Mme Laurence Rossignol. C’est la faute du Gouvernement : il n’a qu’à retirer son projet de loi !
M. Bruno Sido. C’est pourquoi je considère que cette proposition de loi est la bienvenue : il s’agit de garantir un minimum de service pour les trains.
Par ailleurs, madame Assassi, vous semblez oublier que, à cause de cette grève, la SNCF, qui n’avait pas besoin de cela, a perdu des centaines de millions d’euros…
M. Franck Menonville. Un milliard d’euros !
M. Bruno Sido. … alors même qu’elle n’est pour rien dans ce mouvement.
Certains y ont gagné, par exemple les autoroutes – moi-même, je suis venu en voiture pendant deux mois, ce qui était fatigant et dangereux, surtout après des séances de nuit – ou BlaBlaCar, mais beaucoup, comme les commerçants ou les industriels, ont perdu de l’argent. Vous rendez-vous compte de cette situation où l’on se fait doubler par les autres, qui plus est – on peut le déplorer, mais c’est ainsi – dans une société mondialisée ? (M. Fabien Gay s’exclame.)
Je me demande si vous mesurez bien la portée d’une grève d’une telle durée : huit jours, passe encore, mais deux mois ! Ne trouvez-vous pas cela excessif ?
Mme Laurence Cohen. C’est pour cela que le Gouvernement doit retirer son projet de loi !
M. Bruno Sido. C’est la raison pour laquelle je voterai ce texte. Sur ce sujet, il faut mettre bon ordre.
Mme Éliane Assassi. Mais quelle est la cause de ces difficultés ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. La discussion a tendance à dévier, mais pourquoi pas, puisque cela revient toujours à parler du droit de grève.
Personne n’a dit ici que les jours de grève étaient des jours de fête et que cela ne posait pas de problème.
Mme Michelle Gréaume. Bien sûr !
Mme Cécile Cukierman. Bien évidemment, la grève a une action pénalisante : elle touche d’abord l’activité économique, puis, en cascade ou par ricochet, les usagers qui ne peuvent accéder à ce mode de transport.
Par ailleurs, nous avons tous en tête un certain nombre de lignes sur lesquelles aucun train n’a circulé pendant la durée du mouvement. Ainsi, sur la ligne Saint-Étienne-Lyon, qui est la ligne la plus fréquentée de France hors de l’Île-de-France, le taux de grève a été maximal. Régulièrement, il n’y avait pas de train, et c’était la galère.
La seule question que pose l’article 3 est la suivante : est-ce ou non aux présidents de régions de régler demain cette question ?
Pour ma part, je ne le crois pas. La mobilisation et l’état de la grève sur la ligne Saint-Étienne-Lyon n’ont rien à voir avec le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, quand bien même j’aurais beaucoup à dire sur sa politique régionale, en bien et en mal.
Or, avec cet article, on lui demande de mettre en place et d’organiser des services minimums différenciés selon les lignes, c’est-à-dire selon le taux de fréquentation, et d’établir en quelque sorte une hiérarchisation des lignes TER au sein d’une même région, alors que, comme tout le monde l’a dit, ce conflit est celui du Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d’État, nous souhaiterions vous entendre ! Si nous en sommes là, c’est surtout à la suite de la décision du Gouvernement de déposer ce projet de réforme des retraites, qui a paralysé le pays et qui va très certainement provoquer d’autres gênes.
Je tiens à répéter les propos de ma collègue. Faisons attention ! À force de s’attaquer au droit de grève, demain, d’autres expressions de colère monteront dans ce pays, ce que personne sur ces travées ne souhaite.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. La grève, qu’est-ce que c’est ? Une cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles en bloquant le pays. C’est exactement par ce type de pressions que, par le passé, les ouvriers ont obtenu différents acquis sociaux. Certains ont même affirmé que les luttes, les grèves et les occupations d’usines auraient permis le progrès social.
Regardez et écoutez le peuple qui est dans la rue aujourd’hui ! C’est un peuple qui se bat, car il souffre. Toutes ces personnes expriment leur mal de vivre, refusent la baisse du pouvoir d’achat. Ils défendent leur travail, demandent des augmentations de salaire, une meilleure retraite. Ils rejettent en bloc les lois qui s’attaquent à leurs acquis sociaux, comme le droit du travail ou le droit à la retraite.
