Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 et 29.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8
I. – Le chapitre IV du titre Ier du livre Ier de la première partie du code des transports est ainsi modifié :
1° À l’intitulé, les mots : « au droit à l’information » sont remplacés par les mots : « aux droits » ;
2° La section II est complétée par un article L. 1114-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1114-2-1. – Les entreprises, établissements ou parties d’établissement au sein desquels a été déposé un préavis de grève en informent immédiatement les représentants de l’État des départements concernés. Ils les tiennent informés de l’évolution des négociations prévues à l’article L. 2512-2 du code du travail. » ;
2° bis (nouveau) Après le mot « pour », la fin de la première phrase du sixième alinéa de l’article L. 1114-3 est ainsi rédigée : « permettre l’organisation de l’activité aérienne assurée mentionnée à l’article L. 1114-7. » ;
3° Après la section 3, est insérée une section 3 bis ainsi rédigée :
« Section 3 bis
« Garantie de la continuité du service public en cas de grève
« Art. L. 1114-6-1. – Lorsque, en raison d’un mouvement de grève dans une ou plusieurs entreprises ou établissements mentionnés à l’article L. 1114-1, le niveau minimal prévu à l’article L. 6412-6-1 n’a pas pu être assuré pendant une durée de trois jours, le ministre enjoint aux entreprises ou établissements concernés de requérir les personnels nécessaires pour en assurer l’exécution.
« L’entreprise ou l’établissement est tenu de se conformer à l’injonction de l’autorité organisatrice de transports dans un délai de vingt-quatre heures.
« Les personnels requis en application du présent article en sont informés au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure à laquelle ils sont tenus de se trouver à leur poste.
« Est passible d’une sanction disciplinaire le salarié requis en application du présent article qui ne se conforme pas à l’ordre de son employeur. » ;
II. – Après l’article L. 6412-6 du code des transports, il est inséré un article L. 6412-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6412-6-1. – Le ministre chargé de l’aviation civile peut décider, sur proposition de collectivités territoriales ou d’autres personnes publiques intéressées et sous réserve des compétences spécifiques attribuées à certaines d’entre elles, d’imposer des obligations de service public sur des services aériens réguliers dans les conditions définies à l’article 16 du règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008.
« Dans ce cas, le ministre définit d’une part les obligations de service public et d’autre part le niveau minimal de service correspondant à la couverture des besoins essentiels de la population. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 21 est présenté par Mme Rossignol, MM. Jacquin et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 30 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l’amendement n° 21.
M. Olivier Jacquin. Cet article est assez sensible, puisqu’il prévoit d’étendre au transport aérien de passagers les dispositions relatives au service minimal garanti, et, partant, à la réquisition de personnels.
On peut saluer le travail de la commission, qui a bien perçu que l’extension de ces dispositions à l’ensemble des lignes aériennes en France présentait un risque constitutionnel considérable, et qui a réduit leur application aux seules lignes faisant l’objet d’une obligation de service public. Le risque, sans cela, était que cette disposition ne passe à la trappe.
Cet article ne s’applique donc plus qu’à une dizaine de lignes, sur les cent lignes initialement concernées. Franchement, il est réduit à très peu de choses. Nous ne nous attarderons pas sur cette extension des possibilités de réquisition : vous savez ce que nous en pensons.
Nous demandons donc la suppression de l’article 8.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 30.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous demandons également la suppression de cet article, qui prévoit d’étendre les dispositions relatives au service garanti, donc la possibilité de réquisitionner des personnels grévistes, aux lignes de transport aérien placées sous obligations de service public.
Je rappelle que la loi sur le service minimum dans les transports terrestres de voyageurs ne s’applique pas au secteur aérien, et ce pour une raison évidente : la plupart des lignes aériennes ont été libéralisées et n’assurent plus de mission de service public !
Le texte, modifié en commission par un amendement de Mme la rapporteure, a certes circonscrit l’application des dispositions de l’article 8 aux personnels travaillant sur des lignes aériennes soumises à des obligations de service public.
Néanmoins, le même amendement vise à autoriser toutes les entreprises de transport aérien – y compris celles qui ne sont pas soumises à obligations de service public – à utiliser l’obligation de déclaration d’intention de faire grève des salariés de ce secteur pour réorganiser le service.
