M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chômage partiel – il s’agit finalement d’une forme de nationalisation des emplois privés –, fonds de solidarité, prêts garantis : les réponses apportées par l’État dans le cadre des deux premières lois de finances rectificatives ont été immédiates et massives. Certes, les mesures étaient coûteuses, mais elles étaient absolument nécessaires au regard de la déflagration économique, financière et sociale provoquée par la pandémie de covid-19.
Il s’agissait d’éviter l’effondrement de nos entreprises et ses conséquences sociales, de sauver notre tissu économique, les emplois dans les territoires, de protéger les plus fragiles, au moment où l’économie de notre pays et celle de nos voisins étaient à l’arrêt.
Avec ce troisième projet de loi de finances rectificative, le coût budgétaire des grandes mesures de soutien à l’économie et à l’emploi sera porté à environ 50 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent près de 70 milliards d’euros de pertes de recettes fiscales, ce qui porterait notre déficit budgétaire à plus de 220 milliards d’euros à la fin de l’année, soit largement plus du double que ce qui était prévu en loi de finances initiale.
Ces chiffres sont vertigineux, mais pouvait-il en être autrement compte tenu de l’urgence qu’il y avait à soutenir nos entreprises, leurs salariés et, au-delà, les plus fragiles de nos concitoyens ? Désormais, un deuxième rendez-vous, tout aussi important, nous attend : celui de la relance. Nous devons absolument le réussir !
Relancer la machine économique tout en saisissant les opportunités qui nous sont données de transformer durablement nos modes de production, de reconquérir notre souveraineté dans des domaines stratégiques, de faire de la transition écologique un moteur de développement des territoires et de la justice sociale le ferment de la cohésion nationale, telle doit être notre feuille de route. Il s’agit d’opportunités parfois exigeantes, mais elles sont réellement cruciales pour l’avenir de notre société.
Ce PLFR amorce ce virage en soutenant les secteurs les plus durement touchés – tourisme, culture, automobile, aéronautique, nouvelles technologies –, tout en s’inscrivant dans la perspective de la transition écologique.
À ce titre, nous saluons l’ajout de l’article 19 conditionnant les prises de participation de l’Agence des participations de l’État au sein du capital des grandes entreprises à la souscription d’engagements en matière de transition écologique.
Au-delà de l’inquiétude que suscite le dévissage de nos finances publiques, c’est bien la multiplication des destructions d’emplois et la perspective de milliers de jeunes sans débouchés immédiats qui doivent nous alerter. On nous annonce pas moins de 800 000 suppressions d’emplois d’ici à la fin de l’année, alors que, dans le même temps, arriveront tout d’un coup plus de 700 000 jeunes sur un marché du travail fragilisé.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous avons accueilli favorablement les différentes annonces qui ont été faites dans ce domaine, qu’il s’agisse des primes pour l’emploi d’un apprenti ou de la réduction du coût d’embauche des jeunes. Peut-être aurons-nous d’ailleurs l’occasion, compte tenu de l’urgence de la situation, de débattre de ces propositions dans le présent PLFR, sans attendre le prochain texte budgétaire.
Quoi qu’il en soit, ce PLFR va dans le bon sens et nous approuvons l’exonération de cotisations et de contributions sociales et patronales prévue à l’article 18. Associé à un crédit de cotisations, il s’agit là d’un dispositif inédit qui bénéficiera automatiquement à un grand nombre de secteurs de l’économie : l’hôtellerie, la restauration, le tourisme, l’événementiel, le sport, la culture, ou encore le transport aérien.
L’article 18, dont le champ d’application a été opportunément étendu, comporte en outre un filet de sécurité pour toutes les entreprises, indépendamment de leur secteur d’activité. Cela nous paraît aussi bienvenu.
Bien sûr, sur tous ces sujets, la copie gouvernementale reste perfectible et la commission des finances, comme mon groupe, proposera des amendements visant à l’améliorer.
