Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, j’entends votre inquiétude. En effet, certains montages financiers de baux emphytéotiques ont fait apparaître une décorrélation, parfois significative, entre le loyer versé par l’État à la collectivité et le loyer que la collectivité acquitte au constructeur ou au bailleur.
Je vous confirme qu’une vingtaine de communes ayant conclu ce type de montage ont fait état de leurs difficultés financières à l’occasion du renouvellement de certains baux.
La raison de ce décalage est la suivante : d’une part, la collectivité négocie avec le constructeur-bailleur un plan de financement adossé aux taux d’emprunts pratiqués sur les marchés financiers au jour de la signature du contrat ; d’autre part, le loyer versé par l’État à la collectivité doit correspondre à un loyer conforme à un marché locatif local. Il est d’ailleurs prévu, dans chaque contrat de bail de l’État, de plafonner l’actualisation du loyer en fonction de l’évolution de l’indice du coût de la construction.
Il convient de rappeler que l’État n’a pas vocation à devenir propriétaire de la caserne. En effet, à l’issue du bail entre la collectivité et le constructeur, l’immeuble revient en pleine propriété à la collectivité.
Nous sommes donc face à deux contrats qui ne peuvent être assimilés : d’une part, celui de la collectivité, qui a vocation à devenir propriétaire des lieux ; d’autre part, celui de l’État, qui n’est que l’occupant pour une durée limitée. Pour autant et malgré cette nécessaire distinction, il convient de prendre en compte les difficultés financières que rencontrent certaines collectivités et que vous avez rappelées, madame la sénatrice.
C’est pourquoi un groupe de travail a été installé le 16 octobre dernier. Il est chargé de mettre en place le plus rapidement possible un dispositif concret d’accompagnement dans la renégociation des clauses financières des contrats passés avec les constructeurs-bailleurs.
Dans l’attente de l’élaboration d’une stratégie globale de rééquilibrage, les difficultés des communes sont examinées avec la plus grande attention pour que, dans chaque situation évoquée, des solutions soient recherchées et qu’un accompagnement individualisé puisse être mis en place.
La commune de La Mure doit pouvoir bénéficier de cet accompagnement personnalisé en se rapprochant des services locaux du domaine de l’État.
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.
Mme Frédérique Puissat. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Vous avez raison, l’État n’a pas vocation à devenir propriétaire de la gendarmerie, mais force est de constater que celle-ci est tout de même dédiée à cette activité et que la commune s’est substituée à l’État, celui-ci ayant souhaité quitter la commune de La Mure.
S’agissant du groupe de travail, je souhaite savoir si les communes peuvent y participer, car il serait opportun qu’elles aient leur mot à dire en la matière.
Pour ce qui concerne l’accompagnement, nous venons de recevoir un courrier de M. le préfet précisant qu’un bail d’un an serait signé pour 409 000 euros, un montant proche de l’ICC mais pas encore parfait. Nous souhaitons que cette démarche puisse se poursuivre, afin que les communes ne se retrouvent plus en difficulté pour s’être substituées à l’État au regard de certains engagements.
élection des conseillers départementaux
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 1018, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Jean Louis Masson. Le mode d’élection des conseillers généraux, rebaptisés « départementaux », a été modifié avant le renouvellement de 2015. Or le nouveau système, qui comprend des binômes homme-femme, présente de nombreux inconvénients.
D’une part, il arrive souvent qu’au sein d’un binôme les rapports soient très conflictuels. D’autre part, le redécoupage des cantons a été arbitraire et ceux-ci n’ont plus aucune cohérence territoriale. Enfin, ce mode de scrutin doublement majoritaire est encore plus incompatible que le précédent avec un minimum de représentation du pluralisme politique.
Afin de remédier à ces problèmes tout en garantissant des majorités de gestion, ne serait-il pas possible d’instaurer pour les élections départementales un mode de scrutin proportionnel avec prime majoritaire ?
