M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Rachid Temal, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue Jean-Pierre Grand et moi-même rapportons donc sur le programme 151, qui concerne les Français à l’étranger et les affaires consulaires.
Derrière ces mots, c’est bien du service public qu’il s’agit, et plus particulièrement de sa qualité. Nous le devons à nos compatriotes établis hors de nos frontières, qui sont – le ministre partagera certainement mon avis – les premiers ambassadeurs de la France.
Il s’agit également de l’image de notre pays, au travers de notre réseau consulaire.
Alors que nous examinons le budget pour 2020 et que nous sommes à treize jours d’élections législatives, ô combien importantes, au Royaume-Uni, il nous a semblé impératif de prêter une attention plus particulière aux Français d’outre-Manche.
Ceux-ci sont estimés à 300 000. Nos compatriotes, comme les quelque 3,5 autres millions de résidents étrangers installés au Royaume-Uni, devraient connaître une année particulière, celle du Brexit, aux conséquences aujourd’hui encore incertaines.
C’est la raison pour laquelle nous nous sommes rendus à Londres. Nous avons pu échanger avec notre ambassadrice, le consul général et des membres de notre poste, dont je tiens à saluer à la fois l’engagement et le grand professionnalisme.
Permettez-moi donc de vous présenter, monsieur le ministre, les principaux enseignements.
D’abord, j’évoquerai le statut de résident pour les étrangers, qui doit leur permettre, après le Brexit, de vivre, de travailler, et d’étudier dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui. À ce jour, un grand nombre de nos compatriotes, bien que préoccupés par la situation, continuent en effet d’adopter une attitude relativement attentiste, malgré les actions, dont nous nous félicitons, menées par notre poste.
Ensuite, nous devons prêter attention aux personnes dites « vulnérables », qui représentent 10 % de nos compatriotes : ce sont des personnes âgées, isolées, ou encore socialement précaires… À ce titre, je tiens à saluer la mobilisation non seulement de notre poste, qui fait beaucoup en termes de communication, mais aussi des associations et ONG qui ont été créées pour agir auprès de ces personnes et dont nous avons rencontré l’un des membres.
Enfin, je veux souligner la forte croissance de l’activité consulaire, d’ailleurs perceptible dès le lendemain du Brexit, qui se poursuit à ce jour, ce qui impose des contraintes supplémentaires à notre poste. Il faut le souligner, nous avons permis le recrutement de personnels supplémentaires pour traiter de ces questions.
Permettez-moi ensuite, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’attirer votre attention sur deux points. Le premier concerne la vétusté de notre poste à Londres, qui impacte négativement les conditions d’accueil, d’une part, et de travail, d’autre part. J’y ajoute la nécessité de prendre, rapidement, les mesures de renforcement de la sécurité, s’agissant notamment des conditions d’accès.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Rachid Temal, rapporteur pour avis. Le second point concerne plus largement la question des moyens dont dispose notre réseau pour assurer un service public de qualité, ce que j’évoquais au début de mon propos.
Monsieur le ministre, les efforts demandés à votre ministère – 22 emplois supprimés en 2020 et 37 l’an dernier – ne sont ni tenables ni acceptables. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé, avec mon groupe, un amendement afin de redonner à votre ministère des marges de manœuvre au travers du dispositif dit des visas.
C’est aussi pour cela, et pour marquer notre soutien aux Français de l’étranger et aux personnels de nos postes, qui sont impactés par ces suppressions, que nous voterons contre les crédits de ce programme. Il s’agit d’une opposition utile au rayonnement et à l’action internationale de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits destinés à notre diplomatie culturelle et d’influence augmentent en 2020. Je salue cet effort budgétaire, qui rompt avec la baisse drastique ayant prévalu sous le précédent quinquennat.
Derrière cette progression globale du budget se cachent toutefois des disparités dans le traitement réservé aux opérateurs de notre diplomatie culturelle.
Ainsi, la priorité est mise sur l’enseignement français à l’étranger et l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Le relèvement de sa subvention était très attendu depuis la coupe franche qui avait fortement ébranlé le réseau en 2017. Ces moyens supplémentaires constituent donc une bonne nouvelle pour l’AEFE.
J’apporterai néanmoins deux bémols s’agissant de la politique d’expansion du réseau.