Enfin, tout au long de cette crise, le besoin de remettre le local au centre de notre modèle s’est manifesté avec force à l’échelle du pays. La relance passe par la relance au cœur des territoires : les collectivités locales ont un rôle essentiel à jouer pour y parvenir. Il importe donc que le Gouvernement leur en donne les moyens.
À ce titre, je regrette que ce collectif budgétaire ne prenne pas suffisamment en compte la situation des départements. Ces derniers pourraient pourtant demain apporter leur pierre à la dynamique économique des territoires. L’avance proposée pour compenser les pertes de recettes des DMTO de 2,7 milliards d’euros est certes nécessaire, mais cette mesure doit être complétée. Nous proposerons par conséquent des améliorations.
En revanche, le soutien apporté, à hauteur de 1,7 milliard d’euros, en faveur de l’investissement du bloc communal nous paraît décisif.
C’est l’une des vertus de ce budget rectificatif que de prévoir, là encore de façon inédite, une compensation intégrale des pertes de recettes fiscales et domaniales des communes et intercommunalités.
En ouvrant par ailleurs 1 milliard d’euros de crédits supplémentaires de dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), ce budget préfigure la relance à venir dans les territoires autour de la transition écologique, de la résilience sanitaire, mais également, et c’est important, de la rénovation du patrimoine public bâti et non bâti.
Sur ce sujet, monsieur le ministre, il me semblerait opportun que ces crédits soient, pour la moitié au moins, fléchés vers les préfets de département. Ce serait un beau message adressé à l’échelon départemental, à l’échelon local qui, tout au long de la crise sanitaire, a su répondre dans la proximité, avec agilité et efficacité aux besoins des habitants.
Enfin, le versement du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) en année n+1 pour toutes les collectivités serait de nature à accélérer l’investissement local. Nous défendrons un amendement en ce sens.
Pour conclure, sachez, monsieur le ministre, que dans un esprit toujours positif les membres du groupe Union Centriste auront à cœur, au cours de ces trois prochains jours, d’enrichir ce texte qui va dans le bon sens, et qu’ils soutiendront dans leur grande majorité. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants. – M. Didier Rambaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en mars dernier, le Président de la République annonçait une France « en guerre ». Aujourd’hui, l’ennemi invisible est moins prégnant, mais toujours menaçant, tandis qu’une bataille reste à gagner : celle de l’emploi. Elle en cache d’autres : la bataille de la justice sociale et la bataille des territoires.
Le Premier ministre l’a rappelé ce matin, la crise de la covid a accentué certaines fractures au sein de notre modèle économique et social.
L’urgence sanitaire demeure, et une deuxième vague est possible dans notre pays. C’est dans ce contexte sanitaire incertain qu’il nous faut relancer l’économie dans les prochains mois. L’équation n’est pas facile : l’incertitude affecte l’indice de confiance du côté tant des ménages que des entreprises. Aussi, le succès de la relance sera conditionné à la capacité de l’exécutif de dynamiser en même temps l’emploi, l’investissement et la consommation.
À ce stade, les « airbags » jouent leur rôle. Toutes les mesures de soutien mises en place par le Gouvernement aident notre économie à surmonter le choc du confinement, du moins à court terme.
Regardons le recours au chômage partiel. Il a permis de protéger les ménages en limitant la chute de leurs revenus à 3,2 % pendant le confinement, alors qu’au même moment le revenu national baissait de près d’un tiers, selon l’Insee. Le soutien au pouvoir d’achat, au travers du dispositif d’activité partielle, a ainsi permis à la consommation des ménages de rebondir plus fortement que prévu : en juin, l’activité économique a déjà comblé près des trois cinquièmes de l’écart qui la séparait, au pic du confinement, de son niveau d’avant la crise.