La loi Diard de 2012 est pourtant très claire sur ce sujet : cette déclaration vise simplement à permettre l’information des passagers dans le cas où leur vol serait annulé. Cette information ne peut être utilisée pour réorganiser le service, comme l’a d’ailleurs précisé la Cour de cassation dans un arrêt du 12 octobre 2017.
Enfin, mes chers collègues, comment ne pas relever votre manque de cohérence politique ? Vous donnez compétence au ministre chargé de l’aviation civile d’imposer, sur proposition des collectivités territoriales, une obligation de service public sur certaines lignes aériennes régulières, et cela uniquement pour appliquer vos dispositions portant atteinte au droit de grève dans les transports. Votre défense du service public est décidément à géométrie variable !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. L’avis sera défavorable, notre objectif étant bien entendu de répondre aux besoins de la population en termes de transport.
L’article concerne les douze lignes pour lesquelles il n’existe pas d’alternative en termes de transport, le risque étant, pour les populations concernées, de ne plus pouvoir sortir du tout de leur ville ou de leur département.
Quant aux déclarations individuelles, elles nous ont été demandées lors des auditions auxquelles nous avons procédé.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 30.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié quater, présenté par MM. Guerriau, Decool, Malhuret, Menonville, A. Marc et Laufoaulu, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Chasseing, Wattebled, Canevet, Longeot, Mizzon et Danesi, Mmes F. Gerbaud et Dumas, M. Saury, Mme Ramond, MM. Bouloux et Joyandet, Mmes Saint-Pé, Sollogoub et Goy-Chavent et M. Mayet, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Remplacer les mots :
n’a pas pu être assuré pendant une durée de trois jours
par les mots :
ne peut pas être assuré
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. La problématique ici étant la même qu’à l’article 3, qui portait sur le délai de carence et sur lequel nous avons obtenu une réponse, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié quater est retiré.
L’amendement n° 14 rectifié, présenté par Mmes Vullien et Guidez, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Remplacer les mots :
le ministre enjoint aux entreprises ou établissements concernés de requérir
par les mots :
le représentant de l’État dans le département requiert
II. – Alinéas 10 et 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Michèle Vullien.
Mme Michèle Vullien. Même motif, même punition : je vais le retirer.
Je profite néanmoins du temps qui m’est imparti pour dire que je m’abstiendrai lors du vote sur l’ensemble de cette proposition de loi, que nous ne pouvons pas voter en l’état, car elle mérite d’être complètement remise à plat.
Je retire donc cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Article additionnel après l’article 8
Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié quater, présenté par MM. Guerriau, Decool, Malhuret, Menonville, A. Marc, Wattebled, Laufoaulu et Lagourgue, Mme Mélot, M. Chasseing, Mme Guidez, MM. Canevet, Longeot, Danesi, Gabouty et Mizzon, Mmes F. Gerbaud et Dumas, M. Saury, Mmes Saint-Pé et Ramond, MM. Bouloux et Joyandet, Mmes Sollogoub et Goy-Chavent et M. Mayet, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 1er de la loi n° 84-1286 du 31 décembre 1984 abrogeant certaines dispositions des lois n° 64-650 du 2 juillet 1964 relative à certains personnels de la navigation aérienne et n° 71-458 du 17 juin 1971 relative à certains personnels de l’aviation civile, et relative à l’exercice du droit de grève dans les services de la navigation aérienne, il est inséré un article 1er bis ainsi rédigé :
« Art. 1er bis. – En cas de grève et pendant toute la durée du mouvement, les personnels des services de la navigation aérienne qui assurent des fonctions de contrôle, d’information de vol et d’alerte et qui concourent directement à l’activité du transport aérien de passagers informent leur chef de service ou la personne désignée par lui de leur intention d’y participer, de renoncer à y participer ou de reprendre leur service, dans les conditions prévues aux trois premiers alinéas de l’article L. 1114-3 du code des transports. En cas de manquement à cette obligation, ces personnels sont passibles d’une sanction disciplinaire dans les conditions prévues à l’article L. 1114-4 du même code.