Maintenant, vous voulez même les empêcher de s’exprimer, en encadrant par ce texte un service minimum pour que le pays ne soit plus bloqué. Allez-y, chers collègues, ignorez-les, mais vous porterez la responsabilité du chaos en France !
Ce n’est pas une menace, mais, si la grève ne permet plus au peuple de bloquer le pays pour qu’il fasse entendre ses revendications, d’autres pressions populaires pourraient émerger. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. C’est antirépublicain !
Mme Michelle Gréaume. Lesquelles ? Réfléchissez-y, et vous verrez que notre demande de suppression de ce texte est primordiale !
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Notre débat porte sur le droit de grève. J’ai beaucoup entendu les membres du Gouvernement dire : « Le droit de grève est constitutionnel, mais on n’a pas le droit de bloquer. »
M. Bruno Sido. Oui !
M. Fabien Gay. « Vous pouvez faire grève et manifester, mais plutôt en silence. »
M. Bruno Sido. Non !
M. Fabien Gay. Chers collègues, vous êtes en fait en train de mener un combat idéologique. Vous savez bien que cette proposition de loi sera adoptée ici, mais qu’elle se perdra ensuite dans les méandres du processus législatif.
M. Bruno Sido. Non, non et non !
M. Fabien Gay. Reste que vous êtes en train de marquer des points. Ainsi, la question de l’automatisation des lignes prend de l’ampleur.
En réalité, la grève est faite pour bloquer le travail et arrêter l’économie à un moment donné. C’est un rapport de force. Évidemment, nous savons que les usagers sont pénalisés, mais les premiers touchés, ce sont les salariés. On ne fait pas grève pour se faire plaisir !
Mme Michelle Gréaume. Tout à fait !
M. Fabien Gay. La présidente de notre groupe a indiqué que les cheminots avaient reçu leur fiche de paie du mois de janvier à zéro euro. Eux aussi ont des familles, eux aussi ont des crédits ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRCE.)
Le Gouvernement a demandé à la direction de la SNCF de faire les retenues sur salaire des cheminots sur un seul mois, alors qu’elle aurait pu étaler les jours de grève, pour qu’ils perçoivent une paie. C’est d’une violence sociale inédite !
D’ailleurs, vous n’avez pas répondu à la question : est-il normal que les non grévistes aient une prime quand les autres se retrouvent à zéro euro ?
Évidemment, quand le dialogue social est épuisé, pour les salariés, se mettre en grève et cesser le travail est le dernier recours. (M. Bruno Sido fait un geste de dénégation.) Quand les électriciens se mettent en grève, il n’y a pas de courant. Quand les cheminots et les traminots se mettent en grève, il n’y a pas de transport. Quand les professeurs se mettent en grève, il n’y a pas de cours. C’est ainsi, mais ne croyez pas que c’est par plaisir qu’ils le font.
M. Bruno Sido. Je n’ai pas dit cela !
M. Fabien Gay. Les premiers pénalisés, ce sont eux-mêmes, et ils sont main dans la main avec les usagers.
Votre problème, c’est que, au bout de cinquante jours de grève, les usagers n’ont pas basculé : ils sont restés du côté des grévistes, parce qu’ils savent que, sur la question des retraites, c’est aussi leur avenir qui se joue. De la même façon, cette proposition de loi est minoritaire dans le pays, et vous le savez.
Mme Michelle Gréaume. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. J’entends bien ce qui est dit : le droit de grève est inscrit dans la Constitution, il n’y a pas de sujet. En revanche, la continuité du service public est aussi une absolue nécessité, sinon la notion même de service public est remise en cause.
Vous ne pouvez soutenir qu’il est impossible de privatiser la SNCF ou la RATP parce que ces entreprises ont une mission de service public et une mission de continuité du service public, et admettre l’idée qu’il puisse ne pas y avoir de service public des transports dans le pays pendant des semaines. Cela revient à nier la mission de service public et de continuité du service public de ces entreprises.