Pour autant, l’épargne reste forte, trop forte. Chiffrée à près de 80 milliards d’euros début juillet, elle oblitère le potentiel de consommation. Il faut donc absolument la déconfiner, afin qu’elle ne se transforme pas en épargne de précaution. Des mesures doivent mises en œuvre pour en flécher une partie vers la consommation et l’investissement. L’article 4 du projet de loi de finances rectificative sur le déblocage de l’épargne retraite est un bon début…
Quant aux outils de soutien à la liquidité des entreprises, ils ont également fait leurs preuves. Avec 105 milliards d’euros de prêts garantis par l’État, la France est le pays européen dans lequel cette forme de soutien a été la plus fortement mobilisée ! Ce volume important a certainement contribué à repousser le risque d’une grande vague de faillites, en permettant aux entreprises d’étaler l’incidence du confinement.
Cependant, comment contenir les plans sociaux qui pourraient se présenter dès l’automne ? Le Président de la République l’a plusieurs fois déclaré : « La rentrée sera difficile. »
En effet, en dépit de ces mesures de soutien, les pertes de revenus des entreprises restent très importantes : 54 milliards d’euros entre les mois de mars et de juillet. Une demande insuffisante, je l’ai dit, et la contraction de l’économie mondiale vont durablement peser sur l’activité.
Soyons réalistes : pour faire face à cette récession sans précédent et afin que les difficultés conjoncturelles ne se transforment pas en crise durable, la France devra consentir un effort public soutenu et encore plus important. C’est l’objet de ce troisième projet de loi de finances rectificative, qui, tout en assurant la continuité des mesures précédentes, a le mérite de cibler les secteurs les plus touchés.
Comme on le sait, les conséquences du confinement sont dramatiques sur l’aéronautique, le tourisme et la culture. Par rapport à d’autres pays européens, nous sommes là face à une vraie difficulté, car les avantages comparatifs de la France se situent dans des secteurs structurellement plus exposés aux effets de la fermeture des économies mondiales. Alors, comme l’a souligné avec pertinence la commission des finances, ce soutien sera-t-il suffisant au regard des enjeux que représentent ces secteurs, dont le poids est fondamental pour notre économie et l’équilibre de nos territoires ?
La dégringolade, au fil des budgets rectificatifs, de la prévision de croissance pour 2020 témoigne de la spécificité française. Alors qu’elle était initialement fixée à -1 % du PIB, le Gouvernement l’estime désormais à -11 %, ce qui fait de la France un des pays les plus touchés, avec l’Italie, au sein de la zone euro.
Nous connaissons les conséquences implacables de cette contraction : une hausse massive du déficit conjoncturel par rapport aux projections de la loi de finances initiale, soit une baisse de 7,1 points de PIB, une dette publique qui pourrait atteindre les 121 % d’ici à la fin de l’année. Ces chiffres nous auraient horrifiés il y a seulement quelques mois. Mais, partout au sein de la zone euro, la ligne rouge a été franchie dans un contexte – je le rappelle – où la règle européenne qui fixe le niveau d’endettement à 60 % du PIB maximum est devenue obsolète.
Le risque d’effondrement économique a pris l’avantage sur la question de la dette et la sacro-sainte orthodoxie budgétaire. Pouvons-nous faire autrement ? Je ne le crois pas et mon groupe vous soutient, monsieur le ministre, dans cette direction, pourvu qu’elle soit provisoire.
Mais dans cette entreprise de remobilisation économique, nous avons besoin de tous les leviers. Je pense aux collectivités locales qui n’ont pas ménagé leur peine pour prendre le relais de l’État à bien des égards, quand celui-ci s’est parfois révélé insuffisant, voire défaillant. Le projet de loi de finances rectificative les met à contribution en leur permettant de soutenir les TPE et PME, notamment au travers du dégrèvement exceptionnel de cotisation foncière des entreprises (CFE). Soyons cependant vigilants quant à la compensation de leurs recettes fiscales, car nos collectivités locales vont jouer un rôle fort d’amortisseur social dans les mois qui viennent, ce qui implique le maintien de leurs moyens budgétaires.
Monsieur le ministre, vous le savez, les régions s’inquiètent du projet de baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, même si l’on peut comprendre le principe d’un allégement des impôts de production.
