M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le secteur médical et hospitalier vient de traverser une crise sanitaire majeure qui a mis pleinement en lumière ses dysfonctionnements et la nécessité d’une réforme d’ampleur – d’une énième réforme, oserais-je dire. Dans ce contexte, je ne cacherai pas que l’examen de cette proposition de loi me laisse perplexe. Je m’interroge sur son opportunité.

Certes, l’idée est généreuse. Durant la crise sanitaire, nombreux ont été les Français qui ont témoigné leur soutien aux personnels soignants exposés au risque de contamination, épuisés par le manque de moyens et la croissance rapide de l’épidémie. Il y a eu les applaudissements de vingt heures, des dons, des mises à disposition de logements, etc. Parmi ces initiatives, l’idée de donner des jours de RTT pour permettre aux soignants de se reposer a germé.

Ce projet trouve aujourd’hui une traduction législative avec un dispositif permettant finalement de convertir des jours de repos en chèques-vacances. Or il ne s’agit pas d’une demande des personnels soignants et sa mise en œuvre soulève de sérieux doutes.

Ce n’est pas une demande des soignants, car ceux-ci ont d’autres attentes.

Tout d’abord, ils souhaitent la revalorisation de leurs salaires et, surtout, de meilleures conditions de travail, dans un contexte de dégradation de l’hôpital public et du système de santé dont nous avons pu constater l’étendue pendant la crise sanitaire et qui date de loin. Le don de chèques-vacances n’apparaît pas comme une priorité. Il pourrait même être perçu par un esprit soupçonneux comme une simple opération de communication.

Ensuite, le dispositif rend nécessaire une intervention législative pour le moins approximative. Nous ne sommes pas dans le cas de figure des lois que nous avons votées en 2014 et 2018. Il était alors question de dons de jours de repos entre salariés d’une même entreprise, destinés à soulager un proche aidant s’occupant d’un enfant malade ou d’une personne en perte d’autonomie. Le transfert d’un jour de congé d’un salarié à un autre est simple, et l’opération est neutre pour l’employeur.

Dans le cas présent, le dispositif qui nous a été présenté s’apparente plutôt à celui de la journée de solidarité, avec une monétisation des journées de travail permettant une sortie de trésorerie en direction de l’Agence nationale pour les chèques-vacances.

Comme l’a souligné notre rapporteur, ce qui est concevable au plan macroéconomique l’est moins à l’échelle individuelle, et le moment semble peu propice pour peser sur l’organisation de l’activité des entreprises, leur comptabilité ainsi que sur leurs charges de secteur public. Je reviendrai sur ce point, en évoquant les modifications apportées au texte par notre rapporteur.

Enfin, l’ANCV obtiendra-t-elle suffisamment de dons pour que l’opération ait un sens ?

Je pense qu’il faut resituer cette proposition de loi dans son contexte émotionnel.

En pleine crise sanitaire, la présence exemplaire des personnels soignants a donné l’envie de les aider en retour. Les risques s’éloignent, et il n’est pas certain que le mouvement sincère de générosité de nos concitoyens se poursuive hors du contexte de crise, chacun retournant à sa vie de tous les jours et à d’autres préoccupations. Sera-t-il alors possible de rassembler un montant réellement utile ? La somme réunie ne sera-t-elle pas disséminée entre les nombreux bénéficiaires potentiels, pour se réduire finalement à quelques euros ? L’absence d’étude d’impact ne permet pas de le savoir.

D’ailleurs, n’existe-t-il pas de façon plus simple de faire un don ? Finalement, l’idée de départ, séduisante, se traduit par une construction juridique complexe qui ne se justifie guère. La proposition de loi que nous sommes chargés d’examiner suscite en définitive de tels doutes quant à son opportunité, sa praticité et son efficacité que nous nous sommes demandé, lors de son examen en commission, quelle position nous devions adopter en tant que législateur.

Après ce que je viens de dire, le rejet de la proposition de loi paraîtrait légitime. Cependant, malgré ces réserves, il me semble difficile de se prononcer contre un texte solidaire. Le Sénat a toujours défendu les intérêts des corps hospitaliers et des personnels soignants. Le rejet d’un texte qui leur est favorable ne serait pas cohérent avec cette démarche et pourrait être mal interprété.