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Roger Karoutchi. Il faut donc trouver un équilibre entre le droit de grève, que je respecte, et le fait que tous les usagers de ces services publics dont la continuité est une nécessité absolue puissent se déplacer.
Avoir un service minimum à certains horaires répond à une nécessité, notamment pour les Franciliens et pour ceux que Bruno Retailleau a appelés les « gens d’en bas », qui sont les plus touchés par les grèves quand elles sont menées en continu et se poursuivent sur une longue durée.
En revanche, je ne comprends pas que des sénateurs s’étonnent que les régions deviennent l’autorité organisatrice.
Nous nous sommes battus pour que ce soient les régions qui aient les transports publics. J’ai le souvenir d’avoir été membre du conseil d’administration du syndicat des transports, à une époque où c’était le préfet de la région d’Île-de-France qui décidait où les trains allaient et comment étaient les quais, sans se soucier de ce que pensaient les élus. La région s’est battue pour avoir cette capacité. C’est donc à elle d’assurer. On ne peut pas se battre pour avoir la responsabilité des transports publics, sans avoir ensuite la responsabilité de mettre en place le service minimum.
Oui, il faut un équilibre entre le droit de grève et la continuité du service public. Eh oui, cela dépend entièrement des régions autorités organisatrices ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. J’entends bien que personne ne fait la grève par plaisir et que les grévistes en subissent aussi les conséquences.
Il ne faut toutefois pas oublier ceux qui sont pénalisés et qui ne sont pas grévistes, notamment tous ceux pour qui la grève a des conséquences – des chiffres sont aujourd’hui publiés –, ceux qui ont perdu leur emploi, car l’entreprise pour laquelle ils se sont battus disparaîtra. Ce sont des victimes ! Cette pénalisation est extrêmement lourde pour eux, parce qu’ils ne bénéficient pas du statut de la fonction publique, à savoir un emploi à vie. Ce sont des salariés du privé : lorsqu’ils perdent leur emploi, il ne leur est pas facile d’en trouver un autre. Cette pénalisation est une réalité.
C’est aussi une réalité pour tous ceux qui vont prendre leur véhicule. Vous avez souligné que la grève permettait de faire du vélo ou d’aller travailler à pied.
M. Bruno Sido. Pour les Parisiens !
M. Joël Guerriau. Excusez-moi, mais nous sommes en période hivernale : les journées sont très courtes, le temps est mauvais, et je ne suis pas sûr que ce soit là une solution viable. Il semble que les Français utilisent davantage leur voiture, ce qui entraîne pour eux des frais supplémentaires. Cette grève pénalise donc des gens qui ont des revenus modestes et qui doivent utiliser du carburant, alors qu’ils prenaient auparavant les transports en commun à un prix moindre.
Au regard de tout ce que je viens dire, il est clair qu’il faut trouver un équilibre, afin que les conséquences et les dégâts soient limités pour chacun.
C’est la raison pour laquelle je trouve cette proposition de loi de bon aloi. Il faut bien qu’il y ait un arbitre, et l’idée de se tourner vers le monde des élus, auquel nous appartenons, est excellente. En effet, qui mieux que les élus connaît le terrain et la proximité, c’est-à-dire les régions, les départements ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Ce débat prend une tournure quelque peu étonnante. On croirait que certains aiment la grève et que d’autres ne l’aiment pas. La grève est pénible pour tout le monde. C’est un moyen ultime. Par nature, elle n’est pas agréable.
Madame la rapporteure, je souhaite revenir sur des arguments développés par Laurence Rossignol. Dans votre réponse, vous avez cité les entreprises publiques qui peuvent actuellement réquisitionner du personnel. Ma collègue vous a expliqué qu’avec ce texte des entreprises privées seront amenées à utiliser cette prérogative qui n’appartient pour l’instant qu’à l’État.
C’est sur ces entreprises de transport que l’on va faire peser une obligation de service minimum, assortie de pénalités financières. Nous ne savons pas comment elles pourront faire respecter cette obligation : j’espère qu’elles ne pourront pas faire appel à la force publique, qui reste heureusement encore un pouvoir régalien. De même, nous ne connaissons pas les conséquences précises de ce dispositif pour les salariés.
