M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. L’activité hôtelière reste affectée, dans les grandes métropoles comme les stations balnéaires et de montagne. Les mesures d’urgence, bien sûr, ont été les bienvenues ; elles ont d’ailleurs été saluées par la profession, avec l’espérance qu’un certain nombre de contraintes soient levées.
Reste que la crise a révélé un problème structurel, que le Gouvernement devra affronter : la distorsion de concurrence entre une profession hôtelière soumise à des normes extrêmement strictes, auxquelles elle ne peut se soustraire, et le développement d’une économie qui n’a plus de collaborative que le nom, une économie en réalité spéculative, qui doit absolument être soumise aux mêmes règles.
Il n’est pas admissible qu’un pan aussi important de la richesse de la France soit victime d’une telle distorsion de concurrence !
situation des travailleurs non salariés
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, auteur de la question n° 1189, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Édouard Courtial. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, artisans, commerçants, professions libérales, agriculteurs, micro-entrepreneurs : les travailleurs indépendants sont aussi divers que nombreux puisqu’ils représentent près d’un emploi sur dix en France d’ailleurs. L’Insee les désigne non pas comme des travailleurs indépendants, mais comme des travailleurs non salariés, une définition par la négative qui peine à rendre compte de la diversité du phénomène.
Ces travailleurs ont en partage l’absence de lien de subordination, mais aussi et surtout une prise de risque professionnel et personnel qui, dans le contexte de crise sanitaire actuel, les rend beaucoup plus vulnérables à l’arrêt de leur activité.
Si certains de ces travailleurs ont pu ou dû poursuivre leur activité, d’autres ont été grandement fragilisés par la période de confinement et se trouvent parfois dans une grande détresse, qu’elle soit financière ou émotionnelle. Je pense par exemple aux auto-écoles de l’Oise partenaires du Pass’permis citoyen, dispositif que j’ai mis en place lorsque j’étais président du conseil départemental et qui a aidé plus 12 000 jeunes à obtenir leur permis de conduire en contrepartie du temps accordé à une association ou à une collectivité.
Ne pouvant faire bénéficier les travailleurs non salariés du chômage partiel, l’État a mis en place à leur endroit des mesures d’urgence qui ont été élargies, car elles se sont dans un premier temps révélées trop contraignantes, tant en termes de conditions que de procédure. Ainsi, certains conseils départementaux, comme celui de l’Oise, pionnier dans ce domaine comme dans d’autres, leur ont proposé une aide d’urgence de 500 euros fondée, non plus sur leur compétence générale, aujourd’hui disparue, mais au titre de la solidarité.
Pour clarifier les choses, j’ai déposé, avec mon collègue Arnaud Bazin, une proposition de loi permettant aux conseils départementaux d’exercer une action financière et économique de soutien aux entreprises dans le cas d’une catastrophe sanitaire, comme il leur est possible aujourd’hui de le faire en cas de catastrophe naturelle. Y êtes-vous favorable, monsieur le secrétaire d’État ?
Enfin, si la phase de déconfinement a permis aux travailleurs non salariés de reprendre progressivement leur activité, le soutien qui leur a été accordé doit être pérennisé jusqu’à une reprise complète, mais aussi assoupli. Monsieur le secrétaire d’État, allez-vous prolonger certains dispositifs au-delà du mois de mai pour ces travailleurs non salariés, et surtout, allez-vous supprimer la condition d’emploi d’un salarié pour bénéficier du second volet du fonds de solidarité ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Courtial, le fonds de solidarité mis en place par l’État et les régions vise en effet à soutenir les très petites entreprises, les micro-entrepreneurs, les indépendants et les personnes exerçant une profession libérale les plus touchés par la crise.
Ce fonds comporte deux volets. Le premier permet à l’entreprise de compenser sa perte de chiffre d’affaires par une aide d’un montant égal à la perte déclarée du chiffre d’affaires dans la limite de 1 500 euros.
Le second volet permet de verser une aide complémentaire aux entreprises les plus en difficulté qui risqueraient de se trouver dans l’impossibilité de régler leurs dettes exigibles à trente jours, notamment leurs charges fixes telles que les loyers, dues au titre des mois de mars et d’avril 2020. En effet, certaines de ces entreprises ne parviennent pas à trouver de financement alternatif, notamment des prêts, pour couvrir ces besoins. Les entreprises éligibles au second volet peuvent bénéficier d’une aide complémentaire d’un montant compris entre 2 000 euros et 5 000 euros en fonction de leur situation.