Le choix de faciliter l’homologation de nouveaux établissements n’est pas sans soulever des inquiétudes sur le maintien d’un haut niveau de qualité de l’enseignement. En aucun cas, l’excellence de notre réseau ne doit être sacrifiée sur l’autel de son élargissement. En outre, il ne faudrait pas qu’une moindre attention soit portée à la situation, parfois délicate, des anciens établissements. Un juste équilibre doit donc être trouvé entre essor du réseau et soutien aux structures existantes.
Sur l’ambition présidentielle de doubler le nombre d’élèves scolarisés dans le réseau d’ici à 2030, je reste dubitatif sur le niveau des moyens qui permettraient de la concrétiser.
J’en viens à la nouvelle stratégie pour l’accueil des étudiants étrangers : Bienvenue en France. Étonnamment, elle ne donne pas lieu à une augmentation de la subvention versée à son opérateur, Campus France. La stabilisation de son montant n’est assurément pas à la hauteur de l’objectif de 500 000 étudiants étrangers accueillis d’ici à 2027. Le contexte concurrentiel international imposerait d’avoir enfin les moyens de nos ambitions.
Je tiens également à alerter sur l’utilisation des crédits destinés aux bourses versées aux étudiants étrangers. J’ai appris qu’ils ne leur sont, depuis 2016, pas entièrement consacrés. S’agissant du delta, le ministère n’est pas en mesure de nous dire précisément ce qu’il en est… C’est inquiétant !
Le troisième opérateur de notre diplomatie d’influence, l’Institut français, ne bénéficie pas d’un traitement favorable en 2020. Après le coup de pouce de l’année dernière, sa subvention retrouve son niveau de 2018, et je n’évoquerai même pas l’état déplorable des bâtiments, notamment à Mexico. Il s’agit clairement d’un repli par rapport aux ambitions du plan Langue française et plurilinguisme, dont certaines actions ne pourront sans doute pas être déployées.
Quant au rapprochement de l’Institut français avec la Fondation Alliance française, si la procédure a bien avancé sur le plan fonctionnel, elle est bloquée sur le plan matériel. Je m’étonne que le ministère se refuse à jouer les arbitres sur ce point.
Au final, je porte sur ce budget une appréciation en demi-teinte : l’indéniable hausse des crédits permettra de valoriser notre réseau d’enseignement français à l’étranger, mais elle exerce en quelque sorte un effet d’éviction sur les autres piliers de notre politique d’influence.
Aussi, au regard des réserves soulevées, et à l’issue d’une discussion nourrie, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis, de justesse, un avis défavorable sur les crédits du programme 185 consacré à la diplomatie culturelle et d’influence. (M. le président de la commission des affaires étrangères et Mme la présidente de la commission de la culture applaudissent.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la voix de la France est écoutée dans le monde et elle doit continuer de l’être. La situation internationale n’est pas sur le chemin de la stabilisation. C’est peut-être encore moins le cas depuis que les alliances sont devenues changeantes et que les accords sont susceptibles d’être remis en cause à tout moment.
La diplomatie est cependant un outil essentiel dans la politique internationale. Son action se fait souvent dans l’ombre. Ses échecs sont davantage remarqués puisqu’ils se traduisent trop souvent par des guerres. La diplomatie évite parfois les conflits, mais elle participe surtout à bâtir ou rebâtir la paix.
À cet égard, la France doit maintenir des capacités diplomatiques de haut niveau pour continuer de faire rayonner ses idées et ses valeurs. Ces capacités nous permettent également de connaître en détail nos interlocuteurs, ainsi que les situations et les enjeux auxquels il nous faut faire face.
L’année dernière, le réseau diplomatique français a reculé de la deuxième à la troisième place, derrière les États-Unis et la Chine. Il nous faut impérativement maintenir notre rang si nous souhaitons que notre pays reste une grande puissance de diplomatie et de paix.
La France poursuit son effort et nous nous félicitons que les budgets du ministère de l’Europe et des affaires étrangères soient en hausse. Les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » sont, quant à eux, maintenus.
Afin de procéder aux économies nécessaires, l’État s’est lancé dans une réforme visant à rationaliser les moyens dont il dispose à l’étranger.
Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères s’est engagé avec rigueur et sincérité dans la mutualisation des moyens de l’État à l’étranger, ce qui est à saluer. La logique de cette réforme nous semble être la bonne, et nous souhaitons la voir aboutir.
Plus généralement, nous nous interrogeons sur les moyens de parvenir aux objectifs que souhaite atteindre le Gouvernement. Il nous semble que des pistes d’amélioration subsistent.
