Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi, M. Joël Guerriau.
2. Mises au point au sujet de votes
3. Projet de loi de finances rectificative pour 2020. – Discussion d’un projet de loi
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Discussion générale :
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances
Clôture de la discussion générale.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances
Suspension et reprise de la séance
4. Modification de l’ordre du jour
5. Projet de loi de finances rectificative pour 2020. – Suite de la discussion et adoption définitive d’un projet de loi
Articles additionnels avant le titre unique
Amendement n° 6 rectifié de M. Thierry Carcenac. – Retrait.
Amendement n° 8 de la commission. – Retrait.
Amendement n° 20 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 10 rectifié de M. Claude Kern. – Retrait.
Amendement n° 11 rectifié de M. Claude Kern. – Retrait.
Article 1er A (nouveau) – Adoption.
Articles additionnels après l’article 1er A
Amendement n° 16 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 14 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 15 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Article 1er et état A – Adoption.
Vote sur l’ensemble de la première partie
Adoption de l’ensemble de la première partie du projet de loi.
Amendement n° 17 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 2 de M. Thierry Carcenac. – Retrait.
Amendement n° 3 de M. Thierry Carcenac. – Retrait.
Amendement n° 4 de M. Thierry Carcenac. – Retrait.
Amendement n° 5 de M. Thierry Carcenac. – Retrait.
Amendement n° 1 de M. Thierry Carcenac. – Rectification.
Amendement n° 1 rectifié de M. Thierry Carcenac. – Retrait.
Amendement n° 18 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Adoption de l’ensemble de l’article et de l’état annexé.
Article 3 et état D – Adoption.
Article additionnel avant l’article 4 A
Amendement n° 19 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Article 4 A (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 21 de M. Pascal Savoldelli. – Retrait.
Amendement n° 22 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 7 de M. Thierry Carcenac. – Retrait.
Amendement n° 23 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 24 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 12 de Mme Sophie Primas. – Retrait.
Amendement n° 25 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 26 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 4
Amendement n° 9 de la commission. – Retrait.
Amendement n° 13 de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 27 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 28 de M. Pascal Savoldelli. – Retrait.
Article 5 (nouveau) – Adoption.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
Adoption définitive, par scrutin public n° 97, du projet de loi.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
6. Modification de l’ordre du jour
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, lors du scrutin n° 95, portant sur l’ensemble du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, Mme Brigitte Micouleau et M. Alain Chatillon ont été enregistrés comme ayant voté pour, alors qu’ils souhaitaient s’abstenir.
Par ailleurs, M. Pierre Charon a été enregistré comme ayant voté contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Monsieur le président, lors du scrutin n° 96 portant sur l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, les membres du groupe Les Indépendants ont été enregistrés comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’ils souhaitaient voter pour.
M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique des scrutins.
3
Projet de loi de finances rectificative pour 2020
Discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2020 (projet n° 384, rapport n° 385).
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Discussion générale
M. le président. Je rappelle que tous les orateurs, y compris les membres du Gouvernement, s’exprimeront depuis leur place, sans monter à la tribune, et devront respecter les principes de précaution sanitaire qui ont été édictés en termes de distance, de temps de nettoyage des micros, d’entrée et de sortie de l’hémicycle.
Il ne s’agit pas d’une simple litanie, mes chers collègues, mais du rappel de réflexes permanents ! Des dispositifs hydroalcooliques sont à disposition dans l’hémicycle.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce projet de loi de finances rectificative pour 2020, vous poursuivez cet après-midi l’examen des textes d’urgence que le Gouvernement soumet à l’approbation du Parlement, dans les conditions inédites et dramatiques de guerre sanitaire – et désormais économique – que connaît notre pays, et ce quelques semaines seulement après le vote de votre assemblée sur le budget de la Nation.
Le Président de la République s’est engagé à déployer tous les moyens nécessaires à la préservation de l’économie de notre pays, du revenu des ménages et des salariés. C’est en effet – l’histoire l’a montré en 2008 – la meilleure façon de faire repartir l’économie et d’assurer un rebond au lendemain de la très grave crise sanitaire que nous vivons.
Tous les moyens annoncés sont nécessaires. Ce sont en tout 45 milliards d’euros d’aides aux entreprises et aux salariés que le Gouvernement mobilise pour maintenir l’emploi et pour éviter au maximum les accidents de trésorerie qui pourraient leur être fatals, et ce quels que soient les entreprises, les secteurs et les territoires géographiques concernés.
Le projet de loi de finances rectificative est le second pilier du dispositif, le premier étant constitué des deux projets de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, débattus hier, jusque tard dans la nuit.
Dès la semaine dernière, nous avons pris des mesures à la fois réglementaires et « d’habitude », afin de permettre aux entreprises qui le souhaitent, en raison de leurs difficultés, de reporter immédiatement leurs échéances fiscales et sociales pour trois mois.
J’ai donc donné ordre à mon administration, à la demande du Président de la République, de reporter l’intégralité des charges sociales pour toutes les entreprises qui en font la demande, y compris celles – la plupart des PME – qui avaient réglé leur échéance du 15 mars dernier. Pour les travailleurs indépendants, l’intégralité des charges arrivant à échéance au 20 mars 2020 a été reportée, sans qu’ils aient besoin de faire une quelconque démarche en ce sens.
Pour les entreprises plus importantes, dont l’échéance du versement des charges sociales est fixée au 5 avril, le système est le même que pour celles dont l’échéance est au 15 mars : il leur suffit de modifier leur déclaration sociale nominative ou d’intervenir auprès des Urssaf, qui sont sous mon autorité, pour que les reports de charges soient effectifs.
À l’heure où je vous parle, 3 milliards d’euros ont été reportés, dans l’attente d’autres mesures qui ne manqueront pas d’être prises si la crise devait durer.
S’agissant des modalités fiscales, nous avons souhaité que les entreprises ayant acquitté leur acompte d’impôt sur les sociétés puissent se faire rembourser en envoyant un simple mail à la direction générale des finances publiques (DGFiP), ou en remplissant le formulaire qui se trouve sur le site impots.gouv.fr, ou encore en téléphonant aux agents des impôts.
Je tiens à souligner qu’en ce moment même, à l’instar des soignants et des forces de sécurité qui font un travail formidable au service de nos concitoyens, les agents du ministère de l’action et des comptes publics – ceux de la DGFiP et des Urssaf, ceux qui versent les salaires des fonctionnaires et les pensions de retraite, ceux qui interviennent auprès des entreprises, ceux qui font les mandatements pour les collectivités locales – sont à pied d’œuvre dans des conditions, vous pouvez l’imaginer, très difficiles. Je veux les remercier au nom de la Nation, car eux aussi font marcher l’économie de notre pays.
Les mesures de report que nous avons prises représentent une aide directe et immédiate de 35 milliards d’euros, sur les 45 milliards précédemment évoqués : 13 milliards au titre des impôts directs et 22 milliards au titre des cotisations et contributions sociales.
Dans la sphère sociale, au 19 mars – je ne peux, hélas, vous présenter les chiffres de ce jour, le 20 mars –, 380 000 entreprises ont d’ores et déjà demandé l’allégement mais aussi, le plus souvent, l’annulation de leurs cotisations Urssaf à échéance du 15 mars. Cela représente, je le répète, un montant de 3 milliards d’euros de cotisations et contributions sociales non recouvrées. Par ailleurs, 460 000 travailleurs indépendants ont également demandé à reporter l’échéance de versement de leurs charges.
Dans la sphère fiscale, au 17 mars, plus de 3 000 entreprises avaient formulé des demandes de report d’échéance ou de délais de paiement, qui ont été acceptées à hauteur de 92 %.
Le projet de loi de finances rectificative traduit la mobilisation du Gouvernement à travers deux mesures principales. Les autres dispositifs seront présentés par Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Premièrement, l’article 4 prévoit une garantie exceptionnelle de l’État permettant de soutenir le financement des entreprises à hauteur de 300 milliards d’euros. Ce dispositif temporaire couvrira les prêts accordés du 1er mars au 31 décembre de cette année, afin de résoudre les problèmes de trésorerie liés à la crise du coronavirus.
L’État peut beaucoup et apparaît indispensable aux yeux de tous dans les périodes de crise, et cela renforce notre confiance dans la Nation, celle-là même que nous représentons à divers titres. Je tiens cependant à souligner, à l’instar du ministre de l’économie et des finances, que les banques doivent jouer leur rôle de financeur de l’économie, a fortiori compte tenu de l’existence de la garantie de l’État.
Cette garantie permettra aux banques de prêter aux entreprises appartenant à tous les secteurs de l’économie, mais aussi aux associations employeuses.
Conformément aux règles européennes relatives aux aides d’État, un partage de risques sera mis en place avec les banques et cette garantie leur sera facturée.
Deuxièmement, ce projet de loi prévoit des moyens budgétaires supplémentaires pour financer les dispositifs d’urgence que nous soumettons à l’Assemblée nationale et au Sénat, et qui ont été examinés par votre commission des finances.
Il s’agit tout d’abord, et sans doute est-ce le point le plus important, de la prise en charge par l’État de 100 % du chômage partiel pour les salariés rémunérés jusqu’à 4,5 SMIC. Nous avons donc changé la doctrine de l’État par rapport à ce qui a été fait en 2008, même s’il s’agissait alors d’une crise financière, et non d’une crise de l’économie réelle. Nous nous sommes inspirés des mesures prises par nos amis allemands lors de cet épisode.
Cette prise en charge du chômage partiel à hauteur de 100 % représente à peu près 5,5 milliards d’euros par mois pris dans les caisses de l’État. Si l’on y ajoute les 2,5 milliards d’euros provenant de l’Unedic, le total est de 8 milliards d’euros par mois.
Mme la ministre du travail a eu l’occasion de dire que de nombreuses entreprises avaient d’ores et déjà recours au chômage partiel. Cette mesure sera rétroactive pour les entreprises qui déclareront à la fin de ce mois les difficultés qu’elles ont rencontrées au début ou à la moitié dudit mois.
L’État prendra donc en charge 100 % des salariés, et ceux qui sont au SMIC toucheront 100 % de leur salaire au titre du chômage partiel. Ce dispositif sera étendu aux travailleurs indépendants, aux employés à domicile et aux assistantes maternelles – nous pourrons y revenir dans le cours du débat si vous n’avez pas obtenu de réponses à vos questions lors de la séance d’hier.
Cette prise en charge du chômage partiel représente une dépense totale de 8 milliards d’euros en dépenses publiques, soit 5,5 milliards pour l’État et 2,5 milliards pour l’Unedic.
Le choix qui a été fait vise à ce que l’État supporte le principal creusement du déficit. C’est en effet l’État, bien plus que la sphère sociale ou l’Unedic, qui peut aujourd’hui emprunter sur les marchés financiers – on l’a encore vu hier matin –, et ce au meilleur taux, grâce à la confiance desdits marchés dans la signature de la France.
De plus, pour répondre aux inquiétudes des petits entrepreneurs, artisans et commerçants qui subiraient une baisse de leur chiffre d’affaires en raison des restrictions de circulation et des difficultés liées au coronavirus, le Gouvernement a créé un fonds de solidarité doté de 1 milliard d’euros par mois, dont 250 millions d’euros sont versés par les régions ; nous les en remercions.
Ce fonds d’indemnisation permettra d’assurer un filet de sécurité pour toutes les petites entreprises indépendantes. Les aides seront versées par la DGFiP, de manière automatique, jusqu’à 1 500 euros à la fin de chaque mois. Un deuxième étage de ce fonds est actuellement mis en place par le ministère de l’économie et des finances et les régions.
Un soutien complémentaire, que Mme la secrétaire d’État vous présentera, pourrait être apporté dans les situations les plus difficiles, afin d’éviter les faillites. Ce fonds s’adressera à tous les secteurs touchés par la crise et aux entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million d’euros.
Sur l’initiative du groupe Les Républicains, l’Assemblée nationale a adopté hier un amendement instituant auprès du Premier ministre un comité composé de parlementaires, de représentants des collectivités locales et des entreprises, chargé du suivi et de l’évaluation de la garantie de l’État et du fonds de solidarité des petites entreprises. L’évaluation de ces dispositifs se fera donc en toute transparence. J’invite le Sénat à adopter le texte ainsi amendé par les députés.
J’ajoute qu’une provision supplémentaire de 2 milliards d’euros au titre des dépenses de santé est intégrée pour couvrir les achats de matériel à destination des hôpitaux publics et des personnels de santé, les indemnités journalières et la reconnaissance de l’engagement des personnels hospitaliers via le paiement de chaque heure supplémentaire.
J’en profite pour saluer l’engagement de tous les professionnels de la santé, et de tous les agents publics en général, qui sont engagés pour soigner et protéger nos concitoyens, et pour faire avancer l’économie.
Cet effort de relance s’inscrit en cohérence avec les initiatives de la zone euro – la Banque centrale européenne (BCE) s’est ainsi réunie avant-hier en urgence –, dont les membres ont entériné ces derniers jours un soutien budgétaire représentant 1 % de PIB.
Dans ce projet de loi de finances rectificative, nous avons révisé nos chiffres de finances publiques, en prévoyant 1 % de croissance négative ; sans doute n’est-ce qu’une première étape, mais cela correspond à la prévision de la Commission européenne.
En conséquence, le solde budgétaire de l’État sera donc révisé à la baisse d’environ 15 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, car l’État devrait être privé de 10 milliards de recettes fiscales. S’y ajoutent les 5 milliards d’euros de crédits budgétaires déjà évoqués, et les 2 milliards de recettes non perçues du fait de la suspension de diverses privatisations, notamment celle d’Aéroports de Paris (ADP).
La prévision de solde public pour 2020 est revue à la baisse à –3,9 % du PIB, contre –2,2 % initialement prévu.
Nous ne savons pas combien de temps cette crise durera. Nous faisons tout notre possible pour reporter et annuler les charges fiscales et sociales. Afin de faire face à cette crise, la France continue à emprunter dans de bonnes conditions, grâce à la confiance que nous accordent nos prêteurs, lesquels sont sans doute plus inquiets de la crise sanitaire et que de l’état des finances publiques françaises.
Cependant, nous devons veiller à l’état de nos finances. Aussi, je ne pourrais pas accepter les amendements qui porteraient atteinte à cette sage précaution.
L’impôt sur le revenu doit être payé par nos compatriotes. Même si, aujourd’hui, c’est l’employeur, le collecteur, qui récupère cet argent, il n’en doit pas moins le reverser dans les caisses de l’État.
L’avantage du prélèvement à la source est que le taux d’imposition et le montant des acomptes peuvent être modifiés instantanément.
Prenons le cas du propriétaire d’un local qui le loue à un commerçant, lequel ne peut plus ouvrir son commerce. Si ce propriétaire décide, comme l’État, les collectivités locales et les grands bailleurs l’y encouragent, de ne pas percevoir ce loyer, il peut suspendre immédiatement sur le site impots.gouv.fr la fiscalité afférente à cet acompte de loyer.
De même, un salarié qui perd une partie de son salaire parce qu’il est au chômage partiel ou un indépendant qui ne peut plus exercer son activité peuvent instantanément changer leur taux d’imposition.
L’impôt à la source s’adapte à la vie des gens, et les recettes qui rentrent dans les caisses de l’État sont celles que peuvent payer une partie de nos compatriotes, justement pour nourrir les finances publiques.
La TVA, acquittée par le consommateur final, est un impôt en lien avec le chiffre d’affaires des entreprises. Elle n’est pas perçue lorsqu’on ne vend plus rien !
Si une entreprise n’a pas été payée pour la prestation qu’elle a fournie et que la DGFiP lui réclame tout de même la TVA, il lui suffira de se rapprocher de son centre des impôts pour demander à ne pas être prélevée.
Si un chef d’entreprise rencontre des difficultés pour faire sa déclaration, par exemple parce que son expert-comptable a fermé boutique, aucune pénalité ne sera infligée.
En revanche, si une entreprise de la grande distribution qui continue à fonctionner récupère la TVA parce qu’elle vend des marchandises, le produit de cette taxe doit retourner à l’État, car c’est ce qui permet de le faire fonctionner et de lever sur les marchés financiers l’argent dont nous avons besoin pour financer le chômage partiel et les mesures de report de trésorerie.
Pardon d’avoir été un peu long. Je me tiens à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs, pour répondre à vos questions. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Claude Malhuret applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la situation que traversent la France et le monde entier est inédite. Et à situation inédite, plan inédit.
La crise sanitaire que nous connaissons aura pour conséquence l’arrêt brutal de certaines activités économiques, quand d’autres se poursuivront dans des conditions extrêmement dégradées.
Il s’agit également d’une crise financière ; j’y reviendrai à propos des garanties d’État.
Cette crise laissera une blessure profonde. La projection de la croissance française pour 2020 qui est faite dans ce projet de loi finances rectificative est négative, à – 1 %. Il y a seulement trois mois, la loi de finances initiale tablait sur +1,3 %. Le décalage est donc de 230 points de base.
Afin de répondre à cette situation, nous avons établi un plan immédiat, puissant, exceptionnel.
S’agissant des mesures budgétaires, le dispositif de chômage partiel va permettre le maintien du lien entre l’entreprise et le contrat de travail et, dans un deuxième temps, le redémarrage rapide des entreprises, des objectifs que l’Allemagne avait réussi à atteindre en 2008.
Pour ce qui concerne la trésorerie des entreprises, des mesures très concrètes sont prises en matière de charges sociales et d’impôts, sur lesquelles je ne reviendrai pas.
Je souhaite m’arrêter un instant sur la question de la dette.
L’État se portera garant de tous les prêts de trésorerie aux entreprises à hauteur de 300 milliards d’euros. Ce dispositif, qui durera jusqu’à la fin de l’année, est ouvert à compter du 16 mars pour toutes les entreprises, qu’elles soient petites ou grandes, car la question de la dette est liée non pas à la taille de l’entreprise, mais à la pression financière actuellement exercée sur notre économie. Il apportera la garantie de l’État jusqu’à 90 % et permettra de financer jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise.
Enfin, nous ne laisserons pas tomber les plus petites entreprises, qui sont aujourd’hui les plus durement touchées.
Parce que ces entreprises sont les forces vives de la Nation, nous allons mettre en place un fonds de solidarité qui permettra de soutenir les TPE-PME, les indépendants et les micro-entrepreneurs – sous certaines conditions – dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million d’euros.
Des milliers de ces entreprises sont désormais à l’arrêt du fait des arrêtés pris pour préserver la santé des Français et limiter les contacts sociaux, mais nous n’avons pas le droit de les laisser à leur sort.
Le fonds de solidarité aidera également toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires a été diminué de 70 % entre le mois de mars 2019 et le mois de mars 2020. Je pense notamment aux secteurs de l’événementiel et du tourisme, qui ont connu un brutal coup d’arrêt il y a déjà plus d’un mois.
Nous avons décidé d’inclure dans le champ d’application du fonds de solidarité les professions libérales les plus modestes, celles qui pourraient être condamnées par la crise actuelle. Elles seront donc soutenues à hauteur de 1 milliard d’euros par mois, dont 750 millions financés par l’État et 250 millions par les régions. Je tiens à saluer la mobilisation de ces dernières et je me félicite de notre travail commun.
Ce fonds conduira deux actions. Il s’agit, tout d’abord, d’un soutien rapide de 1 500 euros aux entreprises qui en ont besoin et qui sera apporté par l’administration fiscale, car elle a la rapidité et la puissance de feu. Ensuite, un soutien complémentaire sera apporté au cas par cas aux entreprises les plus en difficulté, dans le cadre d’une instruction allégée pour que la rapidité d’exécution soit au rendez-vous.
Le paiement des factures de gaz, d’électricité, ainsi que des loyers des plus petites entreprises qui connaissent des difficultés pourra être reporté. Le principe que nous voulons défendre est le suivant : face à l’absence de chiffre d’affaires, il faut minimiser le poids des charges.
Pour ce qui est des loyers, nous échangeons avec les bailleurs publics, afin de reporter les échéances des plus petites entreprises. Je tiens à féliciter le Conseil national des centres commerciaux (CNCC), qui a accepté de reporter les loyers du mois de mars de 38 000 commerces. Nous travaillons également avec la profession immobilière pour qu’une telle démarche soit généralisée. Cela ne peut pas être fait de manière automatique puisque, dans le cas de certains commerces, une personne physique est derrière le bail commercial ; les difficultés financières se posent donc des deux côtés.
J’aimerais rappeler à chacun que la solidarité nationale doit jouer à plein régime. C’est pourquoi j’appelle tous les bailleurs privés à faire preuve de solidarité, dès lors qu’ils en ont les moyens.
Bien entendu, ces mesures ont un coût pour nos finances publiques. Par conséquent, le déficit public pour 2020 devrait atteindre 3,9 % du PIB, au lieu des 2,2 % prévus initialement. La dette française dépasserait donc 100 % du PIB en 2020.
Les circonstances, exceptionnelles, exigent cette réponse inconditionnelle et puissante. C’est le choix politique que nous faisons. Je salue la décision de la Commission européenne de lever en 2020 les contraintes réglementaires, prévues dans le pacte de stabilité et de croissance (PSC), qui pèsent sur les États membres de la zone euro. (MM. Martin Lévrier et Jean-Marc Gabouty applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que la France est confrontée à une crise majeure sans précédent, mes premières pensées vont aux malades et aux soignants, mais également – M. le ministre y a fait allusion – à tous les membres des services publics et à tous les salariés qui continuent de travailler, parfois avec difficulté, pour assurer les fonctions essentielles de ce pays. Nous devrons avoir une attention toute particulière pour eux.
Je tiens également à vous remercier de votre présence et à saluer nos collègues qui n’ont pas pu être là.
Nous sommes réunis pour examiner en urgence un projet de loi de finances rectificative déposé il y a deux jours et dont il y a fort à parier, si je me réfère à la crise de 2008, qu’il sera le premier d’une longue série.
Le Gouvernement tablait initialement sur une croissance de 1,3 % en 2020. Cette hypothèse était déjà compromise par le recul surprise du PIB de 0,1 % enregistré au dernier semestre de l’année 2019. Avec la crise sanitaire, elle est désormais caduque.
La propagation du coronavirus à l’échelle mondiale constitue un choc d’ampleur inédite. Il s’agit à la fois d’un choc d’offre, lié principalement aux absences au travail et à la perturbation des chaînes de production, et d’un choc de demande, dû au report des décisions de consommation et d’investissement des agents économiques, ainsi qu’à la contraction de la demande de nos partenaires commerciaux.
À ce stade, soyons modestes : il est très difficile d’apprécier l’effet cumulé de ces différents chocs sur la croissance.
Pour sa part, le Gouvernement anticipe désormais un recul du PIB de 1 % en 2020. Il s’agirait du deuxième plus fort recul du PIB de l’après-guerre.
Le Gouvernement suggère que cette nouvelle hypothèse présenterait un caractère central au regard des estimations disponibles. Toutefois, cette prévision me paraît en réalité plutôt se situer dans la fourchette haute des estimations, d’autres instituts prévoyant que l’effet sera plus important. Quoi qu’il en soit, nous n’en savons rien à ce stade.
Vous ne l’ignorez pas, cette crise sanitaire intervient dans un contexte budgétaire malheureusement contraint. Dans le cadre de nos travaux, nous avons régulièrement souligné les uns et les autres que le choix des majorités successives, notamment de celle-ci, de reporter en fin de quinquennat l’effort structurel sur les comptes publics risquait de rendre l’économie française vulnérable face aux chocs. Nous y sommes !
La France est ainsi, avec l’Italie, le seul pays de la zone euro dont la part de la dette dans la richesse nationale a augmenté entre 2014 et 2019 ; nous frôlons les 100 % du PIB, soit un écart de 40 points avec nos voisins allemands. Nous étions pourtant avant la crise de 2008 au même niveau d’endettement qu’eux. Cela nous laisse donc moins de marges de manœuvre budgétaires.
Faut-il pour autant que l’État renonce à soutenir les entreprises et les salariés ? Évidemment non !
L’absence de mesures de soutien risquerait d’ailleurs de dégrader durablement les perspectives de croissance de l’économie française.
La faiblesse de la croissance va en effet se traduire naturellement par une perte de recettes et une augmentation des dépenses sociales. Ainsi, la dégradation de la conjoncture pèse sur le déficit public à hauteur de 1,4 point de PIB.
En complément, des mesures de soutien budgétaire à vocation défensive ont été légitimement annoncées par le Gouvernement, afin de permettre aux entreprises et aux travailleurs de surmonter le choc temporaire lié aux mesures de confinement.
L’impact de ce paquet de mesures sur les indicateurs maastrichtiens est à ce stade nettement plus faible qu’après la crise de 2008, car l’essentiel des mesures de soutien consiste, comme l’a souligné M. le ministre, en un simple étalement de charges fiscales et sociales, tandis que les garanties constituent un engagement hors bilan de l’État. À ce stade, il y a encore peu de décaissements, excepté la prise en compte du chômage partiel, dispositif à la fois intéressant et puissant. Pour le reste, il s’agit soit de reports de charges, soit d’engagements hors bilan.
Le coût budgétaire au titre de l’exercice 2020 pris en compte par le Gouvernement se limite ainsi à 11,5 milliards d’euros. Nous serons sans doute malheureusement appelés à nous revoir…
Au total, la prévision de déficit public s’en trouve d’ores et déjà fortement dégradée, passant de 2,2 % du PIB initialement prévu à 3,9 % à l’issue de l’exercice.
Je note que le Gouvernement n’a pas souhaité communiquer sur l’évolution de sa prévision d’endettement. Je l’estime pour ma part à 102,5 % du PIB, en tenant compte de la dégradation de l’endettement et des mesures de soutien.
Il y a néanmoins fort à parier que le scénario gouvernemental sera, de nouveau, substantiellement modifié dans les prochaines semaines. La prévision de croissance constitue naturellement la principale source d’interrogation.
Enfin, le coût des mesures de soutien annoncées pour faire face à la crise sanitaire constitue un troisième aléa majeur.
Je citerai en particulier la question du calibrage des mesures de soutien défensives qui pourraient être revues à la hausse en fonction de la durée des mesures de confinement. En outre, il ne peut être exclu que le Gouvernement décide de mettre en œuvre des mesures de soutien offensives, une fois l’épidémie du coronavirus endiguée.
S’agissant de l’impact sur le budget de l’État et des articles du projet de loi de finances rectificative, je ne remettrai pas en cause les mesures proposées, qui ont pour objet de soutenir à bout de bras une économie qui risque de s’arrêter.
Ces principales mesures dégraderaient le solde budgétaire de l’État de 14,5 milliards d’euros, avec un déficit budgétaire de l’ordre de 109 milliards d’euros.
S’agissant des recettes, les prévisions sont particulièrement imprécises, car il est impossible à ce stade de savoir quelles seront les conséquences exactes de la crise sanitaire sur le rendement des impôts. On a évoqué à l’instant la TVA et l’impôt sur le revenu. La diminution de 10,7 milliards d’euros des recettes fiscales nettes paraît toutefois être un minimum. J’ai examiné les chiffres de la crise de 2008-2009 : la perte s’élevait à plus de 50 milliards d’euros. Certes, nous n’en sommes pas là, mais nous enregistrerons sans doute une contraction des recettes plus importante que celle qui a été annoncée aujourd’hui.
S’agissant des dépenses, le texte que nous examinons comporte trois séries de mesures qui toutes tendent à soutenir l’activité des entreprises. Il ne s’agit donc pas encore d’un plan de relance, même si nous en aurons besoin par la suite, mais il s’agit d’un plan de sauvetage. C’est plus tard qu’il faudra aider les entreprises en contribuant à relancer l’économie.
Deux mesures sont portées par une nouvelle mission budgétaire intitulée Plan d’urgence face à la crise sanitaire. Les crédits seront ainsi sanctuarisés et traçables à travers les documents budgétaires. La commission des finances y sera très attentive.
Au sein de cette mission, un programme vise les crédits alloués par l’État au dispositif de soutien exceptionnel au chômage partiel.
Il convient, bien sûr, d’approuver ce dispositif. Il a été massivement mis en place par l’Allemagne lors de la crise de 2008, ce qui a favorisé le maintien de l’emploi dans ce pays. Nous sommes toutefois conscients que le coût final sera probablement supérieur si le dispositif est prolongé.
Le second programme de la mission prévoit la création d’un fonds spécifique à destination des très petites entreprises dont l’activité est fortement touchée par la crise sanitaire. Là encore, le dispositif est loin d’être cadré.
Si le texte évoque quelques secteurs comme la restauration et l’hôtellerie, les effets de la crise touchent un grand nombre d’acteurs. Il convient donc de ne pas sectoriser. En revanche, on peut s’interroger sur les seuils : 1 million d’euros de chiffre d’affaires, perte de 70 %, avec des périodes de référence qui ne sont pas forcément pertinentes. Tout cela est discutable.
D’une manière générale, il est nécessaire de définir des modalités d’attribution des aides particulièrement claires et efficaces, car les demandes vont affluer.
Enfin, de manière à répondre aux problèmes de trésorerie auxquels de nombreuses entreprises font face, l’article 4 autorise l’État à garantir jusqu’à 300 milliards d’euros de prêts aux entreprises. Ce dispositif doit permettre de maintenir ouvert le canal du crédit pour les entreprises.
Par ailleurs, le Gouvernement a introduit une garantie spécifique de l’assurance crédit à l’Assemblée nationale.
Les conséquences de ces garanties sur les finances publiques sont incertaines : elles dépendront des montants pour lesquels la garantie sera in fine requise.
Les mesures proposées dans ce projet de loi de finances rectificative s’inspirent assez largement de dispositions déjà expérimentées, notamment en 2008, et qui devraient contribuer à apporter un soutien aux entreprises.
Il faut toutefois être conscients, mes chers collègues, que ce plan de sauvetage n’est certainement pas le dernier. Nous serons sans doute amenés à nous revoir en fonction de la durée de la crise. Après avoir sauvé le tissu économique, il conviendra probablement de mettre en œuvre un plan de relance, comme cela avait été fait en 2009.
En tout état de cause, le caractère extraordinaire, ne serait-ce que par les montants, des mesures qui nous sont présentées exige un suivi très précis du Parlement, comme ce fut le cas tout au long de l’application du plan de relance de l’économie adopté en 2009.
C’est pourquoi je souhaite qu’il en soit de même pour les mesures prévues par la nouvelle mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire et la garantie des prêts prévue par l’article 4. La commission propose donc un amendement visant à la mise en place d’un mécanisme de suivi, sur lequel j’ai d’ailleurs travaillé avec le rapporteur général de l’Assemblée nationale. Nous avons un peu de mal à nous réunir en ce moment, en raison du confinement. Nous préférerions donc une information régulière du Parlement via des tableaux mensuels. Je précise que cela n’empêchera en rien un comité de suivi de se réunir s’il le peut.
Par ailleurs, nous sommes tous conscients que des salariés doivent continuer de travailler, qu’il s’agisse des salariés des secteurs de l’industrie ou de la distribution. Un dispositif généreux à 100 % de chômage partiel pour le SMIC a été mis en place, mais il importe également de prévoir une incitation à aller travailler. Le Gouvernement a évoqué la mise en place d’une prime de 1 000 euros. Il s’agit certes d’une bonne initiative, mais les conditions d’attribution de cette prime sont strictes. Il faut notamment un accord d’intéressement. Bref, une telle mesure n’est pas applicable dans les PME, les TPE et les commerces de proximité, qui doivent pourtant rester ouverts.
C’est pourquoi la commission a présenté un amendement tendant à exonérer totalement les heures supplémentaires de charges patronales au-delà de 5 000 euros. Il est important aujourd’hui d’assurer un soutien à ces salariés mobilisés pour assurer la fourniture de biens et de services vitaux pour nos concitoyens, que ce soit bien sûr dans le secteur de la santé, mais aussi dans ceux de la grande distribution ou des transports.
La commission se réunira à l’issue de la discussion générale pour examiner les amendements extérieurs, mais compte tenu de l’ensemble de ces éléments, je vous propose d’adopter ce PLFR qui répond à une urgence. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances. (M. Patrick Kanner applaudit.)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les circonstances qui nous réunissent aujourd’hui sont particulièrement dramatiques. Elles le sont au niveau mondial, au niveau européen et pour notre pays : l’épidémie de Covid-19 fait des centaines de milliers de malades, des milliers de morts et exige de prendre toutes les dispositions nécessaires pour ralentir et, nous l’espérons, stopper la propagation du virus. Ces mesures fortes et nécessaires ont évidemment une incidence sur notre économie, sur nos perspectives de croissance et sur la situation de nos finances publiques. Par ailleurs, de nouveaux moyens financiers doivent être mobilisés pour soutenir notre système de santé, nos hôpitaux déjà fragiles avant la crise, et pour maintenir à flot nos entreprises, quels que soient leur taille ou leur secteur d’activité.
Ainsi, la prévision de croissance associée au projet de loi de finances, qui était une hausse de 1,3 %, est désormais une baisse de 1 %, soit une dégradation de 2,3 points. Il y a tout juste un mois, alors que notre pays n’était pas encore touché comme aujourd’hui, la dégradation était estimée par le ministre de l’économie et des finances à 0,1 point de PIB.
Depuis, la situation a évolué, mais tout peut aussi changer demain si les mesures de confinement se prolongent au-delà d’un mois, si l’environnement économique européen et mondial continue de se dégrader ou si la crise économique se double d’une crise financière. Le Haut Conseil des finances publiques souligne à cet égard un contexte d’incertitude « exceptionnellement élevée ».
Il affirme que le scénario du Gouvernement repose sur deux hypothèses fortes, qui ne sont pas acquises : celle d’un confinement limité à un mois et celle d’un retour rapide à la normale de la demande française comme étrangère.
Autrement dit, rien ne permet aujourd’hui d’exclure que la chute du PIB ne sera pas plus importante, comme en 2009 lorsque les prévisions n’ont cessé d’être revues à la baisse dans le cadre de plusieurs collectifs budgétaires successifs.
Bien sûr, on peut se réjouir que la Banque centrale européenne vienne de créer le « programme d’achat urgence pandémique » à hauteur de 750 milliards d’euros, mais les risques demeurent élevés pour les pays européens dont la situation économique et financière n’était déjà pas florissante avant cette crise. Comme je le rappelais dans mon intervention en séance publique le 4 mars dernier, à la fin de l’année 2019, notre dette publique frôlait déjà les 100 % du PIB, contre 60 % pour l’Allemagne, et la France enregistrait le deuxième déficit structurel le plus élevé de la zone euro.
Alors que nous avons profité jusqu’à présent d’une charge de la dette allégée grâce aux taux d’intérêt bas, celle-ci risque de fortement remonter.
Le déficit public devrait, selon l’estimation du Gouvernement, atteindre 3,9 % du PIB fin 2020 contre une prévision de 2,2 %, soit une hausse de 15 milliards d’euros. Cela résulte des mesures nouvelles de soutien qui s’élèveraient à 11,5 milliards d’euros – dont 8,5 milliards d’euros pour la mise en activité partielle –, mais aussi de la chute des recettes fiscales de 10,7 milliards d’euros, particulièrement celles de l’impôt sur les sociétés et la TVA.
Cependant, l’incidence de la crise sur les dépenses budgétaires et les recettes fiscales pourrait être très largement supérieure si la crise perdure. De manière complémentaire, les mesures pour répondre au choc économique pourraient se révéler insuffisantes. Des secteurs économiques souffrent fortement, comme ceux de la restauration, de l’événementiel, des spectacles, de la culture. D’autres, comme une partie du commerce, le transport aérien, le tourisme, risquent de souffrir aussi très fortement, très subitement et très durablement de cette situation.
Le fonds de solidarité pour les très petites entreprises en difficulté, cofinancé par les régions, est bienvenu, mais il paraît très sous-dimensionné et doit intégrer le secteur de l’économie sociale et solidaire. Je pense aux activités prises en charge par des associations régies par la loi de 1901, ainsi qu’à celles qui sont assurées sans statut d’entreprise, comme l’ouverture au public par leurs propriétaires de lieux de tourisme.
J’estime que la crise économique qui s’annonce, avec la baisse de nos recettes fiscales, devrait nous amener à reconsidérer les très importants allégements de fiscalité pour les détenteurs des plus hauts patrimoines. Les revenus en flux seront affectés, en forte baisse. Il sera donc difficile de les surtaxer. Mais les revenus en stock, c’est-à-dire liés à un capital détenu, restent possiblement contributeurs.
Certes, les marchés financiers sont en baisse, mais notre nation a plus que jamais besoin de la solidarité de tous et nous devons mobiliser celles et ceux qui sont le plus capables de contribuer aux efforts collectifs, surtout si l’on garde à l’esprit les importants allégements de fiscalité – ISF et prélèvement forfaitaire unique (PFU) – que nos récents travaux parlementaires ont permis de révéler !
En conclusion, ce collectif budgétaire n’est qu’une première réponse, très immédiate, à la crise. Il sera suivi nécessairement d’autres mesures. La crise que nous vivons aujourd’hui est inédite par sa soudaineté et par son ampleur. Pour qu’elle ne s’aggrave pas davantage, il faudra, au-delà de nos mesures nationales, que l’ensemble des pays européens adoptent des dispositifs forts de soutien à l’activité et fassent preuve de solidarité, notamment à l’égard des pays les plus fragiles, afin de ne pas risquer une déstabilisation de nos économies. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis plusieurs semaines déjà, la crise sanitaire liée à la propagation du coronavirus s’est doublée d’une crise économique et financière. Ce contexte nous oblige désormais à reconsidérer toutes les hypothèses en fonction desquelles nous avons voté, il y a trois mois seulement, la loi de finances initiale.
Depuis les mesures d’urgence prises par le Gouvernement afin de limiter les déplacements de nos concitoyens, et donc de ralentir la circulation du virus, l’économie tourne au ralenti : consommation en forte diminution, stabilisation des investissements, contraction du commerce international…
La récession est désormais certaine, alors que nous avons bouclé, voilà quelques mois, un budget établi sur la base d’un taux de croissance supérieur à 1 % du PIB. En conséquence, toutes nos prévisions financières doivent être revues. C’est un état de fait. Ce projet de loi de finances rectificative en prend acte. Et la réalité qui y est décrite est malheureusement alarmante : le déficit public, que nous parvenions à peine à maintenir sous la barre des 3 %, bondira en 2020 à 3,9 % du PIB.