Nous ne pouvions cependant adopter la proposition de loi en l’état, car elle laissait de nombreuses questions dans le flou concernant sa mise en œuvre par les employeurs, ses bénéficiaires, la répartition des sommes données. Nous avons donc, sur proposition de la rapporteure, adopté en commission une série de modifications.

Je tiens à cet égard à féliciter Frédérique Puissat, qui s’est efforcée avec pragmatisme de donner un minimum de portée opérationnelle au texte. La proposition de loi a été intégralement réécrite. Elle repose maintenant sur un don de rémunération, plutôt que sur un don de jours de repos. Ainsi, la solidarité est bien attachée au salarié plutôt qu’à l’employeur et pourra s’appliquer même si le salarié ne dispose pas de jours de repos.

Une limite a été fixée dans le temps, permettant d’évaluer la somme perçue au 31 août et ciblant les personnels ayant travaillé durant la crise sanitaire. La liste fixée par arrêté déterminera les établissements des secteurs sanitaire et médico-social bénéficiaires, et ce sont eux qui seront chargés de répartir les sommes collectées entre leurs personnels.

Si ce texte nous paraît – je regrette encore de le souligner – peu utile, il témoigne cependant d’une intention généreuse et doit être compris ainsi. Il appartient désormais au Gouvernement de s’attaquer aux vrais enjeux de notre politique de santé publique. Le milieu hospitalier et le secteur médico-social attendent des changements radicaux, les choix forts et rapides annoncés par le Premier ministre lors de l’inauguration du Ségur de la santé.

Vous l’aurez compris, il s’agit non pas simplement d’une question de rémunération ou de primes, mais d’engager des réformes structurelles que nous réclamons dans cette enceinte depuis plusieurs années et qui permettraient aux soignants de se consacrer pleinement et sereinement aux métiers qu’ils exercent comme un sacerdoce. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial.

M. Édouard Courtial. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, loin des polémiques accessoires, certains sujets doivent dépasser les querelles politiciennes et les clivages partisans.

Accepter l’idée selon laquelle aucune liberté n’est possible sans sécurité, et donc soutenir nos forces de l’ordre, relève indéniablement de ces sujets. Il en est de même, tout aussi sûrement, du dévouement et du sens du devoir dont ont fait preuve les personnels soignants lors de cette crise sanitaire sans précédent.

Souvenez-vous des applaudissements qui résonnaient, il y a quelques semaines encore, chaque soir à vingt heures. Partout, dans les villes et les villages de France, le temps s’arrêtait dans une communion nationale pour rendre hommage à nos personnels soignants, ces héros qui, avec pour seules armes leur volonté et leur humanité, se battaient, avec un courage forçant l’admiration de chacun, contre cette force invisible qui voulait, et veut encore, nous abattre. Tels des roseaux, ils pliaient mais ne rompaient pas, portés par ce souffle qui défiait la tempête : celui d’une Nation retrouvée et unie qui voulait se faire entendre d’un même cœur.

Comment traduire cette émotion extraordinaire et cette reconnaissance unanime ?

Je suis, comme mon collègue Olivier Paccaud, sénateur de l’Oise, un territoire sans doute plus durement touché que d’autres. Je me devais donc d’apporter une réponse concrète et utile. C’est pourquoi, dès le 22 mars, j’ai déposé une proposition de loi permettant à tout salarié de donner un jour de repos aux personnels soignants, entendus dans le sens large. Ces RTT, qui sont des jours non de congé mais de récupération, convenaient parfaitement, sur le plan tant du symbole que du fond, à mon objectif. Cette possibilité n’est offerte, en l’état actuel du droit, qu’aux salariés d’une même entreprise, pour aider à la prise en charge momentanée d’un proche.

Conscient, d’une part, que les personnels soignants ne peuvent souvent pas, compte tenu de leurs missions, prendre leurs jours de RTT et, d’autre part, que leur rémunération n’est pas à la hauteur de leurs responsabilités, j’ai choisi de rendre ces dons monétisables sous forme de primes. Outre que cela ne coûte pas davantage aux entreprises, cette solution permettait de leur donner, même de manière temporaire, davantage de pouvoir d’achat, dont ils disposeraient comme bon leur semble.