Cela pourrait ensuite faciliter des rapprochements conduisant, à terme, au rétablissement du conseiller territorial, exerçant à la fois les fonctions de conseiller départemental et celles de conseiller régional.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral a modifié le mode de scrutin pour l’élection des conseillers départementaux en instaurant un scrutin binominal paritaire majoritaire à deux tours, afin, d’une part, de conserver le lien étroit entre l’élu et son territoire, et, d’autre part, de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives.
La part des femmes siégeant au sein des conseils départementaux est ainsi passée de 13,5 %, en 2013, à 50 %, lors du renouvellement général de mars 2015.
Le scrutin binominal ne lie les candidats qu’au moment de leur élection. Une fois élu, chacun des membres du binôme exerce son mandat de façon indépendante. Une mésentente n’affecte donc pas le fonctionnement du conseil départemental.
Le redécoupage de l’ensemble des cantons a obéi à des critères démographiques, seuls garants de l’égalité de la représentation des citoyens. Les quelques dérogations au respect de l’équilibre démographique entre les cantons d’un même département ont été justifiées par un motif d’intérêt général, en respectant la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État. Ce redécoupage n’a nullement revêtu le moindre caractère arbitraire ; du reste, plus de 2 600 recours ont été déposés pour contester les décrets de 2014 délimitant les nouveaux cantons et aucun d’eux n’a prospéré.
Vous souhaitez savoir si les conseillers départementaux pourraient être élus au scrutin proportionnel avec une prime majoritaire. Après de nombreuses discussions, en 2013, le choix de la lisibilité du mode de scrutin pour l’ensemble des électeurs l’a emporté, au travers du maintien d’un mode de scrutin majoritaire dans le cadre d’un canton.
Quant au rétablissement du conseiller territorial, que vous avez d’ailleurs proposé dans le cadre d’une proposition de loi déposée en 2019, il pose trois difficultés majeures.
D’abord, le cadre cantonal permet d’instaurer un lien avec la population qui n’est pas aussi étroit lorsque le scrutin est proportionnel.
Ensuite, du point de vue de la gouvernance, une élection des conseillers territoriaux à la proportionnelle avec attribution d’une prime majoritaire à l’échelle départementale ne garantirait nullement l’émergence d’une majorité au conseil régional, ce qui ferait courir un risque important de blocage institutionnel.
Enfin et surtout, pour respecter l’égalité démographique entre les départements au sein de chaque région, désormais plus vaste, le nombre de conseillers territoriaux à élire pourrait rendre certaines assemblées pléthoriques.
Pour ces raisons, le Gouvernement ne souhaite pas engager de réflexion relative au rétablissement du conseiller territorial.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réplique.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le secrétaire d’État, le président Macron a annoncé qu’il voulait instaurer une dose de proportionnelle pour l’élection des députés, en soulignant que le mode de scrutin uninominal majoritaire était une distorsion inacceptable par rapport à la légitime représentation démocratique des suffrages.
Or, en l’occurrence, il s’agit non pas d’un suffrage majoritaire uninominal, mais d’un suffrage majoritaire binominal, ce qui veut dire que c’est deux fois plus injuste pour l’expression du pluralisme politique.
Par ailleurs, permettez-moi de ne pas partager votre point de vue sur la cohérence des découpages des cantons. Vous le savez très bien, le Conseil d’État ne s’est prononcé que sur l’équilibre démographique du découpage, non sur les problèmes de charcutage. Certains cantons sont démesurément étirés et n’ont aucune cohérence territoriale. La seule justification de ce scrutin par grands cantons avec binômes résiderait dans la représentation des territoires.
Or il n’y en a plus, monsieur le secrétaire d’État ! Tout a été fait pour satisfaire des arbitrages politiques, ce qui est de bonne guerre – le gouvernement de M. Sarkozy avait fait pire au moment des législatives –, mais il n’y a plus aucune cohérence territoriale des cantons, c’est incontestable. Dès lors, il n’y a plus de raison de garder ce mode de scrutin. La seule justification de celui-ci réside dans la représentation des territoires, mais, je le répète, les cantons ne sont plus des territoires ; ce sont des sortes de magmas étirés, des moutons non pas à cinq, mais à neuf pattes.