Cela ne fait aucun doute : les efforts financiers proposés par le Gouvernement sont nécessaires. La France ne peut pas en faire l’économie. Bien sûr, pour d’autres pays, qui ont mené ces dernières années des politiques très ambitieuses et courageuses de réduction des dépenses publiques, ces efforts seront plus accessibles.
Mais soyons-en certains : face à l’urgence de la situation, le doute ne nous est pas permis. Nous devons agir rapidement et efficacement. Il faut que l’État prenne les mesures adaptées à l’urgence de la situation, quoi qu’il en coûte.
Mon groupe votera ce projet de loi de finances rectificative. Nous espérons que les mesures prévues ne dégraderont pas le déficit structurel et qu’elles soutiendront utilement nos entreprises.
Cependant, une fois que nous aurons vaincu le virus, une fois que nous aurons su relancer l’activité de nos entreprises, notre regard sur la résilience économique de notre pays aura changé. Il y aura bien un avant et un après cette pandémie en matière de stratégie économique.
J’envisage, pour ma part, deux axes de réflexion structurants.
Le premier concerne la relocalisation de certaines activités stratégiques. Nous avons récemment pris conscience de la dépendance à l’international de secteurs de souveraineté. Or cette dépendance a aujourd’hui de lourdes conséquences, tant sur nos comptes publics que sur nos entreprises. Elle obère notre capacité à réagir rapidement en situation de crise.
Le second a trait à nos contributions au projet européen. Nous avons également pris conscience, au cours de cette crise, de l’importance d’une action coordonnée à l’échelon européen. Nous aurons besoin de plus d’Europe pour défendre les intérêts de la France, car les crises du XXIe siècle, comme celle que nous traversons aujourd’hui, ignoreront les frontières nationales.
C’est ensemble, et avec l’unité de toute la Nation, que nous surmonterons cette épreuve.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le contexte de crise sanitaire très grave que connaît notre pays, face aux difficultés que traversent nos compatriotes, en examinant ce PLFR présenté dans l’urgence, nos pensées vont d’abord vers ceux qui luttent contre la maladie.
Partout ces jours-ci nous voyons de quoi sont capables les médecins, les infirmiers et les aides-soignants. Au nom de l’ensemble des membres du groupe Union Centriste, je tiens à leur faire part de notre admiration et à leur adresser nos remerciements les plus chaleureux. Nos pensées accompagnent également les policiers et les gendarmes, ainsi que tous ceux qui font fonctionner les services publics et tous ceux qui demeurent actifs dans notre économie, en particulier dans les filières d’approvisionnement.
C’est dire que le Sénat dans son ensemble et le groupe Union Centriste en particulier abordent ce PLFR avec esprit de responsabilité. Nous souhaitons aboutir vite à une vision commune avec le Gouvernement et l’Assemblée nationale, et nous savons déjà que ce projet de loi de finances rectificative sera inévitablement suivi d’autres.
Nous saluons la réactivité du Gouvernement et l’ampleur financière des mesures déployées, que justifient la gravité et l’urgence de la situation.
Afin d’amortir au mieux le choc économique et financier créé par l’épidémie de coronavirus, choc dont on peine à mesurer toute l’étendue, l’État doit déployer sans tarder l’artillerie lourde, faite d’une palette diversifiée de mesures qui vise à ne laisser aucune entreprise ni aucun particulier au bord du chemin… Le défi est gigantesque par son ampleur.
Nous devons parvenir à ne pas gripper les filières d’approvisionnement, à sauvegarder les compétences et les savoir-faire – d’où le chômage partiel –, à maintenir la capacité productive et le tissu économique, mais nous devons aussi parallèlement veiller à la solidité financière de l’État.
Cette double exigence – faire face aux effets de la crise sanitaire et en même temps préserver la solidité financière de l’État – constitue un immense défi. Il ne faut pas qu’une crise financière propre à l’État aggrave encore les difficultés du pays. De ce point de vue, le niveau des taux d’intérêt et la capacité à financer notre dette lors de chaque émission doivent rester des marqueurs.
Il faut d’abord faire face aux difficultés nées de la crise sanitaire que nous traversons.
Cela a été dit, les 45 milliards d’euros du plan de sauvetage à effet immédiat permettront de financer tout à la fois le report des charges fiscales et sociales des entreprises, le renforcement du dispositif de chômage partiel, le paiement d’indemnités journalières, ainsi que le fonds d’indemnisation pour les indépendants et les commerçants.
De la même manière, la garantie des prêts bancaires accordés aux entreprises à hauteur de 300 milliards d’euros doit permettre aux banques d’octroyer facilement des prêts aux entreprises qui se trouveront ou se trouveraient déjà en difficulté.
La conséquence de ces mesures et de celles qui immanquablement suivront sera une dégradation lourde, mais inévitable, de nos finances publiques. Cette dégradation est sans doute sous-évaluée à ce stade, mais comment faire autrement ?
Mécaniquement, les nouvelles prévisions budgétaires pour 2020 se dégradent. Le déficit budgétaire, qui se détériorerait de 15,4 milliards d’euros, est ainsi revu à 108,5 milliards d’euros pour la fin de l’année. C’est là, monsieur le ministre, une estimation qui nous paraît quelque peu optimiste…
Le niveau du déficit serait alors sensiblement équivalent à celui qu’avait déjà retenu le ministère de l’économie et des finances à la fin de l’année 2018, dans le sillage de l’annonce des mesures destinées à répondre à la crise des « gilets jaunes ». Or le séisme nous semble cette fois-ci relever d’une intensité et d’une magnitude autrement plus importantes…
La baisse à hauteur de 10,7 milliards d’euros des recettes fiscales, supportée aux deux tiers par l’impôt sur les sociétés, est parfaitement intelligible. En revanche, peut-on assurer raisonnablement, comme le suggère l’exposé des motifs du présent PLFR, que la hausse des dépenses du budget général de l’État sera à peine supérieure à 6 milliards d’euros ?
Pour indispensables qu’ils soient, les crédits immédiatement débloqués pour freiner la propagation du coronavirus appelleront de nombreuses autres dépenses à la chaîne, pour l’heure peu prises en compte…
D’après certains conjoncturistes, et sur la base d’un scénario conventionnel calqué sur le scénario de sortie de crise postérieur à 2008, notre ratio de déficit public pourrait durablement franchir la barre des 4 %, voire celle des 5 %, celui de l’endettement dépassant même la barre des 115 % du PIB à l’horizon de 2024. Et encore un tel scénario repose sur une stabilisation du déficit structurel à son niveau de 2019…
Si maintenant nous essayons de nous projeter dans cet avenir incertain, il paraît inévitable qu’un plan de relance succédera, lorsque le virus sera moins actif, à ce plan de sauvetage. Nous pouvons nous féliciter que les mécanismes européens permettent de dépasser l’horizon des 3 %.
Sans doute y a-t-il dans la définition de politiques communes à l’échelle européenne des voies de solution pour l’avenir. Les initiatives prises vont dans le bon sens. Il faudra tirer le moment venu toutes les leçons de cette crise terrible. Il faudra bien sûr financer plus et mieux le régalien, au premier rang duquel le système de santé. Il faudra également tirer les leçons de l’interdépendance mondiale. Mais nous ne devrons pas oublier non plus que la solidité financière du pays passe par des mesures de meilleure gestion de l’État et de redéfinition de son volume, mesures que nous avons inlassablement soutenues sur ces travées.
Nous sommes nombreux à avoir lancé l’alerte et à avoir souligné qu’en cas de crise subite les marges de manœuvre financières manqueraient. Nous y sommes !
La crise du coronavirus doit nous inviter à revoir nos priorités et à engager enfin structurellement la réforme de notre appareil d’État, maintes fois différée…
La lucidité doit être le premier de nos courages. Tôt ou tard, et mieux vaudrait tôt que tard, il faudra avoir la force d’admettre que notre capacité à surmonter les défis n’est pas corrélée à celle de dépenser toujours plus, mais à celle de dépenser mieux.
Dans l’immédiat, le groupe Union Centriste se félicite de la radicalité des mesures prises par le Président de la République et le Premier ministre. Il faut un soutien radical de l’État pour sortir le pays d’une situation radicalement bloquée.
C’est évidemment dans cet esprit que nous voterons pour le présent projet de loi de finances rectificative, sous réserve de la discussion qui va intervenir et dont a fait état le rapporteur général.
Il reste deux sujets de débat, et je souhaite que la discussion permette de les surmonter : la prime aux salariés et le contrôle de la mise en œuvre de ces mesures.
Vous nous trouverez toujours à vos côtés pour surmonter avec nos compatriotes la crise sanitaire et, par ricochet, la crise économique et financière que la France affronte.
Je termine en remerciant tous ceux qui concourent à faire en sorte que cette séance se passe dans de bonnes conditions, dans le respect des règles sanitaires. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un petit virus qui se transforme en pandémie et qui met à genoux en quelques mois nos organisations sociales et l’économie mondiale, cela témoigne de l’extrême fragilité de nos sociétés, voire de notre civilisation.
Face à cette crise sanitaire inédite, par son mode de diffusion plus, peut-être, que par sa gravité, le Gouvernement, comme dans de nombreux pays touchés, se trouve dans l’obligation de réagir dans l’urgence.
À cet égard, je tiens à saluer la réactivité dont il a fait preuve ces derniers jours en prenant des mesures d’application immédiate de prise en charge du chômage partiel et de report du paiement des charges sociales et fiscales au 15 mars.
L’économie française va être confrontée à un double choc : un choc de la demande, sans doute suivi d’un choc de l’offre. Elle doit faire face à un niveau d’incertitude élevé quant à la durée et à la persistance des effets de ces chocs dans le temps.
À l’échelon macroéconomique, le Gouvernement prévoit une chute du PIB au premier semestre avec un rebond au deuxième semestre, ce dernier relevant de l’hypothèse plutôt que de la certitude.
Bien sûr, les dépenses budgétaires vont augmenter et les recettes diminuer, le déficit public et l’endettement vont s’accroître. Ce scénario est inévitable pour l’année 2020. Les chiffres qui nous ont été communiqués aujourd’hui ne peuvent avoir qu’un caractère provisoire et me semblent, d’ailleurs, relever d’une approche un peu, peut-être trop, optimiste. Peu importe : nous serons amenés à les revoir de manière mieux documentée dans les semaines et les mois à venir.
L’important, ce sont les mesures prises pour faire face à une crise économique naissante qui risque de se répandre à la même vitesse que le coronavirus lui-même. Notre appareil économique est en effet menacé d’affaiblissement, voire, dans certains secteurs d’activité, de destruction.
Les mesures annoncées en faveur des entreprises et des salariés vont dans la bonne direction, mais leur efficacité dépendra de la déclinaison qui en sera faite, secteur d’activité par secteur d’activité, entreprise par entreprise.
Elles doivent à la fois traiter le présent et préparer l’avenir, être souples et adaptées dans leur mise en œuvre, tout en préservant des conditions équitables de concurrence.
Les facilités accordées aux entreprises ne doivent pas consister en un décalage de quelques mois du paiement des charges sociales et fiscales ; ce paiement doit être suspendu pendant la période de confinement, augmentée d’une période de redémarrage, et faire ensuite l’objet d’un amortissement dans la durée sur six, douze, vingt-quatre ou trente-six mois, suivant les situations au cas par cas. C’est ce que pratique habituellement la commission des chefs de services financiers (CCSF) pour les entreprises rencontrant des difficultés temporaires, voire structurelles.
Je pense à cet égard que vous avez fait en sorte de renforcer cette instance, monsieur le ministre, parce qu’elle va être fortement sollicitée au cours des semaines et des mois à venir.
Le dispositif exceptionnel de garantie permettant de soutenir le financement bancaire des entreprises à hauteur de 300 milliards d’euros est un excellent outil, dès lors que sa mise en œuvre est contrôlée par un opérateur public, en l’occurrence Bpifrance, les banques ne devant jouer, à mon sens, qu’un rôle de guichet instructeur et de trésorerie.
Vous venez de déclarer, toutefois, monsieur le ministre, que ces dernières devaient complètement jouer leur jeu. Néanmoins, il ne faut pas trop leur laisser la main, parce qu’il ne faudrait pas qu’elles détournent l’esprit de cette mesure pour garantir des prêts ordinaires dans ce dispositif. Je fais plus confiance à Bpifrance qu’à l’ensemble du secteur bancaire à ce sujet. Celle-ci doit d’ailleurs pouvoir intervenir directement en capital. Je dis cela parce que c’est elle qui a été la plus efficace dans le préfinancement du dispositif de diminution des charges.
Il convient cependant de donner à ce mécanisme un caractère structurant de quasi-fonds propres pour financer durablement les besoins en fonds de roulement des entreprises, dans l’attente du retour à des résultats consolidés positifs. Ce n’est pas, en effet, parce qu’une entreprise voit sa situation devenir positive après une période de difficultés que, de manière consolidée, à plus long terme, elle sera à l’aise en fonds propres et en trésorerie. Une durée de trois à cinq ans me paraît assez bien adaptée, comme autrefois pour les prêts participatifs spéciaux des années 1980 et 1990, lesquels avaient vocation à financer du fonds de roulement.
Quant aux prêts bancaires en cours de remboursement, encore une fois, un simple report de quelques mois des échéances n’est pas significatif. Une telle mesure offre, certes, un bol d’air à court terme, mais on ne peut pas faire face à deux échéances ensuite, alors que l’activité vient juste de redémarrer. Il est préférable de prévoir une période blanche de remboursement en capital et un allongement équivalent de la durée du remboursement du prêt.
Enfin, je veux attirer votre attention sur la nécessité de préserver une équité de concurrence entre les entreprises, en particulier dans le secteur de la distribution. On ne peut pas imposer la fermeture des commerces de proximité et autoriser les grandes surfaces et les plateformes en ligne à commercialiser les produits que ceux-ci n’ont plus la possibilité de vendre, tels que les livres, l’habillement, les jeux, le mobilier, etc. Il ne faudrait pas que l’État donne lieu involontairement à une situation de concurrence déloyale, qui provoquerait la disparition rapide de milliers de commerces individuels et aggraverait encore la désertification de nos centres-villes. Sur ce sujet, il faut réagir vite, monsieur le ministre, et établir des règles.
Telles sont les quelques réflexions ou contributions que je voulais vous livrer, au-delà de l’aspect purement budgétaire, qui est essentiel, mais dont l’urgence est peut-être moins grande que la mise en œuvre de mesures de soutien destinées à sauver notre économie.
Même si nous allons examiner quelques amendements, lesquels, s’ils peuvent présenter un intérêt, ne sont peut-être que des amendements d’appel, je souhaite que ce texte puisse être voté conforme : cela constituerait le meilleur encouragement que nous pourrions adresser à nos entreprises et à leurs salariés.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en préambule, je souhaite redire notre soutien total aux malades et aux soignants, qui œuvrent sans relâche, jour et nuit, pour sauver des vies et faire reculer le nombre de contaminations. Je salue nos forces de police ainsi que les pompiers, qui ne comptent pas non plus leurs heures, comme les agents de vos ministères et ceux du Sénat, qui nous permettent de fonctionner aujourd’hui.
Tout le pays fait face à cette crise sanitaire, mais, comme rapporteur spécial des crédits de la mission « Culture » au sein de la commission des finances, j’ai une pensée particulière à destination de ce secteur et de ses professionnels qui, à Paris comme dans les territoires, subissent de plein fouet les conséquences de cette crise.
Il est donc primordial de réagir puissamment sur le volet économique et budgétaire.
Ce projet de loi de finances rectificative est un bouclier fiscal et budgétaire pour répondre au choc économique qui s’amplifie avec la crise sanitaire en cours. Il est également en lien avec les décisions prises par la Banque centrale européenne pour sauver la zone euro.
Il s’agit non plus aujourd’hui de ferrailler sur les ratios budgétaires ou de polémiquer sur les crédits, mais d’apporter la réponse adéquate pour protéger nos compatriotes et pour sauver nos entreprises. Nous savons que ce budget est une première réponse et que d’autres textes financiers pourraient suivre, en fonction de l’évolution de la situation sanitaire.
Cette première réponse est massive : plan de soutien à destination de nos entreprises, prêts garantis, fonds de solidarité d’un milliard d’euros. Ce texte permet également de mettre en place le système de chômage partiel le plus important de l’Union européenne : ses crédits permettent de financer le chômage partiel jusqu’à 4,5 SMIC, contre 1 SMIC en temps normal.
Logiquement, ces dépenses nouvelles et ces moindres recettes fiscales vont très substantiellement affecter nos dépenses publiques et la dette.
Le Président de la République l’a rappelé et c’est important, selon moi : il faut agir coûte que coûte. Ces circonstances exceptionnelles justifient l’écart avec les trajectoires budgétaires habituelles, comme l’a reconnu le Haut Conseil des finances publiques. Il ne faut pas agiter le boulier quand la Nation a besoin d’un bouclier. (Marques d’approbation.)
Au-delà même de ces considérations, il faut envisager ces dépenses comme un investissement pour la mutation de notre économie. Quand nous serons sortis de cette crise, il faudra profondément revoir nos modalités d’action. Cela vaut, bien sûr, pour notre système de soins, notre solidarité du quotidien, les avancées de notre recherche, notre autonomie alimentaire et notre souveraineté industrielle. Bref, il s’agit non pas de faire de la science-fiction, mais de refonder les politiques publiques.
Je ne prendrai qu’un seul exemple : c’est l’occasion d’approfondir la transition numérique pour être davantage prêt la prochaine fois. Télétravail, télémédecine, cours en ligne pour nos enfants, visioconférence, y compris au Parlement : nous allons devoir apprendre à fonctionner de manière différente. Il faudra également développer le scrutin électronique dans notre pays.
Soutenir nos entreprises, de toutes tailles, dans cet épisode de turbulences, est indispensable. C’est une dépense exceptionnelle, mais, à long terme, rien ne sera plus comme avant cette guerre. Je le pense profondément.
Nous devons sortir transformés de cette crise : les règles budgétaires devront aussi être réévaluées à cette aune, en distinguant davantage ce qui relève du fonctionnement et de l’investissement et en nous attachant, surtout, à la qualité des dépenses publiques plus qu’aux ratios quantitatifs exprimés en pourcentages.
Dans un monde incertain, instable, imprévisible, les vieilles habitudes n’ont plus cours ; il faut investir pour préparer les crises et définir les nouvelles règles du jeu qui vont avec les nouveaux risques. Il faut redonner de l’espoir à nos enfants et refaire Nation.
Je termine en paraphrasant un vers de Guillaume Apollinaire, qui a été emporté par une autre pandémie : la grippe espagnole. Comme nous avons l’impression de vivre des temps de ténèbres, il serait grand temps de rallumer les étoiles !
M. le président. M. Stéphane Ravier n’est pas présent, bien qu’étant inscrit. (Exclamations.)
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre point départ est évidemment l’état d’urgence sanitaire dans lequel se trouve notre pays et que nous sommes dans l’obligation de partager avec l’ensemble des pays européens, voire tous les continents. Nous discutons cet après-midi d’un plan qui doit nous permettre de répondre à une crise financière et économique. Nous convenons qu’il y en aura d’autres. Mon groupe part de ce point de vue : nous devons examiner les propositions qui nous seront faites en termes économiques et financiers au regard de l’état d’urgence sanitaire et donc sécuriser les populations, qu’elles soient en activité ou hors du champ de l’activité.
La question des chocs de l’offre a été évoquée. Bien entendu, il y a des chocs de l’offre, financier et économique, car la situation en Europe s’est dégradée. C’est bien le fond sur lequel la crise sanitaire est intervenue.
Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, si l’Union européenne est tellement pointée du doigt pour les conséquences humaines et sanitaires qu’emporte ce virus, cela remonte à la crise de 2008. Souvenons-nous : aujourd’hui, on va relever 6,5 milliards d’euros de moindres recettes de l’État quant à l’impôt sur les sociétés, mais en 2008 et en 2009, on a perdu 55 milliards d’euros de recettes et des plans d’austérité ont suivi. Il ne faut donc pas s’étonner de la situation dans laquelle notre société se trouve.
Ensuite, il y a également eu la question des taux et du surendettement du secteur privé. N’avons-nous plus de mémoire ? Il n’y a plus de rachat d’actions, plus de fusions-acquisitions, plus d’opérations spéculatives ?
Il faut qu’on parle franco aux Françaises et aux Français, qu’on leur dise la vérité : il y a un passé, un passif, qui joue un rôle actif dans la situation actuelle et dans la manière dont le Gouvernement doit la résoudre.
En outre, il y a certes un choc d’offre, mais il y a eu des arrêts de production. Sur ce point, sans être polémique ou jeter la pierre, des filières de production ont été abandonnées. Donc, quand la chaîne de production se désarticule, des produits de première nécessité ne sont pas au rendez-vous des besoins des Français.
Vient par conséquent le choc de la demande suivant, à notre sens : sur fond d’état d’urgence sanitaire, que nous soutenons tous, de confinement indispensable, nous sommes confrontés à un problème en matière de consommation des Français. Nous vivons un choc de la demande en raison de leur sécurisation. C’est pour cela que l’on parle de l’aide aux soignants, aux pompiers, aux policiers, à tous ceux qui contribuent à sécuriser les Français, quelles que soient leurs conditions.
Or on sait bien que plus ceux-ci sont victimes d’inégalités et d’injustices, plus il faut les protéger. C’est cela, le sens de la Nation.
S’agissant du chômage partiel, nous devons y veiller comme à la prunelle de nos yeux. Mon groupe et d’autres ont tenté de le faire encore hier soir très tard, parce que cette mesure emportera des conséquences sur les problèmes de pouvoir d’achat et sur les questions de production.
Nous connaissons, avec ce virus, une crise sanitaire d’une ampleur inégalée et nous savons tous que nous allons subir, économiquement et financièrement, une récession dont nous ne connaissons pas les termes. Les décisions sont donc importantes. Il faut limiter les dégâts.
Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, parfois, des controverses nous opposent, mais 300 milliards d’euros de garanties d’emprunts de l’État, c’est ce qu’il fallait faire. Bravo ! Le Parlement doit être à vos côtés pour que les banques répondent et que les emprunts soient levés, en particulier pour les petites entreprises. Tel est le rôle de tous les hommes et de toutes les femmes politiques de ce pays.
Nous sommes également d’accord sur la prise en charge du chômage partiel, mais il faut aller plus loin, jusqu’au bout : sait-on vivre avec le SMIC, dans cet hémicycle ? Non, et tant mieux ! Il faut donc indemniser au-dessus du SMIC ceux qui recevront une rémunération composée à 100 % de chômage partiel, car ils ne percevront notamment pas les primes, ce qui aura des conséquences.
En ce qui concerne les nationalisations, donnons-nous carte blanche, débattons au Parlement et décidons quelle entreprise il faut nationaliser pour éviter la dispersion.
Cela étant, nous avons déposé une vingtaine d’amendements. Nous prendrons notre décision en fonction de la discussion qu’ils susciteront.
Oui, nous allons demander un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. Il y a une crise sanitaire, il nous faut un plan d’urgence pour la sécurité sociale.
Nous allons demander où sont les dépenses additionnelles de santé. À quoi correspondent-elles ? S’agit-il de gels de crédits ? Il faut répondre à ces questions.
Notre comportement est positif : nous allons demander que le secteur assurantiel privé soit contraint, parce qu’il faut aller au bout des décisions, afin que le risque sanitaire soit pris en compte dans le risque « catastrophe » par l’assurance privée. L’État se bat, mais le secteur privé doit aussi participer à ce combat en faisant cette démarche.
Par ailleurs, on parle peu de la Banque centrale européenne, mais il s’agit tout de même du mécanisme de stabilité européen. La BCE débloque, certes, 750 milliards d’euros, mais je souhaite poser une question ouverte, sans polémique, qui concerne tous les peuples européens : quel est le rôle de la BCE ? Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, vous le savez : depuis 2005, elle a injecté, 2 000 milliards d’euros en Europe. On prend donc la mesure de ce que représentent seulement, au regard de la crise sanitaire et humanitaire dans laquelle nous nous trouvons, ces 750 milliards d’euros.
Quand on dirige le pays, il faut accélérer l’effort pour repenser les modes de production, les modes de consommation et toute notre société !
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Pascal Savoldelli. Tel est l’état d’esprit de mon groupe, au plus près des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, face à la crise sanitaire sans précédent que vit notre pays, avec pour corollaire un impact potentiellement très grave sur nos entreprises et notre pouvoir d’achat, les mesures d’urgence décidées par le Gouvernement, visant à sauvegarder notre économie, nécessitent de voter ce collectif budgétaire, pour en garantir le financement, à travers, notamment, l’ouverture des crédits nécessaires.
Autant le dire tout de suite, le groupe Les Républicains votera bien évidemment ce texte.
Nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas fait ces trois dernières années les efforts nécessaires pour dégager des marges de manœuvre budgétaires, contrairement à la plupart de nos voisins européens, mais mon collègue Philippe Dominati reviendra sur ce point au cours de son intervention.
Nous estimons pourtant que, à ce stade, le Gouvernement est globalement à la hauteur dans les réponses qu’il apporte à la crise. Par expérience de la crise de 2008, nous savons qu’il faut répondre vite et fort.
Toutefois, ce collectif budgétaire tend seulement à sauvegarder, dans l’urgence, notre économie. Monsieur le ministre, confirmez-vous qu’il sera suivi d’un prochain collectif d’ici à l’été, visant cette fois-ci à relancer l’économie ? Les nouvelles prévisions contenues dans le texte que nous examinons aujourd’hui, que nous jugeons plutôt optimistes, seront alors très certainement de nouveau révisées, en fonction de l’évolution de la situation.
Pour le moment, les prévisions pour 2019 et le déficit structurel pour 2020 restent inchangés par rapport à la loi de finances pour 2020. Le déficit provisoire de l’année 2019 sera publié par l’Insee à la fin du mois de mars.
En revanche, le très fort ralentissement économique lié au double choc de l’offre et de la demande, consécutif aux mesures de lutte contre l’épidémie du coronavirus, constitue un effet de ciseaux inédit et redoutable, qui va entraîner une chute du PIB, dont l’évolution est reprogrammée de +1,3 % dans la loi de finances pour 2020 à -1 %, soit une perte de 2,3 points !
Lors de la dernière crise économique et financière, le PIB avait chuté de 2,6 points : de +0,3 % en 2008 à –2,9 % en 2009.
Ce ralentissement de l’économie va entraîner une chute des recettes fiscales en 2020, de 10,7 milliards d’euros : une baisse, notamment, de 6,6 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés, de 1,4 milliard d’euros de l’impôt sur le revenu et de 2,2 milliards d’euros de la TVA.
Je rappelle que, dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, qui entrera en vigueur en 2021, mon groupe avait alerté le Gouvernement sur le risque de faire reposer l’essentiel des recettes fiscales des départements sur la TVA, très sensible à la conjoncture, et alors même que les conseils départementaux sont en première ligne en matière de dépenses sociales, en cas de retournement conjoncturel. Nous en avons l’illustration aujourd’hui, hélas !
Le déficit public va, en conséquence, s’envoler, de 2,2 % prévus par la loi de finances pour 2020 à 3,9 %. Cette prévision est d’ailleurs provisoire et sera probablement révisée à la hausse, car elle repose sur une hypothèse optimiste de sortie de crise et ne tient pas compte des futures mesures de relance.
D’ores et déjà, les mesures d’urgence et de sauvegarde vont entraîner une explosion de la dépense publique, qui sera financée par la dette publique, laquelle va dépasser très largement le cap des 100 % du PIB en 2020.
Les mesures d’urgence s’élèvent au total à 45 milliards d’euros.
Toutefois, près de 35 milliards d’euros prennent la forme d’une avance de trésorerie, puisqu’il s’agit du report pour les entreprises du paiement des charges sociales et des impôts : 12 milliards d’euros pour l’impôt sur les sociétés, 13 milliards d’euros pour les charges sociales dues par les grandes entreprises au 5 avril, 8,5 milliards d’euros pour les charges sociales dues au 15 mars et 1 milliard d’euros pour la taxe sur les salaires. Sur ce point, nous regrettons très fortement que la TVA ne soit pas concernée. Ces 35 milliards ne devraient donc pas, au final, affecter les finances publiques.
Demeurent plus de 10 milliards d’euros de dépenses non remboursables, prévues pour les deux prochains mois, dont, notamment, 5,5 milliards d’euros d’indemnisation du chômage partiel, 2 milliards d’euros pour le fonds de solidarité pour les TPE et les indépendants, avec une première participation des régions de 250 millions d’euros, et 2 milliards d’euros de dépenses de santé, soit le paiement des arrêts maladie, via la hausse de l’Ondam (objectif national de dépenses d’assurance maladie), l’achat de masques, le versement des indemnités journalières et les mesures de reconnaissance pour le personnel médical.
Sur ce point, mon groupe regrette que l’Assemblée nationale n’ait pas adopté un amendement visant la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires. Le personnel médical, les forces de l’ordre, les magasiniers, tous les Français qui ne comptent pas leurs heures en ces temps difficiles pour tenter de maintenir le paquebot France à flot et sont parfois épuisés, méritent d’être encouragés.
Notre rapporteur général déposera un amendement similaire et nous espérons que le Sénat, dans son ensemble, le votera.
Les mesures d’urgence que j’ai détaillées constituent des dépenses a minima : elles sont calculées pour les mois de mars et d’avril, mais s’y ajouteront les futures dépenses du plan de relance économique qui devra être mis en œuvre après la crise.
De surcroît, les reports de paiement d’impôts et charges, qui sont aujourd’hui de simples mesures de trésorerie, pourront se transformer en annulations dans certains cas, comme l’a laissé entendre Bruno Le Maire.
Tout cela s’entend sans compter, pour les comptes publics, les dépenses des collectivités territoriales : les communes et les départements pour les aides sociales, ainsi que les régions pour les aides économiques.
Le coût de la crise pour les finances publiques devra aussi tenir compte des baisses importantes de recettes fiscales, qui pourraient être aggravées par une élasticité des recettes supérieure à un, comme c’est souvent le cas en période récessive, alors que le Gouvernement prend comme hypothèse optimiste une élasticité de 1.
Le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis du 17 mars 2020, souligne d’ailleurs que le PLFR repose sur des hypothèses « d’une grande fragilité » : un confinement pendant un mois seulement et une reprise rapide de la demande. Il estime que la dégradation de la situation macroéconomique pourrait être plus importante que ce qui est prévu dans le présent texte.
Pour financer les mesures du Gouvernement, la France va notamment lever 5 milliards d’euros de plus d’obligations à moyen et long terme sur les marchés en 2020, portant le montant total des émissions à un nouveau record de 210 milliards d’euros. C’est du jamais vu !
Par ailleurs, le collectif budgétaire prévoit une mesure de sauvegarde importante, que nous approuvons : une garantie de l’État relative aux prêts consentis par les banques aux entreprises. Assurée du 16 mars 2020 au 31 décembre 2020, elle atteint 300 milliards d’euros. Elle est gérée par Bpifrance, qui garantira donc jusqu’à 90 % des prêts bancaires, alors que le seuil habituel de garantie est de 50 %.
Ce dispositif doit permettre de rassurer les banques, afin que ces dernières continuent d’accorder des prêts aux entreprises pendant la crise, pour faire face, notamment, aux conséquences de celle-ci. En cas de difficulté de l’entreprise, la banque prêteuse ne supportera in fine que 10 % du risque.
Le montant de la garantie est dimensionné par rapport à l’encours total de crédits aux sociétés non financières, à hauteur de 1 063 milliards d’euros en janvier 2020, dont 240 milliards d’euros de crédits de trésorerie.
Notons, en outre, que cette garantie nationale est complétée par 1 000 milliards d’euros de garanties de prêts bancaires dans la zone euro, dont l’Eurogroupe a décidé l’engagement ce 16 mars 2020.
Les prêts visés devront répondre à un cahier des charges et ne pourront pas concerner des entreprises en procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation. La garantie publique n’est pas actionnable sur les procédures collectives. Ces conditions visent à réduire le risque financier pour l’État de voir une partie des 300 milliards d’euros engagée en cas de défaillances d’entreprises dont il aura garanti les prêts bancaires. Les banques pourront alors en effet y faire appel.
Ce panel de mesures constitue indéniablement une première réponse à la crise sans précédent que nous traversons.
Comme je l’ai déjà exprimé, mon groupe les votera sans hésitation. Il y va de la sauvegarde de notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac.
M. Thierry Carcenac. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est des discussions, au sein de notre assemblée, qui revêtent une importance toute particulière. Celle que nous ouvrons ce jour en fait incontestablement partie.
Monsieur le secrétaire d’État, devant la crise sanitaire que notre pays et nos concitoyens traversent avec les conséquences dramatiques qu’elle emporte et qu’elle emportera sur le plan économique et financier, le groupe socialiste et républicain du Sénat veut dire les choses clairement et sans ambages : nous voterons ce projet de loi de finances rectificative dans un esprit de responsabilité.
Je vous demande solennellement, madame la secrétaire d’État, en contrepartie de cette union nationale, de vous engager à présenter, dans les mois qui viennent, d’une part, un nouveau projet de loi de finances rectificative et, d’autre part, un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques, comme vous l’aviez d’ailleurs promis. Cela nous paraît nécessaire, car, pour le dire très directement, nous ne sommes absolument pas convaincus que la crise prendra fin dans un mois, compte tenu de l’expérience que nous avons de la récession de 2008-2009.
Encore une fois, l’urgence à agir fait que nous ne rajouterons pas de la crise à la crise, ce serait irresponsable. Mais je veux utiliser ce temps de discussion générale pour vous alerter sur les réserves qui sont les nôtres.
L’actualisation de vos prévisions macroéconomiques de l’article liminaire sera nécessaire, dont acte. L’avis du Haut Conseil des finances publiques est très explicite, comme l’a rappelé le président Éblé. Il confirme cette inquiétude et l’ampleur des impacts inédits auxquels nous aurons à faire face collectivement.
Je mesure les délais contraints de travail qui ont été les vôtres et ceux de votre administration, monsieur le secrétaire d’État, que je veux d’ailleurs saluer, ainsi que les personnels soignants, les fonctionnaires, les salariés du privé qui, partout sur le territoire national, incarnent la continuité de l’État et sont indispensables au fonctionnement de notre vie quotidienne. Le moment venu, il ne faudra pas l’oublier.
Votre projet de loi de finances rectificative repose sur un plan de 45 milliards d’euros injectés dans l’économie nationale, déployant des avances de trésorerie indispensables pour la survie de notre économie et l’engagement de nouvelles liquidités. Je le dis comme je le pense : cette démarche n’est pas inintéressante et nous ne la contestons pas. En ce qui concerne les plus petites entreprises, en cas de fermeture, il nous semble qu’un abandon des charges serait plus approprié.
De la même manière, il a été annoncé, à plusieurs reprises, le déblocage de 2 milliards d’euros pour l’hôpital. Or nous n’en trouvons pas trace, ce qui est problématique. De même, le ministre de la culture a annoncé des aides pour le monde culturel. Comment sont-elles financées ? Je ne doute pas que ces 2 milliards soient bien quelque part… Je vous invite à faire attention aux effets d’annonce qui ne sont pas pleinement opérationnels ou dont chacun de nos concitoyens ne peut constater in concreto la véracité et les effets.
J’en viens maintenant à deux articles du projet de loi de finances rectificative dans lesquels on constate tout d’abord la création d’une mission budgétaire ad hoc – pourquoi pas ? Je ne suis pas convaincu qu’un tel dispositif soit le plus à même de mobiliser l’ensemble des administrations publiques dans le combat que nous devons conduire, mais il aura le mérite d’unifier les canaux de décision, quoique de manière légèrement artificielle : en bout de course, et c’est logique, il appartiendra à Matignon et à l’Élysée de décider.
La problématique du chômage partiel aurait pu être traitée dans le cadre de la mission « Travail et emploi » et le fonds d’aide aux entreprises dans le cadre de la mission « Économie ». Toutefois, nous soutiendrons bien évidemment ces mesures, car elles sont nécessaires. Mais il y a plus important en la matière : vous réajustez les prévisions fiscales et, par voie de conséquence, les équilibres de la mission « Remboursements et dégrèvements ». C’est fort logique, même si, là encore, il faudra très vraisemblablement reprendre toutes les estimations encore trop incertaines.
Rien sur la mission « Santé », ce qui ne peut que surprendre. Rien non plus, ce qui fausse grandement nos prévisions macroéconomiques selon moi, sur la mission « Engagements financiers de l’État », alors que l’on constate une légère remontée des taux, même si la signature de la France est certaine, comme l’a rappelé M. Darmanin à l’instant et comme l’ont prouvé les dernières émissions de jeudi.
Le besoin de financement de l’État, à ce stade, s’élève à près de 246 milliards d’euros. Aux 45 milliards annoncés, qui ne représentent, il est vrai, qu’environ 8 milliards d’euros de réelles dépenses, il faudra sans doute ajouter le paiement d’intérêts.
Je serai bref sur l’article 3 portant sur les comptes spéciaux. Le renoncement à la vente d’Aéroports de Paris, ce qui est une très bonne chose, se traduira par une recette en moins pour l’État et par des dépenses équivalentes, sachant que 2 milliards d’euros étaient affectés au désendettement de l’État. Il serait opportun d’avoir des précisions sur la valeur qui était alors attendue de la cession d’Aéroports de Paris. On est bien loin des estimations du temps de la loi Pacte, ce qui peut s’expliquer de deux façons : soit une surestimation de la valeur d’Aéroports de Paris lors de la discussion de cette loi – je n’y crois guère–, soit une sous-budgétisation manifeste dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative.
Enfin, l’article 4 met en place des garanties d’emprunt. Nous soutenons sans difficulté ce dispositif absolument utile, pour ne pas dire nécessaire, à nos entreprises, même si le seuil de 70 % paraît contestable pour les plus petites d’entre elles, notamment au regard de la situation au mois de mars.
Voilà, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, les éléments que le groupe socialiste et républicain tenait à soulever, afin de rappeler, s’il le faut, que ce vote, motivé par les enjeux d’urgence, ne constitue nullement un blanc-seing au Gouvernement. Il convient que le Parlement soit associé et puisse contrôler le Gouvernement. En ce sens, les propositions du rapporteur général sont intéressantes.