Ce texte n’avait bien entendu pas l’ambition de répondre à la problématique beaucoup plus profonde du mal-être du milieu hospitalier et médico-social, qui implique nécessairement une amélioration des conditions de travail et une revalorisation des salaires et des carrières des personnels soignants. Cette aspiration bien légitime, qu’ils expriment encore aujourd’hui dans la rue, le Gouvernement doit y répondre.

Une prime a bien été annoncée pour récompenser leur implication dans la crise, mais il faudra beaucoup plus que cette mesure de court terme. Le Ségur de la santé doit absolument déboucher sur des avancées réelles et durables en la matière. En effet, si la crise a montré la résilience de notre système de santé et de ces personnels, elle a aussi révélé des insuffisances budgétaires profondes et récurrentes que les quatre précédents plans Hôpitaux n’ont pas permis de combler.

Le texte que j’ai proposé était donc avant tout un appel. Or celui-ci a été non seulement entendu, mais aussi plagié par la majorité au Palais-Bourbon, alors que Maxime Minot, député de l’Oise, et moi-même l’avions déposé simultanément à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Je ne suis pas là pour distribuer les bons et les mauvais points ; il nous faut d’abord penser à l’objectif recherché. Pour autant, cette méthode me laisse pour le moins songeur quant à la déontologie de certains députés, à l’opportunité douteuse dont font preuve certains auteurs de textes et à leur volonté d’incarner un nouveau monde. Celui-ci s’avérerait finalement, par certains côtés, bien pire que l’ancien s’il venait à remettre en cause une certaine honnêteté intellectuelle…

Ainsi, la pâle copie inaboutie qui nous est parvenue devait être améliorée. Elle l’a été, fort heureusement, sous la conduite de notre chère rapporteure, Frédérique Puissat. Je la remercie pour son approche constructive, dont le principal effet est d’augmenter la portée de la version initiale, sans pour autant englober entièrement ma proposition.

Je peux entendre l’idée visant à flécher les dons vers des chèques-vacances, pour encourager la reprise d’un secteur déterminant pour notre économie et auquel je suis très attaché : le tourisme. Elle réduit néanmoins considérablement le périmètre de la proposition de loi.

Cela revient, aussi, à priver les personnels soignants d’une grande partie de leur liberté quant à l’usage du don. Et s’ils souhaitaient pouvoir payer les traites de leur maison ou aider leurs enfants ? La monétisation sous forme de primes et pas seulement de chèques-vacances prend alors tout son sens. Cette mesure, que j’avais souhaité faire figurer dans mon texte, n’a pas été comprise à l’Assemblée nationale. Je regrette qu’elle n’ait pas été élargie lors de son examen au Sénat.

Néanmoins, j’entends parfaitement l’argument, tout à fait pertinent, selon lequel le dispositif proposé accroît la base des donateurs par rapport au texte originel. C’est une bonne chose. En effet, en élargissant cette solidarité par le travail, il l’ouvre à tous les salariés et ne la limite pas à ceux d’entre eux qui disposent de jours de congé. En outre, permettre un abondement complémentaire de l’employeur, ainsi que la participation à ce dispositif des non-salariés et des personnes morales via des dons financiers, est tout à fait opportun et souhaitable.

En tout état de cause, je dirai pour conclure à ceux qui l’ignorent, ou voudraient l’ignorer, que l’apport du Sénat est toujours précieux et souvent déterminant ; le rapporteur l’a encore démontré aujourd’hui.

Je suis heureux d’avoir contribué à mettre sur la table cette proposition en faveur des personnels soignants, même si notre gratitude ne sera jamais à la hauteur des vies qu’ils ont sauvées ou des soins qu’ils ont prodigués avec la compassion qui les caractérise, car leur engagement va bien au-delà de leur mission.

Ce don, qui sera peut-être possible demain, cet acte gratuit, solidaire et anonyme, est un écho à la générosité dont ils ont fait preuve. Merci à eux qui ont été la fierté de la Nation pendant cette crise. Ne les décevons pas ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion génale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi permettant d’offrir des chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l’épidémie de covid-19

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi permettant d'offrir des chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l'épidémie de covid-19
Article 1er bis

Article 1er

I. – Jusqu’au 31 août 2020, tout salarié peut décider de renoncer à sa rémunération au titre d’une ou plusieurs journées de travail afin de financer l’effort de solidarité nationale en reconnaissance de l’action des personnels mobilisés dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de covid-19.