« Les informations issues des déclarations individuelles des agents ne peuvent être utilisées que pour l’organisation du service durant la grève. Elles sont couvertes par le secret professionnel. Leur utilisation à d’autres fins ou leur communication à toute personne autre que celles désignées par l’employeur comme étant chargées de l’organisation du service est passible des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal. »
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Aujourd’hui, alors que le personnel navigant est tenu de déposer un préavis de grève quarante-huit heures à l’avance, les personnels de contrôle, eux, ne sont soumis à aucune obligation à cet égard. Or les obligations doivent être les mêmes pour les uns et pour les autres.
C’est d’autant plus nécessaire qu’il suffit de quelques grévistes parmi les 4 000 contrôleurs aériens que compte la France pour en arriver à des situations indescriptibles. C’est non pas le contrôle aérien qui est alors touché en tant que tel, mais les compagnies aériennes, qui, elles, n’y sont évidemment pour rien.
Dans près d’un cas sur deux, ces grèves ne sont pas motivées par des revendications des contrôleurs ; il s’agit de grèves par solidarité, pour des motifs qui ne concernent pas leurs propres services.
Ces grèves ont un coût très élevé pour les compagnies aériennes, qui se trouvent déséquilibrées. Il est ainsi arrivé que Hop et Air France enregistrent 10 millions d’euros de pertes en une journée de grève.
Ce n’est pas rien connaissant les difficultés que connaît Air France, qui plus est dans un secteur concurrentiel. Je rappelle que, aujourd’hui, la marge d’Air France est égale à zéro. Pourtant, elle porte le drapeau France. Nous devons être extrêmement vigilants pour ne pas l’affaiblir davantage. Bien au contraire, nous devons faire en sorte qu’elle puisse se trouver dans une situation plus confortable que celle qu’elle a pu connaître dans le passé, eu égard aux grèves qu’elle ne peut anticiper.
Il serait juste d’imposer un préavis de quarante-huit heures aux contrôleurs aériens en cas de grève.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement tend à s’inscrire tout à fait dans l’esprit de la proposition de loi. Il s’agit de mettre en œuvre une meilleure organisation afin de répondre aux besoins et aux attentes des passagers aériens.
La commission a donc émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. Il existe déjà un service minimum pour le contrôle aérien ; il prévoit notamment un dispositif d’astreintes. En outre, une extension du service minimum aurait nécessité une concertation préalable, ce qui n’a pas été le cas.
Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi son avis serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Je regrette la position du Gouvernement, qui connaît pourtant les difficultés dans lesquelles les compagnies aériennes sont placées du fait de la situation actuelle. À mon sens, la « marque France » – je pense notamment à notre principale compagnie aérienne – doit impérativement être défendue.
Rien ne justifie que l’on autorise l’absence de dépôt de préavis sous prétexte qu’il existe déjà des possibilités de réquisition. C’est incompréhensible !
Songeons aux usagers victimes de la situation. Certains sont déjà à l’aéroport, voire dans l’avion quand ils apprennent que leur vol est annulé pour cause de grève des contrôleurs aériens. Humainement, c’est une catastrophe !
Les passagers qui voyagent dans le monde en transitant par la France ne comprennent pas ! Je le rappelle, quelque 33 % des retards d’avions en Europe sont liés aux contrôleurs aériens français, et 67 % des journées de grève en matière de contrôle aérien ont lieu en France. Il faut que cela cesse ; l’image donnée par notre pays est catastrophique !
Je ne comprends vraiment pas la position du Gouvernement. Le sujet ressurgira tôt ou tard.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. À l’instar de Mme la rapporteure, je soutiens totalement l’amendement de notre collègue Joël Guerriau. C’est une question de cohérence et de bon sens : il est incompréhensible que certaines catégories socioprofessionnelles soient hors du droit commun !
Je voterai cet amendement, et je suis certain que nombre de collègues feront de même.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Ce ne sera pas notre cas, monsieur Retailleau ! (Sourires.)
Vous refaites le débat que nous avons eu lors de l’examen de votre proposition de loi sur les contrôleurs aériens. Je le rappelle, le texte a été voté et transmis à l’Assemblée nationale au mois de décembre 2018.
