M. Fabien Gay. Seulement 4 milliards d’euros ! Les 3 autres milliards vont aux actionnaires !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Il s’agit de 4 milliards d’euros, plus 3 milliards d’euros sous la forme d’une avance en compte courant. Ce prêt n’est pas sans contrepartie, puisque des engagements en faveur de la transition écologique et énergétique figurent très clairement dans les contrats, vous le savez.

De même, le prêt garanti par l’État de 5 milliards d’euros à Renault, qui est sur le point d’être signé, fait l’objet de contreparties, notamment en matière de relocalisation de la filière électrique, avec l’objectif d’un triplement de la production de véhicules électriques en France par Renault.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Des sites vont pourtant fermer !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. De même, pour vous répondre indirectement – Renault réunit ses représentants du personnel demain, nous suivrons cela de près –, je veux vous indiquer que les délocalisations sont à distinguer des ajustements structurels auxquels doit procéder Renault en raison de la diminution de l’ordre de 40 % de son chiffre d’affaires, sa production étant passée de 5 millions de véhicules à 3 millions, soit une baisse massive.

Ce qui est au cœur du problème de Renault, c’est bien cette réduction du volume global de production, en France, en Europe et dans le monde. Là où je vous rejoins, c’est que cela ne doit pas se traduire par des délocalisations.

Le train du futur est un élément du contrat stratégique de filière du ferroviaire. La réflexion sur le critère prix environnemental et social est notamment un élément pris en compte dans les marchés publics. Depuis juillet dernier, nous travaillons avec le groupe des acheteurs publics et privés à y insérer obligatoirement une clause environnementale et une clause sociale.

Aux termes de la clause sociale, une partie des marchés publics portant notamment sur des fournitures de travaux et de services seraient destinés à des publics éloignés de l’emploi ; aux termes de la clause environnementale, nous pourrions prendre en compte par exemple les émissions de CO2 ou le cycle de vie du produit.

L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) doit nous aider à développer des outils qui puissent être utilisés aisément par les acheteurs publics, tant il n’est pas très simple de mesurer l’empreinte environnementale de certains biens.

Monsieur Wattebled, effectivement, il convient de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Je crois avoir répondu au sujet du capitalisme d’État chinois et du caractère intrusif des politiques américaines. Il ne faut pas être naïf : vous avez vu que nous avons renforcé, au travers du décret relatif aux investissements étrangers en France, les règles en la matière, que l’Europe est en train de faire de même, ce qui constitue un signal important, et qu’un certain nombre de pays s’inspirent de notre démarche. Ce mouvement atteste d’une prise de conscience collective très importante sur ce sujet.

La révision des règles de concurrence est également un élément essentiel, et ce à double titre.

S’agissant du numérique, l’enjeu est d’éviter qu’une très grosse plateforme rachète une petite pépite qui, bien que réalisant un modeste chiffre d’affaires, a en réalité une très grande valeur. C’est à l’aune de la politique relative aux concentrations que cette question doit être étudiée.

À cet égard, nous devons adopter en la matière une approche dynamique. Prenons le cas, au hasard, d’un dossier relatif au transport ferroviaire – vous voyez celui auquel je fais référence… Il nous a semblé, dans l’analyse que nous avons faite de l’environnement concurrentiel, que le sujet n’était celui des parts de marché à la date de soumissionnement, mais plutôt celui de la manière dont se matérialisait cette concurrence au moment des appels d’offres, certaines propositions émanant de groupes, notamment chinois, particulièrement agressifs sur le plan commercial.

De même, le marché pertinent n’est pas nécessairement le marché européen ; ce peut être des marchés plus lointains sur lesquels se retrouvent ces groupes. Il est donc nécessaire de ne pas être trop centré sur ce point. Ce sont autant d’éléments que nous portons dans le cadre de notre politique industrielle.

Madame Létard, vous avez dit énormément de choses, et je partage la quasi-totalité de vos propos. M’exprimant depuis déjà dix-huit minutes, je ne sais pas comment je vais pouvoir vous répondre ! (Sourires.)