Dans ce cas, l’employeur retient la fraction de la rémunération nette du salarié correspondant aux journées de travail concernées.

La somme correspondante est versée par l’employeur à l’Agence nationale pour les chèques-vacances mentionnée à l’article L. 411-13 du code du tourisme selon des modalités fixées par décret.

Un accord collectif d’entreprise peut prévoir un abondement de l’employeur proportionnel au nombre de journées données par les salariés de l’entreprise.

L’Agence nationale pour les chèques-vacances gère les sommes recueillies en application du présent article sur un compte mis en place à cet effet.

Ce compte peut également être alimenté jusqu’au 31 août 2020 par des dons versés par toute personne physique ou morale. Ces dons n’ouvrent droit à aucune réduction d’impôt.

Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article ainsi que les modalités d’application du dispositif aux agents publics.

II. – L’Agence nationale pour les chèques-vacances répartit les sommes réunies en application du I du présent article sous la forme de chèques-vacances entre les établissements et services sanitaires, médico-sociaux et d’aide et d’accompagnement à domicile, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, au prorata de leur masse salariale.

L’Agence nationale pour les chèques-vacances ne reçoit aucune commission liée à la cession des chèques-vacances distribués en application du présent II.

Les établissements et services mentionnés au premier alinéa du présent II sont chargés de la répartition des chèques-vacances entre leurs personnels, y compris vacataires et stagiaires, ayant travaillé entre le 12 mars et le 10 mai 2020 et dont la rémunération n’excède pas le triple du salaire minimum interprofessionnel de croissance, dans des conditions fixées par décret.

III. – Les sommes versées à l’Agence nationale pour les chèques-vacances en application du présent article qui n’ont pas été distribuées sous forme de chèques-vacances au 31 décembre 2020 sont reversées au Trésor public.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, sur l’article.

M. Guillaume Chevrollier. Je voudrais profiter de ce débat pour évoquer la situation des personnels du secteur médico-social, qu’ils relèvent du public ou du privé.

Il est évident que nous devons leur exprimer notre gratitude, car la crise sanitaire a été surmontée grâce à leur travail remarquable et à leur dévouement total au service des patients. Le travail est non seulement une nécessité financière, mais également un élément de dignité au quotidien. Le personnel soignant, quant à lui, a été d’une grande dignité.

Sans entrer dans le détail du présent texte, je vous ferai part de deux réflexions.

Premièrement, les salariés participent déjà au financement du système de santé français au travers des cotisations sociales obligatoires. La présente proposition de loi donne donc l’impression que l’État se déresponsabilise pour que les salariés, au nom de la solidarité nationale, rémunèrent en partie les vacances des soignants. Cela ne me semble pas très ajusté, et je pense que c’est à l’État de payer.

Deuxièmement, le personnel soignant demande des réformes structurelles, et non conjoncturelles. Pendant deux mois, le personnel soignant a dû essentiellement prendre en charge les personnes atteintes du coronavirus. Aujourd’hui, il leur faut s’occuper de tous les autres malades, alors même que de nombreux postes ne sont pas remplacés pendant les vacances.

Fournir des congés payés quand le personnel soignant travaille en sous-effectif, cela n’a pas vraiment de sens ! Les soignants, cela a été dit, veulent de meilleures conditions de travail, davantage d’embauches de personnel qualifié, du matériel pour faire leur travail, des lits pour accueillir dignement ceux qui souffrent et, bien sûr, une revalorisation salariale.

Si l’intention est bonne, ce texte, assez complexe, n’est certainement pas à la hauteur du sujet, compte tenu des difficultés du système de santé français. Je souhaite que le Ségur de la santé, qui vient de s’ouvrir, ne soit pas seulement un grand débat de plus, mais qu’il aboutisse à des propositions extrêmement concrètes et adaptées aux besoins de nos soignants.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.

