M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la présidente Assassi, il y a plusieurs temporalités dans votre question. Vous soulevez le problème de l’urgence, et je vais évidemment essayer de vous répondre, mais vous posez aussi la question de l’après, à savoir du monde que nous souhaitons une fois que la crise urgente que nous connaissons sera traversée, dans les meilleures conditions je l’espère.
Je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous n’envisageons pas exactement de la même façon le monde d’après. Cela ne signifie pas que nous sommes, par définition, en désaccord sur tout, mais cela veut dire que l’idée d’une appropriation collective des moyens de production – dont j’ose à peine parler, mais qui ne vous dérange pas (Sourires.) – ne recueille pas tous mes suffrages. Nous aurons l’occasion d’en débattre, et il s’agira, après tout, d’une discussion saine et nécessaire.
Le plan qu’a présenté le Gouvernement s’élève à 45 milliards d’euros de mesures d’urgence immédiates, auxquels s’ajoutent 300 milliards de garanties apportées par l’État sur les prêts consentis par les banques. Il ne s’agit pas de défendre les banques, il s’agit de faire en sorte que les entreprises puissent obtenir un financement pour continuer à vivre : 300 milliards de garanties données par l’État, c’est loin d’être négligeable ! L’ampleur du plan, si on le rapporte à la population, correspond à la norme de ce que pratiquent nos voisins allemands ou d’autres pays comparables. Nous mettons beaucoup de forces en œuvre pour alimenter notre capacité à surmonter la crise.
Je suis certain que vous serez d’accord avec moi sur ce point, madame la présidente Assassi : lorsque nous aurons réussi à passer la crise – car nous la passerons –, il faudra relancer la machine et faire repartir le corps économique. Faut-il parler en ce qui le concerne d’un arrêt cardiaque ou d’une interruption de la circulation sanguine ? Quoi qu’il en soit, cet effort de redémarrage sera certainement considérable. Il ne devra d’ailleurs pas être seulement national, même s’il aura évidemment une dimension nationale ; il devra aussi être coordonné aux niveaux européen et mondial. Bref, il y aura un champ considérable d’actions économiques collectives et publiques à mettre en œuvre.
Vous avez évoqué l’instrument des nationalisations. L’État est d’ores et déjà actionnaire d’un certain nombre de grands groupes qui lui paraissent stratégiques ou pour des raisons historiques, les deux n’étant pas incompatibles. Il n’a évidemment pas vocation à être actionnaire de toutes les entreprises françaises ou de toutes les entreprises qui exercent leur activité en France.
S’il fallait prendre des mesures pour veiller à l’outil industriel ou à l’outil économique dont la France est en partie ou complètement propriétaire, évidemment l’État le fera et prendra ses responsabilités.
S’il fallait intervenir – au-delà des entreprises dans lesquelles l’État est déjà actionnaire – soit par des prêts particuliers, soit par des prises de participation dans des entreprises que nous jugeons stratégiques et qui auraient été mises en difficulté par l’interruption de l’activité, voire menacées dans leur existence ou dans la répartition de leur capital par des interventions, par exemple étrangères, alors nous prendrons aussi nos responsabilités, comme l’a souligné le ministre de l’économie et des finances et comme je m’y suis engagé en tant que chef du Gouvernement. Nous avons bon espoir de pouvoir y parvenir et de faire en sorte que ces entreprises puissent repartir de l’avant lorsque la crise sera passée.
Nous n’excluons donc aucun mouvement, mais, compte tenu de l’ampleur des sujets, le fait d’annoncer par principe les interventions de l’État reviendrait à se condamner à ne pouvoir toutes les réaliser, vous le comprendrez aisément, madame la présidente Assassi.
En tout état de cause, nous serons extrêmement mobilisés. Je puis vous assurer que le ministère de l’économie et des finances suit d’un œil très attentif toutes ces questions pour déterminer où et quand il conviendra d’intervenir en fonction de la capacité desdites entreprises à passer cette période délicate et de leur caractère stratégique ou non pour le tissu productif national ou pour la souveraineté française.
Je vous ai répondu de manière générale, j’en ai conscience, dans des termes qui ne vous satisfont pas, car nous n’allons pas nationaliser l’ensemble de l’économie française ni même l’ensemble des entreprises industrielles.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce que j’ai demandé !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Certes, mais si j’en crois votre enthousiasme, cela pourrait aller très loin si nous vous suivions.