Le nombre d’équivalents temps plein baisse en dix ans de presque 10 % et, sur la même période, les dépenses de personnel ont augmenté de 34,5 %. Même si l’inflation explique en partie ce phénomène, cette tendance nous semble problématique.
Nous sommes plusieurs à déplorer la baisse des effectifs, mais nous sommes encore plus nombreux, me semble-t-il, à regretter que cela se traduise tout de même par l’augmentation des dépenses de personnel.
De même, le produit des ventes immobilières est en forte baisse. C’est inquiétant parce que cela signifie qu’il n’y a plus beaucoup de « bijoux de famille » à vendre ! Vous nous avez dit, monsieur le ministre, être conscient que « nous ne pouvons pas vendre indéfiniment nos emprises majeures à l’étranger ». Il s’agit à présent de s’orienter vers la recherche de sources d’économies durables.
Vous nous avez rassurés sur le devenir de la diplomatie culturelle et d’influence, qui est, comme vous avez eu l’occasion de le rappeler, une diplomatie stratégique. Nous nous réjouissons que vous ayez stoppé la diminution des crédits qui y sont affectés et recommencé à les faire augmenter.
Cette diplomatie est essentielle, car elle donne du poids aux prises de position de la France. Elle promeut nos valeurs et notre modèle. Le pays des droits de l’homme doit avoir une voix qui porte. Plus la France enseignera aux étrangers, plus la France sera écoutée.
Il faut donc saluer l’objectif de doublement des effectifs des écoles françaises à l’étranger à l’horizon 2030. Nous entendons les inquiétudes sur l’existence des financements permettant d’atteindre cet objectif. Nous souhaitons vous voir réussir : il faudra donc que les moyens nécessaires soient mis en œuvre pour y parvenir.
Nous savons que l’enseignement aux étrangers est crucial, et nous sommes confortés dans cette idée lorsque nous regardons nos voisins. Plusieurs pays se sont effectivement engagés dans une démarche d’influence via l’enseignement à l’étranger ou aux étrangers. C’est ainsi que le nombre d’étudiants étrangers en Turquie a augmenté de 180 % ces cinq dernières années.
Nous ne devons pas relâcher nos efforts. Il a été fait état de difficultés dans l’obtention de visas français par les étudiants étrangers. Il nous semble qu’une clarification des procédures et une accélération du traitement des dossiers soient nécessaires.
La stratégie diplomatique française ne doit pas être mise à mal par des problèmes d’organisation des services : les visas doivent être délivrés en temps utile.
Sur tous les sujets qui ont trait à son action extérieure, la France doit maintenir son effort. Nous sommes moteurs en Europe et nous sommes force de propositions sur la scène internationale. Cette dynamique doit être conservée et amplifiée.
Les années à venir s’annoncent porteuses de tensions et de dissensions. L’échange et la négociation sont les alternatives à l’emploi de la force. Nous qui n’oublions pas le prix du sang savons qu’il faut donner les meilleures chances à la diplomatie si nous voulons maintenir la paix. (M. le président de la commission des affaires étrangères et M. Olivier Cadic applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous évoluons dans un monde en pleine recomposition géopolitique et stratégique, dans lequel les anciennes puissances sont concurrencées par de nouvelles, comme la Chine et l’Inde, des puissances d’abord économiques mais désormais politiques, qui souhaitent aussi peser sur l’ordre du monde.
Cet ordre du monde est, hélas, loin d’être en ordre.
De nouveaux défis se présentent : le changement climatique et ses probables effets en termes de migrations, ou encore l’expansion du numérique, qui, si elle n’est pas encadrée, peut être une source de dérives.
Toujours, des conflits perdurent et d’autres éclatent. Au-delà du Proche-Orient, je pense aussi au continent sud-américain, dont plusieurs pays sont en proie à des difficultés politiques : le Venezuela en particulier avec l’intransigeance de son dirigeant, mais aussi l’Équateur, la Bolivie, le Chili et la Colombie, dans lesquels les contestations s’étendent.
Aussi, dans ce contexte, la France doit absolument tenir sa place pour défendre la paix, la démocratie et les droits de l’homme. Comme l’a rappelé le Président de la République lors de la dernière conférence des ambassadeurs, « l’esprit français, c’est un esprit de résistance et une vocation à l’universel ».
Refuser la fatalité, diffuser l’humanisme qui nous est cher impliquent pour la France de conserver son rayonnement sur la scène internationale.