M. François Bonhomme. Ce texte a toutes les apparences de la vertu. D’inspiration louable, il constitue un appel à la générosité à l’adresse des personnels soignants, qui ont œuvré pour sauvegarder des vies et protéger les Français de l’épidémie de Covid-19.

L’article 1er de cette proposition de loi vise à permettre aux salariés de renoncer à leurs jours de congé, en vue de la monétisation de ceux-ci.

À la suite des travaux de la commission des affaires sociales, il a été prévu qu’au lieu d’une monétisation des jours de congé, le salarié qui souhaite manifester sa solidarité envers le personnel soignant puisse reverser le montant correspondant à la rémunération d’une ou plusieurs journées de travail. Pour autant, je m’associe aux questionnements et aux réserves émis par Mme le rapporteur. Je m’interroge ainsi sur l’opportunité de ce texte.

L’octroi de chèques-vacances me paraît, tout d’abord, en décalage par rapport aux attentes des personnels soignants.

Je rappelle que d’autres professionnels ont contribué activement à la lutte contre le Covid-19. Bien qu’ils ne soient pas visés par cette proposition de loi, ils méritent tout autant notre reconnaissance.

D’inspiration généreuse, le dispositif adopté par l’Assemblée nationale apparaît difficilement applicable, à plusieurs titres, mais les travaux menés par notre commission des affaires sociales ont permis de le rendre plus opérationnel. À titre d’exemple, la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale ne précisait aucunement la manière dont les sommes collectées seraient réparties. Je m’associe, encore une fois, aux interrogations de notre collègue rapporteur : adopter un dispositif aussi flou, en laissant au pouvoir réglementaire le soin d’en définir le fonctionnement, ne constitue pas une méthode adéquate.

Je salue les travaux conduits par la commission des affaires sociales. Ils ont permis de délimiter le dispositif dans le temps, en prévoyant le recueil de dons jusqu’au 31 août 2020, afin que les dispositifs correspondent réellement à une opération liée à l’épidémie de Covid-19. Il paraissait important de fixer une borne chronologique, pour que le dispositif corresponde réellement à une réponse à cette pandémie.

Madame la ministre, les limites de cette proposition de loi – et une certaine tartufferie – sont évidentes. Ce texte, agité à la suite de l’émotion suscitée par la crise sanitaire et de la reconnaissance vis-à-vis du personnel soignant, ne saurait tenir lieu de politique publique de santé.

J’ajouterai un mot sur la médaille. Ce geste, qui se veut éminemment symbolique, en dit long sur une certaine impuissance publique mâtinée, bien sûr, de l’apparat compassionnel. Il me semble être surtout la manifestation d’une forme d’incapacité publique : on préfère agiter avec ostentation des emblèmes ou des amulettes sous le nez de nos concitoyens, qui ont pu mesurer à cette occasion les limites de notre système hospitalier, malade de lui-même.

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

travail

insérer les mots :

, ou, à sa demande et en accord avec son employeur, renoncer sans contrepartie, dans une limite déterminée par décret, à des jours de repos acquis et non pris, qu’ils aient été affectés ou non sur un compte épargne-temps, en vue de leur monétisation,

La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Cet amendement, que j’ai évoqué lors de la discussion générale, vise à réintroduire la faculté donnée au salarié d’effectuer, en accord avec son employeur, un don de jours de repos, afin de le laisser choisir l’expression de sa solidarité.

Cette proposition repose sur trois bases simples, qui me paraissent importantes.

Premièrement : la logique de l’accord d’entreprise. Tout ce qui favorise le dialogue entre l’employeur et le salarié est une bonne chose.

Deuxièmement : la solidarité transpartisane. J’ai écouté les propos d’Édouard Courtial : le présent amendement permet de réconcilier tout le monde et, ajouté au travail de la rapporteure, il est de nature à améliorer la proposition de loi.

Troisièmement : la logique du bicamérisme. Ce serait une force pour le Sénat que d’être capable de s’entendre autour d’un tel projet de solidarité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’avis est défavorable, ce qui signifie que les auteurs de l’amendement ne voteront pas la proposition de loi, ce que je regrette. C’est en effet ce que M. Lévrier a annoncé dans son propos introductif.