Mes chers collègues, nous examinons ce projet de loi de finances rectificative alors que se profile déjà un nouveau plan de relance annoncé par le Président de la République, et relayé par le Premier ministre. Doté d’au moins 100 milliards d’euros, un programme de cette ampleur nous permet de mieux envisager l’avenir et de rendre de l’espoir à tous les acteurs économiques. Je pense en particulier aux jeunes : ils doivent entendre autre chose que la promesse d’un horizon de dettes qui s’amoncellent.
Comme vous le savez, ils seront près de 700 000 en septembre à postuler à un emploi ! Le dispositif exceptionnel d’exonération des charges jusqu’à 1,6 SMIC annoncé me semble tout à fait intéressant et essentiel à l’insertion de la jeunesse qui entre sur un marché du travail en pleine récession. Cependant, peut-être pourrons-nous aller un peu au-delà de ce seuil, de façon à toucher également les diplômés de l’enseignement supérieur. Nous en reparlerons…
Pour finir, je rappellerai l’entier soutien du RDSE au plan de relance européen Next Generation EU, pas seulement parce qu’il pourrait profiter à la France à hauteur de 40 milliards d’euros, mais parce qu’il concrétise un effort de solidarité, au travers d’une forme de mutualisation des dettes, nécessaire à la cohésion de l’Union européenne. Il reste à souhaiter que tous les États membres en soient convaincus pour que ce plan soit rapidement mis sur pied ; nous le souhaitons ardemment.
En attendant, mes chers collègues, nous examinerons avec bienveillance ce troisième budget rectificatif qui, je l’espère, conduira la France sur la voie du redressement.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « tout commence par une interruption », dit le vers de Paul Valéry. J’ignore si tel est le cas. Les formules de Paul Valéry sont parfois mystérieuses… En tout cas, tout doit recommencer après une interruption.
Les signaux, pas seulement sanitaires, sont contradictoires de ce point de vue. On annonce une contraction inédite, à moins 11 %, mais aussi des capacités de rebond, soulignées par la Commission européenne, l’Insee, ou encore la Banque de France.
Nous sommes donc à la croisée des chemins. Le mécanisme d’activité partielle, qui a été très robuste dans notre pays, a permis de soutenir l’activité. À titre de comparaison, ce dispositif a concerné, en France, 45 % des salariés percevant jusqu’à 84 % de leurs revenus, et en Allemagne, 27 % des salariés touchant jusqu’à 60 % de leurs revenus.
Dans les 460 milliards d’euros de dépenses, ce mécanisme a joué un rôle très important, et nous savons qu’il était indispensable.
Je retiens principalement cinq points de ce troisième projet de loi de finances rectificative : il recharge les crédits des mesures prises ; il déploie les plans sectoriels de soutien, notamment avec les exonérations de cotisations à hauteur de 4 milliards d’euros et le soutien au petit commerce ; il soutient la jeunesse, en particulier grâce aux primes exceptionnelles à l’embauche des apprentis ; il accompagne les collectivités territoriales en prévoyant jusqu’à 4,5 milliards d’euros de crédits ; enfin, il protège les plus fragiles d’entre nous, au travers de l’hébergement d’urgence, des aides aux moins de 25 ans, ou encore de la lutte contre le décrochage scolaire.
Au cours du débat qui nous attend, mon groupe s’intéressera à trois principales lignes directrices.
Premièrement, le critère qu’il convient de retenir est non pas le coût ou le caractère budgétaire ou extrabudgétaire des mesures, mais leur efficacité. Certaines d’entre elles, qui n’entraînent pas de déficit, peuvent être très efficaces parce qu’elles fabriquent de la confiance. Il en est ainsi des prêts garantis qui, s’ils ne relèvent pas du budgétaire pur, donnent de la visibilité et permettent de réenclencher un cercle vertueux, et donc une dynamique.