Notre objectif est d’éviter des licenciements massifs dans le contexte que nous connaissons. C’est pourquoi le choix a été fait, pour ce second volet, de concentrer les efforts dans un premier temps sur les entreprises qui emploient au moins un salarié.
Toutefois, pour tenir compte de la situation critique des entreprises des secteurs qui ont fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public entre le 1er mars et le 11 mai, le second volet du fonds a été élargi récemment aux entreprises sans salarié – ce qui me paraît répondre à votre question –, si leur chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos est supérieur ou égal à 8 000 euros.
Le fonds de solidarité est un dispositif d’aide sans précédent par son ampleur et le périmètre de ses bénéficiaires. Son périmètre est d’autant plus étendu que nous l’avons élargi de manière importante en assouplissant les critères d’accès, en portant de 70 % à 50 % la baisse de chiffre d’affaires permettant de bénéficier des aides du premier volet, et en ouvrant aux entreprises sans salarié au 24 mai l’accès au second volet.
Au 24 mai, plus de 2 400 000 demandes d’aide ont été payées pour un montant total de près de 3,2 milliards d’euros au titre du premier volet, et plus de 10 700 demandes d’aides au titre du second, pour un montant un peu inférieur à 30 millions d’euros, l’instruction de ce second volet étant plus longue.
Le fonds de solidarité est un dispositif d’urgence qui s’ajoute aux autres dispositifs mis en place par le Gouvernement depuis le début de la crise sanitaire, notamment le report des charges sociales et fiscales, les dispositifs ciblés d’exonération pour certains secteurs récemment annoncés, les prêts garantis par l’État, l’accélération du remboursement des crédits d’impôts et de TVA ou encore la faculté d’octroyer des remises d’impôts. Les entreprises qui répondent aux conditions d’éligibilité au fonds de solidarité peuvent aussi bénéficier d’un report de paiement de loyer, de factures d’eau, de gaz ou d’électricité.
Je dois m’arrêter faute de temps, monsieur le sénateur, mais je vous transmettrai des éléments complémentaires relatifs à l’articulation des compétences entre les différents niveaux de collectivités.
inquiétudes sur l’avenir de sanofi en france et dans le val-de-marne
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, auteure de la question n° 1137, transmise à M. le ministre de l’économie et des finances.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d’État, depuis 2008, le groupe pharmaceutique Sanofi a supprimé plus de 4 500 emplois, dont 2 500 en recherche et développement, qui constitue pourtant le cœur du métier.
Un nouveau plan de restructuration a été annoncé en début d’année, prévoyant 2 milliards d’euros d’économies d’ici à 2022, alors que les bénéfices de ce groupe s’élèvent à 7,5 milliards d’euros en 2019, et que le chiffre d’affaires a progressé de plus de 4 % cette même année.
La direction de Sanofi a en effet décidé d’axer l’essentiel de son activité sur la biotechnique et d’abandonner le secteur de la recherche sur les « petites » molécules. Sanofi se désengage d’axes thérapeutiques majeurs en termes de santé publique – anti-infectieux, neurologie, maladie d’Alzheimer, diabète, maladies cardio-vasculaires. Alors que, en 2008, notre pays comptait onze sites de recherche et développement, il n’en reste plus que quatre aujourd’hui.
Dans mon département, le Val-de-Marne, le site de Vitry-Alfortville est touché par la suppression de 124 emplois et 142 transferts inter-sites. La fermeture du site d’Alfortville, qui est spécialisé depuis plus de trente ans dans les activités majeures de sécurité du médicament, est une aberration. Elle est d’autant plus inquiétante que les conséquences n’en sont pas seulement locales ou départementales, mais nationales, mettant la France dans une situation de dépendance vis-à-vis des autres pays en termes d’approvisionnement en médicaments, comme nous l’avons malheureusement constaté à l’occasion de cette pandémie de Covid-19.