Réintroduire cette phrase, qui provient du texte porté à l’Assemblée nationale, revient à complexifier un texte qui n’en a pas besoin. Au demeurant, le dispositif proposé par la commission ne fait pas obstacle à ce qu’un salarié disposant de jours de repos non pris les monétise, dans les conditions actuellement prévues par le droit, et verse la somme correspondante à l’ANCV.

Bien que la mesure proposée soit compatible avec les deux systèmes et que cet amendement soit de compromis, l’avis de la commission, je le répète, est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. En cohérence avec mes propos initiaux, l’avis du Gouvernement est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié quater, présenté par Mme Guidez, M. Détraigne, Mmes Lopez et de la Provôté, MM. Menonville, Pierre, Le Nay et B. Fournier, Mme Micouleau, MM. Bouchet, Gabouty, Canevet et Mouiller, Mme Vermeillet, MM. Laugier et Decool, Mmes Sollogoub et Gatel, M. Vogel, Mme Billon, MM. Cazabonne et Kern, Mme Férat, M. P. Martin, Mme Dindar, MM. Cigolotti et Médevielle, Mme Bonfanti-Dossat, M. Houpert, Mmes N. Delattre et Kauffmann, M. Delcros, Mmes Canayer et F. Gerbaud, MM. Longeot et Fouché et Mme Noël, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Après le mot :

personnels

insérer les mots :

et des proches aidants

II. – Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

, et les aidants familiaux mentionnés à l’article L. 245-12 du code de l’action sociale et des familles à l’exception des bénéficiaires de la prestation mentionnée à l’article L. 245-11 du même code restés confinés dans leur établissement et les proches aidants mentionnés à l’article L. 113-1-3 dudit code à l’exception des bénéficiaires de l’allocation mentionnée au L. 232-8 du même code

III. – Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les conditions d’attribution et de distribution des chèques vacances pour les aidants familiaux et les proches aidants mentionnés au premier alinéa du présent II sont fixées par décret.

La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. Je pense que je n’aurai pas plus de chance…

Certes, ce texte vise les personnes mobilisées à titre professionnel ; toutefois, sans l’action précieuse des proches aidants, des millions de Français n’auraient pas pu bénéficier d’accompagnement et d’assistance dans leur quotidien. De plus, beaucoup de personnes ont dû cumuler ce qui semble être un « devoir naturel » avec une activité salariée, et ce dans des conditions sanitaires parfois compliquées. Sans eux, c’est tout un pan de notre solidarité nationale qui se serait effondré, et cela n’a pas été sans conséquence sur leur santé physique et morale, notamment lorsque les personnes aidées n’ont pas pu retourner dans leur structure d’accueil, en raison des mesures prises dans le cadre du confinement.

C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à rendre éligibles au dispositif les personnes qui ont été mobilisées pendant la pandémie de Covid-19 en aidant un proche handicapé ou en perte grave d’autonomie, tout en en excluant les aidants séparés de leur proche aidé durant la période de confinement.

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Nous avons discuté de cet amendement en commission, je ne suis donc pas surprise de le voir arriver. J’espérais même qu’il arriverait, afin qu’on puisse débattre du rôle des proches aidants pendant cette période un peu compliquée, comme on en débat d’ailleurs régulièrement, dans cet hémicycle.

Cet amendement vise à élargir la liste des bénéficiaires du dispositif, au risque de rendre celui-ci – on ne sait s’il aura du succès, il faudrait pouvoir lire dans le marc de café pour savoir combien de fonds seront récoltés et distribués – encore plus complexe. L’ANCV nous l’a bien dit, le principe de répartition sera déjà très compliqué pour elle. Cette agence, qui édite les chèques-vacances, a des interlocuteurs qui achètent les chèques-vacances – les CSE ou les organismes sociaux – et a, de l’autre côté, 200 000 contractants qui peuvent en bénéficier. Avec cet amendement, on ajouterait des individualités à ces bénéficiaires, ce qui serait encore plus compliqué.

J’ai donc le regret d’émettre – ma collègue Jocelyne Guidez le sait – un avis défavorable sur cet amendement, mais peut-être serait-il opportun de le retirer, de sorte qu’on puisse remercier tous les proches aidants qui sont intervenus pendant cette crise.