Deuxièmement, essayons d’être cohérents. Comment peut-on se dire soucieux de l’aggravation de la dette pour les générations futures tout en ajoutant, amendement après amendement, des dépenses supplémentaires ? Il faut décider : soit on en fait trop, soit on n’en fait pas assez !
M. Philippe Dallier. Pas assez !
M. Jean-François Husson. C’est le « en même temps » ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Julien Bargeton. J’entends parfois les deux discours en même temps, alors qu’il faudrait plutôt trancher.
Troisièmement, il ne faut pas augmenter pas les impôts. L’un des grands enseignements de Keynes, en effet, est que ce n’est pas le moment, lorsque l’activité est déprimée et que les investissements privés et la consommation baissent, d’augmenter les impôts ou de réduire les dépenses publiques. Cela ne signifie pas que le sujet du financement par l’impôt ne sera pas posé… Mais il nous faudra voir où nous en serons en termes d’activité et d’emploi en 2022 avant de décider ce qu’il convient de faire. Je mets en garde contre des hausses qui déprimeraient davantage l’économie !
Mon groupe a déposé des amendements qui sont, parfois, proches de ceux d’autres groupes. Ils concernent notamment la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), la culture, les outre-mer, les autorités organisatrices de mobilité (AOM), des sujets qui nous préoccupent particulièrement ; nous serons donc particulièrement attentifs aux divers amendements y afférents.
Après ce projet de loi de finances rectificative, qui vise à continuer d’aider dans la riposte, la réponse et l’urgence, viendra le plan de relance annoncé. Dans le bref temps de parole qui m’est imparti, je voudrais poser quatre premiers jalons au sujet de quatre E.
Premièrement, E comme Europe. Le plan annoncé doit évidemment s’articuler avec le plan de relance européen. Je souhaite que l’initiative franco-allemande aboutisse à une réussite européenne, même si ce n’est pas gagné.
Sur ces travées, nous pouvons partager l’envie d’une telle réussite et l’ambition que le plan français soit parfaitement cohérent avec un plan européen qui sera, nous l’espérons, le plus ambitieux possible.
Deuxièmement, E comme écologie. L’urgence écologique et climatique est là. L’écologie doit être un levier de la croissance, et non un frein à la relance. Ce sera l’un des grands principes que nous devrons examiner.
Troisièmement, E comme entreprises. C’est par la croissance et le développement de celles-ci que nous pourrons financer les dépenses engagées. La croissance des entreprises et de l’emploi permettra en effet de financer les dettes qui se sont accumulées, mais qu’il était indispensable de contracter face à cette crise inédite.
Quatrièmement, E comme éducation, combinée à la formation. Cela a été dit, la jeunesse doit être au cœur de la reconquête : c’est indispensable, et nous le lui devons. Nous aurons l’occasion d’en reparler tous ensemble.
Cela étant, mon groupe soutiendra ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
(M. Thani Mohamed Soilihi remplace M. Philippe Dallier au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà voté deux projets de loi de finances rectificative et plus de 460 milliards d’euros de mesures sectorielles depuis le début de l’épidémie.
Nous n’avons pas rechigné à vous soutenir, mais, cette fois, permettez-moi de vous dire que ce projet de loi de finances rectificative n’est pas à la hauteur de la grave crise économique dans laquelle vous nous avez plongés avec le confinement.
Les prévisions de croissance pour 2020 annoncent une chute de 11 % du PIB et une perte de 1 million d’emplois, et nous en sommes toujours à discuter de 43 milliards d’euros supplémentaires. En Allemagne, le gouvernement fédéral a injecté près de 130 milliards d’euros, soit une ambition trois fois supérieure à la nôtre !
Je rappelle tout de même que le présent projet de loi fait exploser notre déficit de 11,4 % et porte notre dette publique à 120 % du PIB. C’est un poids colossal que nous devrons assumer et que nous faisons déjà supporter par les générations futures. Certes, cette crise économique est due à la crise du coronavirus, que vous n’avez pas su gérer, mais elle aussi le résultat de vos choix politiques et économiques des dernières décennies.
