M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous le savons, par définition, le Sénat est très efficace. Il va le démontrer en examinant plus de 1 000 amendements en trois jours, alors qu’il aura fallu trois semaines à nos collègues députés pour en faire autant. (Sourires.) Il va donc nous falloir être très efficaces !
Si nous nous retrouvons aujourd’hui, ce n’est évidemment pas une surprise : déjà lors de l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative, nous avions indiqué que le scénario de croissance était très optimiste et qu’il y avait sans doute besoin d’amplifier les mesures de soutien à l’économie.
Sur ce point – nous allons y revenir tout au long des débats –, le compte n’y est pas. Il faudra des mesures de relance, dont Bruno Le Maire nous a d’ailleurs d’ores et déjà parlé.
La crise est bien là, et nous devons évidemment tous être au rendez-vous pour sauver notre économie. Comme nous le savons, les chiffres sont catastrophiques : un recul de plus de 11 % du PIB, qui n’a pas de précédent depuis 1944. Malheureusement, les principales organisations internationales placent la France parmi les pays qui devraient connaître le plus fort recul de leur PIB sur l’ensemble de l’exercice 2020.
Par rapport à nos voisins, notamment l’Allemagne, mais aussi à des pays comme la Suède, qui ont confiné moins longtemps, nous vivons une crise de plus forte et de plus longue intensité, qui place notre pays dans une situation particulièrement délicate.
Bruno Le Maire aime beaucoup les citations. Je rappellerai donc le sous-titre du Soulier de satin de Paul Claudel : « le pire n’est pas toujours sûr ». (Sourires.) Parfois, en effet, les nouvelles sont meilleures qu’attendu, et l’économie repose notamment sur la confiance.
Si la chute du PIB devrait être particulièrement marquée en France, les derniers développements conjoncturels suggèrent qu’elle pourrait être un peu moins forte que prévu, sous réserve bien sûr que l’épidémie ne redémarre pas.
La révision à la hausse du taux d’activité pendant le confinement par l’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques, a ainsi majoré notre taux de croissance de deux points, si bien que la prévision gouvernementale présente maintenant un caractère que l’on peut qualifier de prudent.
Cette prévision de croissance gouvernementale implique désormais que le rattrapage soit quasiment achevé, ce qui est clairement pessimiste. L’Insee anticipe, pour sa part, un recul de 9 % du PIB.
La situation pourrait être encore meilleure si l’on stimulait davantage la consommation, notamment par le déblocage d’une partie des économies accumulées par les ménages, estimées à 75 milliards d’euros par l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE. Et ce montant pourrait être encore plus élevé à en croire le Gouvernement qui parlait, je crois, de 100 milliards d’euros.
Mais il faut aussi être prudent : une nouvelle vague épidémique, qui s’accompagnerait de mesures de confinement même partielles, risquerait de provoquer une rechute de l’activité.
Venons-en maintenant aux mesures figurant dans ce troisième projet de loi de finances rectificative.
Il s’agit d’un redimensionnement a minima du plan de soutien existant, dans l’attente d’un plan de relance qui a été annoncé, sur lequel Bruno Le Maire est largement revenu, mais que nous ne voyons toujours pas venir – nous sommes impatients. On nous l’annonce plutôt, si j’ai bien compris, pour le projet de loi de finances pour 2021.
Parmi les différentes composantes du plan de soutien, les mesures ayant une incidence sur le solde public connaissent une hausse de 15,5 milliards d’euros, principalement due au chômage partiel, aux exonérations de charges et aux plans de soutien sectoriels. S’y ajoutent les mesures qui n’ont pas d’effet immédiat sur le déficit public : elles sont en augmentation de 19,5 milliards d’euros. Je pense, notamment, aux reports des échéances fiscales et sociales pour plus de 7 milliards d’euros.
Par comparaison avec les autres économies avancées, le plan de soutien français continue de présenter un caractère singulier, la France mobilisant moins les mesures qui ont un impact sur le déficit public, alors qu’il s’agit pourtant de dispositions pouvant apporter un soutien plus direct à l’économie. Ce différentiel paraît d’autant plus paradoxal que la France est l’un des pays où la chute du PIB est parmi les plus fortes.