La mission « Action extérieure de l’État » que nous examinons aujourd’hui est le levier de cette ambition. Elle n’est pas la seule. La politique d’aide au développement et la politique du ministère des armées l’accompagnent à bien des égards. S’agissant de la défense, je n’oublierai pas de saluer la mémoire des treize militaires exceptionnels qui, au Mali, ont payé de leur vie leur engagement au service de la paix dans le monde.
Mes chers collègues, comme l’a exposé le rapporteur, les crédits de la mission sont stables en valeur et conformes à la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. On peut toutefois observer que la fin du programme consacré au G7 entraîne en réalité une hausse de 1,1 % des crédits de paiement. J’en profiterai pour rappeler que le G7, qui s’est déroulé à Biarritz, a démontré que l’efficacité diplomatique pouvait être encore au rendez-vous malgré la crise du multilatéralisme. Pays organisateur, la France s’est retrouvée au cœur d’annonces importantes parmi lesquelles la reconstitution du Fonds vert pour le climat ou la réaffirmation de l’Afrique comme zone prioritaire de l’aide au développement.
Dans le détail de ce budget, je partagerai les observations de la commission, en particulier sur la question de la chute importante des produits de cessions qui menace le budget de l’immobilier à l’étranger, la pression qui pèse sur certains opérateurs auxquels on demande de participer à l’effort de rationalisation des moyens dans le cadre d’Action publique 2022, ou encore les conséquences que pourrait avoir sur le lien entre les Français de l’étranger et leurs services publics une modernisation à marche forcée de l’administration consulaire.
On peut en revanche se féliciter du renforcement, à hauteur de 24,6 millions d’euros, du budget de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, dont la subvention pour charge publique avait tout de même diminué de 33 millions d’euros en 2017. On le voit, nous revenons de loin ! Cet abondement est plus que nécessaire pour remplir l’objectif, décidé par le Président de la République, de doubler le nombre d’élèves scolarisés au sein du réseau français.
Disons-le, la francophonie est en perte de vitesse.
Aussi, il apparaît essentiel de préserver les moyens des quelque 522 établissements français qui accueillent 200 000 élèves étrangers sur un effectif total de 365 000. Il faut bien mesurer l’enjeu de la diffusion de notre langue. Encourager au maintien du plus grand nombre possible de locuteurs français, c’est conserver un levier fort de la transmission de nos valeurs, dont le caractère universel est encore – on s’en réjouit ! – reconnu dans le monde.
Enseigner le français, c’est en quelque sorte enseigner la liberté, l’égalité et la fraternité.
M. Jean-Claude Requier. C’est vrai !
M. Yvon Collin. La coopération culturelle passe aussi par le développement et le renforcement d’une approche partenariale. Le nouveau traité d’Aix-la-Chapelle, signé en janvier dernier avec l’Allemagne, élargit et renouvelle le champ de la coopération culturelle entre Berlin et Paris. J’en suis heureux et j’espère que les projets communs, que ce soient la plateforme numérique et les instituts franco-allemands intégrés contribueront à valoriser la relation franco-allemande, dont on connaît tous l’impact politique sur la scène internationale.
Enfin, c’est bien sûr au travers de la conservation d’un réseau dense d’ambassades que la France exerce son rayonnement. À mon sens, le réseau diplomatique doit conserver, autant que faire se peut, son universalité. Pour autant, c’est un objectif qui n’interdit pas un redéploiement plus net des moyens d’un poste diplomatique à un autre, en particulier pour répondre au souhait du chef de l’État de voir la France exercer davantage son rôle de puissance d’équilibre dans certaines régions du monde, en Asie par exemple. À cet égard, la volonté de construire un partenariat euro-chinois du XXIe siècle est à mettre en œuvre.
Mes chers collègues, dans cette perspective d’approfondissement de l’action extérieure de l’État dans le monde, le RDSE soutiendra les crédits ouverts en 2020 pour la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’an dernier, le Président de la République a annoncé vouloir doubler le nombre d’apprenants du français, alors même que les prédictions démographiques anticipent un milliard de locuteurs d’ici à 2065. L’AEFE a donc intégré 8 800 nouveaux élèves et labellisé 30 nouveaux établissements.
Toutefois, le détachement de nouveaux enseignants et l’augmentation de la subvention de 25 millions d’euros seront difficilement suffisants pour absorber le choc.
