M. Yvon Collin. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. Vous avez aussi annoncé vouloir réhabiliter les trains de nuit, les petites lignes et le fret ferroviaire. Nous ne pouvons qu’approuver, à la condition toutefois qu’il ne s’agisse pas de promesses non suivies d’actes. Il y va de l’attractivité, voire de la survie de nombreux territoires ! (M. Marc Laménie applaudit.)
Cela vaut tout autant pour le numérique, alors que la crise sanitaire a révélé de profondes inégalités en la matière. Mon groupe travaille en particulier pour que l’accès au très haut débit soit une réalité partout, mais aussi pour que la lutte contre l’illectronisme devienne une grande cause nationale, à la suite des travaux de la mission d’information dont nous sommes à l’origine.
Cela vaut encore en matière d’écologie, avec les défis immenses qui nous attendent et pour lesquels nos concitoyens sont prêts à changer leurs habitudes. Cela suppose toutefois de ne pas enfermer l’écologie dans une approche punitive, qui aggraverait les fractures sociales ou territoriales et servirait de prétexte à entraver le progrès technologique.
Monsieur le Premier ministre, si mon groupe cultive la liberté de vote, il ne transigera jamais sur la défense de la laïcité. Vous avez raison de dire que « la République, c’est la laïcité comme valeur cardinale, comme fer de lance de la société ».
Face aux velléités séparatistes, face à ceux qui veulent réécrire l’Histoire, il faut affirmer, sans jamais faiblir, que la laïcité est un facteur d’émancipation garantissant à chacun le droit de croire ou de ne pas croire. Aucune religion ou communauté ne peut revendiquer sa supériorité à la loi commune. C’est bien pour cela que la laïcité contribue à la concorde civile et à l’unité de la Nation, car elle rend les citoyens égaux devant la loi et dans la dignité.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. Nous serons donc à vos côtés pour faire respecter l’ordre public face à ceux qui défient l’autorité de l’État ou revendiquent de s’extraire de la loi commune. Il est encore temps d’agir avec force ! La situation est grave, chacun le sait, mais nous devons nous réunir pour faire en sorte que la République demeure une et indivisible !
Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes présenté comme un homme de dialogue et de concertation. Nous espérons que, avec votre gouvernement, vous appliquerez à la lettre cette méthode dans vos rapports avec le Parlement, en particulier avec le Sénat.
Pour l’heure, et dans sa diversité et sa liberté, le groupe RDSE continuera à placer l’intérêt général de notre pays par-dessus toutes les contingences partisanes. C’est à cette aune –un mot dont la première syllabe se prononce un peu différemment dans notre terroir ! (Sourires.) – que nous apprécierons et jugerons votre politique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. François Patriat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans cette dramatique crise sanitaire, vous avez, monsieur le Premier ministre, rappelé le rôle primordial qu’ont assuré celles et ceux qui, jour après jour, ont œuvré avec courage pour sauver des vies, des milliers de vies.
Face au risque réel de deuxième vague, le devoir de responsabilité que vous avez appelé de vos vœux s’impose à chacun d’entre nous. Collectivement, en tant que législateur, nous avons contribué à l’élaboration de politiques publiques efficaces. Au-delà de nos obédiences ou chapelles politiques, nous avons su être à la hauteur des enjeux.
Je tiens, à cette occasion, à rendre hommage au Premier ministre Édouard Philippe, votre prédécesseur, pour le travail considérable qu’il a mené avec l’ensemble des membres de son gouvernement, avec méthode, pédagogie et détermination, sur le front de la lutte contre la propagation du virus, sur le front de la sauvegarde de l’emploi et sur le front du soutien aux plus vulnérables.
Dès le début de la crise, un ambitieux plan d’urgence a été enclenché. Ainsi, 430 milliards d’euros ont été déployés, avec le recours massif au chômage partiel, les prêts garantis par l’État, la mise en place du fonds de soutien et de solidarité et une panoplie de mesures sectorielles sans lesquelles des pans entiers de notre économie auraient été réduits à néant. Je pense à l’aéronautique, à l’automobile, à l’hôtellerie, à la restauration, à la culture, et à bien d’autres encore.
Je tiens également à féliciter les élus locaux qui, tout au long de la crise, ont su illustrer leur rôle d’acteurs de proximité. Chacun d’entre nous, par nos échanges et nos contacts permanents avec eux, peut en témoigner : ils n’ont jamais ménagé leurs efforts.
Les élus locaux ont invariablement su répondre à l’urgence pour repenser la vie de leur territoire au service de nos concitoyens. Oui, les collectivités territoriales sont les maillons essentiels de la reprise.
Alors que les réformes ambitieuses menées par le Gouvernement pendant trois ans avaient permis au chômage d’atteindre son plus bas niveau depuis dix ans, au pouvoir d’achat de connaître sa plus forte progression et à notre pays de figurer parmi les plus attractifs du continent, nous avons su combattre ce virus avec réactivité et faire face aux difficultés.
La crise a révélé nos forces, mais également nos faiblesses.
Notre système de soins a tenu bon, lorsque celui de certains de nos voisins a fait défaut. Dans le même temps, la crise a révélé nos fragilités, parmi lesquelles notre trop grande dépendance aux industries étrangères, notamment dans des secteurs stratégiques. Mais l’heure n’est pas au bilan, elle est à l’action.
Monsieur le Premier ministre, vous avez reçu la mission d’organiser le déconfinement, avec une feuille de route précise, des étapes scrupuleusement respectées, un travail de pédagogie et un sérieux largement appréciés.
Ce sérieux, nous le devons à tous les Français qui, durant de longs mois, ont accepté de restreindre leurs libertés. C’est ce sens de l’intérêt général dont ont fait montre les Français qui doit nous inspirer et guider nos choix.
De par votre expérience d’élu local, vos compétences reconnues au-delà des clivages politiques, vous avez mené à bien, en lien avec les collectivités territoriales, les services de l’État et les élus locaux, une stratégie de déconfinement qui s’annonçait pourtant périlleuse. Vous avez permis une reprise progressive de nos déplacements, de nos activités, de ce vivre ensemble à la française auquel nous sommes attachés.
Pour que cette reprise perdure, nous devons faire preuve à la fois de solidarité, d’inventivité et de responsabilité.
La crise économique qui se profile a renforcé, chez les Français, cette peur du déclassement aux quatre coins du territoire national. Cette crise doit donc être l’occasion de réconcilier nos territoires, avec l’ambition de restaurer la confiance de nos concitoyens les uns envers les autres.
La République une et indivisible ne doit pas demeurer un vain mot. Elle doit s’incarner dans les actes que nous mènerons ensemble, collectivement. Chacun d’entre nous doit prendre pleinement conscience de la gravité de la situation à laquelle nous sommes confrontés.
Oui, mes chers collègues, nous sommes à la croisée des chemins. Soit nous agissons collégialement pour lutter efficacement contre les fragilités économiques, les situations sociales délicates, les difficultés rencontrées par nos concitoyens, soit nous sombrons dans le pessimisme mortifère, l’invective permanente, le culte de la division et de l’opposition.
Sachons être dignes des exigences légitimes des Français, qui attendent de nous, élus de la Nation, un esprit de concorde, de construction commune, en faveur du seul intérêt qui compte : celui de notre pays.
Pour ce faire, nous devons faire preuve d’humilité, rappeler ce qui a été réalisé depuis le début de la crise, mais également faire le point sur nos actions, sans craindre le jugement hâtif ou partiel de ceux qui pensent pouvoir faire mieux, davantage, tout le temps et dans tous les domaines.
Laissons-leur les certitudes. Tâchons d’emprunter pour notre part le chemin de la coconstruction.
Le président Larcher dit souvent que nous représentons les territoires, et certains vous reprochent aujourd’hui de faire trop appel aux territoires. Or quand on parle aux territoires, on ne parle pas seulement au Parlement, monsieur le Premier ministre, on parle aux Français qui, quotidiennement, sont confrontés aux difficultés que vous avez évoquées dans leur travail, dans leur santé, dans leurs déplacements. Ce sont ces réponses concrètes que j’ai entendues aujourd’hui.
Sachez que je ne crois pas à l’uniformité des politiques publiques, sorte de maladie qui a frappé notre pays tout au long de son histoire récente. C’est en raison d’une approche monolithique des difficultés rencontrées, comme des solutions envisagées, que nous avons été dans l’incapacité de penser un modèle d’inclusion qui puisse satisfaire l’ensemble de nos concitoyens, de Brest à Strasbourg, du Havre à Prades.
À ce titre, Monsieur le Premier ministre, vous avez exprimé votre soutien au droit à la différenciation, que vous souhaiteriez voir consacré dans une loi organique.
Farouche partisan de la décentralisation, je suis persuadé que nous devons entamer une nouvelle étape de celle-ci. La reprise économique et la lutte contre les inégalités sociales ne pourront être permises que si les territoires en deviennent les acteurs centraux.
Vous avez fixé un cap et tracé un chemin. La gestion à court terme des crises ou d’autres urgences ne peut être l’apanage d’une politique qui se veut ambitieuse. Notre politique doit s’inscrire dans le temps long : celui de la réflexion, de l’anticipation et de l’action.
Comme l’a rappelé Emmanuel Macron à l’occasion de son intervention télévisée, nous devons définir une perspective, engager des réformes nécessaires à la survie de notre système dans la concertation, l’écoute et le respect du travail en commun. Identifier les secteurs d’avenir, investir dans la transition énergétique, préparer un plan pour la jeunesse : tels sont les chantiers que vous annoncez et que nous soutiendrons.
Vous avez parlé des retraites, monsieur le Premier ministre. Cela fait trente ans que nous reculons sur ce problème ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Comme si rien n’avait été fait avant !
M. François Patriat. Au moment où nous voulons engager une réforme ambitieuse et équitable, devrait-on une fois encore reculer, parce que ce ne serait pas encore le moment ? Je crois que le Gouvernement a raison de vouloir insister et mener à bien cette réforme aujourd’hui, dans la justice sociale et dans l’efficacité.
Nous nous réjouissons que les collectivités territoriales, les partenaires sociaux et les citoyens soient pleinement associés à la mise en œuvre concrète de cette reconstruction. Oui, nous ne pourrons agir les uns sans les autres, vous l’avez dit : les élus sans les administrés, les villes sans les campagnes, les entreprises sans les salariés et réciproquement. J’en ai la certitude : la reconstruction sera le fruit d’un travail collectif ou ne sera pas.
Vous avez présenté et détaillé les principaux axes du plan de relance. Vous avez évoqué la santé, la justice, les transports, l’emploi, les problèmes de proximité, l’environnement et l’écologie. Le soutien aux secteurs en difficulté, la prise en compte des enjeux démocratiques du futur et la valorisation du dialogue social sont autant d’outils efficaces dans cette période de crise à laquelle nous sommes quotidiennement et collectivement confrontés.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des mesures que vous avez énoncées, monsieur le Premier ministre : lutte contre le décrochage scolaire, investissements massifs à hauteur d’un milliard et demi d’euros supplémentaires dans la formation, extension du dispositif d’activité partielle de longue durée, aménagements de la réforme de l’assurance chômage, rénovation thermique des bâtiments.
Le Ségur de la santé s’est achevé la semaine qui a suivi votre prise de fonction, monsieur le Premier ministre. Vous avez voulu qu’il se concrétise par des avancées sans précédent.
Mes chers collègues, quel gouvernement depuis trente ans aura fait autant pour effacer la dette des hôpitaux, pour mieux rémunérer le personnel soignant, pour permettre d’investir à l’hôpital ? Personne ne l’a jamais fait à cette hauteur ! Ceux qui s’interrogent aujourd’hui pour savoir si le Gouvernement agit devraient lui donner acte de ces avancées dans le seul domaine de la santé.
Investissement et transformation seront les maîtres mots de l’action du gouvernement que vous avez l’honneur de diriger, monsieur le Premier ministre. Nous nous en réjouissons.
Je retiendrai deux éléments fondateurs de votre intervention : une ambition claire et une obligation de résultat concret. Ce sont notre détermination, notre énergie et notre capacité à rebâtir qui permettront à notre pays de relever les immenses défis qui se présentent à tous.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. François Patriat. Après vous avoir entendu, après avoir écouté vos propositions à la fois concrètes, pragmatiques et de proximité, ainsi que leur séquençage dans la durée des 600 jours qui nous restent, monsieur le Premier ministre, le groupe La République En Marche vous apportera son soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier pour la qualité des propos que j’ai entendus ce matin – elle ne me surprend pas.
Ne doutez pas, mesdames, messieurs, de notre détermination très forte dans ce contexte si particulier à vouloir poursuivre et accélérer la relance de notre économie. Tel est notre premier objectif.
Je n’ai d’ailleurs pas perçu dans la majorité des expressions publiques de divergence fondamentale,…
Mme Sophie Taillé-Polian. Vous avez mal entendu, alors !
M. Jean Castex, Premier ministre. … ni sur les principes – restaurer la croissance la plus forte possible, la plus riche en emplois, la plus tournée vers la transition écologique –, ni sur le contenu de nos propositions que la concertation améliorera, j’en suis certain, ni même sur la méthode que j’ai proposée, à savoir le dialogue, la proximité et le pragmatisme.
J’ai entendu des interrogations sur le financement de ce plan.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Jean Castex, Premier ministre. Elles sont légitimes. Ces interrogations ont été exprimées de façon traditionnelle, c’est-à-dire que, après s’être accordés sur l’idée de ne pas créer de dette pour les générations futures et de respecter les équilibres, les mêmes intervenants proposent des baisses d’impôts, tandis que d’autres nous reprochent de ne pas en faire assez…
M. Julien Bargeton. Et voilà !
M. Jean Castex, Premier ministre. Je crains que, à l’arrivée, le solde ne s’en trouve guère amélioré.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais quelle est donc votre réponse quant au financement ? Comment financerez-vous ?
M. Jean Castex, Premier ministre. Il s’agit tout d’abord, monsieur le sénateur, d’un plan d’investissement, et non de dépenses de fonctionnement pérennes, qui sera entièrement orienté vers la croissance, l’amélioration de la compétitivité de notre économie et la formation des hommes et des femmes de notre pays.
Il y a certes, cela a été relevé, une exception forte : il s’agit du Ségur de la santé. Mais je veux dire clairement que nous devrions toutes et tous nous en réjouir, mesdames, messieurs les sénateurs, tant nous ne faisons qu’œuvre de rattrapage, et tant notre système de santé est sans doute le bien le plus précieux de notre système de protection sociale et de cohésion nationale.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Absolument !
M. François Patriat. Très bien !
M. Jean Castex, Premier ministre. Ne pas le faire dans les circonstances que nous venons de traverser eut été une erreur profonde. Revendiquons ensemble cette reconnaissance juste de la Nation à l’égard de tous ces personnels. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.) Elle a sans doute un coût, mais se concentrer sur ce point n’est pas la bonne façon d’aborder le problème.
Pour autant, j’entends – et je partage ce point de vue – que cela doit s’accompagner d’une amélioration de l’organisation de notre système de santé, qui est d’ailleurs tout à fait dans la logique de transformation que nous revendiquons.
Par ailleurs, vous me donnez, et je vous en remercie, l’occasion de vous parler d’Europe.
J’ai eu l’honneur d’apporter, très modestement, ma contribution à la gestion de la précédente crise de 2008-2010. Je l’ai vécue de l’intérieur. Elle était difficile, et l’on explique, hélas à juste titre, que celle dans laquelle nous sommes engagés aujourd’hui sera beaucoup plus forte. Je perçois toutefois une différence, qui a été justement soulignée par le président Malhuret : il n’y a pas eu de véritable solidarité européenne dans la gestion de la crise de 2008, malgré les efforts alors déjà déployés par la France.
Quelque 35 milliards d’euros du plan de relance que nous vous soumettrons sont financés par l’Europe. C’est une différence majeure, à laquelle, je me permets de vous le rappeler, la France et le Président de la République ont apporté une contribution décisive.
Vous avez raison, nous devons poursuivre cette approche européenne et l’amplifier en matière de politique industrielle. Les grands champions doivent être européens. Ne racontons pas de mensonges à nos concitoyens : la France ne pourra pas agir seule en la matière. De même, la politique écologique doit être européenne. J’ai entendu parler de taxe carbone aux frontières et d’une évolution, à laquelle je souscris pleinement, de la politique de la concurrence et des règles qui la structurent.
Beaucoup ont évoqué, comme je l’ai fait moi-même, la perspective d’utiliser cette crise comme une opportunité. Cela vaut aussi pour l’Europe, qui doit retrouver à cette occasion de la crédibilité auprès de nos concitoyens.
Vous avez été nombreux à rappeler que la crédibilité renvoie à la confiance. Nous ne réussirons la mise en œuvre de tous ces plans, de toutes les propositions que vous avez formulées sur toutes les travées que si les Françaises et les Français prennent conscience de la nécessité de lutter avec nous contre la crise, de se mobiliser, comme beaucoup l’ont fait dans la dimension sanitaire de cette dernière.
Pour cela, il nous faut retrouver, à l’occasion de cette crise, les bases de la confiance. Pour cela – je me retrouve dans les propos de beaucoup d’entre vous –, nous devons ensemble porter les valeurs d’autorité de l’État, de respect de la laïcité républicaine, d’écoute, de sens des responsabilités, de courage dans la conduite de réformes indispensables à notre pays. Nous devons incarner ces valeurs, afin de vaincre et de sortir plus forts de ce moment incontestablement très difficile.
Soyez assurés que je ne perds pas de vue l’immensité de la responsabilité qui pèse sur mes épaules. Mais c’est précisément parce qu’elle est immense que j’ai la conviction intime que je ne pourrai m’en affranchir qu’en mobilisant et en impliquant non seulement la représentation nationale, mais même l’ensemble de notre pays, sous l’autorité du Président de la République, autour du service de l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Loi de finances rectificative pour 2020
Discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2020 (projet n° 624, rapport n° 634).
Mes chers collègues, pour le respect des règles sanitaires, je vous rappelle qu’il convient de laisser un siège vide entre deux sièges occupés ou, à défaut, de porter un masque. Je rappelle également que les sorties de la salle de séance doivent exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle.
Discussion générale
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, Olivier Dussopt et moi-même vous présentons aujourd’hui un troisième projet de loi de finances rectificative visant à faire face à la situation économique sans précédent à laquelle la France est confrontée, comme tous les autres sur la planète.
La situation économique dans laquelle nous nous trouvons – j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises – n’a pas d’autre équivalent que la grande récession de 1929 par la violence du choc que nous avons connu.
Nous maintenons donc notre prévision de récession de moins 11 % du PIB pour 2020. Nous disposons aujourd’hui de premiers indicateurs positifs, qui montrent que les mesures que nous avons prises avec le Président de la République et le Premier ministre ont permis de restaurer une confiance et d’engager un certain nombre de décisions économiques positives.
Je pense à la consommation des ménages, qui se maintient. Je pense aussi aux créations d’entreprise, qui ont retrouvé en juin 2020 leur niveau de juin 2019. Tous ces indicateurs positifs ne modifient pas pour le moment notre prévision de croissance pour 2020, mais ils nous encouragent à poursuivre et à intensifier nos efforts de soutien à l’économie.
Je veux profiter de cette prise de parole pour redire à tous nos compatriotes que, depuis le premier jour, avec le Président de la République et le Premier ministre, nous avons répondu présents pour soutenir les entreprises et pour protéger les salariés. Aussi longtemps que durera cette crise économique, nous serons présents pour soutenir les entreprises et pour protéger les salariés.
Je veux également profiter de cette intervention pour rappeler les différentes mesures que vous avez adoptées et qui nous ont permis d’amortir le choc économique qui est tombé sur la France.
À l’heure où je vous parle, nous avons mis sur la table 460 milliards d’euros.
M. Jean-Pierre Sueur. Qui va payer ? On ne le sait toujours pas !
M. Bruno Le Maire, ministre. L’efficacité des mesures que nous avons mises en œuvre dès le mois de mars a été reconnue par les entreprises et par les salariés.
Quelque 300 milliards d’euros ont été engagés au travers des prêts garantis par l’État. Aujourd’hui, un demi-million d’entreprises ont bénéficié de ces prêts garantis pour un montant de 100 milliards d’euros, sachant que 90 % des entreprises concernées sont de très petites entreprises de moins de dix salariés. Protéger les plus petits et les plus fragiles : telle était notre obsession.
Quelque 30 milliards d’euros ont financé l’activité partielle de millions de salariés. Nous avons fait un choix politique majeur : défendre l’emploi au prix d’un endettement accru de la France, parce que nous estimons qu’il coûte moins cher de protéger l’emploi au prix d’un endettement que d’aboutir à des drames sociaux partout sur le territoire français.
Le fonds de solidarité que nous avons prévu pour les petites entreprises et pour les indépendants a bénéficié à 1,7 million de très petites entreprises, qui ont reçu plus de 5 milliards d’euros.
Enfin, des reports de charges ont permis de soulager la trésorerie des entreprises à hauteur de 35 milliards d’euros.
À tous ceux qui nous demandent : « La relance, c’est pour quand ? », je réponds donc que la relance, c’est maintenant, qu’elle a commencé le 16 mars dernier et que depuis le premier jour elle n’a jamais cessé, car nous avons dû répondre massivement et rapidement à l’urgence économique, je le répète.
Cette relance, elle s’est poursuivie en avril, avec un deuxième projet de loi de finances rectificative. Elle continue aujourd’hui avec ce troisième projet de loi de finances rectificative, qui, comme les deux premiers, vise l’objectif d’adapter nos réponses à la réalité de la situation économique. Elle se poursuivra enfin, dès la fin de l’été, grâce à un plan de relance de 100 milliards d’euros, qui sera présenté par le Président de la République et le Premier ministre.
Un mot sur ce plan de relance : il figurera dans le projet de loi de finances pour 2021. Il n’y aura donc pas de quatrième projet de loi de finances rectificative, ni de loi ordinaire supplémentaire.
Nous avons privilégié la simplicité, la cohérence et la rapidité en inscrivant toutes ces nouvelles mesures dans le projet de loi de finances pour 2021, avec un seul objectif : répondre le plus vite possible aux entreprises, aux filières industrielles et aux salariés qui s’inquiètent pour leur emploi. Avec le Président de la République et le Premier ministre, il nous a paru plus utile, plus efficace et plus simple et d’inscrire ce plan de relance dans le projet de loi de finances pour 2021.
S’agissant du texte que nous examinons aujourd’hui, pour simplifier la présentation, je dirai qu’il repose sur deux volets essentiels.
Le premier volet, c’est le soutien aux entreprises. Nous avons fait le choix de cibler notre soutien sur les entreprises et les secteurs les plus fragilisés par la crise, grâce à une série de plans sectoriels.
Dans l’aéronautique, l’activité partielle de longue durée, par exemple, permettra à des entreprises comme Safran d’éviter tout licenciement dans les mois à venir. Je salue d’ailleurs l’accord qui a été conclu chez Safran ; il montre que, lorsque chefs d’entreprise et salariés peuvent s’entendre avec les représentants syndicaux, on sauve l’emploi sans amoindrir la compétitivité de l’entreprise.
Le texte de loi propose aussi un certain nombre de mesures pour le petit commerce, qui a été particulièrement touché par cette crise ; vous le constatez tous sur le territoire et dans les communes dont vous êtes les élus.
Quelque 100 foncières seront déployées partout en France à l’aide de la Banque des territoires, pour rénover 6 000 petits commerces. La Banque des territoires achètera donc des locaux, elle les réunira lorsque ce sera nécessaire, engagera des frais de rénovation thermique puis les louera à des commerçants à un tarif préférentiel de façon à revitaliser le commerce qui a été très durement touché, en particulier dans les communes rurales, par la crise économique.
Pour les entreprises technologiques, 500 millions d’euros ont été réservés, pour éviter que des start-up à fort potentiel ne fassent faillite uniquement à cause d’un manque de financement, ce qui serait un gâchis considérable de compétences et de savoir-faire.
S’agissant de l’automobile, les mesures du plan pour l’industrie automobile présenté par le Président de la République nous ont permis de relancer une industrie qui était en situation extraordinairement fragile à cause de la crise économique.
Les bonus pour l’achat d’un véhicule propre et la prime à la conversion ont connu un immense succès. Nous sommes un des seuls pays européens dont le nombre d’immatriculations a augmenté en juin 2020 par rapport à juin 2019. Du fait de l’immense succès qu’elles ont remporté, les 200 000 primes à la conversion prévues seront épuisées d’ici la fin du mois de juillet prochain.
Après ce dispositif, nous continuerons de proposer une prime à la conversion attractive, afin d’accélérer la baisse des émissions de CO2 et le renouvellement du parc automobile français, et de soutenir massivement les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables, afin d’atteindre notre objectif stratégique de décarbonation du parc automobile français.
Par ailleurs, au-delà de ces plans de relance sectoriels, et toujours au titre de ce premier volet de soutien aux entreprises, nous voulons continuer à soutenir la trésorerie des entreprises, car elle est aujourd’hui la plus menacée et la plus en difficulté. Deux chantiers que nous avons lancés il y a maintenant plusieurs semaines vont être prolongés et renforcés.
Le premier est celui des reports de charges. Vous le savez, nous avons déjà fait beaucoup pour reporter un maximum de charges sociales et fiscales : 35 milliards d’euros au total depuis mars dernier, dont 22 milliards d’euros de reports de charges sociales et 13 milliards d’euros de reports de charges fiscales.
À ces reports, nous avons ajouté des mesures inédites d’exonération de cotisations sociales pour les secteurs les plus touchés par la crise : pour l’hôtellerie, pour la restauration, pour la culture, pour l’événementiel, pour le tourisme, pour le transport aérien et pour les secteurs qui sont dépendants du transport aérien, nous avons annulé près de 4 milliards d’euros de cotisations sociales.