Cette stratégie s’explique tout d’abord par les moindres marges de manœuvre dont dispose la France sur le plan budgétaire. Il y a quelques jours, nous avons examiné le projet de loi de règlement : chaque année, nous répétons qu’il faut faire attention et faire des efforts pour avoir un déficit et un endettement moins élevés, ce qui n’est pas le cas. Nous partons avec un déficit à la base, en quelque sorte, et avec moins de marges de manœuvre que nos voisins, notamment l’Allemagne.
Quoi qu’il en soit, la révision à la baisse de la croissance et le redimensionnement du plan de soutien conduisent mécaniquement à une nouvelle dégradation de la trajectoire budgétaire : un déficit de 11,5 % du PIB en 2020, une nouvelle hausse de l’endettement qui atteindrait 120,9 % du PIB. Fort heureusement, il n’y aurait pas à ce stade de renchérissement des taux d’intérêt, ce qui nous laisse une certaine marge de manœuvre.
Concernant l’État, son déficit budgétaire passe de 93,1 milliards d’euros – ce n’est pas la préhistoire, c’est ce que prévoyait le projet de loi de finances pour 2020 ! – à 224 milliards d’euros dans le texte adopté par l’Assemblée nationale. On observe une dégradation encore plus importante du solde – 39 milliards d’euros – par rapport au deuxième projet de loi de finances rectificative. Cette hausse du déficit résulte essentiellement d’une chute de nos recettes de 23,5 milliards d’euros et d’une augmentation de nos dépenses de 12 milliards d’euros.
Ce déficit est évidemment totalement inédit, puisque, au plus fort de la crise de 2009, le déficit n’avait pas dépassé 150 milliards d’euros. En trois budgets rectificatifs, nous l’avons simplement creusé de 130 milliards d’euros. J’espère qu’il n’y aura pas de quatrième projet de loi de finances rectificative, mais le ministre nous a rassurés à ce sujet.
Les besoins de financement de l’État sont désormais colossaux : cette année, nous allons devoir emprunter 363,5 milliards d’euros sur les marchés.
La situation de l’État est véritablement hors-norme : les recettes nettes diminuées des prélèvements sur recettes sont 2,2 fois inférieures aux dépenses nettes. Ainsi, le budget général connaît un déficit supérieur au montant de ses recettes et égal à 55 % de ses dépenses.
Les recettes fiscales nettes prévues par le PLFR sont inférieures de 65,9 milliards d’euros au niveau prévu en loi de finances initiale.
Du côté des crédits budgétaires, 13,7 milliards d’euros sont ouverts sur le budget général et les ouvertures de crédits portent sur de très nombreuses missions.
Par ailleurs, alors que le Gouvernement a annoncé un plan de soutien sectoriel de 40 milliards d’euros, les crédits budgétaires ouverts par le troisième projet de loi de finances rectificative sont bien inférieurs : je les estime à 823 millions d’euros pour la filière automobile, à 135 millions d’euros pour le secteur aéronautique et à 2,2 milliards d’euros pour le secteur du tourisme. Les sommes annoncées par le Gouvernement incluent aussi bien des mécanismes de prêts ou des dispositifs déjà existants.
En l’état, le redimensionnement a minima du plan de soutien du Gouvernement n’est pas à la hauteur des enjeux et doit être amplifié, sans attendre, par la mise en place d’un plan de relance afin de conforter la reprise.
Je le dis clairement, et beaucoup de voix s’exprimeront dans ce sens, je regrette la décision du Gouvernement de différer la mise en œuvre de ce dernier à la rentrée,…
M. François Bonhomme. Eh oui !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … pour ne pas dire à la fin de l’année – l’adoption du projet de loi de finances et la décision du Conseil constitutionnel interviennent plutôt fin décembre –, car les ménages et les entreprises ont besoin de visibilité pour prendre leurs décisions.