Avec 8 milliards d’euros pour le fonds de solidarité, votre projet manque à l’évidence d’ambition pour soutenir les TPE et PME. On ne peut pas cantonner les exonérations de charges aux entreprises contraintes à une fermeture administrative. Il faut élargir le périmètre aux sous-traitants et aux fournisseurs pendant la durée nécessaire à la reprise d’une activité normale, c’est-à-dire identique aux mois précédents, compte tenu du confinement.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On va le faire !
M. Stéphane Ravier. À la rentrée, le chômage des jeunes va exploser : 50 000 apprentis sont menacés d’ici au 1er septembre, et 800 000 jeunes arriveront sur le marché du travail à la même période. La baisse des taxes pour l’embauche des jeunes, si elle se produit, ne suffira pas à absorber un tel choc.
Il est temps de revoir l’efficacité décisionnelle de nos politiques en consacrant le principe de subsidiarité, en supprimant les échelons de décision inutiles, comme les agences régionales de santé (ARS), qui ont fait preuve de leur inefficacité, le Conseil économique, social et environnemental (CESE), les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER), et certaines intercommunalités qui coûtent tant et rapportent si peu.
Il faut s’affranchir du carcan européen, qui a brillé par son inaction durant la crise sanitaire. En parallèle, nous dégagerons des moyens financiers, nous baisserons la dépense publique inutile et nous pourrons redonner une autonomie financière aux communes qui se sont tant battues, et souvent seules.
Par ailleurs, le soutien aux entreprises par le recours au chômage partiel et les 31 milliards d’euros qui sont prévus est une bonne chose, car protéger les entreprises, c’est protéger les salariés. Cependant, le parquet de Paris a annoncé qu’il enquêtait sur des escroqueries massives. Votre ministère doit impérativement border le dispositif pour éviter la fraude, monsieur le ministre.
Nous sommes en récession en raison de votre impréparation et de votre incompétence durant la crise du coronavirus. Ce ne sont pas le discours de politique générale de ce matin, qui ressemblait à un réquisitoire contre la politique appliquée – ou plutôt infligée – par le précédent gouvernement, et ce projet de loi de finances rectificative manquant d’ambition, qui changeront quoi que ce soit à la situation catastrophique dans laquelle vous avez plongé le pays !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, PLFR 1, puis 2, puis 3, en attendant le quatrième… Les textes devaient s’enchaîner pour tenter de contenir les effets de la crise, qui s’annonce très profonde, mais, souhaitons-le, avec un rebond substantiel possible dès 2021, à la condition sine qua non de prendre les bonnes décisions en temps et en heure.
Parmi les questions que nous devons nous poser au moment d’examiner ce texte, celle du tempo des mesures est au moins aussi importante que celle du contenu.
Le Gouvernement avait qualifié les deux premiers textes « d’urgence », « de sauvegarde », et celui-ci de « résilience »… Mais ce troisième projet de loi de finances rectificative aurait pu être – rien ne vous en empêchait –, outre un plan de soutien complémentaire aux secteurs les plus en difficulté de notre économie, le grand plan de relance annoncé en fait depuis mars, dont les mesures, si elles avaient été adoptées en juillet, auraient pu être opérationnelles à la rentrée, au moment notamment où 700 000 jeunes arriveront sur le marché du travail et où, c’est à craindre, le nombre des défaillances d’entreprises va commencer à augmenter.
Le Gouvernement a fait un autre choix sans que nous en comprenions vraiment les raisons, sauf à considérer que le changement de Premier ministre et le remaniement ministériel ont bouleversé l’agenda. Le Parlement aurait pu travailler trois ou quatre semaines de plus avant la coupure estivale… Mais le texte de la relance ne sera prêt qu’à la fin du mois d’août et ne sera finalement intégré qu’au projet de loi de finances pour 2021, ce qui repoussera de facto la mise en œuvre des mesures décidées au début de l’année prochaine. Ces six mois perdus pourraient, au final, nous coûter très cher.