Ne cherchez pas à faire croire que les maux du transport aérien seraient liés aux seuls contrôleurs aériens ; c’est totalement réducteur. Je vous donne un chiffre : la durée moyenne de retard causé par un mouvement de grève des contrôleurs aériens est inférieure à cinquante-cinq secondes par vol. C’est sans doute trop, mais cela ne représente pas 33 % des retards ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Compte tenu de ce que nous avons déjà indiqué sur la présente proposition de loi et sa raison d’être, nous ne voterons pas cet amendement tendant à insérer un article additionnel relatif aux contrôleurs aériens.
M. Joël Guerriau. N’importe quoi !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 8.
Article 9 (nouveau)
L’article L. 1324-6 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un préavis déposé dans les conditions prévues à l’article L. 2512-2 du code du travail devient caduc s’il n’a pas donné lieu à la cessation du travail d’au moins un salarié pendant cinq jours. L’employeur constate la caducité du préavis et en informe la ou les organisations syndicales ayant déposé ce préavis. Les déclarations individuelles mentionnées à l’article L. 1324-7 du présent code transmises postérieurement à ce constat ne peuvent produire d’effet. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 22 est présenté par Mme Rossignol, MM. Jacquin et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 31 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l’amendement n° 22.
M. Olivier Jacquin. Les articles 9 et 10, qui ont été ajoutés en commission, constituent clairement une atteinte au droit de grève.
On peut effectivement s’interroger sur la pratique des préavis par certaines organisations syndicales. Mais ce texte n’est pas le bon véhicule pour le faire. Nous demandons donc la suppression de l’article 9.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 31.
Mme Céline Brulin. Nous proposons également la suppression de l’article 9, qui vise à rendre caducs les préavis de grève de longue, voire de très longue durée, au bout de cinq jours en l’absence de grève effective d’au moins un salarié.
Une telle restriction porte une atteinte manifeste au droit de grève. En plus, cela va, me semble-t-il, à rebours des objectifs que vous invoquez.
En effet, les négociations longues qui peuvent être couvertes par ce type de préavis permettent justement d’apporter des solutions à un certain nombre de problèmes. Et l’argument relatif aux « grèves-surprises » ne me paraît pas recevable : les salariés doivent de toute manière déclarer leur intention de faire grève.
En particulier, ceux qui concourent directement à la production doivent prévenir l’entreprise de transports au moins quarante-huit heures plus tôt… Cela laisse le temps de prévoir un plan de transports adapté aux usagers.
Il serait donc, me semble-t-il, raisonnable de supprimer cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. L’article 9 concerne les grèves qui ne s’arrêtent jamais. Vous n’avez que quarante-huit heures pour rejoindre une grève en cours. Certaines grèves restent ouvertes pendant un an, deux ans, voire une durée illimitée.
Nous proposons que le préavis soit déclaré caduc s’il n’y a aucun gréviste pendant cinq jours. Bien entendu, il est toujours possible d’en déposer un nouveau, sachant que cela implique de reprendre l’alarme sociale et la négociation. Nous n’empêchons pas la grève ; simplement, il est normal qu’elle soit annulée si personne ne la fait.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. C’est un véritable sujet. Plusieurs décisions de justice ont mis en lumière la complexité de cette question au plan juridique. La mission que j’ai annoncée dans mon propos liminaire devra permettre de tirer toutes les conséquences en la matière.
Le Gouvernement émet donc un avis de sagesse.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 31.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10 (nouveau)
Après l’article L. 1324-7 du code des transports, il est inséré un article L. 1324-7-1 ainsi rédigé :
« Art. 1324-7-1. – Lorsque l’exercice du droit de grève en cours de service peut entraîner un risque de désordre manifeste dans l’exécution du service, l’entreprise de transports peut imposer aux salariés ayant déclaré leur intention de participer à la grève dans les conditions prévues à l’article L. 1324-7 d’exercer leur droit dès leur prise de service et jusqu’à son terme. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 23 est présenté par Mme Rossignol, MM. Jacquin et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 32 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l’amendement n° 23.