M. François Bonhomme. C’est ça le problème !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il existe beaucoup d’impatience. Bruno Le Maire a d’ailleurs davantage évoqué le plan de relance que le PLFR !
Le Président de la République a annoncé, le 14 juillet, 100 milliards d’euros. Très bien, mais nous attendons tous de voir concrètement ce qu’il en est de ces annonces.
J’ai proposé, pour ma part, dès le 16 juin, un ensemble de mesures calibrées, de façon à maximiser l’effet d’entraînement sur l’activité pour un montant global de 40 milliards d’euros, soit 2 points de PIB. Le Conseil d’analyse économique suggérait 50 milliards d’euros. Malgré le fameux article 40 de la Constitution et le domaine des lois de finances, j’ai essayé de faire en sorte qu’un maximum de mesures puisse trouver un débouché sous forme d’amendements dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative, pour environ 10 milliards d’euros, articulé autour de cinq objectifs.
Premièrement, il s’agit d’aider les entreprises à investir en assouplissant notamment les reports en arrière des déficits, c’est-à-dire le carry back, et en améliorant l’amortissement.
Deuxièmement, il s’agit de soutenir les ménages et les secteurs les plus fragilisés, singulièrement par des remises de cotisations sociales ou par la mise en place de mesures d’incitation à la consommation, comme les « chèques loisirs », pour les secteurs particulièrement touchés par la crise.
Troisièmement, il s’agit de soutenir l’emploi. Le Gouvernement prévoit la création d’un dispositif exceptionnel d’aide à l’embauche dont le montant serait majoré pour les jeunes.
Quatrièmement, il s’agit d’inciter les ménages à réinjecter l’épargne accumulée pendant le confinement dans l’économie. Nous voulons déconfiner cette épargne grâce, par exemple, au mécanisme de PEA-PME, dans une logique de soutien aux fonds propres des entreprises.
Cinquièmement, il s’agit de mieux préserver les recettes et les capacités d’investissement des collectivités territoriales via, notamment, des mesures concernant les DMTO ou un dispositif plus juste de compensation des pertes de recettes d’Île-de-France Mobilités, cher Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. D’autres dispositions pourront compléter ces propositions au cours de l’examen du texte, car de nombreux amendements ont été déposés.
En résumé, messieurs les ministres, nous ne sommes pas en désaccord avec vos mesures d’urgence et de soutien. Ce texte ne nous pose pas de difficultés, même si nous souhaitons l’améliorer. En revanche, nous sommes en désaccord avec ce qui n’y figure pas. Nous pensons qu’il faut faire autrement ou mieux, nous en reparlerons, mais il nous semble surtout que des mesures de relance devraient être prises maintenant et non à l’automne, pour consolider la confiance de l’ensemble des Français.
En effet, la crise des finances publiques est d’abord malheureusement liée à un effondrement de nos recettes. Si nous attendons plus pour relancer l’économie, cela signifiera moins de TVA, moins d’impôt sur les sociétés et encore moins de marges de manœuvre à l’automne !
J’insiste donc sur la nécessité que ces différentes mesures soient prises dès maintenant. Elles présentent également un caractère temporaire, un effet booster, pour ne pas augmenter le déficit structurel.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la commission des finances propose d’adopter ce troisième PLFR de soutien tel que modifié par les amendements de relance que nous voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a un peu moins de trois mois, lorsque nous examinions le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, j’avais souligné que ce texte ne constituait qu’une étape, avant un troisième PLFR qui serait, je le pensais, celui des arbitrages politiques.
J’avais alors interrogé le Gouvernement pour qu’il dévoile ses intentions sur sa stratégie de relance de notre économie, sur les moyens de la financer et sur les secteurs prioritaires, car ces questions, posées depuis longtemps, ne semblaient pas avoir trouvé véritablement de réponse.
Aujourd’hui, le temps est venu d’examiner ce texte tant attendu, mais, malheureusement, nombre de mes questions restent sans réponse !