Avant d’en venir au détail du texte et à nos propositions, je veux, monsieur le ministre, revenir un instant sur la situation de la France d’avant et le tableau qu’en brosse généralement Bruno Le Maire. C’est aujourd’hui notre point de départ, avant la crise.
Le ministre de l’économie, des finances et de la relance met souvent en avant le net recul du chômage, sous les 8 % – c’est exact –, le regain d’intérêt pour l’apprentissage – exact là aussi –, la bonne tenue de l’investissement privé – exact également –, et même la bonne tenue de la consommation des ménages jusqu’en 2019 – exact encore.
Permettez-moi cependant de relativiser ces propos en rappelant simplement quelques chiffres.
Ceux de la croissance, d’abord : 2,3 % en 2017 ; puis 1,8 % en 2018 ; enfin, 1,5 % en 2019. Une belle pente descendante, avec un acquis de croissance de seulement 0,1 % pour 2020, avant la crise, ce qui est le plus mauvais chiffre depuis 2012.
Ceux du déficit du budget de l’État, ensuite : 67,6 milliards d’euros en 2017 ; puis 76 milliards d’euros en 2018, et 92,7 milliards d’euros en 2019, soit une belle pente ascendante. La raison en est simple : aucune réduction du déficit structurel en 2018 et 2019, pas plus que dans la loi de finances initiale pour 2020, donc avant la crise. Quant au déficit prévisionnel pour 2020, il était de 93,1 milliards d’euros.
J’en viens au déficit public : 3 % du PIB en 2019. Pour la première fois depuis 2011, il est reparti à la hausse.
Quant à la dette publique, elle a frôlé l’an dernier les 100 % du PIB. Nul doute que ce seuil aurait été franchi en 2020 avec une prévision de croissance en berne, faute toujours d’effort structurel.
Alors oui, monsieur le ministre, il y avait quelques points positifs, mais le tableau d’ensemble était plutôt sombre. Surtout, en ces matières-là, il faut se comparer… Et là, pour le coup, la comparaison ne rassure pas, elle inquiète…
Nous avons abordé la crise dans une situation économique et financière bien plus dégradée que la plupart des autres États européens.
En 2019, nous étions en queue de peloton : sur 27, nous étions 23e pour la croissance et l’endettement public, 24e pour le taux de chômage, 26e pour le déficit public. Même avec un taux de chômage de 8,1 % en février dernier, seules l’Italie, l’Espagne et la Grèce faisaient moins bien que nous.
Avec un taux de croissance de -0,1 % au quatrième trimestre 2019, seules l’Italie, la Finlande et la Grèce faisaient moins bien que nous.
Avec 98,1 % de taux d’endettement, seuls la Belgique, le Portugal, l’Italie et la Grèce faisaient moins bien que nous.
Avec un déficit public de 3 % du PIB en 2019, seule la Roumanie faisait pire que nous.
Nous n’avons donc pas appréhendé cette crise avec les mêmes armes que les autres pays européens qui, eux, ont fait des efforts pendant dix ans, ce qui leur permet de mieux aborder la situation.
Monsieur le ministre, vous n’êtes pas entièrement responsable de cette situation. Rappelons cependant que le retour à l’équilibre de nos comptes publics, prévu en 2021, au début du quinquennat, n’est plus qu’un vieux souvenir. Il vous a fallu essayer d’éteindre l’incendie provoqué par la crise des « gilets jaunes ». Voilà pourquoi 2020 s’annonçait déjà comme une année difficile.
Mais maintenant, l’incendie à éteindre est d’une tout autre ampleur et il y a urgence. Nous n’avons pas dix ans devant nous. Voilà pourquoi nous pensons que vous perdez du temps par rapport à nos grands voisins.
M. Le Maire a beau nous dire que l’effort de la France est comparable à celui de l’Allemagne, notre rapporteur général démontre, dans son rapport, qu’il n’en est strictement rien.