M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Cette réalité est donc bien connue des parlementaires que vous êtes. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.

Mme Laurence Harribey. Très sincèrement, quel gâchis !

Nous sommes pourtant dans une période propice pour réformer sur le fond, puisque le système est quasiment sécurisé jusqu’en 2030. Il permet de poser des questions de fond incontournables : augmentation de l’espérance de vie et du nombre des seniors, lacunes de notre système face aux mutations économiques et sociologiques, problèmes des femmes, carrières hachées, inégalités d’espérance de vie, pénibilité, nécessaire recherche de nouveaux modes de financement…

Ce projet n’est pas un projet de retraite universel. C’est simplement un système universel par points. C’est un projet qui ne répond pas aux inégalités. Pis, il peut les aggraver !

En bref, à l’insécurité juridique s’ajoute, aujourd’hui, l’insécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur des travées du groupe CRCE.)

situation des pêcheurs à la suite du brexit

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, 30 % de la pêche française, 50 % des captures bretonnes et trois poissons sur quatre levés par les pêcheries des Hauts-de-France proviennent des eaux britanniques.

Madame la secrétaire d’État, ces chiffres sont connus et inquiètent, à deux jours du Brexit.

La rencontre de la semaine dernière entre le président de la région Bretagne et le commissaire en charge de ces sujets en est une preuve, tout comme les alertes des pêcheurs de toute la façade maritime de Dunkerque à Brest.

La pêche représente moins de 0,1 % du PIB du Royaume-Uni. Pourtant, le contrôle des eaux de pêche et leur ouverture furent l’un des points de crispation des discussions outre-Manche avant le référendum.

Le poids politique est donc sans commune mesure. Boris Johnson l’a bien compris. La pêche sera ainsi un axe phare des négociations houleuses du Brexit.

Les interrogations sont nombreuses, dans le Nord comme ailleurs. Elles portent sur l’accès aux eaux britanniques après décembre 2020, mais aussi sur la concurrence induite par la possible réorientation des flux de pêcheurs européens vers notre espace maritime.

Les États membres vont prochainement donner mandat à la Commission européenne pour négocier la relation future avec le Royaume-Uni. Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous assurer que la filière pêche ne se retrouvera pas emprisonnée dans un statut de variable d’ajustement face à un accord économique plus complet ?

Pouvez-vous également nous éclairer sur les mesures relatives au secteur de la pêche que la France et l’Union européenne ont prévues pour faire face à une éventuelle absence d’accord, finalement toujours d’actualité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des affaires européennes.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, les Britanniques quittent l’Union européenne dans deux jours, mais les pêcheurs, eux, ne quitteront pas les eaux britanniques. Comme vous l’avez rappelé, ils auront accès à ces eaux au moins jusqu’au 31 décembre 2020. Les Britanniques continueront d’appliquer pleinement les règles de la politique commune de la pêche jusqu’à cette date.

Toutefois, et vous l’avez très bien souligné, nous devons préparer l’avenir pour garantir, de Dunkerque à Brest, à l’ensemble de la filière – des transporteurs à la transformation – qu’elle pourra poursuivre son activité.

Que ce soit avec Michel Barnier ou, ce matin même, lors du conseil des ministres, autour du Président de la République, avec Jean-Yves Le Drian, ou encore, bien évidemment, avec Didier Guillaume, dans le cadre des négociations qu’il mène pour la filière, nous faisons de la pêche un enjeu central, un enjeu majeur. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est même un enjeu de vigilance absolue : je le dis clairement, un volet sur la pêche doit figurer dans l’accord. Nous ne tolérerons aucune décision unilatérale.

La pêche est effectivement le secteur le plus touché, le plus visible, le plus emblématique et nous en faisons une ligne rouge absolue. Nous devons préserver l’accès de nos pêcheurs aux eaux britanniques. Nous devons également nous assurer d’une clé de répartition avec des quotas pour protéger la ressource. Nous devons prévoir des modalités pluriannuelles de gestion des stocks et établir des conditions de concurrence équitables.