Tout d’abord, nous sommes encore suspendus aux résultats des négociations sur les perspectives financières pluriannuelles et sur le fonds de relance européen. Les discussions vont reprendre demain. L’accord franco-allemand de mai dernier et les propositions de la Commission européenne vont dans le bon sens, encore faut-il clarifier certaines zones d’ombre – je pense notamment aux financements – et désormais transformer l’essai !
Ensuite, le texte qui nous est soumis est finalement non pas un plan de relance, sans cesse différé, même si vous nous en avez beaucoup parlé, monsieur le ministre, mais un ajustement budgétaire qu’il faut bien qualifier « d’attente », du fait notamment de cette absence d’accord européen, et d’une ampleur limitée au regard du soutien dont notre économie a besoin.
Les crédits nouveaux sur le budget général, soit 13,8 milliards d’euros, portent pour l’essentiel sur la mission « Plan d’urgence », entérinant notamment le coût très élevé – 31 milliards d’euros au total – du dispositif de soutien au chômage partiel, certes indispensable, mais qui nécessitera un contrôle a posteriori particulièrement vigilant. Les risques de fraude sont très significatifs en l’absence de réel contrôle a priori et il conviendra de les traiter.
Le projet de loi de finances rectificative prévoit aussi une légère hausse du fonds de solidarité pour les entreprises et des exonérations de charges, mais l’essentiel du soutien provient de simples mesures de trésorerie. Les garanties pour les entreprises avaient déjà été entérinées par le premier PLFR, avec un plafond de 300 milliards d’euros, dont chacun espère bien sûr qu’il n’aura pas lieu d’être.
Tout cela est donc limité, même si le Premier ministre vient de nous annoncer un plan de relance de 100 milliards d’euros et le ministre de l’économie, des finances et de la relance, aujourd’hui même, une baisse des impôts de production de 20 milliards d’euros. Quoi qu’il en soit, les engagements pour l’avenir s’accumulent !
Ce collectif budgétaire était également attendu pour prendre en compte la situation des collectivités territoriales dont les recettes – versement transport, droits de mutation, taxe de séjour, octroi de mer – sont touchées par la crise. Or les collectivités doivent faire face à de nouvelles charges : là encore, les propositions du Gouvernement déçoivent, avec un plan limité à 4,5 milliards d’euros, dont la moitié correspond à des avances remboursables.
Nous nous reverrons donc à l’automne pour débattre de nouvelles mesures. Mais il y a urgence, car la France va connaître cette année une récession sans précédent de 11 % du PIB, selon les estimations gouvernementales, supérieure à celle de nombre de ses partenaires européens, notamment de l’Allemagne qui a pourtant décidé très rapidement d’un plan de relance bien plus massif. Il n’y a guère que le Royaume-Uni, soumis à la double peine du Brexit et du covid, qui fasse plus mal que nous !
Cette récession sera d’autant plus forte que nous tarderons à mettre en œuvre les mesures de soutien nécessaires. Il y a urgence, car il s’agit non seulement de points de croissance, mais aussi des conséquences sociales : le dispositif de chômage partiel n’a apporté qu’une réponse temporaire ; les plans sociaux et les licenciements économiques pourraient s’enchaîner dans les mois à venir, avec des conséquences sur nos territoires.
D’ores et déjà, de grandes entreprises annoncent des suppressions d’emplois : 15 000 chez Airbus, dont un tiers en France, 7 580 chez Air France d’ici à la fin de l’année 2022, 4 600 chez Renault, 1 900 chez Conforama, dont le siège est situé à Lognes, commune dont j’ai été élu municipal pendant vingt-deux ans, 1 200 chez Nokia, etc. Par ailleurs, la situation est dramatique pour les petites et moyennes entreprises.
La collectivité nationale doit réagir en s’efforçant de faire les bons choix : soutenir des entreprises viables, privilégier la recherche et l’investissement, prendre en compte la responsabilité sociale et environnementale. La puissance publique dispose aujourd’hui de leviers de changement inédits et d’une opportunité historique de transformer notre économie pour le bénéfice des générations futures.