De plus, l’AEFE n’est pas le seul outil du réseau diplomatique, réseau qui baisse d’ailleurs de 13 %. Ce constat d’une diminution des crédits s’applique à l’Alliance française, à Atout France, à l’Institut français ou encore à Campus France.
Bref, la plupart des outils censés viser un double objectif de rayonnement culturel et de développement de la francophonie doivent toujours faire plus, avec moins.
Je souhaiterais aborder ici le plan Bienvenue en France.
Même en modifiant les règles de calcul avant l’été, certaines zones d’origine prioritaires, le Maghreb et l’Afrique subsaharienne entre autres, avaient vu le nombre de demandes baisser de 24 % et 14 %.
Monsieur le ministre, quelle sera votre action à ce sujet après la décision historique du Conseil constitutionnel du 11 octobre dernier rappelant le nécessaire respect des exigences de gratuité de l’enseignement public et d’égal accès à l’instruction ?
L’autre levier essentiel de notre diplomatie, c’est bien évidemment le réseau administratif et politique auprès de nos compatriotes à l’étranger et des étrangers souhaitant avoir des liens avec la France.
Certes, l’objectif fixé dans le cadre de CAP22 d’une réduction de 10 % des effectifs a été ramené à 5,7 %. Mais il faut quand même rappeler que le personnel diplomatique a baissé de 9,4 % depuis quinze ans. Pour 2020, ce sont 81 postes qui sont supprimés sur la mission.
Mes chers collègues, la précarisation de notre réseau consulaire est préoccupante. L’an dernier, plus de 150 demandes de missions de renfort n’ont pu être satisfaites par les services du ministère, faute de personnel.
En parallèle, on estime que le cumul des congés non pris et des heures non rémunérées et non récupérables équivaut à 70 emplois à temps plein. La situation est similaire à celle de l’année dernière.
S’il faut s’interroger, comme l’ont fait nos collègues Rémi Féraud et Vincent Delahaye sur l’augmentation de la charge de l’indemnité de résidence à l’étranger, il convient d’agir, me semble-t-il, avec une extrême prudence.
En effet, certaines villes du globe deviennent si chères que l’indemnité se révèle parfois nettement insuffisante pour vivre dans de bonnes conditions.
D’ailleurs, un bilan devra être fait des conséquences de la réforme du recrutement des agents diplomatiques sur la masse salariale du ministère.
Je ne serai pas étonnée que la priorité donnée aux contrats courts de spécialistes, accompagnée de la prime de fidélisation de 2,8 millions d’euros, coûte beaucoup plus cher que le recrutement de fonctionnaires.
Mon groupe constate une grande différence entre les attentes et les moyens mobilisés, et ce encore plus au regard des priorités fixées par le Gouvernement, que je rappelle : l’action pour la paix et la stabilité, la promotion de l’Union européenne, la défense de la démocratie et des droits humains, et, enfin, la régulation économique et commerciale. Notre pays s’inscrit depuis plusieurs années maintenant dans une politique où, à mon sens, la défense de la démocratie conduit à mettre, plus souvent que nous le souhaiterions, la paix entre parenthèses.
Les choix diplomatiques de notre pays s’appuient de plus en plus souvent sur des considérations d’alliance et/ou économiques, plutôt que sur des analyses de la situation.
Nous avons le sentiment que notre réseau et ses personnels sont – pardonnez-moi ce terme ! – des « VRP » des produits français, notamment, et surtout, en matière de commerce des armes. Vous connaissez notre opposition sur ce sujet. Comment poursuivre un objectif de promotion de la paix tout en étant l’un des plus grands exportateurs d’armes ?
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, malgré toute notre bonne volonté, nous ne pourrons pas voter des crédits dont le montant et l’utilisation méritent, à nos yeux, une autre répartition. (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par le programme 105 de la mission « Action extérieure de l’État », relatif aux ambassades et à l’action diplomatique.
Il prévoit une légère hausse du montant global des crédits, qui s’élèvent à 1,78 milliard d’euros pour 2020.
Premier point notable : la très légère diminution des contributions obligatoires de la France, qui représentent 676 millions d’euros.
J’ai fait partie de la délégation de notre commission qui était à l’ONU en début de semaine. Je souhaite saluer notre équipe diplomatique, conduite par Nicolas de Rivière.
La France est le cinquième ou sixième contributeur à l’ONU. Notre rang de membre permanent du Conseil de sécurité nous y oblige et nous devons souscrire à des contributions obligatoires.