Cela vaut également pour les agriculteurs, car nous ne saurions tolérer que des produits ne respectant pas nos normes arrivent dans nos assiettes. De la convergence des normes dépendra notre ouverture commerciale.

Nous avons onze mois devant nous, comme nous le rappellent les Britanniques. Pour autant, nous ne signerons pas un mauvais accord sous la pression du calendrier. Nous donnerons toujours la primauté au fond, au contenu, à l’équilibre, à la loyauté.

Vous m’interrogez également sur ce que nous avons prévu pour faire face aux contingences. Les mesures étaient prises pour le cas où il n’y aurait pas eu d’accord le 31 janvier. Des fonds seront disponibles en cas de cessations d’activité. Ce n’est pas notre scénario et je préfère, dans les mois qui viennent, travailler avec vous pour que l’unité des Vingt-Sept soit absolue et que les acteurs locaux soient mobilisés à nos côtés. Dès la semaine prochaine, avec Sibeth Ndiaye, je serai en Normandie, à Port-en-Bessin, pour construire notre stratégie avec les pêcheurs. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants.)

réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Vaspart. Monsieur le Premier ministre, le général de Gaulle aurait sûrement qualifié la période que nous traversons depuis novembre 2018 de « chienlit » : « gilets jaunes » depuis quatorze mois, violences perpétrées chaque semaine, plus de cinquante-six jours de grève – du jamais vu ! –, blocage des trains, des métros et des bus, des infirmiers et des médecins qui menacent de démissionner, colère des enseignants, des policiers et des pompiers, les avocats qui mettent leur robe à terre, ports bloqués, manifestations syndicales à répétition, entreprises en difficulté, une économie lourdement touchée, des commerçants qui n’en peuvent plus, ajoutez à cela une réforme des retraites conduite avec un incroyable amateurisme qui a suscité de grandes inquiétudes chez nos concitoyens…

Face à ces inquiétudes, votre majorité a fait preuve d’une grande arrogance et d’une cacophonie anxiogène. Le résultat est là depuis quatorze mois : la chienlit est installée et les Français ont perdu confiance.

Monsieur le Premier ministre, quand et comment comptez-vous ramener la confiance et la sérénité dans notre pays qui en a tant besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Le tableau que vous dressez de notre pays, monsieur le sénateur, est bien sombre et peut-être incomplet. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je ne dis pas que les tensions sociales sont inexistantes, tant s’en faut, mais vous auriez pu, afin de dresser un tableau plus équilibré, mentionner les bonnes nouvelles que j’évoquais voilà quelques instants (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et qui sont incontestables : certes, comme vous le soulignez, notre économie est impactée, mais elle croît à un rythme supérieur à celui de la zone euro, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps ; le chômage est au plus bas niveau depuis douze ans – c’est une bonne nouvelle – ; les créations d’emplois en CDI augmentent également, ce qui montre que nous n’avons pas eu recours à une des voies de garage souvent utilisées ces dernières années pour faire artificiellement diminuer le chômage – c’est encore une bonne nouvelle.

Vous auriez aussi pu souligner que nous nous sommes engagés dans des transformations dont j’ai parfaitement conscience qu’elles suscitent des réactions, des questionnements, des angoisses, parfois des oppositions très fortes, mais auxquelles il était nécessaire de se « coller » – pardon d’employer ce terme quelque peu trivial – depuis très longtemps.

Lorsque nous essayons d’améliorer l’orientation vers l’enseignement supérieur, laquelle n’a pas été à la hauteur des enjeux, nous savons que nous allons nous heurter à des oppositions, mais nous le faisons et nous avons raison.

Lorsque nous supprimons le recrutement sous statut au sein de la SNCF, ce que personne n’avait fait, nous savons que nous allons susciter oppositions et questionnements, mais nous assumons notre décision et nous avançons.