À cet égard, nous cherchons encore les indices de cette transformation : conditionner une prise de participation de l’État à des engagements en matière de réduction de gaz à effet de serre à travers la simple publication d’un rapport annuel, sans autre conséquence, n’est clairement pas à la hauteur des enjeux !
Enfin, il faudra malgré tout rester attentifs à nos finances publiques, afin de fixer un cap un tant soit peu cohérent : nous en discuterons dans le cadre du débat d’orientation des finances publiques.
Après des années d’application du pacte de stabilité, la crise a fait exploser tous nos repères : les déficits et la dette publique s’envolent à des niveaux que personne n’aurait pu imaginer il y a seulement quelques mois. Le Gouvernement évoque le « cantonnement » de la dette, comme si cette procédure comptable pouvait la faire disparaître…
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. … tout en refusant de faire participer les contribuables les plus aisés à la solidarité nationale.
M. Jean-Pierre Sueur. Enfin des paroles lucides !
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Quand le temps de l’urgence sera passé, il nous faudra faire les comptes…
M. Jean-Pierre Sueur. Oui !
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. … et justifier la dépense publique auprès des contribuables qui seront appelés à l’assumer ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne voyons, dans nombre d’indicateurs jugés positifs par le Gouvernement, que des signes préoccupants !
Les indicateurs de santé publique, tout d’abord, font état d’une remontée des hospitalisations et des cas de contamination par le covid-19.
Les indicateurs économiques, ensuite, évoquent une récession de 11 % pour 2020. Vous n’allez pas me dire que la situation est positive quand on nous annonce la suppression au minimum de 800 000 emplois d’ici à la fin de l’année, sans parler des plans sociaux qui commencent à pleuvoir, qu’il s’agisse de Nokia, d’Air France, d’Airbus, de Sanofi ou de la grande distribution !
Les indicateurs de cohésion sociale sont également des alertes sérieuses puisqu’ils montrent que le nombre de demandeurs d’emploi et des allocataires du revenu de solidarité active explose. Il faudra bientôt y ajouter les travailleurs saisonniers, affectés par la baisse de la fréquentation touristique, et l’arrivée au mois de septembre de 800 000 jeunes sur le marché de l’emploi.
Si l’on y adjoint la très faible participation lors des élections municipales, nous nous trouvons face à un parfait cocktail explosif d’une crise de sens et d’unité populaire, donc d’une crise politique sur fond de confinement de la démocratie !
Comment le Gouvernement et le Président de la République envisagent-ils de répondre à la crise ? Reprendront-ils le guidon ou continueront-ils de pédaler droit dans le mur ?
Le 14 juillet, le chef de l’État nous a délivré son message pour tracer le nouveau chemin, un « nouveau chemin » qui s’inscrit finalement dans les mêmes sillons que l’ancien ! Avec toute la considération que je dois à MM. Le Maire et Dussopt, pour baisser le coût du capital, on prend les mêmes et on recommence ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)
Il ne s’agira ni d’un tournant social ni d’un tournant écologique. Il ne sera pas question non plus de revenir sur les cadeaux fiscaux aux plus riches, mais il faudra en revanche travailler plus et faire payer encore une fois les salariés et les retraités de ce pays !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui, c’est vrai !
M. Pascal Savoldelli. Ce que révèle surtout cette intervention présidentielle, par ailleurs on ne peut plus paternaliste, c’est que le Gouvernement continue de privilégier la communication politique du « en même temps » au détriment de l’action politique.
Avec ce troisième PLFR et les annonces dites de soutien ou de relance, nous en avons la parfaite illustration : sur les 40 milliards d’euros prévus pour relancer différentes filières – aéronautique, automobile, tourisme –, ce sont en réalité 3 milliards d’euros qui seront effectivement traduits en crédits budgétaires.
Et le financement de ce texte repose, tout comme celui des deux précédents, sur le bon vouloir des marchés financiers, comme l’a rappelé M. le rapporteur général.