Mais si nous regardons les contributions volontaires, avec 45 millions d’euros, notre contribution est faible et nous ne pointons qu’à la quinzième ou vingtième place.
Il faut être attentif à cette situation, car un déclassement dans ce domaine entraîne une perte d’influence.
Le deuxième poste de dépenses du programme 105 est consacré au fonctionnement du réseau diplomatique à l’étranger, soit 621,6 millions d’euros.
J’appuie votre choix de proposer une légère progression pour ce poste.
Nous soutenons votre réforme consistant à mutualiser et à moderniser les services de l’État français à l’étranger.
Mais la réduction des crédits recherchée ne doit pas altérer la bonne exécution des missions.
M. Olivier Cadic. Ce qui nous inquiète dans ce programme 105, c’est la politique immobilière du Quai d’Orsay. L’image que donne notre diplomatie est celle d’un reflux continu depuis 1995. Pour financer l’entretien de notre patrimoine, nous cédons des propriétés parfois emblématiques.
M. Olivier Cadic. Vendre les « bijoux de famille » pour financer son train de vie a une fin. Et nous y sommes !
Ainsi, en 2019, le montant des cessions n’a atteint que 4 millions d’euros. Et, en effet, il est heureux que vous ayez mis un terme à ce programme de cessions.
Déjà l’an dernier, je vous indiquais qu’il fallait penser différemment sur le sujet.
En commission, vous nous avez demandé de faire des propositions. En voici : à Addis-Abeba, par exemple, notre ambassadeur serait en mesure de réaliser ses propres recettes pour entretenir sa résidence et ses trente-sept hectares de végétation, le tout sans puiser dans les deniers publics.
Pour y parvenir, il faut réformer la comptabilité publique pour donner de l’autonomie à nos chefs de poste, afin de leur permettre de gérer au mieux localement notre patrimoine sans nécessairement faire appel aux deniers publics.
S’agissant du programme 151, qui concerne les consulats et les Français de l’étranger – dont je fais partie –, nous devons faire face à une situation où nous avons de plus en plus d’expatriés ou de personnes de passage, mais de moins en moins de moyens : c’est le fameux effet ciseau.
J’approuve les mesures d’adaptation que vous avez prises dans ce domaine. Mais cela ne suffira pas à dynamiser le réseau consulaire, constitué de 206 postes et d’un réseau d’environ 500 consuls honoraires, que je salue, car leur action bénévole est essentielle à son bon fonctionnement.
Là encore, notre réseau consulaire donne l’image d’un repli permanent : la fermeture des consulats de Moncton et de Séville, la transformation du consulat général de Boston en consulat d’influence, etc. J’arrête là !
Quelle sera la carte consulaire dans dix ans ? Voilà la question !
Ce réseau doit être abordé non pas comme une structure de coûts, mais comme une opportunité de gérer des revenus. Si l’intégralité des recettes des visas était affectée à ce programme 151, notre présence consulaire pourrait ainsi s’étendre hors de nos frontières sans que cela coûte un sou au contribuable.
On pourrait aussi s’inspirer des bonnes pratiques : les consuls honoraires allemands peuvent effectuer les prises d’empreintes biométriques, ce qui évite aux Allemands de faire de longs déplacements pour pouvoir renouveler leurs passeports.
De plus, cela nous permettrait de faire des économies de fonctionnement substantielles.
S’agissant du programme 185, qui concerne notre diplomatie culturelle, je soutiens sans réserve la dynamique initiée par le Président de la République dans le but de doubler le nombre d’élèves scolarisés dans l’enseignement français à l’étranger à l’horizon 2030.
Pour y parvenir, vous avez présenté une réforme de l’enseignement français à l’étranger. Afin de soutenir le développement du réseau, vous avez augmenté la subvention de l’AEFE de 24,6 millions d’euros.
Mais Bercy veille : avec une augmentation de la réserve de précaution de 3 % à 4 % du budget de l’AEFE, la dotation de l’État ne représentera en fait que 16,15 millions d’euros.
Mon collègue Jean-Marie Mizzon reviendra plus en détail sur ce programme 185, tout comme j’y reviendrai au cours des débats.
Puisqu’il me reste quelques secondes, je veux rendre hommage, monsieur le ministre, à votre action personnelle à la tête de ce ministère : je n’entends que des éloges à votre égard. Je voulais le signaler. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et LaREM. – Mmes Hélène Conway-Mouret et Laure Darcos applaudissent également.)