M. Sébastien Meurant. Ça ne se voit pas encore !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous assumons cette part de l’action publique, cette part de respect des engagements que nous avons pris. Je l’assume à titre personnel et j’en suis assez fier.

Vous avez raison, monsieur le sénateur, notre pays vit un moment de tension très dure. Comment l’apaiser ? Il serait facile de céder à cette tentation française de l’immobilisme, laquelle n’est pas l’apanage d’un parti politique, mais qui est générale dans notre pays, et de ne plus rien faire. Mais je ne crois pas que cette tentation soit utile à notre pays. Au contraire, je la crois dangereuse.

Nous devons faire un effort considérable en termes de responsabilité individuelle. On ne peut accepter les violences, les menaces à l’encontre des élus ou des intellectuels parce qu’on n’est pas d’accord avec eux ou parce qu’on se croit dépositaire d’une autorité qui permettrait, par la force, de revenir sur des positions prises dans un cadre politique. Je sais bien, monsieur le sénateur, que vous n’y encouragez personne, et je ne vous en fais aucunement grief, mais vous savez, comme moi, que ces agissements ne sont pas toujours dénoncés avec la force nécessaire. Certains cherchent à les excuser, d’autres à les comprendre, mais ils ne sont pas acceptables. Il faut le dire.

De la même façon, nous avons essayé de prendre en compte un certain nombre d’orientations formulées à la fois par les organisations syndicales dites « réformistes » – j’utilise ce terme parce qu’il est convenu – et des organisations patronales. Nous avons mis autour de la table ces organisations pour améliorer notre texte et mieux prendre en compte la pénibilité, les fins de carrière, les départs progressifs, le minimum contributif… Là encore, j’assume la volonté de compromis et d’apaisement.

M. David Assouline. Pas avec le Parlement !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Notre responsabilité collective est de démontrer que le débat public, ici, au Sénat, comme à l’Assemblée nationale, permet d’avancer. J’y suis extrêmement attaché, tout comme vous, et j’ai hâte, monsieur le sénateur, que le débat parlementaire puisse commencer. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants et UC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour la réplique.

M. Michel Vaspart. Je vous ai entendu, monsieur le Premier ministre, mais encore faut-il que les réformes proposées soient justes et comprises par la population. Ce n’est pas le cas aujourd’hui : 61 % des Français rejettent le texte.

Pis, le Conseil d’État souligne dans son rapport, et c’est du jamais vu, les projections financières lacunaires et l’étude d’impact insuffisante. Le Conseil n’est pas en mesure de réaliser sa mission avec sérénité : 29 ordonnances entraînent une perte de visibilité de l’ensemble du texte. Les objectifs sont dépourvus de valeur normative.

Monsieur le Premier ministre, ne me dites pas que votre texte est bien ficelé. Je pense qu’il faut le revoir. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, SOCR et CRCE.)

affaire mila

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, alors que le Président de la République a récemment évoqué les problèmes que posent le communautarisme et le séparatisme islamistes, sans indiquer comment il compte les combattre, une adolescente de 16 ans fait face, quasiment seule, à une vague de haine et de violence sans précédent et n’est plus scolarisée.

En effet, pour le seul crime d’avoir critiqué une religion, l’islam, après avoir été harcelée sur les réseaux sociaux, la jeune Mila est aujourd’hui victime de ce qui peut être comparé à une fatwa, confortée par la prise de position honteuse et inadmissible du délégué général du CFCM, le Conseil français du culte musulman.

La violence qui s’exprime contre Mila nous rappelle en effet les fatwas lancées contre Salman Rushdie, contre Charlie Hebdo et contre tous ceux qui, au nom de la liberté, ont critiqué l’islam.