M. Éric Bocquet. Eh oui !
M. Pascal Savoldelli. Pas de nouvelles mesures fiscales, nous dites-vous. Mensonge !
La seule recette connue est la prolongation de la CRDS de 0,5 % sur les revenus : peu importe que ceux-ci soient bas ou hauts, tous les Français participeront au même niveau, pour collecter plus de 160 milliards d’euros d’ici à 2042 !
Cela dit, il aura fallu attendre un troisième texte financier pour voir un plan de soutien aux collectivités annoncé en grande pompe. Mais si l’intention est bien là, le compte n’y est pas !
Le Gouvernement a demandé au député Jean-René Cazeneuve – ce n’est pas un député communiste ! – de faire le point sur les pertes financières des collectivités. Si nous reprenons ses premiers résultats, notre collègue chiffre la perte à 7,5 milliards d’euros pour 2020 : 3,2 milliards d’euros pour le bloc communal, 3,4 milliards d’euros pour les départements et 0,9 milliard d’euros pour les régions. Ça commence mal, par rapport aux 4,5 milliards d’euros annoncés !
Mais si l’on y regarde de plus près, les choses empirent. Il y a un écart entre l’offre et la demande, entre l’argent frais que vous proposez aux collectivités et l’argent qui est vraiment mis sur la table ! Ce plan de soutien financier est un mirage, car vous ne débloquerez réellement que 1,75 milliard d’euros pour les collectivités, monsieur le ministre.
Le bloc communal, à mon grand soulagement, est le plus épargné grâce à la clause de sauvegarde, qui est la bienvenue. Elle est néanmoins incomplète, puisqu’elle ne prend notamment pas en compte les pertes de recettes tarifaires.
Pour ce qui concerne les départements, qui ont tiré le signal d’alarme, vous leur avez seulement concédé des avances remboursables qui correspondent à plus de la moitié de ce plan !
Comment évoquer sincèrement à longueur de temps les territoires et ne pas voir que leurs dépenses sociales flambent ou que leur seconde ressource principale, les DMTO, risque de chuter de 35 % ? Plutôt que de pouvoir compter sur l’État, les élus départementaux sont renvoyés à l’expectative d’un possible futur rebond économique. En gros, ils doivent se débrouiller avec ça !
Mais comment voulez-vous que les départements parviennent à faire face à l’afflux d’inscriptions au RSA, aux demandes d’aide sociale de personnes licenciées par des entreprises pourtant soutenues par l’État, et qui aujourd’hui se permettent d’organiser des plans sociaux et des délocalisations en toute impunité ?
Quant aux régions, ne cherchez pas, mes chers collègues, il n’y a rien pour elles !
La réactivité et l’inventivité des collectivités territoriales ont été sans commune mesure. Elles ont permis de tenir la barre à travers la tempête du covid-19. Malgré les signaux contradictoires reçus d’en haut, voire parfois l’absence de signaux, les collectivités locales ont prouvé la solidité de l’organisation territoriale française, pourtant continuellement remise en question.
Tous les rapports le prouvent, les collectivités sont les principaux investisseurs. Quand on veut promouvoir la relance et la confiance, il importe de leur donner de la solidité financière.
La confiance des Françaises et des Français appelait un nouveau chemin d’égalité sociale et territoriale. Ce projet de loi de finances rectificative n’est pas à la hauteur. C’est la raison pour laquelle nous ne le voterons pas. Pour les élus du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, la confiance n’est pas une forme de paresse ; c’est une exigence de la conscience ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sauvetage de notre économie est loin d’être terminé que la relance doit déjà commencer. C’est une nécessité impérieuse pour sauvegarder nos entreprises et l’emploi, et tracer des perspectives d’avenir. Telle devra être l’ambition de ce troisième projet de loi de finances rectificative qui nous est présenté et dont nous entamons aujourd’hui l’examen. La montée en puissance des dispositifs doit se poursuivre.
