ce texte, qui n’est pas à la hauteur de l’enjeu.
M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour explication de vote.
M. Jean Hingray. Je tiens tout d’abord à me joindre aux commentaires de mes collègues Julien Bargeton et Max Brisson concernant Laure Darcos et Laurent Lafon, qui ont fait preuve de beaucoup de dynamisme tout au long de l’examen de ce projet de loi.
Cher Julien Bargeton, je ne dirais pas que Laurent Lafon est resté impassible, car cela signifierait qu’il ne fait pas preuve d’émotions. Or, par son amendement visant à punir d’un an d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende les personnes qui pourraient entraver la tenue d’un débat à l’université, il me semble qu’il a davantage fait preuve de courage que d’« impassibilité ». (Sourires.)
M. Julien Bargeton. Je voulais souligner son flegme !
M. Jean Hingray. Je tiens à saluer l’adoption de nos deux amendements.
Dans un objectif de transparence, le premier tendait à permettre une vision beaucoup plus sincère et exhaustive du financement de la recherche. Le second, opportunément sous-amendé par mon collègue Stéphane Piednoir, afin de transformer la disposition proposée en expérimentation, avait pour objet l’autonomisation des universités dans leurs capacités de recrutement.
Enfin, je félicite Pierre Ouzoulias de son amendement tendant à faire la promotion de la langue française dans la recherche.
Madame la ministre, mes chers collègues qui participeront à la commission mixte paritaire, j’espère que ces avancées courageuses pour le bien de l’université seront conservées. Je ne vous apprendrai rien en indiquant que le groupe Union Centriste votera ce texte de loi des deux mains.
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour explication de vote.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’aimerais avant tout remercier Mme Laure Darcos, rapporteure, ainsi que MM. les rapporteurs pour avis Jean-François Rapin et Jean-Pierre Moga de leur investissement et de la qualité du travail réalisé.
Ce projet de loi de programmation est l’objet de vives critiques d’une partie de la communauté des chercheurs. Nous devons faire la part des choses entre l’expression des craintes de personnes ayant une rente de situation dans notre pays et des revendications tout à fait légitimes, que nous devons écouter.
Il me semble que Sénat a œuvré en ce sens, en réduisant la durée de la programmation et en améliorant le statut et la durée des chaires de professeurs juniors. C’est un travail constructif, qui va dans le sens d’une bonne recherche.
Ce texte qui prévoit d’allouer 25 milliards d’euros supplémentaires sur sept ans au financement de la recherche, replace la science, l’innovation et la volonté de comprendre et d’entreprendre au cœur de notre société. Il favorise le recrutement de jeunes chercheurs hors norme, ces moutons à cinq pattes qui passent souvent entre les mailles des concours habituels et des grilles de lecture classiques du monde de la recherche.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Laure Darcos, rapporteure. Je suis très fière et honorée d’avoir rapporté ce texte – le premier, après trois ans passés dans cette assemblée. (Applaudissements.)
Je souhaite remercier les services de la commission, qui m’ont beaucoup aidée et soutenue dans un contexte quelque peu compliqué, puisque nous avons commencé nos travaux pendant la période électorale de renouvellement du Sénat, donc sans en avoir la légitimité.
Je remercie également mes collègues qui ont été assidus aux auditions – Dieu sait si elles furent nombreuses ! –, comme ceux qui nous ont rejoints dans la dernière ligne droite, après leur élection.
Il y a bien sûr toujours des mécontents, mais je crois sincèrement que nous avons marqué ce texte de l’empreinte du Sénat, que ce soit par la modification de la trajectoire, ramenée à sept ans, par le rééquilibrage entre des nouveaux contrats, dont j’estime qu’ils doivent trouver leur place dans certains systèmes, tout en ménageant un équilibre par rapport aux carrières et aux contrats déjà existants, ou par l’assise définitive de l’égalité femmes-hommes, qui, je l’espère, suscitera des vocations dans les nouvelles générations de jeunes femmes.
Nous avons également introduit les collectivités territoriales, ce que n’avait pas fait l’Assemblée nationale. Nous avons donc apporté des éléments importants.
Cher Pierre Ouzoulias, s’agissant des libertés académiques, je pense que personne ne peut contester que je n’ai voulu ni attaquer ni froisser les chercheurs ; j’ai été blessée que l’on puisse me soupçonner à cet égard. J’estime que l’on peut être pour les libertés académiques tout en respectant les valeurs de la République. Toutefois, si le terme est choquant, nous aurons en effet du temps pour y revenir lors des travaux de la commission mixte paritaire.
Je salue mes collègues présents dans l’hémicycle : votre mobilisation nous a permis d’examiner ce texte un vendredi après-midi sans vote par scrutin public – c’est à marquer d’une pierre blanche ! (Sourires.) Je vous remercie de votre soutien et de vos compliments.
Enfin, je salue votre disponibilité et votre écoute, madame la ministre, d’autant que votre cabinet a dû jongler entre le projet de loi de finances examiné par l’Assemblée nationale et le Sénat. Mais vous avouerez que vous n’avez pas ménagé les services de la séance, que je tiens à féliciter de leur travail, ni notre commission en déposant des amendements au dernier moment… (Sourires.)
Je vous remercie enfin, monsieur le président, d’avoir présidé cette dernière séance de la semaine.
J’espère que cette loi sera positive. Nous recevons toujours de nombreux mails négatifs, mais j’espère que ceux qui ont un avis positif seront également nombreux à se manifester. (MM. Julien Bargeton et Claude Malhuret applaudissent.)