Entre les insultes homophobes et les menaces de mort, Mila est devenue en quelques jours le symbole de la volonté des islamistes d’anéantir notre liberté d’opinion et d’expression et de réinstaurer le délit de blasphème en France.

Il n’y a pas de racisme dans le fait de critiquer une religion, quelle qu’elle soit. L’islam, comme toutes les autres religions, doit se soumettre à la critique, à l’humour et aux lois de la République.

Monsieur le Premier ministre, en voulant s’appuyer sur l’AMIF, l’Association musulmane pour l’islam de France, dans laquelle les Frères musulmans sont très présents, eux qui remettent systématiquement en cause notre liberté de conscience et d’expression, le Président de la République parviendra-t-il à imposer à certains musulmans qui ne veulent pas l’entendre notre droit de critiquer toutes les religions ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC – M. Éric Jeansannetas applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Christophe Castaner, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice, vous avez raison d’évoquer cette situation humainement dramatique, au-delà de l’analyse politique que nous devons faire de ce sujet.

Nous pensons à cette jeune femme, Mila, qui a émis une opinion sur les réseaux sociaux et qui fait face à un déferlement de haine à son encontre. Comme vous le savez, deux enquêtes ont été ouvertes sous l’autorité du parquet de Vienne : l’une pour les menaces de mort que Mila a reçues, l’autre pour provocation à la haine raciale. (Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)

Mme Laurence Rossignol. Pourquoi ? L’islam n’est pas une race !

M. Christophe Castaner, ministre. Nous laisserons bien évidemment la justice instruire ces deux dossiers. Mais je peux vous garantir, et nous le démontrerons à travers nos actions, au quotidien, qu’il n’existe pas et qu’il n’existera jamais, dans ce pays, sous l’autorité de ce gouvernement, de délit de blasphème. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

La liberté d’expression, dans notre pays, permet à chacune et à chacun de critiquer une religion. La jeune Mila peut parfaitement le faire. Il est inacceptable, insupportable même, que certains, au nom de l’institution qu’ils représentent, aient pu laisser penser que cela était interdit.

Nous devons, pied à pied, lutter contre ces situations, mais nous ne devons pas non plus négliger la protection que nous devons à toutes les religions, tout en refusant les appels à la haine en leur nom. Nous agissons pour préserver cet équilibre en menant le combat contre le communautarisme, contre le repli sur soi ou contre l’islamisme – et je nomme les choses.

Nous devons nous donner les moyens de protéger les plus jeunes, qui utilisent les réseaux sociaux et qui se laissent aussi emporter par une guerre fratricide. On ne saurait refuser la critique d’une religion en invoquant une pseudo-dénonciation de l’islamophobie. C’est consubstantiel à ce que nous sommes, à cette liberté d’expression que je défendrai toujours. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le ministre, dans une France plus fracturée que jamais, dans un climat d’inquiétude et de peur, les propos de Mme la garde des sceaux ce matin, à la radio, ne font que conforter mes doutes et mes interrogations.

Non, madame Belloubet, injurier et critiquer une religion n’est pas une atteinte à la liberté de conscience. Comme nous l’avons fait voilà cinq ans pour Charlie, nous devrions être des millions, au nom de cette liberté, à nous lever pour Mila. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et CRCE.)

surtaxe américaine sur les vins français

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Jérôme Durain. Ma question s’adressait initialement à M. le ministre de l’agriculture. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il est à Biarritz !

M. Jérôme Durain. En octobre dernier, dans le cadre d’un conflit commercial les opposant à l’Union européenne dans le secteur de l’aéronautique, les États-Unis de Donald Trump ont décidé d’augmenter les taxes à l’importation sur une liste de produits européens. Parmi eux, une fierté nationale et le deuxième contributeur aux exportations du pays : le vin.