Ce transfert de charge et de responsabilité politique vers les collectivités territoriales nous inquiète également. Cela posera bien des questions.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez annoncé que vous alliez lancer une mission juridique pour préciser ces éléments. En d’autres termes, vous admettez, en creux, que l’article n’est pas satisfaisant. C’est bien pour cela que nous souhaitons le supprimer !
Par ailleurs, dans votre exposé liminaire, vous avez livré un chiffre, qui est extrêmement intéressant, dans le grave conflit que l’on vient de vivre, notamment à Paris : en moyenne, 33 % des services ont été assurés.
Or ce chiffre correspond à l’objectif initial de cette proposition de loi. Ce texte ne sert donc à rien, puisque la loi de 2007 prévoit déjà ces obligations minimales, avec une méthode beaucoup moins brutale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Cohen. C’est le débat, chers collègues !
Mme Cécile Cukierman. Nous, on ne fait pas grève !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Puisque vous avez déposé un texte, on a le droit de dire ce que l’on en pense ; sinon, il ne fallait pas le déposer ! On prendra le temps qu’il faudra, mais on dira ce que l’on a à dire. D’ailleurs, on a le temps : on n’est pas en grève, et on a des trains… (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)
J’ai entendu des propos qui m’horrifient. Les cheminots remettraient en cause la mission de service public ? Mais la mission de service public est déjà remise en cause, et par le Gouvernement ! Quand tous les jours des TGV sont supprimés, quand tous les jours des TER sont supprimés, quand les élus sont obligés de se mobiliser pour que leur gare ou leur école ne soit pas fermée, n’est-ce pas une remise en cause et une fermeture des services publics ? N’est-ce pas laisser nos territoires complètement déserts, avec des lignes de train qui ferment de-ci de-là ?
Et l’on voudrait nous donner des leçons en nous parlant des salariés qui font grève, notamment des cheminots ? Pour la mission de service public, il faut vous adresser au Gouvernement ! C’est à lui de mettre plus de services publics partout. On n’en serait peut-être pas là s’il agissait en ce sens.
Un autre sujet me met en colère. On affirme ici que des gens auraient été licenciés par leur entreprise parce qu’ils ne seraient pas arrivés à l’heure.
M. Jean-Paul Émorine. Ce sont des licenciements économiques !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Évidemment, la grève ne fait plaisir à personne, Fabien Gay l’a rappelé à juste titre. Quand on est gréviste, à la fin du mois, on se retrouve quelquefois avec zéro euro de salaire ; pourtant, on a une famille.
J’aimerais que l’on m’amène ici la preuve que des salariés sont licenciés aujourd’hui parce qu’ils n’ont pas pu prendre leur train. Je n’en connais pas ! C’est bien de lancer des affirmations, mais il faut des preuves : la preuve du pudding, c’est qu’on le mange. (Sourires.)
Mme Laurence Cohen. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je voudrais que l’on soit précis sur ce que l’on vote. J’ai entendu dire tout à l’heure que le texte ne faisait jamais qu’élargir ce qui existait déjà. En l’état actuel du droit, aucune entreprise privée ne peut procéder à la réquisition des salariés, c’est de jurisprudence constante. Or le service public des transports n’est pas uniquement assuré par des entreprises publiques.
Si l’on en croit d’autres débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle précédemment, il existe une forte volonté des auteurs de cette proposition de loi et de bien d’autres membres de cette assemblée d’ouvrir le service public des transports à un maximum d’entreprises privées et concurrentielles. Cet article est donc une révolution dans le droit de réquisition.
Par ailleurs, je n’ai pas compris la position du secrétaire d’État. Il est très aimable de s’en remettre à notre sagesse, et nous sommes très touchés de sa confiance à notre égard. Pour autant, le Gouvernement est-il pour ou contre l’extension du droit de réquisition dans les entreprises qui assurent les transports ?