Quoi qu’il en soit, nous sommes extrêmement mobilisés afin de pouvoir réagir le moment venu, si les entreprises menacées constituent un atout majeur pour la souveraineté française.
encadrement des prix des matières et produits de première nécessité
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Rachid Temal. Je souhaite avant tout avoir une pensée pour tous nos concitoyens, qu’ils soient confinés chez eux, touchés par la maladie, par le deuil, mais aussi pour l’ensemble de nos compatriotes qui assurent en ces jours des fonctions essentielles et vitales au fonctionnement de notre pays en termes de santé, d’entretien, d’alimentation, de sécurité, d’enseignement, de production ou encore de continuité du service public.
Face à cette crise sanitaire sans précédent, le Gouvernement, le Parlement et les collectivités ont dû adopter des mesures sanitaires strictes, mais vitales.
Alors que la période de confinement initialement annoncée sera prolongée, nous pouvons constater de premières conséquences économiques et sociales. Je pense à la tension naissante sur certains prix déjà visible dans l’Hexagone et dans les outre-mer. Il nous incombe donc d’être préparés dès à présent aux conséquences de la crise sur le pouvoir d’achat des Français. Nous devons anticiper cette situation et prendre des décisions immédiatement.
Dès lors, face à cette « inflation de crise », nous demandons au Gouvernement, en application de l’article 2 de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 votée dimanche, de bloquer, par décret, les prix des produits de première nécessité d’alimentation et d’hygiène. Nous demandons également au Gouvernement de mettre en place un dispositif pour maintenir le pouvoir d’achat des agriculteurs et des producteurs.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire quand sera pris ce décret de blocage temporaire des prix ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Temal, permettez-moi d’abord de saluer tous ceux qui contribuent dans les commerces, petits et grands, dans les usines, sur les routes et dans les entrepôts à nourrir 67 millions de Français. Ils méritent un coup de chapeau !
Le Gouvernement suit l’évolution du prix des denrées alimentaires, notamment des produits frais. Une première analyse montre que moins de 10 % des produits frais ont augmenté de plus de 10 % durant la semaine du 16 au 22 mars. Ce sont les chiffres de Rungis.
Il faut bien sûr rester vigilant dans un contexte où les coûts de production et de transport pour amener ces produits au plus près des Français augmentent – je pense notamment aux coûts logistiques. Comme vous le savez, les conditions de travail sont plus difficiles, mais il est également plus compliqué de transporter de la marchandise et de remplir à plein les camions.
Bien évidemment, il existe des mesures, notamment le dispositif des accords de modération des marges sur les fruits et légumes frais en application du code rural et de la pêche maritime. À ce jour, seize accords ont été signés par des enseignes. Ils ont été récemment activés pour les fraises – rondes et gariguettes – et pour les asperges.
En cas de flambée anormale, le Gouvernement peut prendre des mesures de fixation des prix en application du code de commerce. J’ai donc demandé à la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) de suivre de très près l’augmentation de ces prix.
L’enjeu qui est le nôtre est de nourrir les Français. Nous faisons un point tous les jours avec l’ensemble de la filière agroalimentaire, et nous nous assurons d’enlever tous les grains de sable qui bloquent l’acheminement des marchandises : cela va du manque de bras dans les fermes, dans le secteur logistique, dans les entrepôts et jusque dans la distribution. Il importe aussi, je veux le souligner, que les Français soient très solidaires dans la façon dont ils consomment.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour la réplique.
M. Rachid Temal. Madame la secrétaire d’État, nous avons les uns et les autres le souci de nourrir 67 millions de personnes et de permettre à notre filière agricole de pouvoir travailler. J’entends ce que vous me dites, mais je vous demande d’anticiper. Nous enregistrons déjà sur les marchés et dans les magasins des augmentations de prix. J’espère que la logique que nous avons adoptée collectivement sur les tarifs pourra être activée. On l’a fait pour le gel hydroalcoolique, mais il faudrait également activer cette clause pour d’autres produits, y compris en outre-mer.
implication des assurances dans la crise économique liée à la situation sanitaire
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Claude Malhuret. Monsieur le Premier ministre, dans une crise sanitaire, comme dans toute catastrophe, l’action publique doit d’abord parer au plus urgent : protéger les vies humaines, quoi qu’il en coûte. C’est la ligne retenue par le Gouvernement, celle aussi soutenue par le Parlement et surtout celle attendue par les Français. Pour commencer, je voudrais donc me joindre à l’hommage rendu par les orateurs qui m’ont précédé à tous les personnels soignants de notre pays.
