M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis un mois, les régions peuvent organiser des appels d’offres pour l’exploitation de lignes de trains express régionaux.
Cette ouverture progressive à la concurrence des lignes de TER, instituée par le pacte ferroviaire, a été saluée par le rapport thématique de la Cour des comptes, publié en octobre dernier. Celui-ci définit cette évolution comme un facteur essentiel de réussite du TER.
La réussite des TER est fondamentale, car elle conditionne le maillage, la vitalité et la cohésion des territoires auxquels ce type de mobilité a vocation à concourir.
Ce point est justement au cœur de l’action du Gouvernement, dans les choix qu’il a faits. Rappelons qu’il avait écarté, dans le cadre du pacte ferroviaire, la préconisation du rapport Spinetta relative à la fermeture de lignes peu fréquentées. Je mesure bien ce que veut dire le maintien d’une ligne dans un territoire pour ses étudiants, ses lycéens, ses salariés ou encore ses touristes pour rejoindre des lignes centres.
Il me plaît de souligner votre engagement pour la ligne Grenoble-Veynes et l’engagement de l’État lors du tour de table financier pour assurer la régénérescence de cette ligne. Monsieur le secrétaire d’État, je vous en remercie.
La Cour des comptes le reconnaît elle-même dans son rapport : une suppression n’est pas la seule solution. Il préconise à ce titre que soit réalisée une analyse sociale, économique et objective des lignes peu fréquentées, pour permettre aux régions de choisir entre plusieurs options sur leur devenir. En effet, la fréquentation ou la rentabilité ne peut être l’unique critère du maintien ou du non-maintien d’une desserte ferroviaire quand celle-ci est indispensable à la vie d’un territoire. C’est d’ailleurs là la raison même d’être d’un service public.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez accueilli plutôt favorablement cette recommandation. Si l’arbitrage sur l’offre des services TER revient à la région, comment le Gouvernement entend-il éclairer, notamment par l’expertise technique des services de l’État, cette prise de décision, afin qu’elle ne freine pas la réduction de la fracture territoriale ?
Aussi, dans quelle mesure estimez-vous que l’ouverture à la concurrence généralisée en 2023 dans les TER aura un impact sur le maintien ou non des lignes peu fréquentées ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur, je soulignerai rapidement trois points.
Vous avez évoqué la question de la rentabilité. Je le redis ici : on ne peut parler de rentabilité des lignes de desserte fine du territoire, étant donné qu’elles sont en déficit structurel. C’est bien le service public, ce qui est normal et nécessaire, qui remplit ici sa tâche, en lien avec les autorités organisatrices de la mobilité que sont les régions, ce qui répond à l’exigence démocratique mise en avant par M. Jacquin,…
M. Olivier Jacquin. Je vous parlais du Parlement !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. … puisque ce sont bien les régions qui sont aujourd’hui chargées, au nom des populations, d’organiser de tels transports.
L’ouverture à la concurrence est un moyen, et elle a bien souvent été réclamée par ces mêmes régions. Pour qu’elle soit effective et se déroule dans des conditions sereines, elle requiert des conditions préalables.
Tout d’abord, il faut un réseau qui soit en bon état, ou tout du moins en meilleur état. Cela renvoie aux discussions que nous avons eues précédemment.
Ensuite, l’accès à ce réseau doit être équitable et non discriminatoire. C’est l’objet de l’ensemble des textes qui ont été votés récemment, notamment ceux que j’ai évoqués dans mon propos liminaire sur la transmission des données, de manière que les entreprises ferroviaires, les régions et l’ensemble des parties prenantes puissent avoir accès aux informations nécessaires afin de concevoir les offres qui, plus tard, feront l’objet d’une convention de service public avec les régions.
Enfin, je vous remercie de votre mot sur Grenoble-Veynes. C’est effectivement un dossier important, car il s’agit d’une ligne structurante, sur laquelle un premier accord de financement a été conclu. L’État prendra sa part, en lien avec les différents acteurs du territoire, pour pérenniser une ligne qui est à la fois belle et nécessaire.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, mes chers collègues, je vous présente tous mes vœux.