Il faudrait, monsieur le secrétaire d’État, que, dans la cohérence de ce qu’a dit le président Macron…
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Masson.
M. Jean Louis Masson. … sur la représentation démocratique…
Mme la présidente. Monsieur Masson !
M. Jean Louis Masson. … au travers du scrutin majoritaire,…
Mme la présidente. Il faut conclure !
M. Jean Louis Masson. … vous envisagiez cette question.
interlocuteur pour les dossiers de carte grise
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cigolotti, auteur de la question n° 1027, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Olivier Cigolotti. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur le fonctionnement du système d’immatriculation des véhicules (SIV).
C’est aujourd’hui l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) qui assure la maîtrise d’œuvre du SIV, en lien avec plusieurs services du ministère de l’intérieur. Le fonctionnement de ce système est satisfaisant dès lors que l’on reste dans un cadre simple, c’est-à-dire soit pour l’immatriculation d’un véhicule livré en concession et non par un mandataire, soit pour l’immatriculation d’un véhicule d’occasion déjà immatriculé en France, sans modification de ses caractéristiques.
Toutefois, dans le cas d’importations ou de modifications, le système n’est pas adapté. En effet, en cas de problème, il est impossible de joindre le moindre interlocuteur. Seul un numéro de téléphone permet de contacter un service, basé à Charleville-Mézières, composé d’un personnel, certes de bonne volonté, mais qui n’a pas la capacité de donner suite aux demandes formulées. Ce service ne peut qu’envoyer une alerte au centre de traitement.
Il est donc impossible de joindre ou de transmettre un complément d’information ou un document, si le gestionnaire du dossier ne recontacte pas le demandeur par message, via le site internet de l’ANTS. Certains messages laissent d’ailleurs à penser que le personnel chargé de traiter les dossiers ne maîtrise pas les spécificités de chaque cas et manque significativement d’expérience, notamment sur les points particuliers liés à la fiscalité ou à des éléments techniques.
Enfin, le site internet présente des dysfonctionnements qui n’ont jamais été corrigés ; je pense ici à des messages d’information envoyés en plus de dix exemplaires ou à des dossiers en cours d’analyse alors qu’une seconde demande a déjà été traitée.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures seront mises en place pour que l’ANTS dispose d’un outil informatique fonctionnel et pour qu’une réelle assistance téléphonique puisse être créée, afin de garantir et de simplifier les démarches menées par les utilisateurs, plus particulièrement pour les professionnels ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, le système d’immatriculation des véhicules enregistre chaque année plus de 30 millions d’opérations, et 95 % de ces opérations, pour lesquelles, avant la réforme introduite par le plan Préfectures nouvelle génération, les usagers se déplaçaient tous en préfecture, sont aujourd’hui traitées de manière automatisée, avec un délai de réponse extrêmement court pour l’usager.
Lorsque l’une de ces opérations nécessite la production d’un certificat d’immatriculation, celui-ci est envoyé au domicile de l’usager en moins de trois jours, en France métropolitaine. Les enquêtes de satisfaction pour ces opérations montrent que plus de 70 % des usagers sont satisfaits.
Certes, 5 % des opérations sont plus complexes et nécessitent des contrôles plus poussés. Aujourd’hui, l’administration instruit ces opérations dans un délai moyen de quinze jours. Les dossiers transmis par les usagers sont parfois incomplets, ce qui augmente ce délai. Lorsque les procédures se faisaient aux guichets des préfectures, il en allait de même et il arrivait régulièrement que l’usager doive revenir pour produire une pièce manquante.
Cela dit, des améliorations sont toujours possibles. Ainsi, depuis 2018, 16 modifications ont été apportées au logiciel pour améliorer l’ergonomie des téléprocédures et simplifier le parcours de l’utilisateur.