Monsieur le secrétaire d’État, le devenir d’une industrie majeure pour le pays et pour l’indépendance thérapeutique de la France est en jeu. Ces sites de recherche sont en train de disparaître de notre territoire, avec un impact direct sur les sites de production, au profit d’autres pays comme la Chine ou l’Inde. Monsieur le secrétaire d’État, qu’entendez-vous faire pour mettre un terme à ce sacrifice industriel et pharmaceutique ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice Cohen, compte tenu de son empreinte industrielle dans notre pays – il compte 34 sites et emploie 25 000 salariés –, Sanofi, septième groupe pharmaceutique mondial, fait l’objet d’une attention particulière du Gouvernement, notamment des services du ministre de l’économie et des finances qui m’a demandé d’apporter des éléments de réponse à votre question.
En matière de vaccins contre le Covid-19, le Gouvernement a récemment rappelé l’entreprise à ses obligations, en soulignant que ce vaccin devait être accessible à tous sans discrimination. Depuis, l’entreprise a fort opportunément précisé ses intentions.
Plus généralement, la crise du coronavirus a montré que nous étions devenus dépendants d’importations pour certains produits de première nécessité. Nous devons relocaliser – je souscris pleinement à vos propos sur ce sujet –, il s’agit d’un fort enjeu de souveraineté et d’emplois. Nous le faisons déjà, notamment pour les batteries ; nous devrons le faire pour le médicament. Le Gouvernement y travaille avec l’ensemble des acteurs du secteur. À n’en pas en douter, le groupe Sanofi trouvera toute sa place dans cette stratégie que l’on pourrait qualifier de souveraineté industrielle.
Cela étant dit, en réponse à vos inquiétudes sur l’évolution des effectifs consacrés à la recherche et développement de Sanofi en France, il nous semble important de souligner que la France reste au cœur de la stratégie de recherche et développement du groupe Sanofi puisque 5 000 salariés y travaillent, soit 40 % des effectifs mondiaux. La recherche et développement de Sanofi en France représente ainsi 2,3 milliards d’euros en 2019, soit 35 % de la recherche mondiale du groupe, ce qui correspond, peu ou prou, à la part de masse salariale que je viens d’évoquer.
La recherche et développement est par nature un domaine qui nécessite une grande réactivité, et il n’est pas anormal qu’une entreprise comme Sanofi réajuste en continu ses priorités au regard de l’évolution de la médecine, mais aussi au regard des compétences dont elle dispose.
En Île-de-France, plus spécifiquement dans le Val-de-Marne, le site de recherche et développement et de production de Vitry-sur-Seine a ainsi bénéficié de plus de 300 millions d’euros pour en faire un site de référence dans le domaine très prometteur des biotechnologies et de la bioproduction de médicaments, axe prioritaire du comité stratégique de filière des industries et technologies de santé.
L’État soutient aussi l’émergence du campus dédié à la bioproduction dont Sanofi est le pilote. Il permettra de doter la région Île-de-France d’un centre de formation digitalisé sur les métiers de la bioproduction. Ce projet prévoit treize modules de formation initiale et continue visant à renforcer les compétences que nous avons, afin de faire de la France un pays attractif dans la production des biomédicaments de demain. Porté par un consortium constitué d’écoles, d’industriels dont Sanofi, Novasep, Servier et Biomérieux, et d’entreprises technologiques, il sera accueilli au cœur du plateau d’excellence de Vitry, qui allie recherche et développement et bioproduction.
Madame la sénatrice, j’espère vous avoir quelque peu rassurée sur l’avenir de la recherche et développement de Sanofi en France.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai été agréablement surprise par le début de vos propos et j’ai pu espérer des convergences. Vous avez toutefois rapidement basculé, car si vous semblez d’accord avec l’analyse que j’ai faite, vous ne paraissez pas gêné par la fermeture du site d’Alfortville et la suppression de 124 emplois.
Vous indiquez que les déclarations très inquiétantes du directeur général de Sanofi, Paul Hudson, qui avait affirmé dans un premier temps que les vaccins seraient prioritairement distribués aux États-Unis, vous ont préoccupé. M. Macron est d’ailleurs intervenu. Si vous voulez que cela cesse, il faut absolument soutenir la proposition du groupe communiste républicain citoyen et écologiste de création d’un pôle public du médicament et de la recherche.