Monsieur le secrétaire d’État, depuis le mois dernier, les régions peuvent lancer des appels d’offres pour les TER. Vous le savez, nous avons combattu cette disposition du pacte ferroviaire. En effet, alors que certains voient dans l’ouverture à la concurrence la solution aux problèmes de la SNCF, nous y voyons plutôt, de même que dans la balkanisation de cette entreprise publique, l’outil de la casse du service public ferroviaire.
Nous ne croyons pas que la libéralisation entraînera une progression de la qualité du service aux usagers. L’ensemble des expériences européennes nous donne d’ailleurs raison, et ce n’est pas pour rien que les Britanniques souhaitent faire marche arrière.
Nous considérons que la dimension territoriale nationale de la SNCF est un atout à préserver. Perdre cela, c’est mettre à mal le caractère universel du droit à la mobilité.
Nous croyons que la solution est ailleurs, par exemple dans une implication plus grande des régions et des usagers au sein même de la gouvernance de cette société à 100 % publique, cette démocratisation s’appuyant sur des objectifs de présence territoriale renforcée, et non, comme le soutient la Cour des comptes, sur l’abandon de certains tronçons.
Par ailleurs, comment penser que changer d’opérateur tout en gardant des réseaux vétustes permettra une quelconque amélioration de l’offre ? Comment croire que, en période de disette budgétaire, les régions ne vont pas chercher à faire des économies en donnant prime au moins-disant social, environnemental et économique, voire en taillant dans l’offre ?
Monsieur le secrétaire d’État, comment prétendre vouloir réussir la transition écologique tout en permettant, sous couvert de décentralisation et par le jeu de la concurrence, la rétraction du réseau et la diminution de l’offre ?
Comment le Gouvernement compte-t-il accompagner les régions pour garantir un haut niveau de service public, alors que la LOM n’a prévu aucune ressource nouvelle pour les autorités organisatrices ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Madame la sénatrice, vous avez posé beaucoup de questions, auxquelles je vais m’efforcer d’apporter quelques éléments de réponse.
Tout d’abord, vous avez beaucoup cité le modèle britannique, qui, je le rappelle, n’est pas le nôtre. C’est en effet un modèle de concurrence dérégulée, l’État ayant choisi au Royaume-Uni de privatiser son système ferroviaire, ce qui n’est pas le cas chez nous, où le réseau reste bien un monopole national.
La société SNCF demeure une société nationale à capitaux publics, qui, effectivement, est mise en concurrence sur le marché du TER par des conventions de service public. J’y insiste, nous maintenons des conventions de service public subventionnées.
Mme Éliane Assassi. C’est antinomique avec la notion de marché !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. Je le rappelle, ces lignes sont très largement déficitaires, et l’État et les collectivités territoriales remplissent bien ici leur rôle.
Vous parlez de « balkanisation » du réseau ferroviaire. Pour ma part, je note que la balkanisation a été à l’œuvre au cours de ces dernières années, les petites lignes ferroviaires, dans un certain nombre de territoires – c’est le cas dans le mien, en Limousin – ayant fermé une à une.
La réalité d’aujourd’hui, c’est un réseau qui s’est très largement dégradé et balkanisé à cause d’un sous-investissement chronique. Or c’est bien à cette situation que nous tentons de remédier, en accordant des moyens considérables – 35 milliards d’euros de dettes repris, dont 25 milliards d’euros dès cette année –, ce qui permet à la fois de diminuer les frais financiers et de réinvestir massivement sur le réseau. J’ai donné les chiffres tout à l’heure.
Vous parliez de moins-disant social. Je réponds que, avec l’ouverture à la concurrence, il est effectivement nécessaire de mettre en place des protections pour les salariés du rail à l’échelle de la branche. Tel est l’objet des discussions en cours pour la conclusion d’une convention collective de haut niveau.
Ces travaux avancent bien et, autour de la mi-janvier, les principaux syndicats d’employés et les employeurs du ferroviaire devraient être en mesure de signer un accord qui comportera, je le souhaite, des avancées considérables.
Enfin, s’agissant de l’aspect démocratique, vous avez évoqué l’ouverture à la concurrence, qui a été une demande forte des régions.
Je rappelle qu’un certain nombre de régions s’y sont lancées dès que possible. C’est le cas des Hauts-de-France, de PACA et du Grand Est, qui y voient la capacité d’opérer sur des lignes de façon plus économe et d’offrir un meilleur service à la population.