Mme Valérie Létard. Vous m’avez déjà en partie répondu !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Il est nécessaire de contrôler certaines activités stratégiques, particulièrement la chaîne de production et d’approvisionnement du matériel médical.

Il ne faut pas s’en tenir à une conception « défensive » des relocalisations et de la souveraineté, c’est vrai. L’enjeu des fonds propres est absolument essentiel ; c’est l’enjeu auquel nous allons être confrontés notamment pour abandonner les prix garantis par l’État, l’essentiel étant de ne pas fragiliser la structure de nos entreprises.

Je rejoins également vos propos relatifs au consommateur, dont les préoccupations ne sont pas forcément celles du citoyen, d’où les enjeux de compétitivité et de durabilité, pour un meilleur rapport qualité-prix ; bien sûr, il faut relocaliser Euromed, c’est-à-dire que, outre les chaînes de valeur en Europe, on peut également jouer entre l’Est et l’Ouest, entre le Sud et le Nord, et la France devrait porter cette vision. (Mme Valérie Létard approuve.)

La démarche multipartite est celle que nous avons portée dans le pacte productif, et nous réunissons les représentants des régions vendredi prochain. Nous portons le mécanisme d’inclusion carbone et tout ce qui a trait à une concurrence loyale.

Enfin, je rejoins plusieurs d’entre vous, qui ont estimé qu’il fallait accélérer le tempo de ces processus ; je compte d’ailleurs sur vous pour porter ce message auprès de vos collègues européens.

Quelles contreparties demandons-nous aux industriels ? C’est la transition écologique, ce sont les relocalisations, c’est l’investissement et c’est l’innovation.

S’agissant de la formation, j’insiste sur un point : l’usine du futur, c’est aussi la question des data, qui est aujourd’hui est sous-estimée et dont personne n’a parlé ici. Or les data, en B to B, sont essentielles, et nous sommes confrontés à deux enjeux.

Le premier, c’est de les considérer comme un élément de souveraineté, en tant que données de l’ensemble du processus de production. Il faut définir comment ces données seront optimisées : si elles sont détenues par de grandes plateformes américaines ou d’autres, elles perdront de la valeur.

Le second enjeu, c’est qu’il nous faut des jeunes extrêmement bien formés, notamment en mathématiques. De ce point de vue, nous avons des progrès à faire.

Mme Sophie Primas. Rendez Villani aux mathématiques ! (Sourires.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Monsieur Tissot, c’est l’État qui a sauvé Famar. Ce sont Mme Pannier-Runacher et M. Le Maire qui sont intervenus pour restructurer son bilan et faire en sorte que cette usine continue à produire. Voilà la réalité ! Nous recherchons des investisseurs et des repreneurs et c’est un dossier que suit la délégation interministérielle aux restructurations d’entreprises.

Sans l’intervention du ministère de l’économie et des finances, Famar aurait fermé l’année dernière. Je me permets de le rappeler.

Mme Sophie Primas. Et ne laissez pas fermer Renault Flins !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Concernant Renault Flins, le ministre l’a dit fermement : l’usine ne doit pas fermer. La question est celle de la surcapacité des fonderies, tant françaises qu’européennes, qui sont aujourd’hui en grande difficulté. Nous devons accompagner et étayer ce processus, ce que nous avons commencé à faire avec la mission Guyot.

En ce qui concerne les cyberrisques, je rejoins complètement ce qui a été dit : ce sujet mérite toute notre attention.

Madame Rossignol, le prix du médicament en France est l’un des plus faibles qui soient, et il est négocié au plus serré par rapport aux prix pratiqués dans les autres pays. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons divisé par deux notre empreinte industrielle pharmaceutique en France.

Il faut être vigilant : outre les coûts de production, il faut aussi prendre en compte les coûts de recherche.

Mme Laurence Rossignol. J’en ai parlé !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. C’est ce qui explique le prix élevé des traitements des maladies orphelines, compte tenu du faible nombre de patients. C’est ce qui explique aussi que l’on peine, pour certaines technologies, à valoriser le coût du médicament. Tout l’enjeu est d’avoir une approche industrielle du coût du médicament, et je sais qu’Olivier Véran partage cette vision.

Dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé, nous avons veillé à bien préciser tous ces éléments et à faire faire en sorte de prendre des mesures permettant de réimplanter des activités de santé en France.

Je puis d’ores et déjà vous dire que, dans les prochains jours, dans les prochaines semaines, nous enverrons des signaux forts dans cette direction. Et puisque vous évoquez les 34 plans industriels, je vous renvoie aux 18 contrats stratégiques de filière, qui sont vivants, bien vivants, et qui avancent. (M. Julien Bargeton, Mme Valérie Létard, M. Franck Menonville et M. Jean Bizet applaudissent.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « La crise du Covid-19 : relocalisation des productions stratégiques pour assurer notre souveraineté. Lesquelles, où, comment ? »

L’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

Innovations numériques dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19

Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, relative aux innovations numériques dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

En préambule, je rappelle que notre séance se déroule dans les conditions de respect des règles sanitaires mises en place depuis le mois de mars.

L’hémicycle fait l’objet d’un nettoyage et d’une désinfection avant et après chaque séance, et les micros seront désinfectés après chaque intervention. J’invite chacune et chacun à veiller au respect des distances de sécurité. Les sorties de la salle des séances devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle.

Je rappelle également que les orateurs s’exprimeront depuis leur place, sans monter à la tribune.

Notre séance s’organisera en trois temps : après la déclaration du Gouvernement, la parole sera donnée à un orateur de chaque groupe ; ensuite, après l’éventuelle réponse du Gouvernement, se déroulera une séance de onze questions-réponses ; enfin, nous procéderons au vote par scrutin public sur cette déclaration, en application de l’article 39 de notre règlement.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la crise sanitaire que nous vivons et qui frappe le monde entier a une dimension inédite.

Cette situation, qui est exceptionnelle par sa gravité, par les deuils et les sacrifices qu’elle a imposés à beaucoup de nos concitoyens, nous oblige à apporter des réponses adaptées.

Nous avons le devoir d’envisager toutes les solutions possibles et de mobiliser toutes les ressources pour mettre un terme à cette situation.

La volonté – et l’obligation – du Gouvernement est que son action s’inscrive dans ce domaine, sans exception possible, dans le cadre des valeurs de notre démocratie, c’est-à-dire le respect de l’État de droit et des libertés individuelles. C’est en nous conformant à cette exigence que nous pourrons conserver la confiance de nos concitoyens.

Les services numériques offrent évidemment d’immenses opportunités, vous le savez. Durant la crise, ils ont démontré leur intérêt et leur potentiel dans le domaine des consultations en télémédecine, qu’il s’agisse également du télétravail ou bien de l’école à distance.

Encore faut-il que ces outils numériques soient utilisés dans un cadre protecteur et respectueux des droits de chacun.

Cet encadrement a été bâti, adapté et perfectionné progressivement, afin de garantir à chaque personne la protection de ses droits fondamentaux, ainsi que le respect de sa vie privée et de ses données à caractère personnel.

La France, vous le savez puisque vous avez été des acteurs dans ce domaine, a toujours été à l’avant-garde de la protection des données et de la garantie des libertés individuelles dans ce domaine. La loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978 nous a permis d’être le premier pays en Europe à se doter d’un texte général, fondateur, protégeant les données à caractère personnel. Et c’est cette loi qui a créé la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), dont nous savons aujourd’hui encore combien elle est indispensable.

L’Union européenne, pour sa part, a élaboré, d’ailleurs sous l’impulsion de la France, entre autres, un cadre juridique harmonisé et protecteur pour les citoyens européens, pour l’utilisation de leurs données à caractère personnel.

Ainsi, la directive Vie privée et communications électroniques du 12 juillet 2002 permet de garantir la protection de la vie privée lorsque des correspondances empruntent des moyens de communication électroniques.

L’adoption du règlement général sur la protection des données de 2016 (RGPD) a fait l’objet de débats nourris dans votre assemblée en 2018, et ce texte a désormais une portée tout à fait considérable.