Je voudrais conclure mon propos en rappelant que ce texte financier est extrêmement atypique, pour ne pas dire unique, en ce qu’il prévoit – c’est logique – des dépenses sans proposer de recettes. Mais je ne doute pas que cela viendra. De facto, dans l’urgence, les réponses à la crise se font par le creusement de la dette. Le pacte de stabilité – c’est une bonne chose – est suspendu. La décision de la BCE est bienvenue.
Toutefois, je tiens à rappeler que l’instauration d’une imposition sur le revenu en France, par le biais de la loi Caillaux, date de 1914. Après sept années de débats parlementaires qui n’avaient pas permis de trouver une solution satisfaisante, c’est l’entrée en guerre de la Nation qui a conduit les parlementaires à accepter la mise en œuvre de tels prélèvements fiscaux. À l’heure actuelle, nous sommes en guerre, comme l’a répété le Président de la République. Dès aujourd’hui, nous devons donc préparer le jour d’après que nous espérons très prochain. Je souhaite, au nom du groupe socialiste et républicain, que notre pays puisse dépasser dans la solidarité cette épreuve.
L’heure de traiter ce point n’est pas encore venue. Madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, je veux toutefois conclure en vous rappelant qu’elle arrivera assez rapidement. J’ai entendu, ce matin, le Medef demander à nos concitoyens de renoncer à une partie de leurs économies une fois la crise sanitaire dénouée. À mon tour, je demande aux bénéficiaires des baisses d’impôts issues de la suppression de l’ISF et de la mise en œuvre du prélèvement forfaitaire unique (PFU) de renoncer à leur avantage fiscal calculé depuis la mise en œuvre du texte et, à l’instar de ce que réclame le Medef, de réinjecter ces sommes, au nom de la solidarité nationale, dans le plan de relance économique à venir pour soutenir l’activité et l’emploi dans le prolongement des propos tenus par le président de la commission des finances, Vincent Éblé. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France connaît actuellement sa plus grave crise sanitaire depuis un siècle.
Le coronavirus circule sur notre territoire national. Il constitue une menace dont l’ombre grandit chaque jour. Mais au-delà de la situation sanitaire, laquelle doit demeurer notre priorité absolue et notre seule boussole pour lutter contre le virus, la situation économique et financière s’avère d’ores et déjà très préoccupante.
Je pense à toutes nos entreprises, tout particulièrement à nos TPE et PME, qui doivent faire face à des difficultés nouvelles qu’il faut traiter dans l’urgence, comme les annulations en cascade de leurs commandes, les difficultés d’approvisionnement et de financement ou la réorganisation contrainte de leurs ressources humaines. Nous devons maintenant les rassurer et les accompagner avec des outils adaptés, efficaces et réactifs.
Le Gouvernement propose des mesures d’urgence, à savoir le renforcement du dispositif de chômage partiel pour l’accompagnement des entreprises dans la gestion de leur force de travail, la garantie apportée par l’État à toutes les entreprises en difficulté demandant un crédit et des reports de charges et d’un certain nombre de modalités fiscales.
À travers cette crise, nous reprenons conscience de tout ce que l’État peut apporter aux acteurs économiques : un filet de sécurité, une garantie collective contre les crises imprévisibles, un soutien pour accompagner les acteurs français dans la tourmente mondiale – je pense notamment à la garantie apportée par l’État grâce à Bpifrance qui témoigne de la solidarité de la Nation, laquelle sait accompagner ses forces vives dans les moments difficiles.
Mais cette crise doit aussi nous faire prendre conscience de notre trop grande dépendance aux autres économies mondiales dans les secteurs stratégiques. Je pense, par exemple, à la production de médicaments. Ce qui vaut pour la France vaut également pour l’Europe : le moment venu, il faudra savoir en tirer toutes les conséquences pour notre stratégie industrielle et agricole et assurer davantage de souveraineté dans ces secteurs.
Toutes ces mesures d’urgence représentent bien évidemment un coût considérable pour les comptes publics : par le double effet de la diminution des recettes et de l’augmentation des dépenses, le déficit public sera amené à se creuser largement et pourrait atteindre près de 4 % du PIB.
Le groupe Les Indépendants votera, bien évidemment, ce projet de loi de finances rectificative afin de répondre à l’urgence de la situation. Il y va de notre responsabilité collective pour soutenir nos entreprises et notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, s’il n’est pas question de remettre en cause les mesures proposées, que nous allons voter dans l’urgence et dans un consensus républicain, ce dernier ne doit pas nous affranchir de notre faculté de jugement et du devoir de sincérité.
Surtout, la volonté de consensus ne nous interdit pas de dire aujourd’hui ce que nous disions hier. Les Français attendent de leurs élus une constance dans leurs convictions et positions.
Que n’avons-nous cessé de dire depuis 2012 ? Qu’il fallait aller plus loin, plus vite et plus fort dans le redressement des comptes publics, sans quoi, en cas de retournement conjoncturel, notre pays ne disposerait d’aucune marge de manœuvre budgétaire. Nous n’avons eu de cesse de le répéter, à chaque projet de loi de finances. Nous avons fait des propositions, dans la limite de ce que la LOLF et la Constitution nous permettaient. Nous n’avons jamais été entendus !
Le ministre de l’économie et des finances a jugé, voilà quelques jours, que la France a la chance d’avoir des finances publiques saines. Nous ne faisons pas le même constat.
M. Bruno Retailleau. Personne ne le fait !
M. Philippe Dominati. La réalité, c’est que notre pays est l’un des plus mauvais élèves de l’Union européenne. Depuis 2016, la France cumule deux distinctions : championne de l’OCDE, à la fois des prélèvements obligatoires et de la dépense publique.
Si nous vous savons gré d’avoir diminué quelque peu la fiscalité des ménages et des entreprises, le Gouvernement a financé ces mesures par la dette, et donc par les impôts de demain, plutôt que par des économies. Ce n’est pas ce que nous appelons des finances publiques saines.
Vous avez renoncé à toutes les économies les plus substantielles et aux réformes structurelles, les seules à même d’en dégager. La meilleure preuve étant que le déficit structurel ne diminue pas depuis des années.
Les économies attendues de la réforme des retraites ont été abandonnées. En janvier dernier, le secrétaire d’État chargé des retraites avait eu le mérite de la sincérité en déclarant : « le cadrage budgétaire est clair, nous ne faisons pas ça pour faire des économies »…
Je rappelle que les réformes des retraites Balladur, Raffarin puis Fillon permettent d’économiser aujourd’hui 40 milliards d’euros par an. Où en serions-nous si les gouvernements d’alors n’avaient pas pris leurs responsabilités ?
Ainsi, pour la première fois, une réforme des retraites constituerait une dépense et non une économie, alors même que le déficit des retraites sera de 8 à 15 milliards d’euros d’ici à 2025.
Autre exemple : la suppression des 50 000 postes de fonctionnaires de l’État promise par Emmanuel Macron a été abandonnée, avec une baisse de 47 postes seulement en 2020, sur 2,6 millions de postes dans la fonction publique. Nous n’avons cessé de dire qu’Emmanuel Macron faisait la même erreur que François Hollande en repoussant sans cesse les efforts d’économies à plus tard, en fin de quinquennat.
M. Pierre Laurent. Sur l’hôpital, par exemple !
M. Philippe Dominati. Ainsi, 19 milliards d’euros d’économies devaient succéder en 2021 et 2022 aux 14 milliards d’euros prévus en 2020. Autant dire que ces économies, déjà plus qu’hypothétiques à la veille de l’élection présidentielle, traditionnelle année des cadeaux, sont désormais improbables avec la récession qui s’annonce. Vous aviez pourtant une fenêtre de tir idéale au début du quinquennat, alors que la France bénéficiait, en 2017, d’une embellie conjoncturelle très favorable, avec une croissance économique supérieure à son niveau de 2011.
Sans ces économies pour financer les baisses de fiscalité, la dette n’a cessé d’augmenter. Elle est aujourd’hui à plus de 100 % du PIB, contre 80 % en moyenne dans l’Union européenne et 61 % en Allemagne. Notre pays, l’un des seuls à avoir vu sa dette croître durant cette période, se situe au vingt-troisième rang sur vingt-sept en Europe. Je vous pose la question, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État : est-ce cela, avoir des finances publiques saines ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non !
M. Philippe Dominati. De même, nous sommes au vingt-quatrième rang sur vingt-sept pour le chômage, avec un taux de 8,2 % en janvier dernier contre 6,6 % dans l’Union européenne et 3,2 % en Allemagne. Seules l’Italie, l’Espagne et la Grèce font pire !
Enfin, s’il n’est désormais plus question du retour des comptes à l’équilibre ni même de la règle des 3 % de déficit, dans les circonstances exceptionnelles que nous connaissons, nous n’avons eu de cesse de dénoncer l’écart grandissant entre les objectifs du début et les objectifs révisés tout au long du quinquennat.
Le déficit structurel n’a pas été réduit, contrairement à votre engagement initial. Avant même la crise actuelle, la promesse du retour des comptes à l’équilibre en fin de quinquennat a été progressivement abandonnée, faute d’économies.
Avec un déficit de 3,1 % en 2019, la France se situe très loin de la moyenne européenne, proche des 0,5 % et donc de l’équilibre. La moitié des pays européens a des comptes excédentaires. Le déficit budgétaire français avoisine 100 milliards d’euros, tandis que l’Allemagne dégage un excédent budgétaire de 13 milliards d’euros. Pour vous, est-ce avoir des finances publiques saines ?
Les pays en excédent budgétaire ont des marges de manœuvre face à la crise actuelle, tandis que le nôtre n’en a aucune. Toutes les dépenses que nous allons engager pour sauver notre économie vont être financées par notre dette qui va s’envoler très largement au-dessus des 100 % du PIB.
Nous n’avons eu de cesse, depuis 2012, de prévenir que, sans marge de manœuvre budgétaire, la France paierait très cher le prochain retournement conjoncturel. Pour autant, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez compter sur nous : nous voterons ces dépenses, sans lesquelles la situation pourrait s’aggraver davantage encore, ce que nous voulons bien évidemment éviter.
Si les entreprises en difficulté ne sont pas aidées, le nombre des faillites explosera et la consommation des ménages, déjà prévue en recul de 2 % en raison de la fermeture des commerces et du confinement, chutera davantage. Même si la chute de la consommation est temporaire – en fonction de la durée des mesures de confinement –, elle pourrait devenir plus sévère à cause de la perte de pouvoir d’achat induite par la non-compensation de la perte massive des revenus. Il faut casser ce cercle vicieux au plus vite pour limiter les dégâts qui seront déjà très importants.
La France, plus que nombre de ses voisins qui ont fait les efforts nécessaires, va donc payer très cher cette crise, faute d’avoir pu assainir ses comptes. Ce quinquennat va s’achever dans la douleur, nous en sommes peinés. Au final, ce seront les Français qui le paieront, tôt ou tard.
Le Président de la République a dit qu’il faudra en tirer les leçons, dont acte. Nous espérons que le Sénat sera alors davantage écouté. Encore une fois, comme pour la crise des gilets jaunes, notre seul tort est d’avoir eu raison trop tôt.
Le Premier ministre nous a dit hier, ici même, non sans émotion et gravité, que l’économie allait connaître un arrêt brutal. Notre constat, c’est que la politique économique du Gouvernement n’a pas changé depuis 2012 par manque d’efforts et en raison de promesses non tenues. Pour nous, sur le plan économique, ces deux quinquennats se ressemblent, mais comment pourrait-il en être autrement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Je sollicite, au nom de la commission, une suspension de séance de cinquante-cinq minutes, afin d’examiner les vingt-neuf amendements déposés sur ce texte.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du samedi 21 mars, l’après-midi et, éventuellement, le soir, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020 et des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ou l’examen en nouvelle lecture de ces projets de loi.
Nous lui donnons acte de cette demande.
Je propose que la durée de la discussion générale sur ces deux textes soit fixée à quarante-cinq minutes.
Il n’y a pas d’opposition ?…
En cas de nouvelle lecture, mes chers collègues, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance serait fixé à l’ouverture de la discussion générale.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
5
Projet de loi de finances rectificative pour 2020
Suite de la discussion et adoption définitive d’un projet de loi
M. le président. Nous passons à la discussion des articles du projet de loi de finances rectificative pour 2020.
projet de loi de finances rectificative pour 2020
Article liminaire
La prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2020 s’établit comme suit :
(En points de produit intérieur brut)* |
||
Prévision d’exécution 2019* |
Prévision 2020 |
|
Solde structurel (1) |
-2,2 |
-2,2 |
Solde conjoncturel (2) |
-0,0 |
-1,3 |
Mesures exceptionnelles (3) |
-0,9 |
-0,4 |
Solde effectif (1 + 2 + 3) |
-3,1 |
-3,9 |
*Le déficit provisoire de l’année 2019 sera publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques à la fin du mois de mars 2020 (compte provisoire des administrations publiques pour 2019). |
M. le président. Je mets aux voix l’article liminaire.
(L’article liminaire est adopté.)
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
Articles additionnels avant le titre unique
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Carcenac, Kanner, Raynal, Éblé et Botrel, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly et Lurel, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
A. – Avant le titre unique : dispositions relatives à l’équilibre des ressources et des charges
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 39 decies G du code général des impôts, il est inséré un article 39 decies … ainsi rédigé :
« Art. 39 decies …. – I. – Les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu selon un régime réel peuvent déduire de leur résultat imposable une somme égale à 40 % de la valeur des biens non utilisés inscrits à l’actif immobilisé, hors frais financiers, affectés à leur activité.
« La déduction est applicable aux biens non utilisés à compter du 15 mars 2020 et jusqu’au 30 juin 2020.
« La déduction est répartie linéairement sur la durée normale d’utilisation des biens. En cas de cession du bien avant le terme de cette période, elle n’est acquise à l’entreprise qu’à hauteur des montants déjà déduits du résultat à la date de la cession, qui sont calculés pro rata temporis.
« II. – Pour l’application du I, un bien non utilisé s’entend de celui qui est inscrit à l’actif immobilisé et qui n’est plus utilisé en raison d’une baisse d’activité temporaire de l’entreprise due à une crise sanitaire.
« III. – Un décret fixe les modalités d’application du présent article, et notamment les conditions à respecter pour la reconnaissance d’une baisse d’activité temporaire due à une crise sanitaire. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :
TITRE …
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
La parole est à M. Thierry Carcenac.
M. Thierry Carcenac. Cet amendement vise à créer un dispositif de suramortissement exceptionnel pour les biens immobilisés durant cette période de crise. Je pense, par exemple, aux avions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Un samedi sans librairie, ni théâtre, ni musée ouverts et sans aucune possibilité de se promener, quelle meilleure occupation qu’une commission mixte paritaire ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cela dit, ce mécanisme de suramortissement exceptionnel, très efficace pour soutenir l’investissement, est bien connu du Sénat. Toutefois, il s’agit davantage d’un dispositif de relance de l’économie que de sauvegarde, d’urgence, comme ceux que nous examinons ce jour.
Par définition, un suramortissement suppose que l’entreprise concernée fasse des bénéfices. Nous n’en sommes pas là. Nous devrons sans doute examiner, dans le cadre d’un texte à venir, une fois sortis de la crise, des moyens de soutenir et de relancer l’économie. Aujourd’hui, nous sommes dans la sauvegarde immédiate, raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Carcenac ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Je rejoins totalement la position de M. le rapporteur général : il s’agit d’une mesure difficile à prendre en compte à ce stade, même si j’en comprends bien évidemment la logique, puisque nous ignorons combien de temps ces biens resteront immobilisés et dans quelles proportions.
Cette question se posera probablement au moment du redémarrage de l’économie. Nous regarderons alors quelles seront les mesures les plus efficaces pour donner de l’élan à nos industriels et à nos services.
Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Carcenac, l’amendement n° 6 rectifié est-il maintenu ?
M. Thierry Carcenac. J’entends bien la position du rapporteur général et celle de Mme la secrétaire d’État. Je retire donc cet amendement d’appel. Nous y reviendrons le moment venu.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié est retiré, mais l’appel est entendu… (Sourires.)
L’amendement n° 8, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A. – Avant le titre unique : dispositions relatives à l’équilibre des ressources et des charges
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le premier alinéa de l’article 81 quater du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les rémunérations, les majorations et les éléments de rémunérations mentionnés aux I et III de l’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale, dans les conditions et limites fixées au même article L. 241-17, ne sont pas retenus pour l’application de la limite annuelle mentionnée au premier alinéa du présent article lorsqu’ils ont été perçus au titre d’heures travaillées entre le 16 mars 2020 et le dernier jour de l’état d’urgence sanitaire déclaré en application du chapitre Ier bis du titre III du livre premier de la troisième partie du code de la santé publique. »
II. – Le V bis de l’article L. 241-18 du code de la sécurité sociale est ainsi rétabli :
« V bis. – Les rémunérations, les majorations et les éléments de rémunérations mentionnés au deuxième alinéa de l’article 81 quater du code général des impôts ouvrent droit à une exonération des cotisations patronales. »
III. – La perte de recettes résultant, pour l’État, de l’exonération d’impôt sur le revenu des rémunérations perçues au titre des heures supplémentaires, est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
IV. – La perte de recettes résultant, pour les organismes de sécurité sociale, de l’exonération de cotisations sociales des rémunérations perçues au titre des heures supplémentaires, est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :
TITRE …
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’aimerais que le Gouvernement explique sa position sur les moyens de soutenir, y compris financièrement, les salariés qui travaillent dans des secteurs essentiels, comme les hôpitaux, mais aussi les commerces, la logistique, la production agroalimentaire et dans beaucoup d’autres secteurs essentiels à l’activité économique.
Certains secteurs sont en tension et d’autres, malheureusement, n’ont plus aucune activité – commerces et entreprises fermés qui ne peuvent avoir recours au télétravail. Le Gouvernement a annoncé, par exemple, qu’il autorisait l’ouverture des boulangeries sept jours sur sept. Il faut donc payer des heures supplémentaires. Nous proposons une défiscalisation totale des heures supplémentaires au-delà des 5 000 euros déjà prévus par les textes et une exonération de charges sociales. Ce dispositif permettrait aux entreprises en tension d’encourager leurs salariés à venir travailler.
Le Gouvernement a annoncé un plan de chômage partiel auquel on ne peut que souscrire. Toutefois, les salariés au SMIC étant rémunérés à 100 %, le différentiel avec les personnes à bas salaire allant travailler est assez ténu. Il me semble donc important de trouver une solution à même d’encourager le travail dans une période où il est difficile de se déplacer – on court des risques, il faut disposer d’une attestation de déplacement dérogatoire…
En ce qui concerne la prime de 1 000 euros qui a été annoncée, vous savez toutes les réserves qu’on peut émettre à son encontre : elle ne s’adresse qu’aux entreprises ayant un accord d’intéressement, ce qui n’est pas le cas des plus petites entreprises ou des commerces, et elle suppose que les entreprises fassent des bénéfices, ce qui est compliqué et peu adapté à la période que nous traversons.
Cet amendement vise donc à instaurer un mécanisme de défiscalisation et de désocialisation des heures supplémentaires, directement inspiré de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA. Les dispositions de ce texte, adopté à l’issue d’une crise très violente, avaient permis de relancer l’activité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. La question que vous posez est très importante.
D’abord, je le redis, en réalité, tous les secteurs de l’économie, ou beaucoup d’entre eux, sont interdépendants. Aussi, compte tenu de cette interdépendance, il est difficile de dire qu’un secteur est plus essentiel qu’un autre.
Je donne un exemple : nous avons été alertés sur la possibilité de fermeture de certains sites de production d’emballages, notamment pour la farine. Je n’ai pas besoin de vous faire un dessin pour vous montrer le lien entre la farine et le pain… C’est pour cette raison que nous considérons qu’il n’y a pas une liste de secteurs stratégiques, d’un côté, et une liste de secteurs qui ne le seraient pas, de l’autre.
Notre position est plutôt de dire que, dans le combat contre cette crise sanitaire, tout le monde doit apporter son soutien à la première ligne, le système sanitaire, qui fait un travail absolument remarquable. Il faut pouvoir alimenter, faire vivre 67 millions de Français, qui sont pour la plupart confinés chez eux et qui ont aujourd’hui des besoins différents de ceux d’avant.
Nous devons accompagner les Français qui sont dans cette situation, les approvisionner, faire en sorte qu’ils aient toujours accès à des médicaments et à un certain nombre de services à domicile, le tout en visant une protection absolue des personnes qui travaillent. Nous travaillons à ce que tous les salariés puissent appliquer cette distanciation, que nous mettons en pratique ici, et bénéficient des moyens essentiels de protection. C’est le premier point, primordial, et c’est la raison pour laquelle nous avons ralenti certains sites afin de pouvoir les faire redémarrer dans de bonnes conditions de sécurité pour tous les salariés.
J’en viens ensuite au deuxième sujet, que vous évoquez en creux : celui des incitations fiscales, sur lesquelles nous sommes tout à fait disposés à travailler, avec une grande ouverture. Nous avons immédiatement rendu disponible ce volant de 5 000 euros qui permettra, dans les semaines qui viennent, de défiscaliser une partie des heures supplémentaires. Je peux vous confirmer que, d’un point de vue logistique, certains sites fonctionnent le dimanche et la nuit pour accélérer la fabrication des produits qui sont aujourd’hui nécessaires à notre pays.
Nous pouvons examiner votre amendement, qu’il faudrait, nous semble-t-il, retravailler pour trouver une réponse permettant de proposer une défiscalisation de ces heures supplémentaires travaillées, de cet effort fourni par des Français qui, en raison de la nature de leur métier, vont continuer à aller travailler en passant davantage de temps dans les transports. Leurs conditions de travail seront probablement plus difficiles, parce qu’ils sont soumis à une pression accrue et qu’ils seront moins nombreux pour tenir la boutique – certains, pour garder leurs enfants, doivent rester à la maison ; d’autres sont peut-être malades…
Monsieur le rapporteur général, nous partageons totalement l’objectif qui sous-tend votre amendement, auquel nous vous proposons de travailler dans les prochains jours. En attendant, nous vous demandons de le retirer, compte tenu de l’urgence de ce projet de loi.
Nous voulons tous dans cet hémicycle montrer que nous sommes à la hauteur des enjeux et que nous prenons des décisions pour les entreprises, même si cela ne nous empêche pas de travailler sur d’autres projets de loi et dispositions à venir.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Le Sénat est bien évidemment conscient de l’urgence que vous évoquez, mais nous tenons énormément à la disposition que notre rapporteur général vous a proposée.
Pourquoi ? Parce que nous savons déjà que cette crise sanitaire entraînera un choc économique et social profond. Mais il y a un autre risque, celui qu’à ces deux chocs s’ajoutent une rupture brutale des approvisionnements et une paralysie de l’économie. On le voit, des secteurs entiers peuvent être complètement bloqués. Or nous pensons qu’il faut justement envoyer un signal. Il ne suffit pas, la main sur le cœur (L’orateur joint le geste à la parole.), de proclamer notre attachement et de rendre hommage à celles et ceux – personnels soignants, caissières de supermarché, etc. – qui sont en première ligne. Certains salariés craignent, pour des raisons de sécurité, de se rendre au travail.
Monsieur le secrétaire d’État, puisque les douanes dépendent du budget, je vous poserai au passage une question – je refermerai très vite la parenthèse – sur les collectivités qui veulent commander des masques. L’État leur dit : « Attention, vous ne pouvez pas passer de commande, car je suis le seul à avoir la signature pour autoriser des importations. » Même si elles veulent les payer et se substituer à l’État défaillant, il faut l’accord de l’État. Êtes-vous prêt à le donner ? Car les questions de sécurité rejoignent la question économique.
Pourquoi préférons-nous le dispositif préparé par Albéric de Montgolfier au vôtre ? Cela s’explique par plusieurs raisons.
La première, c’est une raison de rapidité, de réactivité, d’urgence ! La défiscalisation et la désocialisation sont automatiques, elles ne dépendent d’aucune décision.
La deuxième, c’est l’impact et le périmètre de ces mesures qui s’appliquent à l’ensemble du secteur privé, alors que, pour votre dispositif, l’entreprise doit donner son accord, faire des bénéfices et avoir un accord d’intéressement. Cela concerne non seulement le privé, mais également le public. Nous pensons aussi aux personnels de soin dans les hôpitaux. La défiscalisation et la désocialisation présentent donc un bénéfice supérieur. Nous avions rapidement calculé…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Bruno Retailleau. … que la fameuse prime pour les « gilets jaunes » représentait à peu près 400 euros. Le dispositif que nous proposons est beaucoup plus massif, pour encourager celles et ceux qui sont aujourd’hui en première ligne, et davantage incitatif pour les entreprises. Le Medef l’a d’ailleurs dit, si l’État veut instituer une prime de 1 000 euros, qu’il la paie ! Si vous recouriez à la défiscalisation et à la désocialisation, vous n’entreriez pas dans ces discussions. C’est la raison pour laquelle, je le redis, cet amendement est capital si nous voulons relancer très rapidement notre économie.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Permettez-moi un petit trait d’humour, même si la situation est grave : mon cher collègue Bruno Retailleau, vous parlez la main sur le cœur, mais nous avons tous la main sur le cœur ! En revanche, quand il s’agit de mettre la main à la poche, nous ne sommes pas toujours du même avis ! (Sourires.)
M. Philippe Dallier. Ça dépend du portefeuille !
M. Pascal Savoldelli. Néanmoins, sur cet amendement du rapporteur général, nous aurons le même vote que vous. Vous le savez, c’est aussi une situation exceptionnelle pour nous. Avec les responsabilités politiques que vous avez aujourd’hui en tant que président de groupe et celles que vous envisagez peut-être d’avoir à l’avenir, vous nous avez fait une petite leçon sur la désocialisation. Nous reparlerons de la désocialisation pour voir jusqu’où l’on peut aller. Si j’ai bien compris, il s’agit d’une exonération de l’impôt sur le revenu des cotisations sociales sur les heures supplémentaires.
Je l’ai dit lors de la réunion de la commission des finances, cette mesure est beaucoup plus équitable et lisible, aussi bien par les chefs d’entreprise que par les salariés, que la prime de 1 000 euros.
Ne le prenez pas mal, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mais je ne peux pas regarder en face une caissière qui toucherait les 1 000 euros, alors qu’un ami, un collègue, voire un membre de sa famille, ne peut pas exercer le même emploi, non pas parce qu’il ne veut pas travailler, mais parce qu’il est soumis au confinement, qui l’oblige à ne pas travailler. On pourrait prendre d’autres exemples. Il faut faire très attention, car, selon moi, cette prime au mérite de 1 000 euros est destructrice pour la cohésion sociale et la mobilisation de l’ensemble des composantes de notre société, des travailleurs comme de ceux qui n’ont pas de travail.
M. Thierry Carcenac. Très bien !
M. Pascal Savoldelli. Nous allons donc voter l’amendement déposé par la commission, qui est évidemment conditionné à la période que nous vivons et à la nécessité de tout faire pour sortir de cette crise.
Un petit mot sur le chômage partiel : je l’ai dit précédemment, le montant du SMIC net est – je l’ai vérifié – de 1 219 euros par mois. Nous, les élus du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, étions partisans d’aller plus loin, au-delà du seuil du SMIC, s’agissant de la rémunération versée dans le cadre du chômage partiel. Nous aurions ainsi envoyé un signal au salariat français. Ceux qui sont au-dessus de ce seuil peuvent faire les comptes : imaginez ce que représente le versement de 84 % d’un salaire de 1 400 euros net par mois – aucune, d’aucun d’entre nous ici n’est dans ce cas – dans le cadre du chômage partiel. Les fins de mois seront difficiles… (Mme Laurence Cohen applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je ne serai pas très longue : pour notre part, nous sommes assez en accord le propos de notre collègue Pascal Savoldelli sur le fait qu’il s’agit d’une question de justice envers ceux qui vont travailler, et sur la nécessité que cela soit reconnu. Le dispositif présenté par le rapporteur général et adopté par la commission des finances nous semble adapté.
Par ailleurs, comme cela a été dit, la proposition du Gouvernement présente un certain nombre de lacunes, puisque seules les entreprises qui auront fait un bénéfice pourront le déployer. J’en appelle au civisme et à la responsabilité des entreprises : si elles restent bénéficiaires dans la crise qui s’annonce, elles devraient peut-être faire aussi un geste.
Ces deux mesures me semblent complémentaires : si aujourd’hui des salariés prennent des risques pour permettre que l’activité économique perdure, notamment dans les transports, alors même qu’on ne leur donne pas toujours de garanties fortes s’agissant de la préservation de leur santé – masques, etc. –, il serait de bon aloi que les entreprises bénéficiaires puissent faire un petit geste à leur égard.
Nous voterons cet amendement présenté par la commission des finances, mais – j’insiste – les salariés qui sont en première ligne pourraient être remerciés par une prime exceptionnelle au moment de la répartition ultérieure des bénéfices qui auront pu être sauvés malgré les difficultés économiques annoncées.
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.
M. Hervé Marseille. Je ne pouvais pas ne pas prendre rapidement la parole parce que, exceptionnellement, je vais voter comme mon collègue Pascal Savoldelli ! (Sourires. – M. Philippe Dallier s’exclame.) Cela méritait tout de même d’être souligné… C’est le premier mérite de cet amendement, qui nous réunit très largement sur ces travées.
Je ne répéterai pas ce qu’a très bien dit Bruno Retailleau à l’instant, mais le dispositif que prévoit l’amendement est simple, clair, lisible et massif. Dans cette période où l’on fait appel aux bonnes volontés, où l’on voit des personnes s’engager totalement alors même que le moment est extrêmement difficile, ce dispositif est bien plus lisible – j’insiste – et juste.
Le système de la prime est intéressant. Pour autant, il est injuste, dans la mesure où l’on fait une annonce cosmétique, tout en sachant très bien qu’il y aura après des difficultés et que l’ensemble des PME et des TPE ne pourront pas répondre de la même façon.
À l’évidence, le dispositif de cet amendement apporte une solution à beaucoup de problèmes !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Pour ma part, je ne vais pas voter comme Pascal Savoldelli ni comme certains d’entre vous, j’en suis désolé… Sur ces dispositifs d’incitation fiscale et de rémunération complémentaire, j’ai déposé des amendements qui n’ont pas été retenus lors de l’examen d’un texte récent, la loi Pacte, pour rendre l’intéressement obligatoire dans toutes les entreprises de plus de dix salariés. Je suis donc très favorable aux principes de répartition, d’encouragement et de récompense qui sous-tendent l’intéressement et la participation.
La défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires produisent un effet d’aubaine. Certes, le patronat et les salariés y sont assez massivement favorables, mais l’effet d’aubaine est totalement vicié : ce n’est plus un système de répartition ou d’encouragement, mais une carotte ! Je ne pense pas que l’on fonde la cohésion sociale des entreprises sur ce genre de dispositifs. D’autant plus que, s’il y a des dérives, ce n’est pas forcément un système très productif au sein de l’entreprise…
On pourrait vouloir mettre en place cet effet d’aubaine, cette carotte, exceptionnellement pour une durée déterminée…
M. Philippe Dallier. C’est l’idée !
M. Jean-Marc Gabouty. Si c’était le cas, je serais plutôt d’accord, mais il faut faire attention à ne pas l’instituer en système. Je crois que l’intention est bonne, mais que le support est mauvais.
Dans le cadre qui est proposé, le dispositif peut à la limite être utile pour des systèmes en tension…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est le cas !
M. Jean-Marc Gabouty. Alors, exceptionnellement, je voterai à l’inverse de ce que je fais habituellement, et soutiendrai l’amendement du rapporteur général.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je voulais convaincre notre collègue Gabouty, mais il a terminé son propos en disant qu’il voterait cet amendement…
De manière générale, je peux entendre ce qu’il dit et nous pouvons en discuter, mais il s’agit là de répondre à cette crise en prévoyant une incitation pour ceux qui vont travailler dans des conditions que nous connaissons toutes et tous. Alors, votons cet amendement !
Comme il y aura une commission mixte paritaire, autant que le Sénat soit unanime, puisque j’ai l’impression que cela est possible : nous aurons ainsi des arguments de poids pour essayer de convaincre nos collègues de l’Assemblée nationale !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Quelques mots d’abord pour souligner, en écho à ce que vous venez de dire, monsieur le président Retailleau, la nécessité d’apporter toutes les réponses, et ce aussi vite que possible.
J’entends les arguments qui sont les vôtres et ceux du rapporteur général sur cette mesure qu’il a proposée, que vous reprenez et défendez. Je pense même que cette mesure, et ma collègue Agnès Pannier-Runacher l’a dit précédemment, est utile pour accompagner un plan de relance, et nous sommes évidemment ouverts à l’idée de travailler ensemble dans ce cadre, notamment – mais pas seulement – pour avancer et faire en sorte que, dès que notre économie repartira, nous puissions l’accompagner de la façon la plus forte possible.
J’entends aussi un deuxième argument, lié peut-être à l’inquiétude ou à l’angoisse que, dans la période que nous vivons, le plafond de 5 000 euros prévu par les dispositions actuellement en vigueur puisse être, dans certains secteurs que nous avons évidemment les uns et les autres du mal à identifier aujourd’hui, dépassé. Si cela devait être le cas, nous pourrions dans les semaines à venir mettre en œuvre des dispositions, y compris rétroactives, pour répondre à ces situations, qui, à mon sens, ne seront pas légion, et apporter des réponses.
Je le dis devant le Sénat, comme nous l’avons fait avec Gérald Darmanin devant l’Assemblée nationale, en lien avec Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher, notre second impératif est d’apporter une réponse qui soit à la hauteur, avec un engagement important de 45 milliards d’euros. J’entends dire parfois qu’il s’agit de mesures de trésorerie ou de reports. Nous avons dit que nous serions ouverts, au cas par cas, à un certain nombre d’annulations pour les entreprises qui en auraient le plus besoin. Ces mesures sont, pour la trésorerie et les finances de l’État, très lourdes. Nous les assortissons de 300 milliards d’euros de garanties, ce qui est massif, même si nous avons tous l’espoir que ces garanties apportées à des prêts aux entreprises ne donneront pas lieu à couverture, ce qui serait la meilleure des nouvelles pour notre économie.
Nous devons, dans ce cadre, garder quelques marges de manœuvre pour éventuellement prendre – personne ne le souhaite, mais cela pourrait arriver – d’autres mesures d’urgence dans un second temps. Nous le savons les uns et les autres, la loi de finances rectificative que nous vous présentons aujourd’hui repose sur une hypothèse de durée de l’épidémie qui n’est qu’une hypothèse. Personne ne peut réellement préjuger de cette durée, même si nous espérons tous qu’elle soit la plus courte possible. J’ai la conviction qu’avant la fin du premier semestre au plus tard, peut-être dans un ou deux mois – mais le caractère très particulier de ce que nous vivons interdit de prévoir précisément ce terme –, nous devrons nous retrouver pour l’examen d’un nouveau projet de loi de finances rectificative. Ce ne sera pas un plaisir – sinon de vous retrouver ! –, mais il faudra certainement tirer les conséquences, et éventuellement prévoir un recalibrage des mesures que nous avons présentées, en fonction de l’évolution tant de la situation économique que de son facteur principal, la situation sanitaire.
Dans ce cadre, nous pourrions, et c’est la raison pour laquelle j’appuie la demande de retrait de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, nous retrouver utilement dans les prochains jours ou les prochaines semaines pour travailler sur ce dispositif et éventuellement sur d’autres pistes. Nous aurons alors un véhicule législatif tout à fait adéquat, avec un projet de loi de finances rectificative qui sera certainement présenté dans les semaines ou les mois à venir pour compléter les mesures que nous prenons, de manière à pouvoir avancer.
Cette proposition me semble équilibrée, car elle nous permet de continuer à travailler sur ces sujets tout en mettant en œuvre extrêmement vite les mesures que nous vous proposons d’adopter dans un premier temps. Je le répète, s’il devait y avoir un dépassement du plafond des 5 000 euros, tel qu’il est prévu par les dispositions actuellement en vigueur, nous connaissons, vous et moi, la capacité du Parlement, surtout dans ces conditions, à prendre des mesures rétroactives.
J’appuie donc la demande de retrait qui a été présentée. Il ne s’agit pas d’un avis défavorable sur le fond, vous l’avez compris ; c’est plutôt le signe d’une volonté de travailler ensemble, peut-être en temporisant quelque peu, mais avec la garantie d’avoir à l’avenir un véhicule tout à fait adéquat pour pouvoir porter cette mesure.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Monsieur le secrétaire d’État, je ferai deux remarques.
D’abord, je relaie l’interrogation de Bruno Retailleau. Nous attendons votre réponse à sa question, mais je voulais aussi vous dire que, même en période d’urgence et de crise, vous ne changez pas beaucoup de style : votre démarche est toujours de considérer que l’idée est excellente, que vous allez la travailler et y réfléchir… Mais à un moment donné, on a besoin d’une réponse rapide, c’est-à-dire demain. Les entreprises doivent rapidement entendre le message et en voir les conséquences. Même si nous entendons vos bonnes intentions, je crois que nous n’en sommes plus là : il faut passer à l’action !
M. Dominique de Legge. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. M. le président Retailleau tenait à avoir une réponse à sa question sur les masques : pour être très claire, je précise que nous donnons la possibilité à des personnes morales autres que l’État de faire de petites commandes de masques, en importation. Cela est parfaitement possible, c’est la nouvelle doctrine que nous avons clarifiée.
Je veux redire ici pourquoi le directeur général de la santé et l’ensemble des professions de santé attirent l’attention sur le fait que ces masques ne constituent pas des protections pour les salariés : ils protègent en effet essentiellement contre la projection de gouttelettes émises par ceux qui les portent. Ils constituent donc éventuellement une protection pour leur environnement, mais pas pour eux-mêmes.