Contrairement à ce que vous affirmez, ce cadre a permis, dans un certain nombre de pays – la Suède, l’Allemagne… – d’offrir une offre de transport ferroviaire, notamment sur le TER, de meilleur niveau et à un coût plus acceptable pour l’usager et pour les collectivités publiques.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la réplique.
Mme Éliane Assassi. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse.
J’aurais voulu aborder une autre question, relative à la sécurité. Après l’accident du 13 octobre, nous avons déjà eu un débat, à l’occasion duquel nous avions posé cette question qui me paraît fondamentale : comment garantir la sécurité lorsqu’un seul agent de l’opérateur est dans le train ?
Cette question reste en suspens, alors qu’elle mériterait des réponses plus approfondies de la part du Gouvernement. En effet, c’est un point essentiel, à la fois pour les cheminots et pour les usagers.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le contexte dans lequel nous débattons de l’avenir des TER est particulier.
La grève entamée en décembre dernier est toujours d’actualité, et la prochaine ouverture à la concurrence inquiète. La question se pose d’autant plus que, en octobre dernier, la Cour des comptes s’interrogeait sur l’efficacité du modèle, notamment économique, des TER.
Dans ma région, les Hauts-de-France, la nouvelle grille TER est entrée en fonction le 15 décembre dernier, mais l’évaluation des résultats est nécessairement retardée à cause des blocages que nous connaissons. J’ai cependant eu l’occasion, dès le 18 octobre, de saluer le cadencement renforcé entre la métropole lilloise et le Dunkerquois.
Ce nouveau cadre est le fruit de négociations ardues entre la SNCF et le conseil régional ; il inclut une clause de rendez-vous essentielle. L’ambition politique collective est claire : la réussite des territoires et de la région.
Le réseau TER constitue un pilier essentiel du dynamisme de nos régions et une source d’opportunités pour nos concitoyens. Une offre adaptée correspondant aux spécificités de chaque territoire est primordiale afin de répondre au mieux aux besoins des Français.
La mise en concurrence apparaît, selon certains, comme une solution pour améliorer la qualité de l’offre TER dans nos régions, et garantir un service public ferroviaire efficient. À l’heure où les premiers appels d’offres de mise en concurrence voient le jour, notamment en région PACA, pensez-vous, monsieur le secrétaire d’État, que la SNCF, nos régions et, surtout, nos infrastructures soient prêtes à faire face à l’arrivée de la concurrence ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur, il y a plusieurs éléments dans votre question.
Tel que nous l’envisageons, à la lumière des discussions que nous avons pu avoir, notamment ici, le réseau doit être le pivot du système ferroviaire. Et pour avoir une concurrence effective ou simplement un trafic ferroviaire qui permette de fournir un bon service aux usagers des entreprises ferroviaires, il faut que le réseau soit assaini. C’est l’objet de l’ensemble des investissements que j’ai détaillé à l’instant.
L’ouverture à la concurrence, vous l’avez rappelé, est une demande d’un certain nombre de régions, notamment la vôtre, qui y voient le moyen de continuer à faire croître le trafic TER, ce dernier ayant quelque peu stagné de 2012 à 2017, avant de repartir à la hausse. Depuis lors, il a crû de 50 %, avec une fréquentation qui ne cesse d’augmenter également.
Vous avez évoqué rapidement le contexte politique de réformes, des retraites notamment, dans lequel se déroule notre débat.
J’en profite pour vous dire que, au gré des rencontres que j’ai pu avoir avec les syndicats du ferroviaire, en tout cas avec les syndicats progressistes, qui sont venus échanger avec nous, nous avons posé un certain nombre de garanties pour les cheminots, de même que pour les agents de la RATP. Ces éléments, qualifiés d’ailleurs par certains de bon compromis, permettent à la fois de prévoir la transition sur un temps assez long et de donner des garanties très concrètes sur le niveau de leur pension, en tout cas sur le mode de calcul de leur pension, ce qui me paraît de nature à les tranquilliser.