Si la propagation du virus semble pour le moment avoir été maîtrisée, même si nous devons redoubler de prudence, la crise économique, quant à elle, ne fait malheureusement que commencer. S’il faut se prémunir contre une deuxième vague épidémique à l’automne, il faut aussi craindre une vague de difficultés économiques, déjà perceptible sur nos territoires.
C’est pourquoi nous devons continuer à déployer des mesures pour soutenir nos entreprises et l’emploi. C’est l’aspect défensif de la politique qui est menée depuis le mois de mars. Il est essentiel, car il a permis à notre économie de tenir. Sans entreprises, pas de reprise : il fallait donc d’abord et avant tout sauvegarder le tissu économique.
Cet aspect défensif est essentiel, mais il ne suffit déjà plus, car la menace des faillites se renforce. On prévoit un automne sombre en la matière. Faisons donc en sorte qu’il ne soit pas catastrophique.
Monsieur le ministre, votre politique doit dès maintenant être davantage offensive, en plus d’être défensive. Il s’agit de promouvoir la relance en plus de prévoir le sauvetage.
Ce troisième volet du plan de sauvetage de l’économie vise à amplifier la réponse globale. Je pense, notamment, à l’abondement supplémentaire au fonds de solidarité pour les PME, les TPE et les indépendants ou aux compensations de cotisations sociales pour les entreprises les plus touchées.
Au-delà de ces mesures, d’autres plus spécifiques complètent utilement les dispositifs de soutien pour les secteurs les plus exposés à cette crise : automobile, aéronautique. À cet égard, les dispositions en faveur du tourisme, de l’hôtellerie, des activités culturelles et de l’événementiel sont les bienvenues. Elles sont ô combien nécessaires, comme nous le constatons tous les jours sur nos territoires.
Je me réjouis également que le Gouvernement ait fait le choix de privilégier une action publique au plus près du terrain et des collectivités. C’est notamment le cas avec la possibilité laissée au bloc communal de procéder à des dégrèvements exceptionnels de cotisation foncière des entreprises, ou CFE, pour les PME les plus touchées, ainsi qu’à des exonérations de taxe de séjour en 2020.
Il s’agit là de faire confiance aux acteurs de terrain qui connaissent le mieux les difficultés et les réalités locales. Néanmoins, les délais sont trop contraints. Il n’est pas sérieux d’imaginer que les EPCI, à peine installés, ou les communes pourront prendre de telles décisions avant le 31 juillet, soit quelques jours à peine après la promulgation de la loi. Nous proposerons donc plusieurs amendements visant à mieux appréhender cette réalité locale.
Les collectivités territoriales et les élus locaux ont été en première ligne lors de la crise sanitaire. Je veux à cet instant les saluer. Le plan de soutien, dont le montant global s’élève à 4,5 milliards d’euros, va bien évidemment dans le bon sens. Mais je crois que nous devons encore en accentuer l’ambition. Je suis certain que le Sénat y sera particulièrement vigilant. Il y va de l’intérêt général de la Nation et de sa cohésion.
Je pense, notamment, à la dotation instituée par l’article 5, qui vise à compenser les pertes de certaines recettes fiscales liées aux conséquences économiques de l’épidémie. Le minimum de 1 000 euros n’est sans doute pas suffisant. Nous devons augmenter l’effort à destination des petites communes. C’est le sens d’un amendement que j’ai déposé concernant la dotation particulière « élu local », la DPEL, pour les communes de 200 habitants et moins.
Pour rappel, et à titre de comparaison, dès le début de la crise financière, nous avons voté des mesures de soutien aux petites entreprises par le biais du fonds de solidarité, avec un minimum de 1 500 euros.
Enfin, mon groupe se félicite que les actions engagées par la Commission européenne et par l’Europe occupent une place significative dans ce projet de loi. Je pense, notamment, aux garanties apportées par l’État au mécanisme SURE et à la Banque européenne d’investissement, pour des montants respectifs de 4,4 milliards et de 4,7 milliards d’euros.
Toutes ces mesures sont nécessaires pour préserver l’économie de nos territoires et la solidarité nationale. Le Sénat saura, sans nul doute, enrichir ce troisième projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)