Ce que nous avons constaté au vu de l’usage des masques et ce que nous disent les experts, c’est que l’utilisation de masques induisait une moindre attention aux gestes barrières. Voilà la raison pour laquelle nous avons une attitude réservée : leurs utilisateurs se rapprochent, puisqu’ils se sentent protégés…
M. Bruno Retailleau. Vous ne pouvez pas dire ça !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je ne fais que vous répéter ce que nous disent la direction générale de la santé et les experts qui travaillent sur le sujet, lequel est suffisamment sérieux pour que je ne m’élève pas au-dessus de ma condition. J’insiste, ce discours est très exactement celui que nous tiennent les experts sur ce sujet qui doit faire l’objet de la plus grande rigueur d’un point de vue sanitaire. C’est non pas Agnès Pannier qui parle, mais Agnès Pannier qui récite ce que les experts lui demandent de diffuser largement, car c’est important.
Au regard des attitudes que nous avons pu constater, il faut redire qu’un masque ne protège pas l’individu et qu’il faut maintenir avec force les mesures barrières.
Par ailleurs, l’usage du masque peut entraîner des contaminations : si vous manipulez votre masque, vos mains peuvent ensuite diffuser le virus par contact. Il faut suivre la doctrine d’emploi des masques…
M. Bruno Retailleau. Il ne faut pas de masques, c’est ça ?
M. le président. Il faut conclure sur ce point, madame la secrétaire d’État, pour revenir à la question de la défiscalisation.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. En effet, j’aimerais pouvoir conclure mon propos avant de revenir à la défiscalisation, qui est un sujet important : la doctrine d’emploi des masques suppose de maintenir de manière très forte les mesures barrières et d’avoir une formation préalable sur le sujet.
Enfin, je le redis parce que j’ai entendu beaucoup de choses, il y a une confusion entre les masques filtrants, qui permettent de préserver la santé des personnels sanitaires placés à moins de vingt centimètres des patients en filtrant les aérosols, et les masques barrières, qui protègent votre environnement lorsque vous avez des symptômes. Faisons bien la différence ! Rien n’empêche les collectivités locales de les commander en petites quantités.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les différentes interventions venant de toutes les travées montrent que nous soulevons un problème réel, celui des personnes qui aimeraient travailler, mais qui sont chez elles, soit parce qu’elles sont confinées, soit parce que leur entreprise est purement et simplement fermée.
Cela montre aussi les réelles difficultés rencontrées par certains secteurs pour faire venir des salariés. Je suis d’accord avec vous, cela ne touche pas un secteur plus qu’un autre : tous les secteurs sont aujourd’hui concernés. Il y a aussi la question des mesures sanitaires : chaque jour, des collègues nous font remonter des problèmes qui vont de la collecte ou de la livraison du lait qui ne se fait pas à des chaînes logistiques qui s’arrêtent. Le Gouvernement n’a pas, me semble-t-il, une position très claire sur les travaux publics à ce stade.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il arrive que la gendarmerie interrompe des chantiers. C’est la réalité, je peux vous donner des exemples très précis !
Il y a aujourd’hui un décalage entre les annonces et ce qui se passe sur le terrain. L’inspection du travail dit par exemple aux chefs d’entreprise qu’ils encourent un risque. Il faut, à un moment donné, apporter une clarification et prévoir un certain nombre de mesures de protection, car il est très difficile aujourd’hui d’avoir une doctrine claire.
Dans notre strict domaine de compétences, c’est-à-dire la présente loi de finances rectificative, il est aujourd’hui important d’envoyer un signal d’encouragement à ces salariés qui travaillent et à ces entreprises qui fonctionnent, pour certaines en suractivité par rapport à une période normale en raison d’un nombre moindre de travailleurs – certains étant confinés, d’autres devant garder leurs enfants.
La défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires, c’est un dispositif qui n’est pas discriminant pour les entreprises – il n’est pas nécessaire qu’elles aient un accord d’intéressement, par exemple. Ce système concerne tous les secteurs qui sont en tension et qui concourent aujourd’hui l’activité économique. Il nous semblait qu’il s’agissait d’un dispositif simple.
Néanmoins, j’entends les arguments tirés de l’urgence et de la nécessité de voter de la manière la plus unanime possible l’essentiel de ce projet de loi de finances rectificative, qui comprend deux mesures : le dispositif de chômage partiel et, surtout, les 300 milliards d’euros de soutien au crédit. Car s’il n’y a plus de crédit bancaire, de nombreuses entreprises vont tout de suite arrêter totalement leur activité.
J’entends également le propos du Gouvernement sur un prochain texte – pour être très clair, un projet de loi de finances rectificative. Si celui-ci devait arriver dans les prochains mois, cela ne nous convient pas ; mais s’il est présenté très rapidement, dans les prochaines semaines, et que le Gouvernement s’engage à prendre éventuellement des mesures à caractère rétroactif, je suis prêt à retirer mon amendement de façon à éviter la réunion une commission mixte paritaire et à permettre une entrée en vigueur la plus rapide possible de ce texte.
Car l’urgence extrême, c’est aujourd’hui sans doute le mécanisme de garantie bancaire et les 300 milliards d’euros. Mais j’aimerais que le Gouvernement nous dise si un texte support est vraiment dans les tuyaux. Encore une fois, vous avez reconnu, monsieur le secrétaire d’État, le bien-fondé de mon amendement, et nous sommes prêts à le retravailler. Utilisez-le, parce que c’est un dispositif qui fonctionne et qui n’est pas discriminant !
Mais, j’insiste, j’aimerais avoir des précisions sur le calendrier. Au vu des explications que vous m’apporterez, je serais prêt à retirer l’amendement pour y retravailler dans les prochains jours, mais en tout cas pas dans les prochains mois.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je ferai trois observations, deux pour apporter des compléments et une pour répondre très directement à M. le rapporteur général.
Premier complément, Agnès Pannier-Runacher l’aurait dit mieux que moi, car c’est le domaine de compétences de son ministère, sous l’autorité de Bruno Le Maire : un travail commun est actuellement mené entre les services du Gouvernement et les organisations professionnelles du bâtiment pour arrêter une doctrine commune et permettre ainsi une homogénéité du message. Une circulaire du ministère de l’intérieur précisera aussi les choses, afin que tout puisse être cadré.
Deuxième complément : nous ne sommes pas revenus sur la question de la prime, mais j’ai entendu les interrogations qu’elle peut susciter chez certains d’entre vous, lesquelles avaient été exprimées à l’occasion du vote du projet de loi de finances pour 2020. Je vous dirai simplement, de manière très télégraphique, que nous allons travailler à la rendre plus simple et plus souple, au-delà de ce que nous avons fait sur les questions de décision unilatérale, de manière à couvrir davantage de monde et plus facilement.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Enlevez l’accord d’intéressement !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Cela ne répondra pas à l’intégralité des interrogations exprimées depuis le projet de loi de finances, mais nous allons simplifier les choses.
Enfin, je veux vous répondre très directement, monsieur le rapporteur général. Vous me demandez de m’engager à présenter un projet de loi de finances rectificative dans les semaines qui viennent. Avant d’être plus affirmatif, je crains de devoir vous dire que c’est l’actualité qui nous le commandera. L’engagement que je prends devant vous, quand j’évoque un délai de quelques semaines, ne s’entend que parce que l’actualité va nous y conduire, tant pour accompagner la relance que pour répondre à la crise.
Le Gouvernement a véritablement la volonté de travailler sur vos propositions concernant ces sujets. S’il y a une différence pour vous entre quelques mois et quelques semaines, je peux l’entendre, car ce n’est pas neutre, mais je sais que l’actualité va nous amener à quelques semaines, car il y aura urgence.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d’État, je vous propose, sous le regard et l’écoute du président du Sénat, de confirmer votre engagement par un courrier. Ce sujet est absolument majeur : je pense qu’il faut assouplir les conditions de versement de la prime de 1 000 euros, notamment sur la condition de l’intéressement, et prévoir aussi un soutien aux entreprises, notamment par les heures supplémentaires et par les dispositifs d’encouragement à ceux qui travaillent.
Au vu de l’engagement pris par le Gouvernement en présence du président du Sénat, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 8 est retiré.
En lien avec le président de la commission des finances, le rapporteur général et l’ensemble des présidents de groupe du Sénat, je serai extrêmement attentif à ce que les semaines ne deviennent pas des mois, car il y a urgence, monsieur le secrétaire d’État.
L’amendement n° 20, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
A. – Avant le titre unique : dispositions relatives à l’équilibre des ressources et des charges
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La deuxième phrase du premier alinéa du I de l’article 244 quater B du code général des impôts est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Le taux du crédit d’impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 5 millions d’euros. Entre 5 et 10 millions d’euros, le taux du crédit d’impôt passe progressivement et linéairement de 30 % à 0 % »
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :
TITRE …
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Mon collègue du CNRS Bruno Canard, directeur de recherche, travaille depuis très longtemps sur la famille de virus à laquelle appartient celui qui provoque le Covid-19. Alors qu’il est un spécialiste mondialement reconnu, il passe son temps, comme tous les chercheurs aujourd’hui, à trouver de l’argent et a dû arrêter ses recherches, faute de crédits. Aujourd’hui, il nous dit : « Face au coronavirus, énormément de temps a été perdu pour trouver des médicaments. » Voilà comment, mes chers collègues, des économies réalisées sur le budget de la recherche se paient aujourd’hui en vies humaines.
Très récemment, la ministre de l’enseignement supérieur a décidé, dans l’urgence, de créer un fonds doté de 5 millions d’euros pour la recherche sur le coronavirus. Je ne trouve pas du tout dans votre texte, monsieur le secrétaire d’État, la trace budgétaire de cet engagement pris devant la Nation. Il faut absolument financer ce fonds aujourd’hui : c’est une nécessité pour faire face non seulement à la crise actuelle, mais aussi à celle qui viendra l’hiver prochain, parce qu’on peut redouter que ce virus soit, comme celui de la grippe, saisonnier.
Nous devons travailler dès maintenant, et en toute urgence, sur les voies médicamenteuses pour guérir ce virus, « quoi qu’il en coûte » comme l’a dit le Président de la République. Nous avons trouvé une solution budgétaire pour financer directement cette ligne en fonction des contraintes auxquelles nous sommes soumis. Nous vous proposons un plafonnement du crédit d’impôt recherche (CIR) qui ne touche pas les PME, afin d’injecter rapidement des moyens très importants dans la recherche, qui malheureusement a été délaissée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je vous entends bien, mais, dans la vraie vie, cela ne fonctionne pas comme ça ; ce n’est pas parce que l’on réduit le CIR que cela donnera plus d’argent à la recherche publique. J’ai entendu ce que disait le Président de la République et c’est vrai que l’on n’en a pas encore vu, à ce stade, la traduction budgétaire ; le Gouvernement nous donnera peut-être plus de précisions à ce sujet.
Néanmoins, la question de la recherche publique, singulièrement dans le domaine médical, n’est évidemment pas traitée par le dispositif de votre amendement, qui tend à plafonner le CIR. Or ce n’est pas parce que l’on réduit le CIR que cela donne plus d’argent à la recherche publique.
De toute façon, malheureusement, les dépenses de recherche vont mécaniquement diminuer du fait de la conjoncture. Dans le secteur de l’aéronautique, par exemple, c’est la première fois qu’il n’y a pas eu du tout de commande d’avion – zéro ! Cela veut dire concrètement qu’il n’y aura pas de chiffre d’affaires et cela impliquera une réduction de tous les budgets, y compris, malheureusement, des budgets de recherche. Ainsi, nombre de sociétés seront affectées, en raison de la baisse de leur activité, et tous leurs budgets en souffriront, y compris la recherche.
Cela constituerait donc un très mauvais signal, dans cette période extrêmement difficile, de réduire un dispositif − le crédit d’impôt recherche − qui a fait ses preuves ; en outre, quand bien même cet amendement serait adopté, cela n’épuiserait évidemment pas le traitement de la question de la recherche publique, qui, par ailleurs, a besoin de moyens, c’est indéniable.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. En réalité, la mesure contenue dans cet amendement aurait pour effet de réduire les ressources de la recherche privée, qui est utile, sans augmenter celles de la recherche publique.
En revanche, nous nous rejoignons sur l’encouragement de la recherche publique, et nous travaillons actuellement sur le projet de loi de programmation de la recherche, qui vous sera présenté ultérieurement, pour lequel 15 milliards d’euros, sur dix ans, avaient d’ores et déjà été annoncés. Le Président de la République a annoncé le renforcement de ce budget à hauteur de 5 milliards d’euros. Je crois donc que ce sujet sera pleinement pris en charge. Ainsi, comme Olivier Dussopt le signalait malicieusement, nous aurons prochainement besoin de projets de loi de finances pour accompagner tous ces efforts…
Je veux par ailleurs préciser qu’il y a, aujourd’hui, un effort spécifique, puisqu’une première enveloppe de 8 millions d’euros est précisément affectée au coronavirus, à laquelle se sont ajoutés 50 millions d’euros pour étudier les traitements, les vaccins et l’évolution du virus.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement : à défaut il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je crois très sincèrement que vous ne prenez pas la mesure de l’urgence à laquelle nous sommes confrontés. Les 50 millions d’euros dont je parle correspondent à l’engagement de la ministre, je ne les ai pas inventés.
Par ailleurs, à propos du projet de loi sur la recherche, justement, le président du Sénat nous a dit très récemment, et je suis de son avis, que ce projet de loi ne comporte ni méthode, ni calendrier, ni fond. On ne va donc pas attendre, pour investir sur la recherche et sur le coronavirus, que cette loi arrive, fût-ce en 2021. Ce dont nous avons aujourd’hui besoin, c’est d’un engagement immédiat ; il faut que vous incluiez ces 50 millions d’euros dans le présent texte budgétaire. Tel est le message politique que vous devez envoyer à la communauté scientifique pour qu’elle trouve un vaccin dans les plus brefs délais ; c’est votre devoir, vous devez envoyer ce message à la Nation et nous devons retrouver, dans votre texte, cet engagement de 50 millions d’euros.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Sur cette question, j’ai envie de soutenir, pour plusieurs raisons, l’amendement déposé et défendu par mon collègue Ouzoulias.
En premier lieu, même si nous examinons, effectivement, un projet de loi de finances rectificative d’urgence, il est quand même bon de marquer un certain nombre de principes pour la période qui suivra, notamment la nécessité de replacer dans le giron public un certain nombre d’éléments essentiels. Je pense en particulier à la recherche ; nous devons arrêter de déléguer sans cesse au privé et, je vous le rappelle, le crédit d’impôt recherche a été prélevé sur le budget de la recherche publique.
En second lieu, le montant ici proposé – 50 millions d’euros − semble raisonnable au regard de la budgétisation traditionnelle du crédit d’impôt recherche qui doit être, si je ne m’abuse, de l’ordre de 6 milliards d’euros. Ainsi, un montant 50 millions d’euros, au regard de 6 milliards d’euros, me semble raisonnable pour souligner la nécessité de revenir à la recherche publique, notamment en matière de médicament.
En outre, on le sait − certains rapports l’ont indiqué −, il y a des pratiques très claires d’optimisation fiscale liées au crédit d’impôt recherche.
Par conséquent, je crois qu’il serait bon que l’argent prévu pour le crédit d’impôt recherche soit consacré à la recherche, donc à la recherche publique.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. M. le rapporteur général a raison, il s’agit d’un projet de loi de finances rectificative. Or qu’a fait notre groupe, au travers de l’amendement défendu par Pierre Ouzoulias ? Il était soumis à la contrainte de l’article 40 de la Constitution, donc il est allé chercher le financement là où il le pouvait. Ainsi, nous proposons de maintenir le crédit d’impôt recherche pour les petites entreprises et de prendre le reste pour la recherche. C’est la seule possibilité que nous avions pour amender le texte.
Deuxième point, très important, mon collègue l’a dit : la Chine et l’Inde sont en tête dans la recherche sur les molécules. Je souhaite bien entendu qu’ils trouvent, mais ne croyez-vous pas que, pour la France, pour l’Europe, le fait de consacrer ces fonds à la recherche publique sur les molécules constituerait un signal ? Parce que c’est le sujet qui va nous occuper ! Cela pourrait aussi inciter nos amis européens à faire de même.
Troisième point, pourquoi insistons-nous ? Ce n’est pas par dogmatisme ou pour je ne sais quelle autre raison. C’est parce qu’il faut donner des signes de confiance à la population française ! Or, évidemment, ces signes de confiance, y compris pour vous, l’exécutif national, le Gouvernement, consistent à apporter des réponses. La réponse que nous proposons n’est pas monstrueuse, il s’agit d’une légère réorientation de l’utilisation de l’argent public qui apporterait de la confiance. Cela nous aidera pour le confinement, pour l’unité sociale et démocratique de notre pays.
Donc, franchement, ne mégotons pas, prenons cinq minutes − pas deux heures, certes − pour en discuter, et dégageons cette somme ; la mesure que nous proposons donne du souffle, de l’espoir.
M. le président. Il faut se méfier du souffle, par les temps qui courent… (Sourires.)
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je le répète, 8 millions d’euros ont été débloqués sur le coronavirus et des chercheurs français cherchent et donnent de l’espoir au monde entier. En outre, 50 millions d’euros de plus viennent d’être débloqués, sans compter les 5 milliards d’euros supplémentaires annoncés par le Président de la République.
Effectivement, nous sommes à la hauteur de ces enjeux, qui sont majeurs !
Mme Éliane Assassi. Et la maîtrise publique ?
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Kern et Capo-Canellas, est ainsi libellé :
A. – Avant le titre unique : dispositions relatives à l’équilibre des ressources et des charges
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 1 quinquies de l’article 266 sexies du code des douanes, il est inséré un 1 quinquies … ainsi rédigé :
« 1 quinquies … Aux réceptions de déchets des ménages et assimilés supplémentaires générées pendant un état d’urgence sanitaire déclaré par les autorités compétentes, qui empêche d’assurer dans les conditions habituelles la collecte et le traitement des déchets. Les modalités de calcul de la part des déchets réceptionnés causés par les mesures prises en raison de l’état d’urgence sanitaire sont définies par décret. Les quantités non taxables font l’objet d’une comptabilité matière séparée ;
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :
TITRE …
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Je défends cet amendement au nom de notre collègue Claude Kern, pour lequel nous avons une pensée particulière, eu égard à sa position géographique.
Notre collègue considère que la crise sanitaire actuelle peut engendrer une hausse des déchets traités et donc une augmentation des taux de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). En conséquence, il propose de revoir les modalités de calcul de cette taxe. Je suppose qu’il s’agit d’un amendement d’appel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cette affirmation, selon laquelle les déchets vont augmenter, serait à vérifier,…
M. Philippe Dallier. Oui !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … parce que, malheureusement, les signaux montrent plutôt une contraction de l’activité économique.
Prenons un exemple : la production d’EDF a baissé de 15 %. Il y a donc beaucoup moins d’activité économique. Quand environ 98 % des commerces sont fermés, cela veut dire qu’il n’y a pas beaucoup de consommation ni de livraisons interentreprises. Même si on cuisine peut-être à domicile, je ne pense pas que la production de déchets ait augmenté considérablement.
Ainsi, à moins que le Gouvernement ait des informations contraires incitant à souscrire à cet amendement, je pense que c’est plutôt le contraire qui est en train de se passer, avec une réduction des déchets ; en tout cas, la contraction de l’activité économique est réelle et elle provoque sans doute plus une contraction qu’une augmentation des volumes des déchets.
La commission demande donc le retrait de cet amendement : à défaut elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je ne dirai pas que la gestion des déchets est simplifiée en ce moment ; elle est plutôt complexifiée, les volumes pouvant varier et entraîner une certaine pression, mais, pour le coup, la situation durera quelques semaines, elle aura une durée limitée.
Nous avons fait un plan massif et je vous invite à vous concentrer sur ce sujet quand nous sortirons de cette situation ; cela me semble assez anecdotique au regard de l’ensemble des sujets que nous avons à traiter aujourd’hui.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Mes collègues me pardonneront pour mon insistance, mais ils en comprendront la nécessité.
Je saisis l’occasion de la discussion de cet amendement, dont l’objet traite quelque peu des collectivités locales, pour reposer une question importante.
Le département de la Vendée a émis un bon de commande pour 150 000 masques – 100 000 masques chirurgicaux et 50 000 masques FFP2 − et il l’a fait, non pour faire une mauvaise manière à l’État, mais parce que le personnel des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et des services à domicile ou de soins n’est pas équipé. Or le département considère qu’il relève de sa compétence de protéger les salariés qui travaillent dans ces services.
Ma question est donc : l’État autorisera-t-il, oui ou non, l’importation de ces masques ? L’entreprise prestataire vient de m’envoyer un message ; elle dispose du bon de commande, mais elle n’a pas l’autorisation pour importer.
Second élément d’information : une autre entreprise française vient de me montrer un décret espagnol lui commandant des masques pour 25,8 millions de dollars.
Par conséquent, des masques sont produits dans le monde, des pays s’en procurent et, en France, les collectivités souhaitent aider le Gouvernement à relever le défi. Aidez-nous ! Faites en sorte de mobiliser vos administrations pour que l’État ne bloque pas, n’entrave pas ces livraisons et que, au contraire, il puisse nous aider.
Contrairement à ce que vous avez affirmé dans votre explication, je ne pense pas que les masques puissent représenter un danger ; ils sont protecteurs. Nous partageons cette analyse. Cela renvoie exactement à ce que nous indiquent les syndicats de police, à savoir que les autorités leur donnent l’ordre de ne pas porter de masque ; cet ordre est-il lié à une dangerosité du masque ou n’est-il donné que pour justifier l’absence de masque ?
Vous me pardonnerez, j’espère, de réintroduire un sujet qui me semble important, au moment où nous discutons du projet de loi de finances rectificative visant à traiter la crise du coronavirus.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je serai très précise.
Premièrement, dans les Ehpad − cela fait partie de la doctrine d’emploi −, le personnel doit être équipé, ne serait-ce que pour protéger la population fragile de ces établissements.
Deuxièmement, il y a 15 millions de masques sur les routes pour équiper les Ehpad.
Troisièmement, si vous avez des commandes immédiatement activables de masques, pour les quantités que vous avez mentionnées, il y a des levées d’interdiction visant à faciliter les importations ; en effet, nous considérons que des acheteurs qui ont eu la capacité de bloquer des contingents de masques ont fait un effort et, compte tenu de l’usage de ces masques, nous ne bloquerons pas ces importations.
Si vous pouvez prendre les coordonnées de la cellule chargée de ce sujet ou me donner celles de vos équipes, cela pourra se régler très simplement ; nous nous en occuperons. Je n’avais pas eu cette information préalablement.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la secrétaire d’État, pour compléter la question de Bruno Retailleau, qu’en est-il pour les maisons pour enfants ou adultes handicapés ? On me signale que beaucoup d’entre elles n’ont aucun masque. Un engagement en la matière serait également important, car il s’agit aussi de personnes très fragiles.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. J’ai été convaincu par les explications du rapporteur général, donc je vais retirer l’amendement de Claude Kern. Je constate néanmoins qu’il a permis de susciter une discussion sur un sujet important.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié est retiré.
L’amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Kern et Capo-Canellas, est ainsi libellé :
A. – Avant le titre unique : dispositions relatives à l’équilibre des ressources et des charges
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le troisième alinéa du A-0 du 1. de l’article 266 nonies du code des douanes est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Toutefois, ce tarif ne s’applique pas lorsque les mesures prises pendant un état d’urgence sanitaire, déclaré par les autorités compétentes, empêchent d’assurer les conditions habituelles de collecte et de traitement des déchets, notamment en entraînant une augmentation de la production de déchets des ménages. Les modalités d’application de cet alinéa, notamment les circonstances dans lesquelles il est considéré qu’une situation de crise sanitaire est à l’origine du non-respect des prescriptions des autorisations d’une installation autorisée, sont fixées par décret. »
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :
TITRE …
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié est retiré.
TITRE UNIQUE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES
Article 1er A (nouveau)
Pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, un arrêté des ministres chargés du budget, de l’intérieur et de l’outre-mer, sur proposition des ministres concernés, fixe la liste des importations et des livraisons de biens nécessaires au secours aux populations ainsi qu’au rétablissement de la continuité des services publics et des infrastructures publiques, qui sont exonérés de taxes d’importation, droits de douane, octroi de mer, droits de circulation et taxes d’accise de l’octroi de mer défini par la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer dans la ou les parties du territoire visées par le décret pris pour la mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er A
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 du I article 223 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 5 % » ;
2° Au troisième alinéa, le taux : « 4 % » est remplacé par le taux : « 8 % ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Vous verrez, monsieur le président Retailleau, notre groupe tient ses engagements ; vous aviez la main sur le cœur, nous, nous mettons la main à la poche.
De quoi parle-t-on, ici ? Je veux d’emblée remercier le rapporteur général, qui a dit devant la commission des finances qu’il s’agissait d’un sujet de fond, relevant du projet de loi de finances, à savoir la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. En effet, quand ça va mal, quand ça tangue, quand on traverse une crise financière et économique grave, il ne faut pas seulement verser des larmes de crocodile ; à un moment, il faut mettre la main à la poche, et pardon si l’expression vous choque un peu.
En outre, nous ne proposons pas de créer un nouveau dispositif, il existe déjà : il consiste en un prélèvement de 3 % de la fraction du revenu fiscal de référence comprise entre 250 000 euros et 500 000 euros par an, pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés, ou entre 500 000 euros et 1 million d’euros, pour les autres contribuables. Nous proposons de faire passer ce taux de 3 % à 5 % ; c’est acceptable !
De même, nous proposons de doubler la contribution de 4 % de la fraction du revenu fiscal de référence supérieur à 500 000 euros par an, pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés, ou supérieur à 1 million d’euros, pour les contribuables soumis à imposition commune, afin de la faire passer à 8 %.
Pourquoi cette proposition ? Parce que, d’abord, il va bien falloir trouver les moyens du plan de sauvegarde de notre économie et de défense des salariés, et que, ensuite, il faut susciter la confiance. L’un d’entre nous parlait précédemment du mouvement des « gilets jaunes » : on a quand même trouvé 10 milliards d’euros, c’est bien parce qu’une demande sociale s’exprimait.
Franchement, ces très hauts revenus, on ne va pas les mettre sur la paille ; ce ne sont pas ceux qui ont le plus de difficultés pour se confiner ; ils le font d’ailleurs parfois dans plusieurs endroits différents, parce qu’ils en ont les moyens… Oui, il faut parler clairement ! C’est comme ça ; quand les temps sont durs, tout le monde ne fait pas comme les sénateurs ici présents ; certains ont eu le temps de prendre l’avion pour s’exporter je ne sais où ou d’aller se réfugier quelque part tant que les choses restent difficiles. Allez donc voir dans certains quartiers très riches, vous verrez ; on a intérêt à prévoir quelques policiers pour surveiller les appartements. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous riez, mais on va voir ce qui va se passer…
Faites donc payer, un petit peu plus, ceux qui sont déjà mis à contribution, et vous aiderez le smicard, celui qui cherche du travail, la caissière, l’aide-soignant, auquel nous rendons tous hommage, et à juste titre, ou l’agriculteur, qui a du mal à commercialiser sa production ; envoyez ce signe, faites payer un petit peu plus les hauts revenus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pascal Savoldelli a répondu lui-même en indiquant qu’il s’agit d’un sujet de fond de projet de loi de finances. Ce débat, sur l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou le niveau de la contribution sur les hauts revenus, est récurrent, il revient chaque année, mais, je le répète, il s’agit d’un texte d’extrême urgence, dont le but est surtout le sauvetage des entreprises et des emplois. Il ne s’agit pas de rouvrir un débat sur la fiscalité générale.
En outre, la plupart des pays instaurent des dispositifs du même type que ceux prévus par ce texte − chômage partiel, soutien aux entreprises, soutien aux banques − et je n’ai pas connaissance de beaucoup d’exemples de pays qui décident d’augmenter leur fiscalité.
Ce n’est donc évidemment pas le moment d’un tel débat. Nous aurons cette discussion lors de l’examen du prochain projet de loi de finances initiale ; non seulement nous l’avons chaque année, mais, en outre, le président de la commission des finances et moi avons souhaité, comme le président du Sénat, étudier la fiscalité du patrimoine. Nous avons d’ailleurs conduit une analyse tout à fait indépendante de celle du Gouvernement et qui ne fait pas forcément les mêmes constats.
Cela dit, je le répète, ce débat n’est pas d’actualité. La commission demande donc le retrait de cet amendement : à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Je précise que cette explication vaut également pour l’amendement suivant, portant sur l’ISF.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. M. le rapporteur général a bien mis le sujet en perspective. Avis également défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Nous sommes très surpris de la désinvolture de ces réponses.
On entend, depuis hier, qu’il faudra que tout le monde s’y mette, que tout le monde fasse des efforts ; mais, pour ceux qui ont juste un emploi et un petit salaire, c’est déjà fait ! Tous ceux qui sont mis au chômage partiel, avec 84 % de leur salaire, commencent à payer ! Pour eux, on ne dit pas : « On va réfléchir, on va voir, c’est un sujet sérieux pour plus tard. » Et il y en a des millions, dans le pays, qui commencent à payer ; dès maintenant, cela a commencé !
Depuis le début du chômage partiel, la ministre du travail nous a indiqué le nombre de salariés concernés et nous a dit que cela augmenterait très vite. Des millions de salariés sont donc concernés dès maintenant.
En revanche, pour ceux qui n’ont aucun problème et même qui, au-delà, sont assis sur des fortunes assez considérables, là, il faut attendre… Mais jusqu’à quand ? Toutes les dépenses que l’on engage, il faudra bien les gager, il faudra bien trouver, à un moment donné, des recettes ! Or, quand il faudra se poser cette question – on y viendra aussi plus tard −, alors, là, on nous dira qu’il faut partager et on fera repayer ceux qui paient déjà, mais peut-être pas ceux à qui nous demandons, au travers de notre amendement, de payer.
On nous dit qu’il faudra changer les modèles économiques et repenser plein de choses, mais, visiblement, le logiciel est toujours le même, et le pays ne le supportera pas très longtemps, surtout dans la situation dans laquelle nous nous trouvons !
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je veux soutenir, en quelques mots, ces amendements ; je n’interviendrai qu’une seule fois.
Ces amendements tendent à créer des recettes permettant de financer les dépenses dont nous avons besoin pour faire face à cette crise, du point de vue tant de l’urgence sanitaire que de la relance économique et de la protection des citoyens.
Nous sommes, aujourd’hui, dans le pays, à la recherche de l’union nationale et, d’ailleurs, le fait que nous nous apprêtions à voter ce texte, à la suite de débats constructifs au cours duquel nous nous écoutons les uns les autres, le montre. Néanmoins, cette union nationale se fissure, parce qu’un profond sentiment d’injustice monte, lié aux situations différentes des uns et des autres − confinement, fait de devoir travailler, possibilité de télétravailler.
Il me semble donc absolument essentiel de montrer des signes indiquant que l’injustice fiscale vécue aujourd’hui va s’arrêter et que l’injustice sociale va être résorbée. Les dispositions qui sont proposées par les auteurs de ces amendements me paraissent de nature à faire en sorte que ce sentiment d’injustice s’apaise.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je ne méconnais pas les éléments que vous soulignez, j’entends ce que vous dites et je pense en effet que nous aurons malheureusement besoin de nous revoir très vite sur d’autres sujets.
Mme Éliane Assassi. Vous nous faites toujours la même réponse !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non, ce n’est pas toujours la même réponse ! Je le répète, nous n’allons pas refaire maintenant l’ensemble du projet de loi de finances, avec tous ses équilibres, c’est ce qui a motivé ma demande de retrait. On peut revoir l’ensemble de la fiscalité, du rétablissement de l’ISF à la TGAP sur les déchets, mais…
M. Pierre Laurent. Nous sommes en guerre et on ne gage rien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non, on ne gage pas rien, on procède en fonction de l’urgence, et l’urgence, aujourd’hui, c’est de sauver les emplois et les entreprises, le plus vite possible.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Débattons avec sérénité, mes chers collègues.
Mme Laurence Cohen. Tout à fait, monsieur le président !
Je trouve, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, que l’on marche sur la tête. Nous sommes dans une situation exceptionnelle ; le Parlement, notamment le Sénat, essaie de faire des propositions constructives, et le Gouvernement nous dit que, finalement, il ne faut pas changer le logiciel.
On voit pourtant bien que des choses ne vont pas, qu’il y a des insuffisances budgétaires notoires. Nous sommes en train de parler du projet de loi de finances rectificative, mais on pourrait tout aussi bien parler du budget de la sécurité sociale et du manque criant de budgétisation des hôpitaux ; nous y reviendrons.
Pourtant, vous persévérez et ce sont toujours les mêmes, comme l’ont très bien dit mes collègues, notamment Pierre Laurent, qui doivent mettre la main à la poche, et sans attendre.
Nous avons quand même eu, hier, une séance, au cours de laquelle la ministre Pénicaud a complètement remis en cause ce qui restait du code du travail, au désavantage des salariés ; ça, on peut le faire très vite, il n’y a aucun problème ! D’ailleurs tout cela se fait toujours très vite. En revanche, dès que l’on demande de faire contribuer ceux qui ont déjà beaucoup, c’est trop rapide…
À la limite, vous auriez pu dire, madame la secrétaire d’État, que cette augmentation était peut-être un peu excessive,…
M. Philippe Dallier. On double le taux…
Mme Laurence Cohen. … mais pourquoi, dans ce cas, ne pas sous-amender notre proposition, afin que tout le monde participe ? Mais, non, cela ne vous intéresse pas.
Le Président de la République peut, lui, s’apercevoir tout à coup que, finalement, le système capitaliste est un peu compliqué, qu’il ne présente pas que des avantages et qu’il faut sortir un certain nombre de biens publics du « tout marchand », mais vous, vous restez toujours dans la même ligne politique – « Circulez, il n’y a rien à voir ! » − et, chaque fois, vous vous plantez et vous nous envoyez dans le mur !
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Nous avons là un problème et vous-mêmes êtes très mal à l’aise dans ce débat.
Vous n’arrêtez pas de nous dire que nous vivons une situation exceptionnelle, que tout le monde doit contribuer à l’effort national. Ainsi, nous avons entendu, hier, des discours affirmant que tout le monde devrait « s’y mettre » pour reconstruire le pays. On a donc mis à bas, à l’issue d’un débat d’une heure, les acquis sociaux, les droits des salariés et le code du travail, et on ne l’a pas fait à moitié : congés payés, temps de travail – on passe de 35 heures à 48 heures −, pas de jours fériés au mois de mai, selon certains orateurs, travail le dimanche… Et vous n’avez même pas voulu borner ces dispositions dans le temps ! Pour ça, pas de problème.
De notre côté, nous vous proposons un amendement qui n’est pas révolutionnaire. Je le rappelle, les caissiers de supermarché, dont le revenu fiscal de référence s’élève à 15 000 euros par an – 850 euros par mois −, sont au travail, ils ne sont pas en télétravail. L’amendement présenté par notre collègue Savoldelli vise un revenu fiscal de référence supérieur à 250 000 euros par an et on ne propose pas une spoliation, il s’agit de passer de 3 % à 5 % d’imposition !
M. Philippe Dallier. Cela fait juste 66 % d’augmentation…
M. Fabien Gay. Pourtant, là, on nous dit : « Attention, ce n’est pas le moment, on verra ça plus tard. » Mais quand ?
Hier, cela affectait l’ensemble des salariés de ce pays, puisque toutes les entreprises seront concernées, et il n’y a pas eu de problème pour vous habiliter, en une heure de débat, à légiférer par ordonnances ; et on ne sait même pas quand cela s’arrêtera ! Là, nous vous demandons un petit effort pour ceux qui touchent plus de 250 000 euros par an et vous nous dites que ce n’est pas le moment.
Nous devons donc avoir ce débat jusqu’au bout. Je vous le dis, madame la secrétaire d’État : M. le rapporteur général assume et nous sommes en complet désaccord, mais votre réponse est un peu courte, et ce sera la même chose avec l’ISF, qui fait l’objet du prochain amendement.
Allons au bout de ce débat !
Mme Sophie Taillé-Polian. Sous-amendez !
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je veux exprimer mon étonnement. Nous examinons là un projet de loi de finances rectificative, nous sommes dans une situation d’urgence, il y a un virus, nos compatriotes nous regardent et s’interrogent sur notre manière de siéger et de respecter les consignes sanitaires, nous avons demandé au personnel du Sénat – je lui ai rendu hommage tout à l’heure – de bien vouloir organiser la séance avec nous, sous l’autorité du président et tout le monde s’y est mis, présidents de groupe, questeurs et tous les collègues, que je remercie d’avoir accepté toutes ces règles.
Aussi, je vais vous parler avec cœur : est-ce le moment de ressortir tous les débats qui nous occupent lors de l’examen des projets de loi de finances et d’annoncer une augmentation d’impôts à nos compatriotes ?
M. Pierre Laurent. Là, on parle de l’imposition de quelques personnes seulement !
M. Vincent Capo-Canellas. Il y a une augmentation de la dépense ; elle est assumée sur tous les bancs, elle est volontaire. Il faudra se poser la question du financement, un peu plus tard, et peut-être aurons-nous un débat sur les impôts, mais il faudra le faire à froid.
Maintenant, si vous le voulez bien, essayons de concentrer un peu nos débats ; marquez vos différences, vos divergences, et votons, avançons. Montrons que le Sénat sait être à la hauteur de ses responsabilités et sait aussi trancher vite les débats. Il y a une urgence sanitaire, ces mesures sont attendues ; votons et avançons. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les articles du code général des impôts modifiés par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
II. – Les articles du livre des procédures fiscales modifiés par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
III. – L’article du code de la défense modifié par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
IV. – Les articles du code monétaire et financier modifiés par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
V. – L’article L. 122-10 du code du patrimoine abrogé par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
VI. – L’article 25 quinquies de la loi n° 83-634 portant droits et obligations des fonctionnaires modifié par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
VII. – Les articles de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique modifiés par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
VIII. – L’article 16 de l’ordonnance n° 2017-1107 du 22 juin 2017 relative aux marchés d’instruments financiers et à la séparation du régime juridique des sociétés de gestion de portefeuille de celui des entreprises d’investissement modifié par l’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Notre groupe, comme tout le monde compte tenu des conditions de préparation de ce débat, s’est montré responsable. Le Gouvernement nous annonce que le déficit budgétaire devrait, cette année, se dégrader de 15,4 milliards d’euros, pour s’établir autour de 109 milliards d’euros.