Je souhaite rebondir sur la question de Mme Assassi et aborder la dimension de la sécurité, qui doit effectivement nous intéresser. À cet égard, il est nécessaire d’avoir des débats éclairés sur ce qui se pratique depuis des dizaines d’années en France. Madame la sénatrice, vous faisiez allusion aux équipements agent seul (EAS) et au fait que des centaines de TER circulent chaque jour sur nos voies avec un conducteur à bord.
Je rappelle que cette procédure d’exploitation est autorisée, certifiée et utilisée depuis les années 1970 en France, le respect de la sécurité étant parfaitement démontré. Par ailleurs, les TER sont équipés en ce sens et les personnels sont formés. Ce sont plus de 6 millions de voyageurs par jour qui empruntent les trains en toute sécurité.
Toutefois, nous pouvons en discuter plus longuement si vous le souhaitez.
Mme Éliane Assassi. En effet !
M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. La sécurité est garantie parce que les systèmes que nous exploitons remplissent leur fonction, comme la preuve en a été faite depuis quarante ans.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le secrétaire d’État, je ne demande qu’à partager votre optimisme. Néanmoins, je resterai très vigilant quant à l’évolution de ce dossier.
M. le président. La parole est à Mme Michèle Vullien.
Mme Michèle Vullien. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme d’autres orateurs avant moi, je regrette en préambule que nous débattions sur l’avenir des TER alors que nous attendons vainement depuis plusieurs mois le rapport du préfet Philizot sur le devenir des petites lignes.
Nous disposons en revanche, depuis octobre dernier, du rapport de la Cour des comptes sur « les transports express régionaux à l’heure de l’ouverture à la concurrence », dans lequel cette instance émet neuf recommandations.
L’une d’entre elles a retenu mon attention, car elle formalise une vision que je défends depuis de nombreuses années, à savoir la nécessité de réaliser une analyse sociale, économique et environnementale de chaque ligne peu fréquentée, pour permettre à chaque région de choisir entre les options suivantes : développer la ligne ; la maintenir en la gérant de façon plus économique ; l’organiser avec un autre mode de transport, ce qui peut d’ailleurs induire un changement d’autorité organisatrice ; enfin, la supprimer. Sont concernées les régions, bien sûr, mais aussi SNCF Mobilités et SNCF Réseau.
Je me permettrai de compléter cette recommandation en intégrant une option complémentaire, qui consiste à confier la ligne à un autre opérateur dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, en associant dans le tour de table les collectivités locales et territoriales, ainsi que les intercommunalités, qui ont une place importante dans la LOM récemment promulguée, sans oublier la métropole de Lyon, collectivité locale de plein droit à statut particulier.
Dès lors, ma question est simple : comment inciter fortement, pour ne pas dire contraindre – cela n’est pas possible, vous l’avez dit, les collectivités ayant chacune leurs compétences –, l’ensemble des acteurs à choisir la meilleure option pour la ligne concernée et à trouver conjointement une clé de répartition financière indépendamment du mode choisi ?
Pour m’être impliquée sur le sujet depuis vingt-cinq ans, je crois pouvoir dire que le temps de l’analyse et des rapports – Dieu sait s’il y en a eu ! – doit laisser la place au temps des décisions, de l’action, et, bien sûr, du financement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Madame la sénatrice, vous servez mon propos : j’ai eu l’occasion de dire dans cet hémicycle que le temps des rapports était passé et qu’il était nécessaire de mettre en place de véritables plans d’action.
C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au préfet Philizot, quand il m’a remis son pré-rapport, de repartir en mission dans les régions, de manière à présenter un plan d’action concerté, qui sera signé par la voie d’accords bilatéraux et qui portera sur plusieurs milliards d’euros ; c’est tout à fait considérable. Le temps des réalisations concrètes est donc venu.
Ce plan permettra de régénérer un certain nombre de petites lignes qui sont aujourd’hui en déshérence, qui font l’objet de limitations de circulation ou de vitesse et qui, d’une manière générale, n’ont pas un avenir assuré.
À cet effet, nous avons travaillé à une typologie très précise, distinguant les lignes qui sont structurantes, les lignes qui font déjà l’objet de travaux de régénération prévus dans les contrats de plan État-Région et les lignes sur lesquelles pourront être utilisés les articles de la LOM prévoyant notamment l’implantation ou l’expérimentation de solutions innovantes, comme le train léger ou le train hydrogène.