Après avoir mis en œuvre des mesures drastiques pour limiter l’expansion du virus, il faut agir avec autant de force pour que l’économie ne s’effondre pas. Nous y avons contribué en adoptant dimanche dernier les deux projets de loi que vous nous aviez soumis. Le Gouvernement dispose désormais d’importants moyens pour tendre à nos entreprises de nécessaires filets de sécurité.
Mais l’État ne peut pas tout. Alors que tout indique un ralentissement globalisé de l’économie, la mobilisation du secteur privé sera également indispensable : aucune des forces vives du pays ne doit manquer à l’appel.
Bon nombre de nos entreprises accusent le coup et s’apprêtent à ouvrir des lignes de crédits garantis par l’État. Pour remettre les entreprises sur les rails de l’activité, l’action des professionnels de l’assurance sera également nécessaire.
La couverture d’un risque consiste pour l’essentiel à évaluer la probabilité qu’un événement se produise, ainsi que les dégâts financiers qu’il pourrait causer. Lorsque l’événement est inédit et les dégâts incommensurables, la tâche évidemment se complique… De très nombreuses entreprises font savoir que les pertes d’exploitation qu’elles subissent actuellement ne sont pas couvertes par leurs contrats d’assurance. Leurs dirigeants sont bien sûr très inquiets.
Monsieur le Premier ministre, que peut faire le Gouvernement pour adapter le cadre assurantiel à la gravité de la situation que nous connaissons ? L’état d’urgence sanitaire qui vient d’être institué a-t-il vocation à intégrer un volet assurantiel, par exemple sur le modèle du régime existant en matière de catastrophes naturelles ?
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Malhuret, il appartient au chef du Gouvernement de remercier le Parlement de lui avoir donné les moyens, en votant les deux lois que nous soumettions à son examen, de répondre aux difficultés économiques considérables suscitées par le confinement et l’interruption de l’activité dans de très nombreux secteurs.
Ce cadre juridique que vous avez voté, nous l’avons utilisé : nous avons présenté ce matin en conseil des ministres vingt-cinq ordonnances. Je ne fais pas de fétichisme du chiffre, mais vingt-cinq est un nombre considérable. Ces ordonnances permettent, secteur par secteur et sujet par sujet, d’essayer d’apporter des solutions juridiques aux problèmes que rencontre le tissu productif français, et pas seulement lui. En effet, comme vous le savez, un certain nombre de ces ordonnances sont destinées à accompagner les établissements de santé et les soignants.
Je l’ai dit, le montant du plan d’urgence s’élève à 45 milliards d’euros. Les 300 milliards d’euros de garanties accordées pour permettre la poursuite du financement de l’économie étaient indispensables : cela montre l’engagement de l’État, c’est-à-dire dire de la Nation.
Vous avez évoqué, monsieur le président Malhuret, la situation des assureurs. Il est vrai que, comme vous l’avez indiqué, les garanties en matière de pertes d’exploitation prévues dans les contrats d’assurance ne s’appliquent pas, dans la grande majorité des cas, aux pertes qui résulteraient d’une cause autre qu’un dommage matériel. Autrement dit, les contrats actuels n’ont pas, pour l’immense majorité d’entre eux, prévu ce type de dommage, d’accident, d’aléa. Constatant cette impossibilité, nous sommes intervenus de trois façons.
Premier élément : nous avons demandé au secteur des assurances de contribuer au fonds de solidarité que nous avons créé. Nous allons faire en sorte que ce soit le cas dès le mois de mars, et pour avril si c’est nécessaire. Ils se sont engagés à ce stade à hauteur de 200 millions d’euros environ pour le mois de mars, ce qui n’est pas négligeable. C’est évidemment une façon d’apporter des solutions aux indépendants et aux toutes petites entreprises qui se trouvent confrontés à l’interruption de leur activité.
Le deuxième élément utile est le maintien des garanties d’assurance des TPE qui connaîtraient des difficultés ou des retards de paiement pendant toute la durée de la période de suspension de l’activité. Cela signifie que, dès lors qu’il n’y a pas de recettes, il ne pourra pas y avoir de perte de droits parce qu’il n’y aurait plus de paiement des polices d’assurance. Cet engagement important a été pris par le secteur, et il sera garanti.
Enfin, même s’il est probablement trop tôt pour tirer tous les enseignements de cette crise mais il sera utile d’y réfléchir très rapidement, le ministère de l’économie et des finances va engager des travaux avec les assureurs pour imaginer des propositions innovantes en matière de mécanisme d’assurance permettant une couverture adaptée à ce type d’aléas.
Vous le voyez, monsieur le président Malhuret, en la matière, nous devons avoir une discussion approfondie avec le secteur des assurances afin que nous nous aidions mutuellement à passer cette crise. Il faut veiller à ne pas faire disparaître ce secteur, car nous en avons besoin, mais il doit lui aussi, j’y insiste, nous aider à passer cette crise.
La discussion qui va se nouer sera intense et absolument nécessaire. Je ne peux pas vous dire ici, maintenant, quels en seront les résultats, mais je tiens à vous faire part de notre disponibilité complète pour engager cette discussion, à laquelle le ministère de l’économie et des finances s’est déjà attelé.
efficacité des mesures d’urgence pour limiter l’impact économique sur les entreprises
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Dallier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Le Sénat a adopté à la quasi-unanimité, sans vote contre, les mesures d’urgence pour soutenir l’activité et l’emploi lors de cette crise sanitaire, qui sera aussi une crise économique majeure. Cependant, il nous semble qu’il y a quelques trous dans la raquette, comme nous l’avions dit en séance et comme semblent le confirmer les remontées du terrain.
Concernant le chômage partiel, il faudrait, puisque toutes les entreprises vont être touchées par cette crise, étendre les mesures aux TPE, commerçants et artisans qui vont rester ouverts parce que leur activité est considérée comme essentielle, mais qui subiront tout de même une perte de chiffre d’affaires. Il faudrait les aider : êtes-vous prêt à agir en ce sens, monsieur le Premier ministre ?
Le dispositif des 1 500 euros pour ceux qui ont perdu 70 % de leur chiffre d’affaires par rapport à mars 2019 sera de peu d’effet. Le report des charges ou des factures de gaz ou d’électricité à quelques mois ne sera pas non plus suffisant.
La bonne mesure, ce sont les 300 milliards d’euros du fonds de garantie, à la condition que les banques puissent accorder ces prêts rapidement, largement et partout sur le territoire. Il semble qu’il y ait déjà certains secteurs dans lesquels les agences sont fermées. Il est donc difficile de déposer des chèques ou des fonds. Quelles assurances pourriez-vous nous apporter sur ce sujet ?
Ceux qui sont au travail, que nous saluons tous, doivent être encouragés. Or les mesures qui ont été adoptées sont limitées aux salariés, probablement des grandes entreprises. Êtes-vous prêt à prendre des dispositions pour le secteur public, pour les hôpitaux, pour tous ceux qui sont au travail et que nous devons soutenir ?
Je terminerai mon intervention par une question très particulière. Nombreux sont ceux qui ont pu commander des masques en Chine, notamment les collectivités locales, mais il semble qu’il y ait des problèmes d’acheminement. On parle de la mise en place d’un pont aérien. Qu’en est-il ?
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, votre question comporte beaucoup de questions.
D’abord, je voudrais relever les points positifs.
Je vous remercie de souligner que la garantie d’emprunt apportée par l’État, à hauteur de 300 milliards d’euros, est un élément favorable qui doit évidemment être mis en œuvre avec le soutien des banques. J’ai cru comprendre, à la lecture d’un certain nombre de messages ce matin, que les banques, ayant constaté, à la fois, le vote favorable du Sénat que vous avez mentionné et la promulgation de la loi, avaient déjà commencé à faire part à leurs clients de leur disponibilité à accorder ces emprunts. Je sais que certaines banques ont été très réactives. Notre objectif est évidemment que cet instrument serve, car les entreprises en ont besoin.
Je ne méconnais pas les difficultés qui, çà et là, peuvent se poser compte tenu du plan de charges des agences ou de la difficulté à faire en sorte que l’ensemble de celles-ci fonctionnent dans de bonnes conditions. Mais je peux vous faire état, monsieur le sénateur, de la grande mobilisation du secteur bancaire et de la volonté que cet instrument puisse porter tous ses fruits.
Vous avez évoqué un certain nombre de limites s’agissant des instruments d’urgence que nous avons mis en place. Peut-être pouvons-nous néanmoins convenir que le dispositif d’activité partielle que nous allons instaurer est inédit en France ? Nous avons créé – pardonnez-moi cette expression – le « paquet » le plus généreux d’Europe : dans notre dispositif, les entreprises ne subissent aucune perte si elles décident de passer en chômage partiel et les salariés voient leur revenu garanti à une hauteur qui est supérieure à ce qui se fait dans d’autres pays, y compris l’Allemagne.
Nous sommes donc allés très loin dans le dispositif d’activité partielle, de façon, là encore, à permettre aux entreprises et bien entendu aux salariés de passer ce cap difficile. Je comprends qu’on puisse se dire qu’il en faudrait encore plus – ce sera peut-être d’ailleurs le cas –, mais, je le redis, il s’agit là de mesures d’urgence qui permettent de franchir le cap.
Sur la question du fonds de solidarité pour les TPE, n’oubliez pas, mais je sais que vous ne le ferez pas, que ce fonds est à deux étages.
Le premier étage est automatique : dès lors que l’on remplit un certain nombre de conditions, les 1 500 euros sont versés automatiquement par la DGFiP (direction générale des finances publiques), dans des conditions de délais extrêmement restreints.
Le deuxième étage fera, quant à lui, l’objet d’une appréciation, notamment grâce à l’instruction des conseils régionaux. Nous allons en effet travailler avec les régions pour qu’elles puissent nous aider à apprécier la situation régionale et individuelle de chaque entreprise. Pour le deuxième étage du fonds de solidarité, il y aura donc une appréciation générale, mais aussi un accompagnement.
Si je peux me permettre d’insister, nous ne réduisons pas le fonds de solidarité au simple premier étage : les deux étages doivent durer aussi longtemps que la crise sanitaire et, donc, les difficultés économiques.
Je voudrais répondre à la question spécifique que vous avez posée à la fin de votre propos sur le pont aérien.
Un certain nombre de commandes de masques ont été passées par l’État et d’autres acteurs, publics ou privés. Il faut pouvoir les acheminer dans de bonnes conditions. Nous avons donc fait appel aux meilleurs logisticiens pour nous assister et nous conseiller.
Des avions-cargos iront en Chine chercher ces masques ; ces avions sont affrétés. On peut effectivement prendre l’image d’un pont aérien, car c’est de fait ce qui va se passer.
Je l’ai dit, dans la mesure où il nous manquerait des avions pour aller chercher ces masques – pour l’instant, rien n’indique que ce soit le cas –, nous pourrions, non pas réquisitionner, comme le proposerait Mme la présidente Assassi (Sourires.), mais faire appel aux capacités, aujourd’hui beaucoup moins utilisées, des compagnies nationales, qui nous ont indiqué leur disponibilité. Nous leur avons répondu que nous ferions appel à elles si nous avons besoin de faire revenir des Français bloqués à l’étranger, dans un pays dont les liaisons commerciales ont été interrompues, ou d’aller chercher ces masques.
De ce point de vue, les choses sont donc claires : les commandes sont passées, les avions sont affrétés et ils devraient servir dans des délais très brefs. Croyez-moi, je suis le premier à faire en sorte que cela se passe ainsi, puisque nous avons besoin de cette ressource. Je pense que tout se passera correctement, mais permettez-moi, monsieur le sénateur, de faire preuve d’un optimisme mesuré : en la matière, j’aime mieux tenir qu’espérer.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.
M. Philippe Dallier. Monsieur le Premier ministre, il y a juste un point sur lequel vous n’avez pas répondu, mais que je vous demande de garder à l’esprit : pensez à encourager financièrement, d’une manière ou d’une autre, ceux qui sont en poste, au travail, dans des conditions souvent difficiles, et ce dans tous les secteurs. Ils le méritent ! (M. le Premier ministre opine.)
M. le président. Je vois que le Premier ministre a parfaitement entendu ce message.
moyens budgétaires alloués à l’hôpital et tests généralisés
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Sabine Van Heghe. La lutte contre le Covid-19 impose l’unité nationale, à laquelle nous souscrivons.
Je m’associe aux hommages que vous avez formulés, mes chers collègues, à l’endroit de nos concitoyens qui travaillent dans des conditions très difficiles, au premier rang desquels les personnels de santé, mais aussi les professionnels de tous les secteurs qui permettent aux Français de disposer des biens et services indispensables. Je souligne également l’investissement des fonctionnaires de nos services publics, dont on réalise, plus encore en ces périodes de crise majeure, qu’ils sont, non pas une dépense, mais un investissement, une protection dont on ne peut se passer.
Les maires et les élus locaux sont également en première ligne.
L’unité nationale ne doit pas empêcher le débat démocratique, et je veux me faire la porte-parole des interrogations exprimées par nos concitoyens sur les mesures sanitaires mises en place par le Gouvernement pour lutter contre cette pandémie.
Le renforcement du confinement protège et sauve des vies, mais il est grand temps de mettre tout en œuvre pour se doter de masques, de tests de dépistage, de gels hydroalcooliques, de respirateurs, qui continuent de manquer scandaleusement. Quand les personnels mobilisés pour combattre cette épidémie disposeront-ils de ces éléments de protection et de soins élémentaires ?
Il faut tirer les leçons de cette crise sanitaire sans précédent et, dès maintenant, augmenter les moyens financiers et humains qui manquent cruellement à notre système de santé.
L’OMS (Organisation mondiale de la santé) demande la généralisation des tests de dépistage du Covid-19 afin de confiner les personnes positives et, ainsi, éviter de nouvelles contaminations. Les tests disponibles à ce jour et dans les jours qui viennent seront absolument insuffisants, notamment au regard des 800 000 résidents des Ehpad menacés d’une effroyable hécatombe si des dispositions drastiques ne sont pas prises de toute urgence.
Monsieur le ministre, quand vous rangerez-vous à ces recommandations de l’OMS et quand ces tests seront-ils enfin généralisés dans notre pays ?
M. Patrick Kanner. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice Van Heghe, qui me donne l’occasion de revenir sur les annonces que j’ai faites.
Nous allons continuer de nous conformer scrupuleusement aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé en matière de tests. Les recommandations ont évolué avec la connaissance du virus, les recommandations ont évolué avec l’apparition de la pandémie, les recommandations ont évolué avec l’identification des différentes stratégies mises en place dans tous les pays qui ont fait face en même temps que nous, ou quasiment en même temps que nous, à l’épidémie. Ces pays ont choisi des stratégies qui leur étaient propres, en fonction des moyens à leur disposition.
J’ai déjà souligné que j’avais entendu l’appel du directeur de l’OMS : « testez, testez, testez ! » Cet enjeu sera encore plus important au moment où nous nous apprêterons à déconfiner la France, à l’heure où les Français seront amenés à quitter leur domicile pour retrouver une vie normale. L’enjeu de ces tests sera surtout de savoir qui aura été malade et qui ne l’aura pas été.
Je peux vous confirmer que nous aurons, sous quinzaine, la possibilité de passer des 5 000 tests par jour que nous réalisons actuellement à près de 20 000 à 25 000 tests – sans doute un peu plus. L’Allemagne, souvent citée en exemple, réalise aujourd’hui 12 000 tests par jour. Cela sous-entend aussi de pouvoir amener suffisamment de réactifs, de kits de prélèvement… Nous passons toutes les commandes nécessaires aux pays étrangers et auprès des producteurs présents sur le territoire national. Il s’agit d’un enjeu important.
Toutefois, nous n’allons pas nous contenter des PCR, qui nous indiquent si l’on est malade à un moment donné. Ce qui nous intéresse, c’est la sérologie, laquelle va aussi se développer à une vitesse grand V. La recherche et l’innovation nous permettront rapidement de savoir, par une simple prise de sang, qui aura été immunisé contre le virus, asymptomatique ou non, et qui ne l’aura pas été.
Cette information sera très importante pour savoir où nous en sommes dans l’épidémie à l’échelle du pays, à l’échelle de l’Europe et à l’échelle du monde. Cela permettra aussi à chacun de savoir s’il est immunisé pour de bon contre la maladie ou pas encore.
Je pense également à la recherche et au développement en cours sur les autotests et les tests rapides sur l’ensemble du territoire national, en Europe et ailleurs dans le monde. Ils seront disponibles pour les Français, dès l’instant où ils seront validés, où que ce soit dans le monde.
Voilà ce que je pouvais vous répondre, madame la sénatrice, sur les tests. Je vous prie de m’excuser de ne pouvoir répondre à vos autres questions, faute de temps.
gestion des examens et concours