M. Olivier Jacquin. L’article 10 est nettement plus contestable que l’article 9. J’ai reconnu tout à l’heure que l’on pouvait s’interroger sur d’éventuels abus liés à l’absence de limite au droit de grève. Mais là, vous y allez fort ! Je ne suis pas juriste, mais je ne sais pas ce que dirait le Conseil constitutionnel saisi en cas d’adoption de ce texte…
Le dispositif que vous proposez est grave. Vous voulez conditionner la grève à une durée minimale, pour qu’elle fasse mal aux grévistes et les pénalise fortement. C’est une mesure très dure. De plus, il existe une jurisprudence abondante et plus précise que votre proposition de loi sur les cas où la grève à durée limitée ou la « grève perlée » créent un désordre manifeste.
Au demeurant, l’article 10 concerne les transports soumis à une obligation de service public. Je rappelle que le TGV n’est pas dans ce cas. Votre dispositif s’appliquerait donc aux TER, aux Intercités, aux transports communs urbains, mais pas au TGV ni aux « cars Macron ». Il y a donc des flous importants et des précisions à apporter. Mais l’article porte une forte atteinte au droit de grève.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 32.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous demandons la suppression de l’article 10, qui a été inséré en commission.
Ainsi que M. Jacquin vient de le souligner, cet article permet aux entreprises de transport, à l’instar de ce qui existe désormais pour la fonction publique, d’imposer aux salariés grévistes d’exercer leur droit pendant toute la durée de leur service. Il s’agit ce faisant d’empêcher le recours répété à des grèves de courte durée, qui constitue pourtant l’une des modalités du droit de grève.
Une telle restriction porte une fois de plus une atteinte manifestement disproportionnée au droit de grève.
Aujourd’hui, la réglementation autorise les agents à faire grève sur une période d’une heure ou sur une période de quatre heures, précisément cinquante-neuf minutes pour le premier cas et trois heures cinquante-neuf minutes pour le second. Ces dispositions peuvent s’opérer uniquement à la prise de service de l’agent, et pas en cours de journée de travail.
Cela permet de ne pas trop gêner le service public dans la durée et de ne pas arrêter tout le plan de transports de manière inopinée. L’entreprise est de toute manière avisée dans la même durée de quarante-huit heures, afin d’organiser le service. Le décompte de salaire s’effectuant sur la période en heures de grève réalisées, et non sur une journée de travail complète, cette modalité d’exercice du droit de grève est moins lourde financièrement pour ceux qui y recourent.
En tout état de cause, en rendant l’exercice du droit de grève plus difficile, une telle atteinte à un droit constitutionnellement garanti est inacceptable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Une grève de moins d’une heure désorganise fortement le service, alors que – vous l’avez souligné – la retenue opérée est assez infime. Nous voyons donc bien pourquoi certains détournent la loi.
Sur l’initiative du Sénat, la toute récente loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a permis aux collectivités d’imposer à certains agents, notamment à ceux des services publics de transports exploités en régie, de faire grève du début à la fin de leur service en cas de risque de désordre manifeste.
À mon sens, cela concerne les cas dont nous parlons depuis tout à l’heure. Cette disposition a été validée par le Conseil constitutionnel.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. C’est toujours un avis de sagesse, madame la présidente. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23 et 32.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Le septième alinéa du préambule de la Constitution reconnaît, à tous, le droit fondamental de faire grève. Voilà ce que vous remettez en cause, chers collègues, avec cette proposition de loi ! Elle est d’ailleurs très pernicieuse, puisque vous ne lui donnez pas un intitulé cohérent avec son contenu : la remise en cause complète du droit de grève.
Nous avons une nouvelle fois découvert vos véritables intentions au cours des débats : ne plus permettre aux salariés de se défendre et d’avoir recours au droit de grève.
Vous en rêviez depuis longtemps… Voilà longtemps que l’on stigmatise les cheminots, ces « privilégiés », ces gens « qui font grève et sont payés ». Non ! Comme mes collègues l’ont rappelé, dans ce pays, un salarié qui fait grève n’est pas payé. Au contraire ! Beaucoup ont eu zéro euro sur leur feuille de paie de janvier. Pourtant, ils ont une famille à nourrir, un loyer à payer… Ce ne sont pas évidemment des privilégiés.
Chacun prendra ses responsabilités. Mais, encore une fois, c’est très grave : le droit de grève a été obtenu par la lutte des salariés, et vous le remettez en cause. C’est votre choix. Ce ne sera pas le nôtre !