Ces textes nationaux et européens n’interdisent d’aucune manière l’utilisation des données personnelles dans le cadre d’une stratégie sanitaire, mais ils ont posé de grands principes auxquels doit se conformer tout traitement de données à caractère personnel.

Ces grands principes constituent des garanties pour le respect de notre vie privée et de nos libertés individuelles.

Trois d’entre eux, définis à l’article 5 du RGPD, constituent une base, un socle essentiel qui doit être ici mentionné.

Le premier principe, c’est celui dit « de la limitation des finalités ». Principe cardinal de la protection des données à caractère personnel, il établit que ces dernières ne doivent être utilisées que pour un objectif précis et déterminé à l’avance. Selon les termes mêmes du RGPD, le traitement doit répondre à une finalité déterminée, explicite et légitime.

Déterminée, parce qu’il n’est pas possible de collecter des données sans but ou à des fins préventives ; explicite, parce que les personnes concernées doivent savoir pourquoi et comment leurs données sont traitées ; légitime, parce que le traitement doit être en rapport avec l’activité de celui qui en est responsable.

Le deuxième principe est celui de la licéité : un traitement doit en effet se fonder sur l’une des bases juridiques limitativement énumérées par le RGPD, que ce soit le consentement des personnes, l’exécution d’un contrat ou l’exécution d’une mission d’intérêt public – et ce sera le cas ici.

Enfin, le troisième principe est celui dit « de minimisation des données » ou « principe de proportionnalité ». Cela signifie que l’on ne peut traiter que les données pertinentes et strictement nécessaires au regard de la finalité du traitement.

Ces principes ont été respectés pour chacun des outils numériques mis en place par le Gouvernement pour lutter contre l’épidémie de la Covid-19, qu’il s’agisse de Contact Covid ou du système d’information national de dépistage, le Sidep, deux traitements autorisés par le décret du 12 mai dernier. Ils permettent d’identifier les personnes infectées, les personnes qu’elles sont susceptibles d’avoir contaminées et les chaînes de contamination.

Ces traitements visent également à assurer la prise en charge sanitaire et l’accompagnement des personnes atteintes du virus ou susceptibles de l’être, ainsi que la surveillance épidémiologique du virus.

L’application StopCovid a respecté les mêmes principes posés par le RGPD. Elle complète les outils développés dans le cadre de la stratégie de déconfinement progressif que le Gouvernement a souhaité mettre en place.

Ces trois dispositifs, qui utilisent des données à caractère personnel et qui s’inscrivent donc dans une politique sanitaire globale, ont été soumis à l’avis de la CNIL, qui a donné un avis favorable.

Cette application a d’ailleurs fait l’objet de deux avis de la CNIL : l’un du 24 avril et l’autre du 25 mai. La CNIL s’est félicitée dans son dernier avis que ses premières recommandations aient été suivies par le Gouvernement.

M. Loïc Hervé. Encore heureux !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cela a aussi été le cas pour l’avis rendu par le Conseil national du numérique.

StopCovid répond aux exigences posées par notre droit et, me semble-t-il, apporte les garanties nécessaires au respect de la vie privée et des libertés individuelles. Cela résulte à la fois de ce qu’est l’application StopCovid et de ce qu’elle n’est pas.

Je commencerai peut-être par dire ce qu’elle n’est pas. Ma collègue Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, et le secrétaire d’État chargé du numérique, qui sont ici à mes côtés et que je salue, exposeront précisément ces questions, mais il me paraît d’emblée primordial de préciser qu’il ne s’agit en aucun cas de procéder à la géolocalisation des personnes ou à un suivi intrusif de leurs déplacements.

La technologie Bluetooth, qui est utilisée, conformément à la recommandation de la Commission européenne dans sa communication du 16 avril dernier, est à la fois d’être plus précise que la géolocalisation tout en étant moins intrusive, en ce qu’elle ne permet pas le pistage des personnes.

Nul ne sait où la personne est allée ni où elle a rencontré d’autres personnes susceptibles d’avoir été infectées ; on sait seulement que des personnes ont croisé l’utilisateur de l’application.