J’englobe bien évidemment dans ce secteur les productions de Bourgogne, où l’on a fêté la Saint-Vincent ce week-end, mais c’est bien l’ensemble de la production nationale qui est concerné : les vins de Bordeaux, de l’Hérault, de Champagne, les vins de Gascogne, le chablis, les vins de la Drôme et même l’irouléguy, une AOC très appréciée à Biarritz ! (Sourires sur les travées du groupe SOCR.)

Ces produits souffrent d’une surtaxation de 25 % depuis octobre dernier sur le marché américain. La filière craint les effets de cette guerre commerciale sur le long terme. Elle s’interroge sur la durée du maintien de cette surtaxe. Et nous savons tous qu’une part de marché perdue met des années à être regagnée.

On nous dit que le climat commercial avec M. Trump pourrait changer en raison de décisions de justice à venir dans le secteur de l’aéronautique. On nous annonce aussi une paix des braves sur le front des GAFA. Mais la viticulture française attend des réponses concrètes et rapides. Elle demande la constitution d’un fonds de 300 millions d’euros.

En octobre dernier, le ministre de l’agriculture annonçait avoir demandé à l’Union européenne « de prendre des mesures d’accompagnement pour faire face à cette situation exceptionnelle ». Le Gouvernement pourrait-il nous indiquer ce que le ministre a obtenu avant de tourner son attention vers les Pyrénées-Atlantiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur des travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous n’aurez que la réponse d’un ancien ministre de l’agriculture,… (Ah ! sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Et de droite !

M. Bruno Le Maire, ministre. … mais j’espère qu’elle vous conviendra.

Je veux tout d’abord vous remercier de soutenir la viticulture française. Vous avez raison de souligner la condamnation de l’Europe, dans le cadre du conflit Boeing-Airbus, à verser une amende de 7,7 milliards d’euros aux États-Unis. Cette décision a été rendue dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à l’automne dernier.

Le match retour aura lieu en juin prochain, toujours à l’OMC, pour les aides américaines à Boeing. Une fois que nous pourrons à notre tour imposer légalement des taxes aux États-Unis, nous espérons pouvoir trouver un accord, dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce dont nous ne contestons pas les décisions.

Cette taxe supplémentaire de 25 % concerne des vins de milieu de gamme, entre 15 dollars et 25 dollars environ, ce qui pénalise beaucoup la viticulture française. Nous avons fait appel à l’Union européenne qui a débloqué des moyens, notamment pour la promotion, et nous travaillons avec elle et avec la filière viticole pour déterminer quels moyens supplémentaires lui apporter.

À Davos, mon homologue américain et moi-même avons trouvé un accord sur la taxation du digital : nous avons accepté de reporter le versement de l’acompte d’avril à décembre – la taxe GAFA reste en vigueur, elle n’est ni suspendue ni retirée. Cet accord a permis d’éviter une taxation à 100 % des vins français qui aurait représenté 2,4 milliards d’euros supplémentaires.

La viticulture française peut compter sur notre soutien total, celui du Premier ministre et de l’ensemble du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.

M. Jérôme Durain. Les 25 % sont là : déjà 300 millions d’euros de pertes, des marchés qui se ferment… Les viticulteurs restent dans l’incertitude. L’ensemble de la filière attend des réponses claires et directes.

Il est regrettable de ne pas avoir pu entendre le ministre de l’agriculture nous répondre très concrètement. La promotion, c’est pour après ; aujourd’hui, les tarifs sont appliqués.

Je sais que les municipales sont importantes, mais le pays a besoin de ministres concentrés sur leur tâche ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

sécurité

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le bilan de la délinquance en 2019 est mauvais : tous les indicateurs publiés discrètement par le ministère de l’intérieur sont au rouge. Il est loin le temps où le ministre présentait les résultats de son action devant la presse !

À la lecture des chiffres, on comprend cette humilité nouvelle : comme en 2018, les coups et blessures volontaires ont enregistré une forte hausse ; les violences sexuelles explosent – après une année 2018 catastrophique, elles augmentent encore de 12 % ; le nombre d’homicides a crû de 8,5 %, les vols sans violence de 3 % et les escroqueries de 11 %.

La police de sécurité du quotidien n’a pas inversé la tendance. Dans mon département, voilà deux ans, le ministre de l’intérieur était venu installer la police de sécurité du quotidien dans le quartier de Planoise, à Besançon. Nous allions voir ce que nous allions voir, le Gouvernement avait trouvé la solution, nous disait-on.

Ce que nous avons vu, avec un commissariat ouvert à dix heures et fermé à dix-sept heures, ce sont des tirs de balles journaliers, huit blessés à ce jour, une fourrière incendiée avec plus de 160 véhicules, une grande surface hors d’état… La réponse pénale est si faible qu’elle assume une forme d’impunité désespérant trop souvent les forces de police.

Pensez-vous, monsieur le Premier ministre que la politique annoncée et assumée par la garde des sceaux qui consiste à réduire le recours à l’incarcération soit une réponse adéquate ? Jusqu’où votre politique en matière de sécurité va-t-elle nous emmener ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Christophe Castaner, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur, on peut tout faire dire aux chiffres. Il faut les regarder dans la tendance.

Toutefois, vous avez raison : les indicateurs sont en partie mauvais et je l’assume parfaitement. C’est le résultat d’une société qui connaît des désordres et des violences, notamment en matière d’atteintes aux personnes qui ne cessent de progresser, année après année, depuis plus de dix ans.

À l’inverse, vous auriez pu mentionner les progrès concernant la délinquance du quotidien : les vols de véhicules et les cambriolages sont en baisse significative depuis trois ans. C’est important, même si ce n’est pas suffisant.

Nous devons mener un combat inlassable sur ces sujets. C’est la raison pour laquelle nous avons engagé un programme de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires. C’est la raison pour laquelle, dans 47 quartiers de reconquête républicaine (QRR), nous mettons en place des moyens spécifiques. C’est la raison pour laquelle, parce qu’il faut avoir confiance dans notre police, mais aussi parce qu’il faut lui donner les moyens d’agir, j’ai engagé un programme de paiement des heures supplémentaires dont certaines remontent à 2005. C’est aussi la raison pour laquelle nous expérimentons de nouveaux cycles d’horaires de travail, pour plus de présence sur le terrain.

Monsieur le sénateur, l’installation du QRR de la Planoise ne date pas d’il y a deux ans. C’est moi qui l’ai installé, avec seize policiers supplémentaires mobilisés sur le terrain. Ce dispositif porte ses fruits, notamment en matière de démantèlement de trafics de drogues, ce qui provoque aussi, comme vous l’avez souligné, une réaction des trafiquants et une violence supplémentaire, une violence insupportable.

Laurent Nunez se rendra vendredi matin dans le quartier de la Planoise pour travailler avec l’ensemble des acteurs, et notamment avec vous. Nous menons ce combat de manière déterminée pour faire en sorte que chaque mètre carré de la Planoise, de Besançon et de l’ensemble du territoire national soit mieux sécurisé. C’est ce que nous devons à l’ensemble des Français, c’est ce que nous devons aussi aux habitants de la Planoise. C’est le sens d’un budget, monsieur le sénateur, qui a augmenté de plus de 1 milliard d’euros depuis 2017 pour la sécurité des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour la réplique.

M. Jacques Grosperrin. Monsieur le ministre, on ne dit pas « la » Planoise, mais Planoise…

Je vous entends souvent utiliser l’expression « reconquête républicaine ». Toutefois, au regard des statistiques catastrophiques de 2019 qui quantifient objectivement vos tristes résultats en matière de sécurité et des malaises croissants des forces de l’ordre, une remise en cause des choix opérés depuis le début du quinquennat est non seulement une impérieuse nécessité, mais surtout une urgence absolue pour l’autorité de l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

conséquences de la grève des avocats sur le système judiciaire