Par ailleurs, l’accompagnement des usagers a été renforcé, avec les points d’accueil numérique, en préfecture et en sous-préfecture, mais surtout avec le renforcement du « centre de contact citoyens » de l’ANTS. Ce centre de contact peut être joint par téléphone, par courriel ou sur les réseaux sociaux, 6 jours sur 7. De 60, en 2017, nous sommes passés à près de 300 téléconseillers, qui répondent en moins de 48 heures aux messages. Au téléphone, le temps d’attente est inférieur à 5 minutes. Enfin, un parcours guidé a été mis en place sur le portail de l’ANTS, pour aider les usagers à réaliser les démarches relatives à l’immatriculation des véhicules les plus complexes, et l’ANTS travaille à la refonte complète de son site internet afin de le rendre plus pratique, accessible et clair.
À l’échelon ministériel, l’instance nationale d’écoute « usagers » et ses deux groupes de travail se réunissent régulièrement. De nombreux moyens de mesure de la satisfaction ont été développés.
Les résultats de l’action du ministère sont visibles : l’ANTS a ainsi été élue service client de l’année 2020, dans la catégorie service public, grâce au travail du centre de contact citoyens.
Soyez donc assuré, monsieur le sénateur, que tout est mis en œuvre pour faciliter les démarches des usagers ; j’ai néanmoins bien pris note des remarques que vous avez formulées.
devenir de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 950, transmise à M. le ministre de l’intérieur.
Mme Brigitte Lherbier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), créée en 2002, a pour mission d’observer et d’analyser le phénomène des dérives sectaires, d’informer le public sur les risques que celles-ci représentent et de coordonner l’action préventive et répressive des pouvoirs publics.
Il était justifié que la Miviludes, composée d’une équipe interministérielle permanente, pour plus d’efficacité, fût placée sous l’autorité du Premier ministre. La rationalisation des services de celui-ci ne doit pas conduire à la suppression ou à la restructuration de cette mission au sein du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation.
En effet, le sujet des dérives sectaires ne saurait être soluble dans la problématique de la prévention de la radicalisation, sauf à vouloir faire un cadeau aux groupes sectaires… Prendre une décision en ce sens reviendrait à méconnaître totalement la dangerosité du phénomène sectaire, le nombre de ses victimes ainsi que l’efficacité de la structure interministérielle.
Enfin, les personnes radicalisées ont un profil et un parcours totalement différents de ceux des personnes sous l’emprise d’une secte ; ils n’ont rien de commun.
J’ai dirigé pendant vingt-cinq ans les études des étudiants de l’Institut d’études judiciaires de Lille II. Sur ma demande, la présidente départementale du Centre national d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire (Caffes), Mme Charline Delporte, qui m’avait été présentée par M. le préfet, faisait part aux étudiants des violences, visibles ou non, subies par les enfants placés sous l’emprise de mouvements sectaires, afin de sensibiliser les futurs avocats et magistrats à ces problèmes. Je la faisais venir tous les ans, et l’impact en était extrêmement fort. Cela représente tout de même, sur toute la France, 60 000 à 80 000 mineurs.
Le travail des associations est plus que nécessaire ; soutenez leur action, monsieur le secrétaire d’État, montrez qu’elles sont extrêmement importantes. Nous voudrions être rassurés, ne pas avoir le sentiment que le Gouvernement diminue sa vigilance et laisse tomber la lutte contre les dérives sectaires en supprimant un outil que le monde entier nous envie.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, nous connaissons, comme vous, l’importance des sujets liés à la prévention et à la lutte contre les dérives sectaires, sous toutes leurs formes et dans les différents secteurs de la vie sociale au sein desquels ces dérives peuvent aujourd’hui se manifester. J’ai déjà eu l’occasion de le rappeler, en répondant ici même à une question d’actualité au Gouvernement, ces dérives prennent des formes très évolutives et nécessitent un suivi le plus fin possible.