StopCovid n’a d’ailleurs pas non plus vocation à permettre un quelconque fichage des Français ou à contrôler leur respect des mesures sanitaires. Le décret créant cette application sera très clair, en précisant expressément ce à quoi elle peut servir.

J’ai dit ce que n’était pas StopCovid ; j’ajouterai quelques mots maintenant sur ce qu’est cette application. Il apparaît nécessaire, dans le cadre de la stratégie globale de déconfinement du Gouvernement, non seulement d’être capable d’identifier ceux que l’on appelle les « cas contacts », qui sont les proches des personnes infectées, connus de ces dernières, mais aussi d’être en mesure d’alerter tous les autres, ces inconnus croisés dans les transports ou dans les magasins et qui ont pu être contaminés sans le savoir.

Il s’agit ainsi de juguler aussi rapidement que possible et aussi efficacement que possible les chaînes de contamination. C’est là l’objectif de cette application. Et c’est donc bien sur le fondement de l’exécution d’une mission d’intérêt public que ce traitement sera mis en œuvre, sous la responsabilité du ministère des solidarités et de la santé.

De nombreuses autres garanties entourent ce traitement, conformément aux préconisations de la CNIL. J’en citerai quatre.

La première, c’est l’utilisation volontaire de cette application. À chaque étape, le consentement des personnes est requis et leur choix est garanti. Le téléchargement de l’application résulte d’une démarche volontaire de l’utilisateur ; son installation est libre et gratuite ; les fonctionnalités ne pourront être activées que si l’utilisateur le souhaite ; la désinstallation sera possible à tout moment.

Si un test nasopharyngé permet à l’utilisateur de savoir qu’il est potentiellement contaminant, il ne le notifiera dans l’application que s’il le souhaite.

Recourir ou non à l’application est donc un choix que chacun d’entre nous pourra faire. Notre liberté est ainsi préservée et garantie.

Précision capitale pour que cette liberté soit garantie : aucune conséquence négative n’est attachée au choix de ne pas recourir à cette application. L’accès aux tests et aux soins, la liberté d’aller et de venir, l’accès aux transports en commun ne sont pas conditionnés à l’installation et à l’utilisation de l’application. Il ne saurait non plus y avoir de conséquences sur la vie professionnelle.

De même, ni son installation ni son utilisation ne donnent droit à aucun droit ou avantage spécifique. Le consentement est donc libre, conformément à notre droit national et à la réglementation européenne que j’ai citée tout à l’heure.

La deuxième garantie, c’est la pseudonymisation.

L’installation de l’application ne requerra pas la fourniture de données directement identifiantes comme le nom ou l’adresse. Seuls des pseudonymes éphémères seront utilisés, et ni l’État ni personne d’autre n’aura accès à une liste de personnes diagnostiquées positives ou à une liste des interactions sociales entre les utilisateurs.

La troisième garantie est la conservation des données pour une durée extrêmement limitée. Les données ne pourront être gardées que pendant la durée de fonctionnement de l’application. Le caractère de l’appréciation est temporaire – j’y insiste. Sa mise en œuvre est fixée à six mois, une durée qui correspond à celle qui est prévue pour les traitements Contact Covid et Sidep, l’application n’ayant en réalité d’utilité qu’en lien avec le cadre plus général de conduite des états sanitaires.

Plus encore, les historiques de proximité ne pourront être conservés que quinze jours, durée strictement nécessaire au regard de la durée d’incubation du virus.

Plus important encore, l’utilisateur pourra à tout moment demander la suppression de ces données tant de son ordiphone que du serveur central.

Enfin, la dernière garantie est la transparence. L’application StopCovid s’inscrit dans une démarche de transparence. Les utilisateurs seront informés des principales caractéristiques du traitement et de leurs droits au moment de l’installation de l’application.

StopCovid respecte donc strictement la législation applicable en matière de protection des données à caractère personnel, ainsi que les préconisations de la Commission européenne, du Comité européen de la protection des données et de la CNIL, avec laquelle, d’ailleurs, le Gouvernement a étroitement collaboré à plusieurs reprises.