En dix ans, 1,5 milliard d’euros de crédit d’impôt recherche (CIR) ont été accordés à Sanofi. Cela devrait s’accompagner de quelques obligations, notamment de l’engagement de ne pas licencier comme le groupe envisage de le faire. Le rapport de la commission d’enquête sur la réalité du détournement du crédit d’impôt recherche de son objet et de ses incidences sur la situation de l’emploi et de la recherche dans notre pays de ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin a malheureusement été enterré au Sénat.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d’État, je vous appelle à soutenir notre proposition de création d’un pôle public du médicament et de la recherche.
donation au dernier vivant
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteure de la question n° 1001, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Jocelyne Guidez. Je vous remercie de votre présence, monsieur le secrétaire d’État, mais je regrette que Mme la garde des sceaux n’ait pu venir répondre à ma question qui touche au code civil et entre donc dans le champ de compétence de son ministère.
Si, comme l’a dit Joseph Joubert, la justice est le droit du plus faible, alors elle doit devenir une réalité pour nos concitoyens qui sont mis contre leur gré dans des situations d’injustice. Il en est ainsi, dans certains cas, en matière d’héritage.
En effet, il arrive que, à la suite du décès de l’un de leurs parents, des enfants réclament leur part au parent survivant. Dans une telle situation, celui-ci peut être conduit à vendre certains de ses biens, comme une voiture ou une maison.
Pour faire face à cette situation, différentes possibilités sont prévues par le droit. Les époux peuvent choisir le régime matrimonial de la communauté universelle en intégrant une clause d’attribution intégrale au survivant.
Ils peuvent également opter pour la donation au dernier vivant. Dans ce cas, le conjoint survivant récupère par exemple la quotité disponible. Toutefois, il est utile de préciser que la part de cette quotité dépend du nombre d’enfants, et peut donc être très réduite.
Par ailleurs, cela entraîne des frais notariaux nécessairement pénalisants. En effet, si la somme à acquitter peut sembler dérisoire pour certaines familles, elle ne l’est pas pour d’autres qui ont parfois du mal à boucler leurs fins de mois.
Or, dès lors que le patrimoine a été constitué par les deux parents, il n’est pas juste que les successibles puissent demander leur part avant le décès du parent survivant.
C’est pourquoi, afin de protéger ce dernier, il conviendrait de modifier le droit actuel pour faire de la clause au dernier vivant le principe de droit commun. Cette mesure permettrait d’éviter aux parents de devoir se rendre chez le notaire, et les protégerait du comportement des enfants, comportement qui les contraint parfois à se séparer de leurs biens. Dans une telle hypothèse, il serait opportun de viser uniquement les couples mariés.
Il s’agit certes d’une modification importante du code civil, mais pour des raisons évidentes de justice et de bon sens, il n’est pas possible de continuer ainsi. Par conséquent, je souhaiterais connaître les pistes envisagées par le Gouvernement pour pallier cette difficulté soulevée par de nombreux Français.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice Guidez, permettez-moi d’excuser Mme la garde des sceaux, qui est retenue, et qui m’a demandé de vous apporter les éléments de réponse suivants.
La situation du conjoint survivant est régie par les régimes matrimoniaux auxquels s’ajoutent des dispositions relatives au droit des successions. La loi du 3 décembre 2001 a déjà fait du conjoint survivant un héritier légal de premier ordre ; en l’absence de testament, il vient à la succession, aux côtés des enfants du défunt, et reçoit, soit le quart de la succession en pleine propriété, soit l’usufruit de l’intégralité de la succession, le reste revenant aux enfants.
Si le défunt souhaite l’avantager de façon plus importante, la loi du 23 juin 2006 lui a permis d’en faire un héritier privilégié. Ainsi, le conjoint défunt peut lui laisser jusqu’au quart en pleine propriété du patrimoine, et trois quarts en usufruit. Le conjoint survivant peut alors jouir de l’ensemble du patrimoine successoral, et s’il ne souhaite pas une propriété partagée avec les enfants, il peut demander que son usufruit soit converti en rente viagère.