M. Philippe Dallier. Au moins !
M. Pascal Savoldelli. Certes, pour répondre à M. Capo-Canellas, il y a urgence, mais le déficit prévu est déjà de 109 milliards d’euros ! On pourrait donc bien consacrer deux minutes à essayer de le réduire ; cela devrait normalement tous nous intéresser.
Notre groupe propose donc cette petite contribution.
M. Philippe Dallier. On est à fronts renversés !
M. Pascal Savoldelli. Peut-être, mais c’est un signe ! Personne n’y perd son identité, personne n’y perd ses idées. Pour ma part, cela ne me choque pas que les points de vue de chacun évoluent en politique !
L’ISF a suscité bien des débats dans notre société. On peut bien faire le geste de le rétablir et de remettre ainsi 3,2 milliards d’euros dans les caisses de l’État. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ne présente pas des amendements de polémique, mais des amendements constructifs : nous entendons ajouter 3,5 milliards d’euros aux recettes de l’État, tout de suite. Il suffit d’adopter maintenant cet amendement. On en a pour trente secondes, et on a 3,5 milliards d’euros de plus !
Ce serait aussi envoyer un signe de mobilisation à l’immense majorité de notre population, cette majorité qui, tout de même, n’est pas concernée par l’ISF. Certes, c’est le même débat qu’à l’amendement précédent, mais ayons-le quand même ! Ne croyons pas que nos concitoyens ne débattent pas, même quand ils sont confinés. Il se pose là, franchement, une question de justice sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai déjà répondu sur ce thème, mon cher collègue, et vous savez déjà que je vous demanderai de retirer cet amendement, faute de quoi l’avis de la commission sera défavorable.
Je ne suis pas aussi certain que vous du rendement qu’aurait cette mesure : au vu des valorisations boursières actuelles et de ce qui est en train de se passer dans l’économie, je ne suis pas certain que l’ISF rapporterait la somme que vous indiquez. Je ne suis pas certain non plus que le rétablissement de l’ISF soit le meilleur signal qu’on puisse envoyer aux investisseurs de la Bourse de Paris. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
M. Fabien Gay. Il paraît qu’il faut investir !
M. Pascal Savoldelli. Il y a toujours des milliardaires qui peuvent payer !
M. le président. Laissez M. le rapporteur général répondre, je vous prie !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je ne suis pas doué en conseils boursiers, mais je crains surtout aujourd’hui, au vu des capitalisations des entreprises et de la valorisation des actifs, des raids boursiers sur les entreprises françaises. C’est pourquoi j’estime que ce ne serait pas le meilleur signal. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Encore une fois, comme cela a été très bien dit, nous sommes dans une extrême urgence. Or l’urgence, aujourd’hui, est d’assurer le paiement des salaires, à travers le chômage partiel, et de garantir un minimum de crédit pour que l’économie ne s’arrête pas totalement.
Mme Laurence Cohen. Si l’on vide au passage les caisses de l’État, c’est gênant !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je ne doute pas que nous aurons ensuite les débats de fond qui s’imposent. Nous avons d’ailleurs engagé, avec M. le président de la commission des finances, une évaluation de l’impôt sur la fortune immobilière. On peut penser beaucoup de choses de cet impôt, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire ; nous n’avons pas forcément convergé dans les réponses, mais nous avons fait certains constats en commun. Pour le reste, encore une fois, ne nous trompons pas de texte !
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, à défaut de son retrait.
Mme Laurence Cohen. Sans renflouer les caisses de l’État ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Il est également défavorable. On a pu en effet constater que l’ISF avait un impact sur l’économie. Or je crois qu’il y a déjà suffisamment d’impacts sur l’économie pour ne pas en rajouter.
Je rejoins M. le rapporteur général : ce projet de loi déploie des mesures d’urgence visant à sauver l’économie, à sauver les entreprises et, par conséquent, à sauver les emplois. Je ne vois pas de lien immédiat entre cet amendement et l’action que nous menons contre le coronavirus.
Chaque article de ce projet de loi a vocation à s’appliquer demain ou après-demain, en tout cas au plus tôt, de manière à ce que nous sauvions nos entreprises. Ici, il me semble qu’on est hors sujet.
M. Vincent Capo-Canellas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Il y a des choses qu’on ne peut pas laisser dire ! Madame la secrétaire d’État, vous voulez maintenant nous faire pleurer sur les entreprises qui vont s’écrouler en bourse ! Nous avions passé notre temps à vous expliquer qu’il ne fallait pas les mettre en bourse, à vous avertir que, à force de mettre tous les actifs nationaux en bourse, on s’exposait à ce qui est en train de se passer ! Ces mises en garde étaient si justes que le Gouvernement vient de renoncer à la privatisation d’ADP…
M. Pascal Savoldelli. Eh oui !
M. Pierre Laurent. … en reconnaissant que ce n’était pas le moment de le faire.
M. Fabien Gay. Heureusement !
M. Pierre Laurent. Alors, pour justifier le refus de rétablir la contribution que constitue l’ISF, vous pensez vous en sortir en agitant devant nous l’argument du risque de l’effondrement boursier. Les bras nous en tombent !
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes mentionnées aux 1° à 6° du B du I de l’article L. 612-2 du code monétaire et financier qui, au jour de la promulgation de la présente loi, exploitent une entreprise en France au sens du I de l’article 209 du code général des impôts, acquittent une taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation.
La taxe est assise sur le montant, à l’ouverture de leur exercice en cours au jour de la promulgation de la présente loi, de la réserve de capitalisation que les personnes mentionnées au premier alinéa ont constituée en application des dispositions législatives et réglementaires du code des assurances, du code de la mutualité ou du code de la sécurité sociale qui les régissent.
Le taux de la taxe est de 10 %. Le montant de la taxe est plafonné à 5 % des fonds propres, y compris la réserve de capitalisation, des personnes mentionnées au premier alinéa à l’ouverture de leur exercice en cours au jour de la promulgation de la présente loi.
La taxe n’est pas admise en déduction du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés.
La taxe est exigible à la clôture de l’exercice en cours au jour de la promulgation de la présente loi. Elle est déclarée et liquidée dans les quatre mois de son exigibilité sur une déclaration dont le modèle est fixé par l’administration.
La taxe est recouvrée et contrôlée selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Le Gouvernement a annoncé la création d’un fonds de solidarité. Dont acte, et tant mieux !
Toutefois, d’après les éléments qui ont été portés à notre connaissance, les pertes d’exploitation des commerces ne seront pas prises en charge. Il faudrait également déterminer comment les assureurs peuvent, eux aussi, participer à cet effort au titre de la solidarité et du soutien aux entreprises.
De fait, un vrai problème se pose autour du secteur assurantiel. La société française, tout comme d’autres, connaît des mutations et fait face à des enjeux nouveaux : les questions environnementales, mais aussi les crises sanitaires, doivent être intégrées au sein de ce qu’on appelle le « régime catastrophe » du système assurantiel. On ne peut pas accepter que le petit commerce et les petites entreprises soient ainsi délaissés par ce système.
Cet amendement vise à éviter la faillite d’un certain nombre d’entreprises. Je ne suis pas sûr que ce que nous proposons pourra tout régler – soyons modestes ! –, mais on pourrait éviter la faillite de nombreuses TPE et PME en mettant les assurances à contribution au travers d’une taxe exceptionnelle sur leurs réserves de capitalisation, taxe dont le produit serait destiné à un fonds de solidarité.
Pour résumer, nous approuvons tous ici le fonds de solidarité que l’État met en place. Notre groupe propose simplement d’instituer également un autre fonds pour lequel le secteur assurantiel serait mis à contribution.
Là encore, nous sommes dans l’urgence sanitaire, mais nous devons aussi répondre à une crise financière et économique. Mettons devant ses responsabilités le régime assurantiel privé, mettons-le à contribution ! Voilà l’esprit de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous disposons d’un certain nombre d’informations : vous avez vu de quels fonds propres disposaient les banques… Quant au secteur de l’assurance, je ne suis pas sûr que ses divers actifs soient particulièrement florissants cette année : concernant les actifs immobiliers, vous imaginez les sinistres qui vont se produire dans l’immobilier commercial ; quant aux actifs boursiers, il n’est pas besoin d’en parler. Je ne suis pas certain que les placements du secteur assurantiel comme du secteur financier soient globalement au mieux cette année.
Dès lors, l’idée de créer une taxe sur les réserves de capitalisation de ce secteur me paraît complètement à contre-courant, dans un moment où l’économie supporte de telles épreuves. Cela rajouterait de la crise à la crise.
Par ailleurs – je sais que cela découle du nécessaire respect de l’article 40 de la Constitution –, votre proposition n’apporterait malheureusement pas de réponse au problème que vous soulevez, qui est bien réel. Je dois en effet reconnaître qu’aucune réponse n’est aujourd’hui apportée à la perte d’exploitation des petites entreprises.
Je suis complètement d’accord sur ce point avec vous. On crée un fonds de solidarité pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million d’euros et aura subi une baisse de 70 % entre mars 2019 et mars 2020 ; au travers de ce fonds, on leur donnera généreusement 1 500 euros ! Je ne suis pas certain que ce soit à la hauteur de l’enjeu.
Vous avez raison : le problème de la perte d’exploitation des entreprises n’est pas traité aujourd’hui. Pour autant, ce n’est pas en taxant les réserves de capitalisation des assurances qu’on lui apportera une solution ; on mettrait simplement un secteur de plus en difficulté. L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Notre objectif, concernant les sociétés d’assurance, n’est pas de leur prélever plus d’argent, mais bien de les faire participer directement à l’effort de guerre en direction des entreprises.
C’est très exactement ce que nous sommes en train de faire : nous travaillons depuis quinze jours à déterminer comment les amener à contribuer. En effet, aujourd’hui, l’application qui est faite des contrats d’assurance ne permet pas de couvrir, hormis dans des cas extrêmement rares, les dommages subis. Même si l’on devait reconnaître un état de catastrophe sanitaire, il n’en resterait pas moins que très peu de contrats d’assurance couvrent cet élément-là.
Nous travaillons à trouver une solution de place, comme nous l’avons fait pour les banques : il n’y a pas eu besoin pour ce faire de passer par un texte législatif. Nous avons apporté la garantie bancaire ; pour les assurances, c’est le même travail qui se mène, et nous aurons des résultats concrets.
Je vous rejoins en tout cas sur un point, monsieur le sénateur : il faut que les assurances prennent leur part de ce travail.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je ne veux pas rallonger nos débats,… (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) mais je tiens à répondre aux propos qu’a tenus M. Capo-Canellas sur l’amendement n° 16. J’estime pour ma part que, dans la situation où nous sommes, nous ne faisons pas de la polémique, mais bien de la politique.
Je pense aussi que nous avons besoin d’un débat politique de haut niveau. Sans vouloir faire de comparaison abusive, quand on a connu des crises à d’autres périodes de l’histoire, c’est d’un débat politique de haut niveau que sont sorties les meilleures solutions. Alors, je sais que cela vous embête, mais je tiens à le redire : nous ne voulons pas ralentir les débats, mais faire émerger les meilleures solutions pour répondre à cette crise. D’ailleurs, M. le Premier ministre l’a dit lui-même hier : nous avons besoin de ce débat contradictoire.
Quant à la question des assurances, je pense être aujourd’hui le seul membre de la commission des affaires économiques présent aujourd’hui sur ces travées. Hier, lors de la réunion de cette commission, nous étions toutes et tous d’accord pour reconnaître que, s’il y avait bien un secteur qu’il nous fallait mobiliser et qui, pour l’instant, ne nous apparaissait pas l’être, c’était le secteur assurantiel. La mobilisation des assureurs est indispensable, parce que leur cœur de métier consiste à gérer le risque, qu’il soit certain, probable, ou même inédit, comme c’est le cas lors de catastrophes naturelles ou de cette crise sanitaire que nous n’avions jamais connue.
Or, pour l’instant, on nous annonce mobiliser les salariés, mobiliser l’État, par le biais de ses garanties, mobiliser le secteur privé, mais non le secteur assurantiel, alors même que c’est son cœur de métier. La question se pose et un débat est nécessaire, madame la secrétaire d’État.
Certes, j’ai bien écouté votre réponse, j’ai entendu vos arguments, mais ne pensez-vous pas que légiférer, ou du moins débattre des moyens de trouver les millions d’euros nécessaires pour abonder ce fonds d’urgence, soit opportun ?
Il faudra ensuite avoir le débat qui s’impose, avec le secteur assurantiel, sur la gestion des risques et des crises sanitaires. Certes, nous souhaitons ne jamais avoir à revivre la période présente, mais cela sera toujours possible ; il faut donc que nous soyons prêts pour la prochaine crise sanitaire.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
I. – Pour 2020, l’ajustement des ressources tel qu’il résulte des évaluations révisées figurant à l’état A annexé à la présente loi et la variation des charges du budget de l’État sont fixés aux montants suivants :
(En millions d’euros)* |
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Ressources |
Charges |
Solde |
|||
Budget général |
|||||
Recettes fiscales brutes / dépenses brutes |
-6 728 |
10 218 |
|||
À déduire : Remboursements et dégrèvements |
3 968 |
3 968 |
|||
Recettes fiscales nettes / dépenses nettes |
-10 696 |
6 250 |
|||
Recettes non fiscales |
3 536 |
||||
Recettes totales nettes / dépenses nettes |
-7 160 |
6 250 |
|||
À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne |
|||||
Montants nets pour le budget général |
-7 160 |
6 250 |
-13 410 |
||
Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants |
|||||
Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours |
-7 160 |
6 250 |
|||
Budgets annexes |
|||||
Contrôle et exploitation aériens |
|||||
Publications officielles et information administrative |
|||||
Totaux pour les budgets annexes |
|||||
Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants : |
|||||
Contrôle et exploitation aériens |
|||||
Publications officielles et information administrative |
|||||
Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours |
|||||
Comptes spéciaux |
|||||
Comptes d’affectation spéciale |
-8 980 |
-6 980 |
-2 000 |
||
Comptes de concours financiers |
500 |
-500 |
|||
Comptes de commerce (solde) |
|||||
Comptes d’opérations monétaires (solde) |
|||||
Solde pour les comptes spéciaux |
-2 500 |
||||
Solde général |
-15 910 |
||||
* Les montants figurant dans le présent tableau sont arrondis au million d’euros le plus proche ; il résulte de l’application de ce principe que le montant arrondi des totaux et sous-totaux peut ne pas être égal à la somme des montants arrondis entrant dans son calcul. |
II. – Pour 2020 :
1° Les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier sont évaluées comme suit :
(En milliards d’euros) |
||
Besoin de financement |
||
Amortissement de la dette à moyen et long termes |
136,4 |
|
Dont remboursement du nominal à valeur faciale |
130,5 |
|
Dont suppléments d’indexation versés à l’échéance (titres indexés) |
5,9 |
|
Amortissement de la dette reprise de SNCF Réseau |
1,7 |
|
Amortissement des autres dettes reprises |
0,5 |
|
Déficit à financer |
109,0 |
|
Autres besoins de trésorerie |
-1,5 |
|
Total |
246,1 |
|
Ressources de financement |
||
Émissions de dette à moyen et long termes, nette des rachats |
210,0 |
|
Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement |
- |
|
Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme |
27,5 |
|
Variation des dépôts des correspondants |
- |
|
Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État |
4,1 |
|
Autres ressources de trésorerie |
4,5 |
|
Total |
246,1 |
; |
2° Le plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année et en valeur nominale, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an est fixé à 79,5 milliards d’euros.
III. – Pour 2020, le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État, exprimé en équivalents temps plein travaillé, demeure inchangé.
État A
VOIES ET MOYENS POUR 2020 RÉVISÉS
I. – BUDGET GÉNÉRAL
(En euros) |
||
Numéro de ligne |
Intitulé de la recette |
Révision des évaluations pour 2020 |
1. Recettes fiscales |
||
11. Impôt sur le revenu |
-45 000 000 |
|
1101 |
Impôt sur le revenu |
-45 000 000 |
12. Autres impôts directs perçus par voie d’émission de rôles |
-74 000 000 |
|
1201 |
Autres impôts directs perçus par voie d’émission de rôles |
-74 000 000 |
13. Impôt sur les sociétés |
-3 328 000 000 |
|
1301 |
Impôt sur les sociétés |
-3 442 000 000 |
1302 |
Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés |
114 000 000 |
14. Autres impôts directs et taxes assimilées |
13 000 000 |
|
1406 |
Impôt sur la fortune immobilière |
-14 000 000 |
1408 |
Prélèvements sur les entreprises d’assurance |
7 000 000 |
1410 |
Cotisation minimale de taxe professionnelle |
5 000 000 |
1411 |
Cotisations perçues au titre de la participation des employeurs à l’effort de construction |
2 000 000 |
1412 |
Taxe de participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue |
73 000 000 |
1413 |
Taxe forfaitaire sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d’art, de collection et d’antiquité |
10 000 000 |
1416 |
Taxe sur les surfaces commerciales |
-12 000 000 |
1430 |
Taxe sur les services numériques |
-75 000 000 |
1498 |
Cotisation foncière des entreprises (affectation temporaire à l’État en 2010) |
-1 000 000 |
1499 |
Recettes diverses |
18 000 000 |
16. Taxe sur la valeur ajoutée |
-3 025 000 000 |
|
1601 |
Taxe sur la valeur ajoutée |
-3 025 000 000 |
17. Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes |
-269 000 000 |
|
1701 |
Mutations à titre onéreux de créances, rentes, prix d’offices |
25 000 000 |
1702 |
Mutations à titre onéreux de fonds de commerce |
6 000 000 |
1704 |
Mutations à titre onéreux d’immeubles et droits immobiliers |
7 000 000 |
1707 |
Contribution de sécurité immobilière |
72 000 000 |
1711 |
Autres conventions et actes civils |
-5 000 000 |
1713 |
Taxe de publicité foncière |
81 000 000 |
1714 |
Prélèvement sur les sommes versées par les organismes d’assurances et assimilés à raison des contrats d’assurances en cas de décès |
-32 000 000 |
1716 |
Recettes diverses et pénalités |
-11 000 000 |
1721 |
Timbre unique |
40 000 000 |
1726 |
Produit de la taxe additionnelle à la taxe sur les certifications d’immatriculation des véhicules |
-18 000 000 |
1753 |
Autres taxes intérieures |
-294 000 000 |
1754 |
Autres droits et recettes accessoires |
-9 000 000 |
1756 |
Taxe générale sur les activités polluantes |
13 000 000 |
1761 |
Taxe et droits de consommation sur les tabacs |
-2 000 000 |
1768 |
Taxe spéciale sur certains véhicules routiers |
-6 000 000 |
1769 |
Autres droits et recettes à différents titres |
-65 000 000 |
1776 |
Redevances sanitaires d’abattage et de découpage |
-3 000 000 |
1777 |
Taxe sur certaines dépenses de publicité |
-2 000 000 |
1781 |
Taxe sur les installations nucléaires de base |
-14 000 000 |
1782 |
Taxes sur les stations et liaisons radioélectriques privées |
-2 000 000 |
1785 |
Produits des jeux exploités par la Française des jeux (hors paris sportifs) |
137 000 000 |
1786 |
Prélèvements sur le produit des jeux dans les casinos |
28 000 000 |
1787 |
Prélèvement sur le produit brut des paris hippiques |
-8 000 000 |
1788 |
Prélèvement sur les paris sportifs |
119 000 000 |
1797 |
Taxe sur les transactions financières |
-132 000 000 |
1799 |
Autres taxes |
-194 000 000 |
2. Recettes non fiscales |
||
21. Dividendes et recettes assimilées |
-441 000 000 |
|
2110 |
Produits des participations de l’État dans des entreprises financières |
-361 000 000 |
2111 |
Contribution de la Caisse des dépôts et consignations représentative de l’impôt sur les sociétés |
-99 000 000 |
2116 |
Produits des participations de l’État dans des entreprises non financières et bénéfices des établissements publics non financiers |
34 000 000 |
2199 |
Autres dividendes et recettes assimilées |
-15 000 000 |
22. Produits du domaine de l’État |
-93 000 000 |
|
2201 |
Revenus du domaine public non militaire |
-19 000 000 |
2202 |
Autres revenus du domaine public |
-1 000 000 |
2203 |
Revenus du domaine privé |
72 000 000 |
2204 |
Redevances d’usage des fréquences radioélectriques |
-121 000 000 |
2212 |
Autres produits de cessions d’actifs |
-20 000 000 |
2299 |
Autres revenus du Domaine |
-4 000 000 |
23. Produits de la vente de biens et services |
176 000 000 |
|
2301 |
Remboursement par l’Union européenne des frais d’assiette et de perception des impôts et taxes perçus au profit de son budget |
3 000 000 |
2303 |
Autres frais d’assiette et de recouvrement |
176 000 000 |
2304 |
Rémunération des prestations assurées par les services du Trésor public au titre de la collecte de l’épargne |
1 000 000 |
2399 |
Autres recettes diverses |
-4 000 000 |
24. Remboursements et intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières |
-47 000 000 |
|
2401 |
Intérêts des prêts à des banques et à des États étrangers |
-43 000 000 |
2402 |
Intérêts des prêts du fonds de développement économique et social |
-2 000 000 |
2403 |
Intérêts des avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics |
-2 000 000 |
2409 |
Intérêts des autres prêts et avances |
-1 000 000 |
2411 |
Avances remboursables sous conditions consenties à l’aviation civile |
2 000 000 |
2412 |
Autres avances remboursables sous conditions |
-1 000 000 |
25. Amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuites |
3 859 000 000 |
|
2501 |
Produits des amendes de la police de la circulation et du stationnement routiers |
-10 000 000 |
2502 |
Produits des amendes prononcées par les autorités de la concurrence |
1 763 000 000 |
2503 |
Produits des amendes prononcées par les autres autorités administratives indépendantes |
16 000 000 |
2504 |
Recouvrements poursuivis à l’initiative de l’agence judiciaire de l’État |
1 000 000 |
2505 |
Produit des autres amendes et condamnations pécuniaires |
2 088 000 000 |
2510 |
Frais de poursuite |
1 000 000 |
2511 |
Frais de justice et d’instance |
-1 000 000 |
2513 |
Pénalités |
1 000 000 |
26. Divers |
82 000 000 |
|
2601 |
Reversements de Natixis |
14 000 000 |
2602 |
Reversements au titre des procédures de soutien financier au commerce extérieur |
90 000 000 |
2603 |
Prélèvements sur les fonds d’épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations |
-17 000 000 |
2604 |
Divers produits de la rémunération de la garantie de l’État |
-2 000 000 |
2611 |
Produits des chancelleries diplomatiques et consulaires |
-5 000 000 |
2613 |
Prélèvement effectué sur les salaires des conservateurs des hypothèques |
1 000 000 |
2616 |
Frais d’inscription |
-2 000 000 |
2620 |
Récupération d’indus |
14 000 000 |
2621 |
Recouvrements après admission en non-valeur |
-10 000 000 |
2622 |
Divers versements de l’Union européenne |
-7 000 000 |
2624 |
Intérêts divers (hors immobilisations financières) |
4 000 000 |
2625 |
Recettes diverses en provenance de l’étranger |
-1 000 000 |
2697 |
Recettes accidentelles |
14 000 000 |
2698 |
Produits divers |
-153 000 000 |
2699 |
Autres produits divers |
142 000 000 |
Récapitulation des recettes du budget général
(En euros) |
||
Numéro de ligne |
Intitulé de la recette |
Révision des évaluations pour 2020 |
1. Recettes fiscales |
-6 728 000 000 |
|
11 |
Impôt sur le revenu |
-45 000 000 |
12 |
Autres impôts directs perçus par voie d’émission de rôles |
-74 000 000 |
13 |
Impôt sur les sociétés |
-3 328 000 000 |
14 |
Autres impôts directs et taxes assimilées |
13 000 000 |
16 |
Taxe sur la valeur ajoutée |
-3 025 000 000 |
17 |
Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes |
-269 000 000 |
2. Recettes non fiscales |
3 536 000 000 |
|
21 |
Dividendes et recettes assimilées |
-441 000 000 |
22 |
Produits du domaine de l’État |
-93 000 000 |
23 |
Produits de la vente de biens et services |
176 000 000 |
24 |
Remboursements et intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières |
-47 000 000 |
25 |
Amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuites |
3 859 000 000 |
26 |
Divers |
82 000 000 |
Total des recettes, nettes des prélèvements (1 + 2) |
-3 192 000 000 |
II (nouveau). – BUDGETS ANNEXES
(En euros) |
||
Numéro de ligne |
Intitulé de la recette |
Révision des évaluations pour 2020 |
Contrôle et exploitation aériens |
||
7010 |
Ventes de produits fabriqués et marchandises |
-152 354 |
7061 |
Redevances de route |
-312 690 444 |
7062 |
Redevance océanique |
-3 143 833 |
7063 |
Redevances pour services terminaux de la circulation aérienne pour la métropole |
-51 752 324 |
7064 |
Redevances pour services terminaux de la circulation aérienne pour l’outre-mer |
-7 496 832 |
7067 |
Redevances de surveillance et de certification |
-7 339 640 |
7068 |
Prestations de service |
-290 200 |
7080 |
Autres recettes d’exploitation |
-435 300 |
7500 |
Autres produits de gestion courante |
-21 765 |
7501 |
Taxe de l’aviation civile |
-114 145 313 |
7502 |
Frais d’assiette et recouvrement sur taxes perçues pour le compte de tiers |
-1 581 590 |
7600 |
Produits financiers |
-103 988 |
7781 |
Produits exceptionnels hors cessions |
-362 750 |
7782 |
Produit de cession des immobilisations affectées à la dette (article 61 de la loi de finances pour 2011) |
-483 667 |
9700 |
Produit brut des emprunts |
500 000 000 |
Total |
- |
III. – Comptes d’affectation spéciale
(En euros) |
||
Numéro de ligne |
Intitulé de la recette |
Révision des évaluations pour 2020 |
Participations financières de l’État |
-8 980 000 000 |
|
01 |
Produit des cessions, par l’État, de titres, parts ou droits de sociétés détenus directement |
-8 980 000 000 |
Total |
-8 980 000 000 |
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué de l’article 1er et de l’état A annexé.
(L’article 1er et l’état A annexé sont adoptés.)
Vote sur l’ensemble de la première partie
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2020, je rappelle que, en application de l’article 42 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances et de l’article 47 bis, alinéa 2, du règlement, lorsque le Sénat n’adopte pas la première partie d’un projet de loi de finances rectificative, l’ensemble du projet de loi est considéré comme rejeté.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2020.
(La première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2020 est adoptée.)
SECONDE PARTIE
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
TITRE Ier
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2020. – CRÉDITS DES MISSIONS
Article 2
I. – Il est ouvert aux ministres, pour 2020, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement supplémentaires s’élevant respectivement aux montants de 10 816 000 000 € et de 10 816 000 000 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.
II. – Il est annulé pour 2020, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 598 000 000 € et de 598 000 000 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.
État B
RÉPARTITION DES CRÉDITS POUR 2020 OUVERTS ET ANNULÉS, PAR MISSION ET PROGRAMME, AU TITRE DU BUDGET GÉNÉRAL
BUDGET GÉNÉRAL
(En euros) |
||||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement supplémentaires ouvertes |
Crédits de paiement supplémentaires ouverts |
Autorisations d’engagement annulées |
Crédits de paiement annulés |
Plan d’urgence face à la crise sanitaire |
6 250 000 000 |
6 250 000 000 |
||
Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire |
5 500 000 000 |
5 500 000 000 |
||
Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire |
750 000 000 |
750 000 000 |
||
Remboursements et dégrèvements |
4 566 000 000 |
4 566 000 000 |
598 000 000 |
598 000 000 |
Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs) |
4 566 000 000 |
4 566 000 000 |
||
Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs) |
598 000 000 |
598 000 000 |
||
Total |
10 816 000 000 |
10 816 000 000 |
598 000 000 |
598 000 000 |
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire »
I. – Créer le programme :
Fonds de compensation des pertes d’exploitation des entreprises
II. – En conséquence, modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :
(En euros)
Mission/Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire |
500 000 000 |
500 000 000 |
||
Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire |
||||
Fonds de compensation des pertes d’exploitation des entreprises |
500 000 000 |
500 000 000 |
||
TOTAL |
500 000 000 |
500 000 000 |
500 000 000 |
500 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Il s’agit d’un amendement d’appel. Ce matin, lors de la réunion de la commission des finances, peut-être pour nous faire gagner du temps, vous m’en demandiez le retrait, monsieur le rapporteur général, en me disant, si j’ai bonne mémoire, que cet amendement était un peu léger, non pas sur le fond, mais quant au montant retenu.
Nous proposons l’instauration d’un filet de sécurité pour les TPE et les PME, de manière à garantir une allocation en direction de ces entrepreneurs et dirigeants de TPE-PME. Néanmoins, notre groupe est très humble et modeste : il s’en remet pour l’appréciation de ce dispositif à la commission et au Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Elle souhaite entendre sur cet amendement l’avis du Gouvernement. En effet, la question de la compensation des pertes d’exploitation est à l’évidence tout à fait centrale pour les entreprises. La question de la création d’un fonds de solidarité se pose donc, mais on n’a aujourd’hui aucune idée des montants qui seraient nécessaires. Malheureusement, j’estime que 500 millions d’euros sont sans doute encore bien en deçà de la réalité.
Ce projet de loi d’urgence crée, comme on le rappelait il y a un instant encore, un fonds de solidarité pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million d’euros et a baissé d’au moins 70 % entre mars 2019 et mars 2020 ; chacune de ces entreprises recevrait une aide de 1 500 euros. Je pense que cela aussi n’est pas du tout à la hauteur des enjeux.
S’y ajoute, certes, le mécanisme de garantie des crédits, mais le dispositif reste aujourd’hui, à mon sens, incomplet. La piste assurantielle peut être empruntée pour un certain nombre d’activités, mais d’autres entreprises ne se remettront pas de ce choc ; très clairement, il faudra inventer d’autres mécanismes.
Le sujet n’est donc pas épuisé ce soir. Je viens d’entendre dire qu’il y aurait un autre texte, sans doute assez prochainement, malheureusement, compte tenu de la situation économique. Je souhaite donc entendre le Gouvernement sur la compensation qui pourrait être offerte aux entreprises par un mécanisme complémentaire du fonds de solidarité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je soulignerai, en guise de réponse, que le dispositif d’aide prévu par le Gouvernement ne s’arrête pas à une aide de 1 500 euros par entreprise : c’est simplement un premier objectif pour aider les entreprises et les indépendants qui auraient rencontré des difficultés fortes entre le mois de mars 2019 et le mois de mars 2020, notamment pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires de moins de 1 million d’euros.
Le dispositif comporte un deuxième étage, qui consiste à aider davantage les entreprises en difficulté, de manière à éviter les faillites. Il faut mettre tout cela en lien avec les 35 milliards d’euros de report d’échéances sociales ou fiscales, avec la prise en charge du chômage partiel à hauteur de 8 milliards d’euros, ou encore avec les garanties d’emprunt apportées tant par Bpifrance que par l’État, à hauteur de 300 milliards d’euros.
Je le répète : ce projet de loi de finances rectificative vise à mettre en place des mesures d’urgence pour répondre à la difficulté présente. Ces outils, une fois mis en place, seront complétés à l’issue du travail que nous devons accomplir sur le plan de relance, mais aussi, très certainement et malheureusement, parce qu’il faudra compléter le dispositif face à la crise que nous vivons.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable. Je le dis tout en rappelant que notre dispositif ne s’arrête pas, heureusement, aux 1 500 euros d’aide annoncés.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Pardonnez-moi, mais votre réponse n’est pas satisfaisante, monsieur le secrétaire d’État. Pour ma part, je suis d’accord avec M. le rapporteur général. Quand une entreprise rencontre des problèmes du fait de pertes d’exploitation, vous n’allez pas lui répondre que l’État garantit ses emprunts auprès de la banque ! Ce n’est pas connaître le monde de l’entreprise ! Cette connaissance n’est pas le privilège de certaines travées de notre hémicycle : toutes les sénatrices et tous les sénateurs la détiennent. Quand se pose un problème de pertes d’exploitation pour une entreprise, ce n’est ni la banque ni la garantie de l’État qui va le régler.
Nous proposons d’y affecter 500 millions d’euros. Si ce n’est pas suffisant, adoptons du moins cet amendement d’appel. Peut-être ne sera-t-il pas retenu par la commission mixte paritaire, mais on aura au moins pris date concernant les gros problèmes de pertes d’exploitation que vont rencontrer nos TPE et nos PME.
Quant aux 1 500 euros que vous offrez, certes, il ne convient pas de tout regretter et critiquer, mais je vous avoue m’être même demandé si ce n’était pas un peu insultant pour un chef d’entreprise, quand on connaît les coûts qu’il doit assumer pour l’énergie ou les loyers. Je connais bon nombre de chefs d’entreprise : eh bien, je ne pourrais pas, pendant la crise financière et économique que nous subissons, les regarder droit dans les yeux et leur affirmer que le Gouvernement est à leurs côtés, avec ce versement unique de 1 500 euros ! Pardonnez l’anglicisme, mais je trouve que c’est un peu borderline !
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par MM. Carcenac, Kanner, Raynal, Éblé et Botrel, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire »
I. – Créer le programme :
Fonds de soutien aux associations d’aide alimentaire
II. – En conséquence, modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :
(En euros)
Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire |
50 000 000 |
50 000 000 |
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Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire |
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Fonds de soutien aux associations d’aide alimentaire |
50 000 000 |
50 000 000 |
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TOTAL |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Le groupe socialiste et républicain a déposé cet amendement ainsi que les trois suivants, de manière à créer des fonds de soutien dans quatre domaines qui nous apparaissent absolument prioritaires aujourd’hui.
Celui-ci vise à créer un fonds de soutien doté de 50 millions d’euros à destination des associations d’aide alimentaire.
Chacun sait ici que, dans la crise que nous traversons, l’une des situations les plus dramatiques est celle des personnes les plus précaires, en particulier les sans-abri. Je le constate notamment en tant qu’élu parisien : aujourd’hui, l’une des principales tâches de la Ville de Paris est de mobiliser l’ensemble des acteurs pour venir en soutien aux sans-abri qui errent dans les rues. Ils voient certaines structures fermer et des lieux de distribution alimentaire diminuer leurs prestations ; enfin, ils se trouvent souvent en grande difficulté et peuvent, de ce fait, être d’autant plus victimes de l’épidémie.
Les responsables du Secours populaire nous disaient aujourd’hui qu’il leur faudrait en urgence 10 millions d’euros pour faire face aux besoins immédiats, d’autant plus que les dons sont rendus plus difficiles actuellement.
Nous proposons donc au Gouvernement de dégager un fonds de soutien à l’ensemble des associations qui viennent aujourd’hui en aide aux plus fragiles et aux exclus dans cette situation exceptionnelle, et nous souhaiterions entendre sa réponse sur ce point.
M. le président. Monsieur Féraud, si M. le rapporteur général et le Gouvernement ne s’y opposent pas, pourriez-vous nous présenter dès à présent les trois autres amendements de cette série, de telle manière que le Sénat dispose d’une vue globale de vos propositions ?
M. Rémi Féraud. Volontiers, monsieur le président.
M. le président. J’appelle en discussion ces trois amendements.
L’amendement n° 3, présenté par MM. Carcenac, Kanner, Raynal, Éblé et Botrel, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire »
I. – Créer le programme :
Fonds de soutien au spectacle vivant
II. – En conséquence, modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :
(En euros)
Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire |
50 000 000 |
50 000 000 |
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Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire |
||||
Fonds de soutien au spectacle vivant |
50 000 000 |
50 000 000 |
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TOTAL |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
L’amendement n° 4, présenté par MM. Carcenac, Kanner, Raynal, Éblé et Botrel, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire »
I. – Créer le programme :
Fonds de soutien aux librairies
II. – En conséquence, modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :
(En euros)
Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire |
50 000 000 |
50 000 000 |
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Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire |
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Fonds de soutien aux librairies |
50 000 000 |
50 000 000 |
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TOTAL |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
L’amendement n° 5, présenté par M. Carcenac, Mme Taillé-Polian, MM. Kanner, Raynal, Éblé et Botrel, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lalande, Lurel et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire »
I. – Créer le programme :
Fonds de soutien aux collectivités territoriales
II. – En conséquence, modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :
(En euros)
Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire |
50 000 000 |
50 000 000 |
||
Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire |
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Fonds de soutien aux collectivités territoriales |
50 000 000 |
50 000 000 |
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TOTAL |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter ces trois amendements.
M. Rémi Féraud. L’amendement n° 3 vise à créer un fonds de soutien au spectacle vivant, lui aussi doté de 50 millions d’euros. Nous savons que l’ensemble des lieux de culture ont dû fermer leurs portes et que leur équilibre économique est à l’évidence très gravement mis en péril. J’ai entendu le Gouvernement affirmer hier, à l’Assemblée nationale, que les budgets des ministères suffiraient à y faire face. Quand on connaît les crédits du ministère de la culture, on peut en douter. C’est pourquoi nous proposons un tel fonds de soutien.
L’amendement n° 4 vise quant à lui à créer un fonds de soutien aux librairies, notamment aux librairies indépendantes. Nous savons que leur équilibre économique est fragile, que leurs marges sont très réduites, que la crise sanitaire les oblige à fermer et qu’elles sont en grand péril de ce fait. J’ai entendu certains suggérer de rouvrir les librairies. Je reste moi-même très sceptique. S’il y a un commerce où tout le monde touche les produits, c’est bien la librairie ! Du point de vue de la santé publique, cela ne me semble donc pas raisonnable. Cela dit, ces librairies subissent la double concurrence de la livraison par internet et des grandes surfaces : celles-ci n’ouvrent pas seulement leurs rayons alimentaires, mais aussi leurs rayons de librairie, ce qui crée à l’évidence une concurrence tout à fait déloyale. C’est pourquoi nous proposons un fonds de soutien aux librairies de France : nous savons que c’est un enjeu culturel absolument essentiel, dans les grandes villes comme sur le reste du territoire.