En résumé, StopCovid repose sur la base du volontariat ; il s’agit d’une application temporaire, non identifiante et transparente. Toutes les garanties me semblent donc prises pour que la vie privée des Français soit respectée.

Enfin, cette application n’a pas vocation à devenir l’élément central de la lutte contre la Covid-19. Elle n’est pas davantage un moyen déguisé d’ériger un État policier, contrôlant les faits et gestes de nos concitoyens.

À juste titre, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) souligne qu’« il s’agit de sujets de préoccupation majeurs dans une société démocratique, nécessitant une transparence accrue et des garanties suffisantes pour pallier les risques d’atteinte transversale aux droits et libertés fondamentaux ».

À l’ensemble des garanties que j’ai évoquées s’ajoutent notre vigilance collective et le débat démocratique, qui se déroule notamment avec vous. Dans ces conditions, nous pouvons envisager cette application comme un outil précieux pour nos concitoyens, permettant d’agir au service de leur santé sans nier leur liberté ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – MM. Jean-Pierre Leleux et Franck Menonville applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la dangerosité du coronavirus n’est plus à prouver et la France, comme tous les pays du monde, paie encore le lourd tribut de cette crise.

Le 11 mai, nous avons engagé une nouvelle phase : celle du déconfinement. Toutefois, le combat n’est pas terminé, et nous devons étudier tous les outils permettant de vaincre le virus.

Le débat qui nous réunit ce soir est celui de la pertinence et de la juste mesure. À cet égard, la première question est la suivante : l’application StopCovid est-elle efficace ?

De nombreuses études épidémiologiques montrent l’intérêt que présentent, pour les autorités sanitaires, les applications de suivi de contacts, en appui au suivi manuel de propagation des chaînes de transmission. De tels outils permettent d’alerter les contacts anonymes, croisés par exemple dans les transports ou dans les commerces ; ils offrent ainsi un gain de temps et de ressources.

Nombre d’experts soutiennent l’utilité d’une telle application dans le cadre de la stratégie de contact tracing, qui, désormais, se trouve au centre de la stratégie de déconfinement : c’est le seul instrument permettant de rompre les chaînes de transmission.

Conformément au vote que vous avez émis il y a quelques semaines, le suivi des contacts est réalisé manuellement, au moyen d’une enquête auprès de la personne malade, qui transmet la liste des personnes avec qui elle aurait été en contact et celle des lieux publics qu’elle a visités durant sa période de contagiosité.

L’action de traçage n’est pas nouvelle : cette méthodologie est largement utilisée en veille sanitaire, pour bon nombre de pathologies infectieuses à transmission interhumaine.

Le contact tracing repose sur les professionnels de santé, les médecins de ville et les biologistes, pour la réalisation des tests, et sur les infirmiers, pour les prélèvements. Il fonctionne également grâce à l’appui des agents de l’assurance maladie. Ces équipes d’anges gardiens sont indispensables pour intervenir rapidement et casser les chaînes de contamination.

Les dernières données le prouvent : près de 45 % des transmissions du virus se font à partir de personnes asymptomatiques. L’enjeu est, partant, de repérer très précocement les cas contacts. C’est l’une des possibilités que nous offrent les solutions numériques élaborées. Ces dernières ne viennent pas se substituer au contact tracing mis en œuvre par l’assurance maladie ; elles viennent en appui.

L’application StopCovid permet ainsi de repérer plus précocement de potentiels cas contacts, qui, avec vingt-quatre ou quarante-huit heures d’avance, auront dès lors les bons réflexes : s’isoler, consulter un médecin et se faire tester.

Arrivons-nous trop tard ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Je ne le pense pas. En effet, notre stratégie de contact tracing ne repose pas uniquement sur les outils numériques, comme c’est le cas dans certains pays asiatiques.

L’Académie de médecine a émis un avis favorable à l’utilisation d’une application de type StopCovid, dans le cadre du déconfinement. Ce dispositif permet une participation active de la population à la lutte contre la pandémie, tout en respectant l’anonymat et cette réglementation européenne et nationale que constitue le règlement général sur la protection des données, le RGPD.