Cette faveur faite au conjoint survivant peut-être mise en œuvre très simplement, et à un coût réduit, voire nul – ce qui me paraît répondre à l’une de vos interrogations –, soit par le biais d’une donation au dernier vivant passée devant notaire, donation dont les frais sont fixes et encadrés par l’État, soit par le biais d’un simple testament, qui est gratuit.
J’ajouterai que la loi fiscale est très avantageuse pour le conjoint survivant comme pour le partenaire pacsé, puisqu’ils sont complètement exonérés de droits de succession.
Aller plus loin dans la faveur faite au conjoint survivant comme vous le proposez ne nous semble justifié ni d’un point de vue juridique ni au regard des évolutions de la société : renforcer les droits du conjoint, c’est inévitablement porter atteinte aux enfants, notamment à ceux issus d’une précédente union.
Lorsque les enfants sont communs, l’atteinte à leur droit pourrait être considérée comme tolérable, puisqu’ils récupéreront le patrimoine successoral au décès du deuxième parent. En revanche, les enfants non communs n’hériteraient pas du conjoint survivant, et ils perdraient alors définitivement tout héritage si le conjoint hérite en premier.
Il n’est donc pas envisagé à ce stade d’accroître encore davantage les droits successoraux du conjoint survivant, déjà très favorisé par la législation actuelle. Cela serait source d’un déséquilibre trop important au détriment des enfants, actuellement protégés par la réserve héréditaire.
Le rapport sur la réserve héréditaire remis à la garde des sceaux le 13 décembre dernier par un groupe de travail constitué d’universitaires et de praticiens du droit étudie cette question et permet de nourrir la réflexion sur l’évolution du droit en la matière. Mme la garde des sceaux et ses services restent à votre disposition pour échanger sur ces préconisations.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.
Mme Jocelyne Guidez. J’entends votre réponse et je la respecte, monsieur le secrétaire d’État, mais je ne la partage pas totalement.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Quand mon père est décédé, alors que ma mère avait l’usufruit, on nous a demandé si nous souhaitions récupérer la voiture. Vous voyez bien que certaines choses ne vont pas.
précarité des étudiants français
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, auteur de la question n° 1177, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Marie Mercier. Madame la ministre, les étudiants français sont beaucoup trop nombreux à vivre au-dessous du seuil de pauvreté. Ils ont subi la baisse de l’aide personnalisée au logement (APL) et l’augmentation des tarifs des restaurants universitaires. Le coût de leurs mutuelles était trop élevé, si bien que nos étudiants ne sont pas toujours en bonne santé, certains s’adonnant même à la prostitution.
Pendant le confinement, nos étudiants sont rentrés chez leurs parents. Ils ont participé aux repas avec un enthousiasme certain, ce qui a augmenté les charges familiales. Ils n’ont pas pu faire les petits boulots, notamment de serveur, qu’ils font habituellement. Et pour ceux qui ne bénéficient pas d’un logement du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous), le loyer a continué à courir.
Or ce sont les parents qui paient les loyers des bailleurs privés. Les parents de nos étudiants font partie de cette grande famille des « travailleurs-payeurs » : ce sont des gens qui travaillent, qui paient des impôts, mais qui n’ont jamais droit à rien, parce que – pas de chance ! – ils sont toujours juste au-dessus du seuil qui permet de bénéficier d’une aide.
Si l’aide de 200 euros est la bienvenue, madame la ministre, envisagez-vous quelque chose pour ceux qui ne peuvent pas en bénéficier ? Ne pourrait-on imaginer, soit un écrêtement, soit, comme pour les entreprises, une compensation fiscale pour les bailleurs privés qui accepteraient de baisser leurs loyers ou d’en exonérer les étudiants ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Madame la sénatrice Mercier, je vous remercie pour cette question qui me permet de revenir sur le sujet de la précarité, notamment des étudiants qui ne sont pas boursiers sur critères sociaux.
La lutte contre la précarité étudiante est l’une de mes priorités depuis 2017. C’est pourquoi j’ai souhaité supprimer les cotisations de sécurité sociale étudiante, qui s’élevaient à plus de 200 euros par an, et les remplacer par une contribution de vie étudiante et de campus. Cette contribution permet de soutenir des étudiants, qu’ils soient boursiers ou non, notamment en matière de santé ou de vie étudiante.
C’est aussi pourquoi j’ai augmenté les bourses sur critères sociaux de 46 millions d’euros cette année. J’ai également étendu les financements des aides spécifiques, ouvertes à l’ensemble des étudiants, et j’ai essayé de faciliter au maximum leur accès.
Ces derniers mois, la question de la précarité étudiante a pris un tour plus prégnant encore du fait de l’épidémie de Covid-19. C’est pourquoi nous avons travaillé avec les représentants des étudiants, les établissements d’enseignement supérieur, le Cnous et les Crous pour mettre en place des aides à destination de l’ensemble des étudiants, qu’ils soient boursiers ou non.
Dès la fin du mois de mars, la contribution de vie étudiante et de campus a été libérée, soit un montant de plus de 139 millions d’euros cette année, pour que les établissements et les Crous puissent répondre aux besoins matériels quotidiens les plus urgents des étudiants, qu’il s’agisse de répondre à des besoins alimentaires, de les aider à acquérir un ordinateur ou à étendre leur forfait de téléphonie pour assurer la continuité pédagogique. J’ai également augmenté de 10 millions d’euros l’aide spécifique aux étudiants en situation de précarité.
Par ailleurs, comme vous le savez, le Président de la République a annoncé – et le Premier ministre a confirmé devant le Sénat – la création d’une aide spécifique pour les étudiants qui ont perdu leur stage rémunéré ou leur emploi et qui ne sont pas pris en charge par le chômage partiel. Cette aide ouverte à l’ensemble des étudiants est accessible de manière simple par voie dématérialisée.
J’ai également annoncé que nous gèlerions les frais d’inscription pour la rentrée, et nous sommes en train de travailler à la mise en place de mesures spécifiques de façon à garantir que l’accès à l’enseignement supérieur ne soit pas un privilège, mais reste ouvert à l’ensemble de notre jeunesse, y compris celle des classes moyennes qui ne bénéficient pas d’aides par ailleurs.
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour la réplique.
Mme Marie Mercier. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre. Vous avez fait de la lutte contre la précarité étudiante votre priorité, et c’est une excellente chose.
Permettez-moi d’insister sur l’importance de ne pas oublier les loyers. « L’homme est une question de persévérance » ; je vous encourage donc à continuer dans cette voie pour aider nos étudiants.
déroulement des concours dans l’enseignement supérieur durant la crise sanitaire du covid-19
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, auteure de la question n° 1188, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur le déroulement des examens et concours dans l’enseignement supérieur durant la crise que nous traversons. Ceux-ci font l’objet de vives inquiétudes relatives au respect de l’égalité des chances des étudiants qui s’y présentent, ainsi que de la préservation de la santé et de la sécurité des usagers et des fonctionnaires.
En ce qui concerne les classes préparatoires, si l’organisation des épreuves écrites semble bien se dérouler, des incertitudes subsistent concernant l’hébergement des concurrents, notamment en Île-de-France, en raison de la fermeture des internats. Des négociations sont en cours avec les Crous, mais des solutions restent à trouver.
Ces questions d’intendance se posent également pour l’organisation des épreuves écrites en outre-mer, où la « mise en loge » des élèves, c’est-à-dire l’isolement en raison du décalage horaire, est remise en question.
La situation est plus alarmante pour les concours de première année commune aux études de santé (Paces), dont le ministère a imposé que la deuxième moitié soit maintenue malgré l’épidémie. À Toulouse notamment, aux interrogations d’ordre pédagogique suscitées par des modifications des épreuves qui les ont vidées de leur sens, s’ajoutent des inquiétudes sur le plan sanitaire, eu égard au nombre considérable de candidats – près de 3 000 au total.
À l’heure où les rassemblements de plus de dix personnes demeurent interdits, comment garantir la sécurité du millier de candidats et organisateurs réunis une journée entière en un lieu clos ?
Enfin, d’une manière générale, les établissements sont en attente de directives claires concernant le traitement à réserver aux étudiants dits à risques, ou encore présentant des symptômes du coronavirus au moment des épreuves ou en amont.
Madame la ministre, avec de nombreux collègues, je vous demande de nous préciser de manière très concrète les aides et les moyens mis en œuvre par le Gouvernement en faveur des établissements pour faciliter et sécuriser la tenue des différents examens et concours.