Cette question est simple, et l’on ne peut pas y répondre en évoquant des groupes de travail ou des hauts conseils qui réfléchissent sur le sujet. Le Gouvernement doit avoir une position ! Est-il pour ou contre l’extension du droit de réquisition dans les entreprises de transport ?
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Je réponds à la question sur les licenciements.
Malheureusement, certaines entreprises, qui avaient déjà subi des baisses de chiffre d’affaires énormes à la suite de la crise des « gilets jaunes », ont mis la clé sous la porte. S’il vous faut les noms des salariés concernés, parce que vous ne les avez pas, nous pourrons vous les communiquer en dehors de cet hémicycle. Quand nous annonçons quelque chose, il faut nous croire !
Il est vrai que les personnels de la SNCF ou de la RATP reçoivent des bulletins de paie à zéro euro quand ils sont grévistes, mais ils ne perdent pas pour autant leur emploi.
Je l’ai dit plusieurs fois, il faut absolument trouver un équilibre. Ce texte a pour objectif non pas de retirer le droit de grève, mais bien de répondre aux besoins de la population.
J’ai souligné, à l’instar de Bruno Retailleau, qu’il fallait toujours regarder le plus petit, celui qui était le plus en difficulté. Je sais bien que cela vous dérange, parce que vous pensez toujours que ce qui relève du social et de l’humain vous incombe – à nous, le reste. Ce n’est pas cela. (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.) Si, on l’entend toujours ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
D’ailleurs, M. Jacquin a affirmé que nous devrions plutôt nous occuper des personnes handicapées et des personnes âgées. Vous qui êtes membres de la commission des affaires sociales, vous savez très bien que c’est un sujet sur lequel on se retrouve tous et que l’on ne néglige pas.
Mme Cécile Cukierman. Quel rapport avec ce texte ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Demandez à M. Jacquin pourquoi il m’a interpellée à ce sujet !
Vous soutenez que les Français sont avec les grévistes.
M. Fabien Gay. Bien sûr !
M. Bruno Sido. C’est faux !
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Pour ma part, je ne sais pas. Certes, au mois de janvier, je n’ai pas beaucoup entendu parler des grèves, parce que, dans le département rural dont je suis élue, tout le monde prend sa voiture, sauf ceux qui vivent dans les villes et qui prennent habituellement le train pour aller travailler à Paris ; ceux-là sont très gênés. Tout dépend donc de celui à qui l’on s’adresse et des questions que l’on lui pose. Chacun peut donc avoir ses arguments.
Par ce texte, je le répète, nous entendons répondre aux besoins essentiels de la population par un service public continu. Il s’agit non pas d’empêcher de faire grève, mais d’empêcher de faire grève tout le temps et au moment où l’on a besoin des services publics.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 et 26.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 36, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
troisième à sixième phrases
par les mots :
deuxième à dernière phrases du deuxième alinéa
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, visant à corriger une erreur de référence.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 3 rectifié quater est présenté par MM. Guerriau, Decool, Malhuret, Menonville, A. Marc, Chasseing, Laufoaulu et Wattebled, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Canevet, Mayet et Longeot, Mme Dumas, M. Danesi, Mme Sollogoub, MM. Mizzon et Saury, Mmes Ramond et F. Gerbaud, M. Bouloux, Mme Saint-Pé, M. Joyandet et Mme Goy-Chavent.
L’amendement n° 7 est présenté par M. Masson et Mmes Kauffmann et Herzog.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 16
Remplacer les mots :
n’a pas permis, pendant une durée de trois jours consécutifs,
par les mots :
ne permet pas
La parole est à M. Joël Guerriau, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié quater.
M. Joël Guerriau. Pourquoi prévoir un délai de carence, dès lors que le besoin de la population est reconnu comme essentiel et que l’on constate la difficulté à y répondre ? Il nous paraît nécessaire de pouvoir agir immédiatement par la réquisition. Dans la mesure où, grâce au préavis de quarante-huit heures, la grève est connue par avance, on peut mesurer si les besoins essentiels de la population seront satisfaits.
Par ailleurs, cette proposition de loi prévoit que le salarié est informé de sa réquisition vingt-quatre heures à l’avance.
Cet amendement vise donc à supprimer le délai de carence.