Enfin, l’amendement n° 5 vise à créer un fonds de soutien aux collectivités territoriales, qui serait lui aussi doté de 50 millions d’euros. L’État appelle les collectivités, ce qui est tout à fait normal, à être ses partenaires dans la lutte contre le virus et la crise ; elles se trouvent obligées de prendre des mesures tout à fait essentielles. Certaines en ont les moyens, d’autres non. Il serait très grave qu’elles ne mettent pas en œuvre les mesures indispensables, faute des finances requises. C’est pourquoi nous proposons ce quatrième fonds de soutien, après ceux que nous voulons destiner aux associations humanitaires, au spectacle vivant et aux librairies. Ce sont à nos yeux quatre priorités tout à fait essentielles dans la période actuelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sur le fond, on ne peut qu’être d’accord. Le secteur de la librairie est une priorité, tout comme le spectacle vivant, et ainsi de suite… Malheureusement, ce ne sont pas les seuls secteurs impactés. Il y a énormément de secteurs touchés : aujourd’hui, si vous sortez du Sénat, ne serait-ce que de quelques mètres, pour essayer de trouver un hébergement ou quelque chose à manger, vous constaterez immédiatement que 98 % des commerces sont fermés.
Mme Éliane Assassi. Mais eux ne subissent pas de concurrence !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est la réalité ! Vous pouvez constater que tous les hôtels sont fermés, comme tous les théâtres et tous les cinémas. On ouvrirait ce fonds pour le spectacle vivant, mais les cinémas aussi sont fermés. Le monde associatif souffre, c’est vrai ; le secteur culturel souffre, c’est vrai : l’ensemble des secteurs souffrent !
Alors, faut-il créer ce soir des fonds sectoriels ? On pourrait les multiplier à l’infini. On nous en propose quatre aujourd’hui, mais on pourrait en créer dix, quinze, ou vingt.
Cette crise est mondiale et systémique. Je prenais connaissance à l’instant des prévisions de croissance de Goldman Sachs pour les États-Unis : c’est une récession énorme qui est annoncée, un recul de près de 4 % du PIB. Cela signifie, malheureusement, que l’ensemble de l’économie est impacté.
Ce travail méritera d’être fait ; il faudra regarder de manière précise comment soutenir tel ou tel secteur. Il est vrai que le spectacle vivant souffre particulièrement, mais nous parlions ce matin – cela peut paraître anecdotique – des parcs zoologiques, qui ont fait l’objet d’un débat sur la TVA cette année. Eh bien, ces parcs sont obligés de garder leurs salariés pour nourrir les animaux alors même qu’ils n’ont aucun client. Il en est de même du secteur hippique, par exemple, où il faut nourrir et entretenir les chevaux alors qu’il n’y a plus de courses. Il y a des secteurs d’activité où, malheureusement, on ne peut pas mettre les salariés au chômage partiel, parce qu’il faut maintenir un certain nombre d’activités, alors même que le chiffre d’affaires est nul. C’est vraiment un problème considérable, qui ne touche pas les seuls secteurs que vous mentionnez.
Je pense que, ce soir, nous n’avons pas les moyens d’expertiser les chiffres. Prenons simplement l’exemple du fonds de solidarité pour les collectivités territoriales ici proposé, qui serait doté de 50 millions d’euros. Pensez-vous, mon cher collègue, que ce serait à la hauteur de l’enjeu ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les collectivités sont dans une situation difficile, certes moins, sans doute, que les entreprises qui n’ont plus du tout de chiffre d’affaires, mais il faudra en tirer les conséquences sur leurs recettes et sur les dépenses supplémentaires engendrées par la crise, par exemple pour ce qui est du RSA. À l’évidence, la somme de 50 millions d’euros n’est pas à la hauteur des enjeux.
Nous n’avons donc ce soir les moyens ni d’évaluer les sommes nécessaires ni de déterminer quels secteurs, outre ceux qui sont visés par ces quatre amendements, auraient besoin d’un tel soutien.
C’est pourquoi, mon cher collègue, je vous demande le retrait de ces amendements. Nous comprenons bien les difficultés que vous exposez, le secteur culturel est sans doute dans une situation catastrophique, mais c’est aussi le cas du secteur touristique, des hôtels, des restaurants, des transports, et ainsi de suite. Cette demande de retrait n’exprime donc pas un désaccord de fond ; simplement, ce soir, le vecteur proposé ne nous paraît pas être le plus approprié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je partage l’avis de la commission, pour beaucoup des raisons évoquées par M. le rapporteur général. Il ne s’agit pas de sous-estimer l’impact de la crise que nous subissons sur les secteurs visés par les amendements qu’a présentés M. Féraud, mais simplement de rappeler que d’autres secteurs sont concernés : nous devrons étudier les besoins dans le cadre des dispositions de relance que nous préparons.
Cela dit, je veux essayer de vous rassurer sur quelques points. D’abord, nous mobilisons actuellement tous les crédits disponibles pour accompagner ces secteurs. Des annonces ont été faites en matière d’aide au secteur social : on mobilise des crédits, on ouvre des lits ou des places d’hébergement. On veille aussi, de manière plus prosaïque et pragmatique, mais extrêmement utile, dans le cadre des plans de continuité d’activité, à ce qu’un certain nombre de fonctions soient préservées : je pense notamment aux fonctions de paye, notamment des agents publics, mais aussi des allocations et des minima sociaux. En effet, il serait absolument dramatique qu’un ralentissement de l’activité de nos services se traduise par l’impossibilité de verser telle ou telle allocation.
Le ministre de la culture a fait tout récemment des annonces, comme vous l’avez noté, à propos notamment des intermittents. Nous travaillons dans chaque domaine pour que, dans le cadre des crédits votés dans la loi de finances pour 2020, nous puissions répondre à cette urgence.
Je ferai deux remarques pour finir.
Tout d’abord, je réitère la demande de retrait en soulignant bien qu’il n’y a pas là d’appréciation sur le fond. Nous partageons le constat qu’une aide sera très probablement nécessaire dans les temps qui viennent pour ce secteur, mais nous voulons l’élargir et la maintenir dans les dispositifs du plan de relance.
Ma seconde remarque concerne les collectivités territoriales. Là aussi, il ne s’agit pas de sous-estimer les effets potentiels, et même probables, de la crise sur les collectivités territoriales, mais j’y vois une différence avec les entreprises en ce qui concerne l’urgence. Celles-ci voient leurs chiffres d’affaires s’écrouler, alors que les collectivités locales, pour la période actuelle, perçoivent toujours la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui n’est pas remise en cause. Par ailleurs, les rentrées fiscales, notamment les douzièmes, sont assurées de la même manière. Enfin, elles disposent – c’est un chiffre global qui, comme tous les chiffres globaux, ne vaut que pour sa globalité, et non pas collectivité par collectivité – d’une trésorerie de 44 milliards d’euros.
Il y aura certainement des impacts sur les collectivités locales, mais nous pourrons les traiter dans un texte qui ne relève pas de la même urgence que celui que nous examinons.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai bien entendu la position du Gouvernement. Le sujet mérite que l’on s’y arrête un instant. Je pense notamment à l’amendement sur le fonds de soutien aux librairies. C’est typiquement l’exemple d’un secteur qui subit, si je puis dire, la double peine : il y a d’abord l’absence de chiffre d’affaires, mais, en plus, la concurrence…
M. Jean-Marc Gabouty. Déloyale !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Déloyale ou pas, je ne sais pas !
Ce secteur subit en tout cas la concurrence de la vente par correspondance et du e-commerce, qui peuvent continuer à fonctionner. Le problème est plus grave pour les librairies que pour des secteurs où il n’y a pas de concurrence : pour les restaurants, il peut y avoir la concurrence de la vente à emporter, mais il s’agit souvent des mêmes prestataires ; en revanche, les hôtels, par exemple, n’ont pas de concurrents, et, de toute façon, il n’y a plus de déplacements.
Je le répète, il y a des secteurs qui connaissent une perte totale de clients et de chiffre d’affaires à cause de la fermeture administrative, si je puis dire, quand, dans le même temps, le e-commerce continue à vendre, sauf si, demain, la chaîne logistique s’arrête. Cela cause une vraie difficulté. Pour ces doubles peines, le problème est bien plus grave, puisqu’il y a une concurrence qui va gagner des parts de marché progressivement et qui risque probablement de les étouffer.
Aussi, certains pensent que les librairies devraient rouvrir. Par ailleurs, on a des informations parfois un peu contradictoires selon lesquelles des commerces de proximité se verraient interdire d’organiser des systèmes de livraison à domicile ou de retrait. Je pense que le Gouvernement devrait clarifier la situation, de même que pour le bâtiment, dont nous avons parlé. Peut-être des précisions nous seront-elles apportées, même si j’ai bien conscience que tout cela est très difficile.
À mon sens, il est important que l’activité économique de proximité puisse continuer, dans des conditions de sécurité suffisantes. Il me semble que l’on peut ouvrir une librairie en évitant de multiplier les contacts. On peut aussi assurer des services de livraison de proximité à domicile.
Je le répète, il faut éviter la double peine pour certaines activités. Je pense que l’on n’épuise pas le sujet avec ces amendements, qu’il faut voir comme des amendements d’appel. J’aimerais que le Gouvernement puisse nous donner sa position sur ce problème très grave pour certains commerces de proximité.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je veux apporter des précisions sur ce qui est autorisé et sur ce qui ne l’est pas.
Ce qui n’est pas autorisé, c’est l’ouverture de commerces qui ne relèvent pas de la liste que nous avons publiée. Vous l’avez compris, c’est l’accueil du public qui n’est pas autorisé. En revanche, ils peuvent continuer à être des points de livraison et poursuivre leur activité en e-commerce.
On a élaboré dimanche dernier un guide de bonnes pratiques sur la livraison des repas à domicile. Cela peut paraître paradoxal, mais on va avoir besoin de cuisines qui tournent pour aller livrer une partie des Français qui restent à leur domicile et qui auront peut-être besoin de ce type d’appui chez eux.
Il existe par ailleurs depuis hier un guide de bonnes pratiques élaboré par les professionnels en lien avec les professionnels de santé pour préciser comment faire de la livraison en minimisant les risques, donc sans contact, pour les autres biens.
Il reste à régler les problèmes de la livraison de biens importants, lourds, qui nécessitent d’entrer chez la personne, ce qui implique une interaction plus importante. Nous devons y travailler de notre côté et nous enjoignons aux professionnels de le faire également.
De même, pour ce qui est du bâtiment, un travail est mené, qui donnera lieu dans les prochaines heures à un communiqué de presse commun explicitant comment on peut reprendre le travail. Il ne s’agit évidemment pas d’exposer les personnels de chantier. Cela doit se faire de manière raisonnée, probablement en diminuant la voilure, mais, en tout état de cause, on a aussi besoin de l’intervention de ces experts dans différentes situations. C’est ce sur quoi nous travaillons.
Il y a effectivement du calage à faire en tenant compte de l’expérience des premiers jours de confinement. Je précise qu’il y a une circulaire très claire du ministre de l’intérieur sur ce qui est autorisé en matière de travail. Lorsque l’on va travailler, on est autorisé à circuler, et c’est la seule autorisation qui est valable dans la durée, sans besoin de renouvellement. Je tenais à le rappeler.
Pour revenir aux amendements, vous avez raison, il s’agit d’amendements d’appel. Nous y travaillons, car notre objectif, c’est de faciliter le développement rapide d’usages numériques qui permettent aux commerçants de sauver un minimum de chiffre d’affaires dans ces moments, et si le confinement dure. Nous prévoyons un certain nombre de dispositifs – nous allons encore en publier aujourd’hui –, notamment pour demander à ces plateformes de e-commerce d’accueillir les commerçants en leur offrant un service de mise en ligne de leurs produits à des tarifs très réduits.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je veux remercier Thierry Carcenac et Rémi Féraud d’avoir déposé ces amendements pour la culture, le théâtre, le spectacle vivant. Je suis interpellé par des acteurs, des metteurs en scène, des producteurs, des responsables de troupe qui sont très inquiets. La question est toujours la même : comment vivre au jour le jour ?
Il faut trouver des mesures, peut-être avec Pôle emploi Spectacle, peut-être en revoyant les règles qui s’appliquent à l’intermittence, car un grand nombre de structures sont profondément menacées. C’est la réalité ! C’est immédiat ! Si on ne vote pas ces amendements, il faut de toute façon trouver des solutions.
J’en profite pour parler aussi de la question des librairies. J’entends bien ce que vous dites, monsieur le rapporteur général. J’ai aussi entendu ce qu’a dit M. Le Maire à France Inter, où il a fait une réelle ouverture. C’est vrai qu’une librairie fermée peut recevoir des commandes de livres par internet, mais qui va s’adresser à une librairie fermée pour commander des livres ?
Je suis interpellé par des libraires exerçant à quelques kilomètres d’une immense plateforme d’une société que tout le monde connaît, et qui envoie les livres le lendemain de la commande. Je reçois par ailleurs les remarques inquiètes des organisations syndicales de cette grande entreprise, qui me disent que le travail se fait dans des conditions qui ne permettent pas le respect des gestes élémentaires de sécurité, ce qui est très problématique.
Quand, dans le même temps, les libraires me demandent pourquoi ils ne peuvent pas ouvrir, alors qu’il y a cette concurrence massive d’une entreprise qui, je le répète, ne respecte ni les règles de sécurité ni les règles du code du travail – c’est ce que disent les organisations syndicales –, je me dis qu’il y a là un véritable problème, qui appelle des réponses urgentes.
Si ces amendements ne peuvent répondre à ces urgences, et s’il n’est pas possible de les voter, il faut trouver d’autres réponses.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Permettez-moi quelques remarques sur ces amendements en prenant l’exemple des librairies. J’étais voilà quelques jours dans une librairie indépendante de ma ville, Auch, où l’on me disait que c’était une question de jours, voire d’heures, avant la fermeture définitive.
Les modèles économiques de ces commerces, qui jouent un rôle culturel et social très important dans nos petites et moyennes villes, sont très fragiles.
Il faut en réalité agir pour tous les secteurs de l’économie. Je l’ai dit hier soit à Mme la ministre du travail, le Gouvernement doit, secteur par secteur, et quasiment entreprise par entreprise, mettre en place non pas seulement des bonnes pratiques, qui ont été évoquées hier soir, mais de véritables plans d’action.
Finalement, je ne sais pas à quoi nous servons cet après-midi si nous ne sommes pas en mesure de discuter ensemble et de voter des mesures d’accompagnement financier significatives. Je ne comprends pas…
Pour revenir aux librairies, il faut prendre en considération les nouvelles façons de faire du commerce. Nous sommes à un moment de l’histoire de ce secteur et d’autres secteurs commerciaux, où les acteurs doivent se saisir du numérique et des techniques utilisées par les grands acteurs économiques comme Amazon. Il y va de la survie de nos librairies indépendantes et nos petits commerces.
J’en viens aux collectivités locales. Lors de la crise de 2008, je me souviens que le gouvernement de M. Sarkozy avait mis en place des mesures de soutien à l’investissement local. Aujourd’hui, je voudrais faire passer un message au Gouvernement : il ne faut pas toucher aux capacités de fonctionnement et d’investissement des collectivités locales, parce que la transformation de la commande publique en chiffre d’affaires est immédiate pour nos TPE, nos PME et nos artisans. Elle est immédiate dès lors qu’elle repose sur les budgets votés l’année dernière, et pas sur ce que nous allons voter dans les semaines et les mois à venir. Je crois beaucoup à cela.
Je voudrais terminer, même si je n’ai plus beaucoup de temps, en évoquant le quantitative easing. C’est un autre sujet, mais je trouve que tout est lié. Il s’en fait beaucoup et il va certainement s’en faire encore beaucoup au niveau mondial dans la période que l’on va connaître. Comment transforme-t-on cet argent, via le secteur bancaire, en activité économique effective ?
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Je partage bien évidemment les observations de M. le rapporteur général sur ces amendements, mais je voulais revenir quand même sur le premier, qui concerne l’aide alimentaire, dont on a assez peu parlé : 1,5 milliard d’euros par an ; 5,5 millions de personnes aidées dans notre pays ; cela mérite quand même que l’on y prête attention.
Le sujet, que mon collègue Éric Bocquet et moi-même avions d’ailleurs mis en évidence dans un rapport de contrôle budgétaire, c’est notre capacité à mobiliser les fonds européens, qui ont vocation à payer 85 % de la dépense engagée par l’État. Malheureusement, notre organisation et notre administration ont été défaillantes et incapables de répondre au cahier des charges que nous nous étions fixé à nous-mêmes pour obtenir ces remboursements. C’est un problème central.
Aujourd’hui, l’aide alimentaire va être en difficulté pour plusieurs raisons. D’abord, certains présidents d’association ont organisé un retrait des bénévoles, qui font partie des populations les plus âgées de notre pays, et qui, légitimement, peuvent s’inquiéter du contact avec le public.
Ensuite, je pense aussi qu’il va y avoir de gros problèmes d’approvisionnement, car la récupération auprès des grandes surfaces sera très perturbée. Vous l’avez tous vu, et je n’ai pas besoin de développer. C’est donc un secteur qui va se trouver en difficulté.
Pour autant, je pense que le Gouvernement sera attentif à cette question, qu’il a les moyens d’y répondre immédiatement, quitte à nous demander ensuite de régulariser les mesures budgétairement. En tout cas, 5,5 millions de personnes dépendantes aujourd’hui de cette aide alimentaire qui vont être encore plus fragilisées par la situation actuelle, cela mérite toute notre attention. Le Gouvernement doit faire le nécessaire au plus vite.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons prolonger notre séance pour terminer l’examen de ce texte rapidement, sans suspendre à l’heure du dîner.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. De toute façon, il n’y a plus de restaurant !
M. le président. Je vous serais donc obligé de bien vouloir contracter vos interventions… (Sourires.)
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je reviens sur le dossier des petites librairies, sans répéter les arguments qui ont été exposés ici, auxquels je m’associe absolument. Plusieurs libraires m’ont contacté en me disant qu’ils avaient des stocks et la possibilité, par internet et La Poste, de diffuser des livres aujourd’hui. Leur problème, c’est que, face à Amazon – moi, je prononce le nom ! –, la distorsion de concurrence est absolument immense.
Vous le savez bien, Amazon finance les frais d’envoi – quand vous achetez, c’est gratuit –, grâce à ses marges arrière, en intégrant le coût des expéditions dans ces marges. Les petits libraires, bien évidemment, ne peuvent pas recourir à cette pratique. Une mesure de justice serait soit d’offrir une baisse de TVA sur les expéditions des petits libraires, soit d’imposer à Amazon de faire payer les frais d’expédition.
Sinon, comme l’ont dit très justement mes collègues, nous allons perdre le réseau des petites librairies, qui ne sont pas seulement des endroits où l’on vend des livres, mais qui sont aussi des endroits où l’on se retrouve, et, pour reprendre les propos du président, qui font nation. C’est là que nous nous retrouverons.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Évidemment, après toutes les explications de vote, je retirerai les amendements. Je ne souhaite pas qu’ils soient soumis au vote et que certains de mes collègues soient obligés de voter contre leurs convictions pour qu’ils soient rejetés.
Je voudrais simplement rappeler deux éléments à M. le secrétaire d’État après avoir entendu sa réponse.
D’abord, s’agissant des collectivités locales, les dotations de l’État ne baissent certes pas, mais les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) risquent d’être moins importants cette année et, en tout cas, de reculer dans le temps. Il faut donc aussi prendre en compte cette dimension financière, qui me paraît tout à fait importante.
Ensuite, nous avons beaucoup parlé de la question des librairies. C’est vrai que nous cherchons tous des moyens pour que, dans cette période qui permet à beaucoup de Français de lire, les librairies puissent en profiter autrement qu’en ouvrant leur magasin, c’est-à-dire en livrant leurs clients.
À mon sens, le premier amendement, qui porte sur l’aide alimentaire et le soutien aux associations qui viennent en aide aux plus exclus, est vraiment très important. Arnaud Bazin a eu raison d’y revenir. Ces structures sont confrontées à une augmentation des besoins auxquels elles ont à faire face et à un problème de ressources, notamment en bénévoles.
Le Gouvernement doit leur apporter un soutien d’urgence. Nous comptons sur M. le secrétaire d’État pour que l’ensemble des questions soulevées par ces quatre amendements soient vraiment abordées dans le prochain projet de loi de finances rectificative, qui devrait venir en discussion assez prochainement, comme il l’a annoncé tout à l’heure.
M. le président. Avant de prendre acte du retrait des amendements, je tiens à ce que ce débat essentiel puisse aller à son terme.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je profite de ce débat sur les librairies pour demander des précisions au Gouvernement sur deux points.
D’abord, monsieur le secrétaire d’État, c’est plutôt une suggestion que je vous fais en matière de communication : lorsque vous parlez de report, pourriez-vous ajouter « et étalement » ? En effet, si on demande aux entreprises de payer le 15 juin toutes les charges dues au 15 mars, elles auront à payer en une seule fois tout ce qui était dû aux deux échéances. Ce n’est pas vraiment l’idée que je me fais d’une mesure d’allégement. Il faut bien préciser les choses. C’est prévu dans les dispositifs pour les entreprises en difficulté. Il faudrait éviter que les gens pensent qu’ils vont payer le double de charges trois mois plus tard…
Ensuite, je m’adresse plutôt à Mme la secrétaire d’État, qui est intervenue au sujet des librairies. Je ne veux pas employer de terme trop fort, mais je pense sincèrement que les mesures prises aujourd’hui par le Gouvernement tendent à organiser la concurrence déloyale.
Madame la secrétaire d’État, vous organisez la concurrence déloyale ! Cela n’a pas l’air de vous émouvoir… C’est vrai pour les librairies, mais c’est aussi vrai pour les chaussures, pour les vêtements, pour la parfumerie, pour les jouets. Ce dispositif, tel qu’il est prévu, en permettant à un certain nombre de structures de commercialiser des biens qui ne sont pas des biens de première nécessité, parce qu’ils ont les moyens de le faire – je ne parle pas uniquement des plateformes, car il y a aussi la grande distribution –, va tuer des milliers, voire des dizaines de milliers de commerces de proximité si vous ne prenez pas de dispositions pour rétablir une concurrence équitable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Je serai très bref, monsieur le président. Pour poursuivre sur les librairies, effectivement, Amazon est leur principal concurrent. S’il faut s’intéresser aux secteurs en difficulté, il faut aussi s’intéresser aux profiteurs. Amazon, d’après ce que l’on sait, sur la foi de témoignages de salariés, se moque beaucoup de l’urgence sanitaire dans l’organisation des conditions de travail en son sein.
On pourra toujours attendre la solidarité d’Amazon quand il faudra manifester, par exemple, de la solidarité fiscale. Il faudrait aussi s’occuper de ces entreprises qui profitent de la situation pour soutenir effectivement celles qui, au contraire, sont en difficulté.
Concernant le premier amendement, je regrette son retrait annoncé. Il aurait fallu que le Gouvernement fasse une exception. S’il ne s’agit pas d’un secteur en difficulté à proprement parler, il s’agit d’un secteur qui est en première ligne sur la question de l’urgence humaine et sanitaire. Les 5 millions de bénéficiaires de l’aide alimentaire font partie de ceux que l’on appelle les personnes vulnérables. Si on laisse les associations dans la situation dans laquelle elles sont, nous nous mettons en danger en aggravant les problèmes sanitaires. Je le répète, je pense que la question du soutien aux associations aurait mérité une exception de la part du Gouvernement pour qu’une mesure puisse être prise dès aujourd’hui.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je serai bref pour suivre vos consignes, monsieur le président. Je veux simplement remercier M. Rémi Féraud de l’élégance de ses propos pour annoncer le retrait de ses amendements.
M. le président. Merci ! Je crois que ce débat n’était pas inutile pour des perspectives futures.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Un mot, monsieur le président, pour m’associer aux remerciements du président Retailleau à l’attention du sénateur Féraud. Je considère que les amendements que vous avez défendus sont, vous l’avez dit vous-même, des amendements d’appel, mais d’appel d’attention.
Nous avons évoqué les uns et les autres d’autres sujets qui méritaient cette même attention. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Je peux vous garantir de nouveau que l’ensemble des moyens que nous pouvons mobiliser le sont pour accompagner tous les secteurs. Vous avez cité des secteurs qui rencontrent des difficultés particulières, il faut le souligner, mais il y en a d’autres. Nous veillerons évidemment à ce que les plus fragiles soient aussi particulièrement accompagnés dans cette période. Merci de votre attitude, monsieur le sénateur. J’aurai l’occasion d’apporter un certain nombre de précisions sur l’amendement suivant, qui est un peu différent, et nous aurons aussi l’occasion de reparler des collectivités locales, mais moins dans l’urgence, du fait de la structure même des recettes de celles-ci.
M. le président. Les amendements nos 2, 3, 4 et 5 sont donc retirés.
L’amendement n° 1, présenté par MM. Carcenac, Kanner, Raynal, Éblé et Botrel, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly et Lurel, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire »
I. – Créer le programme :
Soutien à l’hôpital
II. – En conséquence, modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :
(En euros)
Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire |
||||
Soutien à l’hôpital |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
TOTAL |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous discutons de ce projet de loi de finances rectificative en faisant preuve de responsabilité et nous avons souligné les avancées qu’il comportait pour répondre à des situations d’urgence. Nous avons aussi mis en avant, et nous venons de le faire, un certain nombre de manques, car ce projet de loi est lacunaire. Il en appelle d’autres. Nous avons souhaité créer des fonds de soutien, et chacun a pu exprimer sa solidarité à l’égard de secteurs particulièrement fragiles : la culture, les librairies, l’aide alimentaire.
J’aborde maintenant un autre manque que nous avons identifié dans ce texte par rapport aux annonces du Gouvernement. C’est un manque que je qualifierais d’« encore plus criant », si c’était possible.
En effet, le présent amendement vise à flécher les crédits budgétaires annoncés par le Gouvernement pour l’hôpital par la création d’un programme intitulé « Soutien à l’hôpital ».
Il nous apparaît aujourd’hui indispensable de faire en sorte que les crédits qui ont été annoncés – on a parlé de 2 milliards d’euros – soient inscrits au budget comme un signal de soutien très fort de toute la communauté nationale à l’égard des hôpitaux et des soignants. Il ne faut pas laisser subsister le doute sur le fait qu’il s’agit bien de crédits nouveaux et non pas de redéploiement. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale adopté voilà quelques mois ne répondait déjà pas aux besoins hors situation de crise. Nous étions un certain nombre à le dire, à l’instar des soignants, mobilisés depuis de longs mois.
C’est également un amendement d’appel pour obtenir un certain nombre de précisions, de garanties. Peut-être que les secrétaires d’État présents pourront nous dire par quel véhicule ils vont conforter les soignants actuellement à pied d’œuvre avec héroïsme en leur garantissant les moyens dont ils ont besoin, chiffrés pour l’instant à 2 milliards d’euros, mais peut-être cela ira-t-il au-delà.
Tel est le sens de cet amendement et je vous appelle à le prendre en compte.
Une petite rectification, monsieur le président, si vous le permettez, car il y a une erreur matérielle dans cet amendement. En effet, dans le tableau, il est inscrit 2 millions au lieu de 2 milliards. Je vous demande de bien vouloir accepter de prendre en compte cette rectification.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Carcenac, Kanner, Raynal, Éblé et Botrel, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly et Lurel, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire »
I. – Créer le programme :
Soutien à l’hôpital
II. – En conséquence, modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :
(En euros)
Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire |
2 000 000 000 |
2 000 000 000 |
||
Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire |
||||
Soutien à l’hôpital |
2 000 000 000 |
2 000 000 000 |
||
TOTAL |
2 000 000 000 |
2 000 000 000 |
2 000 000 000 |
2 000 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sur cet amendement, la commission a souhaité entendre le Gouvernement. En effet, il y a eu une annonce portant sur 2 milliards d’euros pour l’hôpital. Cela ne relève évidemment pas du projet de loi de finances rectificative, mais de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), donc du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il faut que le Gouvernement précise ses intentions. Comment cela va-t-il se traduire ? Aura-t-on un texte modifiant l’Ondam via un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. J’attends du Gouvernement qu’il nous apporte des explications sur cette somme, qui correspond à des annonces du Président de la République. Où cette somme va-t-elle être concrètement trouvée pour alimenter l’hôpital, qui en a tant besoin ?
J’ai bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel, car, je le répète, il ne relève pas du domaine d’une loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Au-delà de cet amendement, je veux m’expliquer sur les annonces que nous avons faites en matière de financement des hôpitaux. Le Président de la République s’est engagé sur un premier déblocage de fonds de 2 milliards d’euros. Nous verrons si nous devons abonder ces fonds en fonction de l’évolution de la situation, bien évidemment.
Comme l’a dit M. le rapporteur général, ces 2 milliards d’euros relèvent non pas de la loi de finances de l’État, mais de la loi de financement de la sécurité sociale. Cela implique une particularité, ou plutôt une différence : nous n’avons pas besoin, d’un point de vue totalement matériel et en droit, de vous présenter maintenant une loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour pouvoir ajouter des crédits. Je le dis en apportant une précision : si nous devions modifier profondément la loi de financement de la sécurité sociale au cours des semaines et des mois qui viennent, nous « sincériserions » bien évidemment ces écarts par le dépôt et l’examen d’une loi de financement de la sécurité sociale rectificative. L’Ondam est un objectif. Il n’est pas une norme de dépenses en soi, et il n’a pas le caractère impératif que peuvent avoir certains crédits, certains programmes du budget de l’État.
Ce sont bien 2 milliards d’euros nouveaux inscrits dans le cadre de l’Ondam, ce qui nécessitera, soit lorsque nous établirons le solde de cette année, soit éventuellement par une loi de financement de la sécurité sociale rectificative, une modification dudit Ondam. Je voulais apporter cette précision.
Il s’agit dans un premier temps, je le répète, de répondre à des besoins essentiellement matériels. Je ne veux pas rouvrir le débat sur la question des masques, mais il y a des commandes importantes de masques qui s’inscriront dans cette somme. Il y a des besoins d’équipements de protection, d’équipements techniques. Sont aussi prévus une revalorisation des indemnités journalières et les premiers éléments de reconnaissance de l’engagement des professionnels de la santé.
Nous pourrons ainsi garantir le paiement de toutes les heures supplémentaires, ce qui n’a pas toujours été le cas, nous le savons, les années précédentes, et commencer à donner suite à l’engagement de revalorisation des carrières du monde médical.
Ce sont là les réponses aux premières demandes qui nous sont remontées. J’imagine qu’il y en aura d’autres. Pour anticiper sur une éventuelle question, je précise qu’il s’agit essentiellement d’investissements, en tout cas d’achats de matériel, et non pas de recrutements. Je ne dis pas qu’il ne faudra pas recruter ; je dis simplement que, dans l’urgence, les premières demandes qui nous sont remontées concernent le matériel et les équipements. Nous nous efforçons d’y répondre avec ce premier déblocage de fonds à hauteur de 2 milliards d’euros dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale et des conditions de droit que j’ai évoquées.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d’État, je regrette ce que j’entends. Alors que le présent projet de loi de finances rectificative vise à répondre à une urgence sanitaire, vous indiquez, comme vous l’avez d’ailleurs fait à l’Assemblée nationale, que vous allez déployer 2 milliards d’euros face au manque de matériel, notamment de masques ou de respirateurs, tout en valorisant les indemnités journalières. Et vous dites vouloir pour cela mobiliser l’Ondam. Or, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, notre groupe en avait dénoncé la faiblesse. Mais le Gouvernement, Agnès Buzyn – à l’époque, c’était elle qui était chargée des questions de santé – en tête, nous avait répondu que l’Ondam était amplement suffisant.
Nous avons entrepris un tour de France des hôpitaux qui a duré plus d’un an. Les personnels dénonçaient, déjà, le manque de matériel, y compris de brancards. Là encore, on nous a ri au nez. « Tout est sous contrôle », nous assurait-on…
Aujourd’hui, l’hôpital est en crise. Vous affirmez que ces 2 milliards d’euros permettront de répondre aux besoins, notamment pour acheter des masques. C’est très bien. Mais quid de la réelle situation de crise des hôpitaux ? Nous sommes toutes et tous ici interpellés par les personnels soignants, qui nous appellent à l’aide. Ils nous disent que les services sont sur le point d’être dépassés. Des opérations sont déprogrammées, un certain nombre de choses sont mises en veille. J’ai été à plusieurs reprises alertée sur la situation des hôpitaux psychiatriques, qui sont obligés de faire sortir un certain nombre de patients en prévision de l’accueil des futurs malades du Covid-19 !
Nous n’avons aucune réponse sur les moyens à déployer. Lors de l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale – je rappelle que notre groupe ne l’a pas voté –, 5 milliards d’euros ont tout de même été « pompés » sur la santé, dont 1 milliard pour l’hôpital ! Nous voyons bien qu’il faut dégager en urgence des milliards d’euros pour répondre à la crise de l’hôpital. Si j’ai bien compris, monsieur le secrétaire d’État, vous avez l’intention de le faire, mais plus tard. Quand ? Lorsque les hôpitaux vont complètement craquer ? Il n’y a rien sur les ouvertures de lits ! Rien sur les personnels ! Vos réponses sont, là encore, insuffisantes. Une fois de plus, vous ne prenez pas en compte ce que l’on vous dit.
M. le président. Quel est finalement l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les explications que le Gouvernement a apportées me confirment que les dispositions proposées relèvent de l’Ondam et n’entrent pas dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative. Par conséquent, je sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Taillé-Polian, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sophie Taillé-Polian. Non, monsieur le président ; nous allons le retirer. Nous avons entendu qu’il s’agissait bien de 2 milliards d’euros nouveaux pour répondre dans l’urgence à la crise immédiate.
Cela n’ôte rien à la pertinence de ce qui a été rappelé, notamment par Mme Cohen, sur les besoins extrêmement importants de l’hôpital. Nous le voyons bien, la politique qui a été menée ces dernières années a atteint ses limites. Il faudra réinvestir massivement dans notre système de santé publique. Ce sera pour le temps d’après. Vous nous trouverez alors pour faire des propositions.
En attendant, nous retirons notre amendement.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.
L’amendement n° 18, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Mission « Sport, jeunesse et vie associative »
I. – Créer le programme :
Fonds d’urgence aux associations caritatives luttant contre l’épidémie du Covid-19
II. – En conséquence, modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :
(En euros)
Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
Sport dont titre 2 |
||||
Jeunesse et vie associative |
30 000 000 |
30 000 000 |
||
Jeux olympiques et paralympiques 2024 |
||||
Fonds d’urgence aux associations caritatives luttant contre l’épidémie du covid-19 |
30 000 000 |
30 000 000 |
||
TOTAL |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement, qui s’inscrit dans la continuité de nos amendements précédents, concerne les associations à vocation sociale et d’aide à la personne.
Nous sommes bridés par l’article 40 de la Constitution. Le geste financier que nous proposons est donc extrêmement modeste. Il s’agit, par un jeu d’écriture, de rediriger les 30 millions d’euros qui étaient consacrés au service national universel dans le programme 163, « Jeunesse et vie associative », vers les associations à vocation sociale et d’aide à la personne, qui sont actuellement, elles aussi, dans une situation de très grande fragilité.
Outre ces associations à proprement parler, songeons à toutes les personnes qui travaillent pour elles. Il peut s’agir d’heures de ménage, de courses que l’on fait pour autrui, de jardinage… Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai bien entendu les explications de notre collègue Pascal Savoldelli, mais je ne lis pas exactement son amendement comme il l’a présenté.
L’amendement vide à aider les « associations caritatives luttant contre l’épidémie du Covid-19 ». Je ne sais pas exactement de quoi il s’agit. Ce ne sont pas les services d’aide à la personne qui perdraient de la clientèle. Je ne vois pas bien quelles sont les associations visées.
Aujourd’hui, les problèmes du monde associatif tiennent plus à la difficulté de trouver des bénévoles – le confinement réduit évidemment considérablement la disponibilité des personnes – qu’à un manque de moyens financiers.
Je ne comprends donc pas très bien cet amendement. C’est pourquoi j’en demande le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je m’associe à la demande de retrait qui vient d’être formulée. Je partage les interrogations de M. le rapporteur général sur la définition des associations visées. Au demeurant, la demande de retrait que j’exprime est cohérente avec celle que j’avais adressée à M. Féraud ; il s’agit de la même logique.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je profite du débat sur cet amendement relatif aux associations pour évoquer une situation particulière – là, je pense que nous serons toutes et tous d’accord –, celle des personnes sans domicile fixe. Les associations et les bénévoles nous alertent. Comment faire pour trouver des hébergements d’urgence ? En cette période de confinement, des milliers de personnes sont dehors.
Ainsi, Médecins du monde nous a signalé le cas de 400 à 500 migrants qui se trouvent sur un terrain privé aux confins d’Aubervilliers et de Paris. La situation sanitaire est vraiment lourde.
J’interpelle donc directement le Gouvernement. Comment faisons-nous pour régler collectivement un tel problème avec les moyens de l’État ? Les collectivités joueront évidemment aussi le jeu, mais l’hébergement d’urgence est une prérogative de l’État.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, j’entends votre appel. Mon collègue Julien Denormandie est très actif sur le sujet, notamment pour trouver des chambres d’hôtel et des foyers. À l’heure où je vous parle, je n’ai pas les chiffres en tête sur ce qu’il a pu faire depuis quarante-huit heures à soixante-douze heures, mais, en tout cas, il est mobilisé.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. J’informe notre collègue Fabien Gay que le préfet de Seine-Saint-Denis vient, comme il le fait chaque fois, de réquisitionner des gymnases dans les collectivités locales.
J’ai envie de dire que c’est mieux que rien. Est-ce une solution efficace, en particulier en période de confinement ? La réponse est non.
Mais nous n’allons pas refaire le débat que nous avons eu à l’automne dernier sur les crédits destinés à l’hébergement d’urgence et sur les nuitées hôtelières. Les hôtels sont absolument saturés. D’année en année, on n’arrive pas à faire baisser la courbe.
Aujourd’hui, nous sommes dans l’urgence absolue, et l’État réquisitionne les gymnases des collectivités territoriales. C’était l’information du jour, en provenance directe des Pavillons-sous-Bois, que je pouvais vous apporter.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Compte tenu des enjeux sanitaires et de la nécessité d’une distanciation sociale, nous travaillons sur des réquisitions hôtelières. Mais la situation des hôtels est aussi particulière : nous avons plus de capacités hôtelières potentiellement disponibles.