Je le redis, c’est bien ce cadre complet qui est mis en place aujourd’hui. Le temps n’est plus aux rapports ; le temps est à l’action. Ces accords bilatéraux seront signés, en tout état de cause, avant la fin du mois de février prochain. Nous sommes en train d’étudier avec les régions la façon d’organiser tout cela de la façon la plus fluide possible.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le secrétaire d’État, depuis le 3 décembre dernier, en application du nouveau pacte ferroviaire, les régions ont la possibilité de signer des contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs avec des opérateurs autres que SNCF Mobilités.
Il s’agit d’une réelle avancée pour ces collectivités, qui espèrent améliorer leur service régional de transport ferré et profiter d’une baisse des coûts de fonctionnement, aujourd’hui à leur charge.
Un rapport récent de la Cour des comptes fait d’ailleurs état d’un fort investissement des régions dans ce domaine entre 2012 et 2017, avec 2,1 milliards d’euros investis sur le réseau et les gares. Les auteurs de ce rapport rappellent aussi que la propriété du réseau et des gares relève non pas des régions, mais bien de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités.
Cela dit, j’aimerais m’attarder sur la situation particulière des petites lignes ferroviaires, qui ont fait l’objet d’un rapport du préfet Philizot, commandé par le Gouvernement, mais toujours pas rendu public.
Ces petites lignes sont presque toutes menacées par défaut d’entretien. C’est notamment le cas dans ma région des Pays de la Loire. Or, nous sommes tous d’accord pour le dire ici, les plus petites lignes sont essentielles au développement équilibré de l’ensemble du territoire. Cela fait explicitement partie des objectifs de la LOM.
Pour répondre en partie à cette problématique, la Cour des comptes préconise de clarifier les rôles respectifs des régions, du groupe public ferroviaire et de l’État dans le financement des infrastructures. Elle va même plus loin en suggérant de transférer aux régions qui le souhaitent la propriété des infrastructures régionales et de leur laisser le choix des modalités de gestion et d’entretien.
J’y vois, à titre personnel, une possibilité intéressante, notamment en ce qui concerne les petites gares locales, qui pourraient jouer le rôle de lieux multimodaux accueillant d’autres services publics ou privés.
Monsieur le secrétaire d’État, une clarification du rôle de chacun dans l’entretien du réseau et des gares fera-t-elle partie de votre plan d’action pour les petites lignes ? Donneriez-vous des moyens financiers suffisants aux régions, qui en récupéreraient la responsabilité, dans le cadre des solutions innovantes que vous avez évoquées tout à l’heure ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur, l’article 172 de la LOM, que vous avez évoqué, met essentiellement en place trois dispositifs à l’usage, notamment, des régions.
Tout d’abord, il prévoit que le transfert de gestion de lignes locales ou régionales à faible trafic peut être réalisé vers des autorités organisatrices du transport ferroviaire qui en feraient la demande, sous réserve de l’accord du ministre des transports.
Ensuite, il permet à SNCF Réseau de mettre en place des partenariats publics-privés pour la régénération, puis l’entretien des lignes locales ou régionales.
Enfin, il autorise le transfert de certaines missions de gestion de l’infrastructure sur des lignes peu fréquentées du réseau ferré national aux régions qui en feraient la demande et qui financeraient la majeure partie des investissements sur ces lignes.
Voilà ce que prévoit l’article. Évidemment, la dimension financière, c’est-à-dire l’équilibre financier ou les moyens qui seront engagés de façon concomitante par l’ensemble des acteurs, doit être un préalable. C’est bien l’objet des accords bilatéraux que j’ai évoqués précédemment.
L’objectif, pour ce volet « volume financier » qui est considérable, c’est bien de voir l’État, SNCF Réseau, les régions se mettre d’accord sur une clé de financement, en fonction de la typologie des lignes concernées.
J’ai parlé des lignes les plus structurantes, c’est-à-dire de celles qui sont très fréquentées, des lignes qui font déjà l’objet de CPER et des lignes qui, demain, feront l’objet, notamment au travers des dispositions de ces articles, de solutions innovantes. Il est positif de disposer d’un volume financier, ou plus précisément d’un plan qui soit financé et qui permette de concourir à l’objectif que nous nous fixons collectivement, à savoir régénérer effectivement ces lignes si utiles à nos territoires.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un rapport publié le 23 octobre dernier, la Cour des comptes pointait la dégradation continue de la qualité de service des transports express régionaux.
Les magistrats y dénonçaient, notamment, un sous-investissement récurrent dans les infrastructures. En France, l’âge moyen des voies est d’environ 30 ans, contre 17 ans chez nos voisins allemands. Le propriétaire chargé de leur entretien, SNCF Réseau, reconnaît que moins d’un tiers de ces lignes régionales sont en bon état.
Cet état dégradé du réseau conduit à des retards, voire à des suppressions de train pour des raisons de sécurité.
Par exemple, la région Pays de la Loire a choisi de privilégier le ferroviaire. L’offre s’est accrue de 23 % sur la période 2012-2017, mais la fréquentation a stagné, car la concurrence est vive entre les TGV et les TER pour circuler sur des infrastructures ferroviaires saturées. C’est d’ailleurs pour cette raison que trois liaisons quotidiennes viennent d’être supprimées entre Angers et Le Mans.
Il existe une grande hétérogénéité dans la fréquentation des lignes.
Certaines, autour des métropoles, sont surchargées et peuvent être inconfortables pour les voyageurs. D’autres concourent à l’aménagement du territoire et au désenclavement de zones rurales, avec des gares parfois peu fréquentées. Ces dernières, déjà fragilisées par leur vétusté, doivent subir, comme l’ensemble du réseau, une réduction du nombre de contrôleurs dans les trains et de nombreuses fermetures de guichets.
Dans ces conditions, comment pouvoir offrir au public un égal accès à l’offre de mobilités ? L’ouverture à la concurrence, obligatoire dans toutes les régions en décembre 2023, pourrait constituer une menace fatale pour ces lignes, qui jouent un rôle considérable contre les fractures territoriales.
Le Premier ministre a annoncé sa volonté d’investir 200 millions d’euros supplémentaires dans les infrastructures ferroviaires à partir de 2022, alors que, selon le préfet Philizot, lors de son audition par le Sénat, le besoin a été évalué à 7,4 milliards d’euros pour la seule remise en état du réseau des lignes de desserte fine du territoire.
Monsieur le secrétaire d’État, une accélération des investissements se révèle donc indispensable. La sécurité de notre réseau en dépend. Quelle est la volonté de l’État pour décliner cette priorité ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous avez parlé de sous-investissements chroniques sur le réseau, et vous avez parfaitement raison.
Vous avez souligné que notre réseau a, en moyenne, 30 ans d’âge, mais parfois, sur certaines petites lignes, c’est plus de 80 ans qu’ont les plateformes et les voies. Les conséquences de cette situation, ce sont les retards et les suppressions, à cause des limitations de vitesse sur les voies et, parfois, des fermetures administratives, qui entraînent l’arrêt du trafic. Telle est la réalité.
Pour répondre à votre question, je rappelle les chiffres que j’ai annoncés et qui ont été votés au conseil d’administration de SNCF Réseau : 3,6 milliards d’euros, soit 3 milliards d’euros pour le système voies et signalisation et 600 millions d’euros pour les gares.
S’y ajoute un plan RER métropolitain, avec 2,6 milliards d’euros sur dix ans, qui permettra de désaturer les nœuds ferroviaires, comme on dit dans le jargon, et qui donnera la priorité aux transports du quotidien.
S’agissant des petites lignes, vous avez raison de rappeler notre ambition, que les travaux du préfet Philizot ont contribué à faire émerger : un financement important, éclairé par des plans d’action régionaux et supporté de façon partenariale par l’État, SNCF Réseau et les régions.
C’est l’objet des discussions que j’ai pu avoir, fin décembre, avec l’Assemblée des régions de France (ARF) et c’est l’objet des accords bilatéraux que nous allons signer, d’ici au 15 février prochain, avec les régions volontaires dont les dossiers sont suffisamment matures. Ces accords porteront effectivement l’ambition de régénérer des petites lignes en fonction des besoins et des ressources identifiés de l’ensemble des partenaires.