Une part de l’activité de la Miviludes pose aujourd’hui des questions de synergie et de partage de compétences avec d’autres organismes, qui n’existaient pas au moment de la création de cette mission, comme, effectivement, le secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation.
De plus, la Cour des comptes a formulé, en 2017, plusieurs observations sur l’organisation et le fonctionnement de la Miviludes, en évoquant l’option de son rattachement au ministère de l’intérieur. D’ailleurs, il est de bonne administration que l’action publique relève des ministères ; cela permet au Premier ministre et à ses services de se concentrer sur leur rôle d’impulsion, de coordination et d’arbitrage.
C’est dans ce contexte que le Gouvernement a décidé de rattacher la Miviludes au ministère de l’intérieur, où elle pourra exercer ses missions en pleine articulation avec les missions exercées au titre de la lutte contre les nouvelles formes de radicalité et certains phénomènes d’emprise.
Toutefois, je tiens à vous rassurer, madame la sénatrice, cette nouvelle organisation ne compromet pas la bonne prise en compte de la variété des problématiques liées aux dérives sectaires.
Je réitère en outre deux engagements devant vous : d’une part, il n’est pas question d’abandonner les missions confiées à la Miviludes ni de laisser se perdre un bilan de vingt années d’action publique contre les dérives sectaires, et nous continuerons donc naturellement à y apporter les moyens nécessaires ; d’autre part, nous veillerons à ce que la nouvelle organisation préserve la bonne prise en compte de la spécificité des phénomènes sectaires.
Bien évidemment, nous ne réduisons pas la question des dérives sectaires à la seule problématique de la radicalisation djihadiste ; que les choses soient dites clairement. Les missions de la Miviludes n’ont pas vocation à être dissoutes dans celles d’autres organismes ; elles continueront d’exister de façon autonome.
Pour avoir, moi aussi, un passé professionnel, je connais l’importance de la lutte contre les dérives sectaires ; croyez bien que cette lutte sera maintenue à un très haut niveau.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour la réplique.
Mme Brigitte Lherbier. Il y a beaucoup d’inquiétude à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État ; la preuve : nous recevons beaucoup de courrier sur cette question. Voilà pourquoi les parlementaires réagissent. Nous avons beaucoup de contacts avec toutes les associations, c’est pour cela que nous nous en faisons l’écho ; c’est notre rôle.
agression du directeur de la prison de fontenay-le-comte
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, auteur de la question n° 952, transmise à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Didier Mandelli. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 7 octobre dernier, le directeur de la maison d’arrêt de Fontenay-le-Comte, en Vendée, faisait l’objet d’une violente agression de la part d’un détenu. Les faits sont d’une extrême gravité et soulignent un véritable problème de sécurité pour le personnel pénitentiaire, qui est amené à faire face à une surpopulation carcérale de plus en plus inquiétante dans les deux prisons vendéennes.
La situation de la prison de Fontenay-le-Comte est en effet bien connue ; cet établissement souffre d’une surpopulation flagrante, avec un taux d’occupation de 179,5 % : 73 détenus pour 39 places. La situation de La Roche-sur-Yon est également alarmante, avec un taux d’occupation de 220 %, soit 80 détenus pour 39 places.
À plusieurs reprises, j’ai pu constater sur place cette situation, qui rend très difficiles les conditions de travail pour le personnel et qui ne permet pas d’accompagner au mieux les détenus. J’ai déjà rappelé cette situation dans cet hémicycle et par écrit.
L’an dernier, le Gouvernement a renoncé au projet de construction d’une nouvelle prison en Vendée, conséquence de la division par deux du nombre de places supplémentaires prévues à l’échelle nationale ; on passerait ainsi de 15 000 à 7 000 places. À la suite de cette annonce, Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, s’était engagée à débloquer 4 millions d’euros pour rénover les prisons vendéennes, construites voilà plus d’un siècle.