J’en viens à la question éthique : de fait, un moyen efficace n’est pas nécessairement un moyen légitime.

Au sein du Gouvernement comme sur ces travées, nous avons tous le même but : protéger les Français. Or je rejoins plusieurs d’entre vous, selon lesquels nous ne les protégerons pas bien si, en parallèle, nous portons atteinte aux libertés qui préservent leur vie privée.

Pour concilier ces deux protections, il faut assumer la transparence. Vous le savez, StopCovid a été développé sous la supervision du ministère des solidarités et de la santé et du secrétariat d’État chargé du numérique. Dans un avis datant d’avril dernier, le Conseil national de l’ordre des médecins a précisé ses recommandations en matière d’utilisation du numérique dans la période d’épidémie. Ces préconisations ont été suivies.

L’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) a été chargé de développer un prototype d’application et d’instruire les différentes questions techniques. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) a quant à elle été sollicitée pour garantir la résilience et la sécurité des solutions étudiées.

Enfin, comme vient de le rappeler Mme la garde des sceaux, la CNIL a été étroitement associée à ce travail, dans le respect de son indépendance. (M. Loïc Hervé sexclame.) Ainsi, toutes les garanties nécessaires sont apportées pour protéger la vie privée.

Dès sa phase de construction, le projet a impliqué des équipes d’épidémiologistes de Santé Publique France et de la direction générale de la santé. De plus, nous avons veillé à ce qu’il s’inscrive pleinement dans la stratégie sanitaire de déconfinement élaborée par le Gouvernement.

La transparence est une clé essentielle de StopCovid. La protection de la vie privée est un principe avec lequel nous ne transigerons pas. L’application StopCovid ne doit pas passer pour autre chose que ce qu’elle est fondamentalement : un simple outil de lutte contre une épidémie redoutable ; un outil efficace et – j’en suis profondément convaincue – un outil légitime.

Avant de conclure, j’évoquerai brièvement la place qu’occupe le numérique depuis le début de cette crise.

Le ministère des solidarités et de la santé a ouvert un service officiel de prévention et de conseil personnalisé : le site « mesconseilscovid.sante.gouv.fr », qui permet à chacun de nos concitoyens de bénéficier d’informations utiles pour se protéger et pour protéger les autres. Cet outil intervient en amont de l’entrée dans le parcours de soins. Les conseils qu’il dispense sont personnalisés selon la situation médicale, familiale, professionnelle et géographique de l’utilisateur, sans stockage de données sur un serveur central.

Je le dis et je le répète : au cours de la période de déconfinement, notre stratégie consiste à tester, tester encore et toujours tester. Ainsi, sur le site « sante.fr », nous avons mis en ligne une carte géolocalisée de tous les lieux de prélèvement des tests virologiques pour le dépistage de la Covid. Les informations sont renseignées directement par les laboratoires de biologie médicale, que je remercie de leur réactivité dans ce projet mené avec la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la Drees.

Depuis le lancement du service, il y a quelques jours, la carte a été consultée plus de 400 000 fois. Elle répertorie quelque 3 100 sites de prélèvement.

Enfin, c’est la société française tout entière qui s’est mobilisée : ses start-up et ses éditeurs de e-santé ont rivalisé d’innovations pour lutter contre la Covid-19.

Afin de soutenir ce formidable élan et d’accompagner à la fois les citoyens, les professionnels et les établissements de santé dans leurs choix d’outils numériques, le Gouvernement a lancé une plateforme de référencement, véritable guichet de l’innovation numérique dédié à la Covid. À ce jour, plus de deux cents services y sont déjà référencés. Plusieurs outils de téléconsultation et d’aide à l’orientation pour les citoyens sont ainsi répertoriés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la période que nous traversons, et dont nous sortirons, je l’espère, progressivement, prouve que notre pays est capable d’utiliser toute son ingéniosité, toute son inventivité et toute sa créativité pour combattre cette pandémie mondiale, tout en conservant, bien ancrés, ses principes fondateurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – MM. Jean-Pierre Leleux et Franck Menonville applaudissent également.)