Un gros travail est fait avec les hôteliers pour répondre aux différents besoins. D’ailleurs, les demandes peuvent concerner des personnels soignants ou des patients souffrant de maladies chroniques, mais ne présentant pas de pathologies infectieuses, afin de libérer des lits dans les hôpitaux. Il peut aussi s’agir d’accueillir des personnes sans domicile ou en hébergement d’urgence.
L’objectif est de maintenir une distanciation sociale et de casser la dissémination. Nous voulons aussi faire en sorte que les personnels soignants puissent avoir des bases vie plus proches des hôpitaux et disposer de plus de temps pour reprendre des forces.
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué de l’article 2 et de l’état B annexé.
(L’article 2 et l’état B annexé sont adoptés.)
Article 3
I. – Il est annulé pour 2020, au titre des comptes d’affectation spéciale, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 6 980 000 000 € et de 6 980 000 000 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état D annexé à la présente loi.
II (nouveau). – Il est ouvert aux ministres, pour 2020, au titre des comptes de concours financiers, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement supplémentaires s’élevant respectivement aux montants de 500 000 000 € et de 500 000 000 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état D annexé à la présente loi.
État D
RÉPARTITION DES CRÉDITS POUR 2020 OUVERTS ET ANNULÉS, PAR MISSION ET PROGRAMME, AU TITRE DES COMPTES SPÉCIAUX
I. – Comptes d’affectation spéciale
(En euros) |
||||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement supplémentaires ouvertes |
Crédits de paiement supplémentaires ouverts |
Autorisations d’engagement annulées |
Crédits de paiement annulés |
Participations financières de l’État |
6 980 000 000 |
6 980 000 000 |
||
Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État |
4 980 000 000 |
4 980 000 000 |
||
Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État |
2 000 000 000 |
2 000 000 000 |
||
Total |
6 980 000 000 |
6 980 000 000 |
II (nouveau). – Comptes de concours financiers
(En euros) |
||||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement supplémentaires ouvertes |
Crédits de paiement supplémentaires ouverts |
Autorisations d’engagement annulées |
Crédits de paiement annulés |
Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics |
||||
Avances à des services de l’État |
500 000 000 |
500 000 000 |
||
Total |
500 000 000 |
500 000 000 |
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué de l’article 3 et de l’état D annexé.
(L’article 3 et l’état D annexé sont adoptés.)
TITRE II
DISPOSITIONS PERMANENTES
Article additionnel avant l’article 4 A
M. le président. L’amendement n° 19, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 4 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est présenté par le Gouvernement au Parlement dans un délai d’un mois pour établir la liste des entreprises dont l’État devrait reprendre une part au moins majoritaire du capital pour assurer un bon fonctionnement du service public, protéger le secteur financier d’une dépendance totale de l’influence des marchés, assurer le développement industriel du pays et garantir la sécurité sanitaire.
Ce rapport fera le point également sur les opérations de privatisation en cours.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement a pour objet la remise au Parlement d’un rapport faisant le point des opérations de privatisation en cours. C’est important.
Vous avez tous entendu M. le ministre Bruno Le Maire parler de nationalisations. C’est bien que nous sommes dans une situation d’urgence. De même, comme en 2008, à la suite de la crise des subprimes, la Commission européenne semble disposée à accepter toutes les mesures budgétaires exceptionnelles quitte à oublier les impératifs du traité budgétaire en vigueur. Et même la Banque centrale européenne n’exclut plus le rachat des dettes publiques des États. C’est dire combien la question est importante. La crise sanitaire agit comme un révélateur.
Il me semble donc utile qu’un rapport sur les objectifs en termes de nationalisations et de privatisations soit remis au Parlement. Des politiques de privatisation d’entreprises viennent de montrer leurs limites. Parfois, elles révèlent aussi leur logique et les intérêts qu’elles servent. Dans le cadre de la crise du coronavirus, beaucoup de Françaises et de Français ont découvert malgré le confinement que les principes actifs des produits pharmaceutiques sont fabriqués loin de nos cieux, en l’occurrence en Chine et, plus généralement, en Asie. Parfois, ce qui est bon pour un grand groupe, comme Sanofi, Bayer ou Aventis, ne l’est pas forcément pour l’ensemble des populations. Il y a des contradictions.
L’action d’Air France-KLM est tombée aux alentours de 4 euros. La capitalisation boursière de la compagnie, qui est détenue à 28 % par l’État français et le Royaume des Pays-Bas, est aujourd’hui inférieure à 2 milliards d’euros, sans rapport avec le total de bilan.
Il est donc souhaitable que le Parlement dispose d’un rapport sur les privatisations au moment où ce gouvernement évoque – à juste titre ! – les nationalisations.
Je vous livre un exemple intéressant. Nous avons parlé ici de nationaliser les autoroutes. Cette question revêt une acuité particulière dans le contexte de la crise économique et financière actuelle. Nous pourrions également aborder le transport aérien. Il y a beaucoup de sujets.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je peux vous faire ce rapport en une minute : les privatisations sont suspendues. D’ailleurs, comme vous le constatez, des mouvements de crédits sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » traduisent le fait que les privatisations ne peuvent pas avoir lieu compte tenu du contexte.
Mais votre demande de rapport va au-delà. Vous souhaitez que le Gouvernement établisse dans un délai d’un mois la liste des entreprises dont l’État devrait reprendre une part au moins majoritaire du capital, par exemple pour protéger le secteur financier.
Un certain nombre d’entreprises cotées sont concernées. Vous avez fait référence à Air France. Pensez-vous qu’il soit opportun de rendre publique la stratégie de l’État actionnaire s’agissant d’entreprises cotées ? Par définition, un certain nombre de personnes ont sans doute intérêt à racheter des entreprises à bon compte. Cela ne me paraît pas être le bon moment pour dévoiler de manière très précise la stratégie de l’État actionnaire. Imaginez que l’on indique vouloir soutenir telle entreprise, par exemple Air France, à telle hauteur. Il est évident que le groupe Air France, dès lors que 90 % des vols sont arrêtés, a besoin d’une forme de soutien public : il y a différentes possibilités, mais il ne me semble pas souhaitable de préciser dans un rapport public la stratégie qu’on va adopter face à une situation qui évolue de minute en minute.
Bien entendu, cela n’interdit pas le contrôle du Parlement, notamment de la commission des finances. Rapporteur général ou rapporteurs spéciaux, nous ferons notre travail de contrôle sur l’État actionnaire. C’est le rôle du Parlement, mais il me paraît relativement dangereux de rendre publiques des informations extrêmement sensibles dont la divulgation peut avoir des répercussions directes sur les cours de bourse.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, mais le Parlement, notamment la commission des finances, fera pleinement son travail de contrôle sur l’État actionnaire, notamment dans cette période extrêmement difficile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. « Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. » Ce n’est pas Karl Marx qui a dit cela ; c’est le président Macron !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tout arrive !
M. Fabien Gay. Admettez une chose : nous avions pris un peu d’avance sur vous s’agissant du débat sur les nationalisations. Mais, je le dis, nous sommes ravis que vous veniez sur nos positions. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, qui est pourtant un fervent adepte des privatisations, vient d’annoncer qu’il était d’accord pour des nationalisations totales ou partielles de certains pans de notre économie. J’ai entendu avec plaisir notre collègue Bruno Retailleau abonder en ce sens à la radio.
Il y a à présent un débat de société. Il faut préciser sur quels secteurs on va se pencher…
M. Philippe Dallier. Tous ! (Sourires.)
M. Fabien Gay. Pour notre part, nous avons des idées. Dans le secteur de l’énergie, faut-il nationaliser Engie ? Je ne reviens pas sur ce que mon collègue Pascal Savoldelli a souligné à propos des transports. Je pourrais aussi évoquer le secteur pharmaceutique et la politique du médicament.
La CGT vient de publier un communiqué de presse repris dans Le Figaro – je le signale à notre collègue Philippe Dallier, à qui cela avait sans doute échappé – pour réclamer la nationalisation de Luxfer, qui était la seule entreprise en Europe à fabriquer des bouteilles à oxygène médical. Elle a fermé. Nous proposons une nationalisation pour faire repartir la seule entreprise en Europe qui fabrique des bouteilles à oxygène médical. Considérez-vous qu’il y a ou non urgence en la matière ? Le débat mérite d’être posé.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4 A (nouveau)
La première phrase du e du 1° de l’article L. 432-2 du code des assurances est ainsi modifiée :
1° Les mots : « autres que les pays de l’Union européenne et les pays à haut revenu de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), tels qu’ils sont définis à l’article 11 de l’Arrangement de l’OCDE sur les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public, du 1er octobre 2013, rendu applicable dans l’Union européenne par le règlement (UE) n° 1233/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011, relatif à l’application de certaines lignes directrices pour les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public et abrogeant les décisions du Conseil 2001/76/CE et 2001/77/CE, et » sont remplacés par les mots : « étrangers » ;
2° Les mots : « d’un milliard » sont remplacés par les mots : « de deux milliards ». – (Adopté.)
Article 4
I. – La garantie de l’État peut être accordée aux prêts consentis par les établissements de crédit et les sociétés de financement, à compter du 16 mars 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020 inclus, à des entreprises non financières immatriculées en France.
II. – La garantie mentionnée au I s’exerce en principal, intérêts et accessoires dans la limite d’un encours total garanti de 300 milliards d’euros.
III. – Les prêts couverts par la garantie prévue au I doivent répondre à un cahier des charges défini par arrêté du ministre chargé de l’économie. Ils comportent un différé d’amortissement minimal de douze mois et une clause donnant à l’emprunteur la faculté, à l’issue de la première année, de les amortir sur une période additionnelle calculée en nombre d’années, selon son choix et dans la limite d’un nombre maximal d’années précisé par l’arrêté susmentionné. Les concours totaux apportés par l’établissement prêteur à l’entreprise concernée ne doivent pas avoir diminué, lors de l’octroi de la garantie, par rapport au niveau qui était le leur le 16 mars 2020.
IV. – Les caractéristiques de la garantie prévue au I, notamment le fait générateur de son appel et les diligences que les établissements préteurs doivent accomplir avant de pouvoir prétendre au paiement des sommes dues par l’État à son titre, sont définies par l’arrêté prévu au III. La garantie est rémunérée et ne peut couvrir la totalité du prêt concerné. Elle n’est acquise qu’après un délai de carence, fixé par le cahier des charges. Elle ne peut être accordée à des prêts bénéficiant à des entreprises faisant l’objet de l’une des procédures prévues aux titres II, III et IV du livre VI du code de commerce.
V. – Pour les demandes de garanties portant sur des prêts consentis aux entreprises qui emploient, lors du dernier exercice clos, moins de cinq mille salariés ou qui ont un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros, l’établissement prêteur notifie à l’établissement mentionné au VI du présent article les créances qui répondent au cahier des charges prévu au III. Cette notification vaut octroi de la garantie, sous réserve du respect de ces conditions. Les garanties portant sur des prêts consentis aux entreprises qui emploient, lors du dernier exercice clos, au moins cinq mille salariés et qui ont un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros sont octroyées par arrêté du ministre chargé de l’économie.
VI. – L’établissement de crédit Bpifrance Financement SA est chargé par l’État, sous le contrôle, pour le compte et au nom de l’État, d’assurer, à titre gratuit, le suivi des encours des prêts garantis mentionnés au I, de percevoir et de reverser à l’État les commissions de garantie et de vérifier, en cas d’appel de la garantie, que les conditions définies dans le cahier des charges prévu au III sont remplies. Dans ce dernier cas, il procède au paiement des sommes dues en application du IV, remboursées par l’État dans des conditions fixées par une convention.
VII. – Les modalités d’application du présent article, notamment celles du contrôle exercé par l’État sur la mise en œuvre de ces dispositions par Bpifrance Financement SA, sont fixées par décret.
VIII (nouveau). – Le présent article est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans îles Wallis et Futuna. Pour l’application du présent article en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, le seuil de 1,5 milliard d’euros mentionné au V est fixé à 178,95 milliards de francs CFP. La contrevaleur en euros des encours garantis en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna s’impute sur le plafond mentionné au II.
IX (nouveau). – Un comité de suivi placé auprès du Premier ministre est chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de Covid-19.
Il suit et évalue la mise en œuvre de la garantie de l’État relative aux prêts consentis par les établissements de crédit et les sociétés de financement, à compter du 16 mars 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020 inclus, à des entreprises non financières immatriculées en France.
Il suit et évalue également l’action du fonds de solidarité créé sur le fondement de l’article 7 de la loi n° … du … d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
Le comité est présidé par une personnalité désignée par le Premier ministre. Il est composé :
1° De deux membres de l’Assemblée nationale et de deux membres du Sénat ;
2° De deux membres de la Cour des comptes, désignés par cette cour ;
3° De deux représentants de l’État, désignés au sein des administrations compétentes ;
4° De deux représentants des fédérations d’entreprises ;
5° D’un représentant de l’Association des maires de France, d’un représentant de l’Assemblée des départements de France et d’un représentant de Régions de France.
Les membres du comité exercent leurs fonctions à titre gratuit.
Le comité établit un rapport public un an après la promulgation de la présente loi.
M. le président. L’amendement n° 21, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le tiers au moins de cet encours est réservé à des entreprises remplissant au moins deux des trois critères suivants : employer un effectif salarié annuel moyen inférieur à 250 salariés, avoir réalisé un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros et disposer d’un actif de bilan inférieur à 43 millions d’euros. Ces entreprises ne doivent pas être partie prenante d’un groupe au sens de l’article 223 A du code général des impôts.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. De l’avis de M. le rapporteur général, qui est forcément un avis sérieux, cet amendement serait déjà satisfait par les mesures que le Gouvernement a prises. Notre groupe demande donc au Gouvernement de nous confirmer ce point, moyennant quoi nous sommes prêts à retirer notre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement nous paraît effectivement satisfait.
En effet, tel que le dispositif est envisagé, l’octroi de la garantie serait automatique. Les PME qui y seraient éligibles parce qu’elles rempliraient les critères en bénéficieraient automatiquement.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement, sous réserve que le Gouvernement confirme notre analyse, sachant que nous n’avons disposé que d’un temps extrêmement restreint pour examiner l’ensemble du texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Tout d’abord, il est difficile de dire qui exactement demandera le bénéfice d’une telle garantie.
Mais regardons la répartition des crédits. Vous voulez cibler les entreprises employant un effectif salarié annuel moyen inférieur à 250 salariés et ayant réalisé un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros. Grosso modo, cela correspond bien à ce qui est proposé. Au demeurant, le dispositif favorise les PME, puisqu’elles ont une commission de garantie très faible, de 0,25 %. C’est moins que ce que paieraient les entreprises de taille supérieure. Ce que les PME représentent dans l’économie leur confère a priori un avantage, et cette commission sera plus faible pour elles.
M. Pascal Savoldelli. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 21 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 22, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Après le mot :
ils
insérer les mots :
sont souscrits à de très faibles taux et
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement concerne les taux d’intérêt. Cette question va peser immédiatement et dans les mois à venir.
Nous proposons de faire en sorte que la priorité soit accordée à la garantie des prêts avec les taux d’intérêt les plus faibles. Vous avez vu que les taux d’intérêt montent. Nous souhaitons que les ressources publiques soient mobilisées pour des opérations à moindre coût financier visant de manière pédagogique à développer la prise en charge par le secteur bancaire.
Nous le savons, pour soutenir l’activité économique, la Banque centrale européenne a placé son taux directeur à zéro, tandis que les taux Eonia et Euribor sont singulièrement bas, voire négatifs, faisant en sorte que les taux d’intérêt ne sauraient être aussi élevés qu’ils peuvent l’être aujourd’hui.
Au quatrième trimestre 2019 – c’est donc derrière nous –, le taux moyen applicable aux découverts était à 2,17 % et celui sur les trésoreries à 1,66 %. Les prêts d’équipement se situaient à 1,2 % et ceux sur l’immobilier à 1,3 %.
À nos yeux, il faut faire en sorte que les taux soient de plus en plus faibles. Cet amendement tend donc à faire participer les établissements de crédit à l’amélioration de la situation générale.
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Carcenac, Mme Taillé-Polian, MM. Kanner, Raynal, Éblé et Botrel, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lurel et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Après le mot :
Ils
insérer les mots :
sont souscrits à des taux correspondant à la moyenne des taux constatés entre le 1er janvier 2020 et le 1er mars 2020 et
La parole est à M. Thierry Carcenac.
M. Thierry Carcenac. Notre amendement s’inscrit dans la même perspective que celui qui vient d’être défendu, mais nous sommes un peu plus précis sur les taux.
Nous partageons bien évidemment le choix du Gouvernement de mettre en œuvre la garantie d’emprunt pour les entreprises. Simplement, nous souhaiterions qu’il y ait un critère de stabilité des taux d’intérêt. Pour cela, nous proposons une période de référence comprise entre le 1er janvier 2020 et le 1er mars 2020.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ces deux amendements sont en discussion commune, mais ils ne sont pas exactement de même nature.
L’amendement n° 22 vise à prévoir que les taux d’intérêt doivent être « très faibles ». Très bien. On ne peut qu’approuver un tel objectif. Simplement, nous sommes en train de discuter d’un texte législatif. Or une telle mesure relève de l’incantation. Je ne sais pas ce que signifie d’un point de vue législatif la notion de taux d’intérêt « très faibles ». Il pourrait à la rigueur y avoir une référence aux taux Libor, Eonia ou Euribor. Mais parler de taux « très faibles », c’est comme parler du beau temps ou du mauvais temps, ou dire qu’il fait chaud ou qu’il fait froid… Ce n’est pas suffisamment précis. Je comprends l’intention de nos collègues, mais cet amendement ne me paraît pas opérant.
L’amendement n° 7 tend, si je comprends bien, à figer le taux sur une période de référence allant du 1er janvier 2020 au 1er mars 2020. Je ne suis pas certain que ce soit pertinent. Mieux vaut plutôt fluidifier l’octroi du crédit en permettant qu’il puisse continuer à fonctionner, grâce, justement, aux garanties et au fait que les taux d’intérêt directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) sont – nous l’avons dit – extrêmement bas, à zéro. Le risque, si le marché est liquide, n’est pas une envolée des taux. Créer des conditionnalités supplémentaires me paraît, au contraire, de nature à complexifier l’octroi de cette garantie.
L’important est que les banques soient rassurées par ce système de garantie puissant, de 300 milliards d’euros, et que cela fluidifie le marché. Évitons d’avoir des dispositifs extrêmement complexes. En outre, grâce au mécanisme de la BCE – 750 milliards d’euros d’injection –, les taux resteront, je l’espère, bas.
L’enjeu est surtout d’avoir une garantie de ces prêts. C’est précisément l’objet de ce que nous sommes en train de voter. Nous demandons donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Nous serons évidemment très attentifs à ce que les taux pratiqués par les banques correspondent à une situation permettant de parler de taux d’intérêt bas. Simplement, les banques se refinancent à une ressource qui va également évoluer. Elles ne peuvent pas prêter à un taux inférieur à celui de la ressource qu’elles trouveront. Sinon, le système ne tient pas. C’est assez logique. C’est comme demander à un commerçant de vendre à perte. (M. Pierre Laurent s’exclame.)
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les deux amendements.
Au demeurant, nous avons d’ores et déjà activé la médiation du crédit pour accompagner les entreprises qui seraient confrontées à des difficultés, et Bpifrance garantit 90 % des prêts bancaires, ce qui donne un confort sur le risque très élevé limite l’évolution des taux.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Je voudrais élargir un peu le commentaire. On peut toujours discuter pour savoir si l’amendement est bien ou mal rédigé.
M. Philippe Dallier. Il n’est pas très bien rédigé…
M. Pierre Laurent. Mais cet amendement pose un problème lourd qu’il faudrait traiter sérieusement.
La Banque centrale européenne vient d’ouvrir massivement les robinets…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ils étaient déjà ouverts !
M. Pierre Laurent. Ce sont 750 milliards d’euros qui vont arriver à taux zéro dans les banques françaises. La puissance publique va garantir pour 300 milliards d’euros de crédits. À qui va aller cet argent ? À quel taux ? Pour faire quoi ?
Si c’est pour refaire ce qui a été fait depuis 2008 ou 2009 – tout le monde parle de « plan de relance » – avec les résultats économiques que l’on connaît, nous sommes mal barrés ! Il va donc bien falloir changer la manière dont on utilise ces énormes mannes financières. Il va bien falloir repenser la manière dont on contrôle les taux de crédit, à qui on les donne, pour faire quoi, sur quels critères, etc.
C’est comme pour le chômage partiel. Il est mis en place, nous dit-on, parce qu’il ne faut pas que les entreprises ferment. Il faudra donc contrôler que celles qui y ont recours ne ferment pas dans trois mois.
Qui va contrôler ? Le secteur bancaire tout seul ? Sans la puissance publique ? Qui va contrôler la manière dont le secteur privé bancaire français utilise cet argent ? À quel taux ?
Notre amendement est peut-être mal calibré, mais il y a une question à laquelle le Gouvernement doit répondre. Comment l’État va-t-il contrôler l’utilisation des énormes masses financières qui sont débloquées au niveau européen au nom de la relance ? Nous le savons, elles peuvent finir dans les sables ou dans les poches d’enflure financière qui créent des bulles vouées à exploser un jour ou l’autre.
Il faut donc se servir autrement de cet argent. Il faut des critères. Ceux que nous proposons ne sont peut-être pas les bons, mais il en faut. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que l’on met 300 milliards d’euros sur la table. Nous voulons connaître les critères.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Les 750 milliards d’euros débloqués par la BCE sont destinés à racheter de la dette souveraine. Cela n’a donc absolument rien à voir avec le sujet que nous évoquons. Il s’agit de prémunir les États, qui font des efforts considérables…
M. Bruno Retailleau. Comme l’Italie !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Ce n’est donc pas le même budget. Le taux de refinancement est maintenu à zéro. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Désolée, mais ce n’est pas le même mécanisme.
M. Pierre Laurent. Ce n’est pas la même chose, mais ne dites pas que cela n’a rien à voir !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Les 300 milliards d’euros sont des garanties bancaires, pas de l’argent versé aux banques. Ils serviront à conforter les prêts et les crédits en cours des entreprises et à garantir aux banques qu’elles seront remboursées, sachant qu’elles prennent un risque limité à 10 %. Il n’y a pas de bulle spéculative, personne ne bénéficiera d’argent à bas prix qu’il pourra ensuite utiliser pour refinancer des entreprises à des taux élevés. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit aujourd’hui, même si, évidemment, il y a une logique économique d’un bout à l’autre de la chaîne.
Enfin, nous sommes d’ores et déjà en train de mettre en œuvre un contrôle de la médiation du crédit. Quant au chômage partiel, il est contrôlé par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les Direccte. D’ailleurs, on en entend parler.
M. Pierre Laurent. Mais sur quels critères ?
M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac, pour explication de vote sur l’amendement n° 7.
M. Thierry Carcenac. Compte tenu des explications de Mme la secrétaire d’État et de M. le rapporteur général, qui espère que les taux resteront bas, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 7 est retiré.
L’amendement n° 23, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer le mot :
douze
par le mot :
dix-huit
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement vise à permettre aux entreprises non financières de bénéficier de meilleures conditions de prêt.
Peut-être notre amendement est-il encore une fois mal rédigé, mais c’est un amendement d’appel. On comprendrait que vous nous demandiez de le retirer, madame la secrétaire d’État, si vous nous disiez que vous vous occupez de cette question – la situation est grave et urgente, il ne faut pas être pointilleux. Si vous nous dites que cet amendement est satisfait, on le retire. Voilà quel est notre état d’esprit sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai besoin d’une précision de la part du Gouvernement. Le communiqué de la BCE, que j’ai lu, indique que le programme de 750 milliards d’euros servira à acheter de la dette souveraine et de la dette privée.
M. Fabien Gay. Voilà !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le programme de rachat de la BCE ne serait donc pas limité aux dettes souveraines, il permettrait également le rachat de dettes privées. Compte tenu de son montant massif et de son taux zéro, ce programme permettrait de maintenir des taux bas.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. La BCE ouvre le rachat des titres de dette privée, mais elle doit encore préciser ce volet particulier. L’essentiel, toutefois, sera consacré au rachat de dettes souveraines. Le message est très clair, tout le monde l’aura compris.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Il me semble que les 750 milliards d’euros serviront au rachat de dettes souveraines. Les déficits vont connaître une telle augmentation – ce sera le cas en France – que notre salut viendra, comme disent les techniciens, de la monétisation de notre propre dette. Ces 750 milliards d’euros permettront de monétiser les dettes.
Auparavant, un programme appelé TLTRO, mais peu importe, avait été instauré afin de financer les banques. Pour en bénéficier, ces dernières devaient prouver qu’elles augmentaient leur financement de l’économie réelle et des entreprises.
Aujourd’hui, le taux de financement sera opéré par la Banque centrale. Ce sera un taux négatif, encore plus négatif que le taux des placements, notamment prudentiels, des banques dans la Banque centrale européenne.
Par conséquent, le différentiel de taux devrait encourager les banques françaises à financer l’économie réelle.
M. Pierre Laurent. Il y a donc bien un sujet sur les taux !
M. Bruno Retailleau. Enfin, il existe un troisième instrument, qui n’a pas été activé pour l’instant : les opérations sur titres. On pourrait y avoir recours en cas de problème avec l’Italie ou un autre pays. C’est un instrument très particulier. En cas de problème avec l’euro ou une dette souveraine européenne, la Banque centrale peut effectuer des rachats de titres massifs pour soutenir une dette souveraine, à la condition que le pays concerné, par exemple l’Italie, déclenche le mécanisme européen de stabilité, le MES.
J’espère ne pas m’être trompé dans mes explications.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Les 750 milliards d’euros permettront le rachat de titres privés, de titres corporate, mais vous avez raison, l’essentiel, je le redis, est tout de même destiné à conforter la dette souveraine.
M. le président. L’amendement n° 24, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le cahier des charges fixe notamment des objectifs précis en termes de maintien de l’emploi, de développement de la formation et des capacités de production dans l’entreprise concernée par le prêt.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. L’objet de cet amendement est simple. Si nous sommes favorables au fait de débloquer 45 milliards d’euros pour aider les entreprises, nous pensons qu’il faut de la transparence sur ce sujet. Des objectifs et des critères précis doivent être fixés en contrepartie, les effets doivent pouvoir être mesurés en termes d’emplois, de formation et de production. Il faut que les liquidités considérables que nous injectons pour sauver nos entreprises et l’emploi aillent à l’économie réelle.
Madame la secrétaire d’État, le Parlement pourrait porter une exigence forte et exiger la création d’un comité de suivi de l’ensemble des mesures, réunissant tous les groupes politiques de façon pluraliste. Nous avons autorisé hier le Gouvernement à légiférer par ordonnances dans de nombreux domaines et à prendre des mesures urgentes, un comité de suivi est donc nécessaire.
Il ne m’appartient pas de régler les débats entre les droites, mais j’ai sous les yeux le communiqué de presse de la Banque centrale européenne. Il y est indiqué que les 750 milliards d’euros serviront au rachat de la dette publique et de la dette privée. Aux deux !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je l’ai dit, Mme la secrétaire d’État l’a dit aussi !
M. Fabien Gay. Il y aurait par ailleurs beaucoup à dire sur le mécanisme européen de stabilité, qui en train de voler en éclats, mais aussi sur les 3 % de déficit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je partage le souhait de notre collègue que soit créé un comité de suivi. Un amendement en ce sens a d’ailleurs été déposé sur l’initiative de l’opposition à l’Assemblée nationale, dont j’ai discuté avec mon homologue et le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale.
Un tel comité nous paraît nécessaire, mais pas suffisant. C’est la raison pour laquelle je vous proposerai tout à l’heure un amendement visant à prévoir la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport mensuel, puis trimestriel, contenant des éléments très précis, lesquels nous permettraient de suivre en temps réel et très concrètement ces engagements, dont les montants sont considérables. Cela concernerait aussi bien le fonds de solidarité dont on a parlé que le mécanisme de garantie des prêts.
Je suis complètement d’accord avec vous, cher collègue, je pense qu’il faut aller plus loin dans le contrôle, compte tenu des montants engagés. Je suis en revanche en désaccord avec vous sur le fait de prévoir des conditionnalités en amont. Je pense pour ma part qu’il ne le faut pas, mais qu’un suivi plus précis est nécessaire. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
J’aimerais que le Gouvernement s’engage – il le fera, je l’espère, tout à l’heure – à mieux nous informer. Nous suivrons tout cela de très près. Je siégeais à la commission des finances en 2009 lors de la précédente crise financière, nous avions alors suivi de manière très précise les efforts considérables qui ont été faits pour sauver le système bancaire. Je pense que ce niveau de contrôle doit être maintenu, voire renforcé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. J’émets également un avis défavorable sur cet amendement, même si je partage bien sûr l’objectif de préserver au maximum l’emploi. Tel est l’objectif du chômage partiel que nous avons instauré, lequel est financé à un niveau sans égal dans l’histoire de notre pays.
En revanche, si nous introduisons dans la garantie une clause qui n’est pas à la main du prêteur, c’est-à-dire des banques, ces dernières pourraient refuser d’accorder des prêts, arguant qu’elles n’ont pas la garantie que les entreprises auront une attitude responsable en termes d’emplois. Techniquement, on risque de leur donner un argument pour refuser leur soutien aux entreprises. On peut suivre la mise en œuvre pratique de la garantie, mais le dispositif que vous proposez ne fonctionne pas.
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par Mme Primas, M. Lefèvre et Mmes Bories et A.M. Bertrand, est ainsi libellé :
Alinéa 4, dernière phrase
Supprimer la mention :
II,
La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Cet amendement vise à intégrer les entreprises en procédure de sauvegarde dans le champ de celles dont les prêts bancaires sont éligibles à la garantie de l’État.
Tel qu’il est actuellement rédigé, l’article 4 du projet de loi prévoit que la garantie ne peut être accordée à des prêts bénéficiant à des entreprises faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde, d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation judiciaire.
Or, à la différence des entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, celles qui font l’objet d’une procédure de sauvegarde ne sont pas en cessation de paiements. Cette procédure « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ».
Exclure ces entreprises du bénéfice de la garantie de l’État serait donc contre-productif : alors même qu’elles présentent non pas des problèmes de liquidité, mais uniquement des difficultés temporaires, elles seraient fortement pénalisées.
Il est donc impératif de prévoir que les entreprises en sauvegarde puissent bénéficier de ce dispositif. Dans le cas contraire, le nombre de faillites augmenterait fortement, à rebours des engagements du Président de la République.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je remercie mon collègue Antoine Lefèvre de soulever ce problème, car nous recevons beaucoup de courriers, électroniques en ce moment, dans lesquels on attire notre attention sur la situation de ces entreprises, qui seraient peut-être viables, mais qui ne peuvent bénéficier, semble-t-il, du mécanisme de garantie des prêts par l’État.
Si nous excluons de fait les entreprises en sauvegarde, dans la période actuelle, elles auront inéluctablement des difficultés et seront directement mises en liquidation, ce qui aura des conséquences dramatiques. Dans un temps plus normal, ces entreprises auraient sans doute pu bénéficier de concours financiers.
Le droit communautaire interdirait de consentir des prêts à des entreprises considérées « en difficultés ». Y a-t-il un obstacle, madame la secrétaire d’État, à l’octroi du bénéfice de la garantie aux entreprises en sauvegarde ? Si cet obstacle est de nature communautaire, peut-il être levé ? Telles sont les questions que se pose la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Ce sujet est effectivement absolument essentiel. La Commission européenne a précisé son droit, qui nous offre un peu plus de latitudes, mais tel qu’il est rédigé, son texte est conforme à sa doxa habituelle. Je vous confirme que nous devrons retravailler sur ce sujet, mais nous ne pourrons pas le faire dans le cadre du présent texte.
M. le président. Quel est finalement l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Comme vous l’aurez compris, nous aurons malheureusement très prochainement à examiner un nouveau projet de loi de finances rectificative. J’attire de nouveau votre attention, madame la secrétaire d’État, sur la nécessité de prendre en compte la situation des entreprises en procédure de sauvegarde, dont certaines sont viables, car elles risquent, du fait de la fermeture du crédit en l’absence de garanties, d’être mises en liquidation. C’est un sujet majeur, sur lequel nous reviendrons dès que possible.
Je demande donc le retrait de l’amendement n° 12.
M. le président. Monsieur Lefèvre, l’amendement n° 12 est-il maintenu ?
M. Antoine Lefèvre. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 12 est retiré.
L’amendement n° 25, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Durant toute la période mentionnée au I du présent article, une entreprise peut saisir le médiateur du crédit en cas de difficulté pour souscrire à un prêt tel que ceux mentionnés au III du présent article. La demande de médiation est effectuée sur support papier ou par voie électronique par l’entreprise. Elle est recevable lorsque l’entreprise justifie qu’elle a, au cours des douze derniers jours précédant sa demande, fait l’objet d’au moins deux refus de prêt de la part d’établissements de crédit ou de sociétés de financement. La demande est accompagnée du nom et des coordonnées des établissements de crédit ou des sociétés de financement ayant refusé le prêt, d’une déclaration sur l’honneur certifiant que le demandeur a informé ces établissements de crédit ou sociétés de financement du recours au médiateur.
Dans les deux jours ouvrés suivant la réception de la demande de médiation, le médiateur du crédit fait savoir au demandeur si sa demande est recevable, par les mêmes moyens que ceux mentionnés au premier alinéa de l’article 3.
Le médiateur du crédit informe sans délai les établissements de crédit ou les sociétés de financement mentionnées dans la demande de l’ouverture d’une médiation les concernant.
Après réception de cette information et dans un délai de cinq jours ouvrés, les établissements de crédit ou les sociétés de financement lui font part du maintien ou de la révision de leur décision de refuser le prêt.
Le médiateur peut, sans attendre le terme du délai mentionné ci-dessus, proposer toute solution aux parties et, sous réserve de l’accord préalable du demandeur, consulter d’autres établissements de crédit ou sociétés de financement.
En cas de refus de la médiation à l’initiative des établissements de crédit ou des sociétés de financement à l’issue des cinq jours ouvrés, le médiateur du crédit peut désigner l’un des établissements ou l’une des sociétés pour l’octroi du prêt, dans les modalités que celui-ci aura décidé. Les établissements de crédit ainsi désignés par le médiateur du crédit sont tenus d’accorder à l’entreprise le prêt dans les modalités précitées.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’avis est défavorable, même si on comprend l’esprit de cet amendement. Il paraît assez difficile de créer un droit au prêt automatique. Une demande de prêt nécessite malheureusement un examen minimum afin de vérifier si, concrètement, le prêteur est solvable ou sérieux.
Il existe un droit au compte pour des raisons évidentes : on ne peut pas aujourd’hui mener une vie normale et effectuer un certain nombre d’opérations sans compte bancaire. On ne peut pas créer un droit au prêt comme il existe un droit au compte. Ce serait possible dans un monde idéal, mais ce bas monde n’est malheureusement pas idéal.
M. Pascal Savoldelli. Ça me plaît, ça !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 26, présenté par MM. Savoldelli et Bocquet, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Ces dispositions ne peuvent bénéficier à toute entreprise ayant licencié des salariés sur la période définie au I.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. C’est sympa de songer un petit moment à un monde idéal !
Peut-être notre amendement est-il mal rédigé – cela nous arrive, nous le reconnaissons –, mais alors que l’on s’apprête à mettre 300 milliards de garanties d’emprunt sur la table, plus 85 milliards, plus ce qu’on sera amené à ajouter par la suite, j’insiste sur le fait qu’il faut en contrepartie qu’on ait la garantie que les entreprises ne licencieront pas leurs salariés, même si je ne sais pas ce qu’il faut faire pour cela.
« La preuve du pudding, c’est qu’on le mange » ! Lorsque le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a été instauré, on a tous vu dans nos départements que Carrefour, Auchan, La Poste, qui avaient touché des dizaines de milliards d’euros d’argent public, ne se sont pas gênés ensuite pour licencier ! Alors on a râlé, déposé des amendements contre les fermetures de bureaux de poste, on s’est alarmé de la situation catastrophique dans lesquelles sont les caissières du point de vue salarial.
Je ne sais pas si cet amendement est bien rédigé, mais je peux vous dire que l’exigence que nous défendons n’est pas celle du seul groupe communiste républicain écologiste et citoyen, c’est aussi celle de l’ensemble du monde salarial.
Quand on prévoit un tel accompagnement, et vous savez que nous y sommes favorables, il faut aussi que l’on ait la garantie que, en échange, il n’y aura pas de licenciements. Même si des mesures sont mises en œuvre pour les salariés, comme le chômage partiel, on peut tout de même demander des garanties aux entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous espérons qu’il y aura le moins de licenciements possible. Si nous donnons ce soir des moyens budgétaires pour financer le chômage partiel de manière élargie, c’est précisément pour éviter des licenciements. Ce que nous souhaitons, c’est que, à l’issue de la baisse d’activité résultant du fait que les entreprises n’ont plus de clients – période que l’on espère la plus brève possible –, les entreprises ne se séparent pas de leurs salariés. Pour ce faire, l’État finance le chômage partiel grâce au mécanisme que le Parlement va approuver.
Si l’on excluait du bénéfice de la garantie une entreprise conduite à licencier un salarié pour d’autres raisons, il est certain qu’elle serait conduite à licencier tout le reste de son personnel, car elle se trouverait alors en difficulté. Concrètement, cela signifierait que le jour où elle aurait besoin d’avoir recours à un crédit, elle serait de fait exclue du mécanisme de garantie. Les autres salariés risqueraient de se trouver en très grande difficulté et l’entreprise pourrait fermer.
La commission émet donc évidemment un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà exposées.