Je souhaite donc savoir si le Gouvernement compte tenir ses engagements sur ce montant, pour quels projets et pour quelle date de mise en œuvre. Je souhaite également connaître les dispositions rapides qu’il entend prendre s’agissant de la situation de surpopulation carcérale des prisons vendéennes et de la sécurité du personnel pénitentiaire en général.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, la maison d’arrêt de Fontenay-le-Comte est effectivement marquée par une surpopulation carcérale importante. Le 2 décembre 2019, le taux d’occupation de l’établissement s’élevait à 182 % : 71 détenus y étaient hébergés pour une capacité de 39 places. Des couchages supplémentaires ont été mis en place dans les cellules pour faire face à cette situation. Un suivi quotidien des effectifs et une politique de transfèrement de certains détenus condamnés, lorsque cela est possible, sont mis en place par l’administration pénitentiaire pour tenter de réguler les effectifs.
Le 7 octobre dernier, le chef d’établissement de la structure a été victime d’une agression par un détenu du quartier disciplinaire, qui s’est traduite par une interruption temporaire de travail d’un jour. L’agresseur faisait l’objet d’une évaluation au regard d’éléments de radicalisation ainsi que d’un suivi régulier en raison d’un comportement notoirement violent. Dès le 8 octobre, ce détenu a été transféré dans un autre établissement.
Au-delà de ce cas spécifique, le ministère de la justice a augmenté le budget consacré à la sécurité des établissements pénitentiaires et de son personnel ; ainsi, 58,1 millions d’euros sont inscrits au titre du projet de loi de finances pour 2020, soit une hausse de 16 % par rapport à 2019.
La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice permet désormais d’affecter, au sein de quartiers spécifiques, comme des unités pour détenus violents ou des quartiers de prise en charge de la radicalisation, des détenus dont le comportement porte atteinte à la sécurité publique ou au bon ordre de l’établissement. Dans ce type de quartiers, les personnes détenues bénéficient d’un programme adapté de prise en charge et sont soumises à un régime de détention impliquant notamment des mesures de sécurité renforcée.
L’objectif que nous visons est d’évaluer chaque détenu présentant des signes de violence ou de radicalisation, afin de décider d’une prise en charge pluridisciplinaire adaptée, en fonction du danger qu’il représente et du niveau de sa radicalité. Cette prise en charge peut se faire dans les quartiers d’isolement, dans les unités spécifiques que je viens d’évoquer ou en détention classique selon des modalités adaptées. En particulier, les programmes de prévention de la radicalisation violente ont été généralisés. Ces programmes, d’une durée de trois à cinq mois, comportent des séances collectives et des entretiens individuels réguliers.
Le déploiement progressif des binômes de soutien, actuellement au nombre de 90, composés d’un psychologue et d’un éducateur, a également permis de renforcer la capacité de l’administration pénitentiaire à prendre en charge les personnes radicalisées placées sous main de justice.
Enfin, un plan de formation spécifique portant sur ces thématiques a été conçu à l’attention de l’ensemble du personnel de l’administration pénitentiaire, en priorité au bénéfice des professionnels prenant spécifiquement en charge des détenus violents ou présentant des signes de radicalisation.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.
M. Didier Mandelli. Vous l’aurez noté, monsieur le secrétaire d’État, j’avais volontairement omis de préciser qu’il s’agissait d’un détenu radicalisé, afin de ne pas occulter l’ensemble des problèmes liés à la surpopulation carcérale ; mais, effectivement, cela prend une dimension particulière quand il s’agit de détenus violents ou radicalisés.
Cela dit, mon propos portait plutôt sur l’aménagement et la rénovation de ces prisons anciennes – les deux établissements vendéens datent, je l’ai précisé, de plus d’un siècle. La question précise que je vous posais portait sur les engagements pris à cette fin par la garde des sceaux, à hauteur de 4 millions d’euros. Je n’ai pas obtenu de réponse à cette question ; je la reposerai donc par écrit ou par oral, à l’occasion, dans les prochaines semaines.
surpopulation carcérale à la maison d’arrêt de caen