Mme Sophie Primas. C’est un appel ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Je m’exprimerai en français – j’espère que Julien Bargeton ne m’en voudra pas, mais, si je ne le faisais pas, Pierre Ouzoulias me le reprocherait certainement. (Sourires.)
Je me faisais la remarque il y a quelques jours que, en cette période de crise sanitaire, les praticiens hospitaliers et les commentateurs de tout poil interviennent beaucoup dans les médias, alors que nous entendons peu, sinon pas du tout, les chercheurs. Ils sont pourtant les seuls à même de nous donner des perspectives et, surtout, de trouver une issue à la crise que nous connaissons. La vérité est que, en France, la recherche et les chercheurs sont peu ou mal considérés, et que l’on n’en parle pas assez.
Madame la ministre, à l’issue de ces trois jours de séance et, au-delà, des auditions que nous avons menées, vous aurez compris que le Sénat et en particulier la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sont très attachés à la recherche. Ils le sont au moins à deux titres.
Tout d’abord, parce que nous devons avoir de l’estime pour celles et ceux qui consacrent leur vie professionnelle à la recherche. Leur connaissance et leur travail contribuent à améliorer le monde dans lequel nous vivons.
Ensuite, nous leur devons également toute notre attention parce que, au sein de l’économie de l’innovation dans laquelle nous sommes entrés depuis plusieurs années, la recherche joue un rôle clé dans la création de richesses et d’emplois. Dans la période économique que nous vivons, j’estime que ce texte sur la recherche revêt une importance encore plus considérable que s’il était arrivé il y a un an.
Je dois vous faire une confidence, madame la ministre : lorsque j’ai lu le texte du Gouvernement pour la première fois, je me suis fait la réflexion que, les deux premiers articles exceptés, il était peut-être un peu léger. J’ai compris mon erreur à la relecture.
J’ai la conviction que le travail du Sénat, au travers des apports de chacun d’entre nous, a contribué à enrichir ce texte. Je ne reviendrai pas sur les points dont nous avons débattu durant ces trois jours. Nos apports sur la trajectoire budgétaire et, partant, sur l’envergure financière de notre recherche publique, ainsi que sur les notions d’intégrité scientifique et de liberté académique ont sensiblement amélioré le texte.
Permettez-moi de vous remercier à mon tour, mes chers collègues, de votre présence dans l’hémicycle.
Je vous remercie également, madame la ministre, de ce dialogue que vous avez su instaurer avec notre commission depuis que vous exercez vos fonctions. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, et c’est bien normal, mais nous apprécions la qualité du dialogue que nous avons avec vous et avec votre équipe.
Je remercie notre rapporteure, Laure Darcos, qui a travaillé dans des conditions difficiles, car, durant la période de renouvellement du Sénat, il n’était pas évident de mener des auditions, alors même qu’elle n’était pas officiellement rapporteure. Le travail toujours délicat du rapporteur consiste à trouver une voie de passage, un chemin d’équilibre, entre les points de vue des uns et des autres ; je l’ai beaucoup apprécié en l’occurrence, et je ne suis pas le seul.
Je me joins enfin à Laure Darcos pour remercier nos collaborateurs qui, du portage de l’eau à la rédaction d’amendements délicats, auront tout fait lors de l’examen de ce texte ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi .
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 12 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 249 |
Contre | 92 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir voté ce texte et, comme l’ont souligné plusieurs orateurs, de l’avoir enrichi.
J’ai beaucoup apprécié la teneur de ces débats. Certes, nous ne sommes pas pleinement d’accord sur tout, mais vous avez porté haut et fort la reconnaissance que nous devons à l’ensemble de nos chercheurs et de nos enseignants-chercheurs.
Si on ne les voit pas beaucoup sur les plateaux de télévision, monsieur le président de la commission, c’est, me semble-t-il, parce que le monde de la recherche cultive le doute, donc une forme d’humilité. Au nom de l’ensemble des personnels de la recherche, je tiens à remercier le Sénat de ce vote.
Je vous remercie, madame la rapporteure, de votre très beau travail – je ne savais pas que c’était le premier texte pour lequel vous remplissiez cette fonction. Nous avons eu de nombreux échanges importants et intéressants.
Je remercie également MM. les rapporteurs pour avis, le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, ainsi que l’ensemble des membres de la commission. Depuis dix-huit mois, nous avons eu l’occasion de discuter de ce texte à plusieurs reprises ; je vous remercie de m’avoir toujours accompagnée pour l’améliorer.
Je salue l’ensemble des sénatrices et des sénateurs, les personnels du Sénat, qui ont veillé, dans tous les sens du terme, à ce que l’examen de ce texte se passe bien, ainsi que les collaborateurs des groupes.
Je remercie enfin les présidents de séance : monsieur le président, je vous charge de les saluer tous en mon nom.
Madame la rapporteure, je voudrais pour conclure vous assurer que jamais les libertés académiques ne pourront pâtir du respect des valeurs de la République que sont la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité et le refus de toutes les discriminations. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
4
Communications relatives à deux commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental et sur les dispositions restant en discussion du projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ne sont pas parvenues à l’adoption d’un texte commun.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 3 novembre 2020 :
À quatorze heures trente et le soir :
Projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution (procédure accélérée ; texte de la commission n° 83, 2020-2021).
Personne ne demande plus la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication