compte rendu intégral

Présidence de M. David Assouline

vice-président

Secrétaires :

Mme Jacky Deromedi,

Mme Annie Guillemot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous remercie d’excuser l’absence du président du Sénat qui assiste en ce moment même à la séance plénière au cours de laquelle le Conseil économique social et environnemental, qu’il a consulté en application de l’article 70 de la Constitution, présente le projet d’avis intitulé : La prévention et la réduction du chômage de longue durée dans une perspective daction territoriale.

Pour le respect des règles sanitaires, il vous est demandé de laisser un siège vide entre deux sièges occupés ou de porter un masque si ce n’est pas le cas.

Je rappelle que l’hémicycle fait l’objet d’un nettoyage et d’une désinfection avant et après chaque séance. Les micros seront désinfectés après chaque intervention.

J’invite chacune et chacun à veiller au respect des distances de sécurité.

Je rappelle également que les sorties de la salle des séances devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

convention citoyenne

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)

M. Jérôme Bignon. La boîte à outils de notre mécano démocratique s’est enrichie, le 25 avril 2019, d’un nouvel outil : la Convention citoyenne.

Après plusieurs mois de travail, 150 citoyens tirés au sort ont adopté 149 propositions pour « changer la société ». Cette assemblée citoyenne est confortée dans sa légitimité par l’histoire la plus ancienne, qui remonte à Athènes et passe par Montesquieu ou Rousseau. Elle est renforcée par le sérieux et l’implication dans le travail accompli, que l’on soit d’accord ou pas avec les propositions formulées. Elle ne se substitue pas aux organes de notre démocratie parlementaire, mais contribue à nourrir leur réflexion et, éventuellement, leur action.

Certaines mesures intéressantes mettent en exergue des actions déjà engagées. D’autres portent un espoir qu’il faudra traduire en actes adaptés à la réalité de notre société.

Ces travaux ne couvrent évidemment pas tous les champs nécessaires et utiles à l’évolution écologique vers laquelle notre pays s’est engagé. Des propositions, mêmes les plus pertinentes, aux solutions acceptées par une majorité de nos concitoyens, supportables par des minorités actives, ou encore financées, il peut y avoir un chemin souvent chaotique. Je pense à la question des pesticides, à la politique énergétique, ou encore aux moyens alloués à l’innovation. Tout cela n’est pas toujours aussi facile que certains le croient.

L’Europe doit également être partie intégrante de ces avancées : d’une part, parce qu’elle pourrait être l’échelon le plus efficace sur des dossiers tels qu’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne, comme la Convention l’a identifiée ; d’autre part, parce qu’elle s’est emparée du sujet climatique avec un paquet vert ambitieux qu’il va maintenant falloir négocier et agrémenter.

Nous savons tous que l’enjeu climatique est le défi de notre siècle. Je suis persuadé que la solution est la croissance décarbonée, qui passe par l’innovation, par les nouvelles énergies et par la recherche et le développement.

Le Gouvernement doit et va sûrement écouter certaines des propositions de la Convention.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jérôme Bignon. Comment envisage-t-il d’intégrer ce travail dans les stratégies et engagements de la France pour remplir nos engagements aux horizons 2030 et 2050, afin d’apporter une réponse durable à ce défi global ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Bignon, effectivement, la Convention citoyenne pour le climat, qui avait été lancée par le Président de la République à la suite du grand débat national, m’a remis ses propositions, dimanche dernier.

Cette convention, je veux le rappeler, ce sont 150 citoyens tirés au sort, à l’image de notre pays : des femmes, des hommes, de 16 à 82 ans, venant de tous les territoires. Ils ont travaillé avec beaucoup d’exigence et d’engagement pendant neuf mois. Je veux leur rendre hommage.

L’aboutissement de cette démarche est une bonne nouvelle pour la démocratie et pour l’écologie. Je partage pleinement la vision de la Convention d’une transformation écologique globale.

Comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, beaucoup de propositions sont convergentes avec les orientations que nous soutenons depuis le début du quinquennat. D’autres vont créer du débat, ce qui est normal : le Président de la République avait demandé des propositions fortes, à la hauteur du défi climatique.

Emmanuel Macron recevra des représentants de la Convention, lundi prochain. Il pourra leur indiquer les suites données à leurs propositions, dont certaines, finalisées, ont vocation à être transmises sans filtre au Parlement, voire soumises à référendum – cette étape est essentielle pour que la démocratie délibérative s’articule avec la démocratie représentative ou directe. D’autres propositions doivent encore être approfondies.

Comme l’a souligné le Président de la République, nous devons penser une reconstruction économique, écologique et solidaire. Les travaux de la Convention sont au cœur de ce projet.

plan de relance et troisième projet de loi de finances rectificative

M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat a voté les deux premiers projets de loi de finances rectificative qui comportaient des mesures de soutien efficaces et immédiates.

En revanche, il s’interroge sur le troisième projet de loi de finances rectificative, même si l’on peut regretter que certaines mesures réglementaires n’aient pas été prises à temps. Je pense à la TVA à 5,5 % sur les tenues de protection, à propos de laquelle l’arrêté n’est toujours pas pris. Toutefois, un article paru dans un célèbre journal satirique du mercredi va sans doute permettre la parution de ce texte dans la semaine – comme quoi…

Le prochain projet de loi de finances rectificative constitue une déception en ce qu’il ne comporte aucune mesure de relance, alors que le PIB de notre pays connaît une chute de plus de 11 %. L’Allemagne, par exemple, a décidé des mesures de relance de plus de 50 milliards d’euros, dont plus de 9 milliards d’euros consacrés à l’hydrogène, ce qui représente un investissement de plus de 5,5 % de son PIB contre 2,5 % en France.

En outre, ce projet de loi de finances rectificative ne comporte aucune mesure pour relancer l’investissement des entreprises, lequel a pourtant chuté de 20 % à 25 %. Il ne comporte non plus aucune mesure sur la consommation des ménages, à l’exception du secteur automobile.

Il ne comporte aucune mesure pour inciter les collectivités à investir. Je pense, en particulier, au retard pris dans les contrats de plan État-région (CPER) ou dans le très haut débit qui ont des besoins considérables.

Il ne comporte enfin aucune mesure sur l’épargne des ménages : 100 milliards d’euros ont été « confinés » qui pourraient servir à investir ou à consommer.

Nous sommes nombreux au Sénat à soutenir des mesures de relance dès maintenant. J’ai moi-même proposé des mesures fortes. Si nous attendons, comme le Gouvernement le prévoit peut-être, le projet de loi de finances pour 2021, nous aurons perdu six mois pendant lesquels nous connaîtrons des défaillances d’entreprise.

Ma question est donc très simple : pourquoi attendre pour adopter des mesures de relance indispensables ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Monsieur de Montgolfier, vous avez raison de le souligner, cette crise est inédite avec une baisse attendue de notre produit intérieur brut de 11 %.

Très rapidement, et vous l’avez salué, nous avons pris quatre mesures d’urgence qui ont permis de venir au secours de notre économie – et ces mesures ont été prises plutôt plus rapidement que dans beaucoup de pays européens : les prêts garantis par l’État, par exemple, ont été disponibles quelques jours seulement après leur vote dans cet hémicycle. Je pense également au chômage partiel, au report de cotisations sociales et fiscales et au fonds de solidarité qui a été au rendez-vous pour les indépendants.

Ces plans de secours sont complétés par des plans de soutien et d’urgence sectoriels. L’enjeu est aujourd’hui de stabiliser notre économie, et c’est ce que nous faisons avec 14 milliards d’euros de financements – ce n’est pas tout à fait l’épaisseur du trait ! – qui complèteront les efforts déjà déployés pour porter à 18 milliards d’euros le plan pour le tourisme, à 10 milliards d’euros celui de l’automobile, avec un soutien à l’électrification de notre flotte, à 15 milliards d’euros le plan aéronautique, qui vise à soutenir la recherche et le développement pour le futur en investissant dans l’avion décarboné, à 1 milliard d’euros le plan pour la Tech et à 400 millions d’euros celui qui est dédié à la culture. Autant de mesures qui sont aujourd’hui nécessaires pour accompagner les entreprises.

Ces plans sont également complétés par des mesures transversales telles que le remboursement anticipé de créances, le report des déficits ou la prime exceptionnelle à l’embauche des apprentis, mesures extrêmement attendues et par les entreprises et par les jeunes.

Ils seront prolongés par un plan de relance auquel nous travaillons et qui visera à accompagner la transformation de notre économie. Nous avons déjà des crédits disponibles : le suramortissement fiscal est un élément de transformation. Rassurez-vous, monsieur le sénateur, nous ne manquons pas de carburant pour avancer. Mais avant de mettre en place ce plan de relance, il faut stabiliser notre économie et disposer d’une vision claire de l’économie mondiale.

M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Nous serons au rendez-vous, dès le mois de septembre prochain, pour un quatrième projet de loi de finances rectificative.

soutien à l’apprentissage dans les collectivités territoriales

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

Mme Patricia Schillinger. La crise sanitaire et économique qu’a connue notre pays est aussi une crise humaine et sociale.

Les dispositifs mis en place tels que le fonds de garantie ou le dispositif de chômage partiel ont constitué un soutien essentiel pour les salariés et les indépendants.

Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé un vaste plan de soutien à l’apprentissage, afin que l’entrée dans la vie professionnelle des jeunes générations ne soit pas sacrifiée.

Dans cette optique, le troisième budget rectificatif pour 2020 prévoit une prime exceptionnelle pour les entreprises qui recruteront un apprenti du 1er juillet 2020 au 28 février 2021 : cette aide s’élève à 8 000 euros pour les majeurs et à 5 000 euros pour les mineurs.

Monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, notre action en faveur de cette génération doit être forte, déterminée et innovante. L’un de ses axes est l’intégration d’apprentis au sein de la fonction publique, notamment auprès des collectivités territoriales.

La loi de transformation de la fonction publique a prévu plusieurs mesures favorisant l’apprentissage dans la fonction publique : alignement des modalités de rémunération des apprentis du secteur public sur celles des apprentis du secteur privé, mesures dans la fonction publique hospitalière, ou encore participation du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) aux frais de formation des apprentis.

Pour autant, il est urgent de soutenir plus encore le recrutement d’apprentis dans la fonction publique, tout particulièrement dans la fonction publique territoriale. Je le dis avec conviction : les collectivités sont vos alliées dans cette stratégie en faveur de la génération qui vient, celle qui, je le répète, ne peut et ne doit être une génération perdue.

Ma question est donc simple : quelles mesures concrètes comptez-vous mettre en œuvre pour soutenir l’apprentissage dans la fonction publique ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Comme vous l’avez souligné, madame la sénatrice, la loi de transformation de la fonction publique facilite le recours à l’apprentissage dans la fonction publique. Nous sommes convaincus qu’il s’agit, pour le public comme pour le privé, d’une formation d’excellence, extrêmement professionnalisante, qui permet de nombreux débouchés.

Nous avons fait en sorte de développer l’apprentissage pour les métiers du secteur hospitalier, ce qui n’était pas le cas auparavant. Nous avons aussi fait en sorte de faciliter le recours à l’apprentissage dans la fonction publique d’État. En 2021, nous réaliserons ainsi un effort particulier pour augmenter de 15 % le nombre d’apprentis accueillis dans les services de l’État, afin de le porter à 13 000 au total, avec des efforts significatifs des ministères ayant les filières industrielles les plus professionnalisantes.

Nous avons aussi prévu de faire de l’apprentissage une filière de recrutement attractive en permettant notamment aux apprentis en situation de handicap d’obtenir une titularisation à titre dérogatoire aux corps et aux cadres d’emplois de la fonction publique pour faciliter leur insertion professionnelle.

En ce qui concerne la fonction publique territoriale, trois mesures peuvent être évoquées. Tout d’abord, et vous l’avez rappelé, la loi du 6 août 2019 a sécurisé le financement de la formation des apprentis : le CNFPT finance désormais 50 % des frais de formation.

En outre, pas plus tard que ce matin, le conseil d’administration du CNFPT a examiné la convention de partenariat avec France compétences et j’ai signé l’arrêté permettant de sécuriser la participation de cette agence au financement de l’apprentissage.

Enfin, nous travaillons à un dispositif exceptionnel qui consisterait, comme dans le secteur privé, à accompagner les employeurs publics territoriaux avec un dispositif d’aide au recrutement, notamment pour faire face à la période de crise que nous connaissons. Les échanges sont en cours pour fixer les bonnes modalités. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

urgence et conditions du plan de relance économique

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question sera complémentaire de celle de M. de Montgolfier.

À partir de septembre prochain, nous allons à l’évidence affronter une grave crise économique et sociale. Un plan de relance s’impose pour en réduire l’impact et tâcher d’en sortir au plus vite. Mais notre situation budgétaire ne nous permet pas de le mettre en œuvre seuls : c’est à l’échelle de l’Union européenne qu’un tel plan doit se déployer. Mes chers collègues, le plan de relance sera européen ou ne sera pas.

C’est pourquoi le sommet européen des 17 et 18 juillet prochains – et l’éventuel sommet suivant – consacré à ce sujet va être déterminant. Les Européens, la France en particulier, ont une obligation de résultat. L’exécutif en a d’ailleurs bien conscience, comme en témoignent les déplacements du chef de l’État aux Pays-Bas et bientôt en Allemagne.

Le plan de relance européen est un projet de grande ampleur qui peut impliquer d’aller plus loin dans l’intégration. Mais il ne pourra aboutir sans ressources supplémentaires.

Les deux solutions de financement les plus prometteuses sont la taxe Gafam et la taxe carbone aux frontières. Elles sont assises sur deux marqueurs de notre temps : la révolution numérique et la crise environnementale. La taxe Gafam s’impose pour faire contribuer les géants du numérique aux charges collectives. La taxe carbone répond à l’urgence écologique en rétablissant une équité économique entre les pays de l’Union européenne et les pays extérieurs, la Chine en tête. Aussi, quelles sont les perspectives sur la taxe Gafam et sur la taxe carbone aux frontières ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Monsieur Bonnecarrère, merci de mettre en lumière la proposition historique de la Commission européenne : lever 500 milliards d’euros de dette commune pour financer un plan de relance du même montant, c’est du jamais vu dans la construction européenne. C’est un signal fort pour l’Union européenne et pour notre capacité à relever ce défi.

Vous avez raison, nous fondons beaucoup d’ambition sur le prochain Conseil européen. Nous espérons qu’il adoptera rapidement ce plan de relance nécessaire pour l’Union européenne et pour la solidarité économique de l’ensemble des pays membres, car nous faisons groupe, nous faisons masse en matière économique.

Au-delà des financements qu’elles pourraient apporter, les deux taxes que vous évoquez représentent symboliquement la reprise en main de notre souveraineté en faisant payer l’accès à notre marché unique et en permettant de mettre en place une concurrence loyale pour l’ensemble des pays qui alimentent ce même marché. C’est de cela qu’il s’agit.

En ce qui concerne le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, Mme von der Leyen s’est engagée à nous faire des propositions d’ici à la fin de l’année. L’OCDE avance sur la question de la taxe sur les plateformes numériques. Je souligne d’ailleurs que les États-Unis sont toujours à la table des négociations, quelle que soit la communication faite par ailleurs. Faute d’accord au sein de l’OCDE, le commissaire Thierry Breton a été parfaitement clair : cette taxation se mettra en place au niveau de l’Union européenne.

Avec ces deux éléments, nous envoyons un signal fort : nous sommes une économie ouverte, mais nous sommes aussi sortis de l’ère de la naïveté. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

fracture numérique

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Josiane Costes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le numérique apparaît comme un facteur de notre résilience face à la crise sanitaire. Il a permis le maintien de l’enseignement, de l’activité économique ou du lien social. Mais cette expérience nous a aussi rappelé l’ampleur des fractures sociale, territoriale et numérique.

Selon un récent rapport de l’Insee, un Français sur six est un illettré numérique, un sur cinq ne sait pas communiquer avec internet, un sur trois manque de compétences de base, et 80 % de ceux qui n’utilisent pas internet ont plus de 60 ans.

Les personnes les plus fragiles sont donc aussi celles qui rencontrent le plus de difficultés à accéder à cet outil indispensable. C’est d’ailleurs l’objet du travail de notre collègue Raymond Vall dans le cadre de la mission d’information sur la lutte contre l’illectronisme créée sur l’initiative du groupe RDSE.

Il faut encore ajouter les disparités de déploiement du réseau sur le territoire et le manque d’équipement des familles les plus précaires. Les difficultés liées à l’enseignement à distance l’illustrent : un seul ordinateur pour toute une famille ; un réseau que l’on atteint dans un coin de la maison ou au fond du jardin ; impossibilité dans certains logements de trouver le calme. Ces situations sont parfois insurmontables quand 5 à 10 % des élèves ont été injoignables.

Des initiatives existent : maisons France services, plan France Très haut débit, centres sociaux connectés ou pass numérique. Néanmoins, les circonstances actuelles conduisent à amplifier notre effort de réduction de toutes ces fractures, alors que les inégalités se multiplient. Si le confinement a accru l’intérêt pour le télétravail, cette perspective se solde aussi par des attentes déçues dans de nombreux territoires. La faiblesse du débit empêche trop souvent l’installation de nouveaux habitants, là où il y en a justement le plus besoin.

Envisagez-vous, monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, d’accélérer la politique de l’État en la matière ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances et du ministre de laction et des comptes publics, chargé du numérique. Madame Costes, vous évoquez une réalité particulièrement cruelle lors du confinement, mais qui préexistait à ce dernier. C’est une réalité que les élus et les services, sur le terrain, connaissent extrêmement bien, celle qui différencie ceux qui sont connectés de ceux qui ne le sont pas.

Cette réalité va au-delà du cas particulièrement problématique des personnes âgées. Ceux qui ont pu assister, comme moi, à des sessions de formation de Pôle emploi savent qu’on y rencontre énormément de jeunes qui sont très forts pour aller sur les réseaux sociaux, mais qui ont énormément de mal à actualiser leur fiche sur le site de Pôle emploi, à rédiger un CV ou même à transférer un e-mail.

Cette réalité a été particulièrement cruelle durant le confinement. Des tâches extrêmement basiques ont été inaccessibles pour nombre de nos concitoyens, qu’il s’agisse de télécharger une attestation de sortie ou même, dans leurs relations sociales, de réaliser une visioconférence avec leurs proches ou leurs petits-enfants, creusant par là une fracture qui est une fracture économique, sociale, sociétale et qui alimente une colère qui a affleuré lors du grand débat où quasiment à chaque réunion physique les participants ont évoqué le numérique comme un facteur et un vecteur d’une forme d’exclusion.

Nous devons faire plus. Nous devons travailler sur la connexion ; c’est ce qu’Agnès Pannier-Runacher, Julien Denormandie et moi-même faisons. Nous devons accélérer l’effort sur l’équipement. Vous avez cité l’exemple des familles ayant un seul ordinateur. Quand cinq enfants doivent suivre l’éducation à distance, c’est un énorme problème. Nous devons particulièrement faire un effort sur les usages, puisqu’il ne s’agit pas d’avoir la connexion, encore faut-il savoir se servir d’internet.

Un certain nombre de politiques publiques ont été mises en place depuis trois ans pour accélérer la réduction de la fracture numérique. Ce que nous dit le confinement, c’est qu’il faut accélérer et que cette fracture, qui préexistait, est maintenant béante et qu’il faut s’en saisir au bon niveau, notamment dans le cadre du plan de relance. C’est ce à quoi nous travaillons.

M. Didier Mandelli. Très bien !

plan de licenciements chez nokia alcatel-lucent

M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Christine Prunaud. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en 2015, le ministre Macron promettait la sauvegarde de tous les emplois lors du rachat du français Alcatel par le finlandais Nokia.

Cinq ans plus tard, après déjà trois plans de licenciements, Nokia persiste à appliquer son modèle de destruction de l’emploi avec la suppression de 1 233 postes en France, dont 400 sur le site de Lannion dans mon département, les Côtes-d’Armor. Les licenciements affecteraient le service de recherche et développement qui travaille pourtant à l’arrivée de la 5G et de la cybersécurité. Dois-je vous rappeler que ce groupe touche annuellement entre 65 et 80 millions d’euros de crédit d’impôt recherche qui finance 30 % des 2 500 salariés de ce même service ?

Cette trahison des salariés n’a pour seul objectif que l’augmentation des rémunérations des actionnaires et des hauts dirigeants du groupe. Tout cela sur le matelas bien confortable des subventions publiques dont Nokia s’est gavée. C’est tout simplement le sens des éternels licenciements boursiers.

Les sites de Lannion et de Nozay dans l’Essonne participent pleinement à la réussite du groupe avec des compétences indispensables pour notre pays dans la maîtrise de nos réseaux de télécommunication.

La simple demande à Nokia de revoir sa copie ne suffit pas ! Quand le Gouvernement s’engagera-t-il totalement en faveur de l’emploi, de la recherche et de l’industrie en interdisant les licenciements boursiers ? Comment compte-t-il sauvegarder notre souveraineté industrielle ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Madame la sénatrice Prunaud, Nokia a effectivement annoncé un plan de réduction très important de sa recherche et développement en France, laquelle n’est pas uniquement orientée vers la 5G d’ailleurs. Le léger retard pris par notre pays à cet égard constitue un élément auquel nous devons être particulièrement vigilants. Je vous confirme que nous avons demandé à Nokia de revoir l’ampleur de ce plan et de minimiser le nombre de départs volontaires.

Nous sommes aux côtés des salariés depuis cinq ans. (M. Fabien Gay le conteste.) La France est l’un des seuls pays, voire le seul, à avoir été protégé des restructurations de cette entreprise. C’est un fait ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

Autre fait, voilà quelques années, Alcatel se trouvait malheureusement dans une situation bien difficile, et vous le savez comme moi. Le rapprochement avec Nokia était la seule façon de sauver des emplois en France, de sauver cet acteur européen, confronté à la concurrence d’Ericcson, autre acteur européen pour lequel nous essaierons d’élaborer un centre de recherche et développement dans les prochaines semaines, et de Huawei, très accompagné par son gouvernement.

Sachez-le, nous allons agir aux côtés des salariés. Nous sommes à la manœuvre. Hier, nous avons reçu les organisations syndicales. Nous pousserons Nokia dans ses retranchements, pour obtenir les meilleures garanties pour les salariés, pour notre recherche et pour notre souveraineté. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

écocide