Mme la présidente. L’amendement n° 7 n’est pas soutenu, de même que les amendements nos 8 et 9.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. En commission, nous avons eu une discussion à ce sujet. Certains ont demandé la suppression des jours de carence, dans la mesure où existent déjà le délai pour l’alarme sociale, les quarante-huit heures pour se mettre en grève et les vingt-quatre heures pour la réquisition. La commission a souhaité établir une certaine proportionnalité entre le droit de grève, dont nous débattons aujourd’hui, et la réquisition.
Pendant ce délai de trois jours, les usagers arrivent souvent soit à prendre des jours de congé, soit à s’organiser pour ne pas être trop pénalisés. C’est la raison pour laquelle la commission a conservé ce délai de trois jours, même si elle comprend le sens de cet amendement et votre position, monsieur Guerriau.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 3 rectifié ter.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. Le Gouvernement constate que le Conseil d’État s’est fondé à plusieurs reprises et de façon assez constante sur la durée du mouvement pour juger de la validité d’une réquisition et, dès lors, supprimer tout délai qui serait de nature à fragiliser juridiquement le dispositif.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Permettez-moi maintenant de répondre à quelques questions qui ont été posées. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Vous serez frustrés sinon ! (Mêmes mouvements.)
Mme Cécile Cukierman. On a cru que le Gouvernement faisait grève !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. Jamais, madame la sénatrice ! (Sourires.)
Tout d’abord, vous décrivez un paysage social assez monolithique, qui ne ressemble pas à ce que j’ai pu vivre au contact des syndicats.
Vous décrivez des syndicats qui seraient unanimement contre la réforme des retraites. J’ai eu affaire à des syndicats qui, pour partie, pratiquaient ce qu’ils ont qualifié eux-mêmes de « réformisme combatif » : sans être des partenaires, ils ont fait montre d’une exigence dans le dialogue social.
M. Fabien Gay. Nous aussi !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. Ils ont permis d’inscrire des garanties fortes et ont parfois annoncé des trêves dans le mouvement, de manière à avoir le temps de transmettre les différentes modalités qui avaient été négociées.
Par ailleurs, certains syndicats ou plutôt des organisations ont adopté la posture d’un syndicalisme plus politique,…
M. Fabien Gay. Pourquoi politique ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. … et qui ont répondu aux appels des centrales confédérales.
Je vous livre ce que j’ai vécu au ministère. Cela me semble différent du paysage que vous décrivez, qui me paraît un peu trop figé et non conforme à la réalité.
Par ailleurs, vous avez parfaitement raison de dire que le droit de grève, c’est l’exercice du rapport de force. Reste que cela doit se faire dans le respect du droit. Cela n’implique pas, par exemple, un droit de retrait abusif ou des pressions sur des collègues.
M. Fabien Gay. C’est faux !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. Je vous rappelle que des procédures disciplinaires sont en cours, qui sont particulièrement graves.
Cela n’implique pas non plus l’atteinte à l’outil de production.
M. Fabien Gay. De la part des salariés ? Jamais ils ne portent atteinte à leur outil de production !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. C’est pleinement le rapport de force dans le cadre de la loi.
J’en viens aux primes, monsieur Gay, puisque vous avez évoqué le sujet. Sur cette question, j’ai pris position.
M. Fabien Gay. Donc, vous assumez !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. Ces primes sont des décisions de gestion prises par les cadres ou de proximité, en cas de surcroît de travail temporaire. Elles s’appliquent à des agents qui sont sur place, qui travaillent, qui ont à faire face à des situations difficiles. Ils ont été gratifiés à l’occasion de ce mouvement de grève, comme ils le sont par exemple en cas de gestion d’intempéries, d’incident ou d’accident grave.
M. Fabien Gay. Cela n’a rien à voir !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. Ce sont des mesures de gestion classique, qui ne sont ni générales ni absolues et qui correspondent à des nécessités de service. Je précise d’ailleurs qu’elles ne sont pas coordonnées avec le Gouvernement, mais qu’elles relèvent pleinement de la gestion classique.
M. Fabien Gay. Donc, vous assumez !