Le système de garantie repose en fait sur une relation à trois, entre l’État, la banque et l’entreprise. La banque ne peut pas s’engager pour l’entreprise. Il ne faudrait donc pas qu’elle se défausse et qu’elle refuse un crédit au motif qu’elle n’a pas la garantie que l’entreprise ne licenciera pas. On ne peut pas rembourser une garantie, qui est juste un confort permettant de réduire le risque. Le jour où l’entreprise pourra reprendre son activité, elle n’aura rien remboursé. Les taux à 0,25 % ou 0,50 % ne feront pas une grande différence. Le dispositif que vous proposez ne fonctionne pas.
Notre stratégie consiste à accompagner les salariés en leur permettant de bénéficier du chômage partiel. Notre intérêt est de maintenir les salariés dans l’entreprise afin de permettre à cette dernière, lorsqu’elle redémarrera, d’avoir ses salariés sous la main plutôt que de perdre du temps à en recruter de nouveaux. De nombreuses entreprises nous disent qu’il est très difficile de recruter, de trouver des compétences. Il ne faut donc pas prendre le risque qu’elles coupent leurs liens avec leurs salariés. Nous leur permettons de ne pas couper ces liens.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Nous sommes très ouverts, nous pouvons tout entendre, mais tout de même ! Lorsqu’une banque prête de l’argent à une entreprise, elle le fait sur la base de critères. Elle discute avec elle, évalue sa situation financière, lui demande des garanties. Nous disons juste qu’il faut en plus qu’elle prenne des garanties en termes d’emplois. Vous dites vous-même, madame la secrétaire d’État, que les mesures que vous prenez visent à protéger l’emploi. Eh bien, écrivons-le dans le texte, tout simplement ! Sinon, cela signifierait que vous mettez beaucoup d’argent sur la table, mais que vous n’êtes pas comptable des résultats. Nous ne le comprendrions pas, pas plus que nos concitoyens.
Si l’État met toutes ces garanties sur la table, c’est pour obtenir des résultats, dont il est comptable. Alors que nous vivons une crise sanitaire ayant de graves conséquences économiques, la garantie de l’emploi doit faire partie des conditions. C’est aussi la condition de la relance économique.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 4
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement adresse au Parlement, tous les mois à compter de la publication de la présente loi, puis tous les six mois à compter du 1er janvier 2021, un rapport portant sur :
1° La consommation des crédits des deux programmes de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire ainsi que les valeurs estimées des indicateurs de performance associés à cette mission ;
2° Le coût pour l’État et pour l’Unédic du dispositif d’activité partielle, l’évolution du nombre de salariés en situation d’activité partielle, ainsi qu’un bilan statistique comportant notamment la moyenne et la médiane des salaires des actifs indemnisés ainsi que la moyenne et la médiane des sommes versées aux entreprises au titre de l’indemnisation de l’activité partielle ;
3° Le suivi des dépenses engagées par le « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire » et leur effet sur l’activité des entreprises soutenues ;
4° Le déploiement du mécanisme de garantie des prêts des entreprises et son suivi par Bpifrance Financement SA, en présentant notamment le nombre de prêts garantis, leur encours total, leur durée d’amortissement, le montant des commissions de garantie perçues ainsi que le nombre et le montant des appels de garantie ayant conduit à un versement de l’État ;
5° Le bilan de l’effet de la crise sanitaire sur le tissu économique, notamment le nombre de défaillances de petites et moyennes entreprises enregistrées depuis mars 2020.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Lorsque nous examinons les projets de loi de finances, nous discutons pendant des heures d’amendements, sans doute très importants, portant sur des montants de 1 000 euros ou de 10 000 euros. Aujourd’hui, nous discutons de dispositifs certes pris dans l’urgence, mais qui représentent des montants considérables. Ainsi le mécanisme de garantie des prêts des entreprises représente-t-il un engagement de 300 milliards d’euros. Nous espérons, évidemment, que ces garanties ne seront pas mises en œuvre.
Il nous paraît donc indispensable, et je pense, monsieur le président, que vous partagez cette opinion, que le Parlement exerce pleinement son contrôle sur ces engagements de l’État. Ce raisonnement vaut aussi bien pour le fonds de solidarité que pour le mécanisme de garantie des prêts.
Il est vrai que l’Assemblée nationale, sur proposition du président de sa commission des finances, a prévu un comité de suivi. Ce comité est sans doute utile, mais les circonstances actuelles rendent peut-être difficiles les réunions d’un tel comité, qui mettra en outre du temps à faire un rapport.
Dans les circonstances actuelles, nous avons simplement besoin d’une information qui soit la plus précise, la plus fluide possible. L’amendement n° 9 tend donc à prévoir que le Gouvernement remettra au Parlement tous les mois, puis, à terme, tous les six mois, l’ensemble des informations chiffrées dont il a besoin concernant le fonds de solidarité et le mécanisme de garantie, sous une forme qui peut être dématérialisée.
L’amendement tend à préciser toutes les informations dont nous avons besoin. Vous me direz peut-être, monsieur le secrétaire d’État, que c’est surabondant compte tenu des pouvoirs que confère au président et au rapporteur général de la commission des finances la loi organique relative aux lois de finances, mais le Gouvernement doit faire un effort en termes de transparence et en matière de transmission de l’information.
Soyez bien sûr assurés, mes chers collègues, que la commission des finances exercera pleinement son devoir de vigilance et son rôle de contrôle s’agissant d’engagements financiers aussi considérables.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’amendement de de M. le rapporteur général est, à quelques mots près, le même que celui qu’a déposé le rapporteur général de l’Assemblée nationale, Laurent Saint-Martin, lequel a été retiré au profit d’un amendement déposé par le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Éric Woerth. Ce dernier amendement a été adopté par l’Assemblée nationale avec un avis favorable du Gouvernement et, bien évidemment, du rapporteur général.
L’Assemblée nationale a donc adopté la création d’un comité de suivi associant des représentants des deux chambres, mais aussi des personnalités qualifiées, pour procéder à l’évaluation et au contrôle des mesures d’urgence que nous votons dans le présent projet de loi de finances rectificative. Cela n’empêchera évidemment pas les deux chambres de procéder à un contrôle ni les commissions des finances d’exercer leurs prérogatives que vient de rappeler M. le rapporteur général.
Je demande donc à M. le rapporteur général de bien vouloir retirer son amendement au profit du dispositif adopté à l’Assemblée nationale. Dans la mesure où nous étions favorables à l’amendement de Laurent Saint-Martin, nous sommes, par définition, disposés à fournir au comité de suivi et au Parlement les éléments d’information qu’il sollicite dans son amendement.
Je tiens toutefois à apporter une nuance à ce que je viens de dire et un complément.
Je ne peux pas totalement vous assurer, monsieur le rapporteur général, qu’il sera possible de vous transmettre de façon mensuelle les informations concernant l’activité de Bpifrance. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour vous les communiquer de manière aussi régulière que possible, mais je me suis laissé dire que son système d’information rendrait peut-être difficile leur transmission dans des délais aussi rapprochés. Quoi qu’il en soit, nous y travaillerons.
Enfin, votre amendement n’aborde pas, en tout cas pas de manière explicite, les effets de la crise sur les collectivités ou sur l’hôpital public – c’est l’objet de deux autres amendements –, mais nous transmettrons bien évidemment aux deux chambres et au comité de suivi prévu par l’Assemblée nationale tous les éléments nécessaires et toutes les informations demandées.
Compte tenu de ces explications, je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je parle également au nom du président de la commission des finances, qui pense, comme vous, monsieur le président, qu’il est nécessaire que nous disposions d’informations de manière fluide.
Nous sommes favorables à un comité de suivi, mais il pose des problèmes, vous le savez très bien, ne serait-ce que pour réunir physiquement des experts et des personnalités qualifiées. Ce dont nous avons besoin dans l’immédiat, c’est de disposer d’informations précises au fil de l’eau, détaillées dans l’amendement. Nous avons besoin d’informations sur la consommation des crédits des programmes, sur le coût pour l’État des dispositifs d’activité partielle, sur le nombre de salariés concernés, de bilans statistiques, en bref sur tous les éléments dus au Parlement et aux commissions des finances.
En votant en urgence ce projet de loi de finances rectificative ce soir, nous souhaitons évidemment apporter à notre pays la réponse la plus réactive possible, compte tenu notamment des difficultés que peuvent présenter l’octroi de crédits et l’indemnisation du chômage partiel. C’est la raison pour laquelle nous nous orientons vers un vote conforme du texte, sans pour autant donner un blanc-seing au Gouvernement. Si le Gouvernement s’engage à nous fournir les informations très précises que nous lui demandons, en fonction de leur disponibilité et selon une périodicité la plus resserrée possible, je suis prêt à retirer mon amendement. Nous pourrons peut-être, monsieur le président, rendre cet engagement plus solennel.
Pour l’heure, nous vous remercions, monsieur le secrétaire d’État, compte tenu du confinement, de nous éviter d’avoir à effectuer, comme le prévoit la loi organique relative aux lois de finances, un contrôle sur pièces et sur place à Bercy, où nous risquerions de trouver des bureaux vides. Nous n’hésiterions toutefois pas à le faire, mais épargnez-le-nous. Donnez-nous les informations, cela permettra au Parlement et aux commissions des finances de jouer pleinement leur rôle et de suivre ces questions de très près.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Engagement est pris de communiquer les données nécessaires.
Je souscris totalement à la disposition adoptée hier à l’Assemblée nationale, à savoir la constitution d’un comité de suivi. Un tel lieu de débat sera utile pendant cette période. Cependant, je n’oublie pas – c’est peut-être l’ancien député qui s’adresse à vous à cet instant – que la primauté de l’information et, surtout, de la compétence en matière de contrôle de l’action du Gouvernement reste due au Parlement.
Au-delà de la conviction que je viens d’exprimer qu’il faut répondre aux interrogations et demandes d’informations qui pourront être formulées par le Sénat et l’Assemblée nationale, comme par leurs commissions des finances respectives, c’est un devoir que de le faire.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Je sens que nous sommes près du but…
Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes bien entendu disponibles pour travailler au sein de ce comité de suivi. Toutefois, la question pour nous est moins de savoir quels seront nos interlocuteurs, quel que soit l’intérêt des échanges qui auront lieu, que d’avoir régulièrement les informations chiffrées nécessaires, de façon à pouvoir apprécier les éléments de tendance. C’est la raison pour laquelle le séquençage de la fourniture de ces informations nous paraît tout à fait essentiel.
Compte tenu de l’engagement public que vous venez de prendre, je pense possible, comme le rapporteur général, de retirer cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d’État, nous vous écrirons donc pour vous demander des informations et, comme vous souscrivez à cette demande, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 9 est retiré.
En tant que président du Sénat, j’écrirai à M. le Premier ministre pour l’informer de l’attention particulière que nous accorderons à cette demande de la commission des finances, qui, ce faisant, est pleinement dans son rôle, et à laquelle j’associe les commissions saisies pour avis. C’est dans l’intérêt du Sénat tout entier.
L’amendement n° 13, présenté par Mme N. Delattre et M. Gabouty, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois après la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité d’instaurer, pour les départements, une capacité d’intervention conditionnelle en cas de catastrophe sanitaire, sur le modèle de la capacité d’intervention en cas de catastrophe naturelle prévue à l’article 71 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Avant de présenter cet amendement, permettez-moi de revenir sur l’amendement de Mme Primas, qui a été présenté par Antoine Lefèvre, et sur votre réponse, madame la secrétaire d’État. Une entreprise en procédure de sauvegarde n’est pas une entreprise condamnée : c’est une entreprise qui a besoin de se restructurer et qui n’est pas en cessation de paiements.
Or, demain, à la suite de cette crise, de nombreuses entreprises risquent de se retrouver dans cette situation. Les exclure d’un dispositif leur permettant de se réorganiser et de se redresser serait particulièrement néfaste pour notre tissu économique.
J’en viens à l’amendement n° 13, qui est un amendement d’appel. Par parallélisme avec la loi Engagement et proximité, qui autorise les départements à intervenir en matière économique dans des conditions limitées et encadrées en cas de catastrophe naturelle, il faudrait sans doute penser à accorder à l’avenir la même dérogation aux départements pour les TPE, les artisans et les entrepreneurs individuels en cas de catastrophe sanitaire.
J’annonce d’emblée que je retirerai cet amendement après avoir entendu les avis de la commission et du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau. Bonne idée !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La question de la capacité d’intervention des départements et de l’État en cas de crise déborde largement le cadre de cet amendement. C’est pourquoi la commission en demande le retrait, mais elle sera satisfaite.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, dont l’objet met clairement en lumière que ce que nous vivons aujourd’hui, et que personne n’avait imaginé ou prévu, nous obligera à repenser les modalités d’intervention de l’action publique et d’une forme de clause de sauvegarde, mais pas dans le cadre de l’examen d’un texte d’urgence. Il faut garder cette idée en tête.
M. Jean-Marc Gabouty. Je retire l’amendement n° 13, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 13 est retiré.
L’amendement n° 27, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le niveau des crédits exceptionnels en direction des collectivités territoriales, notamment vers les communes.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, je propose que l’amendement n° 28 soit d’emblée considéré comme défendu. Il a en effet été déjà remarquablement présenté par ma collègue Laurence Cohen et, dans la discussion générale, j’ai posé la question de l’exigence d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
L’amendement n° 27 est en quelque sorte un amendement d’alerte sur la situation à venir des collectivités territoriales. Nous le savons tous, cette crise financière et cette crise économique vont avoir pour conséquence un élargissement de la demande sociale pour les collectivités territoriales.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, hier, a été à juste titre suspendue la limitation à 1,2 % de l’augmentation des dépenses de fonctionnement des collectivités prévue dans le contrat de Cahors. Il aurait été absurde de la conserver. Vous connaissez la position de mon groupe en la matière : il faudrait le faire pour plusieurs années et pas seulement pour 2020. Il faut laisser aux collectivités territoriales de la liberté et de l’autonomie dans les réponses qu’elles apporteront aux populations.
Un autre aspect doit être envisagé, mes chers collègues, celui de l’impact sur la fiscalité. On en parle rarement pour les collectivités, mais cette situation entraînera mécaniquement pour elles une baisse des DMTO, des rentrées de la TVA et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Cet amendement vise donc à ce que, dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de ce texte – un autre délai peut être envisagé –, soit remis un rapport sur le niveau des crédits exceptionnels destinés aux collectivités territoriales, notamment aux communes. En effet, nos 500 000 élus – ceux qui viennent d’accomplir leur mandat comme ceux qui viennent d’obtenir la légitimité des suffrages – ont été bien secoués au cours de la dernière période, non par les électeurs, mais parfois, pardonnez-moi de le dire, par un certain manque de compétence dans le rapport à la démocratie face à de tels enjeux. Il s’agit peut-être là d’une opinion toute personnelle.
M. Bruno Retailleau. Non, non !
M. Pascal Savoldelli. Si nous voulons les rassurer et recréer de la confiance dans la société, il nous faut envoyer un signe aux collectivités territoriales et à leurs élus, quelle que soit leur sensibilité politique.
M. le président. L’amendement n° 28, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les quinze jours à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en œuvre d’un plan de soutien financier aux hôpitaux pour faire face à la crise sanitaire liée à l’épidémie du virus Covid-19.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le débat sur l’amendement n° 28 a déjà eu lieu. Il faudra certainement revoir l’Ondam ou prévoir un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Nous n’épuiserons pas ce soir la question de l’impact de cette crise sur les collectivités, en particulier sur les communes, qui vont connaître des pertes de recettes et une augmentation de leurs dépenses. Certaines rencontreront des difficultés pour remplir leurs missions de service public. Il en sera de même pour les régions, qui seront soumises à des dépenses supplémentaires, notamment en matière économique, puisqu’elles devront notamment participer au fonds de solidarité. Les départements subiront aussi des pertes de recettes, notamment de DMTO, et des augmentations de dépenses de RSA. L’impact sur les collectivités sera donc considérable.
En revanche, il est selon moi beaucoup trop tôt pour un rapport. C’est d’ailleurs à nous, qui connaissons particulièrement bien les élus locaux, qu’il revient de tirer les conséquences de cette situation, et non au Gouvernement. Il faut malheureusement s’attendre à des effets retard.
Le délai fixé dans l’amendement ne me paraît pas compatible avec cette crise, qui n’a pas encore atteint son paroxysme. Il ne s’agit pas d’évacuer le sujet, mais le tempo ne semble pas le bon : tout cela est prématuré. Nous examinons aujourd’hui un projet de loi de finances rectificative d’extrême urgence, il y aura d’autres véhicules législatifs.
Monsieur le président, à mon tour, je veux souligner à quel point nous avons en ce moment besoin des collectivités, notamment des communes, qui, dans cette situation de confinement, sont particulièrement sollicitées et sur lesquelles l’État a besoin de s’appuyer.
Pour cette raison, la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement demande également le retrait de ces amendements, avec les mêmes arguments que ceux qu’a développés M. le rapporteur général. Sur l’évolution ou la situation financière des collectivités territoriales, je rejoins son analyse : nous avons besoin d’un peu plus de temps.
Si impact il y a sur la CVAE, celui-ci se produira probablement en 2021 ; si impact il y a sur les ressources des collectivités locales, notamment avec la taxe d’habitation, le dispositif de compensation pour les départements par des fractions de TVA voté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020 a le mérite, même si nous en avions débattu longuement, de poser un plancher calculé par la loi, indépendamment de l’évolution de la situation économique cette année.
Enfin, comme je l’ai indiqué à M. Féraud, même s’il ne s’agit là que d’un chiffre global, nous savons que les collectivités territoriales dans leur ensemble disposent aujourd’hui d’une trésorerie de 44 milliards d’euros. Par ailleurs, d’autres éléments de leurs recettes, comme les dotations, sont garantis par la loi de finances pour 2020, contrairement aux entreprises qui voient leur chiffre d’affaires, donc leurs recettes, s’écrouler cette année.
Je ne dis pas qu’il n’y aura pas d’impact et je ne sous-estime pas le fait qu’il sera nécessaire de travailler sur ce sujet, mais l’urgence concernant les collectivités n’est pas du même ordre que celle concernant le secteur économique, auquel s’appliquent les mesures de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu vos réponses sur les impacts de la loi de finances sur les questions de fiscalité. Néanmoins, sur les autres aspects, nous restons préoccupés. Si, selon vous, il est préférable de faire l’examen des conséquences de cette situation pour les collectivités dans un mois et demi ou dans deux mois, plutôt que dans un mois, nous pouvons en débattre. En revanche, il faut un engagement fort. Je rappelle que le dernier engagement qui a été demandé, c’était le contrat de Cahors. Aujourd’hui, nous sommes dans une autre situation.
Pour laisser une trace de notre demande et sans que cela remette en cause vos propos, monsieur le secrétaire d’État, nous maintenons l’amendement n° 27. En revanche, nous retirons l’amendement n° 28 : nous avons eu les échanges qu’il fallait sur cette question sanitaire, qui prime le reste, même si cela ne signifie pas que nous sous-estimons les enjeux de la crise financière et de la crise économique.
Il est bon que le Sénat adresse un signal aux collectivités territoriales, je pense en particulier aux élus communaux de la plus petite ville à la plus grande ville, quand bien même ce seront surtout les plus grandes villes qui connaîtront le tournis résultant de la fixation de la date du second tour…
M. le président. L’amendement n° 28 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 27.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 5 (nouveau)
La caisse centrale de réassurance, agissant avec la garantie de l’État, est habilitée à pratiquer les opérations d’assurance ou de réassurance, intervenant avant le 31 décembre 2020, des risques d’assurance-crédit portant sur des petites et moyennes entreprises et sur des entreprises de taille intermédiaire situées en France ainsi que des engagements pris au titre du g de l’article L. 231-13 du code de la construction et de l’habitation.
Un décret précise les conditions d’exercice de cette garantie.
La garantie de l’État mentionnée au présent article est accordée pour un montant maximal de 10 milliards d’euros. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2020, je donne la parole à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Évidemment, nous ne sommes pas dans un monde idéal. Cette nuit, nous avons adopté deux projets de loi d’urgence en matière sanitaire ; cet après-midi, nous avons examiné un texte d’urgence en matière économique et financière. Il s’agit de parer au plus pressé, d’apporter une sauvegarde aux entreprises à travers le crédit et aux salariés à travers le chômage partiel.
Nos débats n’épuisent toutefois pas toutes les questions. J’ai entendu les engagements du Gouvernement sur un certain nombre de sujets ; nous serons vigilants. J’ai, par ailleurs, entendu les demandes d’un certain nombre de collègues sur des problématiques variées, qui me paraissent très légitimes. Je garde un goût d’inachevé concernant des sujets qui n’ont pas aujourd’hui trouvé de réponse : les entreprises en sauvegarde, les secteurs pour lesquels aucune solution n’a été apportée, l’incitation au travail à travers les heures supplémentaires… Tous ces sujets restent complètement ouverts et nous serons amenés très prochainement – j’ignore quand – à y revenir.
Nous avons le rendez-vous obligatoire du programme de stabilité, le 15 avril prochain. Il est incontournable. Nous serons donc amenés à nous revoir très prochainement et j’espère que nous pourrons apporter des réponses aux questions que nous avons trop brièvement et imparfaitement examinées cet après-midi.
Monsieur le secrétaire d’État, dans un esprit de responsabilité, comme le Sénat a su en faire montre lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, nous avons adopté, dans des conditions il est vrai imparfaites, un certain nombre de mesures d’urgence. Cela ne signifie pas un dessaisissement du Parlement ou un désintérêt pour les autres sujets, sur lesquels nous aurons à revenir très prochainement.
Je remercie tous les collègues qui, dans ces conditions particulières, ont accepté de participer à ce débat et, dans un esprit de responsabilité, de retirer certains de leurs amendements. La situation n’est pas idéale, mais le pays a aujourd’hui besoin d’une réponse d’extrême urgence. Monsieur le secrétaire d’État, nous aurons l’occasion de revenir bientôt sur les sujets qui n’ont pas pu être traités aujourd’hui et d’assurer le suivi des mesures qui viennent d’être votées.
Merci à tous de votre diligence et de votre présence active cet après-midi.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Nous voterons bien sûr ce projet de loi de finances rectificative.
Je formulerai deux observations.
D’une part, personne ne sait aujourd’hui, alors que nous nous apprêtons à voter ce texte, de quoi demain sera fait. Il s’agit d’un premier train de mesures d’urgence visant à préserver notre capacité de rebond et à éviter la destruction d’entreprises et de notre appareil de production, afin que nous puissions rebondir demain.
D’autre part, il ne suffit pas de voter des crédits et de calibrer des mesures – les mesures proposées me semblent d’ailleurs bien ajustées –, il faut ensuite veiller à leur application. L’art de l’application est nécessaire. Comme je l’ai dit, pour le tissu de PME, il est important de prévoir un guichet unique dans chaque département. J’ai proposé que la commission des chefs des services financiers (CCSF) et le comité départemental d’examen des problèmes de financement des entreprises (Codefi) se regroupent, avec la déclinaison du référent pour la médiation du crédit, et la médiation interentreprises pour que les gros ne mangent pas les petits. C’est à l’échelon du département que vous gagnerez la bataille que nous sommes en train d’engager.
En tout cas, vous pouvez compter sur nous et sur notre détermination pour faire en sorte que nous soyons en mesure de relever ce défi.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je n’ai pas encore eu le temps de le dire, mais je m’associe bien évidemment aux remerciements qui ont été adressés à l’ensemble des personnels du Sénat, qui nous accompagnent avec disponibilité, professionnalisme et écoute. Je le dis aujourd’hui, mais les membres de mon groupe et moi-même le pensons 365 jours par an ! Ce n’est pas lié aux circonstances, même si celles-ci sont particulières pour eux comme pour d’autres qui se rendent à leur travail tous les jours dans ce contexte de confinement.
Au cours de la discussion générale, j’ai indiqué que le vote de mon groupe dépendrait des débats qui auraient lieu. Tout le monde a observé la nature de nos amendements et nos votes et j’insiste sur le fait que c’est l’esprit de responsabilité qui a déterminé notre position.
D’aucuns ici pourraient s’arroger l’esprit de responsabilité au détriment d’autres sensibilités politiques.
M. Bruno Retailleau. C’est vrai !
M. Pascal Savoldelli. Nous ne le faisons pas et nous avons raison, car l’une des forces de notre beau pays, c’est sa démocratie et le respect du pluralisme, sans aucune remise en cause de la légitimité de l’un d’entre tous.
Le débat est correct, respectueux, argumenté, même si, sur des amendements ou des articles, nos votes diffèrent. Notre vote final est un vote de responsabilité. Nous n’avons à aucun moment envisagé ce que l’on appelle un vote de blocage, qui, en ces circonstances, aurait pris la forme d’un vote contre. Il y a trop à faire, trop d’obstacles et de contraintes à lever au regard de la situation dans laquelle nous nous sommes.
Nous aurons d’autres rendez-vous – j’ai parlé de récession tout à l’heure : notre groupe a bien conscience que nous ne traversons pas un épisode conjoncturel –, d’autres débats et je ne doute pas de la qualité de nos échanges, y compris avec le Gouvernement, sur des aspects structurels de notre modèle de développement. Il est fortement remis en question, et ce très largement, pas seulement à l’échelle de la société française : comment vit-on ? que produit-on ?
Sur ce texte, nous nous abstiendrons, car nous n’avons pas obtenu les réponses qu’il fallait à un certain nombre de questions. Ce n’est donc pas un refus ni un rejet, encore moins un blocage.
Nous irons chercher les réponses qui font défaut, notamment sur la question des moyens donnés à la santé publique. Je vous le dis franchement, mes chers collègues, et je n’oppose pas nos votes, le compte n’y est pas ! L’hôpital public s’est fait enlever 5 milliards d’euros ; en pleine crise sanitaire et humaine, on ne lui affecte que 2 milliards d’euros. Je veux bien que, pour les sujets qui nous occupent, tout ne soit pas qu’une affaire d’arithmétique, mais tout de même…
On parle de masques pendant des heures. On découvre que de nombreux lits privés pourraient être réquisitionnés bien plus vite en Île-de-France. On n’a pas pu trouver de solutions sur un fonds de solidarité pour les TPE et les PME avec le régime assurantiel. Dans ces conditions, nous nous abstenons.
Nous avons posé la question d’une maigre augmentation de la contribution des plus hauts revenus pour faire œuvre de solidarité. On nous a répondu non : nous ne bloquons pas, mais nous nous abstenons.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Pascal Savoldelli. Enfin, 300 milliards d’euros de garanties de prêts pour les entreprises sont mis sur la table, mais, quand on demande des garanties sur les licenciements, on n’a pas les réponses. Sur la recherche, les privatisations, les nationalisations, c’est pareil.
De nombreuses questions sont restées sans réponse. Par conséquent, nous nous abstiendrons, ce qui est un vote de responsabilité devant la nation française et devant la population.
M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac, pour explication de vote.
M. Thierry Carcenac. Dans la discussion générale, j’ai annoncé que le groupe socialiste et républicain voterait ce projet de loi de finances rectificative. Cela n’empêche pas le contrôle, nous l’avons dit. Ce qu’ont indiqué M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances dans le cadre de ce contrôle, s’agissant notamment des documents et éléments dont il conviendrait que nous disposions, est très important.
Ce texte concerne la dette et les dépenses. Nous n’avons pas abordé le problème des recettes ; nous serons sans doute amenés à y revenir et il nous faudra envisager comment élaborer un plan de relance prochainement. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Le groupe Union Centriste votera naturellement ce projet de loi de finances rectificative. Il le fera dans un esprit de responsabilité, comme chacun d’entre nous a abordé cette discussion. Nous pouvons nous féliciter de la manière intense, rapide, sérieuse et approfondie avec laquelle le Sénat a examiné ces questions. Je remercie chacun des groupes de l’avoir compris et d’y avoir contribué, sans rien masquer des discussions, des sujets qui sont devant nous et des désaccords normaux dans le débat démocratique.
Il s’agissait aujourd’hui de tenter de parer à des situations d’urgence : urgence sociale, urgence sanitaire, urgence aussi pour nos concitoyens à voir le pouvoir politique apporter des réponses avec cet esprit de responsabilité qui caractérise les décideurs publics dans ce genre de situation.
Pour autant, de nombreux sujets restent ouverts. Ce vote n’est pas un chèque en blanc : l’impact financier de la crise actuelle sera considérable, on ne sait pas le mesurer aujourd’hui et de nombreux points devront être traités demain.
Le ministre de l’action et des comptes publics a annoncé un nouveau projet de loi de finances rectificative et le rapporteur général de la commission des finances a indiqué que certaines questions devraient trouver d’autres réponses. Sur la question des heures supplémentaires, un travail avec le Gouvernement sera mis en place à l’avenir. Sur le contrôle, des propositions seront mises en œuvre – le président du Sénat y veillera. La question du financement n’est pas réglée et fait l’objet d’un débat : d’importantes dépenses sont légitimement prévues, il faudra certainement en prévoir d’autres, mais la solidité financière de l’État doit rester notre boussole. Nous devons nous interroger sur l’évolution des taux d’intérêt. Enfin, demain, il nous faudra tirer les leçons de tout cela.
Il s’agissait dans l’immédiat de sauvegarder au maximum le tissu économique et l’emploi et de veiller à ce qu’un certain nombre de filières, notamment celles qui permettent l’approvisionnement du pays, ne s’effondrent pas.
Monsieur le président, je tiens moi aussi à remercier tous ceux qui ont contribué au bon déroulement des débats, nos collègues, mais aussi l’ensemble du personnel du Sénat et des collaborateurs des groupes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Notre groupe votera bien sûr ce projet de loi de finances rectificative. Le Gouvernement répond à l’urgence. Nous savons qu’il y aura d’autres mesures à prendre face à cette crise ; tout n’a pas pu être évoqué aujourd’hui.
Je remercie les services du Sénat et adresse des remerciements particuliers à M. le rapporteur général pour ses réponses et à M. le secrétaire d’État : nos débats ont été de grande qualité et ont permis d’avancer. Je n’ai pas participé à la discussion des articles, non parce qu’elle ne m’intéressait pas, mais parce que je ne souhaitais pas rallonger nos débats.
Nous aurons d’autres occasions de revenir sur les mesures financières à prendre pour faire face à cette crise.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Nous travaillons dans des conditions un peu surréalistes. En venant cet après-midi, je regardais le jardin du Luxembourg, vide malgré ce grand soleil. J’ignore quand il en a été ainsi dans le passé, mais cela remonte sûrement à quelques décennies ; je ne sais pas si quelqu’un s’en souvient.
Je me félicite du vote qui est sur le point d’intervenir ce soir. Il est vrai que, à cette heure, nous n’avons pas le recul nécessaire pour mesurer l’impact réel qu’aura cette crise sur nos entreprises et notre tissu économique. Nous vivons au jour le jour, les choses changent chaque jour, chaque semaine. La réaction du Gouvernement et le travail législatif accompli par l’Assemblée nationale et le Sénat pendant ces deux jours me semblent une bonne réponse aux préoccupations de nos concitoyens.
Certes, tout n’est pas précis, tout n’est pas parfait, mais, globalement, nous envoyons le signe fort que nous prenons les choses en main. Au-delà de la crise sanitaire, il faudra consolider et relancer notre appareil économique, sans quoi on entrerait dans une crise sociale d’une certaine gravité. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
Nos questions n’ont pas toutes trouvé réponse. Pour ma part, je regrette de ne pas avoir eu de réponse à la question de l’équité de la concurrence dans certains secteurs de la distribution, mais je pense que d’autres reviendront sur le sujet.
En tout cas, ce train de mesures me paraît positif et aujourd’hui adapté, mais il méritera sûrement d’être amélioré, amendé et renforcé dans les semaines et les mois à venir.
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour explication de vote.
M. Claude Malhuret. La propagation du coronavirus a bouleversé en quelques semaines la vie du pays. La crise sanitaire conduit à un choc de demande, en raison des contraintes de déplacement, des restrictions d’ouverture des commerces et des capacités de travail des entreprises et à un choc d’offre du fait des défaillances multiples des chaînes d’approvisionnement à court terme, l’impact sur les finances publiques sera particulièrement lourd, avec une baisse des recettes due à la contraction de l’économie, d’une part, et une augmentation des dépenses due aux mesures de soutien exceptionnel, d’autre part.
Le projet de loi de finances rectificative que nous venons d’examiner vise à acter cette dégradation brutale des finances publiques. Il permet au Gouvernement de débloquer les fonds nécessaires au financement des mesures qui seront rapidement déployées, notamment concernant le chômage partiel et la garantie apportée par l’État pour les crédits alloués aux entreprises en difficulté.
Le contexte d’incertitude exceptionnellement élevée rend toute prévision macroéconomique très fragile. Le scénario retenu par le Gouvernement pour ce projet de loi de finances rectificative repose sur deux hypothèses fortes : un confinement limité à quelques semaines et un retour rapide à la normale de la demande française comme étrangère, qui ne sont pas acquis, si bien que la dégradation du cadre macroéconomique pourrait être plus marquée que prévu actuellement. Cette dernière hypothèse devra sans doute être réexaminée dans les semaines qui viennent.
Pour l’heure, nous avons paré au plus pressé. L’examen de ces textes, qui dure depuis hier, montre que le Sénat a été à la hauteur de ses responsabilités. Bien entendu, notre groupe votera ce projet de loi de finances rectificative.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Monsieur le secrétaire d’État, nous venons de vous donner les moyens d’agir. L’art de la guerre, c’est l’art de l’exécution. C’est dans ce cadre que nous pourrons servir, en étant informés régulièrement, mais aussi en vous faisant remonter ce que nous observerons sur le terrain. En effet, vous aurez aussi besoin d’une information très précise sur ce qui va se passer. C’est dans l’exécution que l’on verra la qualité des décisions que nous avons prises.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Avant de procéder au vote sur l’ensemble du projet de loi de finances rectificative, je voudrais, mes chers collègues, vous remercier tous pour le travail accompli. J’adresse des remerciements tous particuliers à M. le président de la commission des finances et à M. le rapporteur général, pour la qualité des échanges qui ont eu lieu en commission. Je remercie également le Gouvernement, ses membres ici présents et ceux qui sont ailleurs, des efforts consentis pour que nous puissions trouver cet accord.
J’insiste évidemment sur les demandes formulées par M. le rapporteur général, que je formaliserai de la manière la plus officielle, parce que le rôle du Parlement est bien sûr de faire la loi, mais aussi de contrôler. Le contrôle est indispensable et, comme le disait le dernier orateur, nous sommes également en mesure de faire remonter les réalités de la vie de nos territoires et de leurs citoyens.
Les élus locaux vivent une période difficile, où l’on contraint certains d’entre eux à poursuivre leur mandat et d’autres à attendre. C’est à ce moment que nous verrons que la trame des 550 000 élus locaux de ce pays est indispensable pour nous permettre de sortir de cette crise en conservant notre cohésion, avec solidarité et responsabilité.
Mes chers collègues, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2020.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 97 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Pour l’adoption | 327 |
Le Sénat a adopté définitivement.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Permettez-moi d’ajouter un mot pour remercier le Sénat, et plus particulièrement sa commission des finances, sous l’autorité de son président et de son rapporteur général, pour avoir admis la nécessité d’adopter rapidement ces mesures d’urgence, sans que cela remette en cause la qualité de ses travaux et de nos échanges d’aujourd’hui.
Je tire trois enseignements de cette expérience.
Le premier, vous l’avez rappelé, monsieur le président, c’est la volonté d’assurer le contrôle parlementaire. Vous avez noté que le Gouvernement y souscrit. J’ai déjà informé le Premier ministre de la démarche que vous avez annoncée, et j’ai la certitude qu’il y souscrit, puisqu’il a lui-même dit vouloir mener ces travaux sous le contrôle et l’évaluation du Parlement.
Le deuxième enseignement tient au fait que nombre d’entre vous ont exprimé la conviction, que nous pouvons partager au vu de la situation, que ces mesures en appelleront peut-être d’autres et qu’un certain nombre de questions n’ont pu trouver de réponses suffisamment précises aujourd’hui, parce que nous étions dans l’urgence, avec la volonté de débloquer immédiatement les moyens nécessaires au maintien en vie – parce que c’est de cela qu’il s’agit – de notre économie et de son financement.
Le troisième enseignement, c’est l’unité. Les débats de cet après-midi montrent que, lorsque nous sommes dans une situation aussi périlleuse, aussi inattendue et aussi dangereuse que celle que nous vivons, la Nation, représentée par son Parlement, sait se rassembler et s’unir. Merci à tous ! (Applaudissements.)
6
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date du 20 mars, le Gouvernement a demandé l’inscription à l’ordre du jour du dimanche 22 mars, matin et, éventuellement, après-midi, de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ou de l’examen en nouvelle lecture de ce texte, qui avaient été initialement inscrits le samedi 21 mars.
La commission mixte paritaire devrait donc se réunir demain, samedi 21 mars – sous toutes réserves, puisque la réunion de la commission, à l’Assemblée nationale, n’est toujours pas terminée.
Acte est donné de cette demande.
7
Organisation des travaux
M. le président. Mes chers collègues, comme nous en avions décidé le principe lors de notre dernière conférence des présidents, il est essentiel que, dans les circonstances particulières où nous nous trouvons placés, la mission de contrôle du Sénat puisse continuer de s’exercer.
C’est pourquoi je vous propose de maintenir le principe d’une séance de questions d’actualité le mercredi à quinze heures, selon des modalités particulières d’organisation qui vous seront rapidement communiquées. Les présidents de groupe ont été consultés et ont donné leur accord de principe ; les modalités pratiques seront définies en lien avec eux.
Ainsi, notre prochaine séance de questions d’actualité aura lieu mercredi 25 mars à quinze heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Je profite de ce moment pour remercier l’ensemble des personnels, des collaborateurs et tous ceux qui nous accompagnent. Je rappelle que l’hémicycle sera soumis à la désinfection la plus complète par une entreprise spécialisée après la fin de cette séance, comme c’est également le cas pour l’ensemble des salles de commission après chaque réunion.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au dimanche 22 mars 2020 :
À dix heures trente et, éventuellement, l’après-midi :
Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ou nouvelle lecture.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures dix.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des finances pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2020 a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Vincent Éblé, Albéric de Montgolfier, Philippe Dominati, Antoine Lefèvre, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac et Julien Bargeton ;
Suppléants : MM. Arnaud Bazin, Philippe Dallier, Alain Joyandet, Vincent Delahaye, Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty et Pascal Savoldelli.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication