Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
MM. Yves Daudigny, Daniel Dubois.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
M. Alain Fouché ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur.
situation à chanteloup-les-vignes
Mme Marta de Cidrac ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; Mme Marta de Cidrac.
application du principe de réciprocité dans les relations commerciales entre la chine et l’europe
M. Olivier Cadic ; Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes ; M. Olivier Cadic.
dernières évaluations nationales en CP et CE1
Mme Françoise Cartron ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
réforme de la fiscalité locale
M. Jean-Yves Roux ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
réforme de l’assurance chômage
Mme Laurence Cohen ; Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail ; Mme Laurence Cohen.
M. Claude Bérit-Débat ; Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail ; M. Claude Bérit-Débat.
hausse de la délinquance à paris
Mme Céline Boulay-Espéronnier ; M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; Mme Céline Boulay-Espéronnier.
difficultés en matière de transports en guadeloupe
Mme Victoire Jasmin ; M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports.
Mme Christine Lavarde ; Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes ; Mme Christine Lavarde.
inégal remboursement entre infirmiers et pharmaciens de l’acte de vaccination
Mme Évelyne Perrot ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
critiques des sénateurs après les débats relatifs au port du voile
Mme Anne-Marie Bertrand ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur.
Mme Nathalie Delattre ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
annonces du premier ministre sur l’immigration
M. Gilbert-Luc Devinaz ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; M. Gilbert-Luc Devinaz.
office national des anciens combattants et des victimes de guerre
M. Jean-Raymond Hugonet ; Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement ; M. Jean-Raymond Hugonet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret
Conclusions de la conférence des présidents
M. Jean-Pierre Sueur ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Marie-Pierre de la Gontrie
5. Violences au sein de la famille. – Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois
Mme Marie-Pierre de la Gontrie
Clôture de la discussion générale.
Articles additionnels avant l’article 1er
Amendement n° 53 rectifié de Mme Claudine Lepage. – Retrait.
Amendement n° 51 rectifié de M. Roland Courteau. – Rejet.
Amendement n° 55 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
6. Communication d’un avis sur un projet de nomination
7. Adoption des conclusions de la conférence des présidents
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
8. Violences au sein de la famille. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme Marie-Pierre de la Gontrie
Amendement n° 101 rectifié de Mme Josiane Costes. – Rejet.
Amendement n° 1 rectifié bis de Mme Laure Darcos. – Retrait.
Amendement n° 29 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 57 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Rejet par scrutin public n° 21.
Amendement n° 56 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 2 rectifié bis de Mme Laure Darcos. – Retrait.
Amendement n° 23 de Mme Françoise Cartron. – Retrait.
Amendement n° 8 rectifié bis de Mme Laure Darcos. – Rejet par scrutin public n° 22.
Amendement n° 63 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 31 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 102 rectifié de Mme Josiane Costes. – Rejet par scrutin public n° 23.
Amendement n° 58 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Rejet par scrutin public n° 24.
Amendement n° 120 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 59 rectifié de Mme Catherine Conconne. – Rejet par scrutin public n° 25.
Amendement n° 121 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 81 rectifié de Mme Angèle Préville. – Retrait.
Amendement n° 61 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 41 rectifié bis de Mme Claudine Lepage. – Retrait.
Amendement n° 60 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Rejet par scrutin public n° 26.
Amendement n° 122 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 117 rectifié de Mme Josiane Costes. – Retrait.
Amendement n° 85 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Rejet par scrutin public n° 27.
Amendement n° 84 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Retrait.
Amendement n° 62 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Retrait.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Adoption, par scrutin public n° 28, de l’article.
Articles additionnels après l’article 2
Amendement n° 13 rectifié quinquies de Mme Annick Billon. – Rejet.
Amendement n° 82 rectifié ter de Mme Laurence Rossignol. – Non soutenu.
Amendement n° 103 rectifié bis de Mme Josiane Costes. – Retrait.
Amendement n° 83 rectifié ter de Mme Laurence Rossignol. – Non soutenu.
Amendement n° 18 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 79 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Non soutenu.
Amendement n° 3 rectifié ter de Mme Laure Darcos. – Retrait.
Amendement n° 118 rectifié bis de Mme Josiane Costes. – Retrait.
Amendement n° 43 rectifié bis de Mme Claudine Lepage. – Non soutenu.
Amendement n° 25 de Mme Françoise Cartron. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 2 bis
Amendement n° 86 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Non soutenu.
Amendement n° 87 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Non soutenu.
Amendement n° 123 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.
Article additionnel après l’article 2 ter
Amendement n° 124 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
Article 2 quater (nouveau) – Adoption.
Articles additionnels après l’article 2 quater
Amendement n° 4 rectifié sexies de Mme Annick Billon. – Rejet.
Amendement n° 48 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 104 rectifié de Mme Josiane Costes. – Retrait.
Amendements nos 89 rectifié ter et 69 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Non soutenus.
Amendement n° 113 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Rejet.
Amendement n° 70 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Non soutenu.
Amendement n° 32 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Non soutenu.
Amendement n° 71 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Non soutenu.
Amendement n° 114 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Rejet.
Amendement n° 26 rectifié bis de Mme Françoise Cartron. – Rejet.
Amendement n° 65 rectifié bis de Mme Claudine Lepage. – Non soutenu.
Amendement n° 116 rectifié de Mme Josiane Costes. – Retrait.
Amendement n° 39 rectifié bis de Mme Claudine Lepage. – Non soutenu.
Amendement n° 21 rectifié bis de Mme Catherine Conconne. –Non soutenu.
Amendement n° 125 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 126 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 24 de Mme Françoise Cartron. – Adoption.
Amendement n° 47 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Rejet.
Amendement n° 64 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 5
Amendement n° 45 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Articles additionnels après l’article 6
Amendement n° 106 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 111 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 112 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 108 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 109 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 110 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 107 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 115 rectifié de Mme Josiane Costes. – Retrait.
Amendement n° 42 rectifié bis de Mme Claudine Lepage. – Non soutenu.
Amendement n° 127 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 7 bis
Amendement n° 67 rectifié bis de Mme Maryvonne Blondin. – Non soutenu.
Amendements nos 66 rectifié, 40 rectifié bis et 44 rectifié bis de Mme Claudine Lepage. – Non soutenus.
Amendement n° 78 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Non soutenu.
Amendement n° 46 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 68 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Non soutenu.
Amendements nos 80 rectifié et 88 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Non soutenus.
Adoption de l’article.
Article 9 (suppression maintenue)
Article additionnel après l’article 9
Amendements nos 72 rectifié, 73 rectifié et 74 rectifié de Mme Catherine Conconne. – Non soutenus.
Amendements nos 93 rectifié, 94 rectifié, 95 rectifié et 96 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Non soutenus.
Articles additionnels avant l’article 10 A
Amendement n° 75 rectifié de Mme Martine Filleul. – Non soutenu.
Amendement n° 91 rectifié ter de Mme Laurence Rossignol. – Non soutenu.
Amendement n° 12 rectifié quinquies de Mme Annick Billon. – Retrait.
Amendement n° 30 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Non soutenu.
Amendement n° 5 rectifié quater de Mme Annick Billon. – Retrait.
Amendement n° 14 rectifié quinquies de Mme Annick Billon. – Retrait.
Amendement n° 33 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Non soutenu.
Amendement n° 97 rectifié de Mme Laurence Rossignol et sous-amendement n° 129 de M. Jean-Pierre Grand. – L’amendement n’étant pas soutenu, le sous-amendement devient sans objet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 38 rectifié de Mme Angèle Préville. – Non soutenu.
Amendement n° 98 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Non soutenu.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 10 B
Amendement n° 49 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 99 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Non soutenu.
Amendement n° 7 rectifié ter de Mme Annick Billon. – Retrait.
Amendement n° 77 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Non soutenu.
Amendement n° 90 rectifié ter de Mme Laurence Rossignol. – Non soutenu.
Amendement n° 10 rectifié sexies de Mme Annick Billon. – Retrait.
Amendement n° 100 rectifié ter de Mme Laurence Rossignol. – Non soutenu.
Amendement n° 11 rectifié sexies de Mme Annick Billon. – Retrait.
Article 10 (suppression maintenue)
Amendement n° 34 de Mme Laurence Cohen. – Non soutenu.
L’article demeure supprimé.
Article 11 (suppression maintenue)
Article additionnel après l’article 11
Amendement n° 76 rectifié de M. Roland Courteau. – Non soutenu.
Amendement n° 128 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois
COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Yves Daudigny,
M. Daniel Dubois.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
À l’issue de ces questions, la séance sera suspendue jusqu’à dix-sept heures quinze afin de permettre à la conférence des présidents de se réunir.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au temps et au respect des uns et des autres.
situation dans les banlieues
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Alain Fouché. Certains individus font des concours de guet-apens contre les services de secours et les forces de l’ordre. Ces concours de lâches se propagent depuis plusieurs jours, relayés par les réseaux sociaux. La réponse à apporter doit être la fermeté.
La nouvelle mode de ces criminels est de se filmer pendant leurs attaques contre les forces de l’ordre. Désœuvrés ou protégeant des trafics, ils oublient bien vite la chance qu’ils ont de vivre dans un pays qui respecte l’État de droit et qu’eux-mêmes ont intérêt à respecter.
Rien ne saurait justifier ces atteintes à l’ordre public, à la sécurité de nos concitoyens et à celle de ceux qui les protègent au quotidien : les gendarmes, les policiers et les pompiers, à qui je veux rendre hommage.
Les tensions dans les quartiers défavorisés sont en recrudescence. Voilà plus de trente ans que les gouvernements successifs tentent d’en venir à bout, sans y parvenir vraiment. Il semble qu’une trentaine d’individus était impliquée dans le guet-apens de Chanteloup-les-Vignes. Seules deux interpellations ont eu lieu à ce jour.
Dans cette ville, comme ailleurs, cette situation n’est pas acceptable. La réponse judiciaire doit être à la hauteur des infractions commises.
Monsieur le ministre de l’intérieur, je sais que vous vous êtes rendu sur les lieux hier matin. Que comptez-vous faire pour que les forces de l’ordre disposent de moyens plus importants, nécessaires à l’accomplissement de leur mission ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et LaREM, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Fouché, vous avez évoqué trente ans d’actions, avec des succès, des réussites en matière de politique de la ville, mais aussi des échecs.
Dans de nombreux quartiers, la situation ne s’est pas améliorée, tant en matière sociale, en matière d’espérance, de lutte contre une forme de déterminisme social ou d’assignation à résidence, que sur les questions de sécurité et de violence, notamment à l’encontre des forces de l’ordre. C’est la raison pour laquelle, hier matin, quand je me suis rendu à Chanteloup-les-Vignes, j’ai proposé à la garde des sceaux et au ministre chargé de la ville et du logement de m’accompagner. La reconquête républicaine que nous devons conduire dans ces quartiers ne relève pas que de la seule police. Elle en relève, bien évidemment, mais elle relève aussi de l’ensemble de l’action portée sur ces territoires.
Notre première volonté a été de nous tenir aux côtés de Mme la maire de Chanteloup-les-Vignes, qui porte un projet ambitieux pour sa commune et qui se bat chaque jour avec les associations. Ce sont d’ailleurs les activités de ces dernières qui étaient visées. Quand nous avons rencontré les parents, les mamans de ce quartier, c’est ce qu’ils nous ont dit.
Le comportement de ces voyous est inacceptable. C’est la raison pour laquelle il faut des sanctions exemplaires. Deux personnes ont d’ores et déjà été interpellées et mises à disposition de la justice. La qualification criminelle a été retenue pour l’instruction de cette affaire. L’enquête se poursuit, et je suis convaincu que d’autres personnes seront interpellées.
Je voudrais redire, comme vous, monsieur le sénateur, tout mon soutien à l’engagement puissant, fort, manifeste, courageux de nos forces de sécurité intérieure. Je pense notamment à la police et aux sapeurs-pompiers qu’elle a protégés lors de ces incendies.
Je voudrais aussi vous dire ma détermination à renforcer plus encore les moyens de nos forces de sécurité intérieure. La nuit dernière, à l’Assemblée nationale, je présentais justement un budget de la sécurité en augmentation de 1 milliard d’euros depuis 2017. Nous aurons l’occasion d’en débattre dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, Les Indépendants et UC.)
situation à chanteloup-les-vignes
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marta de Cidrac. Monsieur le Premier ministre, connaissez-vous Chanteloup-les-Vignes ? C’est une ville de 10 000 habitants, à l’ouest de Paris, dans les Yvelines, meurtrie après les affrontements de samedi dernier entre criminels et policiers ayant entraîné l’incendie d’un équipement collectif.
Chanteloup est une ville française comme Mantes, Béziers ou Brest, qui pansent leurs plaies et se battent au quotidien pour reconquérir, mètre carré par mètre carré, chaque morceau de leur territoire républicain que des criminels souhaitent voir disloqué.
Lorsqu’on brûle nos villes, qu’on attaque nos policiers ou qu’on menace nos élus, c’est la République qu’on brûle, qu’on attaque et qu’on menace, monsieur le Premier ministre. Or, pour bien combattre ce mal, il faut bien le nommer et bien le comprendre. Relativiser ce qui s’est passé en qualifiant les agresseurs « d’imbéciles » fut une erreur.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que ces agresseurs, très organisés, défendent l’extraterritorialité de leur espace. Ils rejettent les lois de la République, ils refusent toute autorité venue de l’État, ils interdisent à la République de s’occuper de leurs affaires. Ils font scission, monsieur le Premier ministre.
Mme Marta de Cidrac. C’est cela que vous devez nommer et combattre avec la plus grande fermeté.
Monsieur le Premier ministre, comment envisagez-vous de rétablir l’autorité de l’État que vous devez à nos concitoyens, dans les Yvelines ou ailleurs en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, la première partie de votre question m’est adressée personnellement. Il s’agit de savoir si je connais Chanteloup-les-Vignes. La réponse est oui : j’ai la chance de connaître cette commune des Yvelines, ainsi que sa maire. Je m’y suis rendu en tant que Premier ministre. J’ai visité un certain nombre de quartiers, ainsi que le commissariat. J’ai pu rencontrer ceux qui, pour le compte des services de l’État et en tant qu’élus locaux, gèrent cette commune et essaient d’apporter les réponses les plus adaptées à une situation dont nous savons qu’elle est difficile.
Vous évoquez ensuite les événements survenus samedi dernier, en début de soirée, à savoir l’attaque, le guet-apens, contre les forces de police et l’incendie criminel de l’un des équipements culturels de Chanteloup-les-Vignes.
Vous dites aussi que, pour bien traiter les questions, il faut savoir les nommer. Ce faisant, vous faites référence à mes propos qualifiant les agresseurs de « petite bande d’imbéciles ».
Comme vous, je suis attaché à la parole publique et aux positions que prennent les élus locaux. Je me permets donc de vous faire remarquer, madame la sénatrice, que le président du conseil départemental des Yvelines, que vous connaissez et que vous respectez, comme moi, a employé le terme « crétins ». Je ne sais pas s’il est plus léger, plus infamant, plus responsable, plus dur que « petite bande d’imbéciles ». Je ne sais pas non plus si les termes « racaille » ou « sauvageons » qui ont été utilisés sont plus pertinents. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. « Galopins » !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous pourrions nous entendre sur le fait que ce qui compte, au-delà du champ lexical, c’est la réalité des faits et des réponses.
Pour ce qui est de ces dernières, madame la sénatrice, nous souhaitons tout mettre en œuvre pour que l’ordre soit rétabli. Pour ce faire, nous essayons d’attaquer le problème de toutes les façons possible.
Lorsque nous doublons le budget de l’ANRU, nous ne le faisons pas pour le plaisir de doubler un budget. Nous le faisons parce que, à l’écoute des élus locaux, nous savons que les opérations de rénovation urbaine sont des éléments puissants de réponse à ce problème. Je le sais, parce que j’écoute Mme la maire de Chanteloup-les-Vignes, parce que j’écoute, le cas échéant, le président du conseil départemental des Yvelines et parce que, madame la sénatrice, j’ai été maire du Havre et que je sais ce qu’est l’ANRU, ce que sont les opérations de rénovation urbaine et ce que sont les violences urbaines. Je le sais d’expérience. Je ne parle pas de façon théorique. Je sais que les opérations de rénovation urbaine permettent d’apporter non pas toutes, mais une partie des réponses que ces quartiers exigent.
C’est exactement la même logique lorsque, avec l’ensemble du Gouvernement, nous essayons d’augmenter les effectifs de la police nationale : 10 000 effectifs supplémentaires dans la police nationale sur l’ensemble du quinquennat. Pourquoi ? Non pas pour le plaisir d’augmenter les effectifs, mais parce que, malheureusement, ils font défaut. Or nous savons qu’il faut renforcer la présence des forces de l’ordre pour être en mesure d’apporter une réponse crédible. C’est ce que le ministre de l’intérieur et le secrétaire d’État placé auprès de lui essaient de faire.
M. François Grosdidier. Et l’équipement ? Et la réponse pénale ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Lorsque nous dédoublons les classes de CP, lorsque nous essayons de faire en sorte que l’éducation fonctionne mieux, y compris et surtout dans les zones dites sensibles, c’est exactement la même logique. Nous essayons d’aborder cette question par tous les bouts, si vous me permettez cette expression.
Nous sommes parfaitement conscients de la difficulté. Nous en avons discuté avec Mme la maire de Chanteloup-les-Vignes. Elle a d’ailleurs souligné – et je sais que vous y serez sensible, puisque vous êtes attachée, comme moi, à ce que disent les élus locaux – que nous venions perturber des trafics de stupéfiants à Chanteloup, comme dans d’autres villes. Lorsque l’on perturbe ces trafics, lorsque l’on vient briser des habitudes néfastes et criminelles, cela crée forcément des turbulences que nous devons affronter. Elles ne doivent pas nous horrifier, elles sont la conséquence d’une action résolue que nous allons poursuivre. La lutte contre le trafic de stupéfiants, la préparation du futur dans ces quartiers, dans ces villes, sont les objectifs du Gouvernement, et je suis sûr que vous les partagez. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.
Mme Marta de Cidrac. Que nous partagions les objectifs, j’en suis tout à fait d’accord, monsieur le Premier ministre. Reste que vous me parlez de sémantique quand je vous parle d’autorité de l’État. Vous ne m’avez donc pas répondu.
Nous partageons le même constat, monsieur le Premier ministre. J’étais hier aussi à Chanteloup-les-Vignes, avec vos ministres. L’autorité de l’État est aujourd’hui absente de ces quartiers et c’est son rétablissement que nous vous demandons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
application du principe de réciprocité dans les relations commerciales entre la chine et l’europe
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cadic. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des affaires européennes et concerne la visite du Président Emmanuel Macron en Chine.
Le Président de la République a raison : seule l’Union européenne, dans une approche coordonnée, peut devenir « un partenaire crédible et efficace » de la Chine. La France ne peut s’engager seule en Chine. Elle n’a pas la taille critique pour contrebalancer l’émergence de cette puissance aux aspirations dominatrices.
S’il est légitime que la Chine veuille s’affirmer comme une grande puissance mondiale, elle trace son chemin largement à l’écart des règles du jeu occidentales, fondées sur la réciprocité des échanges, sur la transparence commerciale et sur la probité juridique. Ne parlons même pas de valeurs démocratiques ou de libertés publiques…
Le régime chinois construit un monde orwellien pour assurer l’unité de son peuple dans un espace clos par une « cybermuraille de Chine ». C’est au sein de ce monde hermétique que se développent leurs champions nationaux comme Huawei ou Alibaba.
Il serait suicidaire pour l’Union européenne de continuer à laisser la Chine investir sur nos marchés sans bénéficier d’un principe de réciprocité. Ce qui est interdit à nos entreprises en Chine doit être interdit aux entreprises chinoises dans l’Union européenne. Comment pensez-vous imposer la réciprocité des échanges entre la Chine et l’Union européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, RDSE, Les Indépendants et LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des affaires européennes.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Ce que vous dites est totalement vrai, monsieur le sénateur.
En mars dernier, l’Union européenne a reconnu, pour la première fois, la Chine comme un partenaire, mais aussi comme un concurrent et un rival. Nous avons arrêté un certain nombre d’actions concrètes pour obtenir davantage de réciprocité dans notre relation avec la Chine et nous assurer du maintien de conditions de concurrence équitables, fondées sur un respect mutuel de nos règles.
La visite d’État du Président de la République en Chine qui s’achève aujourd’hui a permis de poursuivre et d’amplifier cette dynamique, impulsée également lors de la visite du Président Xi Jinping en mars dernier, en présence de Jean-Claude Juncker et d’Angela Merkel pour incarner cette dimension européenne et arriver à construire un partenariat eurochinois ambitieux, à la hauteur des différents enjeux, notamment, comme vous l’avez rappelé, en matière de protection des données personnelles.
Priorité est donnée au commerce et aux investissements. La participation du Président de la République à la foire des importations de Shanghai, avec le Président chinois, était un moment important pour rééquilibrer nos relations économiques par le haut.
Aujourd’hui, un acte important a été posé avec la conclusion d’un accord sur les indications géographiques : cent indications géographiques chinoises et cent indications européennes, dont vingt-six françaises, vont bénéficier d’un haut degré de protection dès l’entrée en vigueur de l’accord. Concrètement, cela signifie que nos producteurs de côtes de Provence, de Roquefort, de pruneaux d’Agen seront mieux protégés et pourront davantage exporter et se développer (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.). Il ne s’agit que d’exemples…
Nous avons ensuite cherché à avancer vers un accord Union européenne-Chine sur la protection de nos investissements et de nos actifs stratégiques. Le point clé, selon moi, c’est le volet multilatéral. Il faut inciter la Chine à réformer l’OMC pour permettre à cette dernière de traiter de pratiques commerciales déloyales, dans la continuité de la déclaration franco-chinoise sur le multilatéralisme. Plutôt que d’appliquer des tarifs réciproques, comme les États-Unis, dialoguer avec fermeté nous semble essentiel pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour la réplique.
M. Olivier Cadic. La Chine n’est pas un État de droit, mais un État de lois. Elle ne s’embarrasse pas de principes de transparence et de loyauté pour décrocher des marchés publics à l’international.
Pour vendre en Chine, toute l’industrie cosmétique doit passer par le site Alibaba. On peut donc se demander quel sera l’avenir des brevets des molécules cosmétiques. Les entreprises européennes ont besoin de protection commerciale.
Le groupe Union Centriste l’a porté durant la campagne des élections européennes, et nous insistons encore aujourd’hui : face à la Chine, nous devons avoir une stratégie pour défendre l’Union européenne qui est, elle, un espace de droit. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, RDSE, Les Indépendants et LaREM.)
dernières évaluations nationales en CP et CE1
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
Mme Françoise Cartron. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.
À la rentrée 2018, des évaluations en CP et CE1 ont été mises en place afin d’identifier les compétences acquises par les élèves, ainsi que leurs difficultés. En comparaison, les mêmes évaluations nationales réalisées cette année font apparaître, comme vous l’avez déclaré dimanche dernier, des « progrès significatifs » chez les enfants évalués : progrès sur la fluidité de lecture et la capacité de calcul, progrès dans les territoires les plus défavorisés.
Soyons clairs : dix des treize critères évalués en CE1 montrent une amélioration par rapport à l’année dernière, mais, en même temps, une faible majorité d’écoliers a acquis le niveau attendu en ce qui concerne la maîtrise des additions et des soustractions.
Nous ne pouvons qu’espérer que ces progrès se confirmeront et s’amplifieront, et ce dans l’intérêt des enfants. Nous le souhaitons toutes et tous dans cet hémicycle.
Aussi, afin que ces résultats s’inscrivent dans une dynamique positive sur le long terme, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur ce qui, selon vous, explique cette amélioration ? Est-ce en partie lié au dédoublement des classes ou/et à l’évolution des pratiques pédagogiques ? Avez-vous une analyse territoriale – zones rurales, REP et REP+ – de cette évolution positive ? (Murmures sarcastiques sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. Claude Bérit-Débat. Eh bien oui ! (Sourires sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Françoise Cartron. Afin que cette progression devienne une tendance lourde,… (Les murmures se transforment en brouhaha.)
M. le président. Un peu de silence, s’il vous plaît !
Mme Françoise Cartron. … pourriez-vous préciser les dispositifs qui seront ainsi pérennisés et les initiatives nouvelles qui, demain, pourraient être mises en place ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Françoise Cartron, il s’agit d’une question essentielle. (Rires sur les travées des groupes SOCR, CRCE et Les Républicains.) Je me réjouis de constater l’unanimité de la représentation nationale sur cette question. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
S’il n’y avait qu’une seule question en matière d’éducation, ce serait celle-ci. Nous le savons tous, énormément de choses se jouent entre zéro et sept ans. Le bon départ scolaire de tous les enfants de France est déterminant, en matière de justice sociale et, tout simplement, pour le bon niveau général de notre pays. C’est la raison pour laquelle ces résultats doivent nous encourager à plusieurs titres.
Si les résultats stagnent en début de CP, ils sont meilleurs en début de CE1, ce qui montre que les efforts réalisés l’an dernier en faveur de l’année de CP ont payé. Je pense au dédoublement des classes et aux pratiques pédagogiques. Ces résultats nous montrent aussi qu’il reste du travail à faire pour l’école maternelle. Nous le savons, si un enfant arrive en CP avec un vocabulaire trop faible, il aura des difficultés à entrer dans la lecture et l’écriture, ce qui justifie pleinement une politique prioritaire pour l’école maternelle et renvoie à la question que vous posez sur l’avenir.
Comme vous le savez, nous allons dédoubler les grandes sections de maternelle en REP et en REP+, de façon à ce qu’il y ait des classes de douze élèves, et améliorer le temps d’encadrement partout, en garantissant un maximum de vingt-quatre élèves par classe dans toute la France en grande section de maternelle, en CP et en CE1. Tous ces éléments contribueront évidemment aux améliorations nécessaires.
D’ores et déjà, nous avons constaté deux progrès, indiqués sur le site du ministère. Le premier concerne le début de CE1, ce qui renvoie donc aux efforts fournis en faveur du CP. Le second est lié à la réduction de l’écart entre les réseaux d’éducation prioritaire et le reste du pays : là où il y avait 12 points d’écart quant aux résultats en lecture, il y en a désormais 10.
Même s’il reste du chemin à faire, ces résultats sont encourageants. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
réforme de la fiscalité locale
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Yves Roux. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
Il y a quelques jours, nous étions sur ces travées pour soutenir les élus, faciliter l’exercice quotidien de leur mandat et encourager leur vocation, au service de leurs concitoyens. Que souhaitent-ils ? Monsieur le ministre, vous me permettrez de citer votre collègue chargé des collectivités territoriales : « Si les élus souhaitent que nous corrigions les défauts des réformes passées, ils veulent aussi de la stabilité. » Je ne dirais pas mieux !
Toutefois, ce qui vaut en matière institutionnelle vaut aussi en matière de finances locales, car, pour assurer efficacement l’ensemble des services à la population, les communes et EPCI doivent disposer de réelles capacités d’action. En la matière, l’inquiétude est grande. En effet, élus et candidats, qui préparent leur programme municipal sur des bases crédibles, viennent de prendre connaissance des simulations des conséquences de la suppression de la taxe d’habitation sur le potentiel fiscal.
Le mécanisme est pourtant bien connu : malgré une compensation à l’euro près, la suppression de la taxe d’habitation jouera nécessairement sur le potentiel fiscal et, donc, sur le niveau des dotations d’État et des péréquations correspondantes. Sont ainsi appelés à varier dès 2023, et donc en cours de mandat, près de onze des dix-huit critères de répartition pour les communes. Nous sommes loin de la stabilité et de la visibilité fiscales nécessaires à l’exercice serein du mandat d’élu.
Sur la base de ces simulations, les communes les plus pauvres deviendraient subitement plus riches, grâce à une hausse mécanique de leur potentiel fiscal, et donc moins aidées par l’État, tandis que des communes réputées plus riches, connaîtraient la trajectoire inverse ! Où est la logique fiscale ? Où est la solidarité nationale ? Où est l’esprit de la décentralisation ?
Monsieur le ministre, mes interrogations sont donc simples : comment et quand comptez-vous concrètement corriger les effets néfastes des variations du potentiel fiscal ? Allez-vous accueillir les propositions des sénateurs, qui souhaitent rectifier dès maintenant les conséquences majeures induites par la fin de la taxe d’habitation ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, vous relayez les interrogations des élus locaux, en particulier de votre département, sur les finances locales et la réforme de la fiscalité locale. J’entends deux interrogations majeures : l’une sur la stabilité et la visibilité ; l’autre, plus technique, sur le potentiel fiscal servant de référence au calcul des critères d’accès à telle ou telle dotation.
Sur la stabilité, nous pouvons rassurer les élus. Depuis le début de ce quinquennat, nous avons fait le choix de stabiliser les dotations à un niveau global : le budget pour 2020 prévoit la stabilité de la DGF et des dotations d’investissement et une légère augmentation des concours de l’État aux collectivités, qui passent de 48,3 milliards d’euros à 49,1 milliards d’euros.
Sur la lisibilité, notre volonté est de trouver un modèle simple de compensation de la taxe d’habitation pour les collectivités, ce qui correspond aux engagements du Président de la République. La simplicité de ce modèle repose sur le transfert et l’attribution de la quasi-totalité de la taxe foncière aux communes, avec un pouvoir de taux dès 2021. Il s’agit d’une recette dynamique, puisque c’est une recette fiscale. Pour les départements et les intercommunalités, il est également prévu l’affectation d’une fraction de TVA pour compenser la perte des recettes fiscales afférentes, à hauteur de 3 % par an.
Votre question présente également un aspect plus technique – c’est une litote –, qui concerne le potentiel fiscal, lequel détermine l’accès des collectivités locales à telle ou telle dotation de péréquation.
Jacqueline Gourault et moi-même l’avons dit lors de notre audition par le Comité des finances locales, le 26 septembre dernier, et j’ai eu l’occasion de le redire voilà quelques jours devant la délégation aux collectivités territoriales de votre assemblée : nous proposons de mettre à profit les premiers mois de l’année 2020 pour voir si le potentiel fiscal peut être redéfini. À cet égard, toutes vos propositions sont les bienvenues. Pouvons-nous améliorer cet indicateur de la mesure des richesses théoriques des communes et des territoires ? C’est une entreprise difficile, extrêmement compliquée techniquement.
Si nous n’arrivions pas à le modifier correctement, ce qui peut arriver, nous mettrions à profit le projet de loi de finances pour 2021, afin de neutraliser les effets de la réforme de la taxe d’habitation. En effet, il est hors de question pour le Gouvernement que la suppression de la taxe d’habitation et la réforme de la fiscalité locale se traduisent par l’évolution artificielle d’un indicateur qui conditionne l’accès à telle ou telle dotation. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
réforme de l’assurance chômage
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Laurence Cohen. La réforme de l’assurance chômage, instaurée par décret et qui est entrée en vigueur le 1er novembre, est un véritable cataclysme : 850 000 chômeurs et chômeuses vont voir leurs indemnités baisser de 20 % et 200 000 seront privés de toute indemnité ! Ce sont donc plus d’un million de personnes qui seront frappées de plein fouet.
Croyez-vous sérieusement, madame la ministre, que cette demandeuse d’emploi qui a interpellé le Président Macron à La Réunion en lui disant « il n’y a pas de travail, comment fait-on avec 790 euros par mois ? » observera une amélioration de sa situation ? C’est tout le contraire qui se produira, vous le savez !
Les secteurs aux contrats discontinus seront davantage impactés : hôtellerie-restauration, spectacle, Ehpad, nettoyage, pour ne prendre que quelques exemples. Votre réforme enfoncera la tête des plus précaires sous l’eau. C’est une réforme sexiste et anti-jeunes !
Les syndicats et les associations des personnes privées d’emploi sont vent debout contre cette réforme et appellent, très justement, à manifester le 30 novembre et le 5 décembre. Les agents de Pôle emploi se disent eux aussi choqués par ces nouvelles règles.
Ma question est simple, madame la ministre. Avec cette réforme inique, vous comptez faire une économie de 4,5 milliards d’euros en trois ans. Pourquoi ne pas vous attaquer aux allégements de cotisations patronales, qui, de 2013 à 2019, ont atteint 26 milliards d’euros ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice Laurence Cohen, je ne reconnais pas du tout la réforme de l’assurance chômage dans ce que vous dites. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
Il ne faut pas nier les faits : notre politique en matière de marché du travail commence à porter ses fruits, même s’il reste beaucoup à faire. Dans le département du Val-de-Marne, par exemple, le chômage est passé de 8,3 % à 7,4 %. C’est le fruit d’un travail systématique sur la formation et l’apprentissage, des ordonnances, que la réforme de l’assurance chômage viendra compléter. (Vives exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
L’assurance chômage, c’est un triptyque. Si nous en modifions les règles, c’est parce que le contexte a changé. Grâce aux aides du Gouvernement, le secteur économique a créé un demi-million d’emplois en France.
M. Pierre-Yves Collombat. Et combien en a-t-il perdu ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. En outre, il existe aujourd’hui de nombreux emplois vacants. À La Réunion, où j’étais avec le Président de la République, je peux vous dire qu’il y a énormément d’emplois vacants, alors que le chômage atteint un taux inacceptable.
Je le disais, cette réforme est un triptyque. Le premier volet concerne les employeurs. Nous pénalisons ceux qui abusent des contrats courts, car, la vraie trappe à pauvreté, c’est le chômage. Nous luttons contre la précarité instaurée par les contrats trop courts, qui concernent neuf embauches sur dix. C’est pourquoi nous avons instauré, ce que personne n’avait fait avant, le bonus-malus et le CDDU. (Murmures sur les travées du groupe SOCR.)
Le deuxième volet repose sur l’accompagnement des demandeurs d’emploi. De façon inédite, un million de demandeurs d’emploi bénéficieront d’un accompagnement beaucoup plus proactif, comme le font très bien les pays scandinaves. Nous avons testé ce dispositif avec des demandeurs d’emploi, à Nice et dans d’autres agences Pôle emploi. Dans la mesure où je me rends souvent dans ces agences, je peux vous dire que cette réforme a été élaborée à partir des problèmes rencontrés sur le terrain. C’est pourquoi l’accompagnement que nous mettrons en œuvre aura des effets.
Le troisième volet est celui de l’indemnisation. Dans ce domaine, il faut revenir à la normale, à savoir la négociation des partenaires sociaux avant la crise. Quand il y a une dynamique d’emploi et du chômage, il faut à la fois protéger et inciter au retour à l’emploi. C’est ce que nous faisons, pour l’emploi et contre la précarité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, vos propos ne convainquent que vous. Dans le Val-de-Marne, dont vous nous avez parlé, la réalité, ce sont les radiations ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. Jean-Marc Todeschini. Voilà !
Mme Laurence Cohen. Qu’est-ce que votre réforme ? C’est une machine à faire exploser la précarité et la pauvreté ! Plus de neuf millions de pauvres dans notre pays aujourd’hui, ne trouvez-vous pas que c’est suffisant ? N’est-ce pas inacceptable ? Pourquoi faire encore grossir leurs rangs ?
Vous avez décidé de supprimer l’Observatoire national de la pauvreté. Madame la ministre, casser le thermomètre ne fait pas baisser la fièvre !
Votre politique est nettement plus généreuse quand il s’agit de servir les plus aisés, qui voient leurs revenus augmenter de 1 %. Il faut que vous arrêtiez avec cette politique et de faire de la com. Les gens attendent autre chose, c’est-à-dire des mesures. Ils seront nombreux à être dans la rue, et nous serons avec eux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
assurance chômage
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Claude Bérit-Débat. Punition, catastrophe sociale, trappe à pauvreté… Autant de mots entendus pour qualifier votre réforme de l’assurance chômage, que je fais miens sans réserve. Pour ce gouvernement, le cap est clair : à droite toute !
Cette réforme, imposée par décret, est, pour reprendre les mots de Laurent Berger, « une des réformes les plus dures socialement qui s’est opérée ces vingt-cinq dernières années ». Avec les nouvelles conditions draconiennes d’accès aux droits, on estime que, en 2020, sur les 2,6 millions de personnes qui auraient bénéficié d’indemnités avec l’ancien système, près de 10 % ne pourront ouvrir aucun droit, et 23 % des bénéficiaires verront leurs droits rognés pour une question purement comptable.
M. Jean-Marc Todeschini. Eh oui !
M. Claude Bérit-Débat. Pis, au 1er avril 2020, avec votre nouveau mode de calcul, 1,4 million de demandeurs d’emploi verront leurs indemnités baisser drastiquement. Les personnes ayant un rythme de travail fractionné, déjà précaires, seront les premières impactées.
Madame la ministre, vous faites des économies sur le dos des plus fragiles ! Vous culpabilisez les chômeurs, vous en faites des boucs émissaires, sans leur donner les moyens de retrouver un véritable emploi. Arrêtez cette politique de régression et de ségrégation sociales ! Mettez en place des mesures ambitieuses pour résorber le chômage, lutter contre la précarité et accompagner réellement les chômeurs vers l’emploi ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le sénateur Claude Bérit-Débat, vous parlez avec de grands mots, je vous répondrai avec des faits. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SOCR.)
Nos politiques ont un effet. Est-ce que vous savez que, en Dordogne, le nombre d’apprentis a augmenté de 76 % au cours du premier semestre ? Ça, c’est notre politique ! Et ça va continuer ! Nous allons permettre à encore plus de chômeurs de retrouver un emploi.
Depuis deux ans, nous avons permis à 300 000 demandeurs d’emploi de retrouver un travail, car nous avons réalisé un investissement sans précédent, et aucun gouvernement ne l’avait fait avant, dans tout ce qui peut les aider.
L’année prochaine, 960 000 demandeurs d’emploi seront en formation. Nous investissons plus de 1 milliard d’euros dans l’insertion par l’économique dans le cadre du budget qui vous sera présenté dans quelques semaines. J’espère que vous le voterez, puisque, comme nous, vous souhaitez l’insertion des plus vulnérables. Nul n’est inemployable, mais il faut des marchepieds pour certains.
En ce qui concerne l’indemnisation du chômage, je m’étonne que, sur ces travées, certains pensent que le travail est moins bien que le chômage. (Vives exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. Pierre-Yves Collombat. Scandaleux !
M. Jean-Marc Todeschini. Honteux !
M. Roland Courteau. Lamentable !
M. Vincent Éblé. Caricature !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je suis factuelle : aujourd’hui, un demandeur d’emploi sur cinq gagne plus au chômage qu’au travail, tous les experts l’ont confirmé. Pour ces derniers, l’indemnité baissera au début. Toutefois, ils conservent le même capital de droits et pourront être indemnisés plus longtemps s’ils ne trouvent pas d’emploi. Une telle situation découle des règles adoptées par les partenaires sociaux, qui n’ont pas vu l’angle mort qu’ils créaient. Il convient donc de corriger le montant des indemnités : le travail doit être payé plus que le chômage.
Nous croyons à l’insertion, à la formation, au travail. Telle est la société que nous voulons construire. Il serait injuste que certains chômeurs touchent 150 % de leur salaire. Tout le monde percevra donc entre 65 % et 96 % de son salaire. Le système reste très protecteur.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Oui au travail, non à la précarité et oui à l’insertion ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour la réplique.
M. Claude Bérit-Débat. Si je parle avec de grands mots, madame la ministre, vous, vous parlez de façon technocratique et vous manquez singulièrement d’humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Derrière vos chiffres et vos statistiques, il y a des hommes et des femmes qui sont dans la misère sociale. Ce n’est pas en essayant de les monter les uns contre les autres ou en dénonçant l’assistanat que vous résoudrez la situation.
Essayez de passer de l’autre côté de la rue, d’aller rencontrer ces hommes et ces femmes et de les écouter.
M. Claude Bérit-Débat. Cessez donc de les stigmatiser !
M. le président. Il faut conclure !
M. Claude Bérit-Débat. Ne luttez pas contre les chômeurs, mais contre le chômage ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
hausse de la délinquance à paris
M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, à Paris, la sécurité se dégrade de manière forte et rapide. Depuis le début de l’année 2019, les vols ont augmenté de 12 %, les cambriolages de 8 % et les violences sexuelles de 5 %. Pendant que la mairie de Paris et la préfecture de police se renvoient la balle, ce sont les Parisiens qui trinquent.
Aucun territoire parisien n’est désormais épargné : dans le XXe arrondissement, les vols avec violence ont augmenté de 51 % ; dans mon arrondissement, le XVIe (Railleries sur les travées des groupes SOCR et CRCE.), les cambriolages ont augmenté de 18 % et les vols de véhicules de 62 %.
Mme Éliane Assassi. Tout le monde n’a pas la chance d’habiter le XVIe !
M. David Assouline. Venez chez moi, dans le XXe !
M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Cela vous fait rire ? Pas moi ! (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Dans le Xe arrondissement, la dégradation du mobilier urbain a explosé de 100 %. Ce sont les Parisiens qui payent la facture.
« Votre métier, ce n’est pas d’interpeller la société, c’est d’interpeller les délinquants. » Et je ne parle pas de la crise des « gilets jaunes » et des désagréments causés aux Parisiens ! (Les exclamations ironiques se poursuivent.)
Notre capitale possède une spécificité historique : les pouvoirs de police y sont confiés non pas au maire, mais au préfet de police. Vous ne devez pas seulement constater, mais aussi agir. Monsieur le ministre, où en est-on de la réforme tant attendue de la préfecture de police ?
La lutte contre la délinquance n’est pas un sujet secondaire. En termes de doctrine sécuritaire, je ne connais que deux mots : la fermeté et le résultat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que mon préambule n’est pas un vœu pieux. On se respecte et on s’écoute ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, je ne peux que vous le confirmer, au cours des neuf premiers mois de l’année 2019, la délinquance a augmenté à Paris, en matière de cambriolages, de vols et d’atteintes à l’intégrité physique des personnes. Comme vous l’avez souligné, en fonction des arrondissements et des catégories de délinquance, la situation est contrastée.
Avec Christophe Castaner, nous avons demandé au préfet de police de mettre en place un plan efficace de lutte contre la délinquance. Instauré au mois d’avril dernier, il repose sur deux piliers : d’abord, une présence renforcée d’effectifs sur la voie publique, notamment dans les quartiers de reconquête républicaine, où les effectifs ont augmenté, notamment dans le Xe et le XVIIIe. Ensuite, au sein même de la préfecture de police, nous avons demandé à certains effectifs, affectés d’habitude à des tâches d’ordre public, de patrouiller comme des effectifs de sécurité publique, quand ils n’ont pas de missions d’ordre public à accomplir. Il s’agit d’une réforme importante, qui se traduit par des effectifs supplémentaires sur la voie publique.
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Par ailleurs, nous souhaitons un meilleur équilibre dans la répartition des tâches entre ce qui relève de la préfecture de police en matière d’encadrement de manifestations récréatives, sportives ou culturelles et ce qui doit relever de la Ville de Paris. Ce travail est en cours, mené par le préfet de police.
Le deuxième pilier est constitué par les investigations judiciaires. Nous démantelons de très nombreux réseaux, se livrant notamment à des trafics divers et variés ou à des cambriolages. Ainsi, au mois de septembre, a été démantelé un réseau qui avait commis plus de cent trente-six faits. Le nombre des faits élucidés augmente également à Paris. Il convient de saluer l’activité des fonctionnaires de police.
La réorientation que nous avons souhaitée avec le ministre de l’intérieur commence à porter ses fruits, madame la sénatrice. Il y a davantage d’effectifs sur la voie publique et, surtout, la hausse du nombre des atteintes aux biens est beaucoup moins forte sur les derniers mois de l’année. En matière d’atteintes aux personnes, pour juillet et août, nous enregistrons même pour la première fois une baisse.
Nous allons donc poursuivre cette réorientation. Pour ce qui est de la réforme de la préfecture de police, elle est examinée actuellement dans le cadre de la préparation du Livre blanc. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour la réplique.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. En matière de sécurité, deux éléments sont effectivement importants : les moyens et la réponse pénale. Je note que, à l’approche des élections municipales, on assiste à des volte-face assez spectaculaires, dont on ne peut que se réjouir ! Ainsi, la maire de Paris, qui était, pour des raisons idéologiques et historiques, contre le développement de la vidéoprotection, a fini par se résoudre à l’accepter au bout de trois mandatures, et M. Griveaux a indiqué ce matin qu’il était favorable à une police municipale armée. On ne peut que saluer ces volte-face !
M. le président. Il faut conclure !
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Cela témoigne en tout cas que les chiffres sont mauvais. Nous attendons de connaître votre plan pour la réforme de la préfecture de police. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
difficultés en matière de transports en guadeloupe
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Victoire Jasmin. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire. Elle porte sur les transports, un des sujets de la vie quotidienne dans nos territoires d’outre-mer.
Les déplacements du chef de l’État à Mayotte et à La Réunion, ainsi que ceux outre-mer du Premier ministre et de différents membres du Gouvernement, ont quelque peu déçu, car ces visites dans nos îles ne permettent pas toujours d’aborder les véritables problèmes. Chacun a pu constater la tenue de manifestations à La Réunion.
Madame la ministre, j’ai eu l’occasion de vous alerter sur les difficultés rencontrées par les transporteurs de passagers et de marchandises sur nos routes. Ils ne peuvent exercer pleinement leur métier. L’Union nationale des organisations syndicales des transporteurs routiers automobiles (Unostra) ne sait plus quoi faire devant les menaces et les risques de mise au chômage auxquels sont confrontés ses mandants.
Les pratiques tarifaires en matière d’assurance des véhicules sont désormais un vrai problème. Dans les territoires d’outre-mer, et plus singulièrement en Guadeloupe, le métier de transporteur est menacé, compte tenu des tarifs exorbitants affichés par les compagnies d’assurances en l’absence de concurrence. Les professionnels de la route sont confrontés à des monopoles ou oligopoles organisés. Cette situation est inacceptable ! De plus, les flottes doivent respecter toutes les normes, notamment environnementales.
Une police d’assurance coûte 50 % de plus en outre-mer que dans l’Hexagone. De surcroît, il existe de profondes inégalités et des disparités injustifiables en matière de conditions générales de souscription.
Le Gouvernement met souvent en avant le principe d’égalité pour justifier la suppression des prétendus avantages de nos territoires ultramarins. Comment envisagez-vous d’intervenir pour régler ces situations d’inégalité et d’illégalité, compte tenu de leurs conséquences prévisibles à la fois sur les emplois directs et indirects et sur la mobilité dans nos territoires ? (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence d’Élisabeth Borne, qui est en déplacement avec le Président de la République.
J’ai pu me pénétrer des sujets liés au transport à l’occasion notamment de la visite du Président de la République à Mayotte à La Réunion, où nous avons été en mesure d’apporter des réponses très concrètes concernant les transports routiers et aériens.
Au regard de la transition écologique qui s’opère, je rappellerai les dispositions mises en œuvre par le Gouvernement, notamment la prime à la conversion, qui permet d’accompagner tous les Français, de l’Hexagone comme d’outre-mer. Au total, 1 milliard d’euros ont été versés aux 600 000 demandeurs au 1er octobre 2019. Nous avons concentré cette année la prime sur les 20 % de Français les plus modestes, ceux qui doivent parcourir les plus longs trajets pour rejoindre leur travail. Enfin, nous avons recentré les critères environnementaux dans une logique de justice fiscale, sociale et environnementale.
Nous mettons les moyens nécessaires, notamment en outre-mer. Les contrats de plan, devenus contrats de convergence, bénéficient de 24 millions d’euros de crédits supplémentaires, soit un total de 227 millions d’euros pour la génération de contrats arrivant à échéance en 2022. Nous lançons un quatrième appel à projets de 450 millions d’euros autour des pôles d’échanges multimodaux et du transport collectif. J’invite dès à présent vos territoires à candidater.
En conclusion, j’indique que la problématique des assurances est bien identifiée par le Gouvernement. Bruno Le Maire, Annick Girardin et Jacqueline Gourault ont diligenté une mission conjointe de l’Inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement et du développement durable sur ce sujet qui concerne les transporteurs routiers, mais pas seulement eux. Cette mission recevra notamment l’Unostra à compter de la fin du mois de novembre. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
situation au liban
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Voilà vingt et un jours que le Liban connaît une situation de crise, déclenchée par le souhait du gouvernement de taxer les appels passés via des services numériques tels que WhatsApp. Ce projet de taxe a été la goutte d’eau qui a fait déborder un vase déjà bien rempli : niveau de corruption élevé, situation économique dégradée, fuite des investissements, services publics défaillants en matière de fourniture d’eau courante ou d’électricité. Par ailleurs, le pays est fortement fragilisé par la guerre en Syrie.
Lundi, l’agence Moody’s a dégradé pour la deuxième fois de l’année la note de la dette du Liban, désormais qualifiée de « spéculative ».
Le 29 octobre dernier, à l’Assemblée nationale, le ministre des affaires étrangères a déclaré que la démission du Premier ministre du Liban « ne fait qu’aggraver la crise ». Il a par ailleurs indiqué que la conviction du Gouvernement est qu’il faut appeler les responsables libanais à garantir la stabilité des institutions et à écouter les revendications de la population. Cette déclaration a été mal interprétée par la population locale, qui dénonce dans la rue l’ingérence des pays étrangers dans la politique intérieure libanaise.
Au travers d’une lettre ouverte, un plaidoyer citoyen appelle les Nations unies et la communauté européenne à écouter les attentes des citoyens : une véritable indépendance du Liban et l’établissement d’un État laïque.
La France est depuis longtemps un pays ami du Liban. Comment comptez-vous répondre aux attentes du peuple libanais, qui aspire à un système politique moins corrompu et à une amélioration de la situation économique ? (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des affaires européennes.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice, nous ne sommes pas dans l’ingérence, mais nous suivons avec la plus grande attention la situation au Liban, marquée par d’importantes manifestations de citoyens réclamant quotidiennement, depuis plusieurs semaines, des réformes sur les plans économique, social et politique.
Le défi, pour les autorités libanaises, est de répondre à ces fortes attentes exprimées par la population, alors que la situation du pays est très fragile, par contrecoup des crises régionales et des difficultés de l’économie. La nécessité de réformes d’ampleur est reconnue par tous, et les manifestations qui ont conduit à la démission du Premier ministre Saad Hariri, le 29 octobre, montrent que la suite est incertaine et que c’est d’abord aux Libanais de l’écrire.
La France insiste sur l’importance de la stabilité du pays dans un contexte régional très tendu, d’une part, et appelle à écouter les manifestants et à leur répondre, d’autre part, leur demande de réformes nous semblant légitime. À la suite de la démission du Premier ministre, il nous paraît essentiel qu’un gouvernement puisse rapidement être formé pour conduire les réformes dont le pays a besoin. Dans le contexte de crise économique, sociale et politique que connaît le Liban, il revient aux responsables politiques libanais de faire prévaloir un esprit d’unité nationale et de responsabilité pour garantir la stabilité, la sécurité et l’intérêt général du pays.
Dans cet esprit, tout doit être fait pour éviter les provocations et les violences, ainsi que pour préserver le droit des citoyens à manifester pacifiquement. Il est donc essentiel que l’ensemble des forces politiques facilitent dès à présent la formation d’un nouveau gouvernement qui puisse répondre aux aspirations légitimes exprimées par les Libanaises et les Libanais et prendre les décisions indispensables au rétablissement économique du pays.
La France, dans le cadre fixé par la conférence CEDRE, se tient prête à soutenir le Liban. Dans ce moment crucial, la France, comme toujours, se tient aux côtés du peuple libanais. (Applaudissements sur des travées des groupes LaREM et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Madame la secrétaire d’État, vous n’avez répondu qu’imparfaitement à ma question. La poursuite des manifestations montre bien que la démission du Premier ministre, qui était certes une revendication de la population, n’est pas la réponse aux problèmes. Aujourd’hui, le peuple libanais demande l’établissement d’un nouveau système, beaucoup moins corrompu. Peut-être pourrions-nous l’accompagner dans cette voie. Pour l’instant, la seule réalité tangible, c’est l’annulation du salon du livre francophone qui devait se tenir à Beyrouth dans les tout prochains jours. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
inégal remboursement entre infirmiers et pharmaciens de l’acte de vaccination
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Évelyne Perrot. Ma question s’adresse à Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, nous approuvons l’objectif de libérer du temps médical pour faciliter l’accès aux soins. Cette politique publique implique, d’une certaine manière, un partage des compétences entre professionnels.
Ainsi, les infirmiers peuvent être formés aux pratiques avancées et les pharmaciens peuvent désormais contribuer aux campagnes de vaccination antigrippale, mais ce nouveau partage des compétences, que nous appelons de nos vœux, est source d’incompréhension et, parfois, d’un sentiment d’inégalité.
Le journal de mon département relatait dernièrement les préoccupations des infirmiers libéraux à la suite de l’extension aux pharmaciens de la pratique de la vaccination. Ils ne comprennent pas ce qu’ils qualifient de « glissement des actes infirmiers », d’autant que si, formellement, l’acte de vaccination antigrippale est facturé de la même manière, qu’il soit effectué par un pharmacien ou par un infirmier, force est de constater que la rémunération de 6,30 euros n’est effective que lorsqu’il s’agit d’un acte unique : quand un infirmier, au cours d’une même intervention, pratique plusieurs actes inscrits à la nomenclature sur un même malade, seul l’acte affecté du coefficient le plus important est pris en compte selon son coefficient propre, le coefficient du deuxième acte ne l’étant qu’à hauteur de 50 %. La vaccination ne déroge pas à la règle.
Je n’entends pas ici remettre en cause la faculté de se faire vacciner dans les officines. Néanmoins, dans les communes rurales, l’infirmier reste la seule personne susceptible de se déplacer pour pratiquer l’acte de vaccination. Ces deux professions complémentaires sont des maillons essentiels de nos territoires.
Madame la ministre, pendant cette période d’appropriation du nouveau dispositif, entendez-vous prendre des mesures pour que l’acte de vaccination antigrippale effectué par un infirmier soit facturé au même niveau que celui pratiqué par un pharmacien, y compris s’il est associé à d’autres actes ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Évelyne Perrot, je vous remercie de votre question. Vous connaissez mon engagement en faveur de la vaccination, notamment de la vaccination antigrippale.
La France s’est dotée d’une stratégie globale en matière de lutte contre la grippe, pour protéger par tous les moyens les publics vulnérables, éviter des hospitalisations, des décès, et préserver nos services des urgences.
Après avis de la Haute Autorité de santé, j’ai souhaité harmoniser les compétences des professionnels de santé impliqués dans la vaccination contre la grippe, que ce soit les sages-femmes, les infirmiers ou les pharmaciens. Nous avons autorisé la vaccination par les pharmaciens dans deux régions en 2017, puis dans quatre régions en 2018. Au regard des résultats des évaluations et des bénéfices pour la santé publique, j’ai décidé de généraliser à toute la France le dispositif pour cette campagne vaccinale.
S’agissant des infirmiers, alors qu’ils ne pouvaient pas réaliser la primo-vaccination, j’ai supprimé cette limitation depuis la campagne hivernale 2018-2019. J’attire votre attention sur le fait que des informations erronées circulent parfois, en particulier sur les réseaux sociaux. Les pharmaciens ne sont pas rémunérés 100 euros pour les actes de vaccination : une somme forfaitaire unique de 100 euros leur est versée à titre de dédommagement pour la création d’un espace de confidentialité et le suivi de la formation nécessaire. Les rémunérations pour les actes de vaccination sont équivalentes, à savoir 6,30 euros en métropole et 6,60 euros dans les outre-mer.
Dans le même temps, les infirmiers libéraux peuvent également facturer les indemnités de déplacement si les actes de vaccination sont pratiqués à domicile.
La politique de prévention et de santé que je mène englobe tous les professionnels de santé, sans distinction. Je ne crois pas qu’il faille opposer les uns aux autres, surtout pour de tels enjeux. L’ensemble des ordres professionnels se sont d’ailleurs engagés au travers de la signature d’une charte de la vaccination, visant notamment à augmenter la couverture vaccinale des professionnels de santé, car il s’agit d’un enjeu déontologique pour notre pays. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
critiques des sénateurs après les débats relatifs au port du voile
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Bertrand, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne-Marie Bertrand. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, le public présent dans cet hémicycle ne peut ni applaudir ni conspuer les orateurs. La raison en est simple : les élus ne légifèrent pas sous la menace ! C’est un principe essentiel dans une démocratie.
Depuis le vote, par notre assemblée, d’une proposition de loi visant à interdire le port de signes religieux lors des sorties scolaires, nombreux sont les sénateurs qui, comme moi, ont reçu des courriels menaçants, dont les auteurs vont jusqu’à espérer notre mort !
Mme Éliane Assassi. Ceux qui ont voté contre en reçoivent aussi, madame !
Mme Anne-Marie Bertrand. La liste des 163 sénateurs ayant voté cette loi qualifiée par certains de « scélérate » est jetée en pâture. Un groupe Facebook parle même de « sénateurs nazis » et invite ses membres à communiquer les lieux de résidence et les photos des parlementaires qui ont voté ce texte… Les intimidations sont explicites.
Notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio, auteur de la proposition de loi, qui mène un combat essentiel pour la laïcité, a été contrainte, devant la violence des attaques, de se constituer partie civile. Je tiens lui apporter tout mon soutien. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, Les Indépendants, UC et RDSE.)
Un texte a été démocratiquement voté par une assemblée, des parlementaires sont traqués, menacés, mais, monsieur le ministre, on ne vous a pas entendu dénoncer ce qui constitue une atteinte grave à l’exercice d’une démocratie sereine. Pourquoi ce silence ?
M. le président. Veuillez poser votre question !
Mme Anne-Marie Bertrand. Vous êtes le ministre de l’intérieur. À ce titre, quelles mesures comptez-vous prendre pour mettre fin à ces tentatives d’intimidation ? Devons-nous nous inquiéter ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Josiane Costes applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, nous devons tous nous retrouver pour défendre la liberté du débat public, particulièrement précieuse dans un hémicycle comme celui du Sénat et même consubstantielle à l’engagement politique de chacune et chacun d’entre nous. Il n’est donc pas nécessaire de polémiquer, me semble-t-il. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Eustache-Brinio m’ayant alerté, j’ai immédiatement saisi la plateforme Pharos (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.), fait un signalement au procureur de la République et eu une expression politique pour dénoncer avec la plus grande force ces actes d’intimidation totalement inacceptables. Je le fais de façon systématique en pareil cas, directement auprès des parlementaires concernés.
Au 1er septembre, nous avions enregistré 244 actes de violence ou de malveillance à l’égard d’élus ou de parlementaires : 212 dans le cadre du mouvement des « gilets jaunes » et 32 dans celui de la contestation du CETA. Systématiquement, nous les avons tous ensemble condamnés, quels que soient les désaccords que nous pouvons avoir et exprimer.
C’est la liberté même du débat dans cet hémicycle qui veut que vous soyez protégés dans vos prises de parole. Nous vous devons, à chacune et à chacun d’entre vous, la protection de la police ou de la gendarmerie chaque fois que nécessaire. Dans cet esprit, j’ai donné des instructions précises à tous les préfets pour que tout parlementaire sollicitant leur appui, leur assistance, par exemple la mise en sécurité de sa permanence, puisse être accompagné.
Par ailleurs, Mme la garde des sceaux a signé ce matin même une circulaire adressée à l’ensemble des procureurs pour que, en cas de menaces contre des élus, nationaux ou locaux, il y ait systématiquement recherche des responsabilités et sanctions. Ces comportements totalement scandaleux ne sauraient menacer la liberté d’expression et la liberté de vote des élus de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
éducation en zone rurale
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Nathalie Delattre. Au nom du groupe RDSE, je souhaite saluer l’excellent travail accompli par nos collègues Laurent Lafon et Jean-Yves Roux dans le cadre de la mission d’information sénatoriale sur les nouveaux territoires de l’éducation.
Me fondant sur les quinze préconisations de leur rapport, je tiens aujourd’hui à mettre en lumière la problématique de la définition des zones d’éducation prioritaires. Ces zones dites « REP » ou « REP+ » répondent à des critères cumulatifs : des critères sociaux, par exemple le pourcentage d’élèves issus des catégories socioprofessionnelles les plus défavorisées ou le taux de boursiers, et un critère géographique unique, à savoir le pourcentage d’élèves issus des zones urbaines sensibles.
Ainsi, les territoires ruraux, au sens de l’Insee, sont exclus du périmètre de ces zones d’éducation prioritaires, alors qu’ils sont eux aussi fortement affectés par des fractures tant sociales que géographiques, comme l’éloignement des lieux de pratique culturelle ou sportive. Je parle ici de 36 % de nos écoles et de 20 % de nos élèves.
La réalité d’aujourd’hui et les projections démographiques pour demain démontrent que l’offre scolaire de proximité dans ces territoires ruraux est un sujet à traiter prioritairement. Je vous propose donc de ne pas attendre, monsieur le ministre, pour faire évaluer les propositions de nos collègues, dans la perspective de leur application.
Évaluer l’indice d’éloignement géographique permettrait de mieux valoriser le travail des enseignants dans ces territoires et de rendre plus attractifs des postes aujourd’hui délaissés.
En Gironde, le dialogue de confiance qui s’est instauré entre les collectivités locales et l’éducation nationale déconcentrée s’est révélé décisif pour construire une offre scolaire adaptée aux réalités du terrain. Grâce à l’action pertinente de notre directeur académique des services de l’éducation nationale, François Coux, toute commune rurale est pleinement considérée, avec des recrutements sur profil et la prise de mesures de sauvegarde avant toute fermeture. Ce travail collaboratif va bien au-delà des contrats de ruralité. C’est un exemple qui a été relevé par la mission d’information.
Monsieur le ministre, à quand la redéfinition des zones d’éducation prioritaires ? À quand une généralisation de l’exemple girondin ? (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Nathalie Delattre, je vais avoir le plaisir d’apporter des réponses positives, pour l’essentiel, à vos questions.
Je me joins à vos compliments sur le rapport des sénateurs Lafon et Roux, qui constitue en effet un appui à la réflexion très intéressant. Il vient s’ajouter à celui qui m’a été remis hier par Mme Azéma et M. Mathiot, intitulé « Missions, territoires et réussite » et qui nous permettra d’envisager l’éducation prioritaire selon une vision d’ensemble, n’opposant pas l’urbain et le rural.
Vous avez raison, la définition des zones d’éducation prioritaires repose peut-être, jusqu’à présent, sur des critères qui ne permettent pas de prendre en compte l’ensemble des élèves défavorisés de France. Nous devons donc la faire évoluer pour que le dispositif soit plus dynamique, plus efficace et plus juste.
J’ai demandé à la direction de l’évaluation du ministère de calculer l’indice d’éloignement, dont vous avez souligné l’intérêt. Les premiers résultats sont parvenus hier : nous avons donc maintenant techniquement les moyens d’intégrer ce critère, qui est en effet très important. Nous le prenons déjà en compte dans certains cas, par exemple pour les villages de montagne, en vue de prendre des décisions en matière de créations ou de suppressions de postes, mais nous le ferons de manière plus systématique à l’avenir.
La remise de ces rapports ouvre une période de concertation avec les organisations représentatives des personnels et la représentation nationale. Nous prendrons bien entendu en compte les préconisations du rapport de MM. les sénateurs Lafon et Roux et travaillerons ensemble sur une vision globale de l’éducation prioritaire.
Je tiens à dire que nous sommes d’ores et déjà très attentifs à la ruralité, notamment au travers des conventions ruralité, à la suite du travail du sénateur Duran. Le cas de la Gironde, où je me suis rendu récemment, peut effectivement être emblématique de ce que nous devons faire pour toute la France. (Applaudissements sur des travées des groupes LaREM et RDSE.)
annonces du premier ministre sur l’immigration
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Gilbert-Luc Devinaz. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Le 31 août dernier, à Villeurbanne, un jeune homme a été tué par un migrant afghan aux motivations mêlant délire religieux et troubles psychiatriques graves. Ce drame atroce illustre la nécessité de soins psychiatriques adaptés pour tous, y compris les migrants.
Or aujourd’hui, vous annoncez des mesures visant à durcir les conditions d’accueil dans notre pays. Parmi celles-ci, il y a l’instauration, pour les demandeurs d’asile, d’un délai de carence pour bénéficier de la protection universelle maladie, la PUMa.
Avec cette mesure, ne prenez-vous pas un double risque ?
D’abord, un risque sanitaire : nous parlons de personnes qui souffrent parfois de maladies infectieuses. Faut-il attendre que leurs pathologies s’aggravent pour les prendre en charge ? En durcissant l’accès aux soins, ne faites-vous pas peser un risque sanitaire sur tous ?
Ensuite, un risque juridique : la France a ratifié la directive Accueil de l’Union européenne, dont l’article 19 précise que les États membres doivent assurer les soins médicaux urgents et le traitement des maladies psychiatriques des demandeurs d’asile. Monsieur le Premier ministre, cette mesure est-elle conforme aux engagements européens de la France ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Devinaz, nous avons choisi de suivre une ligne de responsabilité et d’humanité. Nous avons tenu bon sur le sujet du panier de soins, en nous appuyant sur le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances sur l’efficience de nos politiques publiques en matière d’accès aux soins, qui indique clairement qu’il ne faut pas restreindre le panier de soins.
Cependant, ce rapport met en évidence un certain nombre d’abus ou de dévoiements du système. Nous avons donc pris des mesures pour y remédier. Ainsi, les demandeurs d’asile accèdent désormais à la protection universelle maladie après le même délai de carence de trois mois qui s’applique aux ressortissants français revenant sur notre territoire après avoir vécu à l’étranger ou aux étrangers en situation régulière n’ayant pas d’emploi. Il s’agit donc simplement d’une harmonisation des conditions d’accès à la PUMa. Durant ce délai de carence de trois mois, les étrangers malades ont évidemment accès aux soins urgents, qui comprennent les soins vitaux, mais également tous ceux permettant de lutter contre les infections.
En ce qui concerne les maladies psychiatriques, nous sommes absolument convaincus que le psychotrauma des migrants est un véritable sujet. Nous mettons donc en place, parallèlement aux actions de lutte contre la fraude, des mesures destinées à ces publics afin de mettre en place un parcours de santé du primo-arrivant permettant de faire un bilan et de bien orienter les patients, notamment de prendre en charge les pathologies liées à la migration, qu’elles soient infectieuses ou psychiatriques. Dans ce cadre, le budget des permanences d’accès aux soins de santé sera renforcé. Une expérimentation de prise en charge de ces migrants par la médecine de ville va être menée à Rennes.
Nous rationalisons donc l’accès des migrants à la PUMa tout en menant, en parallèle, des actions à destination de ces populations afin de prendre en charge efficacement, dès le premier jour, les pathologies pour lesquelles les besoins sont réels. (Applaudissements sur des travées des groupes LaREM, RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour la réplique.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Madame la ministre, lutter contre tous les abus, qui peut y être opposé ?
Mais, en l’occurrence, vous prenez des mesures envers les plus démunis qui pénalisent l’ensemble des migrants et nous font prendre un risque sanitaire. En matière de santé, il faut rester simple : mieux vaut prévenir que guérir. C’est la meilleure source d’économies. (Applaudissements sur des travées des groupes SOCR et CRCE.)
office national des anciens combattants et des victimes de guerre
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Ma question s’adresse à Mme la ministre des armées.
À la veille des cérémonies mémorielles du 11 novembre, les représentants du monde combattant sont en émoi ! En effet, le devenir de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) est plus qu’incertain.
Alors même que le champ d’intervention de l’ONAC-VG s’est considérablement étendu, notamment avec la prise en compte des victimes du terrorisme, le projet de budget pour 2020 prévoit de lourds transferts de charges vers sa trésorerie. En l’état actuel de la réorganisation de l’ONAC-VG, la débudgétisation ainsi opérée n’est pas soutenable.
Au moment où la restauration de l’unité nationale devrait être une urgence, au moment où le souvenir de nos glorieux aînés devrait être un exemple, vous laissez Bercy étouffer leur mémoire ! Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour enrayer cette dangereuse évolution ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser Mme Florence Parly, ministre des armées, qui préside actuellement l’hommage national rendu au brigadier-chef Pointeau à Valence.
Comme vous, le Gouvernement est extrêmement attaché à l’ONAC-VG, qui constitue un interlocuteur de proximité et de solidarité pour le monde combattant, ainsi que notre opérateur principal en matière d’action mémorielle sur les territoires.
Vous avez évoqué les mesures inscrites dans le projet de loi de finances pour 2020 et les craintes qu’elles peuvent susciter. Je veux aujourd’hui vous rassurer pleinement à cet égard.
Les mesures d’économie prévues, pour un montant de 2 millions d’euros, qui comportent des réductions d’effectifs, sont liées à la mise en place d’une dématérialisation, à la baisse du nombre de bénéficiaires et à la réorganisation des fonctions de l’administration centrale.
Cette évolution, je vous le rappelle, a été votée par le conseil d’administration de l’ONAC-VG, en présence des représentants des organisations syndicales. Il n’y a pas eu d’opposition parce qu’elle n’affecte pas le réseau départemental de l’office, qui sera maintenu dans son intégralité, les fonctions d’accueil étant évidemment préservées.
Nous avons effectué par ailleurs un prélèvement exceptionnel de 17,5 millions d’euros sur la trésorerie de l’ONAC-VG, qui était excédentaire dans des proportions anormales par comparaison avec celle d’autres opérateurs publics. Ce prélèvement ne portera pas atteinte à la réalisation des missions de l’office : nous nous en portons garants.
Vous l’aurez compris, le Gouvernement est particulièrement attentif à la préservation de l’ONAC-VG, dont les missions sont indispensables, qu’il s’agisse de l’accompagnement des anciens combattants et des victimes d’attentats dans notre pays ou de la préservation de la mémoire combattante. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la secrétaire d’État, je convoque la mémoire et vous invoquez la comptabilité ! Sauf votre respect, cette réponse n’est pas au niveau.
Alors que le brigadier-chef Ronan Pointeau a trouvé la mort en opération au Mali à l’âge de 24 ans, samedi dernier, les coups de rabot budgétaire portés à l’ONAC-VG sont insupportables. Je laisse bien volontiers au plus célèbre de nos prédécesseurs dans cette enceinte le soin de vous donner la réplique :
« Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie
« Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie.
« Entre les plus beaux noms leur nom est le plus beau.
« Toute gloire près d’eux passe et tombe éphémère ;
« Et, comme ferait une mère,
« La voix d’un peuple entier les berce en leur tombeau ! »
Entendez, madame la secrétaire d’État, la voix de Victor Hugo, et donnez réellement à l’ONAC-VG les moyens d’accomplir son devoir et sa noble mission ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 13 novembre, à quinze heures.
Mes chers collègues, je vais maintenant suspendre la séance. Elle sera reprise à dix-sept heures quinze, à l’issue de la conférence des présidents, pour l’examen de la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de Mme Hélène Conway-Mouret.)
PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Conférence des présidents
Mme la présidente. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie ce jour sont consultables sur le site du Sénat. Elles seront considérées comme adoptées en l’absence d’observations d’ici à la fin de la séance.
Par ailleurs, je vous informe que le Gouvernement a demandé que nous puissions éventuellement siéger demain jeudi 7 novembre matin et après-midi afin d’achever l’examen de la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille
Conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Éventuellement, jeudi 7 novembre 2019
À 10 h 30 et à 14 h 30
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à agir contre les violences au sein de la famille (texte de la commission n° 97, 2019-2020)
PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Mardi 12 novembre 2019
À 9 h 30
- 36 questions orales
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
• n° 0576 de M. Alain Cazabonne à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement.
(Dédoublement de la réduction de loyer de solidarité)
• n° 0635 de M. Michel Canevet à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
(Pêche et obligation de débarquement)
• n° 0689 de Mme Anne-Catherine Loisier transmise à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
(Représentation des entreprises du secteur éolien au sein de l’office franco-allemand pour la transition énergétique)
• n° 0717 de Mme Jacky Deromedi à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
(Lutte contre les cancers pédiatriques)
• n° 0737 de M. Jean-Yves Roux à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
(Fonctionnement du guichet de cohésion numérique et aide à l’équipement numérique)
• n° 0759 de M. Max Brisson à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
(Pêche du saumon dans l’Adour)
• n° 0822 de M. Antoine Lefèvre transmise à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
(Prolifération des éoliennes dans les Hauts-de-France)
• n° 0905 de M. Richard Yung à M. le ministre de l’économie et des finances.
(Difficultés rencontrées par les « Américains accidentels »)
• n° 0907 de M. Marc Laménie à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
(Organisation territoriale de la distribution publique d’énergie)
• n° 0916 de M. Édouard Courtial à M. le ministre de la culture.
(Entretien des églises de l’Oise)
• n° 0918 de M. Bernard Bonne à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
(Ponction fiscale sur l’agence de gestion et de développement informatique)
• n° 0928 de M. Gilbert Bouchet à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
(Comptabilité des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes)
• n° 0935 de Mme Nadine Grelet-Certenais à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
(Situation critique du centre d’action médico-social précoce du Mans)
• n° 0945 de Mme Cathy Apourceau-Poly à M. le ministre de l’économie et des finances.
(Intentions du groupe Bridgestone pour le site de Béthune)
• n° 0946 de M. Patrice Joly à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
(Conditions de travail des personnels hospitaliers)
• n° 0947 de M. Laurent Lafon à M. le ministre de l’économie et des finances.
(Distribution du courrier postal dans le Val-de-Marne)
• n° 0949 de Mme Jocelyne Guidez à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.
(Dysfonctionnements des services postaux dans le département de l’Essonne)
• n° 0954 de M. Serge Babary à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
(Réalisation d’un réseau express métropolitain dans le département d’Indre-et-Loire)
• n° 0960 de Mme Sylviane Noël à M. le secrétaire d’État, auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
(Prime de vie chère et aides au logement en Haute-Savoie)
• n° 0964 de M. Laurent Duplomb à M. le ministre de l’économie et des finances.
(Seuil de dématérialisation des marchés publics)
• n° 0965 de Mme Sabine Van Heghe à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
(Pollution liée à Metaleurop)
• n° 0966 de M. Jean-Marc Boyer à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.
(Utilisation de la cocarde par les maires)
• n° 0967 de Mme Victoire Jasmin à M. le ministre de la culture.
(Situation de France-Antilles)
• n° 0968 de Mme Catherine Procaccia à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
(Avenir de la télémédecine)
• n° 0972 de Mme Sylvie Vermeillet à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
(Prise en charge des mineurs en situation de handicap)
• n° 0974 de M. Jean-Marc Todeschini à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
(Crise de la filière forestière en Moselle et dans le Grand Est)
• n° 0975 de M. Jacques Genest à M. le secrétaire d’État, auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
(Statut des forestiers-sapeurs)
• n° 0976 de M. Michel Savin à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
(Situation des lycéens sportifs de haut-niveau et nouveau baccalauréat)
• n° 0978 de Mme Colette Mélot à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
(Urgences pédiatriques)
• n° 0979 de M. Bernard Jomier à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
(Campagnes conduites par les industries de l’alcool auprès des très jeunes enfants et adolescents)
• n° 0981 de Mme Patricia Morhet-Richaud à M. le secrétaire d’État, auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports.
(Avenir de la ligne ferroviaire Grenoble-Veynes)
• n° 0987 de M. Fabien Gay à Mme la ministre du travail.
(Souffrance au travail et suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail)
• n° 0988 de Mme Éliane Assassi à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
(Avenir de l’hôpital René-Muret de Sevran)
• n° 0991 de Mme Nathalie Delattre à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
(Recouvrement des frais de gestion des épaves de voitures de propriétaires injoignables ou inconnus)
• n° 0992 de M. Georges Patient à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
(Réforme du code minier)
• n° 0995 de M. Didier Marie à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
(Situation de nombreux accompagnants d’élèves en situation de handicap)
À 16 heures et le soir
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2020 (texte n° 98, 2019-2020).
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales avec une saisine pour avis de la commission des finances.
• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : mercredi 6 novembre matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 8 novembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 12 novembre début d’après-midi et éventuellement à la suspension du soir, mercredi 13 novembre matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 h 30.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 8 novembre à 15 heures.
Mercredi 13 novembre 2019
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement.
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 13 novembre à 11 heures.
À 16 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2020 (texte n° 98, 2019-2020).
Jeudi 14 novembre 2019
À 10 h 30
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2020 (texte n° 98, 2019-2020).
À 14 h 30 et le soir
- Désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre.
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : mercredi 13 novembre à 16 heures.
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2020 (texte n° 98, 2019-2020).
Vendredi 15 novembre 2019
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2020 (texte n° 98, 2019-2020).
Éventuellement, samedi 16 novembre 2019
À 9 h 30 et à 14 h 30
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2020 (texte n° 98, 2019-2020).
SEMAINE DE CONTRÔLE
Lundi 18 novembre 2019
À 17 heures et le soir
- Sous réserve de son dépôt et de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2019 (demande du Gouvernement en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution).
Ce texte sera envoyé à la commission des finances.
• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : jeudi 14 novembre après-midi.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 15 novembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 18 novembre début d’après-midi.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 15 novembre à 15 heures.
Mardi 19 novembre 2019
À 14 h 30
- Explications de vote des groupes puis scrutin solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2020 (texte n° 98, 2019-2020).
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 18 novembre à 15 heures.
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 19 novembre à 12 h 30.
À 15 h 30 et le soir
- Proposition de loi tendant à instituer une carte Vitale biométrique, présentée par MM. Philippe Mouiller, Bruno Retailleau, Alain Milon et plusieurs de leurs collègues (texte n° 517, 2018-2019 ; demande du groupe Les Républicains).
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 8 novembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 novembre matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 18 novembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 19 novembre en début d’après-midi.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 18 novembre à 15 heures.
- Débat sur les conclusions du rapport : « La gratuité totale des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ? » (demande de la mission d’information sur la gratuité des transports collectifs).
• Temps attribué à la mission d’information : 8 minutes.
• Réponse du Gouvernement.
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :
2 minutes maximum par question ;
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente ;
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question.
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 18 novembre à 15 heures.
- Débat sur le thème : « Bilan et perspectives de la compétence “Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations” » (demande du groupe RDSE).
• Temps attribué au groupe RDSE : 8 minutes.
• Réponse du Gouvernement.
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :
2 minutes maximum par question ;
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente ;
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question.
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 18 novembre à 15 heures.
Mercredi 20 novembre 2019
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement.
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 20 novembre à 11 heures.
De 16 h 30 à 20 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)
- Proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants, présentée par Mme Éliane Assassi et plusieurs de ses collègues (texte n° 134, 2018-2019).
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 8 novembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 novembre matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 18 novembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 20 novembre matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 19 novembre à 15 heures.
- Débat sur le thème : « Pour répondre à l’urgence climatique par le développement ferroviaire : promouvons les auto-trains et les intercités de nuit ».
• Temps attribué au groupe CRCE : 10 minutes.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 19 novembre à 15 heures.
Jeudi 21 novembre 2019
De 9 heures à 13 heures
(Ordre du jour réservé au groupe Les Indépendants)
- Proposition de loi portant diverses mesures tendant à réguler « l’hyper-fréquentation » dans les sites naturels et culturels patrimoniaux, présentée par M. Jérôme Bignon (texte n° 689, 2018-2019).
Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 8 novembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 novembre matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 18 novembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 20 novembre matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 20 novembre à 15 heures.
- Proposition de loi permettant à tout médaillé militaire ayant fait l’objet d’une citation à l’ordre de l’armée de bénéficier d’une draperie tricolore sur son cercueil, présentée par M. Jean-Pierre Decool et plusieurs de ses collègues (texte n° 706, 2018-2019).
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 12 novembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 novembre matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 18 novembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 20 novembre matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 20 novembre à 15 heures.
PROJET DE LOI DE FINANCES
CALENDRIER D’EXAMEN DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2020 ET ORDRE DU JOUR DES SÉANCES DU JEUDI 21 NOVEMBRE AU MARDI 10 DÉCEMBRE
Jeudi 21 novembre 2019 (suite)
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Discussion générale
• Temps attribué au rapporteur général de la commission des finances : 15 minutes.
• Temps attribué au président de la commission des finances : 10 minutes.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 2 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 20 novembre à 15 heures.
=> Examen de l’article liminaire
• Délai limite pour le dépôt des amendements à l’article liminaire et à la première partie : jeudi 21 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à l’un de ces amendements : jeudi 21 novembre à l’ouverture de la discussion générale.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements à l’article liminaire et à l’article 36 : jeudi 21 novembre à l’issue de la discussion générale.
=> Examen de l’article 36 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne
• Temps attribué au rapporteur spécial de la commission des finances : 5 minutes.
• Temps attribué au président de la commission des affaires européennes : 3 minutes.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 20 novembre à 15 heures.
Vendredi 22 novembre 2019
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Examen des articles de la première partie (suite)
• Réunion de la commission pour examiner les amendements à la première partie : vendredi 22 novembre à 9 heures.
Samedi 23 novembre 2019
Le matin, l’après-midi et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Examen des articles de la première partie (suite)
Éventuellement, dimanche 24 novembre 2019
Le matin, l’après-midi et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Examen des articles de la première partie (suite)
Lundi 25 novembre 2019
À 10 heures, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Examen des articles de la première partie (suite)
Mardi 26 novembre 2019
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Examen des articles de la première partie (suite et fin)
=> Explications de vote sur l’ensemble de la première partie
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 5 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 25 novembre à 15 heures.
Scrutin public ordinaire de droit.
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2019 ou nouvelle lecture.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 25 novembre à 15 heures.
En cas de nouvelle lecture :
• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : mardi 26 novembre matin ;
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale ;
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale.
Mercredi 27 novembre 2019
À 11 h 30
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes.
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 25 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mardi 26 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 26 novembre à 11 heures.
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement.
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 27 novembre à 11 heures.
À 16 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Écologie, développement et mobilité durables (+ article 76)
. Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens.
. Compte spécial : Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale.
. Compte spécial : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs.
. Compte spécial : Transition énergétique.
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 7 minutes chacun.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (7) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 25 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mardi 26 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 26 novembre à 11 heures.
=> Enseignement scolaire
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 25 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mardi 26 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 26 novembre à 11 heures.
Jeudi 28 novembre 2019
À 10 h 30
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Sport, jeunesse et vie associative
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 26 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 27 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 27 novembre à 11 heures.
À 14 h 30 et le soir
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 (texte n° 98, 2019-2020) ou nouvelle lecture.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 27 novembre à 15 heures.
En cas de nouvelle lecture :
• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : mercredi 27 novembre matin ;
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale ;
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale.
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Sécurités
. Compte spécial : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 7 minutes chacun.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 26 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 27 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 27 novembre à 11 heures.
=> Immigration, asile et intégration
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes.
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 26 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 27 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 27 novembre à 11 heures.
=> Administration générale et territoriale de l’État
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes.
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 26 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 27 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 27 novembre à 11 heures.
=> Pouvoirs publics
et Conseil et contrôle de l’État
et Direction de l’action du Gouvernement
. Budget annexe : Publications officielles et information administrative.
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 5 minutes chacun.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (6) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 26 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 27 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 27 novembre à 11 heures.
Vendredi 29 novembre 2019
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Action extérieure de l’État
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (7) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 28 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 28 novembre à 11 heures.
=> Aide publique au développement
. Compte spécial : Prêts à des États étrangers.
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 28 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 28 novembre à 11 heures.
=> Santé
• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes.
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 28 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 28 novembre à 11 heures.
=> Solidarité, insertion et égalité des chances
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun.
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 28 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 28 novembre à 11 heures.
=> Recherche et enseignement supérieur
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 27 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : jeudi 28 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 28 novembre à 11 heures.
Éventuellement, samedi 30 novembre 2019
Le matin, l’après-midi et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Discussion des missions et des articles rattachés reportés
Éventuellement, dimanche 1er décembre 2019
Le matin, l’après-midi et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Discussion des missions et des articles rattachés reportés
Lundi 2 décembre 2019
À 10 heures, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Économie
. Compte spécial : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés.
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 29 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 29 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 29 novembre à 11 heures.
=> Remboursements et dégrèvements
et Engagements financiers de l’État
. Compte spécial : Participation de la France au désendettement de la Grèce.
. Compte spécial : Participations financières de l’État.
. Compte spécial : Accords monétaires internationaux.
. Compte spécial : Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics.
et Investissements d’avenir
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (4) : 5 minutes chacun.
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 29 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 29 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 29 novembre à 11 heures.
=> Gestion des finances publiques et des ressources humaines
et Crédits non répartis
et Action et transformation publiques
. Compte spécial : Gestion du patrimoine immobilier de l’État.
et Régimes sociaux et de retraite
. Compte spécial : Pensions.
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 5 minutes chacun.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 29 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 29 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 29 novembre à 11 heures.
=> Travail et emploi (+ articles 79 et 80)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun.
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 29 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 29 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 29 novembre à 11 heures.
=> Défense
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (8) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 29 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : vendredi 29 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 29 novembre à 11 heures.
Mardi 3 décembre 2019
À 9 h 30
- Questions orales.
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Cohésion des territoires (+ articles 73 à 75)
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 29 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : lundi 2 décembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 2 décembre à 11 heures.
=> Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
. Compte spécial : Développement agricole et rural.
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 29 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : lundi 2 décembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 2 décembre à 11 heures.
Mercredi 4 décembre 2019
À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 77 et 78)
. Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales.
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun.
• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 29 novembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mardi 3 décembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 3 décembre à 11 heures.
Jeudi 5 décembre 2019
À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Outre-mer
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 3 décembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 4 décembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 4 décembre à 11 heures.
=> Culture
• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 3 décembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 4 décembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 4 décembre à 11 heures.
=> Médias, livre et industries culturelles
. Compte spécial : Avances à l’audiovisuel public.
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (5) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 3 décembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 4 décembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 4 décembre à 11 heures.
=> Justice
• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes.
• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 3 décembre à 11 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement : mercredi 4 décembre à 11 heures.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 4 décembre à 11 heures.
Vendredi 6 décembre 2019
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Discussion des missions et des articles rattachés reportés
=> Discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
• Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : mercredi 4 décembre à 12 heures.
• Délai limite pour l’ajout d’un signataire à un amendement aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : jeudi 5 décembre à 11 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : jeudi 5 décembre à la suspension du soir et, éventuellement, vendredi 6 décembre à 8 h 30 et aux suspensions.
Éventuellement, samedi 7 décembre 2019
Le matin, l’après-midi et le soir
- Suite de l’ordre du jour de la veille.
Éventuellement, dimanche 8 décembre 2019
Le matin, l’après-midi et le soir
- Suite de l’ordre du jour de la veille.
Lundi 9 décembre 2019
À 10 heures, à 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits (suite)
Mardi 10 décembre 2019
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272).
=> Éventuellement, suite et fin de la discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits
=> Explications de vote sur l’ensemble du projet de loi de finances
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 9 décembre à 15 heures.
Scrutin public à la tribune de droit.
SEMAINE SÉNATORIALE
Mercredi 11 décembre 2019
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement.
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 11 décembre à 11 heures.
De 16 h 30 à 20 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
- Proposition de loi tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d’azote, présentée par Mme Valérie Létard et plusieurs de ses collègues (texte n° 438, 2018-2019).
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 2 décembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 4 décembre matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 9 décembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 11 décembre matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 10 décembre à 15 heures.
Jeudi 12 décembre 2019
À 10 h 30
- Débat sur la situation et le rôle de l’OTAN et sur la place de la France en son sein (demande du groupe CRCE).
• Temps attribué au groupe CRCE : 10 minutes.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 11 décembre à 15 heures.
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)
- Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, sur la résilience alimentaire des territoires et la sécurité nationale, présentée par Mme Françoise Laborde et plusieurs de ses collègues (texte n° 588, 2018-2019).
• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 11 décembre à 15 heures.
• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote.
- Proposition de loi visant à prévenir le suicide des agriculteurs, présentée par M. Henri Cabanel et plusieurs de ses collègues (texte n° 746, 2018-2019).
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 2 décembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 4 décembre matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 9 décembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 11 décembre matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 11 décembre à 15 heures.
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 17 décembre 2019
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de leur dépôt et de l’engagement de la procédure accélérée, projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et projet de loi modifiant la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.
Ces textes seront envoyés à la commission des lois.
Il a été décidé qu’ils feraient l’objet d’une discussion générale commune.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 9 décembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et les textes : mercredi 11 décembre matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 16 décembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 17 décembre matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : lundi 16 décembre à 15 heures.
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à lutter contre les contenus haineux sur internet (texte n° 645, 2018-2019).
Ce texte a été envoyé à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques et de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : jeudi 5 décembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 décembre matin.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 16 décembre à 12 heures.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 17 décembre matin.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 décembre à 15 heures.
Mercredi 18 décembre 2019
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement.
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 18 décembre à 11 heures.
À 16 h 30
- 3 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso (texte n° 705, 2018-2019) ;
=> Projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger (texte n° 709, 2018-2019) ;
=> Projet de loi autorisant la ratification de l’accord de partenariat global et renforcé entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part (texte n° 647, 2018-2019).
• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : lundi 16 décembre à 15 heures.
- Sous réserve de sa transmission, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2020 (texte A.N. n° 2272) ou nouvelle lecture.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes.
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 17 décembre à 15 heures.
En cas de nouvelle lecture :
• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : mercredi 18 décembre matin ;
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale ;
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale.
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 17 décembre à 15 heures.
- Éventuellement, suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à lutter contre les contenus haineux sur internet (texte n° 645, 2018-2019).
À 21 h 30
- Débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 12 et 13 décembre 2019.
• Intervention liminaire du Gouvernement.
• 5 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des finances et à la commission des affaires européennes.
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure.
• Conclusion par la commission des affaires européennes : 5 minutes.
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 17 décembre à 15 heures.
• Réunion préalable de la commission des affaires européennes ouverte à tous les sénateurs : jeudi 5 décembre à 8 h 45.
Suspension des travaux en séance plénière :
du lundi 23 décembre 2019 au dimanche 5 janvier 2020
Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :
mercredi 11 décembre 2019 à 19 h 30
4
Rappels au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Sueur. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 45 de la Constitution.
M. le président du groupe La République en Marche à l’Assemblée nationale a annoncé hier que son groupe entendait déposer prochainement une proposition de loi sur les violences à l’intérieur de la famille, soit exactement le même sujet que celui dont nous sommes maintenant amenés à délibérer, sur la base d’une proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale.
Nous sommes donc en plein imbroglio ! Que se passera-t-il si une nouvelle proposition de loi sur les violences à l’intérieur de la famille entre en discussion alors que nous n’aurons peut-être pas achevé l’examen du présent texte, une commission mixte paritaire devant être réunie ?
Mme de La Gontrie m’indiquait que les conclusions du Grenelle des violences conjugales seraient rendues publiques le 25 novembre prochain. J’imagine qu’une communication gouvernementale sera faite le même jour, puis, comme par hasard, le 26 ou le 27 novembre, la nouvelle proposition de loi émanant du groupe majoritaire de l’Assemblée nationale sera déposée… On n’y comprend plus rien !
Comment voyez-vous, madame le garde des sceaux, l’articulation entre ces différentes initiatives ? Vous me répondrez peut-être que vous ne la voyez pas ; eh bien nous non plus ! (Sourires.)
Permettez-moi de vous faire une suggestion. J’ai évoqué l’article 45 de la Constitution, dont il a d’ailleurs été aussi question à propos de certains amendements. Cet article dispose que, après une lecture dans chaque assemblée, dans le cadre de la fameuse procédure accélérée, que nous contestons, le Gouvernement a la « faculté » de réunir une commission mixte paritaire. Cela signifie qu’il a aussi la faculté d’organiser une nouvelle navette avant convocation de la commission mixte paritaire. Est-ce ce que vous avez l’intention de faire pour sortir de cet imbroglio, sachant que nous avons vu, en commission, qu’il reste bien des sujets que la présente proposition de loi n’évoque pas ou ne traite pas de manière satisfaisante ?
Je vous remercie par avance, madame le garde des sceaux, de votre réponse précise, concrète et efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Sueur, il m’est en réalité assez difficile de vous répondre à ce moment précis. Je me bornerai à vous livrer deux éléments de réflexion.
Premièrement, il est urgent d’adopter les dispositions contenues dans la proposition de loi dont nous allons débattre, car elles me semblent extrêmement efficaces au regard de la protection contre les violences au sein du couple. Vous le savez, cette proposition de loi porte sur deux thématiques essentielles : les ordonnances de protection, dont nous voulons accélérer le traitement, et le bracelet anti- rapprochement, dont la mise en œuvre nécessite de manière impérative une disposition de niveau législatif.
J’ai donc tendance à considérer que le texte dont nous débattons aujourd’hui mérite un traitement respectueux des débats parlementaires, bien entendu, mais aussi assez rapide pour que nous puissions prendre les mesures qu’il comporte.
Deuxièmement, le Grenelle des violences conjugales, qui a été lancé le 3 septembre dernier par le Premier ministre et qui sera clôturé le 25 novembre prochain, débouchera sur un certain nombre de mesures, issues des travaux de très nombreux acteurs et associations. Au moment où je vous parle, je ne sais pas avec certitude si ces mesures relèveront du niveau législatif, du niveau réglementaire ou de la pratique. Il faut encore attendre quelques semaines pour pouvoir apprécier avec exactitude le niveau normatif auquel nous devrons intervenir. C’est la raison pour laquelle il est utile, à mon sens, d’examiner la présente proposition de loi dans les meilleurs délais. Nous verrons dans les prochaines semaines si un autre texte législatif est nécessaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 29 de notre règlement.
Le point soulevé par notre collègue Jean-Pierre Sueur mérite attention. Nous sommes dans une circonstance politique exceptionnelle, puisqu’une proposition de loi de l’opposition de l’Assemblée nationale a été accueillie avec suffisamment de bienveillance pour qu’elle puisse être adoptée à l’unanimité. Elle arrive aujourd’hui en discussion au Sénat dans des conditions assez invraisemblables : nous n’avons disposé que de deux semaines pour travailler sur des sujets qui sont tout de même techniques et difficiles, comme le montrera le débat qui va suivre.
La nouvelle proposition de loi évoquée par Jean-Pierre Sueur ajoute à la confusion. Madame la garde des sceaux, vous avez indiqué, à juste titre, que le Grenelle débouchera sur de nouvelles mesures, dont certaines ont déjà été évoquées dans la presse par Mme Schiappa. On voit donc bien que la conjoncture politique est très favorable sur cette question : il ne faut surtout pas gâcher cette occasion exceptionnelle, sachant que le sujet n’a pas toujours suscité un grand intérêt. Rien ne serait pire que d’aboutir à des textes confus, contradictoires et en définitive inapplicables.
C’est pourquoi je souhaite moi aussi que nous puissions, dans le cadre d’une nouvelle lecture intervenant opportunément après les annonces du Grenelle, intégrer les propositions tant du groupe La République en Marche de l’Assemblée nationale que du Gouvernement dans un bel et unique texte législatif sur les violences conjugales qui soit efficace et cohérent. Sinon, nous allons débattre, proposer des mesures qui sont, nous le savons, très compliquées à appliquer, pour ne pas dire parfois inapplicables, et nous aurons raté cette occasion.
Je vous en conjure, réfléchissez-y, madame la garde des sceaux ! Ce n’est pas une question d’opportunisme politique –je suis dans l’opposition. Travaillons bien, faisons une seconde lecture – le Gouvernement ou les présidents des deux assemblées peuvent tout à fait le décider –, pour que nous puissions aboutir tous ensemble à un texte de bonne qualité. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et UC.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de vos rappels au règlement, mes chers collègues.
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Violences au sein de la famille
Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à agir contre les violences au sein de la famille (proposition n° 57, texte de la commission n° 97, rapport n° 96).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous le savons, plus de 120 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint depuis le début de l’année 2019. Cette réalité insupportable nous guide collectivement, quelle que soit notre appartenance politique.
C’est dans cet esprit que le Premier ministre a ouvert, le 3 septembre dernier, le Grenelle consacré aux violences au sein du couple et que l’Assemblée nationale à la quasi-unanimité la proposition de loi qui vous est aujourd’hui soumise. C’est encore dans cet esprit que nous souhaitons aborder les débats qui vont se tenir dans cet hémicycle, afin que soient rapidement – j’insiste sur cet adverbe – apportées des solutions opérationnelles pour que ces situations de violence ne soient pas une fatalité, pour que nulle n’ait peur en rentrant dans son foyer.
Dans la lutte contre les violences conjugales, la justice occupe évidemment une position centrale. Je mène à ce titre, depuis plusieurs mois, une politique extrêmement volontariste, construite autour d’un plan d’action très structuré. Ma circulaire du 9 mai dernier a ainsi rappelé aux procureurs le caractère prioritaire du traitement de ces violences, en les incitant à utiliser pleinement l’arsenal législatif dont ils disposent, comme les téléphones grave danger (TGD) ou l’ordonnance de protection, des dispositifs qui méritent d’être mis en lumière.
Je souhaite bien entendu que le recours au dispositif de l’ordonnance de protection soit facilité, afin que sa mise en œuvre devienne une pratique très régulière, dès que la situation dont le juge est saisi correspond au cadre pour lequel elle est prévue.
Mes services ont d’ailleurs analysé toutes les décisions d’ordonnance de protection qui ont été rendues depuis 2016, soit au total 3 102. Ce chiffre est d’ailleurs très inférieur au nombre d’ordonnances de protection délivrées en Espagne.
Le travail d’analyse de ces ordonnances de protection qui a été engagé par mes services a néanmoins permis de révéler que ce dispositif est de plus en plus fréquemment utilisé, même si l’on ne peut pas se satisfaire de la situation actuelle.
En raccourcissant les délais de délivrance de l’ordonnance de protection, la proposition de loi qui vous est soumise garantira une protection plus rapide, et donc plus efficace, de la victime.
Un guide très complet exposant l’objectif et le cadre juridique de cette mesure a été réalisé par la direction des affaires civiles et du sceau de mon ministère. Il sera très rapidement et très largement diffusé.
La mise en place du bracelet anti-rapprochement (BAR) pour les auteurs de violences conjugales à titre de peine, mais aussi avant tout jugement pénal dans le cadre d’un contrôle judiciaire, ou hors de toute plainte dans le cadre civil d’une procédure d’ordonnance de protection, a été annoncée par le Premier ministre dès l’ouverture du Grenelle.
Cette mesure fait l’objet d’un très large consensus. J’avais moi-même d’ailleurs engagé des travaux en ce sens avec plusieurs parlementaires – je pense notamment aux députés Guillaume Vuilletet, Guillaume Gouffier-Cha et Fiona Lazaar. Le groupe LaREM de l’Assemblée nationale avait également déposé une proposition de loi qui traduisait ce travail. Je suis ravie que, dans un esprit de coconstruction, il ait finalement été décidé, pour avancer plus rapidement, d’opter pour l’examen de la proposition de loi déposée par le groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale.
Parce que le phénomène des violences au sein du couple est très spécifique, parce que certains mécanismes psychologiques, tels que l’emprise, n’ont été clairement identifiés et décrits que depuis quelques années, j’ai souhaité renforcer l’offre de formation en la matière.
Un important travail a donc été réalisé en ce sens, et l’École nationale de la magistrature offre, depuis le début de ce mois, de nouvelles formations ouvertes aux magistrats, mais aussi aux personnels de l’administration pénitentiaire ou encore de la protection judiciaire de la jeunesse, ainsi qu’à des officiers de police judiciaire, à des avocats et à des personnels associatifs, sur l’ensemble du territoire national. L’objectif est que les magistrats soient parfaitement formés et sensibilisés au traitement spécifique de cette délinquance. Ainsi, tous les magistrats qui seront amenés à changer de fonction devront suivre un module de formation sur les violences conjugales – j’y insiste, cette formation sera obligatoire.
Au-delà de ces questions, il me paraît essentiel de travailler au développement d’une meilleure synergie entre tous les acteurs. J’ai eu l’occasion de le dire, il faut « défragmenter » le travail des acteurs et des services, et ainsi faire en sorte que ne se glisse aucun interstice, aucune faille entre l’action des enquêteurs, celle des juges et celle des associations.
Trop souvent, au sein du monde de la justice, et surtout dans les juridictions les plus importantes, les juges aux affaires familiales (JAF) ou les juges des enfants et les procureurs ne travaillent pas suffisamment en symbiose sur ces sujets. C’est pourquoi une expérimentation a été lancée au tribunal de grande instance de Créteil, juridiction pilote, aux fins d’élaborer un schéma modèle de traitement judiciaire des faits de violences conjugales, intégrant tout à la fois l’urgence des réponses et la prise en considération de leur particularité. Deux autres juridictions, de taille plus réduite, deviendront, elles aussi, pilotes en la matière, afin que le système retenu soit applicable à l’ensemble des tribunaux : il s’agit des tribunaux de grande instance de Rouen et d’Angoulême.
Le Grenelle des violences conjugales aura déjà eu le mérite de provoquer une forme d’élan au sein des juridictions sur ces sujets, et je ne peux que me féliciter que mes services aient été spontanément contactés, dans les jours ayant suivi l’annonce du Premier ministre, par des juridictions désireuses de participer à cette expérimentation de filières d’urgence.
C’est dans cet esprit que j’ai installé, à la Chancellerie, un groupe de travail réunissant l’ensemble des acteurs concernés. Ce groupe suivra, au-delà même du Grenelle, l’avancée des actions annoncées. Il s’est déjà réuni à plusieurs reprises ; les échanges qui y ont été conduits ont été fructueux et ils ont permis d’engager des réflexions sur de nouvelles améliorations possibles ; j’en parlais précédemment, en réponse à M. Jean-Pierre Sueur.
Pour en revenir plus précisément aux dispositions de la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui, je rappelle que ce texte vise, d’une part, à renforcer l’ordonnance de protection, et, d’autre part, à généraliser l’utilisation du bracelet anti-rapprochement. Évidemment, je partage pleinement cette double volonté, puisqu’il s’agit de deux axes majeurs sur lesquels travaille le ministère de la justice depuis plusieurs mois. La proposition de loi tend à inciter non seulement les parties, mais encore les avocats qui les assistent, à demander les mesures prévues par les textes, ainsi qu’à renforcer ces mesures.
L’ordonnance de protection est en effet une décision rendue par un juge civil, dans le cadre d’une procédure civile, présentant cette particularité que les parties en ont la maîtrise. Pour cette raison, le rappel du principe selon lequel la délivrance d’une ordonnance de protection n’est pas subordonnée à une plainte préalable a une vertu pédagogique.
Le texte qui vous est présenté conforte aussi le traitement de l’urgence. L’Assemblée nationale a en effet adopté un amendement visant à instaurer « un délai maximal de six jours à compter de la fixation de la date de l’audience » pour que le juge aux affaires familiales rende sa décision.
Je crois qu’il est effectivement indispensable de raccourcir les délais de délivrance des ordonnances de protection. Il est toutefois tout aussi nécessaire de respecter le principe du contradictoire et la nature spécifique de la procédure civile, qui repose, je le précisais à l’instant, sur la volonté des parties, donc sur des principes différents de ceux du procès pénal. Je vise, comme vous, un objectif de célérité. Néanmoins, je ne suis pas certaine que le dispositif juridique soit parfait, la notion de « fixation de la date de l’audience » n’existant pas en procédure civile.
M. Roland Courteau. Eh non !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Par ailleurs, ainsi que je m’y étais engagée dès le mois de mai dernier, le juge aux affaires familiales pourra prononcer la pose d’un bracelet anti-rapprochement dans le cadre de l’ordonnance de protection. Le Gouvernement a travaillé de concert avec les parlementaires pour sécuriser ce dispositif, ordonné dans un cadre civil, l’accord du défendeur étant requis pour éviter tout risque constitutionnel. À défaut d’accord de sa part, le dossier sera transféré au procureur de la République, qui pourra mettre en œuvre les poursuites pénales.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je me félicite de ce dialogue parlementaire constructif. Je suis certaine que la loi qui en sera issue contribuera à assurer une meilleure protection des victimes de violences au sein de la famille. En ce sens, il me tient particulièrement à cœur que ce dispositif soit opérationnel dans les meilleurs délais. Mes services travaillent donc dès maintenant, avant même l’adoption définitive du texte, aux dispositions réglementaires d’application, afin de permettre une mise en œuvre aussi rapide que possible des dispositions contenues dans la proposition de loi.
Il s’agit là, bien entendu, d’une première étape. Je le disais précédemment, nous poursuivons parallèlement notre travail dans le cadre du Grenelle des violences conjugales. De très nombreux contributeurs et des groupes de travail réfléchissent actuellement aux moyens de renforcer encore la protection des victimes de violences. Bien évidemment, je suis personnellement, avec la plus grande attention, ces travaux, lesquels pourront trouver, dans les semaines à venir, une concrétisation qui sera elle aussi, je l’espère, consensuelle.
En conclusion, je tiens à vous assurer que l’engagement du ministère de la justice est absolu et que nous continuerons, avec l’aide de tous – non seulement les forces de l’ordre, mais aussi les avocats, les réseaux associatifs et l’ensemble de la société civile –, à lutter contre ces actes qui, en meurtrissant chaque jour des femmes, heurtent la société tout entière. Cette proposition de loi contribue pleinement à cet objectif. (Applaudissements sur des travées des groupes LaREM, RDSE, UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, voilà à peine deux mois, Aurélien Pradié égrenait à la tribune de l’Assemblée nationale 100 prénoms de femmes tombées sous les coups de leur conjoint ou de leur ex-conjoint. Elles sont aujourd’hui 129 femmes à s’être effondrées, victimes de violences conjugales. C’est une réalité épouvantable dans notre pays : tous les deux ou trois jours, on compte une victime supplémentaire.
Le plus souvent, l’homicide ou la tentative d’homicide fait suite à une longue série de comportements violents. Chaque année, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes, environ 220 000 femmes sont ainsi victimes de violences conjugales. De nombreux drames pourraient être évités si une action efficace était conduite par les pouvoirs publics dès le signalement des premiers faits de violence.
Le 3 septembre dernier, le Gouvernement a lancé un Grenelle des violences conjugales, qui se prolongera jusqu’au 25 novembre prochain, date de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
Sans attendre les conclusions du Grenelle, le Gouvernement a rendu publiques une dizaine de mesures d’urgence. La mise en œuvre de certaines d’entre elles nécessite une intervention du législateur, ce qui explique que nous soyons saisis de cette proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille.
Déposée par notre collègue député Aurélien Pradié, qui en a également été le rapporteur, cette proposition de loi a été adoptée à la quasi-unanimité par l’Assemblée nationale, le 15 octobre dernier. Au travers de ce vote, l’Assemblée nationale a montré que la représentation nationale pouvait se rassembler, par-delà les clivages partisans, autour de cette grande cause qu’est la lutte contre les violences faites aux femmes.
Sur ce sujet, certains États ont été précurseurs, notamment l’Espagne, qui s’est dotée, voilà une dizaine d’années, de juridictions spécialisées et d’un dispositif anti-rapprochement qui a fait ses preuves.
L’introduction en France du bracelet anti-rapprochement constitue la mesure phare de cette proposition de loi. Le texte propose d’autoriser son utilisation à toutes les étapes de la procédure pénale : au moment de la condamnation, notamment dans le cadre d’une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve, à l’occasion d’une mesure d’aménagement de peine, par exemple une libération conditionnelle, mais aussi pendant l’enquête, lorsque la personne mise en cause est placée sous contrôle judiciaire. Chaque fois, ce sera un magistrat du siège qui prendra la décision d’ordonner le recours au bracelet anti-rapprochement.
Ce bracelet, attaché à la cheville du conjoint violent, et le boîtier, confié à la victime, permettent de géolocaliser en permanence l’un et l’autre, et de déclencher une alerte dans un centre de surveillance s’ils s’approchent trop l’un de l’autre. Il s’agit donc d’un outil de prévention, destiné à éviter la répétition des violences.
Pour favoriser le recours à ce dispositif, il est prévu d’informer les victimes, au moment du dépôt de plainte, qu’elles pourront en bénéficier. En théorie, le conjoint violent pourra refuser de porter ce bracelet, mais son refus pourra entraîner la révocation, par le juge, de la mesure dont il bénéficie, et donc son incarcération ou son placement en détention provisoire. Cette perspective devrait convaincre, me semble-t-il, la plupart d’entre eux d’accepter de porter le bracelet, si cela est prescrit.
La commission s’est prononcée en faveur de l’usage du bracelet anti-rapprochement, qui a produit de bons résultats en Espagne, où il est en vigueur depuis dix ans. Nous ne pouvons toutefois que regretter que les deux expérimentations votées par le législateur, en 2010 et en 2017, n’aient jamais été suivies d’effet, alors que certaines juridictions – je pense en particulier au tribunal de Pontoise – étaient prêtes à les mettre en œuvre. Une phase d’expérimentation aurait permis d’affiner le fonctionnement de ce dispositif et facilité la généralisation de son utilisation. Beaucoup de temps a ainsi été perdu – d’où de nombreuses victimes –, et il convient maintenant de mettre à la disposition des victimes dans les meilleurs délais ce système protecteur. Peut-être pourrez-vous nous apporter, dans la suite de nos débats, madame la garde des sceaux, des précisions sur le calendrier de déploiement du bracelet anti-rapprochement.
Je le signale, la proposition de loi vise également à encourager le recours au téléphone grave danger. Cet appareil portable, déployé en 2014 après une phase d’expérimentation en Seine-Saint-Denis, permet de joindre, en cas de danger, une plateforme d’assistance.
Pour encourager son utilisation, la proposition de loi procède à deux ajustements, que la commission a approuvés : d’abord, elle précise que la demande de ce téléphone est adressée au procureur de la République « par tout moyen » ; ensuite, elle introduit un nouveau cas dans lequel l’attribution du TGD serait autorisée, en cas d’urgence.
La proposition de loi comporte ensuite un volet de droit civil, qui vise essentiellement à améliorer le dispositif de l’ordonnance de protection, introduite dans notre législation en 2010.
L’ordonnance de protection est délivrée, en urgence, par le juge aux affaires familiales, lorsque celui-ci estime vraisemblable que des faits de violence aient été commis au sein du couple et s’il pense que la victime ou un ou plusieurs enfants restent exposés à un danger.
Dans le cadre de l’ordonnance de protection, le juge peut prendre des mesures civiles assez classiques, par exemple en matière d’autorité parentale ou de résidence séparée. Il peut aussi prendre des mesures de protection de la victime, par exemple pour la faire bénéficier, sans délai, de l’aide juridictionnelle. Il peut enfin décider de mesures à connotation pénale, imposées à l’auteur des violences, par exemple l’interdiction d’entrer en contact avec certaines personnes ou encore l’interdiction de détenir ou de porter une arme.
Pourtant, le nombre demandes d’ordonnance de protection reste faible : on en a dénombré 3 300 en 2018, et le juge aux affaires familiales ne les a accueillies favorablement que dans 60 % des cas. Le délai moyen de délivrance est aujourd’hui de quarante-deux jours, ce qui paraît tout de même très élevé pour une procédure d’urgence…
Dans ce contexte, la proposition de loi cherche à lever les obstacles à la délivrance de ces ordonnances, en rappelant notamment que le dépôt d’une plainte ne peut être exigé. Dans le dessein d’accélérer leur délivrance, le texte prévoit également de fixer au juge un délai : l’ordonnance devrait être rendue dans les six jours qui suivent la fixation de la date de l’audience. Je pense que nous aurons l’occasion de revenir sur cette question du délai au cours de l’examen des amendements.
Enfin, le texte donne de nouvelles prérogatives au juge aux affaires familiales : ce magistrat pourrait interdire au conjoint violent de paraître en certains lieux et ordonner, à condition que les deux parties l’acceptent, le port d’un bracelet électronique anti-rapprochement.
Ces dispositions créatives accentuent le caractère hybride de l’ordonnance de protection, à mi-chemin entre le droit civil et le droit pénal. Il n’est pas certain que les juges aux affaires familiales sachent se saisir facilement de ces mesures restrictives de liberté, auxquelles ils sont peu habitués, ni que le délai adopté par l’Assemblée nationale, en réalité peu contraignant, suffise à accélérer les procédures.
Toutefois, la commission n’a pas voulu faire obstacle à l’entrée en vigueur de ces dispositions, qui renforcent malgré tout la position des conjoints victimes. Elle a seulement souhaité donner un caractère temporaire à l’utilisation du bracelet anti-rapprochement en matière civile, qu’elle juge particulièrement innovante : au bout de trois ans, sur le fondement d’une évaluation, nous pourrons prolonger cette mesure ou la faire évoluer si les doutes exprimés se révélaient fondés.
J’en terminerai en évoquant les mesures destinées à faciliter le relogement des femmes victimes de violences conjugales.
Vous le savez, la loi fait de l’éviction du mari violent du domicile conjugal la règle de principe. Il peut arriver néanmoins que la victime ne souhaite pas regagner son domicile, soit parce qu’il est associé à des souvenirs traumatiques, soit parce qu’elle juge plus prudent de déménager.
Pour l’essentiel, le texte prévoit de mener, pendant une durée de trois ans, deux expérimentations.
La première consiste à mettre en place un mécanisme de sous-location temporaire de logements relevant du parc social : des associations d’aide aux victimes se verraient confier la gestion de logements sociaux, qu’elles pourraient sous-louer, sous condition de ressources, aux femmes qui s’adressent à elles.
La seconde vise à créer un dispositif d’accompagnement adapté en s’appuyant sur des mécanismes existants, comme la garantie locative Visale, qui permet de couvrir des impayés de loyers, ou le Loca-Pass, qui permet de financer le dépôt de garantie.
Vous le voyez, mes chers collègues, ce texte apporte des réponses concrètes aux difficultés que rencontrent les femmes victimes de violences conjugales. Je souligne que 80 % des femmes victimes de ces violences ont au moins un enfant ; il faut donc penser aux quatre millions d’enfants qui sont des victimes collatérales de ces violences : quels adultes deviendront-ils ?
Je ne doute pas que le Gouvernement saura mobiliser les moyens budgétaires nécessaires pour assurer la réussite de ces nouvelles mesures. Il est possible que nous ayons à débattre à nouveau, au cours des prochains mois, de la question des violences faites aux femmes, car le Grenelle des violences conjugales devrait faire émerger d’autres propositions relevant du domaine législatif. Vous pourrez toujours compter sur nous, madame la garde des sceaux, pour les examiner avec sérieux, en veillant chaque fois à concilier le nécessaire volontarisme dans la lutte contre les violences faites aux femmes avec le souci de l’efficacité et de la préservation des principes fondamentaux qui garantissent notre liberté à tous.
La violence est à combattre, dès le plus jeune âge, au travers de l’éducation et de l’accompagnement à la parentalité. Je souhaite que nous tous, dans cet hémicycle, n’oubliions jamais que la violence empêche de penser et, tout simplement, de vivre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – M. Roland Courteau applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. (Mme Marta de Cidrac applaudit.)
Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le 3 juillet dernier, plus de 150 sénateurs et sénatrices de tous les groupes publiaient dans un grand quotidien national, sur l’initiative de la délégation aux droits des femmes, une tribune sur les féminicides – un mot terrible qu’une actualité révoltante a, jour après jour, fait entrer dans notre vocabulaire. « Ces femmes tuées ne sont pas des statistiques », écrivions-nous. « Elles ont des visages, des prénoms. Derrière les chiffres, il y a des enfants qui grandiront sans leur mère, des parents qui vieilliront sans leur fille. » Les victimes étaient alors au nombre de 71 depuis le début de l’année ; elles sont désormais plus de 120…
Il faut s’en réjouir, le texte dont nous débattons traduit une véritable prise de conscience d’une réalité effroyable et –hélas ! – quasiment quotidienne, longtemps occultée sous le terme rassurant de « crime passionnel ». Le calendrier de l’examen de cette proposition de loi démontre une volonté partagée d’aller vite.
Cela dit, on peut aussi déplorer que cette volonté politique ait tant tardé à s’exprimer, alors que la sonnette d’alarme était tirée depuis très longtemps par les experts et les acteurs de terrain. Prêter attention plus tôt à ces alertes aurait évité la mort à des centaines de femmes et aurait changé le destin de centaines d’enfants.
On peut aussi s’interroger sur un calendrier qui empêche la prise en compte, par la future loi, des enseignements qui ne manqueront pas d’émerger du Grenelle des violences conjugales, dont la fin est prévue dans trois semaines environ. Ne devrons-nous pas, à la suite du Grenelle, débattre d’un nouveau texte législatif, alors que l’encre de la loi dont nous discutons aujourd’hui sera à peine sèche ?
En dépit de cette réserve, relative à la méthode et non au fond, permettez à la délégation aux droits des femmes de se féliciter, par ma voix, que la proposition de loi traduise des recommandations que nous formulons régulièrement dans nos travaux sur les violences au sein des couples. Je pense notamment à la nécessité de proscrire toute tentative de médiation par le juge aux affaires familiales, dès lors que des violences ont été alléguées – et non commises – par l’un des parents.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. Quant au bracelet anti-rapprochement, il s’agit certainement d’un outil prometteur pour empêcher le passage à l’acte de l’auteur de violences. Gardons-nous toutefois de le considérer comme une « baguette magique » qui, à elle seule, mettrait fin au fléau des violences conjugales. Il est heureux que la commission des lois souhaite mettre à l’épreuve cet outil, qui sera aux mains du juge civil. Le suivi de cette mesure sera donc essentiel, et les moyens qui seront attribués à sa mise en œuvre devront être à la hauteur des enjeux. En tant que parlementaires, nous devrons exercer notre vigilance lors du contrôle de l’application de la future loi.
En matière de violences, l’outil répressif ne suffit pas, c’est une évidence. La prévention est essentielle, comme la délégation aux droits des femmes ne manque jamais de le souligner. Les meilleures lois, les outils les plus performants ne sauraient être efficaces si le personnel appelé à les appliquer et à les utiliser – policiers, gendarmes, magistrats – n’est pas formé à la psychologie des victimes et à l’emprise qu’exerce l’auteur des violences sur sa famille. En outre, l’effort de formation aux violences, qui est réel et mobilise beaucoup d’énergies – il convient d’en saluer les acteurs –, ne sert à rien eu égard à la mobilité de personnels qui changent d’affectation à peine formés…
M. Roland Courteau. Évidemment !
Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. Par ailleurs, notre délégation appelle régulièrement l’attention sur la question des moyens des associations, véritables bras armés des politiques publiques en matière de lutte contre les violences. Leurs subventions sont désormais calculées au plus juste. Les bracelets électroniques et les téléphones grave danger seront inutiles si les associations ne peuvent plus accueillir, conseiller et orienter les victimes.
La conviction de la délégation est aussi que les politiques publiques de lutte contre les violences doivent être déployées avec la même attention partout, y compris dans les territoires ruraux et dans les outre-mer.
À ces points de vigilance s’ajoute la nécessité de prêter une attention spécifique aux violences subies par les femmes handicapées ; c’est encore un sujet tabou. Veillons à ne pas faire de ces victimes particulièrement vulnérables les oubliées de la dynamique qui s’engage actuellement contre les violences.
M. Roland Courteau. Absolument !
Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. Enfin, les violences intrafamiliales imposent de réfléchir au maintien de l’autorité parentale, car un mari violent ne saurait être un bon père et un enfant témoin est toujours un enfant victime.
N’ayons pas la naïveté ou la suffisance de croire que l’adoption de cette loi nous dédouanera de nos responsabilités à l’égard d’un fléau qui touche tant de familles. C’est à une mobilisation de la société tout entière, dans tous les territoires et dans la durée, que nous appelle le glaçant décompte des féminicides. C’est notre responsabilité d’élus, de parents et de citoyens.
En dépit de ces quelques interrogations et réserves, la délégation salue un texte qui marquera, nous l’espérons, une étape positive pour agir concrètement contre les violences conjugales. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens en préambule à saluer la présence symbolique sur nos travées, tout à l’heure, du président du Sénat. Il a ainsi voulu marquer, je le crois, l’importance de ce texte pour nous tous.
Cette année, 129 femmes sont mortes, tuées par leur conjoint ou leur ex-conjoint ; 129 femmes assassinées, autant de vies anéanties. Ce chiffre est insensé, insupportable ; il cache des douleurs insondables. Pourtant, il ne fait qu’approcher la réalité sans vraiment en rendre compte.
Combien de femmes souffrent à l’heure où je m’exprime devant vous ? Combien sont gravement blessées ? Combien se sont suicidées ? Ce chiffre de 129 femmes tuées signe l’échec de toute une société, notre échec collectif. Devant ce drame quotidien, agir résolument contre les violences et les féminicides est une obligation.
Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale qui tend à agir contre ces violences, bien souvent constatées dans le cadre privé du foyer. Son adoption à l’unanimité montre que l’ensemble des députés, quelle que soit leur sensibilité, sont convaincus de la nécessité d’agir pour enrayer ce fléau.
Pourtant, la situation dans laquelle nous nous trouvons cet après-midi ne doit pas manquer de nous interpeller. C’est bien une proposition de loi que nous examinons. Pour un sujet présenté il y a deux ans et demi comme la « grande cause du quinquennat », le recours à ce véhicule législatif a en soi une signification. De par sa nature même, ce texte est dépourvu de toute étude d’impact et d’avis du Conseil d’État ; nous verrons ultérieurement que cela manque.
À cela s’ajoute un calendrier contraint, déjà évoqué, marqué par la clôture prochaine du Grenelle des violences conjugales, au terme duquel des annonces gouvernementales seront faites.
Enfin, nous apprenons le dépôt à venir d’une nouvelle proposition de loi par le groupe majoritaire à l’Assemblée nationale.
Quelle conception du travail parlementaire ! Quelle approximation dans la prise en compte des violences conjugales !
Le Sénat n’a disposé que de deux semaines pour étudier ce texte, qui s’inscrit pourtant, je le répète, dans la grande cause du quinquennat, et il ne pourra y avoir qu’une seule lecture, le choix ayant été fait d’engager la procédure accélérée.
Je le dis donc sans détour : les conditions ne sont pas réunies pour garantir aux Françaises et aux Français une production qualitative de la loi ; je le déplore. Compte tenu des enjeux, puisqu’il s’agit bien d’épargner des vies, nous ne saurions nous en satisfaire.
Je le disais à cette tribune en juillet 2018, à propos du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, la « grande cause du quinquennat » débouche parfois sur de bien petites lois. Je crains que cela ne soit encore le cas aujourd’hui, alors qu’un tel sujet mérite, au contraire, un vaste projet de loi, impliquant les services de police et de gendarmerie, les services sociaux, les collectivités locales, la formation des agents et l’organisation judiciaire, en particulier la répartition des compétences entre le juge aux affaires familiales, le juge des enfants et le juge des libertés et de la détention.
Enfin, un projet de loi à la hauteur des ambitions affichées par le Président de la République lui-même exigerait que des moyens financiers massifs soient déployés afin d’améliorer la prise en charge des victimes, le soutien aux associations, l’hébergement d’urgence des victimes, la formation des personnels… Nous nous tournons souvent vers l’Espagne, modèle de lutte efficace contre les violences conjugales : nous connaissons le budget colossal que ce pays a alloué à cette lutte. Nous sommes loin, ici, de ces exigences, et l’on peut craindre que, une fois encore, des effets d’annonce ne masquent de maigres avancées.
Vous le savez, nous adhérons aux objectifs de ce texte, mais nous savons qu’il ne va pas assez loin et que l’ensemble du sujet n’est pas traité. Les résultats risquent donc d’être, une nouvelle fois, en deçà des enjeux. En effet, il s’agit avant tout de protéger les victimes et de renforcer les moyens mis à cette fin à disposition des associations, des collectivités, de la police et de la justice.
Telle est l’intention de l’auteur du texte, pour ce qui concerne le raccourcissement à six jours du délai de délivrance de l’ordonnance de protection, mais ce nouveau délai pourra-t-il être tenu sans moyens supplémentaires ?
C’est également l’intention qui sous-tend l’extension du recours tant au téléphone grave danger qu’au bracelet anti-rapprochement et l’ouverture de la possibilité d’ordonner le port de celui-ci en phase pré-sentencielle, bien qu’il s’agisse d’une mesure attentatoire aux libertés et que le texte fasse reposer cette décision sur le juge aux affaires familiales.
C’est aussi le sens des mesures d’aide au logement, qui tendent à préserver de la précarité les victimes et, bien souvent, leurs enfants.
Le groupe socialiste et républicain aborde l’examen de cette proposition de loi dans un esprit constructif. Il proposera toutefois des amendements pour en améliorer certains aspects, notamment en ce qui concerne l’ordonnance de protection, le bracelet anti-rapprochement et la situation des enfants, qui mérite d’être mieux appréhendée.
Pour autant, nous sommes lucides ; mettre fin au funèbre décompte des mortes par centaines sous les coups de leur conjoint exige de courageuses décisions budgétaires. Or, jusqu’à présent, le Gouvernement nous a davantage gratifiés de paroles que de décisions budgétaires…
Cela étant, je reste optimiste ; les discussions budgétaires ne sont pas terminées, et nous espérons que le Grenelle des violences conjugales débouchera sur la mobilisation de moyens propres à donner aux acteurs de terrain la capacité de lutter efficacement contre ce fléau. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous commençons aujourd’hui l’examen d’une proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille, un objectif qui, bien qu’il soit aujourd’hui consensuel, n’a que rarement fait l’objet d’un texte spécifique, la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants ayant été la première initiative législative en ce sens.
Comment expliquer les réticences institutionnelles à sanctionner des actes connus de tous et décrits parfois crument dans la littérature ? Qui n’a appris, à l’école, le zeugma : « il battait la campagne et sa femme » ? Pour appuyer mon propos, je voudrais vous donner lecture d’un extrait du roman La Bête humaine, d’Émile Zola, publié voilà plus de cent trente ans et vendu à plus de 99 000 exemplaires en 1902 :
« Alors, ce fut abominable. Cet aveu qu’il exigeait si violemment venait de l’atteindre en pleine figure, comme une chose impossible, monstrueuse. […] Il la jeta d’une secousse en travers du lit, il tapa sur elle des deux poings, au hasard. »
Vous vous souvenez peut-être de la suite, mes chers collègues ; elle est effroyable… Cet extrait dit, me semble-t-il, l’horreur que subissaient et que subissent encore de nombreuses femmes sur l’ensemble du territoire français, en milieu urbain ou rural, en métropole ou outre-mer. Il explique aussi l’impuissance culpabilisante des témoins de ces violences, en premier lieu les enfants ; c’est un sujet sur lequel il nous faudra forcément revenir.
Il m’est aujourd’hui impossible de comprendre pourquoi ce passage glaçant n’a pas produit dès sa parution, en 1890, un sentiment de révolte suffisant pour amener à combattre ce que l’on a appelé les « immunités familiales », à savoir la réticence à s’immiscer judiciairement dans la cellule conjugale au motif d’en préserver l’équilibre.
Au contraire, l’immunité familiale s’est parfois renforcée après la publication de La Bête humaine, avec la pénalisation de l’adultère ou de l’avortement et la reconnaissance d’un « devoir conjugal », c’est-à-dire la légalisation du viol entre époux.
Constater que nous sommes désormais tous déterminés à agir, quelle que soit notre appartenance politique, rassure.
Le texte de nos collègues députés couvre presque tous les champs utiles à la sécurisation du quotidien des femmes alléguant des faits de violences conjugales, après la mise à l’abri d’urgence et avant les suites pénales.
Il vise d’abord à renforcer l’uniformité de l’application des dispositifs existants, en limitant les marges d’appréciation des juges, qu’il s’agisse du juge aux affaires familiales, saisi pour la délivrance d’une ordonnance de protection, ou du procureur de la République, intervenant pour celle d’un téléphone grave danger.
Il prévoit ensuite que nous nous dotions de nouveaux moyens techniques, avec le port d’un bracelet anti-rapprochement par les personnes condamnées.
Enfin, il tend à faciliter la mise en œuvre pratique de l’éloignement de la victime et son accès à un logement.
La plupart de ces dispositions nous semblent aller dans le bon sens, de même que les modifications apportées par la commission des lois après les travaux importants réalisés par Mme la rapporteur, que je félicite et remercie. Cependant, malgré sa vigilance, nous ne sommes pas convaincus de la pertinence du développement du recours au bracelet anti-rapprochement dans le cadre de l’ordonnance de protection, surtout à titre expérimental, compte tenu des restrictions budgétaires que connaît le ministère de la justice. En effet, nous nous inquiétons qu’une telle mesure coercitive, prise par un juge civil en amont de toute condamnation, se heurte aux fondements de notre droit pénal. L’ordonnance de protection ne doit pas se substituer au procès pénal. C’est pourtant le chemin que nous prenons, sans doute en raison du manque de réactivité de nos juridictions, lié à leur manque de moyens.
Nous proposons, au contraire, d’élargir les éléments fondant la prise d’une ordonnance de protection, afin que le doute profite toujours aux personnes dénonçant des violences, mais de limiter, dans le même temps, les conséquences coercitives pour les présumés auteurs de violences, qui devraient intervenir après le procès pénal seulement. Une demande d’ordonnance de protection sur deux échoue aujourd’hui faute de preuves suffisantes. À cet égard, nous considérons que les « signaux faibles », du côté des victimes comme des auteurs de violences, devraient être mieux pris en compte. Ils sont connus : chez la victime, l’isolement doit alerter ; chez les auteurs de violences, certains facteurs doivent accroître notre vigilance, comme le souligne un rapport de l’Organisation mondiale de la santé, tels que la consommation excessive d’alcool, des difficultés financières subites, des troubles comportementaux, des discours de légitimation de la violence… Tous ces facteurs altèrent la qualité de la communication au sein de la cellule familiale.
À côté des solutions développées pour les victimes, des dispositifs d’écoute devraient également être mis en place en amont pour les personnes traversant ces difficultés, afin de prévenir tout basculement vers la violence.
La dimension territoriale ne devrait pas être oubliée : c’est parfois un facteur aggravant, quand la ruralité accroît l’isolement. Des solutions innovantes ont d’ailleurs été développées sur le terrain, avec le financement de bus d’aide aux victimes. Du point de vue des capacités d’hébergement, les îles intérieures de la République pourraient utilement servir de refuges accueillants !
Enfin, et surtout, vouloir combattre la violence au sein de la famille sans évoquer celle qui s’exerce sur les enfants, qu’ils soient témoins ou victimes, me paraît un contresens énorme. On le sait, une part importante de ces enfants deviendront malheureusement des auteurs ou des victimes de violences familiales. Un récent rapport, produit par trois inspections générales, a justement formulé des propositions destinées à renforcer la lutte contre les morts violentes d’enfants. Nous proposerons des amendements qui s’en inspirent.
Il faut briser le cercle vicieux de la violence familiale en s’attaquant à toutes ses dimensions. Il serait dommage de ne pas se saisir de l’occasion que constitue la discussion de cette proposition de loi au seul motif que la procédure accélérée a été enclenchée.
Mme Françoise Laborde. En effet !
Mme Josiane Costes. En conclusion, l’intolérance à l’égard des violences doit infuser à tous les niveaux de la société française, et la libération de la parole doit aboutir à des décisions de justice conformes aux grands principes de notre État de droit.
Malgré ces quelques réserves, nous estimons que ce texte va dans le bon sens. Nous le voterons, en espérant qu’il est la première pierre d’un projet plus important. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le chiffre est terrible : cette année, 129 féminicides ont eu lieu en France ; 129 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint !
Autant de drames, avec des conséquences inimaginables pour les enfants et les familles.
Autant de catastrophes, qui appellent des réponses concrètes et renforcées, des réponses qui s’appliquent vite – le plus tôt possible, afin d’éviter le pire –, des réponses qui prennent en compte les situations sociales et territoriales diverses des victimes, des réponses qui éloignent, qui protègent et qui donnent le temps de la reconstruction, des réponses efficaces au quotidien, qui enrayent la spirale infernale de la violence aveugle.
Ces dernières années, des décisions ont été prises. Elles étaient bienvenues. Il faut maintenant, collectivement, aller plus loin.
Depuis 2017, le Gouvernement a pris des initiatives politiques en la matière. Je pense à la mise en place du numéro d’appel 3919, Violences Femmes Information. Nous devons toutes et tous faire connaître au maximum ce numéro national de référence, mis en place afin d’écouter, d’informer et d’orienter des victimes vers des dispositifs d’accompagnement et de prise en charge.
En conclusion du Grenelle ouvert en septembre dernier, les groupes de travail constitués dans ce cadre ont présenté soixante-cinq propositions destinées à lutter contre les violences faites aux femmes.
Des mesures d’urgence ont d’ores et déjà été annoncées. Certaines relèvent de la compétence réglementaire, comme l’ouverture de 1 000 nouvelles places d’hébergement, l’audit des commissariats et des gendarmeries pour évaluer les conditions d’accueil ou encore l’ouverture de la possibilité de déposer plainte dans les hôpitaux.
Ma collègue la députée girondine Bérangère Couillard, qui a copiloté les « grenelles locaux », évoquait hier, dans Sud-Ouest, l’exemple de la cellule d’accueil d’urgences des victimes d’agression (Cauva) mise en place au sein du CHU de Bordeaux. Elle a par ailleurs remis ses conclusions hier.
À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre prochain, seront annoncées, au regard de ces importants travaux de consultation, de nouvelles mesures et de nouvelles actions.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui s’inscrit pleinement dans ce cadre. Elle tend à agir contre les violences au sein de la famille. Nous nous réjouissons de l’adoption quasiment unanime de ce texte en première lecture à l’Assemblée nationale. Nous le voterons évidemment aujourd’hui, l’ensemble des membres de notre groupe soutenant pleinement les dispositifs qui y figurent.
Quels sont ces dispositifs ?
La proposition de loi vise à réduire les délais de délivrance des ordonnances de protection et à rendre ainsi ces dernières plus efficaces.
Elle prévoit d’élargir le port du bracelet anti-rapprochement de l’auteur de violences dans le cadre du couple. Ce système permettra de géolocaliser et de maintenir à distance les conjoints ou ex-conjoints violents par le déclenchement d’un signal, selon un périmètre d’éloignement fixé par un juge. Permettre la pose du bracelet dès la délivrance de l’ordonnance de protection, dans un cadre préventif, constitue, il est vrai, une évolution significative.
Le texte permettra de renforcer l’hébergement d’urgence, en faisant du maintien de la victime dans le logement familial et de l’éloignement de l’auteur des violences la règle.
Il renforcera l’outil que constitue le téléphone grave danger, appareil portable doté d’une touche dédiée, permettant à la victime de joindre, en cas de grave danger, le service de téléassistance, accessible 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Ce dispositif bénéficiera d’un budget supplémentaire ; c’est indispensable pour que les TGD puissent être attribués de façon plus massive. De même, la généralisation du bracelet anti-rapprochement devra être soutenue par un financement en hausse au titre de 2020.
Au cours des débats, outre des amendements d’ordre rédactionnel, les membres de notre groupe proposeront d’ouvrir deux pistes de réflexion : d’une part, sur l’opportunité de prévoir une suspension de plein droit de l’autorité parentale lorsque l’un des deux parents est décédé des suites d’un homicide volontaire et que les faits mettent en cause l’autre parent, cela dès la phase d’enquête ou d’instruction ; d’autre part, sur la possibilité d’une intervention du juge des libertés et de la détention afin que la mesure électronique mobile anti-rapprochement puisse être prononcée à titre pré-sentenciel, dans le cadre d’un contrôle judiciaire.
Pour conclure, je veux souligner la qualité des travaux réalisés par notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et sa présidente, Annick Billon. Elle nous a permis de participer à de nombreuses auditions très éclairantes, en particulier en matière de lutte contre toutes les formes de violences. En parler, en débattre est plus que jamais nécessaire. Améliorer le cadre législatif est indispensable, car des réponses concrètes sont attendues aujourd’hui par toutes les femmes en souffrance. Ne les oublions pas ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Annick Billon. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, nous ne parlerons ni de « drames familiaux » ni de « crimes passionnels ». Nous n’emploierons aucun de ces termes minimisant la réalité d’une situation insoutenable, celle de ces femmes battues à qui, un jour, leur conjoint ôte la vie. Nous ne tolérerons plus que l’espace politique ignore cette violence systémique, nourrie par un patriarcat ancestral qui laisse penser à de nombreux hommes qu’ils ont droit de vie et de mort sur leur compagne, conjointe ou ex-conjointe.
Nous parlons ici d’un véritable problème de société, d’une pandémie. Depuis le début de l’année 2019, 129 femmes sont mortes des mains de leur conjoint ou ex-conjoint, soit plus d’un féminicide tous les trois jours ! Depuis le jour où un élu régional s’en est pris au voile d’une mère musulmane accompagnatrice de sortie scolaire et la polémique qui s’est ensuivie, statistiquement, plus de huit femmes ont eu le temps de mourir sous les coups de leurs agresseurs.
M. Max Brisson. Quel est le rapport ?
M. Loïc Hervé. Vous mélangez tout !
Mme Pascale Gruny. Quel dommage…
Mme Esther Benbassa. Ce chiffre souligne l’inanité de nos débats sur le voile devant la gravité de la situation concrète des femmes battues. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.) Il y a urgence à agir !
Ces violences s’exercent dans tous les milieux sociaux, à tous les âges et sur l’ensemble du territoire, et elles ne semblent pas décroître.
Les féminicides ne sont pourtant pas une fatalité. En Espagne, en 2005 et en 2009, deux lois majeures contre les violences faites aux femmes ont été adoptées. Les résultats sont tangibles, puisque le nombre de meurtres de femmes par leur conjoint est passé de 71 en 2003 à 44 en 2019.
Il y a lieu de saluer le travail de notre collègue député Aurélien Pradié et le dépôt par ses soins de la présente proposition de loi. Celle-ci dégage en effet de véritables solutions de fond pour combattre les féminicides, quand le Gouvernement paraît se contenter de faire de la communication sans effets concrets. On attend les conclusions du fameux Grenelle…
Nos politiques publiques ne sont tout simplement pas à la hauteur, tant sur le plan budgétaire qu’en termes d’arsenal juridique.
Nous n’avons consacré cette année que 79 millions d’euros à la lutte contre les violences faites aux femmes, alors même que celle-ci devait être l’une des grandes causes du mandat du président Macron. Vous conviendrez, mes chers collègues, qu’il s’agit là d’une dépense résiduelle au regard du budget total de l’État. À titre de comparaison, rappelons que nos voisins espagnols, eux, mettent en œuvre des stratégies de long terme, au travers de plans quinquennaux dotés de quelque 1 milliard d’euros.
Selon le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 500 millions d’euros par an seraient nécessaires pour protéger les femmes qui portent plainte, et 1,1 milliard d’euros pour protéger toutes les femmes en danger. Il est à espérer que l’exécutif aura ces chiffres en tête lorsque la dernière main sera mise au projet de loi de finances pour 2020…
Notre arsenal juridique se révèle lui aussi insuffisant face aux dangers que tant de femmes courent au quotidien au sein même de leur foyer.
Plusieurs mesures contenues dans cette proposition de loi vont dans le bon sens.
Je pense à la réforme de l’ordonnance de protection. Actuellement, la durée moyenne de délivrance est de 42 jours. Ramener légalement le délai à 144 heures sera un gage de protection renforcée pour les victimes. En outre, le fait que ce dispositif puisse désormais être sollicité par tout moyen, sans dépôt de plainte préalable, devrait faciliter sa mise en œuvre.
L’aide personnalisée au logement pour les personnes cibles de violences conjugales ou l’extension du déploiement du téléphone grave danger sont aussi de véritables progrès.
Ajoutons que, si la répression des violences conjugales est évidemment un devoir, elle restera insuffisante si elle n’est pas accompagnée par la formation des personnels accueillant les victimes de ces violences et par l’éducation de nos enfants, dès le plus jeune âge, à l’égalité entre garçons et filles, entre hommes et femmes, pour en finir, s’il est possible, avec le fléau de la domination masculine.
Dans un esprit constructif, les membres de notre groupe déposeront quelques amendements, afin non pas de dénaturer la proposition de loi, mais d’en accroître l’efficacité.
Nous voterons en faveur de l’adoption de ce texte, parce que la lutte contre les féminicides devrait être l’une de nos priorités. Nous le devons à Monica, Yaroslava, Taïna, Moumna, Leïla, Gulçin, Nadine et aux dizaines d’autres femmes mortes sous les coups de leur conjoint. Que nul ne les oublie ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, trop longtemps, la société a tu la réalité des violences au sein de la famille. Leur persistance ne peut être ignorée et nous impose d’agir.
Ce fléau n’est ni acceptable ni tolérable. Il est encore moins supportable lorsque l’on apprend que, dans un grand nombre de cas, les victimes décédées avaient signalé les violences dont elles faisaient l’objet auprès des autorités. Les victimes ne doivent plus se sentir isolées et la parole doit se libérer.
Chaque année, près de 220 000 femmes subissent des violences de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Ces violences s’exercent dans toutes les catégories sociales, à tous les âges et sur l’ensemble du territoire. En 2018, 149 personnes sont mortes sous les coups, dont 121 femmes et 28 hommes. Les violences au sein de la famille tuent aussi les enfants : l’an dernier, 21 enfants sont ainsi décédés, tués par un de leurs parents.
Ces chiffres sont connus. Ils sont terribles. Ils nous obligent.
Ces chiffres sont le résultat effrayant de notre incapacité collective à protéger ces femmes – le plus souvent –, parfois ces hommes, ces enfants, victimes d’un conjoint, d’un ex-conjoint ou d’un parent violent qui se transforme peu à peu en assassin.
Il ne faut pas oublier qu’à toutes ces vies ôtées s’ajoutent toutes celles qui sont brisées pour toujours : celles des victimes qui ne sont heureusement pas décédées, mais dont les cicatrices ne se refermeront jamais, celles des enfants qui ont également été victimes de violences ou qui ont enterré un de leurs parents et dont l’autre est en prison.
Cette réalité insupportable doit faire l’objet d’un combat sans relâche et la République doit se montrer à la hauteur.
Ce combat ne saurait être entaché de divergences partisanes : l’urgence et la gravité de la situation exigent de transcender les sensibilités politiques qui peuvent, par ailleurs, nous opposer. De même, ce combat ne peut se borner à des déclamations : il exige l’action, ici et maintenant, notamment au sein de notre assemblée. Ce n’est qu’en agissant, dans cet hémicycle, par la discussion et le vote que nous apporterons à ce fléau des réponses susceptibles de diminuer le nombre des victimes de violences intrafamiliales.
Tant que tous les moyens juridiques, humains et budgétaires n’auront pas été établis, notre devoir d’élus, en particulier de législateurs, ne sera pas accompli.
La présente proposition de loi, que l’Assemblée nationale a adoptée à l’unanimité le 15 octobre dernier, se compose d’un volet pénal, dont la mesure phare est la généralisation du bracelet anti-rapprochement, d’un volet civil, visant à renforcer le dispositif de l’ordonnance de protection, et d’un volet relatif au relogement des victimes de violences familiales.
En ce qui concerne plus particulièrement les mesures civiles, je me réjouis que le texte tende à accélérer la délivrance de l’ordonnance de protection et à enrichir son contenu.
Créée en 2010, l’ordonnance de protection permet à un juge aux affaires familiales d’ordonner, dans un bref délai, des mesures destinées à protéger une personne quand il existe des raisons sérieuses de penser qu’elle est la victime de violences conjugales et qu’elle court un grave danger. Ces mesures peuvent consister, par exemple, à évincer le conjoint violent du domicile conjugal ou à lui interdire d’entrer en contact avec la victime.
Pour accélérer la procédure, la proposition de loi prévoit que le juge aux affaires familiales devra délivrer l’ordonnance dans un délai maximal de six jours à compter du moment où il a fixé la date de l’audience. Le texte vise également à lever les obstacles à la délivrance d’une ordonnance de protection en précisant qu’un dépôt de plainte n’est pas nécessaire et que l’ordonnance peut concerner un couple qui n’a jamais cohabité.
« Toutes les violences ont un lendemain », écrivait Victor Hugo. Ce lendemain doit être apaisé et synonyme de justice pour celles qui subissent ces violences au plus profond de leur être. Ce lendemain doit être synonyme de tourments et de sanctions pour ceux qui, à travers la violence physique, ne sont que l’incarnation de la pire des lâchetés. La peur, la honte et la culpabilité doivent définitivement changer de camp.
Approuvant sans réserve l’objet de ce texte, les membres du groupe Les Indépendants le voteront à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, RDSE et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le sujet qui nous réunit ce soir concerne malheureusement toutes les couches sociales de la population, ainsi que tous les territoires. Les violences au sein de la famille – contre les femmes, dans une très large majorité des cas – touchent aussi bien les milieux modestes que des familles plus aisées, les zones urbaines que les territoires ruraux.
À cet instant, j’ai une pensée pour les victimes de violences que j’ai pu avoir à connaître, comme élu local, pendant près d’une dizaine d’années. Nous connaissons toutes et tous de telles situations.
Ce mal est partout présent. Les chiffres font froid dans le dos : 129 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint depuis le début de l’année 2019. Non seulement ces chiffres sont élevés, mais ils augmentent d’une année sur l’autre.
Pourtant, le législateur n’est pas resté inactif en la matière. En effet, la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a profondément amélioré notre droit. Comme la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, ce texte a modifié tant notre droit civil que notre droit répressif. Il a introduit d’importantes innovations, comme l’ordonnance de protection, que la présente proposition de loi tend à faire évoluer. Mais force est de constater, compte tenu du nombre de drames que l’on continue à déplorer chaque jour dans notre pays, que cette importante réforme de 2010 nous laisse un goût d’inachevé.
À cet égard, je tiens à saluer nos collègues députés qui ont pris l’initiative de déposer cette proposition de loi, en particulier Aurélien Pradié, qui a réalisé un travail important sur le sujet. Je me félicite que ce texte nous permette de dépasser nos clivages politiques : sur des sujets aussi graves, nous devons travailler collectivement, guidés par la volonté absolue de protéger les victimes, sans considération de nos étiquettes partisanes. Pour l’essentiel, les interventions des orateurs qui m’ont précédé à cette tribune s’inscrivent dans cet esprit.
Cela ne signifie pas, pour autant, que toutes les idées visant à protéger les victimes soient forcément bonnes… Attention aux fausses bonnes idées. Notre mission de législateur nous autorise évidemment à être innovants, mais elle nous oblige à être rigoureux, c’est-à-dire à ne voter que des dispositions effectivement normatives et, surtout, applicables concrètement. Susciter de faux espoirs chez les victimes est sans doute le principal des écueils que nous devons éviter.
Notre rapporteur a parfaitement respecté ces impératifs. L’exercice n’était pourtant pas aisé. Je tiens à rendre hommage à la qualité du travail réalisé par notre collègue Marie Mercier, dont chacun connaît l’engagement sur ces sujets. Les modifications proposées en commission étaient indispensables. Elles permettent de débattre cet après-midi d’un texte bien plus abouti, juridiquement plus précis et moins « bavard » que celui qui a été voté par les députés.
Mes chers collègues, permettez-moi de faire quelques observations sur le volet civil et sur le volet pénal de la proposition de loi.
Concernant le volet civil, il est essentiellement question de l’ordonnance de protection, outil à la disposition des juges aux affaires familiales depuis la loi du 9 juillet 2010. L’ordonnance de protection est une mesure très particulière. Elle est hybride : c’est une décision rendue par un juge civil, le JAF, qui évoque, par les mesures qu’elle peut contenir, une décision de nature pénale. Le JAF peut notamment ordonner des interdictions de rapprochement, contrôlées par un bracelet électronique, ainsi que des interdictions de paraître en certains lieux, comme pourrait le faire le juge répressif dans le cadre d’un contrôle judiciaire.
Dix ans après sa création, les JAF utilisent-ils correctement et suffisamment cet outil ? Apparemment, non.
D’abord, en pratique, certaines juridictions font du dépôt de plainte une condition de recevabilité de la demande d’ordonnance de protection. Ce n’est pourtant ni l’esprit ni la lettre de la loi de 2010.
Ensuite, la moitié des demandes d’ordonnance de protection sont formées devant les JAF de seize juridictions, plutôt urbaines, alors que ces dernières regroupent à peine plus d’un quart des affaires familiales. Le rapport de notre collègue député Aurélien Pradié signale même que « 10 % des juridictions n’ont jamais rendu aucune décision en dix ans ». Il indique, en outre, que « la difficile montée en charge de l’ordonnance de protection » tient « toujours à un déficit de formation des juges aux affaires familiales appelés à les édicter. »
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Loïc Hervé. Concernant le volet pénal, l’article 2 du texte complète le contenu de l’ordonnance de protection par trois mesures nouvelles, relevant plus traditionnellement du droit pénal. Le JAF pourrait notamment ordonner le port d’un bracelet anti-rapprochement, avec le consentement des deux parties.
Au travers de la présente proposition de loi, nous entendons améliorer les conditions de délivrance et l’efficacité de l’ordonnance de protection. Cependant, il ne faut pas, à mon sens, renverser la philosophie de la loi de 2010, comme le proposent certains de nos collègues. Plusieurs amendements visent à ce que la décision en matière de placement sous bracelet anti-rapprochement soit confiée au juge des libertés et de la détention plutôt qu’au juge aux affaires familiales. Certes, le rôle du JAF en la matière n’est pas aisé, mais tout l’intérêt du système actuel repose sur le fait que ce juge du siège dispose d’une vision globale de la situation d’urgence et d’une palette d’outils pour protéger rapidement les victimes. Nous ne serons donc pas favorables à ces amendements.
Enfin, les modifications proposées de l’article 8 afin d’encourager le recours au dispositif de téléprotection communément appelé « téléphone grave danger » vont dans le bon sens.
Pour que le téléphone grave danger fonctionne correctement, il doit continuer à être attribué uniquement dans les situations qui le nécessitent. Généraliser son attribution conduirait à perdre l’efficacité immédiate de l’intervention des policiers ou des gendarmes lorsqu’il est activé par la victime.
Certaines des mesures que je viens d’évoquer sont appliquées chez nos voisins européens, notamment en Espagne, qui a été pionnière sur ce plan. En effet, en 2005 et en 2009, ce pays a adopté deux grandes lois qui ont permis de faire passer le nombre de féminicides de 71 en 2003 à 44 en 2019. Avec des moyens à la hauteur, il est possible d’agir de manière réellement efficace.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous nous félicitons que le Sénat puisse examiner aujourd’hui cette importante proposition de loi. J’espère que le débat en séance permettra d’améliorer encore l’excellent texte adopté par notre commission des lois. Bien évidemment, les membres du groupe Union Centriste voteront cette proposition de loi avec conviction. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Canevet. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le Sénat examine aujourd’hui la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille.
Dans le contexte mortifère que nous connaissons, ce texte apporte des solutions concrètes pour protéger rapidement et efficacement les conjoints victimes de violences et leurs enfants. Nous devons féliciter notre collègue député Aurélien Pradié de cette excellente initiative, récompensée par une adoption à l’unanimité à l’Assemblée nationale.
De nombreuses dispositions – certaines figurent déjà dans le code civil, mais leur portée est renforcée – permettent de mettre à l’écart le conjoint violent, qu’il s’agisse de l’attribution de la jouissance du domicile familial aux victimes, de l’interdiction faite au conjoint présumé violent de se rendre dans certains lieux que la victime fréquente de façon habituelle, de la modulation du droit de visite et d’hébergement, du placement sous dispositif électronique anti-rapprochement, qui fera toutefois l’objet d’une évaluation préalable avant son éventuelle pérennisation, ou de l’exclusion de la médiation familiale quand des violences ont été alléguées, et non plus commises.
Ces mesures pragmatiques devraient démontrer toute leur pertinence dans la lutte implacable que nous menons contre les violences au sein de la famille. Elles répondent à l’objectif majeur de protéger l’intégrité physique de la femme et des enfants du couple et elles sont, à n’en pas douter, parfaitement conformes aux recommandations formulées à plusieurs reprises par la délégation aux droits des femmes du Sénat.
Il ne faudrait toutefois pas occulter une triste réalité que l’on a tendance à oublier : plus de 70 000 hommes sont aussi victimes de violences conjugales. Je pense particulièrement à l’un d’entre eux.
Si la question des violences conjugales est au centre de nos débats aujourd’hui, celle des violences subies par les enfants en est indissociable. Dans près de 70 % des cas, en effet, la violence conjugale, qu’elle prenne la forme d’agressions physiques, verbales, sexuelles ou psychologiques, se déroule devant les enfants. Dans un cas sur deux, ils la subissent directement.
Cette violence peut parfois se traduire par une agression sexuelle ou un viol. Dans les cas les plus dramatiques, elle entraîne la mort de l’enfant. Notre collègue député Aurélien Pradié rapporte le chiffre de 25 décès d’enfants en 2017.
De nombreuses études confirment l’impact psychotraumatique des violences conjugales sur l’enfant, cet impact variant selon le degré d’exposition à ces violences, l’âge et le sexe de l’enfant. Toutes soulignent l’altération de sa santé, de son développement affectif, physique ou cognitif et de ses conduites, l’enfant manifestant notamment des problèmes « extériorisés » d’agressivité ou d’usage de la violence ou « intériorisés », comme la dépression et la propension à être victime.
Pour l’adolescent, les conséquences sont principalement des problèmes accrus de manque de confiance et d’estime de soi et le développement de comportements à risques, dont la dépendance aux psychotropes.
En tout état de cause, les enfants et adolescents exposés présentent un risque élevé de reproduire les comportements violents à l’âge adulte, comme le relève l’Observatoire national de l’enfance en danger.
Coconstruite avec des juristes et les acteurs associatifs, la proposition de loi d’Aurélien Pradié représente incontestablement une avancée majeure dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants.
Toutefois, il nous faudra, j’en suis convaincue, réfléchir dans un second temps à une inflexion de certaines dispositions de notre législation, notamment en matière civile.
Dans le cadre de ses travaux récents, la délégation aux droits des femmes du Sénat a, par exemple, jugé indispensable une mise en cohérence de notre législation pénale, très protectrice, avec notre législation civile, notamment le droit de la famille, qui ne prend pas suffisamment en compte les situations de violences intrafamiliales.
C’est particulièrement vrai au moment de la séparation des parents, où trop souvent prévaut le modèle unique du droit de la famille, celui de la coparentalité, en vertu duquel le statut de parent est maintenu, quelles que soient les circonstances. La question de la pertinence de la résidence alternée systématique doit par ailleurs être posée.
Il en est de même de la question de l’articulation de la médiation pénale, exclue en cas de violences conjugales, et de la médiation familiale, option qui demeure ouverte quand les faits de violences sont seulement allégués et non pas commis. Sur ce point, la proposition de loi Pradié apporte une réponse précise, dont nous pouvons nous féliciter.
Enfin, nous devrons réfléchir à l’évolution éventuelle de l’autorité parentale, pouvant aller jusqu’au retrait total de celle-ci, car nous savons bien qu’elle peut être un moyen, pour le parent violent, de maintenir son emprise sur les membres les plus vulnérables de la famille, c’est-à-dire les enfants.
À ce sujet, je rappelle que la délégation aux droits des femmes avait recommandé au garde des sceaux, dans son rapport d’information de 2016, « de diligenter une mission d’information sur le retrait total de l’autorité parentale par décision expresse du jugement pénal, à l’encontre des père ou mère qui auraient été condamnés comme auteurs, coauteurs ou complices d’un crime sur la personne de l’autre parent ».
J’ajouterai pour conclure que nous ne devons pas négliger la possibilité de développer une offre de soins psychotraumatiques destinée aux enfants sur l’ensemble du territoire. L’accompagnement et le soutien psychologique des enfants sont indispensables pour les aider à se reconstruire et à comprendre les faits subis par le parent victime de violences conjugales ou par eux-mêmes, afin qu’ils ne risquent pas de devenir à leur tour des adultes maltraitants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol. (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)
Mme Laurence Rossignol. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pourquoi, au moment où nous entamons l’examen de ce texte que nous allons probablement voter, ne ressentons-nous pas la fierté du travail législatif accompli, la satisfaction d’apporter à la société une avancée attendue, qui fera date, en réponse à l’effroyable répétition des meurtres et des assassinats, ainsi qu’à la mobilisation des familles de victimes et des associations féministes ?
Je veux saluer ici le travail des animateurs du compte twitter « Féminicides par (ex) compagnons », qui tient la morbide comptabilité en temps réel, au jour le jour, des victimes de féminicides, et du tumblr « Les mots tuent », qui, avec le collectif de journalistes « Prenons la une », a fait changer le traitement médiatique des féminicides et veille à rendre aux victimes une dignité souvent mise à mal par les titres racoleurs des médias.
Madame la ministre, depuis deux mois, nous essayons de suivre le Gouvernement. Les annonces se succèdent ; souvent, il s’agit d’annonces positives, qui font écho aux travaux des groupes de réflexion du Grenelle et appellent, dans la plupart des cas, des modifications législatives, dont nous ne trouvons malheureusement aucune traduction dans cette proposition de loi. J’en donnerai trois exemples.
Premièrement, Marlène Schiappa a annoncé la levée du secret médical. J’y suis pour ma part très favorable, mais je rappelle que, voilà un an, dans cet hémicycle, nous avons voté l’obligation pour les médecins de signalement des violences faites aux enfants. Vous vous y êtes opposée, madame la ministre, et avez fait supprimer cette disposition en commission mixte paritaire ; or voilà maintenant que vous vous déclarez favorable à l’instauration d’une telle obligation pour les violences faites aux femmes ! Tant mieux, mais j’avoue avoir du mal à discerner la cohérence de la pensée du Gouvernement…
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme Laurence Rossignol. Une deuxième annonce a porté sur la réquisition des armes à feu dès la première plainte. Très bien, mais pourquoi ne pas présenter d’amendement sur ce point dès aujourd’hui ?
Enfin, le Gouvernement a évoqué le retrait de l’autorité parentale et l’aménagement du droit de visite et d’hébergement – j’aborderai tout à l’heure la question du délit de non-présentation d’enfant –, mais quelque chose me dit, madame la ministre, que vous opposerez un avis défavorable à tous les amendements relatifs à l’autorité parentale en cas de violences conjugales que je présenterai…
Nous nous trouvons dans une situation un peu particulière : vous avez pris un véhicule législatif d’origine parlementaire, mais les parlementaires ont l’impression de ne pas avoir véritablement de capacité d’initiative pour améliorer ce texte. Et voilà maintenant que nous apprenons qu’une seconde proposition de loi sur le même sujet sera déposée par le groupe LaREM de l’Assemblée nationale, probablement le 25 ou 26 novembre prochain ! Tout cela fait petite cuisine et donne le sentiment constant que le fond et le sérieux s’inclinent devant la communication…
Un autre sujet d’inquiétude tient aux matières que nous abordons. Pour tout vous dire, mes doutes ne se sont pas dissipés à l’écoute de ce qui se dit aujourd’hui et de ce que vous avez déclaré ce matin sur France Inter, madame la ministre.
Les trois dispositifs dont nous traitons ici – l’ordonnance de protection, le téléphone grave danger et le bracelet anti-rapprochement – figurent déjà dans les codes. Si aucun d’entre eux ne produit les résultats que l’on escomptait, ce n’est pas parce que la loi est mal faite ou insuffisamment précise ; c’est parce que nous n’arrivons pas à faire bouger la pratique judiciaire.
Ce matin, madame la ministre, interrogée sur les propos tenus par l’actrice Adèle Haenel au sujet de faits dont elle dit avoir été victime, vous avez répondu qu’elle avait tort de ne pas s’adresser à la justice. Je comprends ce que vous avez voulu dire : elle aurait tort de donner à penser aux femmes victimes de violences qu’il ne faut pas aller en justice. Cependant, elle a raison d’évoquer une « violence systémique » faite aux femmes par l’institution judiciaire.
Cette violence systémique, c’est d’abord la présomption d’insincérité, de manipulation qui pèse immanquablement sur la parole des femmes. C’est ensuite la croyance tenace qu’un mari violent peut aussi être un bon père, alors que, depuis des années, avec le magistrat Édouard Durand, nous répétons que ce n’est pas le cas. La violence systémique, c’est le déni par les institutions que sont la police et la justice de leurs propres carences. Le parcours d’une victime de violences s’apparente à une loterie : il lui faut tomber sur le bon commissariat, la bonne gendarmerie, le bon juge, le bon procureur… C’est un barillet dans lequel tournent quelques balles qui, à la fin, frappent trop souvent les femmes.
La violence systémique, c’est aussi son ignorance, son déni. Cette proposition de loi sera sans doute votée et changera la législation, mais, madame la ministre, nous attendons de vous que vous disiez aux magistrats, à l’institution judiciaire, qu’il faut changer de pratique, changer de regard sur les femmes et enfin les croire ! Quand une femme dit qu’elle a peur, c’est qu’elle est en danger, ce n’est pas qu’elle cherche à manipuler. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marta de Cidrac. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue député Aurélien Pradié permet de poser les premières fondations d’une politique de défense des victimes de violences conjugales. Il était temps !
À Bordeaux, le 21 octobre, une femme de 35 ans s’écroulait dans l’escalier de son immeuble, un couteau planté dans le cœur et des traces de violences autour du cou. Son ancien compagnon, déjà connu pour des faits de violences conjugales, est toujours activement recherché.
En 2018, 121 femmes ont péri sous les coups de leur conjoint ou ex-compagnon. Nous avons déjà dépassé ce chiffre cette année : triste record, dont nous commençons à comprendre les raisons. Oui, il faut une réponse de la justice, mais surtout il faut une réponse rapide. Ainsi, cette proposition de loi prévoit de ramener à six jours le délai pour la délivrance d’une ordonnance de protection, sans dépôt de plainte préalable, car une victime a besoin de se sentir protégée au plus vite. Il lui faut un courage inouï pour accepter de témoigner de la violence qui se déploie dans son intimité, remettre en question son univers familial.
En moyenne, les femmes retirent leur plainte sept fois, parce que leur parole n’est pas toujours bien accueillie, bien entendue. Il y faut de l’expérience, du temps et de l’espace. Dans mon département des Yvelines, des formations à l’écoute sont organisées par la police et un portail de signalement des violences sexuelles ou sexistes est accessible de façon anonyme 24 heures sur 24. Il a déjà recueilli 5 000 signalements depuis le mois de novembre 2018, date de sa mise en service. Cela a abouti au dépôt d’une plainte dans 33 % des cas. Les victimes peuvent ainsi prendre rendez-vous avec l’enquêteur concerné et ne pas subir la salle d’attente et le délai de prise en charge. De tels dispositifs doivent être étendus.
Si une femme décide de déposer plainte, c’est aussi parce qu’elle a peur pour ses enfants, dont elle ne veut pas risquer de perdre la garde. On oublie trop souvent ces victimes collatérales, dont le nombre est officiellement de 90 000, mais qui avoisinerait plutôt 4 millions, d’après le docteur Ben Kemoun, psychiatre expert près la cour d’appel de Versailles. En effet, comment les repérer ? Les traces de coups ne sont pas toujours apparentes et, même si elles le sont, les enfants sont experts pour les dissimuler : il est trop difficile d’expliquer ce qui se passe à la maison. Cependant, des yeux n’oublient pas ce qu’ils ont vu, ni des oreilles ce qu’elles ont entendu, et ce quel que soit l’âge. Ce souvenir va évidemment transformer leur comportement au quotidien : les enfants victimes collatérales de violences conjugales sont quinze fois plus susceptibles que les autres d’être victimes de harcèlement ou de devenir eux-mêmes des prédateurs. Leur risque de connaître un retard scolaire est de 40 % plus élevé que celui d’un enfant élevé dans un contexte normal et ils développeront beaucoup plus souvent des maladies chroniques, telles des maladies cardio-vasculaires, mais aussi des troubles alimentaires, des conduites addictives ou des tendances suicidaires.
La prévention de la maltraitance est ainsi une prévention de la délinquance future. Nous devons agir vite, et nous le pouvons !
Il s’agit tout d’abord de former les enseignants et les médecins à repérer les signaux faibles, ceux que l’on peut détecter dans le quotidien d’un enfant décrocheur ou en cas de changement de comportement. En effet, ils sont en première ligne et une formation de deux jours peut déjà permettre de les sensibiliser.
Il s’agit ensuite de respecter la parole de l’enfant, qui peut être dénaturée par les répétitions inévitables de son histoire – jusqu’à sept fois avant qu’elle n’atteigne les autorités compétentes.
Plus la situation est prise en charge rapidement, moins le traumatisme de l’enfant sera profond et son rétablissement sera rapide.
Nous devons mettre les moyens financiers à la hauteur des besoins matériels, aider la police et la gendarmerie à développer leurs programmes de sensibilisation et de prévention, qui fonctionnent déjà avec succès sur certains de nos territoires, et continuer à former à l’écoute de la parole de la victime, quelle qu’elle soit.
Il faut ensuite protéger le parent victime – ce faisant, on protège l’enfant –, en lui permettant de quitter rapidement le lieu où la violence s’exerce, c’est-à-dire, le plus souvent, ce foyer qui devrait être un refuge. Il s’agit de lui offrir un hébergement d’urgence et un temps de répit pour reprendre ses esprits et s’organiser – à cet égard, je salue l’annonce de la création de nouvelles places en ouverture du Grenelle des violences conjugales –, mais surtout de lui donner la possibilité de rester dans son foyer en éloignant la menace du conjoint violent. Pourquoi infliger à la victime de violences une deuxième peine, celle de devoir quitter son foyer ? En toute logique, je soutiens les articles ouvrant la possibilité d’attribuer la jouissance du logement conjugal au conjoint victime, à sa demande, même s’il a bénéficié d’un logement d’urgence.
Cette proposition de loi nous permet de remédier à des carences constatées en matière de rapidité de la réponse de la justice et de protection du conjoint victime. Cependant, vous l’aurez compris, les enfants, victimes trop souvent muettes et qui constitueront la société de demain, ne doivent pas être oubliés.
Pour conclure, je remercie tous ces hommes et toutes ces femmes qui s’engagent dans nos territoires pour lutter contre les violences faites aux femmes, ainsi que Marie Mercier, notre rapporteur, pour son excellent travail. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 2015, tous les trois jours, une femme mourait sous les coups de son conjoint ; en 2019, c’est une femme tous les deux jours. Au pays d’Olympe de Gouges, cette évolution préoccupante nous oblige.
Aussi je me réjouis que nous examinions aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue député Aurélien Pradié, dont je salue l’engagement et la présence dans nos tribunes.
Ce texte a été adopté par nos collègues députés à l’unanimité le 15 octobre dernier. Un constat de bon sens s’est alors imposé. Les dispositions annoncées par le Premier ministre lors du lancement du Grenelle des violences conjugales figuraient pour partie dans la proposition de loi d’Aurélien Pradié, dont le groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale avait déjà inscrit l’examen dans le cadre de sa niche parlementaire. Dès lors, le Gouvernement ne pouvait que réserver un accueil favorable à ce texte et, par l’enclenchement de la procédure accélérée, permettre son entrée en vigueur rapide. Il y a donc là un élan collectif, une volonté partagée et le souci d’agir avec efficacité. On ne peut que s’en réjouir.
Il est vrai qu’il était urgent d’interroger l’efficacité de nos dispositifs. La proposition de loi d’Aurélien Pradié répond à cette exigence. Je pense particulièrement aux dispositions relatives aux ordonnances de protection, à la possibilité d’y recourir sans condition de dépôt préalable d’une plainte, à la réduction de leur délai de délivrance, à l’extension de leur champ. De même, le renforcement des prérogatives du juge aux affaires familiales, le recours au bracelet anti-rapprochement ou l’attribution facilitée du téléphone grave danger sont des réponses pertinentes. Saluons également les dispositifs d’accès au logement pour les personnes victimes de violences conjugales.
Non, la proposition de loi d’Aurélien Pradié n’est pas une petite loi ! Il est toutefois vrai que, au-delà de ce texte, comme nous l’avons relevé au sein de la délégation aux droits des femmes, chère Annick Billon, la sensibilisation et la prévention des violences intrafamiliales demeurent des sujets de préoccupation sur lesquels il nous faudra travailler.
J’entends également le souhait de notre rapporteur, Marie Mercier, de voir évaluer la mise en œuvre du bracelet anti-rapprochement, dispositif nouveau aux mains du juge civil. Nous aurons de toute façon à en reparler, si j’en juge par l’échange que nous avons eu après le rappel au règlement de Jean-Pierre Sueur, mais il y a urgence à agir !
Voilà pourquoi, madame la ministre, je tiens à appeler votre attention sur un point essentiel : le 29 octobre dernier, alors qu’était examiné le projet de budget de la justice pour le financement des téléphones grave danger et des bracelets anti-rapprochement, vous vous êtes contentée de faire cette déclaration lapidaire : « Nous ferons une annonce et les crédits correspondants seront prévus. » Puisque vous soutenez cette proposition de loi, puisque vous avez contribué à l’engagement de la procédure accélérée, pourquoi n’inscrivez-vous pas les crédits nécessaires dans le budget de la justice en cours d’examen au Parlement ? Il me semblerait important que vous apportiez une clarification sur ce point et que vous vous engagiez dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.
La volonté de lutter contre les violences intrafamiliales nous rassemble. Toutes les interventions que nous avons entendues l’ont montré, à l’exception peut-être de celle de Mme Benbassa, qui m’a semblé totalement hors sujet.
Le traitement d’un sujet de cette gravité ne souffre ni ambiguïtés ni effets d’annonce. Il y va de la crédibilité de l’action publique contre un fléau qui n’a plus sa place dans notre société et qui déshonore notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille
Chapitre Ier
De l’ordonnance de protection et de la médiation familiale
Articles additionnels avant l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 50 rectifié, présenté par M. Courteau, Mmes de la Gontrie, Rossignol, Lepage et Conconne, M. Temal, Mmes Blondin et M. Filleul, M. Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 114-3 du code du service national est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une information consacrée à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences physiques, psychologiques ou sexuelles commises au sein du couple, est dispensée. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Combattre les violences à l’égard des femmes nécessite de s’attaquer aux racines du mal que sont les inégalités entre les femmes et les hommes, mais aussi de lutter contre les stéréotypes sexistes, souvent à l’origine de ces inégalités. Ces stéréotypes sont partout présents et apparaissent dès la petite enfance.
Sensibiliser, éduquer, informer, former est donc incontournable en matière de prévention. Cela doit commencer à l’école, se poursuivre au collège et au lycée et se prolonger dans la vie de tous les jours. C’est à ce prix que nous parviendrons à changer les mentalités et contribuerons à éradiquer ces violences, au moins en partie.
Toutes les occasions sont bonnes à saisir. Lors de la journée défense et citoyenneté (JDC), les jeunes Français reçoivent un enseignement « respectueux de l’égalité entre les sexes », précise l’article L. 114-3 du code du service national. Ils sont sensibilisés aux droits et devoirs liés à la citoyenneté, aux enjeux du renforcement de la cohésion nationale et de la mixité sociale. Au cours de cette journée, il est délivré une information générale sur le don d’organes, sur la prévention des conduites à risque pour la santé et sur la sécurité routière.
Dès lors, il me semble opportun qu’une information soit également dispensée à cette occasion sur des sujets essentiels comme l’égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre les préjugés sexistes, la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple. Je rappelle que plus de 1 500 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint ou partenaire ces dix dernières années.
Cela me paraît au moins aussi important que la sensibilisation à la sécurité routière dispensée aux jeunes Français lors de cette journée. La sensibilisation aux préjugés sexistes et aux violences à l’égard des femmes fait bien partie, me semble-t-il, de l’indispensable sensibilisation aux droits et devoirs liés à la citoyenneté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Permettre à tous les jeunes citoyens de bénéficier, pendant la journée défense et citoyenneté, d’une information sur l’égalité entre hommes et femmes et sur la lutte contre les violences conjugales est une excellente idée. C’est pourquoi la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne partage pas tout à fait l’opinion de Mme la rapporteur.
Évidemment, sur le principe, c’est une excellente idée et tout ce qui s’attache à l’éducation, à la formation, y compris d’ailleurs dès le plus jeune âge, avec l’éducation à la vie sexuelle et affective dans les écoles, va dans le bon sens. Toutefois, je ne suis pas sûre que concentrer cette information sur la JDC soit la meilleure des solutions. Dans le cadre des travaux du Grenelle, la délivrance de ces informations dans le cadre du service national universel, le SNU, a été envisagée : cela donnerait plus de temps pour les dispenser.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je soutiens cet amendement.
Voilà quelques années, la Cour des comptes a rendu un rapport d’information sur la JDC, et j’ai modestement travaillé sur le sujet au sein de la commission des finances du Sénat. Une journée, c’est court pour faire passer tant de messages essentiels à des jeunes, souvent lycéens de première ou de terminale, et les sensibiliser aux valeurs de la République, ainsi qu’à l’égalité entre hommes et femmes et aux autres problématiques qui ont été évoquées, mais c’est fondamental pour l’avenir !
Une telle disposition va donc dans le bon sens. Certes, la JDC sera bientôt remplacée par le service national universel, mais il importe de faire passer sans attendre ce message de respect des femmes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Roland Courteau l’a très bien expliqué, le dispositif de cet amendement procède de la prévention. Madame la garde des sceaux, je vous ai écoutée attentivement, mais je ne vois pas d’antagonisme entre votre proposition et celle de M. Courteau : l’une n’empêche pas l’autre ! La mesure proposée me semble intéressante et de bon sens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Madame la ministre, dans votre propos liminaire, vous avez parlé de synergie entre les différents acteurs. C’est pourquoi je ne comprends pas votre position sur cet amendement.
Cette synergie doit concerner aussi le Gouvernement ! Toutes les actions doivent être complémentaires. Je ne comprends donc vraiment pas votre attitude. Ne restons pas hors-sol ! La réalité est là : 129 femmes sont déjà mortes sous les coups de leur conjoint, et l’année n’est pas encore terminée. Vous ne pouvez pas vous opposer à une telle mesure, qui relève de la prévention à destination de nos jeunes, dont certains ont malheureusement été témoins de faits de violence conjugale. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie et M. Roland Courteau applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice, ce que je propose, c’est au fond d’aller plus loin que cet amendement. Inscrire cette mesure dans le cadre du service national universel permettra de disposer de plus de temps pour dispenser l’information.
Mme Victoire Jasmin. Ce n’est pas incompatible avec ce que nous proposons !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. D’une certaine manière, c’est aller au-delà de ce qui est prévu par cet amendement, dont je ne conteste nullement l’intérêt ni le fond.
Mme Victoire Jasmin. Ne parlez pas de synergie dans ce cas !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous n’en sommes qu’au premier amendement, ce qui explique que nous soyons toujours passionnés !
Madame la garde des sceaux, permettez-moi de réagir à vos propos. Vous nous avez expliqué tout à l’heure – de manière laborieuse, mais je n’aurais pas aimé être à votre place – que, avec la proposition de loi, les annonces du président du groupe La République En Marche, le Grenelle des violences conjugales, etc., il fallait avancer vite, parce que tout cela était urgent. Je ne partage pas votre point de vue, mais soit.
Alors que nous vous proposons une modification simple, qui semble d’ailleurs recueillir l’assentiment d’un certain nombre de nos collègues dans cet hémicycle, vous nous expliquez qu’il faut attendre. Or je ne vois pas très bien ce que cela changerait d’attendre !
Vous avez émis un avis défavorable sur l’amendement, mais l’argument sur lequel il repose me semble assez inefficace.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je voterai bien sûr l’amendement de notre collègue Roland Courteau. Mme la garde des sceaux nous propose en réalité d’aller non pas plus loin, mais plus tard.
Mme Victoire Jasmin. C’est cela !
Mme Annick Billon. Nous l’avons vu à l’occasion de l’examen d’autres propositions de loi. Nous avons aujourd’hui la possibilité de prendre des décisions et d’avancer.
Allons-y, car c’est une urgence vitale pour toutes ces femmes. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Comme l’a fait remarquer Mme de la Gontrie, nous n’en sommes en effet qu’au premier amendement ! (Sourires.) Je me permets donc de reprendre la parole.
J’ai bien compris, madame la sénatrice, que vous aviez trouvé ma première explication laborieuse. Je vais néanmoins poursuivre le labeur qui est le mien, qui plus est avec enthousiasme.
Les choses sont extrêmement claires : nous avons besoin que les deux points essentiels de cette proposition de loi, à savoir l’ordonnance de protection et le bracelet anti-rapprochement, soient adoptés rapidement. Je vous ai expliqué les raisons pour lesquelles j’en ai besoin.
Contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure, nous avons besoin de ce texte pour développer de façon pleine et entière le bracelet anti-rapprochement, ce qui n’était pas le cas dans le cadre des expérimentations qui avaient été envisagées à un moment donné. Nous avons besoin rapidement de l’accroche législative portée par M. Pradié.
En revanche, il me semble que nous pouvons attendre quelques semaines pour instaurer la formation que vous proposez dans le cadre de la journée défense et citoyenneté. Nous pourrons la déployer plus amplement dans le cadre du service national universel. Certes, l’intérêt est fort, mais l’urgence est moindre.
Telles sont les raisons pour lesquelles je maintiens ma demande de retrait.
M. Roland Courteau. C’est tiré par les cheveux !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.
L’amendement n° 53 rectifié, présenté par Mmes Lepage, de la Gontrie et Rossignol, M. Courteau, Mmes Blondin, Conconne et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article 15-3 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lors du dépôt de plainte, en cas de violences conjugales, la victime peut être assistée par une association de défense des droits des femmes. »
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Les victimes de violences conjugales ont besoin de se sentir en confiance et d’être soutenues lors des différentes étapes de leurs démarches.
Le moment du dépôt de la plainte est une étape cruciale. C’est un moment important, un cap que les victimes ont du mal à passer. La honte, la peur, la défiance peuvent les empêcher de se présenter à un commissariat et de dénoncer les violences qu’elles ont subies. La possibilité pour ces victimes d’être accompagnées par une association spécialisée pourrait être un élément déclencheur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Ma chère collègue, je partage votre souci ; il est effectivement très utile que les victimes soient accompagnées.
Toutefois, votre amendement est satisfait : l’article 10-2 du code de procédure pénale prévoit déjà un tel accompagnement, ainsi que l’article 10-4. Ils précisent que la victime peut être accompagnée à toutes les étapes de la procédure par la personne majeure de son choix.
Je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Lepage, l’amendement n° 53 rectifié est-il maintenu ?
Mme Claudine Lepage. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 53 rectifié est retiré.
L’amendement n° 54 rectifié, présenté par Mmes Lepage, de la Gontrie et Rossignol, M. Courteau, Mmes Blondin, Conconne et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article 15-3 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les cas de violences conjugales, l’inscription au registre de main courante ne peut se substituer au dépôt de plainte. »
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Certaines victimes de violences conjugales qui souhaitent déposer plainte sont parfois encouragées à déposer une simple main courante. On leur dit souvent que cela évite d’alerter leur agresseur.
La main courante et la plainte n’ont évidemment pas les mêmes effets. C’est bien pour cela qu’elles coexistent. La main courante ne déclenche aucune action de l’autorité publique. Or, dans les situations de violences, il est important d’apporter une réponse.
Je ne souhaite pas bien sûr empêcher les victimes de déposer une main courante ; elles pourront toujours le faire, cela va de soi. Je souhaite juste qu’elles ne soient pas dissuadées de porter plainte, comme c’est malheureusement trop souvent le cas.
Cet amendement vise donc à éviter de substituer au dépôt de plainte une simple inscription dans le registre des mains courantes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Là encore, ma chère collègue, je comprends parfaitement votre préoccupation. De trop nombreuses victimes rencontrent effectivement des difficultés au moment de déposer une plainte. On leur propose alors de déposer une main courante.
Cependant, l’adoption de cet amendement ne résoudrait pas la difficulté que rencontrent les femmes sur le terrain, d’abord parce que le code de procédure pénale est très clair – la police judiciaire est tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions pénales –, ensuite parce que son interprétation risque de se révéler difficile si la victime, une fois pleinement informée des enjeux du dépôt de la plainte, souhaite finalement non plus porter plainte, mais effectuer un simple signalement des faits.
Devra-t-on l’obliger à porter plainte ? Comment cet amendement pourrait-il être interprété a contrario ? Doit-on comprendre que, en dehors des affaires de violences conjugales, une main courante pourrait se substituer à une plainte ?
Ce qu’il faudrait, c’est que les mesures concrètes qui facilitent le dépôt de plainte soient bien connues : la possibilité de déposer une pré-plainte en ligne, de déposer plainte à l’hôpital. Par ailleurs, les officiers de police judiciaire doivent être formés. Je pense que c’est l’ensemble de ces éléments qui permettront d’avancer sur le terrain.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Ma collègue Claudine Lepage a dépeint une réalité.
Certes, le code de procédure pénale prévoit que la police judiciaire est tenue de recevoir les plaintes, mais je pourrais vous citer des centaines de cas dans lesquels des policiers ou des gendarmes débordés n’ont pas eu les moyens de les enregistrer. Et je ne vous parle même pas des conditions d’accueil la nuit ! Certaines gendarmeries sont carrément fermées, car elles manquent d’effectifs pour recevoir le public.
Souvent, on dit donc aux gens : « Contentez-vous de déposer une main courante, nous n’avons pas le temps de recevoir des plaintes. » Il faudrait supprimer cette simplification, qui semble parfois convenir à beaucoup de gens !
Même s’il n’est pas possible de substituer une main courante à un dépôt de plainte, c’est, je le répète, une réalité quotidienne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement est bien plus important qu’il en a l’air. On ne peut pas, à chaque fois qu’une femme est assassinée, dire : « Ah ! Mais elle l’avait signalé ! », « On ne s’est pas rendu compte qu’il y avait un problème », « Qu’aurions-nous dû faire ? », etc.
Claudine Lepage l’a bien expliqué : il n’est pas simple de rencontrer un officier de police judiciaire ou un gendarme et de lui raconter ce qui vous est arrivé. Je passe sur l’accueil, qui est parfois… inadéquat – je cherchais un terme qui ne soit pas péjoratif…
L’orientation vers la main courante est un problème. Si l’on veut réellement que les faits remontent aux parquets, il faut que les victimes déposent une plainte. Sans cela, il n’y aura pas ouverture d’une information.
Évidemment, les femmes ont peur. Évidemment, elles se disent parfois qu’une main courante suffira. Si, en plus, on leur dit que cela sera suffisant, il n’y a aucune chance qu’elles déposent une plainte.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je regrette, madame la garde des sceaux, que vous ne soyez pas plus explicite sur le rappel des instructions aux officiers de police judiciaire, qu’ils soient policiers ou gendarmes. Le code de procédure pénale leur impose en effet de recevoir les plaintes, mais, concrètement, ils ne le font pas.
Comment fait-on ? Continue-t-on de dire que le code de procédure pénale protège ou essaie-t-on de trouver une voie pour que, dans ce domaine, il ne soit pas possible de ne pas recevoir les plaintes ? Il faut que nous trouvions une solution, madame la garde des sceaux.
Cet amendement vise à permettre aux victimes de passer le cap difficile du dépôt de plainte, seule manière d’informer le parquet.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. J’ai assisté à Valence à une réunion de lancement du Grenelle des violences conjugales. La justice, les gendarmeries, les associations et les parlementaires étaient représentés. Or les représentants de la justice ont indiqué qu’il fallait vraiment insister pour que les victimes déposent des plaintes et non des mains courantes. Il est important que ce choix-là soit fait.
Je rejoins les propos tenus par Catherine Conconne à l’instant : les gendarmes présents ont souligné qu’ils manquaient de moyens et qu’ils rencontraient des difficultés pour prendre le temps de recevoir ces femmes et d’enregistrer leurs plaintes.
Il ne faut donc pas minimiser l’importance de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot, pour explication de vote.
M. Joël Bigot. Madame le rapporteur, madame la garde des sceaux, vous ne pouvez pas invoquer ce que prévoit le code de procédure pénale aujourd’hui. Il dit simplement que si une victime souhaite déposer plainte, la police ou la gendarmerie est obligée de l’enregistrer. Il ne dit pas que la police ou la gendarmerie peut lui conseiller de déposer une main courante. Or c’est cela, la réalité.
Nous le savons, pour endiguer les féminicides, il faut agir très rapidement, dès le début des violences conjugales. Cela signifie qu’un signalement doit être pris en compte dès qu’il est effectué. C’est assez souvent le cas sur le terrain, lorsque les procureurs de la République et les services de police organisent les choses, lorsque les policiers sont sensibilisés et formés, mais cela n’est pas généralisé.
L’amendement qui nous est ici soumis tend à prévoir que, dès lors que des violences conjugales sont signalées, une plainte, et non une main courante, doit être déposée.
Si vous voulez aboutir au résultat escompté avec ce texte, il faut voter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour explication de vote.
Mme Marta de Cidrac. Mon intervention sera brève. Je souhaite simplement dire que cet amendement est excellent, que je le voterai et que je regrette même de ne pas en être cosignataire.
En effet, l’urgence est réelle aujourd’hui. Nous devons tous nous mobiliser pour que les femmes qui subissent des violences conjugales puissent déposer une plainte.
Je suis désolée, madame le rapporteur, de ne pas partager votre analyse, mais sur ces sujets, qui sont d’une extrême importance aujourd’hui, nous devons tous être vigilants et permettre aux femmes qui subissent des violences chez elles de déposer plainte immédiatement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je voterai également cet amendement.
Aujourd’hui, on le sait, il y a un réel défaut de formation des policiers, des gendarmes et des magistrats. Les victimes sont accueillies, cela a été dit au cours de la discussion générale, de manière très aléatoire et très différente selon les territoires.
Dans la mesure où nous n’avons pas la garantie que les victimes bénéficient dans tous les commissariats, dans toutes les gendarmeries, du même accueil, par des personnels formés à l’accueil des victimes, il est urgent de voter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, je comprends évidemment les préoccupations qui sont les vôtres ; je les partage, même. Je formulerai toutefois trois observations, qui me conduiront à renouveler l’avis défavorable que j’ai émis tout à l’heure sur cet amendement.
Ma première observation portera sur la réalité de ce que vivent les femmes qui subissent des violences et qu’il faut bien prendre en compte.
Un certain nombre d’entre elles doivent être conduites progressivement à déposer une plainte. C’est ce que font les services qui les accueillent, les hôpitaux et les associations. Ce travail, qui aboutira à un moment ou à un autre à un dépôt de plainte, ne peut pas être imposé d’emblée.
C’est la raison pour laquelle, pour ma part, je veille à ce que l’on conserve plusieurs niveaux de saisine de la police judiciaire, plusieurs niveaux d’interpellation. Il est important de conserver la main courante dans certaines hypothèses, sachant que le code de procédure pénale prévoit que l’on ne peut pas refuser le dépôt d’une plainte.
Ma deuxième observation portera sur la formation, que vous avez évoquée, madame la sénatrice Billon. Je l’ai dit, nous avons commencé à mettre en œuvre un programme de formation colossal pour les magistrats. Mon collègue Castaner s’est engagé à faire de même. Nous conduisons également des formations conjointes. Je pense que ce dispositif permettra de former assez rapidement des gens ayant pour spécialité le recueil des plaintes.
Ma troisième observation fait suite à ce que vous avez dit, madame la sénatrice de la Gontrie. Vous avez déclaré que, au fond, ce qui importe, ce sont les instructions que je donne pour faire évoluer les pratiques. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie s’exclame.) Peut-être vous ai-je mal comprise, mais c’est en tout cas ce que j’ai retenu.
À cet égard, permettez-moi de vous rappeler que le ministère de la justice a adressé au parquet le 30 décembre 2013 un protocole-cadre relatif au traitement des mains courantes en matière de violences conjugales.
Ce protocole, qui a été élaboré avec le ministère de l’intérieur et qui comprend quatre articles et un préambule, précise que le dépôt d’une plainte, suivie d’une enquête judiciaire, demeure le principe, mais que, même en l’absence de plainte, une enquête devra intervenir, que le parquet devra être informé en cas de faits graves et qu’une réponse sociale devra être articulée. Cela signifie que, en l’absence de plainte, une simple main courante suffit : si les faits sont suffisamment graves, le parquet doit être informé et une enquête pourra intervenir.
À la suite de l’adoption de la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui, mon ministère reprendra et réaffirmera cette instruction, dans des mots autres. Ce sera très précieux.
Enfin, dans la circulaire du 9 mai dernier, que j’ai signée et adressée aux procureurs généraux, je rappelle qu’il est impératif de traiter l’ensemble des signalements qui sont effectués.
Telles sont les raisons pour lesquelles il ne me semble pas absolument impératif d’inscrire dans la loi la disposition que tend à introduire cet amendement, sur lequel, je le répète, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.
L’amendement n° 51 rectifié, présenté par M. Courteau, Mmes de la Gontrie, Rossignol, Lepage et Conconne, M. Temal, Mmes Blondin et M. Filleul, M. Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est présenté par le Gouvernement au Parlement avant le 1er décembre 2020 sur la mise en application de l’article L. 312-17-1 du code de l’éducation qui prévoit qu’une information consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple est dispensée à tous les stades de la scolarité.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Depuis les lois de 2006, de 2010 et de 2014, et depuis d’autres lois encore, notre priorité a été, pour combattre le fléau que constituent les violences au sein du couple, de sanctionner plus sévèrement les auteurs de violences et de protéger les victimes et les enfants.
Plusieurs dispositions ont également permis de s’attaquer à la source même des violences à l’égard des femmes. Je veux parler des inégalités entre les femmes et les hommes, ainsi que des stéréotypes sexistes, qui sont très souvent à l’origine de ces mêmes inégalités.
Toutefois, si nous voulons éradiquer ce fléau au cours des prochaines années, nous devons sensibiliser les jeunes générations, et ce dès le plus jeune âge.
Nous devons faire de la prévention notre combat, car c’est dès le plus jeune âge que les stéréotypes sexistes doivent être combattus. Ils sont partout, dans la vie de tous les jours, dans les rayons de jouets, mais aussi dans les manuels scolaires, etc. À cet égard, lisez les rapports de la délégation aux droits des femmes : vous verrez où doit commencer la prévention.
C’est la raison pour laquelle j’ai fait adopter, lors des débats sur la loi de juillet 2010, un amendement tendant à inscrire dans le code de l’éducation – c’est l’article L. 312-17-1 – qu’« une information consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes, et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple est dispensée à tous les stades de la scolarité. »
J’ai personnellement rencontré ces dix dernières années quelque 16 000 élèves dans les établissements scolaires pour leur parler de ces sujets. Et je puis attester ici que les réactions sont largement positives et qu’elles incitent à l’optimisme. Le problème, c’est que je ne suis pas certain que ces informations soient faites dans tous les établissements scolaires et à tous les stades de la scolarité. Je m’interroge sur l’effectivité d’une telle mesure, pourtant indispensable, mais diversement appliquée.
Je demande donc qu’un bilan soit réalisé sur l’application de cette mesure à tous les stades de la scolarité. Comme le disait Romain Rolland : « Tout commence sur les bancs de l’école. »
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Mon cher collègue, vous le savez, nous ne sommes pas ici particulièrement favorables aux rapports, tout simplement parce qu’ils sont souvent remis avec retard ou ne contiennent pas les informations que l’on attendait.
Je propose donc que la délégation aux droits des femmes ou la commission de la culture se charge de cette évaluation, procède à des auditions et effectue des déplacements, afin que l’on puisse disposer d’un véritable outil pour travailler.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 51 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
L’article 515-10 du code civil est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sa délivrance n’est pas conditionnée à l’existence d’une plainte pénale préalable. » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– le mot : « audition » est remplacé par le mot : « audience » ;
– sont ajoutés les mots : « à fin d’avis » ;
b) Au début de la dernière phrase, les mots : « Elles peuvent se tenir » sont remplacés par les mots : « L’audience se tient » ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « À la demande de la partie demanderesse, les auditions se tiennent séparément. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, sur l’article.
Mme Catherine Conconne. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, vous le mesurez, cette proposition de loi suscite de véritables attentes.
Face aux violences faites aux femmes et aux violences intrafamiliales, nous avons deux ennemis : le temps et la réactivité. Souvent, des femmes tombent, nous en avons connu beaucoup ces derniers temps, alors qu’elles avaient entamé des procédures de protection : main courante, dépôt de plainte, séparation du conjoint violent, et j’en passe.
Avec cette proposition de loi, nous attendons que les moyens soient au rendez-vous, afin de lutter contre les problèmes de temps qui obèrent la survie de la victime et la réactivité dont nous devons faire preuve. Seuls des moyens pourront nous sauver !
Lorsqu’on les auditionne, les parquets nous disent qu’ils sont sous-dotés, en greffiers par exemple, en juges des affaires familiales. Dans les commissariats, les policiers, débordés, nous disent qu’ils n’ont pas le temps de recevoir les plaintes, parce qu’ils sont sollicités par des questions d’ordre général.
J’ai dernièrement auditionné les membres d’une association qui s’occupe de cette politique publique. Ils m’ont dit que l’État avait supprimé la moitié du temps de l’intervenant social que l’association avait mis à disposition dans une gendarmerie et dans un commissariat… Comment faire sans moyens ?
Depuis le début de ce débat, les votes sont unanimes, comme on l’a vu avec l’adoption des deux premiers amendements que nous avons proposés. Nous avons besoin de moyens. En plus des outils qui relèvent du pénal, il faut que nous ayons le courage de dire – nous, mais aussi le Gouvernement – que, sans moyens, cette loi sera vouée à rester sur une étagère, comme tant d’autres.
Madame la garde des sceaux, je vous sais courageuse, alors je vous dis : « Chiche ! »
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. En préambule, je me dois de rappeler, pour notre mémoire collective, que le Sénat peut s’honorer d’avoir été à l’avant-garde de la lutte contre le fléau que sont les violences au sein des couples, notamment grâce à la loi du 4 avril 2006.
J’en viens à la loi de juillet 2010. L’ordonnance de protection constituait, dans notre esprit, une réelle évolution de notre droit, qui se dotait ainsi d’un outil de protection complet et rapide des personnes victimes de violences conjugales et de leurs enfants ; je dis bien « rapide », car, dans les situations que nous évoquons, l’intégrité physique de la victime, voire sa vie même, se trouve menacée.
Ce nouveau dispositif se justifiait, selon nous, parce que le dépôt de plainte, seule voie possible, n’était pas l’acte qui protégeait le plus, à moins d’être suivi d’un placement en garde à vue. La victime n’était pas à l’abri de représailles.
Le problème est que la montée en puissance de l’ordonnance de protection a été très progressive. En outre, sa mise en œuvre s’est faite avec d’importantes différences en fonction des TGI. Cette montée en puissance aurait d’ailleurs dû être accompagnée de la formation de l’ensemble des personnels intervenant au cours de la procédure.
Les délais, parfois extrêmement longs, ont constitué un problème majeur et considérablement nuit à l’objectif de protection en urgence, allant jusqu’à conduire à la remise en cause de l’intérêt même de ce dispositif.
Or les objectifs qui avaient été fixés lors des débats en 2010, je les rappelle, étaient que l’ordonnance soit délivrée en 72 heures, c’est-à-dire en urgence et en priorité – ce n’était peut-être pas très réaliste – et qu’elle puisse être obtenue indépendamment du dépôt de plainte – la loi est d’ailleurs claire sur ce dernier point –, mais certains magistrats, il est vrai, ont pris de mauvaises habitudes. Il était donc opportun de rappeler à l’article 1er l’état du droit sur ce point.
Par ailleurs, et j’anticipe sur l’article 2, encadrer la procédure dans un délai de 144 heures, à compter de la date de la fixation de l’audience, devrait permettre au magistrat d’apprécier la recevabilité de la requête, avant que la partie défenderesse ne prenne connaissance de la démarche, ce qui devrait éviter certaines représailles.
Il y a un mieux dans cette évolution, à condition que l’audience ne soit pas fixée plusieurs dizaines de jours après. Je m’interroge donc : comment faire mieux pour répondre à l’urgence, tout en respectant le contradictoire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, sur l’article.
Mme Marie-Pierre Monier. L’examen de ce texte sur les violences conjugales et intrafamiliales est une réelle chance, car nous avons besoin de solutions efficaces, immédiates et pérennes.
À ce jour, quelque 129 féminicides ont été commis en 2019. Ce nombre est malheureusement supérieur à celui de 2018. Chacun d’entre nous doit se sentir profondément concerné. Ce fléau est insupportable, d’autant plus que, dans un grand nombre de cas, la victime avait signalé les violences dont elle faisait l’objet auprès des autorités.
Si des outils juridiques existent aujourd’hui, ils sont souvent mal utilisés. Il faut aller plus loin, en protégeant mieux les victimes et en renforçant les garanties matérielles et juridiques dont elles bénéficient.
Le parcours des victimes est trop long. Surtout, il est bien souvent jonché d’obstacles : refus de plainte, remise en question de la gravité des faits, culpabilisation des victimes, moqueries. Ce n’est plus acceptable.
J’en profite pour saluer l’immense courage d’Adèle Haenel, qui vient de porter un nouveau coup historique à l’insupportable loi du silence qu’il nous faut briser. Désormais, j’en suis certaine, plus rien ne sera comme avant. Je veux rendre hommage à sa justesse bouleversante. Au-delà de l’occasion de libérer la parole qu’elle nous offre, elle nous rappelle que le combat contre les violences faites aux femmes ne se gagnera que si nous parvenons à déconstruire les stéréotypes de genre, car ce sont bien eux qui inscrivent en chacun de nous, dès l’enfance, la possibilité de ces violences.
Pour les combattre, nous devons irriguer toutes les politiques publiques. C’est pourquoi un vaste projet de loi sur le sujet, associant police, gendarmerie, justice, services sociaux, collectivités locales, services de santé, éducation nationale et associations militantes aurait été plus fort.
Malgré tout, il convient de soutenir les dispositions proposées, car elles vont dans le bon sens, mais il faudra prévoir les moyens que requiert la mise en œuvre de cette proposition de loi lors de l’examen du projet de loi de finances.
Il faut des moyens pour faire fonctionner les associations de terrain, qui maillent le territoire et jouent un rôle majeur d’accompagnement ; des moyens pour la formation des policiers et des gendarmes, qui sont en première ligne pour accueillir les femmes victimes de violences, car ils ont besoin de soutien pour jouer leur rôle de service public de proximité.
Sans moyens supplémentaires, sans personnels formés, ce que nous votons ici ne pourra pas avoir de réel impact sur le cours des choses.
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.
M. François Bonhomme. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui peut, je pense, constituer un tournant majeur et marquer véritablement une rupture dans le traitement du fléau des violences au sein de la famille.
En France, en 2019, il faut en moyenne un mois et demi pour protéger une femme en danger. Le délai des ordonnances de protection n’est ni tenable ni compatible avec l’urgence de protéger une femme dont la vie est en danger.
En fixant à six jours le délai maximal de délivrance d’une ordonnance sans dépôt de plainte, l’ordonnance doit constituer un moyen nouveau et décisif.
Or il y a encore trop de manquements graves, puisque, dans un cas sur cinq, le juge ne statue pas sur la restriction du droit d’hébergement des enfants, et, dans un cas sur deux, il ne traite pas de la question pourtant essentielle du logement. La situation actuelle n’est donc pas acceptable en l’état.
Renforcer l’ordonnance de protection, c’est aussi créer une interdiction de paraître pour les auteurs de violences. Il faut les empêcher d’attendre devant l’habitation. Désormais, certains lieux entiers leur seront interdits, au-delà même du seul contact physique.
Enfin, le dispositif du bracelet anti-rapprochement (BAR), au motif de deux expérimentations, l’une en 2010, l’autre en 2017, s’est révélé peu utilisé. Cette proposition de loi doit donc permettre sa généralisation.
La pose d’un BAR dès l’ordonnance de protection dans un cadre préventif et pour les situations les plus graves, ainsi que la possibilité donnée au juge aux affaires familiales de décider d’agir dans un délai réduit peuvent constituer une mesure déterminante pour éviter ces drames trop souvent répétés.
Raccourcir les délais de prononcé des ordonnances de protection est une nécessité, tout en veillant à l’articuler avec le respect du principe du contradictoire et en rappelant la nature spécifique de la procédure civile, qui repose sur des principes différents de la procédure pénale.
Cette proposition de loi peut donc ouvrir la voie à des solutions opérationnelles rapides, qui viendront, je l’espère, conforter votre circulaire pénale du 9 mai dernier, madame la garde des sceaux, par laquelle vous avez rappelé aux procureurs l’importance de cette question des violences conjugales, en les invitant à mieux utiliser les possibilités offertes par l’arsenal législatif existant.
Je crois, madame la garde des sceaux, que nous pouvons faire converger de manière décisive une prise de conscience très forte de ce fléau et l’impératif de lui donner une portée opérationnelle déterminante.
Il est réjouissant que cette proposition de loi de notre collègue Aurélien Pradié soit l’occasion de faire converger nos forces, y compris et peut-être surtout quand un texte ne vient ni du Gouvernement ni de la majorité.
C’est l’honneur du groupe parlementaire d’opposition à l’Assemblée nationale de nous permettre de dépasser nos différences pour réduire ce sinistre bilan de 119 femmes ayant à ce jour perdu la vie en 2019 sous les coups de leur conjoint.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l’article 1er vise à modifier l’article 515-10 du code civil relatif aux conditions préalables requises pour la sollicitation d’une ordonnance de protection et les modalités de déroulement de l’audience devant le juge. Le sujet est, il est vrai, particulièrement juridique.
Dans les faits, nous avons malheureusement souvent assisté, dans nos départements respectifs, à des drames humains. Le nombre des victimes a été rappelé. Il faut essayer de trouver des solutions pour prévenir ces dernières, mais beaucoup de femmes hésitent malheureusement à porter plainte, nous l’avons vu au sujet des mains courantes. Par ailleurs, la complexité des procédures est problématique.
Les gendarmes et les policiers se plaignent de leur côté du manque de moyens humains. Dans le projet de loi de finances pour 2020, il convient de prévoir des moyens humains pour la justice, la sécurité intérieure, police et gendarmerie nationales, c’est-à-dire tous les services de sécurité, de santé, en liaison avec les collectivités locales, et les services sociaux. C’est une grande chaîne dans laquelle nombre d’acteurs peuvent intervenir, mais les démarches ne sont pas simples.
C’est pourquoi je voterai cet article.
Mme la présidente. L’amendement n° 28, présenté par Mmes Benbassa, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou par une association agréée » ;
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement vise à autoriser les associations agréées à faire les démarches de demande d’ordonnance de protection et à agir au nom des victimes de violences conjugales. Cette habilitation nécessiterait évidemment au préalable le consentement de la requérante.
L’obtention de l’ordonnance de protection est administrativement lourde. Une fois mise en sécurité, la victime souhaitant recourir à un tel procédé doit au préalable comprendre comment rédiger, puis soumettre une telle demande, alors même qu’elle se trouve souvent en situation de détresse et n’a pas forcément les connaissances juridiques nécessaires pour mener à bien cette mission.
Afin de multiplier les chances d’obtention, il peut être pertinent que, à la demande de la victime, les associations agréées puissent formuler la demande d’ordonnance de protection. Elles sont en effet plus aguerries et mieux armées juridiquement, ayant développé une expertise procédurale en la matière. Leur rôle d’accompagnement est donc primordial, particulièrement dans des situations d’urgence.
Les associations agréées accomplissent un travail formidable dans les territoires. Elles apportent non seulement une aide juridique aux victimes, mais également un soutien psychologique indispensable. Permettre le recours à leurs services semble donc constituer un apport non négligeable à la chaîne de protection des femmes ayant été agressées par leur conjoint ou compagnon.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Ma chère collègue, je suis tout à fait d’accord avec vous sur le rôle remarquable joué par les associations.
Toutefois, cette question s’était déjà posée en 2010 et en 2014. Il faut bien comprendre qu’autoriser une association à saisir le juge, avec l’accord de la victime, la constitue partie demanderesse pour une ordonnance qui devrait en principe bénéficier à une autre personne, et qui ne serait paradoxalement pas partie à la procédure.
En outre, en l’état actuel de la rédaction du texte, une telle éventualité est incompatible avec le dispositif retenu qui vise systématiquement la partie demanderesse comme unique bénéficiaire. L’association serait bénéficiaire de l’ordonnance de protection, et non plus la victime.
C’est la raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice Benbassa, je formulerai la même observation que Mme le rapporteur.
Évidemment, le rôle des associations est fondamental dans l’accompagnement des victimes, y compris pendant toute la procédure. Pour autant, je vous rappelle que, au civil, la demande est la chose des parties et qu’une association ne peut donc pas agir à la place d’une partie. Elle peut l’accompagner, y compris par une aide extrêmement précise, mais pas faire à sa place.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous ne sommes pas signataires de cet amendement, mais je suis quelque peu surprise des explications données pour en demander le rejet. Il s’agit de permettre à une association agréée de faire les démarches visant à obtenir l’ordonnance de protection au nom de la victime, avec son accord explicite, c’est-à-dire de la mandater.
On ne peut pas dire, madame le rapporteur, que l’association serait partie à la procédure. Quand vous mandatez un avocat – je suis moi-même avocate -, il ne se retrouve pas partie à la procédure. Lorsque vous mandatez un représentant syndical dans un contentieux du travail, celui-ci n’est pas partie à la procédure.
Bref, cette explication ne me semble pas opérationnelle. Je ne vois pas ce qui s’oppose réellement à ce qu’une association agréée engage la procédure, dès lors que c’est avec l’accord explicite de la victime, même si, in fine, devant le juge aux affaires familiales, c’est la victime qui sera présente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Pour ma part, je ne suis pas avocate. Néanmoins, après les explications de Marie-Pierre de la Gontrie, les arguments avancés par Mme le rapporteur et Mme la garde des sceaux me laissent assez perplexe.
Si vous pouvez nous expliquer pourquoi la victime ne peut pas donner mandat, je suis prête à revoir mon jugement.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Il n’y a pas de mandat qui soit donné à l’association par la victime.
L’association ne peut faire la démarche pour la victime, puisque l’ordonnance de protection sera rendue au nom de cette dernière. Ce n’est pas comme avec un avocat.
Mme Laurence Rossignol. Mais pourquoi ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Je le répète, l’association n’est pas mandatée pour déposer plainte au nom de la victime.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Rien ne s’y oppose !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je soutiens bien sûr cet amendement dont je suis cosignataire, forte aussi des explications de notre collègue de la Gontrie.
Les propos de Mme le rapporteur ne sont pas du tout convaincants : pour quelle raison serait-il impossible de mandater une association ?
Nous sommes le législateur : si notre amendement est maladroit, modifions-le ! Mais il est extrêmement important pour la victime d’être accompagnée ; nous le vivons toutes et tous sur nos territoires.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il ne faut pas faire de confusion. Une association peut parfaitement accompagner une victime, et nous le souhaitons qu’elle le fasse. En effet, c’est très important pour la victime, nous pouvons l’imaginer.
Toutefois, vous demandez – peut-être est-ce la rédaction de l’exposé des motifs qui porte à confusion – que l’association puisse avoir un mandat de représentation. Or je vous rappelle que ce n’est pas possible : le monopole de l’assistance et de la représentation en justice appartient aux avocats.
Il convient donc de distinguer la représentation, dont le monopole appartient aux avocats, et l’accompagnement, qui peut parfaitement être exercé par les associations.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. En tant qu’avocate, je suis sensible aux propos de Mme la garde des sceaux, mais il est possible de déroger à ce monopole.
Madame la présidente, je propose donc un sous-amendement visant à préciser que l’association agréée est « expressément mandatée », afin de lever l’ambiguïté.
Mme la présidente. Je suis donc saisie du sous-amendement n° 130, présenté par Mme de la Gontrie, et ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
expressément mandatée
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. On bricole… C’est bien la victime qui est demanderesse de l’ordonnance de protection, et cela ne peut se faire par l’intermédiaire d’une association, même avec l’accord de la victime. Je m’exprime sans doute mal, mais l’ordonnance de protection porte le nom de la victime, qui est la seule à pouvoir la demander.
Mon avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’état du droit me semble suffisamment clair ; il permet à la victime, d’une part d’être accompagnée, d’autre part d’être représentée par l’avocat. C’est largement suffisant pour porter la défense des personnes concernées.
J’émets donc également un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 130.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 55 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol et Lepage, M. Courteau, Mmes Blondin, Conconne et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- les mots : « tous moyens adaptés » sont remplacés par les mots : « voie administrative » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cette proposition de loi vise à instaurer de nouvelles modalités concernant l’ordonnance de protection.
L’une d’elles, très ambitieuse, est de réduire à six jours le délai au-delà duquel le juge aux affaires familiales doit rendre sa décision sur l’ordonnance de protection, celle-ci statuant sur un grand nombre de points ; nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 2.
Dans ce délai, il faut mener un débat contradictoire, donc informer le défendeur de la date de l’audience afin qu’il soit en mesure de présenter, s’il le souhaite, des éléments à l’appui de sa défense. Ce délai de six jours est donc une sorte de défi, mais, comme l’a souligné Catherine Conconne, le temps est un enjeu essentiel dans les violences conjugales.
Le code de procédure civile prévoit trois modes de convocation du défendeur : la convocation par huissier, qui coûte environ 150 euros et n’est donc pas accessible à tous ; la convocation par recommandé avec accusé de réception, qui impose un délai de quinze jours avant la date de l’audience ; enfin, la voie administrative, où la convocation est délivrée dans la journée par un officier ou un agent de police judiciaire, gendarme ou policier.
Voilà pourquoi nous proposons, par cet amendement, de prévoir une convocation par voie administrative et non plus par tous moyens. À défaut, le défendeur ne pourrait pas être convoqué dans les temps et le juge aux affaires familiales se prononcer valablement. C’est dans ce cadre, je le précise, qu’il faudra statuer sur le bracelet anti-rapprochement.
L’enjeu de l’information du défendeur sur la date de l’audience est essentiel. C’est la raison pour laquelle je propose cette voie plus efficace.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Ma chère collègue, cette mesure aurait l’avantage de l’efficacité en termes de délais, mais accroîtrait forcément la charge de travail des policiers et des gendarmes, qui seraient tenus de porter ces convocations.
L’assignation par huissier de justice est tout aussi efficace, mais requiert des évolutions en matière d’aide juridictionnelle, afin que celle-ci soit accordée dès la demande de l’ordonnance de protection et non plus au moment de sa délivrance.
Pour cette question de faisabilité, nous demandons l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice, vous avez parfaitement expliqué les trois modes de convocation des parties à l’audience et souhaitez accentuer la voie administrative.
Je ne partage pas votre avis, même si j’en comprends la logique. Aujourd’hui, ce mode de convocation est résiduel, puisque près de 62 % des convocations sont transmises par voie de requête et 38 % par huissier. Soyons clairs, la difficulté, si nous multiplions les convocations par voie administrative, c’est la surcharge de travail pour les services de police et de gendarmerie, qui doivent d’abord se mobiliser sur les dépôts de plainte et le suivi des procédures pénales.
En matière civile, en cas d’urgence, la voie de l’assignation est très efficace. Vous avez évoqué son coût – autour de 100 euros, un peu plus en cas d’urgence –, et j’en conviens tout à fait. Néanmoins, la convocation peut être délivrée d’un jour à l’autre et remise en main propre au défendeur. Par ailleurs, les frais peuvent être pris en charge par l’aide juridictionnelle. C’est un point dont nous serons peut-être amenés à reparler.
Pour toutes ces raisons, il me semble plus réaliste de procéder par cette voie plutôt que par la voie administrative.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Que voulons-nous ? Si nous voulons lutter efficacement contre les féminicides liés aux violences conjugales, nous ne pouvons opposer à cette proposition l’utilisation résiduelle de la voie administrative ou la surcharge des services de police et de gendarmerie.
Il est exact que la voie de l’assignation est efficace, le plus efficace étant sans doute de saisir le juge aux affaires familiales par le biais d’une assignation à jour fixe, voire d’heure à heure, mais cela suppose des moyens dont la victime est le plus souvent dépourvue.
Nous sommes face à des femmes perdues, déboussolées, qui ont peur de porter plainte. Il faut les accompagner efficacement, c’est le sens de l’amendement précédent. La voie administrative, si elle n’est pas systématique, doit pouvoir être utilisée.
M. Jacques Bigot. Ce texte a pour objet d’améliorer les procédures, madame la garde des sceaux. La voie administrative mérite donc d’être creusée comme l’un des moyens de saisir très rapidement, dans un débat contradictoire, les deux parties, pour que la décision puisse être rendue sans délai et de manière efficace.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je voterai cet amendement de Mme de la Gontrie, en raison de l’urgence, à laquelle l’on ne saurait opposer un déficit de moyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. Je voterai cet amendement, car la voie administrative a le mérite de ne pas coûter cher. Il y a déjà de telles contraintes et de tels blocages qu’il ne faut pas ajouter une charge financière supplémentaire pour la victime.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Madame la garde des sceaux, vous êtes venue récemment en Guadeloupe pour l’inauguration du nouveau palais de justice de Pointe-à-Pitre. Vous avez entendu les magistrats et les avocats dénoncer le manque de moyens.
La proposition du député Pradié est une très bonne chose, mais, dans des territoires exigus comme chez nous, l’éloignement est relatif et tout le monde se connaît.
Sur le territoire national, particulièrement dans les outre-mer, nous avons besoin de tels dispositifs. Il est urgent de prendre les bonnes décisions ! Cette proposition de loi mérite d’être adoptée rapidement. Mme de la Gontrie, de surcroît avocate, sait de quoi elle parle, moi aussi, en tant que membre d’une association en Guadeloupe. Il faut prendre ces problématiques à bras-le-corps, sans attendre les conclusions du Grenelle sur les violences conjugales.
Faisons un pas après l’autre ! Faisons de notre mieux, avec la proposition de loi de M. Pradié, pour éviter que la liste des victimes ne s’allonge d’ici à la fin de l’année !
Mme Laurence Cohen. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes tous sensibilisés à ce sujet, dont on ne parlait pas naguère ; on avait tort, d’ailleurs, de n’en pas parler.
Ce qui frappe lorsque l’on suit l’actualité douloureuse et dramatique de la vie, puis de la disparition de ces femmes, c’est l’urgence des situations. Ces femmes malmenées ont peur, et l’ordonnance de protection, tout le monde le comprend, doit prendre effet le plus vite possible.
Nous n’avons pas le temps de faire de la procédure…
M. Jean-Pierre Sueur. … ou de nous perdre dans les règles applicables ; celles-ci doivent être claires, nettes et précises.
C’est la raison pour laquelle, à mon tour, je soutiens cet amendement avec force, par respect pour ces femmes et parce que nous leur devons l’efficacité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour explication de vote.
Mme Josiane Costes. Nous soutiendrons également cet amendement, parce que nous devons agir dans l’urgence pour toutes les femmes, y compris les plus démunies.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je comprends la volonté qui vous anime, mesdames, messieurs les sénateurs, mais il faut faire attention à ce que l’on écrit.
L’amendement proposé par Mme de la Gontrie ne laisse plus aucun choix au juge, qui devra forcément convoquer par la voie administrative, alors qu’il dispose actuellement de trois modalités de convocation.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Six jours !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je n’ai pas terminé, madame la sénatrice.
C’est là réduire sérieusement les possibilités du juge. Faisons tout de même attention à ce que nous inscrivons dans la loi !
Par ailleurs, à la suite des travaux qui ont été menés, j’ai récemment publié le guide pratique de l’ordonnance de protection. Ce document est extrêmement complet et donne des renseignements très précis. Il est utilisable par les magistrats, les associations et l’ensemble des acteurs concernés par cette problématique.
Il y est écrit que « le greffe du juge aux affaires familiales peut ordonner une remise en main propre de la convocation par une autorité administrative » dans les situations délicates ou d’urgence. J’incite donc à utiliser la voie administrative dans certains cas. Mais je n’en fais pas la modalité unique de convocation, car je ne souhaite pas introduire de la rigidité ; il existe de multiples manières d’ordonner ces convocations.
J’ai évidemment le délai de six jours en ligne de mire. Comme je l’ai souligné dans la discussion générale – j’aurai sans doute l’occasion d’y revenir –, je souhaite développer des procédures de l’urgence pour répondre à cette exigence partagée. Nous aurons ainsi des modalités spécifiques et adaptées dans chaque tribunal.
Je vous appelle donc à la vigilance. Ne rigidifions pas à l’excès. Nous pouvons, me semble-t-il, obtenir plus avec de la souplesse.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Le sujet est hautement sensible et émotionnel. Tous, nous avons à cœur de tout faire pour mieux protéger les femmes et éviter ces épouvantables homicides.
Toutefois, il faut savoir raison garder. Je vous renvoie au rapport de notre collègue François Grosdidier, qui montrait combien les policiers et les gendarmes sont étouffés par les tâches administratives et qui soulignait la nécessité de recentrer ces professionnels sur d’autres activités.
Ne l’oublions pas, nous devons légiférer dans la rigueur du droit. Essayons de nous prémunir contre nos émotions. (Mme Laurence Rossignol s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Madame le rapporteur, je ne suis pas dans l’émotion : je suis dans l’efficacité. C’est pourquoi j’insiste sur les six jours.
J’ai consulté le guide de l’ordonnance de protection. Il s’applique à des dispositions prévoyant à ce jour que le juge aux affaires familiales rend l’ordonnance de protection dans les meilleurs délais. C’est donc un autre contexte. Le choix était alors entre différents modes de convocation plus ou moins efficaces et rapides. D’ailleurs, vous avez souligné que l’on recourait à la voie administrative, c’est dire !
Néanmoins, aujourd’hui, nous changeons d’objectif, puisque nous retenons le délai de six jours. Il faut donc un dispositif clair. Ce n’est pas une question d’émotion. Comment fait-on pour garantir le respect de ce délai ? Ainsi que cela a été souligné, pour convoquer vite, il faut opter pour la voie administrative.
Les données du problème sont simples : si nous n’adoptons pas le présent amendement, si nous ne retenons pas la voie administrative, nous tuons l’objectif des six jours !
Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. François-Noël Buffet, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je voudrais tout de même attirer l’attention de nos collègues sur la nécessité de garder un peu de souplesse.
Certes, faire de la voie administrative l’unique modalité de convocation peut être source d’efficacité et de rapidité. Mais que se passera-t-il si la personne ne reçoit pas la convocation, par exemple parce qu’on ne la trouve pas ? Nous risquons de rencontrer des difficultés le jour de l’audience.
Maintenir différentes possibilités, dont l’assignation par huissier de justice, offre plus de garanties, à commencer par la certitude d’une date. Il peut y avoir un procès-verbal de recherches infructueuses, ce qui permet à la procédure d’audience de se tenir dans de bonnes conditions et aux juges de statuer. À défaut, il y aura toujours un doute, du fait par exemple de la difficulté de la notification du résultat éventuel de l’audience par voie administrative.
C’est donc pour des raisons strictement pratiques que je ne suis pas favorable au présent amendement. Je comprends le souci d’efficacité, que nous partageons tous. Mais veillons à ne pas nous mettre un boulet aux pieds en nous privant d’une procédure aussi efficace, voire plus efficace lorsque le défendeur se cache, fuit ses responsabilités et ne veut pas venir à l’audience.
L’assignation par voie de justice nous donne, me semble-t-il, une sécurité juridique beaucoup plus forte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. J’entends les arguments de part et d’autre. Certes, nous nous enfermerions en faisant de la voie administrative le seul moyen. Pour autant, je trouve les propos de ma collègue Marie-Pierre de la Gontrie très convaincants.
N’est-il pas envisageable de déposer un sous-amendement, comme elle l’a fait tout à l’heure, avec une rédaction du type : « Tous moyens adaptés, dont la voie administrative en priorité » ? Il serait ainsi possible de recourir à l’assignation sous réserve d’en avoir les moyens financiers.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Nous savons tous que le délai de six jours n’est pas facile à tenir. C’est une ambition qu’il faudra respecter. D’un certain point de vue, de tels débats ont déjà eu lieu précédemment, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, par exemple en 2010.
Le principe de la souplesse laissée au juge est systématiquement invoqué pour récuser des amendements tendant à sécuriser les procédures.
Or, en matière d’ordonnances de protection, cette souplesse a abouti à faire en sorte que 50 % des demandes d’ordonnances de protection sont rejetées, que 10 % des tribunaux n’ont jamais prononcé d’ordonnance et que les trois quarts des ordonnances de protection sont décidés par la moitié des juges aux affaires familiales.
Laisser aux juges la souplesse à laquelle la Chancellerie tient tant a donc pour conséquence de nous obliger à réformer l’ordonnance de protection. J’attire l’attention de nos collègues sur ce point, afin que nous ne nous retrouvions pas dans deux ans à dresser le même bilan qu’aujourd’hui et à constater que le délai de six jours se heurte à de nombreuses difficultés.
La voie administrative est effectivement rigoureuse, mais c’est la plus efficace. D’ailleurs, même ceux qui s’opposent à cet amendement le reconnaissent.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice, l’assignation aussi est efficace.
Par ailleurs, vous le savez parfaitement, si l’ordonnance de protection ne fonctionne pas suffisamment bien, ce n’est pas lié à la convocation ; cela tient uniquement à une insuffisance de preuves, comme l’absence d’un certificat médical, entre autres.
Le maintien des trois voies, en incitant à privilégier l’une ou l’autre selon les circonstances, me paraît véritablement la solution la mieux adaptée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis
L’article 515-9 du code civil est ainsi modifié :
1° Après le mot : « couple », sont insérés les mots : « , y compris lorsqu’il n’y a pas de cohabitation, » ;
2° Après le mot : « concubin », sont insérés les mots : « , y compris lorsqu’il n’y a jamais eu de cohabitation, ». – (Adopté.)
6
Communication d’un avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l’aménagement du territoire a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – 27 voix pour, aucune voix contre – à la nomination de M. Yves Le Breton aux fonctions de directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires.
7
Adoption des conclusions de la conférence des présidents
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune observation sur les conclusions de la conférence des présidents. Elles sont donc adoptées.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Violences au sein de la famille
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons l’examen de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à agir contre les violences au sein de la famille.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier, à l’article 2.
Chapitre Ier (suite)
De l’ordonnance de protection et de la médiation familiale
Article 2
Le titre XIV du livre Ier du code civil est ainsi modifié :
1° L’article 515-11 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « dans les meilleurs délais, par le juge aux affaires familiales, » sont remplacés par les mots : « par le juge aux affaires familiales, dans un délai maximal de six jours à compter de la fixation de la date de l’audience » ;
a bis) À la seconde phrase du même premier alinéa, après le mot : « délivrance, », sont insérés les mots : « après avoir recueilli les observations des parties sur chacune des mesures suivantes, » ;
a ter) Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Interdire à la partie défenderesse de se rendre dans certains lieux spécialement désignés par le juge aux affaires familiales dans lesquels se trouve de façon habituelle la partie demanderesse ; »
a quater) Le 2° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’ordonnance de protection édicte la mesure prévue au 1°, la décision de ne pas interdire la détention ou le port d’arme est spécialement motivée ; »
a quinquies) Après le même 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Proposer à la partie défenderesse une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ou un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes. En cas de refus de la partie défenderesse, le juge aux affaires familiales en avise immédiatement le procureur de la République ; »
b) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Statuer sur la résidence séparée des époux. À la demande du conjoint qui n’est pas l’auteur des violences, la jouissance du logement conjugal lui est attribuée, sauf circonstances particulières, sur ordonnance spécialement motivée, et même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence. Dans ce cas, la prise en charge des frais afférents peut être à la charge du conjoint violent ; »
c) Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° Se prononcer sur le logement commun de partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou de concubins. À la demande du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin qui n’est pas l’auteur des violences, la jouissance du logement commun lui est attribuée, sauf circonstances particulières, sur ordonnance spécialement motivée, et même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence. Dans ce cas, la prise en charge des frais afférents peut être à la charge du partenaire ou concubin violent ; »
d) Au 5°, après la première occurrence du mot : « et », sont insérés les mots : « , au sens de l’article 373-2-9, sur les modalités du droit de visite et d’hébergement, ainsi que » ;
d bis) Le même 5° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’ordonnance de protection édicte la mesure prévue au 1° du présent article, la décision de ne pas ordonner l’exercice du droit de visite dans un espace de rencontre désigné ou en présence d’un tiers de confiance est spécialement motivée ; »
e) (Supprimé)
2° Après le même article 515-11, il est inséré un article 515-11-1 ainsi rédigé :
« Art. 515-11-1. – I. – Lorsque l’interdiction prévue au 1° de l’article 515-11 a été prononcée, le juge aux affaires familiales peut ordonner, après avoir recueilli le consentement des deux parties, le port par chacune d’elles d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement permettant à tout moment de signaler que la partie défenderesse se trouve à moins d’une certaine distance de la partie demanderesse, fixée par l’ordonnance. En cas de refus de la partie défenderesse faisant obstacle au prononcé de cette mesure, le juge aux affaires familiales en avise immédiatement le procureur de la République.
« II. – Ce dispositif fait l’objet d’un traitement de données à caractère personnel, dont les conditions et les modalités de mise en œuvre sont définies par décret en Conseil d’État. »
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Comme cela a été souligné, le 129e féminicide a été perpétré le 2 novembre dernier à Bayonne.
Voilà qui nous rappelle le contexte dramatique dans lequel s’inscrit la discussion de la présente proposition de loi. Ce qui nous motive en priorité, c’est la mise à l’abri immédiate des femmes victimes de violences ; celles-ci encourent – nous l’avons vu – un danger vital. Le sujet a été au cœur de nos discussions aujourd’hui.
Ce chiffre de 129 féminicides est déjà supérieur au total des meurtres de femmes pour toute l’année 2018. Ce qui est directement en cause, c’est bien le manque de réactivité et de souplesse de la justice, malgré un arsenal législatif qui existe déjà. Je pense notamment à la création des ordonnances de protection dans la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.
L’objectif des ordonnances de protection était bien le renforcement rapide de la protection des victimes, indépendamment de l’existence d’une procédure pénale en cours. C’est ce souci qui nous a motivés lorsque nous avons présenté nos amendements. Malheureusement, beaucoup ont été rejetés.
Malgré l’existence de cet outil incontournable, en moyenne, seulement 1 300 ordonnances de protection sont délivrées chaque année en France, alors que ce sont 225 000 femmes qui sont victimes de violences de la part de leur conjoint ou de leur ex-conjoint. Il faut rappeler ces chiffres sans arrêt. La lourdeur administrative est en partie responsable de cette faible délivrance.
L’une des principales dispositions prévues dans l’article 2, à savoir la réduction des délais de délivrance à six jours maximum à compter du jour de la fixation de l’audience, permet de redonner son utilité première à l’ordonnance de protection.
Cela étant, pour nous – c’est l’objet de l’amendement n° 29, que je défendrai dans quelques instants –, il serait préférable de fixer le délai à compter de la requête de la victime. Bien entendu, cela suppose que la justice ait les moyens d’accomplir ses missions.
Madame la garde des sceaux, je vous adresse donc un appel solennel, à quelques jours de l’examen du projet de loi de finances : puisque le Gouvernement semble soutenir la présente proposition de loi, il doit véritablement accorder les crédits nécessaires à sa mise en œuvre.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, sur l’article.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. L’article 2 est sans doute l’article le plus important et le plus délicat de la présente proposition de loi.
C’est le plus important, car il contient les dispositions réduisant à six jours le délai pour le juge aux affaires familiales pour rendre l’ordonnance de protection. Comme nous l’avons évoqué tout à l’heure, ce délai de six jours est la marque d’une ambition ; nous aurons l’occasion d’y revenir. Dans le cadre de l’ordonnance de protection, un grand nombre de décisions difficiles sont prises dans un délai extrêmement court ; certaines sont effectivement restrictives de liberté, quand d’autres portent sur la résidence ou les enfants.
C’est aussi l’article le plus délicat, car il introduit dans la phase pré-sentencielle, donc antérieure à toute condamnation, la possibilité pour le juge aux affaires familiales d’imposer au défendeur supposé auteur le port d’un bracelet anti-rapprochement, qui est un bracelet électronique. La demanderesse aurait une sorte de boîtier.
Ainsi, en fonction d’une distance imposée par le juge, il n’y aurait pas de possibilité de rapprochement physique pendant une durée fixée par lui. Le sujet est donc délicat. Le dispositif étant restrictif de liberté, il doit être encadré par un certain nombre de protections.
Nous allons donc proposer – nous ne sommes pas les seuls – une modification de la mesure envisagée ; pour l’instant, la décision appartient au seul juge aux affaires familiales.
À ce stade, l’article 2 n’a fait l’objet d’aucun amendement en commission. Par conséquent, en fonction de ce que nous voterons ce soir, la discussion cessera ou, au contraire, continuera. Vous le comprendrez, mes chers collègues, un vote conforme sur des mesures extrêmement délicates, dont je pense qu’elles nécessitent sans doute un travail plus approfondi, serait très problématique.
M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 101 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « L’ordonnance de protection est délivrée, par le juge aux affaires familiales, dans un délai maximal de six jours à compter de la fixation de la date de l’audience, s’il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, que les faits de violence allégués sont vraisemblables et que la partie demanderesse, un ou plusieurs enfants sont exposés à un danger. » ;
II. – Alinéas 17 à 19
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Cet amendement est complémentaire de l’amendement n° 102 rectifié, que nous examinerons tout à l’heure.
L’ordonnance de protection est une invention législative récente, très ingénieuse, qui consiste à doter le juge des affaires familiales d’une palette de prérogatives pour répondre à une situation de danger pour une personne victime de violences au sein de son couple.
Selon les données disponibles, dans un cas sur deux, la demande d’ordonnance serait rejetée, en partie du fait de la difficulté d’établir l’existence de « raisons sérieuses » de considérer comme vraisemblable la commission des faits de violences allégués et le danger. Compte tenu des moyens coercitifs conférés au juge des affaires familiales, le législateur s’est montré très précautionneux dans sa rédaction, ce qui rend l’ordonnance plus difficilement applicable.
En vue de mieux protéger les éventuelles victimes, nous proposons que l’ordonnance de protection puisse être plus facilement délivrée en supprimant la référence aux « raisons sérieuses », afin de laisser une plus large interprétation au juge.
En contrepartie de cet élargissement, nous serions favorables à ne pas multiplier les moyens coercitifs conférés au juge des affaires familiales par le biais de l’ordonnance de protection et à ne pas étendre le recours du bracelet anti-rapprochement à ce cas de figure précis.
Comme cela a été souligné en commission, ces magistrats ne sont pas des spécialistes des mesures restrictives de liberté. Ils pourraient donc éprouver des réticences à les prononcer.
En outre, du fait de la nature hybride de l’ordonnance de protection, la procédure qu’il est proposé d’instaurer n’offre pas à la victime la garantie formelle de l’éloignement.
Admettons par exemple que l’auteur présumé de violences refuse le port du bracelet anti-rapprochement et soit condamné à la peine prévue par ailleurs. A-t-on la certitude que la sanction sera automatiquement prononcée et exécutée ? L’individu sera-t-il effectivement incarcéré ? Pour combien de temps ? Et qu’adviendra-t-il, le cas échéant, à sa sortie de prison ?
Nous vous proposons donc un nouvel équilibre de l’ordonnance de protection, fondé sur un élargissement de son application à moyens constants pour le juge.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mme L. Darcos, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Thomas, Bruguière et Puissat, MM. Danesi, Dufaut et Daubresse, Mme Noël, M. Regnard, Mmes Dumas, Sittler et de Cidrac, MM. Cardoux, J.M. Boyer et Duplomb, Mme Deromedi, MM. Grosdidier et Charon, Mme Morhet-Richaud, MM. Brisson et Bazin, Mme Lopez, MM. Savin, Savary, Chevrollier, Segouin, Saury, Poniatowski, Mandelli, Piednoir, Dallier, Huré, Laménie et Rapin, Mmes Ramond et A.M. Bertrand, M. Bonhomme, Mmes Deroche, Lassarade et Micouleau, MM. B. Fournier et Bonne et Mmes Berthet, Garriaud-Maylam et Lanfranchi Dorgal, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
six
par le mot :
trois
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Le présent amendement vise à réduire le délai d’édiction de l’ordonnance de protection de six jours à trois jours, soit soixante-douze heures, afin de tenir compte de l’urgence qui s’attache à la protection du conjoint victime et, le cas échéant, des enfants du couple.
Bien évidemment, ayant entendu ce qui s’est dit lors de la discussion générale, je sens bien que le délai de trois jours est absolument impossible à tenir. Mais, vous le comprendrez, il s’agit d’un amendement d’appel. Pour une personne en danger, trois jours, c’est déjà trop ; là, c’est une question d’heures ! Comme le soulignait Mme de la Gontrie, il faut trouver le moyen le plus efficace pour que le délai de six jours soit respecté.
Cet amendement d’appel a été très largement cosigné.
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par Mmes Cohen, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
fixation de la date de l’audience
par les mots :
requête de la victime
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Ainsi que je viens de l’indiquer, cet amendement vise à garantir des délais plus souples, répondant mieux à la nécessité d’une mise en sécurité durable et efficace d’une femme victime de violences.
Nous nous inscrivons dans une démarche de principe de précaution. C’est la raison pour laquelle nous proposons de réduire les délais à six jours maximum, mais à compter de la requête de la victime. À notre avis, cela va également accélérer la fixation et la date même de l’audience.
Il est parfois question, rappelons-le, d’urgence vitale pour les victimes. Je pense que l’adoption de cet amendement serait un point d’appui.
M. le président. L’amendement n° 57 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol et Lepage, M. Courteau, Mmes Blondin, Conconne et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « violences alléguées », sont insérés les mots : « , y compris celles mentionnées à l’article 222-14-3 du code pénal, » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement vise à faire figurer les violences psychologiques parmi les « faits de violence allégués ».
On pourrait penser qu’elles sont déjà incluses, mais il apparaît que le juge a tendance à ne retenir que les violences physiques. Or, nous le savons très bien – le Sénat a suffisamment eu l’occasion de travailler sur le sujet –, les violences psychologiques sont tout aussi importantes.
M. le président. L’amendement n° 56 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol et Lepage, M. Courteau, Mmes Blondin, Conconne et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « et le danger » sont remplacés par les mots : « ou le danger » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement tend à supprimer le caractère cumulatif des conditions de « violence » et de « danger ».
Aujourd’hui, il faut qu’il y ait à la fois violence et danger. Or les deux sont distincts : il peut y avoir danger sans violence. Nous souhaitons donc que la saisine du juge aux affaires familiales puisse se fonder sur des faits de violence seuls ou sur le danger seul.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Mme L. Darcos, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Thomas, Bruguière et Puissat, MM. Danesi, Dufaut et Daubresse, Mme Noël, M. Regnard, Mmes Dumas, Sittler et de Cidrac, MM. Cardoux, J.-M. Boyer et Duplomb, Mme Deromedi, MM. Grosdidier et Charon, Mme Morhet-Richaud, MM. Brisson et Bazin, Mme Lopez, MM. Savin, Savary, Chevrollier, Segouin, Saury, Poniatowski, Mandelli, Piednoir, Dallier, Huré, Laménie et Rapin, Mmes Ramond et A.M. Bertrand, M. Bonhomme, Mmes Deroche, Lassarade et Micouleau, MM. B. Fournier et Bonne et Mmes Berthet, Garriaud-Maylam et Lanfranchi Dorgal, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « y compris lorsque les parties ne vivent plus sous le même toit » ;
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Le présent amendement vise à modifier la loi pour corriger la pratique jurisprudentielle tendant à ce que les ordonnances de protection soient refusées au motif de l’absence de « danger » lorsque les époux, concubins ou conjoints ne vivent pas ou plus sous le même toit. Les statistiques démontrent en effet que les homicides ont lieu même lorsque ceux-ci ne vivent plus ensemble.
M. le président. L’amendement n° 23, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 515-11-1. – I. – Lorsque l’interdiction prévue au 1° de l’article 515-11 a été prononcée, le juge aux affaires familiales avise le procureur de la République qui saisit le juge des libertés et de la détention. Celui-ci peut ordonner le port d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement permettant à tout moment de signaler que la partie défenderesse se trouve à moins d’une certaine distance de la partie demanderesse, fixée par l’ordonnance.
La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Cet amendement a pour objet de prévoir l’intervention du juge des libertés et de la détention pour que la mesure électronique mobile anti-rapprochement puisse être prononcée à titre pré-sentenciel dans le cadre d’un contrôle judiciaire.
Un tel dispositif étant par essence attentatoire aux libertés individuelles, il ne peut pas être confié au juge des affaires familiales, même si le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit l’accord du défendeur, afin, justement, de répondre à une telle objection.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mme L. Darcos, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Thomas et Bruguière, MM. Danesi, Dufaut et Daubresse, Mme Noël, M. Regnard, Mmes Dumas et de Cidrac, MM. Cardoux, J.M. Boyer et Duplomb, Mme Deromedi, MM. Grosdidier, Charon, Brisson et Bazin, Mme Lopez, MM. Savary, Chevrollier, Segouin, Saury, Mandelli, Dallier, Huré, Laménie et Rapin, Mme Ramond, M. Bonhomme, Mmes Lassarade et Micouleau, MM. B. Fournier et Bonne et Mmes Garriaud-Maylam et Lanfranchi Dorgal, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 515-11-1. – I. – Lorsque l’interdiction prévue au 1° de l’article 515-11 a été prononcée, le juge aux affaires familiales avise le procureur de la République qui saisit le juge des libertés et de la détention. Le juge des libertés et de la détention peut ordonner, après avoir recueilli le consentement de la victime, le port par chacune d’elles d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement permettant à tout moment de signaler que la partie défenderesse se trouve à moins d’une certaine distance de la partie demanderesse, fixée par l’ordonnance.
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. S’il est admis que le port du bracelet anti-rapprochement peut être décidé à titre pré-sentenciel dans le cadre d’un contrôle judiciaire, il n’est en revanche pas acceptable qu’un tel pouvoir soit confié au juge aux affaires familiales et que la mesure soit prononcée en dehors de toute poursuite pénale.
Le juge aux affaires familiales ne saurait en effet ordonner une telle mesure dans le cadre d’une procédure civile où il n’est question que de « faits de violence allégués ».
Il s’agit d’une prescription attentatoire aux libertés individuelles. Elle doit nécessairement rester de la compétence du juge pénal, après examen et débat contradictoire sur les charges pesant sur l’intéressé.
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol, Lepage et Conconne, M. Courteau, Mmes Blondin et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 515-11-1 – I. – Lorsque l’interdiction prévue au 1° de l’article 515-11 a été prononcée, le juge aux affaires familiales avise alors le procureur de la République qui saisit le juge des libertés et de la détention qui peut ordonner, après avoir recueilli le consentement de la victime, le port par chacune d’elles d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement permettant à tout moment de signaler que la partie défenderesse se trouve à moins d’une certaine distance de la partie demanderesse, fixée par l’ordonnance.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Monsieur le président, même si je comprends que c’est l’application du règlement, je suis quelque peu désarçonnée que nous examinions à la file des amendements dépourvus de rapport entre eux, hormis le fait de porter sur le même article…
M. le président. Ma chère collègue, ces différents amendements font l’objet d’une discussion commune parce que l’adoption de l’un d’entre eux rendrait les autres sans objet.
Veuillez poursuivre.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Comme je l’ai rappelé précédemment, le port du bracelet anti-rapprochement peut être décidé par un juge aux affaires familiales, sachant qu’il faut recueillir l’accord du défendeur, afin de ne pas se trouver face à un problème constitutionnel d’atteinte à la liberté d’aller et venir, puisque nous sommes en phase pré-sentencielle.
Une difficulté se pose. Aujourd’hui, nous le savons, les ordonnances de protection sont assez peu utilisées par les juges aux affaires familiales. En outre, le délai est très court. Le juge ne peut se fonder que sur les allégations de la victime présumée. Cependant, il doit prendre une décision extrêmement préjudiciable, au sens classique du terme, au défendeur.
Or, d’ordinaire, le juge aux affaires familiales n’a pas la compétence d’instaurer des mesures restrictives de liberté de cet ordre. Nous voyons donc bien qu’il y a là une difficulté conceptuelle. Il faudrait se rapprocher de la compétence du juge pénal.
À ce stade, bien que nous en ayons discuté en commission, le sujet n’a pas été creusé plus avant. Toutefois, le Conseil national des barreaux nous a adressé une proposition : lorsque le juge aux affaires familiales envisage de demander un bracelet anti-rapprochement, il saisit le ministère public, qui peut demander au juge des libertés et de la détention, dont c’est le métier, de statuer sur cette mesure.
Cette mesure permettrait de combiner préservation du rôle habituel du juge aux affaires familiales, intervention du parquet dans un domaine où cela a sa logique et recours au juge des libertés et de la détention, compétent dans ce type de domaine.
M. le président. L’amendement n° 31, présenté par Mmes Cohen, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 18, première phrase
Après les mots :
juge aux affaires familiales
insérer les mots :
avise alors le procureur de la République qui saisit le juge des libertés et de la détention qui
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement vise le port du bracelet anti-rapprochement, qui peut être décidé à titre pré-sentenciel.
Du point de vue des victimes, auxquelles nous pensons prioritairement, une telle mesure nous interroge déjà, tant il paraît contestable de maintenir un lien, quel qu’il soit, entre la victime et le conjoint violent. Au demeurant, nous n’en connaissons pas les modalités précises.
D’un point de vue purement juridique, le dispositif pose également question. Les placements sous surveillance électronique relèvent aujourd’hui de la compétence dévolue au juge pénal, dans le cadre de la procédure pénale.
Avec cet article, le juge aux affaires familiales pourra, dès la délivrance de l’ordonnance de protection, prévoir un placement sous surveillance électronique mobile de l’auteur présumé de violences conjugales, alors que l’affaire n’aura pas encore été jugée au fond, mais seulement en urgence.
Nous considérons pour notre part qu’une telle mesure, aussi attentatoire aux libertés individuelles, doit être prononcée par le juge pénal, après examen des charges pesant sur l’intéressé et débat contradictoire.
C’est également ce que relève le Conseil national des barreaux, pour qui le JAF « ne saurait ordonner une telle mesure alors que le dispositif est prévu dans le cadre d’une procédure civile où il n’est question que de “violences vraisemblables” ». En résumé, cette mesure ne peut être prononcée en dehors de toute poursuite pénale.
Nous proposons donc, lorsque le JAF interdit à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes et d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit, qu’il en avise le procureur de la République. Ce dernier saisira alors le juge des libertés et de la détention, lequel pourra ordonner, après avoir recueilli le consentement des deux parties, le port, par chacune d’elle, d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement.
Il s’agit d’être rigoureux dans l’application de telles sanctions, surtout lorsqu’elles sont prononcées à titre pré-sentenciel. Les grands principes de notre droit doivent demeurer, quelle que soit la gravité du sujet traité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. L’amendement n° 101 rectifié, présenté par Mme Costes, a deux objets.
En premier lieu, il vise à assouplir les conditions de délivrance de l’ordonnance de protection, en supprimant les « raisons sérieuses » sur lesquelles le juge doit aujourd’hui se fonder pour estimer la vraisemblance des faits de violences allégués.
Cela ne me semble pas du tout opportun, car l’ordonnance de protection n’est qu’une mesure provisoire, adoptée au terme d’une instruction très réduite. La décision du juge civil repose sur la plausibilité des violences et du danger. Dès lors, il est primordial d’exiger qu’il se prononce sur la base d’éléments sérieux, sauf à risquer de porter gravement atteinte à la présomption d’innocence. Nous sommes donc très opposés à la suppression du critère des « raisons sérieuses ».
En second lieu, cet amendement vise à supprimer le bracelet anti-rapprochement en matière civile, lorsqu’il est prononcé par le JAF, le juge aux affaires familiales. D’autres amendements visent également le même sujet. Sans supprimer le dispositif, les amendements nos 8 rectifié bis, 63 rectifié, 23 et 31 tendent à faire intervenir le procureur de la République et le juge des libertés et de la détention dans la procédure.
Les dispositions de ces amendements diffèrent toutefois sur certains points, les amendements nos 8 rectifié bis, 63 rectifié et 31 ayant pour objet le consentement de la victime au dispositif, ce qui n’est pas le cas de l’amendement n° 23.
Je comprends ces réflexions, car le dispositif soulève des interrogations juridiques et pratiques. Nous pensons toutefois que l’intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) dans le prononcé de la mesure ne constituerait qu’une garantie d’affichage, le cadre juridique n’étant toujours pas, in fine, celui d’une procédure pénale.
Dès lors, même si le JLD pouvait se passer du consentement du défendeur pour ordonner le port du bracelet, la « pose » de celui-ci ne pourrait être effectuée sans son consentement, au risque que la mesure soit clairement inconstitutionnelle. Le dispositif se heurterait alors à la même impasse, si j’ose dire, que le texte de la proposition de loi : quelle serait l’alternative ? En matière pénale, cela peut être l’incarcération, mais, à l’évidence, pas en matière civile…
Nous estimons néanmoins que ce nouvel outil sera bénéfique pour assurer une protection accrue des victimes de violences conjugales. Pour surmonter les obstacles juridiques de principe, le juge aux affaires familiales ne peut se passer du consentement du défendeur. Il appartiendra ensuite aux juridictions de donner toute sa portée à cette mesure.
Je rappelle d’ailleurs que la délivrance d’une ordonnance de protection ne peut in fine se substituer à la voie pénale, la seule efficace pour assurer la répression des infractions.
L’avis de la commission est donc défavorable aux amendements nos 101 rectifié, 8 rectifié bis, 63 rectifié, 23 et 31.
L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Laure Darcos, tend à réduire à trois jours le délai dans lequel l’ordonnance de protection est délivrée.
Calqué sur le modèle espagnol, le délai de 72 heures semble déjà très court pour permettre aux juridictions de se prononcer en respectant les exigences du contradictoire. Au demeurant, la comparaison qui est faite régulièrement avec le modèle espagnol n’est pas complètement pertinente, l’Espagne ayant créé des juridictions spécialisées en matière de violences conjugales – nous y reviendrons peut-être, madame la garde des sceaux – composées de juges disposant de prérogatives en matière pénale et civile.
Toute tentative de transposition se heurte donc à des difficultés un peu lourdes, auxquelles la proposition de loi a tenté de remédier en imposant un délai de six jours, déjà bien plus court que le délai moyen actuel de quarante-deux jours.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
L’amendement n° 29, présenté par Mme Cohen, tend à fixer le point de départ du délai de six jours dans lequel doit être délivrée l’ordonnance de protection à compter de la saisine du juge aux affaires familiales.
Je comprends cette idée, qui était aussi, à l’origine, celle de l’auteur de la proposition de loi. Toutefois, ce délai semble objectivement peu réaliste, eu égard à la pratique judiciaire qui nous a été présentée lors des auditions par les magistrats ou les représentants d’associations de victimes.
La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale permet de conserver ce délai de six jours, tout en laissant au magistrat une plus grande souplesse dans la détermination du point de départ du délai.
Nous préférons donc en rester sur ce point au texte adopté par la commission et émettons un avis défavorable sur l’amendement n° 29.
L’amendement n° 56 rectifié, présenté par Marie-Pierre de la Gontrie, vise à rendre alternatives et non plus cumulatives les conditions de faits de violence allégués et de danger pour la délivrance d’une ordonnance de protection. Or il est important que le magistrat évalue le danger auquel la victime potentielle de violences conjugales est exposée avant de prononcer certaines mesures de protection, telles que l’éviction du domicile du conjoint ou l’interdiction de contact.
Là encore, tout comme la notion de « raisons sérieuses », celle de « danger » permet d’assurer la proportionnalité de mesures attentatoires aux libertés prononcées dans un cadre civil.
En outre, comme l’indique le guide publié par la Chancellerie en juillet dernier sur l’ordonnance de protection, la violence « vraisemblable » constitue un danger en tant que tel. Le danger s’apprécie au sens large et ne doit pas se limiter à la notion de « danger actuel ».
L’avis est donc défavorable sur l’amendement n° 56 rectifié.
L’amendement n° 57 rectifié vise à inclure les violences psychologiques parmi les violences alléguées susceptibles de justifier la délivrance d’une ordonnance de protection. Il est déjà satisfait par le droit en vigueur, les violences visées à l’article 515-11 du code civil faisant écho aux diverses incriminations du code pénal. La définition actuelle des violences inclut donc bien les violences psychologiques mentionnées à l’article 222-14-3 du code pénal.
À cet égard, le guide de la Chancellerie mentionne explicitement les violences psychologiques, avec les violences sexuelles ou physiques, comme susceptibles de relever de l’ordonnance de protection. L’effet d’une telle mesure risquerait en outre d’être contre-productif : dès lors que l’on énumère des catégories, on risque d’en oublier ou de créer des a contrario.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Laure Darcos, tend à préciser que l’ordonnance de protection peut être délivrée même si le couple ne cohabite pas. Son intention est satisfaite par l’article 1er bis du texte, par lequel la commission des lois a modifié l’article 515-10 du code civil.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 101 rectifié, présenté par Mme Costes, qui tend à supprimer les termes « raisons sérieuses ».
En fait, cette expression rappelle la nécessité pour le juge d’apprécier objectivement la vraisemblance des violences alléguées et ne limite absolument pas le recours à l’ordonnance de protection.
D’autres raisons, en revanche, limitent le recours à cette mesure par les juges aux affaires familiales, notamment la manière dont sont rédigés les certificats médicaux. Je vais travailler sur ce sujet capital avec ma collègue Agnès Buzyn.
Sur le bracelet anti-rapprochement ordonné par le JAF, il me semble que le texte est parvenu à un point d’équilibre. Il s’agit ici non pas d’une mesure pénale, mais d’une mesure civile ; le port du bracelet est limité aux situations dans lesquelles le défendeur donne son accord, ce qui limite les problèmes constitutionnels potentiels de cette mesure.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Darcos nous a proposé, dans un grand mouvement généreux et enthousiaste, de réduire le délai de six jours à trois jours… J’ai bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel.
Toutefois, comme l’a rappelé Mme le rapporteur, il existe un principe constitutionnel de respect des droits de la défense, lui-même complété par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Bien entendu, le défendeur doit pouvoir disposer d’un délai suffisant pour préparer sa défense, ce qui me semble assez difficilement compatible avec un délai de soixante-douze heures.
Je rappelle que l’ordonnance de protection, si elle est accordée, produit des effets importants, qui peuvent aller jusqu’à l’expulsion du défendeur de son logement. Il faut donc, dans cette procédure comme dans tout autre, être en mesure de présenter sa défense.
L’amendement n° 29, présenté par Mme Cohen, vise à prendre comme point de départ du délai de six jours, non pas la date d’audience, mais la requête de la victime auprès du JAF.
La proposition est intéressante, mais elle pose des difficultés d’ordre procédural, la requête étant, en procédure civile, l’un des modes particuliers de saisine du tribunal, qui ouvre un délai pour convoquer le défendeur à l’audience.
Considérer la requête comme point de départ du délai de six jours serait assez difficilement compatible avec la convocation du défendeur par lettre recommandée avec accusé de réception, qui ouvre elle-même un délai de quatre jours. Le délai commencerait donc à courir avant même que le défendeur n’ait connaissance de la procédure. Vous avez certes adopté la convocation administrative pour résoudre ce problème, mais il me semble néanmoins que cette proposition est assez complexe à mettre en œuvre.
Madame de la Gontrie, vous avez souhaité, dans l’amendement n° 57 rectifié, préciser que les violences alléguées pouvaient viser les violences psychologiques de l’article 222-14-3 du code pénal.
En réalité, la définition des violences visées à l’article 515-9 du code civil est suffisamment large pour permettre au juge aux affaires familiales de l’appliquer à tout type de violence. Dans la réalité, 70 % des demandeurs qui obtiennent une ordonnance de protection dénoncent des violences psychologiques. Il n’y a donc aucun obstacle juridique à la délivrance d’une telle ordonnance dans ces situations.
L’amendement n° 56 rectifié vise à rendre alternatives et non plus cumulatives les conditions de délivrance de l’ordonnance de protection, à savoir les violences vraisemblables et le danger. Là encore, il me semble nécessaire de conserver cette double exigence, véritable fondement de cette procédure dérogatoire et d’urgence. Ce caractère cumulatif permet d’éviter toute disproportion des mesures prises, compte tenu de l’urgence dans laquelle elles sont prononcées.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur cet amendement.
Madame Darcos, au travers de l’amendement n° 2 rectifié bis, vous évoquez l’idée que la notion de danger peut être caractérisée même lorsque les parties ne vivent pas sous le même toit.
J’émettrai un avis de sagesse sur cet amendement, dont je comprends évidemment le sens. La cohabitation n’est pas une condition du danger. Les députés comme la commission des lois du Sénat ont estimé nécessaire de le préciser clairement dans la loi. Vous souhaitez être encore plus précise ; je ne crois pas que cela soit nécessaire, mais cela peut s’entendre.
Enfin, les auteurs de l’amendement n° 23 et des amendements suivants craignent que la procédure du bracelet anti-rapprochement ne soit inconstitutionnelle, car trop attentatoire aux libertés pour être prononcée dans le cadre d’une procédure civile. Tel n’est pas notre sentiment.
Je rappelle que le bracelet anti-rapprochement, qui peut être prononcé à différents stades de la procédure civile – en pré-sentenciel, pendant le contrôle judiciaire ou en post-sentenciel –, ne constitue pas une peine au sens pénal du terme, qui serait prononcée à l’encontre de l’auteur des faits. Il s’agit en réalité d’une mesure de protection envers une victime en danger.
La rédaction proposée me semble donc conforme à la Constitution. Ce dispositif est prononcé non pas de plein droit à la demande d’une partie, mais lorsqu’il y a une situation de danger et de violence vraisemblable. Le bracelet permet d’empêcher la réitération des faits, mais ne vise pas à sanctionner le défendeur. Intellectuellement, ce n’est donc pas une peine au sens classique du terme. Je le répète, c’est non pas une procédure pénale qui justifierait l’intervention du JLD, mais une mesure de protection.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que le défendeur puisse donner son accord. En cas de refus, le JAF saisit le procureur de la République, qui peut alors enclencher l’ensemble des outils à sa disposition – contrôle judiciaire, garde à vue, etc.
Je suis donc défavorable aux amendements nos 23, 8 rectifié bis, 63 rectifié et 31, qui me semblent être une source inutile de complexité.
Pour conclure, si l’ordonnance de protection est un outil extraordinairement précieux, je conseillerais d’abord à une femme victime de violences ou qui a des raisons de redouter un grave danger de porter plainte au pénal. Une réponse peut alors intervenir en quarante-huit heures, grâce à la comparution immédiate, contre un délai de six jours pour l’ordonnance de protection. Ne confondons pas les deux procédures.
L’ordonnance de protection est faite pour organiser la vie familiale en cas de violences vraisemblables et de danger, mais, si vraiment il existe un danger imminent, n’oublions pas la voie pénale, qui permet au juge de donner une réponse encore plus rapide, au moyen de la comparution immédiate ou d’autres procédures.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote sur l’amendement n° 101 rectifié.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Si nous adoptions cet amendement, tous les autres deviendraient sans objet, et le dispositif pré-sentenciel du bracelet anti-rapprochement serait supprimé.
C’est pourquoi notre groupe votera contre cet amendement.
M. le président. Madame Darcos, l’amendement n° 1 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Laure Darcos. Je vais retirer cet amendement d’appel. Toutefois, l’Espagne arrive à concilier pénal et civil, et c’est sans doute une piste à creuser, même si nous n’avons pas les mêmes conceptions de la justice dans notre pays. Il y a toujours urgence dans ces situations, et 72 heures, en cas de menace mortelle, c’est toujours 71 heures de trop !
Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 29.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 57 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 21 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 89 |
Contre | 253 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 56 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Madame Darcos, l’amendement n° 2 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Laure Darcos. Non, je le retire, monsieur le président, Mme le rapporteur ayant indiqué qu’il était satisfait.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis est retiré.
Madame Cartron, l’amendement n° 23 est-il maintenu ?
Mme Françoise Cartron. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 23 est retiré.
Madame Darcos, l’amendement n° 8 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Laure Darcos. Oui, je le maintiens, monsieur le président, même si je ne souhaite pas engager la responsabilité de mes cosignataires, qui sont absents.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote sur l’amendement n° 8 rectifié bis.
M. Jacques Bigot. Comme l’a souligné Mme la garde des sceaux, cet amendement tend à introduire une confusion entre le rôle du juge aux affaires familiales et la procédure pénale.
Si les violences sont avérées et la victime en danger, le plus efficace est l’intervention du procureur de la République.
Historiquement, l’ordonnance de protection était un préalable à l’ordonnance de non-conciliation et permettait de prendre des mesures d’urgence, pour qu’une épouse puisse se protéger et protéger ses enfants, en quittant le domicile conjugal ou, désormais, en se voyant attribuer le logement.
Vous avez affirmé, madame la garde des sceaux, que l’intérêt de cette proposition de loi résidait dans la possibilité d’inclure le bracelet grand danger dans l’ordonnance de protection. Mais, ce faisant, on donne une illusion aux victimes.
En effet, si l’auteur des faits supposés accepte le bracelet anti-rapprochement, il reconnaît d’une certaine manière sa responsabilité, sauf à prétendre qu’il le fait uniquement pour se protéger de la menace que représente son épouse… Ce n’est pas très sérieux, d’autant que le texte prévoit, en cas de refus, que le juge aux affaires familiales saisit le procureur de la République. Selon moi, une procédure pénale devrait dans tous les cas être engagée en cas de violences suffisamment graves. Nous sommes en pleine confusion des genres !
Une mesure coercitive à l’égard de l’auteur des faits doit être ordonnée selon les procédures pénales prévues par la loi, que cela passe par un juge d’instruction, par un juge des libertés et de la détention ou par une décision du tribunal correctionnel dans le cadre d’une comparution immédiate.
Cet amendement et les suivants tendent à s’inscrire dans une logique claire. Ne faisons pas croire aux victimes que l’ordonnance de protection peut se substituer à la procédure pénale. De surcroît, il me paraît illusoire de penser que le JAF obtiendra facilement le consentement de l’auteur.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 22 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 114 |
Contre | 215 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 63 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 102 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Après la même première phrase est insérée une phrase ainsi rédigée : « En cas d’un signalement établi par le membre d’une unité hospitalière dédiée à la lutte contre les violences conjugales, d’un chef d’établissement scolaire ou d’une infirmière scolaire, les violences et le danger sont réputés établis. » ;
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Comme nous l’avons souligné précédemment et comme cela a été pointé lors du Grenelle toujours en cours, nous déplorons que le recours à l’ordonnance de protection soit si rare au regard du nombre estimé des violences conjugales.
Selon le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 2 958 ordonnances ont été demandées en 2015, alors que le nombre de femmes âgées de 18 à 75 ans victimes de telles violences au cours d’une année est estimé à 219 000.
Bien sûr, les raisons de cette faible réussite sont multiples et peuvent découler aussi du découragement des parties demanderesses. Toutefois, la difficulté de prouver l’existence de violences vraisemblables paraît excessivement dissuasive. En parallèle, nous savons qu’il existe un certain nombre de dysfonctionnements dans les systèmes d’alerte et que les signaux faibles des violences familiales ne sont pas utilisés comme il le faudrait.
Ainsi, les personnels des hôpitaux et de l’éducation nationale qui en constatent les stigmates sur les corps des enfants ou des femmes, en particulier celles qui sont suivies pendant leur grossesse, moment de vulnérabilité toute particulière, éprouvent parfois des difficultés à agir au secours de ces personnes.
Nous savons que des propositions sont à l’étude, notamment la possibilité de déposer plainte à l’hôpital – cette possibilité pourrait être étendue aux infirmeries scolaires. Là encore se pose une question budgétaire importante.
Nous proposons donc une solution alternative qui permettrait de mettre en contact le JAF, chargé de l’ordonnance de protection, et ces témoins de violences ou de leurs effets, afin qu’ils puissent utilement contribuer à la sécurisation des victimes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement a pour objet que les faits de violence et la situation de danger, qui sont des conditions nécessaires pour que le juge aux affaires familiales délivre une ordonnance de protection, soient réputés établis en cas de signalement effectué par un professionnel de santé travaillant dans une unité hospitalière spécialisée, par un chef d’établissement scolaire ou par une infirmière scolaire.
Il est vrai que les professionnels de santé et les personnels de l’éducation nationale sont bien placés pour repérer les situations de violences intrafamiliales, dont peuvent être victimes les femmes et les enfants. Un signalement effectué par l’un de ces professionnels est un élément d’appréciation important, qui mérite d’être porté à la connaissance du juge.
Il me semble cependant que l’on ne peut pas donner à ces signalements les effets juridiques envisagés par l’amendement. En effet, tous les éléments du dossier doivent être débattus contradictoirement ; c’est un principe fondamental qui découle du droit à un procès équitable. On ne peut donc pas considérer que les violences ou le danger sont établis dès le stade du signalement.
Un professionnel peut procéder à un signalement, parce qu’il a un doute et qu’il souhaite que des vérifications soient effectuées soit par les services enquêteurs, soit par ceux de la protection de l’enfance. Le signalement n’est donc pas suffisant par lui-même pour considérer que des violences ont été commises.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Costes, l’amendement n° 102 rectifié est-il maintenu ?
Mme Josiane Costes. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 102 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 23 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 241 |
Pour l’adoption | 21 |
Contre | 220 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 58 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol et Lepage, M. Courteau, Mmes Blondin, Conconne et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et les mots : « est compétent pour » sont remplacés par les mots : « se prononce sur chacune des mesures suivantes »
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. L’article 515-11 du code civil prévoit que, à l’occasion de la délivrance de l’ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales est compétent pour statuer sur plusieurs mesures. De fait, cette rédaction rend facultative la décision de statuer sur telle ou telle mesure de protection permise par l’ordonnance.
Cet amendement a pour objet de renforcer l’efficacité de l’ordonnance de protection. Nous proposons que le juge statue effectivement sur chacune des mesures ouvertes dans ce cadre.
Cela peut être nécessaire notamment pour les mesures relatives aux enfants ou à l’autorité parentale et pour celles permettant à la victime de dissimuler son identité, mais aussi pour ce qui concerne le logement ou l’interdiction pour le défendeur de recevoir ou de rencontrer des personnes, autant de mesures qui peuvent parfois ne pas être étudiées par le juge, alors qu’elles pourraient s’avérer utiles, pour ne pas dire très importantes, s’agissant des enfants et de l’autorité parentale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que le juge aux affaires familiales statue obligatoirement sur chacune des mesures qu’il peut prononcer dans le cadre de l’ordonnance de protection, sans même avoir été saisi par les parties.
Cette proposition pose des difficultés, puisque, en principe, le juge civil ne peut statuer que sur des demandes qui ont été formulées et ayant fait l’objet d’un débat contradictoire.
Le texte adopté à l’Assemblée nationale et conservé par notre commission des lois a permis d’aboutir à un point d’équilibre entre ce que la procédure permet et le souhait de voir le juge se prononcer davantage sur le panel des mesures de l’ordonnance de protection. Lors de l’audience, le juge qui dirige les débats demandera aux parties si elles ont des observations sur tel ou tel point afin de pouvoir en être saisi et, le cas échéant, ordonner une des mesures, si elle est utile.
Cette disposition nous semble satisfaisante. C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne saurais mieux dire que Mme le rapporteur ! En réalité, madame la sénatrice, le souhait qui sous-tend cette proposition est satisfait, me semble-t-il.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Madame Rossignol, l’amendement n° 58 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laurence Rossignol. Très franchement, je ne comprends pas en quoi le fait d’écrire que le juge « se prononce sur chacune des mesures suivantes » porterait davantage atteinte au contradictoire que la rédaction actuelle, selon laquelle le juge « est compétent ». Je ne crois pas que ce soit le bon argument à l’encontre de cet amendement – le contradictoire n’est pas le sujet.
Je voudrais rappeler à Mme le rapporteur et à Mme la garde des sceaux que, si nous débattons aujourd’hui de ces sujets, c’est que la rédaction actuelle du dispositif de l’ordonnance de protection et son application par les juges ne permettent pas d’atteindre les objectifs fixés par le législateur en 2010. C’est parce que cela ne marche pas que nous essayons de faire mieux !
Tout à l’heure, déjà, vous avez refusé que la double exigence de danger et de violence soit remplacée par une exigence simple, soit d’un danger, soit d’une violence. Pourtant, les avocats spécialisés sont nombreux à nous dire que cette condition cumulative est souvent utilisée par les juges pour refuser des ordonnances de protection.
Avec cet amendement, nous demandons que le juge aux affaires familiales se prononce sur chacune des dispositions possibles. Cela ne signifie pas que nous l’obligeons à les prendre toutes ! Il doit simplement les examiner.
Si l’ordonnance de protection était utilisée par les JAF au maximum de son potentiel, nous ne serions pas en train de discuter de cette proposition de loi. Soyez donc un peu souple, et rappelons-nous ce pour quoi nous sommes réunis aujourd’hui : améliorer un texte qui a manifestement besoin de l’être ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice, nous discutons du texte adopté par votre commission des lois à partir de celui qui a été transmis par l’Assemblée nationale. Nous débattons donc bien d’un texte nouveau, qui n’est pas encore en vigueur.
Votre amendement vise à remplacer les mots « est compétent » par les mots « se prononce sur chacune des mesures suivantes ». Vous demandez donc au juge, d’une certaine manière, de statuer ultra petita, ce qui va au-delà des principes qui régissent aujourd’hui notre procédure civile.
Il me semble que la rédaction trouvée par la commission est bien plus équilibrée.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Finalement, la question est de savoir si nous voulons faire en sorte que la victime soit effectivement protégée !
Je rappelle que les victimes peuvent saisir le juge seules, sans l’aide d’un avocat, éventuellement avec le concours d’une association qui peut les aider à rédiger leur dossier.
Si, comme vous le dites, madame la garde des sceaux, nous en restons au principe de l’ultra petita, le juge ne pourra pas se prononcer sur certaines mesures de protection, dans le cas où la victime ne les aurait pas visées explicitement dans sa demande. Cela me semble contradictoire avec la volonté de protéger la victime.
Le dispositif de l’ordonnance de protection renvoie à un texte précis, où sont énumérées les mesures possibles que peut prendre le juge. Ne pourrions-nous décider que la seule demande d’une telle ordonnance de protection permet au juge d’apprécier, sur la base de ce texte, les mesures à prendre ?
Dans une procédure pénale, la décision du juge ou du procureur aiderait la victime, mais les règles habituelles des procédures civiles – le juge ne peut pas se prononcer sur une mesure qui n’est pas demandée par le plaignant – ne vont pas dans le sens des victimes de violences conjugales, sauf à considérer que la seule demande de protection permet au juge de prendre toutes les mesures nécessaires. C’est d’autant plus vrai que le texte qui organise l’ordonnance de protection fixe précisément ces mesures.
Si nous voulons effectivement protéger les victimes, et ne pas faire semblant de le faire, nous devons aller dans ce sens !
Mme Laurence Rossignol. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 58 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 24 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 109 |
Contre | 219 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 120, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements tendant à imposer au juge des obligations supplémentaires de motivation. Cela ne me semble pas pertinent au regard de l’obligation de motivation générale qui pèse déjà sur les juges pour tout jugement.
C’est pourquoi je vous propose, par cet amendement, de revenir sur l’obligation de motivation spéciale en cas de refus de prononcer l’interdiction de port d’arme, lorsqu’une interdiction d’entrer en contact avec la victime ou les enfants est prononcée.
Dans la rédaction du texte qui vous est soumis, le juge a l’obligation de recueillir, nous venons de le voir à l’instant, les observations des parties sur ce point. Il sera donc obligé de statuer et, par définition, de motiver sa décision. L’obligation de motivation spéciale m’apparaît donc sans objet.
J’ajoute que, sur ce sujet précis des armes, ce qui compte, c’est l’effectivité de l’interdiction d’acquérir ou de porter une arme. C’est pour cette raison que je vous proposerai tout à l’heure un amendement permettant d’inscrire cette interdiction dans un fichier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’obligation pour le JAF de motiver spécialement sa décision s’il ne prononce pas l’intégration du port d’arme.
Même avec cette précision, le juge n’aurait évidemment aucune obligation de prononcer l’interdiction – je ne vois donc pas de difficulté particulière. Le principe de la motivation spéciale existe en droit civil et est fréquent en droit pénal. Je ne crois donc pas que cela affaiblisse le principe général de motivation.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 59 rectifié, présenté par Mmes Conconne, de la Gontrie, Rossignol et Lepage, M. Courteau, Mmes Blondin et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
Remplacer les mots :
une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ou un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes
par les mots :
un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes ou une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Mme Catherine Conconne. Cet amendement peut paraître de pure forme, mais il a toute son importance.
Toutes les associations de protection de femmes, mais aussi les professionnels du droit et les représentants du parquet que j’ai auditionnés pour préparer ce texte, m’ont dit que le stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple était rarement prescrit dans le cadre des ordonnances de protection. Pourtant, nombre d’acteurs estiment que ce stage est une très bonne mesure et qu’il donne des résultats extrêmement intéressants.
Cet amendement, qui vise à reprendre le souhait exprimé devant moi par toutes les personnes que j’ai rencontrées, a donc pour objet d’inscrire ce stage en premier, avant la prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique.
Je le redis, il pourrait être considéré comme de pure forme, mais il peut permettre d’assurer la promotion de ces stages. Il s’agit finalement de montrer dans la loi l’importance de ces stages, qui sont – hélas ! – rarement proposés, alors qu’ils constituent un élément important pour que l’auteur des faits prenne conscience de la gravité de ses actes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à inverser l’ordre des mots de l’alinéa 9 pour montrer l’importance des stages de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes.
Vous avez raison, ces stages sont importants, mais pas davantage que la prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique, et je ne vois pas vraiment l’utilité d’une telle modification.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Mon constat est le même que celui de Mme le rapporteur, mais, comme l’adoption de cet amendement ne changerait finalement pas grand-chose, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Madame Conconne, l’amendement n° 59 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Conconne. Cette demande a été récurrente lors de mes auditions, et j’ai promis aux personnes que j’ai rencontrées de déposer un tel amendement. Je tiens ma parole !
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 25 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 110 |
Contre | 219 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 121, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 11 et 13, premières phrases
Supprimer les mots :
sur ordonnance spécialement motivée,
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons que celles que j’ai évoquées à l’instant, cet amendement vise également à supprimer une obligation de motivation spéciale, qui concerne cette fois le refus d’attribuer le logement à la victime de violences.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement, comme le précédent déposé par le Gouvernement, vise à éviter au juge de motiver spécialement sa décision lorsqu’il ne prend pas certaines mesures.
Pour les mêmes raisons que celles que j’ai évoquées tout à l’heure, l’avis est défavorable.
M. le président. L’amendement n° 81 rectifié, présenté par Mmes Préville et Lepage, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Si le conjoint qui n’est pas l’auteur de violences a accepté de laisser le domicile à son conjoint, il bénéficie d’un délai de rétractation de quinze jours.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Mes chers collègues, avec cet amendement, nous vous invitons à vous pencher sur un moment très particulier pour la victime, celui où celle-ci décide de quitter son logement familial ou de le laisser à son conjoint violent.
Nombre de victimes quittent leur domicile ou acceptent devant le juge aux affaires familiales de le faire pour mettre fin à une situation qui dure depuis trop longtemps et, ainsi, pour se mettre à l’abri. Dans l’urgence, il s’agit bien de cela : se mettre à l’abri, s’éloigner. Mais, au fil des jours, la victime mesure les conséquences dans le temps de ne pas être chez soi.
Or cette situation peut être très préjudiciable pour les victimes et leurs enfants ; il est très déstabilisant d’être dans une itinérance forcée, le temps que le délai soit accordé au mari de quitter le domicile ou que l’affaire soit réglée.
Cette itinérance forcée dans une association, chez des amis ou dans la famille remet en cause, d’une certaine manière, la légitimité de la victime, notamment du point de vue de ses enfants adolescents. Lorsqu’elle n’est plus dans le logement familial, la victime perd quelque chose de très important. En outre, des difficultés matérielles peuvent s’ajouter à cette situation.
C’est pour cette raison que je propose, via cet amendement, de donner à toute personne victime de violences le bénéfice d’un délai de rétractation de quinze jours pour revenir sur sa décision de laisser le domicile à son conjoint. Il s’agit uniquement de laisser la possibilité à la victime de se raviser et de dire finalement qu’elle préfère rester dans le logement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que la partie demanderesse dispose d’un délai de rétractation de quinze jours si elle a accepté de laisser le domicile au conjoint auteur des violences dans le cadre de l’ordonnance de protection.
Outre le fait qu’il ne concernerait que les époux et non les partenaires de PACS ou les concubins, ce qui pose déjà un problème d’égalité, cet amendement ne me semble pas opérationnel. L’attribution de la jouissance du logement à la victime de violences est le principe, si la victime en fait la demande.
En outre, l’article 515-12 du code civil répond déjà à votre demande. Il permet en effet que le juge prenne de nouvelles mesures, à tout moment, à la demande du ministère public ou de l’une des parties. La victime pourra, dans ce cadre, formuler la demande d’attribution du logement qu’elle n’aurait pas formulée initialement. Elle a le droit de changer d’avis !
La commission demande donc le retrait de cet amendement, qui est satisfait par le droit en vigueur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Préville, l’amendement n° 81 rectifié est-il maintenu ?
Mme Angèle Préville. Non, je vais le retirer, monsieur le président, mais nous devons être sensibles au fait qu’il n’est pas facile pour une victime d’aller devant le juge aux affaires familiales. Cela ne l’est pas davantage quand il s’agit d’y retourner, comme le droit en vigueur le permet, selon les explications que vient de donner Mme le rapporteur.
Cet amendement visait en fait à faciliter les choses pour la victime, en apportant de la souplesse au dispositif juridique. Quoi qu’il en soit, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 81 rectifié est retiré.
L’amendement n° 61 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol, Lepage et Conconne, M. Courteau, Mmes Blondin et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le contrat de location du logement d’une personne qui n’a pas commis de violences, et au bénéfice de qui a été attribuée la jouissance du logement commun ou conjugal, ne peut être rompu ou résilié qu’avec son accord exprès.
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. L’ordonnance de protection permet d’attribuer la jouissance du logement à la victime présumée, si celle-ci en fait la demande, et l’éviction du conjoint auteur de violences.
Or actuellement, très souvent, dans l’hypothèse où ce dernier est seul titulaire du bail de location du logement commun, il peut demander au propriétaire la résiliation du contrat.
Cet amendement vise à s’assurer que le conjoint ou ex-conjoint violent ne puisse dénoncer le contrat de bail, le bailleur ne pouvant rompre celui-ci qu’avec l’accord exprès de la victime qui occupe le logement.
Ainsi, l’ordonnance de protection produirait des effets opposables au propriétaire bailleur du logement occupé par la victime et éviterait à celle-ci de se retrouver sans logement, à l’opposé de l’objectif de cette proposition de loi. Il est malheureusement trop fréquent que les victimes se retrouvent sans logement, sans financement, sans rien du tout.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à empêcher le conjoint violent, unique titulaire du bail, de résilier celui-ci si le logement a été attribué à la victime par le JAF. Il pose plusieurs difficultés.
Le dispositif fait mention du « logement commun ou conjugal ». Or les époux sont automatiquement cotitulaires du bail : dans cette hypothèse, aucune résiliation unilatérale du bail n’est possible.
Les partenaires d’un PACS peuvent également être cotitulaires du bail, s’ils l’ont demandé, mais cela n’est pas automatique.
La disposition que vous proposez ne peut être applicable envers le bailleur : celui-ci n’a pas connaissance des décisions judiciaires et, surtout, il n’a aucune relation contractuelle avec la personne qui n’est pas titulaire du bail.
En tout état de cause, une personne victime de violences à laquelle le JAF attribuerait la jouissance du logement ne pourrait pas être expulsée du logement, cette mesure ne pouvant être prononcée que par un juge. La victime bénéficiaire d’une ordonnance de protection ne serait pas considérée sans droit ni titre, et il n’est pas imaginable qu’un magistrat prononce l’expulsion dans ce cas-là.
Je vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable, ma chère collègue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis. J’ajoute que, dans le cadre du Grenelle des violences conjugales, des groupes de travail se sont saisis de cette question, qui mérite une expertise un peu plus approfondie. Nous sommes en train d’y travailler.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Si les conjoints sont mariés, il n’y a pas de souci, la cotitularité étant de droit. Avec cet amendement, nous avons voulu viser les personnes pacsées, qui peuvent ne pas avoir demandé la cotitularité au bailleur, et les concubins. Certes, le bailleur n’est pas censé avoir connaissance de la situation, mais il s’agit là d’une ordonnance de protection, intervenue dans l’urgence, et qui n’a pas vocation à s’appliquer très longtemps. Il faudra régulariser la situation à l’égard du propriétaire. Ce qui est sûr, c’est que l’homme violent, déjà auteur de violences, y compris psychologiques, pourra s’empresser de résilier le bail pour se venger de la décision. La victime se trouvera alors sans droit ni titre, s’il s’agit d’un pacsé non cotitulaire ou d’une concubine non déclarée.
À mon sens, cet amendement se justifie totalement. Madame la garde des sceaux, je vous demande donc de lui donner un avis favorable, quitte à ce que le dispositif soit amélioré d’ici à la commission mixte paritaire. En tout cas, ici, au Sénat, nous cherchons à toujours mieux protéger la victime.
M. le président. L’amendement n° 41 rectifié bis, présenté par Mmes Lepage, Rossignol, Monier, Meunier et Jasmin, M. Antiste, Mme Artigalas, M. Jacques Bigot, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny, Mme Guillemot, M. Mazuir, Mmes Préville et Tocqueville et MM. Vallini et Vaugrenard, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
….) Après le même 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Autoriser la partie demanderesse à la désolidarisation du crédit immobilier contracté avec la partie défenderesse ; »
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Dans le cadre de l’ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales est amené à se prononcer sur l’attribution du logement commun. Cet amendement a pour objet de lui permettre de se prononcer également sur la possibilité de se désolidariser des dettes liées au remboursement d’un emprunt cocontracté avec l’auteur présumé des violences.
Les représentants des associations que nous avons entendus en amont de l’examen de ce texte nous ont décrit de nombreuses situations où l’auteur des violences organise son insolvabilité pour faire perdurer une forme d’emprise sur sa victime et la maintenir dans une situation difficile. Afin d’éviter ce cas de figure, il serait souhaitable que le JAF puisse se prononcer sur la possible désolidarisation des dettes liées à un crédit immobilier, sous réserve, bien entendu, de l’acceptation de la banque.
Cette disposition rendrait trois services majeurs aux victimes de violences conjugales.
Tout d’abord, celles-ci seraient informées de cette faculté, qu’elles ignorent bien trop souvent. Par ailleurs, elles pourraient justifier et appuyer leur demande auprès de leur établissement bancaire. Enfin, les situations d’organisation d’insolvabilité par un auteur de violences conjugales pourraient être prévenues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Le présent amendement a pour objet de permettre au JAF d’autoriser la victime à se désolidariser d’un éventuel crédit immobilier souscrit avec la partie défenderesse.
Je comprends votre intention, ma chère collègue, mais la rédaction de votre amendement est trop large : son adoption conduirait à libérer la victime d’une partie des obligations qui lui incombent et les effets de la disposition ne sont pas très bien mesurés. S’il s’agit de prévoir que la victime ne rembourse pas sa part de l’emprunt pendant la durée de l’ordonnance de protection, cela ne signifie pas pour autant qu’elle serait libérée de la charge de la dette. Qu’en serait-il ensuite de la propriété du logement ?
En revanche, ce qui est certain, et cela répond peut-être mieux à votre attente, c’est le droit en vigueur, confirmé par la proposition de loi. En effet, lorsque le JAF attribue la jouissance du logement à la victime, il peut aussi mettre à la charge du conjoint violent les frais afférents à ce logement. Parmi ces frais figure le remboursement du prêt immobilier.
Comme pour l’amendement précédent, demande de retrait ou avis défavorable de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Claudine Lepage. Dans ces conditions, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 41 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 60 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie, Lepage et Conconne, M. Courteau, Mmes Blondin et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 14 et 15
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
d) Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° Examiner la suspension provisoire de l’autorité parentale du défendeur jusqu’à ce que le juge ait statué au fond sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Le cas échéant, la décision de ne pas suspendre l’autorité parentale de l’auteur des violences est spécialement motivée, et le juge se prononce sur les modalités du droit de visite et d’hébergement au sens de l’article 373-2-9 ; »
…) Après le même 5°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Se prononcer, le cas échéant et y compris si la suspension de l’autorité parentale prévue au 5° est prononcée, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l’aide matérielle au sens de l’article 515-4 pour les partenaires d’un pacte civil de solidarité et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants ; »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Je rappelle que nous avons précédemment adopté des amendements aux termes desquels le juge est compétent pour examiner toute une série de demandes dans le cadre de l’ordonnance de protection, même s’il n’est pas obligé de se prononcer systématiquement sur chacune.
Avec cet amendement, nous souhaitons introduire un item supplémentaire pour prévoir que le juge est aussi compétent pour examiner la suspension de l’autorité parentale pendant la durée de l’ordonnance de protection.
Pourquoi ? Tous ceux qui connaissent le mécanisme des violences faites aux femmes savent que les enfants sont des enjeux majeurs dans les violences intervenant après la séparation. La coéducation, l’autorité parentale conjointe, bref tout ce qui relève des décisions concernant les enfants peut en être à l’origine.
Comme l’ordonnance de protection est provisoire, nous proposons de l’assortir d’une autre disposition provisoire, à savoir la suspension de l’autorité parentale, ce qui permettrait de renforcer l’étanchéité créée par le juge au moyen des mesures d’éloignement, d’éviction du conjoint, d’interdiction de paraître ou de fréquenter des lieux dans lesquels la victime se présente, pour que les enfants ne soient pas un prétexte de contournement. L’école et ses alentours sont des endroits propices pour s’approcher de la victime et continuer à la harceler.
M. le président. L’amendement n° 122, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement demande la suppression de l’obligation de motivation spéciale concernant le refus de prononcer l’exercice du droit de visite dans un espace de rencontre.
M. le président. L’amendement n° 117 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
. Lorsque le juge l’estime nécessaire, il peut demander un compte rendu du détail des rencontres ;
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Lorsque des violences existent au sein d’un couple, il n’est malheureusement pas rare qu’elles atteignent les enfants, soit indirectement, du fait de leur rôle de témoins, soit directement, étant eux-mêmes victimes de coups.
En outre, tous les rapports d’expertise établissent un lien clair entre la violence subie au moment du développement d’un enfant et le futur comportement de ce dernier en tant qu’adulte. Sans que la causalité soit absolue, il est courant que les enfants élevés dans des contextes familiaux violents deviennent à leur tour des adultes violents ou violentés.
Pour tous, y compris ceux qui parviennent à s’extirper de tels climats, l’accès à la parentalité est difficile, par peur de reproduire ces schémas, à juste titre. En mai 2018, l’Inspection générale des affaires sociales, l’Inspection générale de la justice et l’Inspection générale de l’administration ont produit un rapport faisant suite à la mission sur les morts violentes d’enfants au sein des familles. La recommandation n° 10 de ce rapport vise le renforcement du suivi par le juge des rencontres intermédiées entre parents et enfants, quand le climat familial est violent, en prévoyant une obligation de compte rendu. Tel est l’objet de cet amendement, appliqué au seul cadre de l’ordonnance de protection.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. L’amendement n° 60 rectifié tend à permettre au JAF d’examiner la suspension de l’autorité parentale dans le cadre de l’ordonnance de protection jusqu’à ce que le juge ait statué au fond sur les modalités. La décision de ne pas prononcer la suspension devrait être spécialement motivée.
Le juge peut déjà apprécier les modalités d’exercice de l’autorité parentale dans le cadre de l’ordonnance de protection et, par exemple, prononcer le retrait total ou partiel de ladite autorité, sur la base de l’article 378-1 du code civil. L’ordonnance de protection est déjà un jugement au fond, même si les mesures sont provisoires.
La suspension de l’autorité parentale n’est, en outre, en l’état, pas définie juridiquement, ce qui ne permet pas de cerner les effets d’un tel dispositif. L’avis de la commission est défavorable.
L’amendement n° 122 du Gouvernement vise à supprimer la surmotivation. Même avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 117 rectifié a pour objet de permettre au JAF de solliciter un compte rendu du détail des rencontres entre parents et enfants, lorsqu’il ordonne un droit de visite dans un espace de rencontre ou avec l’assistance d’un tiers de confiance.
L’intention est louable, mais cette disposition ne paraît pas très opérationnelle : qui va rédiger le compte rendu ? Que va-t-il contenir ? La conversation entre le parent et l’enfant ?
Le juge peut, en revanche, entendre l’enfant et le tiers de confiance qui assiste aux visites, afin de déterminer d’éventuelles difficultés. J’en sollicite le retrait, faute de quoi je serai défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 60 rectifié et 117 rectifié ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Sur l’amendement n° 60 rectifié, j’aurai le même raisonnement que Mme la rapporteur. L’objectif visé est satisfait par la rédaction actuelle de l’article 515-11 du code civil. J’ajoute que ce sujet est traité dans le cadre du Grenelle des violences conjugales. Mon collègue Adrien Taquet réfléchit sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, et des évolutions seront peut-être proposées à l’issue du Grenelle.
L’amendement n° 117 rectifié est également satisfait, puisque l’article 1180-5 du code de procédure civile prévoit déjà que, dans tous les cas où un droit de visite est fixé dans un espace de rencontres, la personne gestionnaire de la structure doit signaler immédiatement au juge les difficultés dans la mise en œuvre de ce droit. Ce n’est pas exactement ce que vous demandez, madame Carrère, mais il me semble que l’effet est le même. Ainsi, en fonction de ce qui est signalé, le juge peut modifier sa décision initiale sur demande des parties, ou même d’office, ce qui est une exception aux règles ordinaires. L’esprit de votre amendement est respecté, et je serais heureuse que vous le retiriez.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Les explications de Mme la rapporteur et de Mme la ministre ne suffisent pas à lever mes inquiétudes. Comme l’ensemble des membres de mon groupe, je considère qu’un mari violent ne peut pas être un bon père. Pourtant, cette idée a beaucoup cheminé. En tant qu’orthophoniste, quand je plaidais le contraire, je n’étais pas suivie. Aujourd’hui, de plus en plus de gens changent d’avis en constatant, comme nous tous, que les enfants sont un objet de chantage et que, bien souvent, les drames surviennent au moment du changement de parent de garde.
Avec leur amendement, mes collègues du groupe socialiste et républicain font une proposition. Nous présenterons plus tard notre propre amendement visant au retrait total de l’autorité parentale des pères violents. Et on nous rétorque que c’est déjà dans le code civil. Ah bon ? Visiblement, cela ne protège pas, donc il faudrait renforcer le code.
En deuxième argument, on nous demande de ne pas nous inquiéter : le législateur doit attendre les résultats du Grenelle, tout ayant été pensé pour lui.
Soit nous n’avons pas compris le code, et tous les féminicides qui défraient l’actualité sont le fruit du hasard, soit il nous faut faire toute confiance au Gouvernement, qui fait le travail à notre place, et attendre des éléments pour fin novembre, ou plus tard. D’ici là, pas mal de drames peuvent survenir.
Pour moi, ces arguments ne sont absolument pas convaincants.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. On a un problème de cohérence ce soir. Le Gouvernement se trouve face au nœud des contradictions du calendrier qu’il a choisi, notamment en informant qu’un nouveau texte serait déposé après les annonces du Grenelle.
Madame la garde des sceaux, le 3 septembre dernier, le Premier ministre a annoncé qu’allait être envisagée la possibilité de la suspension de l’autorité parentale en cas de violences conjugales. Le sujet n’est pas anodin. Si l’on fait un peu d’histoire, il faut se souvenir que, jusque dans les années 1970, seuls les pères détenaient l’autorité parentale sur les enfants. Les choses ont évolué, et pas seulement dans ce domaine, fort heureusement. En 2019, les deux parents ont l’autorité parentale. La proposition du Premier ministre constitue une avancée supplémentaire : là où, jusqu’à présent, les droits des parents primaient sur la situation de l’enfant, on considère désormais que les droits de l’enfant peuvent primer sur la situation des parents.
Personne dans cette enceinte ne pense que les violences conjugales n’ont pas d’effet sur les enfants ! Personne ne pense plus qu’un mari violent peut être un bon père !
Il ne faut pas confondre autorité parentale avec contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant et autres questions financières. Non ! Il s’agit de savoir si le père présumé violent va avoir un droit de regard sur le mode de vie de l’enfant mineur et peut prendre des décisions sur ce point.
Je le répète, le sujet n’est pas anodin. Nous proposons que la suspension de l’autorité parentale puisse – j’y insiste, madame la garde des sceaux, ce n’est pas obligatoire – être examinée et ordonnée de manière provisoire ou transitoire par le JAF. C’est bien une innovation totalement en ligne avec ce qu’avait annoncé le Premier ministre. Je m’étonne donc de votre frilosité. Si c’est simplement pour attendre que M. Taquet ait fini son travail, alors que M. Philippe a déjà fait une annonce le 3 septembre, c’est à n’y plus rien comprendre !
Voilà pourquoi je pense qu’il faut examiner cette disposition de manière très lucide.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Si j’en crois le titre de la proposition de loi, nous devons « agir contre les violences au sein de la famille ». Madame la ministre, le fait de vous entendre de nouveau dire qu’il faut réfléchir n’est pas acceptable. Aujourd’hui, c’est sûr, nous ne pouvons plus faire abstraction des enfants en tant que victimes, eux aussi, des violences conjugales, contrairement à ce qui prévalait jusqu’à ces dernières années encore, où l’on ne s’occupait pas d’eux.
Je défends évidemment non seulement l’amendement n° 60 rectifié, dont je suis cosignataire, mais aussi l’amendement n° 117 rectifié. Je suis nantaise, et je me rappelle encore avec beaucoup d’acuité le drame qui s’est déroulé dans ma ville en 2015, lorsqu’un éducateur s’était fait tuer pour protéger une femme venant en visite médiatisée avec sa fille de trois ans, qui avait tout entendu et tout vu. Ce drame avait été particulièrement mal vécu tant par les professionnels de la justice que par les acteurs du secteur social. Comment peut-on accepter que ce mari violent, dans l’attente de tout jugement, puisse garder l’autorité parentale, alors qu’il voulait tuer son ex-femme ?
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je vais revenir sur l’amendement n° 60 rectifié, bien qu’il ait été extrêmement bien défendu par les oratrices précédentes. Je pense également que le calendrier n’est pas idéal. Cette proposition de loi est examinée quelques semaines avant les conclusions du Grenelle, qui, forcément, déboucheront sur un texte législatif. Mais si l’on écoute Mme la ministre, on n’étudie plus aucun article du présent texte. Les arguments de Mme la rapporteur et de Mme la garde des sceaux ne m’ont pas non plus convaincue. Si vraiment l’amendement était satisfait, la suspension de l’autorité parentale serait utilisée de manière beaucoup plus efficace, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il importe de préciser le droit à cet égard.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Mme la ministre nous a dit au début de l’examen de cette proposition de loi que l’urgence, dans l’attente du texte que les Marcheurs veulent déposer à l’Assemblée nationale après le Grenelle des violences conjugales, c’est d’améliorer l’ordonnance de protection et les mesures relatives au bracelet anti-rapprochement.
Voilà qu’apparaît un doute sur l’exercice de l’autorité parentale. Est-il concevable que le juge puisse empêcher le mari violent de s’approcher du domicile où se trouve la mère avec ses enfants, mais que celui-ci puisse aller à l’école voir les enseignants, parce qu’il exerce l’autorité parentale ? Cette suspension de l’autorité parentale est un complément indispensable dans le cadre de mesures provisoires, sachant que le juge sera amené, très peu de temps après, peut-être à l’issue d’une médiation, à trouver une solution pour que les relations entre les enfants et leur père puissent reprendre dans un contexte clair et rassurant pour tout le monde.
Cette mesure de suspension, urgente, serait provisoire, dans un but de protection, mais on nous demande de ne pas aller aussi loin. Selon vous, les relations avec le mari violent cesseront, grâce à un arsenal de mesures, mais les deux parents pourront continuer à exercer l’autorité parentale conjointement. Cela n’est pas possible ! Nous demandons non pas la suppression de l’autorité parentale conjointe, mais sa suspension, jusqu’à ce qu’une décision sérieuse au fond soit prononcée. Je ne comprends pas votre position, madame la garde des sceaux, et j’exhorte donc mes collègues à accepter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Mes chers collègues, connaissez-vous ce sentiment d’avoir déjà vécu la même scène, le même dialogue, avec les mêmes protagonistes, au même endroit ?
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. C’est un court-circuit du cerveau ! (Rires.)
Mme Laurence Rossignol. Non, ce n’est pas un court-circuit du cerveau ; c’est une certitude ! Voilà un peu plus d’un an, nous étions là : Mme la garde des sceaux était à la même place ; Mme Marie Mercier également ; M. François-Noël Buffet remplaçait Philippe Bas quand il était obligé de s’absenter ; à peu près les mêmes sénateurs et sénatrices étaient présents, et nous examinions le projet de loi sur la prévention des violences sexuelles sur les enfants. À l’époque, nous avions essayé d’expliquer que le dispositif proposé n’atteindrait pas l’objectif que nous nous étions fixé. Nous faisions face aux mêmes certitudes, à la même attitude fermée, rigoriste, au même rejet systématique de nos propositions par amendements.
Je me rappelle notamment avoir eu une discussion sur la question de la prévention des suicides des femmes victimes de violences, à la faveur de l’examen d’un amendement que j’avais déposé. On m’a répondu : ne vous inquiétez pas ! On s’occupe de tout ! Tout est sous contrôle ! On gère ! Un an après, j’ai constaté que ce sujet était à l’ordre du jour du Grenelle, ce qui signifie que, pendant un an et demi, rien ne s’est passé ! Et on recommence, dans les mêmes termes et avec la même méthode ! C’est ce que nous vivons aujourd’hui. Vous nous dites que tout est sous contrôle grâce au Grenelle et que vous allez revenir avec des propositions, mais on ne sait pas quand ni sous quelle forme. Vos procédures législatives sont totalement hasardeuses : une fois, c’est une proposition de loi de l’opposition ; une autre fois, c’est une proposition de loi de la majorité, plus ou moins sur commande du Gouvernement. D’ailleurs, pourquoi Mme Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui pilote le Grenelle des violences conjugales, n’est-elle pas là ce soir ? Pourquoi êtes-vous seule, madame la garde des sceaux ?
M. Loïc Hervé. C’est une question !
Mme Laurence Rossignol. On ne comprend rien à vos méthodes, ou plutôt on comprend bien une seule chose : vous ne voulez bouger sur rien ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Il s’agit de mesures de bon sens !
Prenons l’exemple d’un père muni d’un bracelet anti-rapprochement. Il peut encore exercer son autorité parentale et il doit donc aller au domicile de sa victime, autrement dit de son ex-conjointe, car il a la garde du ou des enfants le week-end. Comment fait-il, étant donné qu’il est frappé d’une mesure d’éloignement l’empêchant de se rendre près de sa victime ? Combien de délits ont-ils été commis par des ex-conjoints violents sur le chemin de l’école ou devant l’école, en présence des enfants ? Vous voulez nous empêcher d’ajouter un bouclier supplémentaire de protection, de manière provisoire, dans l’attente d’un jugement sur le fond. J’avoue que je ne comprends pas. Il y a des moments où je me demande ce que nous faisons là.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Nous voterons bien sûr en faveur de l’amendement n° 60 rectifié. J’ai l’impression de me répéter sur cette question de l’autorité parentale. Je vous engage à vous reporter au rapport d’information de la délégation aux droits des femmes du Sénat intitulé 2006-2016 : un combat inachevé contre les violences conjugales. Des textes ont été adoptés en 2010, d’autres initiatives ont été prises, et c’est vrai que l’on piétine un peu.
Certains de mes collègues, avocats ou autres, préconisent même d’aller plus loin vers le retrait de l’autorité parentale en disant que le père qui pourrait récupérer l’autorité parentale a une emprise – cela doit vous dire quelque chose –, par le biais des enfants, sur la femme battue, qui, de fait, a peur.
On connaît son adresse personnelle, son numéro de téléphone, ses adresses internet. Et aujourd’hui, on chipote sur un retrait immédiat de l’autorité parentale ! Je conçois qu’on examine les différentes possibilités envisageables pour protéger la femme menacée, mais là, j’avoue que ce remake me déplaît beaucoup. Je le répète, je voterai cet amendement, et je pense que je ne serai pas la seule.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Nous sommes confrontés à un réel dilemme. On le sait, les drames sont nombreux, des épouses sont lâchement assassinées ; on sait ce que vivent les enfants. Toutes ces personnes sont des victimes. Le bon sens doit vraiment l’emporter. Il y a réellement urgence à trouver des solutions à ce problème crucial et cruel qui est malheureusement fort ancien.
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour explication de vote.
Mme Sylviane Noël. J’apporterai également mon soutien à cet amendement en vous relatant le témoignage d’une femme victime de violences, alors qu’une ordonnance de protection avait exigé l’éloignement de son mari. L’un des enfants avait été particulièrement traumatisé par toutes les scènes de violences auxquelles il avait assisté. La mère avait voulu faire intervenir un éducateur spécialisé, mais en vain malheureusement, puisque le père s’y opposait en vertu de son autorité parentale.
On voit donc là toutes les limites de la décision de maintenir l’autorité parentale au profit du père violent, alors qu’il est lui-même responsable des troubles vécus par l’enfant, pour lequel un éducateur spécialisé aurait été d’un grand secours.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je voudrais rectifier deux ou trois choses que j’ai entendues et qui, je le dis avec tout le respect que je vous dois, mesdames, messieurs les sénateurs, me choquent un peu.
Quand j’entends dire qu’on piétine, qu’on chipote, quand on nous prête des propos selon lesquels nous affirmerions que tout est sous contrôle, alors que rien ne l’est, quand j’entends certains d’entre vous se demander à quoi ils servent, je tiens à vous dire que j’ai du Parlement, et du Sénat, en particulier, une autre vision et j’ai pour lui un respect plus profond que vous-mêmes ne semblez le signifier.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous examinez un texte, avant de l’adopter, je l’espère du moins, qui porte sur trois points essentiels inexistants à ce jour : l’amélioration de l’ordonnance de protection,…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Qui existe déjà !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … avec un délai de délivrance plus rapproché ; la création d’un bracelet anti-rapprochement…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Jamais expérimenté !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je n’aime pas répondre à la volée, mais pourquoi ne l’a-t-on jamais expérimenté, madame la sénatrice ? Pourquoi ai-je souhaité, avant que M. le député Pradié ne dépose sa proposition de loi, une accroche législative ? En réalité, le dispositif prévu par les textes précédents était tellement restrictif – il ne pouvait fonctionner qu’en post-sentenciel – que son utilité était quasiment nulle.
C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité, le dépôt d’une proposition de loi permettant une véritable concrétisation de ce bracelet anti-rapprochement.
La proposition de loi que vous examinez aujourd’hui a donc un intérêt majeur sur les deux points que je viens de citer – l’ordonnance de protection et le bracelet anti-rapprochement –, ainsi que sur le téléphone grave danger. Ce n’est pas rien, c’est même tout à fait essentiel !
En revanche, lorsque vous évoquez les questions liées à la suspension de l’autorité parentale, vous posez là un vrai sujet. J’ai dit simplement que depuis plusieurs semaines, des groupes de travail très sérieux se réunissent.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous aussi nous sommes sérieux !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ils sont composés de membres d’associations qui se sont impliquées, de magistrats, de personnes au contact des femmes en difficulté et des enfants. Ils viennent de rendre leurs premières conclusions. Les conclusions définitives seront exposées par le Président de la République ou le Premier ministre le 25 novembre.
La question de l’autorité parentale est traitée très sérieusement dans ces groupes de travail. Je le rappelle, l’article 515-11 du code civil que nous examinons précise expressément que le juge se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Il peut donc, dans ce cadre, attribuer l’exercice exclusif de l’autorité parentale à l’un ou l’autre des deux parents, c’est-à-dire à la personne qui a été victime des violences, ce qui me semble correspondre, d’une certaine manière, à votre souhait.
On ne peut pas, comme cela, par le biais d’une ordonnance de protection, suspendre l’autorité parentale. Une telle mesure est extrêmement grave. Si nous prenons cette décision, ce qui est bien sûr souhaitable et ce que le Premier ministre a annoncé, nous devons faire en sorte de l’entourer d’un certain nombre de garanties. L’étude en cours a pour objet de s’assurer que le dispositif qui sera proposé est conforme à la Constitution.
Je le dis donc clairement : non, nous ne faisons pas rien ! Oui, le code civil permet déjà d’attribuer l’exercice exclusif de l’autorité parentale à l’un des deux parents de manière provisoire ! Et nous aurons, dans quelques jours ou quelques semaines, un dispositif verrouillé et performant.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Je voudrais juste vous rappeler le droit actuellement en vigueur.
Aux termes de l’article 515-11 du code civil, l’ordonnance de protection est délivrée dans les meilleurs délais. Le juge aux affaires familiales se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Quand il délivre son ordonnance de protection, le JAF peut donc déjà retirer l’autorité parentale. Ne pensons pas qu’il ne peut rien faire ! Cette possibilité est déjà prévue dans le code.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Si tout est déjà dans la loi, comment est-il possible qu’il n’ait pas été décidé de suspendre l’autorité parentale du mari d’une femme victime de ses violences, permettant ainsi à cet homme d’exercer des pressions et des manipulations sur ses enfants surtout quand ils sont adolescents dans le cadre de son droit de garde ? Récemment, une femme m’a exposé des faits de ce genre. Le père, en particulier quand il est resté dans le logement, dit à ses enfants, qui par nature se laissent manipuler facilement, qu’il est dans son bon droit. Comment admettre que la femme, victime de violences, qui vit une situation déjà difficile, se trouve accusée par ses enfants d’être, en quelque sorte, celle par qui tout le scandale arrive ?
Il me paraît évident qu’il faut suspendre l’autorité parentale pour protéger les enfants auxquels il faut aussi penser !
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Madame la ministre, je n’arrive pas à être convaincu que cette proposition de loi n’est pas le bon véhicule. Pourquoi faut-il encore attendre, d’autant que nous n’avons aucune certitude sur la suite et alors que le Premier ministre va dans ce sens ? Nous voyons dans cet hémicycle se créer un certain consensus. Je ne pense pas que les auteurs de la proposition de loi soient opposés à un enrichissement du texte sur l’autorité parentale ; je pense même le contraire.
Mme Annick Billon. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 60 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les sénateurs constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 26 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l’adoption | 116 |
Contre | 214 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 122.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme Josiane Costes. Monsieur le président, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 117 rectifié est retiré.
L’amendement n° 85 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Lepage, Meunier, Jasmin, Monier et Blondin, MM. Antiste, Assouline, M. Bourquin, Daudigny et Duran, Mmes Grelet-Certenais et Harribey, MM. Manable, Marie et Mazuir, Mme Préville, M. Tissot, Mme Tocqueville et MM. Tourenne, Vallini et Temal, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le 6° bis, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Autoriser la partie demanderesse à dissimuler l’adresse de l’établissement scolaire de son ou ses enfants ; »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Puisque le Sénat vient de rejeter une suspension de l’autorité parentale dans le cadre de l’ordonnance de protection, nous allons essayer de prendre des mesures qui peuvent protéger la victime des effets de l’autorité parentale conjointe.
Parmi ces effets, il y a le droit, pour chacun des parents exerçant cette autorité, de connaître l’établissement dans lequel les enfants sont scolarisés.
Je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement, qui est presque un amendement de repli. Nous proposons que la victime puisse demander que l’ordonnance de protection prévoie l’interdiction pour l’autre parent, le père le plus souvent, de connaître l’établissement scolaire. C’est en effet devant ce lieu qu’il va venir chercher les enfants et la mère, enfreignant la protection que le juge a cru leur assurer !
Madame la garde des sceaux, vous avez évoqué tout à l’heure les groupes de travail « sérieux » qui réfléchissaient et faisaient des propositions dans le cadre du Grenelle. Eh bien, nous aussi, nous faisons un travail sérieux, et surtout, nous ne travaillons pas en vase clos. Les amendements soumis à la discussion en séance publique ne sont pas le fruit d’un colloque singulier que chaque sénateur aurait avec lui-même ou avec quelques collègues membres de sa commission ou de ses amis.
Ils sont le produit de nos rencontres avec les mêmes associations que vous consultez depuis deux mois dans le cadre du Grenelle, avec les personnes que nous voyons dans nos circonscriptions et nos permanences. Nous avons construit nos propositions à partir des cas concrets que nous connaissons, nous les avons élaborées en faisant appel à l’expertise d’associations, de structures et d’avocats. Nous discutons avec eux au minimum depuis plus d’un an. Oui, voilà plus d’un an que la commission des lois et la délégation aux droits des femmes procèdent à des auditions et travaillent sur tous ces sujets ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. Loïc Hervé approuve.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à permettre au juge aux affaires familiales d’autoriser la victime de violences à dissimuler l’adresse de l’établissement scolaire des enfants dans le cadre d’une ordonnance de protection.
Il s’agit de retirer à l’un des parents l’exercice de l’un des attributs de l’autorité parentale. Il n’est donc pas possible de le faire si le juge ne retire pas l’autorité parentale au défendeur à une ordonnance de protection.
Mme Laurence Rossignol. Eh bien, voilà, vous êtes coincés !
Mme Marie Mercier, rapporteur. Les deux sont liés : si le juge confie l’exercice exclusif de l’autorité parentale à l’un des deux parents, alors, il est possible de le priver de certaines informations relatives à la vie quotidienne et à l’éducation de l’enfant.
Mme Laurence Rossignol. On a compris !
Mme Marie Mercier, rapporteur. Je sais bien que vous avez compris, mais ce n’est peut-être pas le cas de tout le monde. Je me permets donc de redonner les explications !
Mme Laurence Rossignol. Tout le monde a compris !
Mme Marie Mercier, rapporteur. Alors, tout le monde a compris qu’on essaye de faire au mieux !
Cela étant dit, la nouvelle interdiction de paraître que prévoit la proposition de loi permettra, le cas échéant, d’interdire au défendeur de se rendre dans le périmètre de l’école des enfants si le juge l’estime nécessaire.
C’est donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous venons d’assister à une démonstration extraordinaire ! Nous essayons de défendre des amendements, parce que, en tant que sénatrices et sénateurs, nous croyons au travail législatif. Madame la garde des sceaux, je n’ai pas l’habitude de vous apostropher, mais vous dites que vous êtes en train de faire un travail sérieux, procédant à des auditions, constituant des groupes de travail, etc. Cela nous donne un peu l’impression d’être méprisés, relégués à l’enfilage de perles ou autre activité moins sérieuse que les vôtres !
Je veux le dire à mon tour, nous aussi, nous réalisons des auditions et accomplissons un travail sérieux, non seulement dans l’hémicycle, mais aussi sur le terrain, que nous connaissons bien, car nous sommes, pour certains d’entre nous en tout cas, des militantes et des militants associatifs, politiques. Le travail sérieux, nous le faisons, et depuis très longtemps !
Et là, face à une proposition tirée de notre travail, la rapporteur convient qu’elle est coincée par la stricte lecture du code civil : faute d’avoir suspendu l’exercice de l’autorité parentale à l’égard du parent violent, on ne peut rien faire ! C’est extraordinaire d’entendre cela ! Cela montre bien l’utilité pour la commission de réfléchir aux conséquences de ses décisions quand elle s’oppose à des amendements.
Madame la rapporteur, au final, à l’issue du vote de cette proposition de loi, les femmes victimes de violences ne vont pas être plus protégées. Quant aux enfants, ils le seront encore moins.
Madame la garde des sceaux, vous êtes revenue sur trois points en effet importants et qui vont dans le bon sens. Mais en fait, vous choisissez de rester sur vos rails, rien que sur vos rails. L’initiative doit venir de votre part, à un moment qui sera utile pour votre communication, autour du 25 novembre, une date emblématique.
Je ne partage pas cette façon de faire parce que les victimes vont rester dans le dénuement ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SOCR et UC. – M. Max Brisson applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je veux être sûre d’avoir bien compris le propos de Mme la rapporteur, approuvé par la garde des sceaux : l’ordonnance de protection pourrait faire obstacle à l’exercice de l’autorité parentale ? (Approbation sur les travées du groupe UC.)
Mme Marie Mercier, rapporteur. Bien sûr !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Mesurez-vous la portée de ce que vous avez affirmé ? Je ne pense pas que ce soit possible, parce que l’autorité parentale se décide dans le cabinet du juge. Elle peut être retirée, accordée, exclusive, partagée, mais on ne peut pas empêcher un parent de l’exercer, sauf à suspendre son exercice.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. L’exercice est très frustrant. Nous avons accompli un travail extraordinaire et sérieux sur le terrain pendant des semaines et des semaines pour formuler les propositions que nous jugions bonnes, pertinentes et légitimes. Tout le travail traduit en séance sous la forme d’amendements nous a pris des heures et des jours. Et aujourd’hui, on apprend en live, comme on dirait dans le monde du spectacle, que quelque chose d’autre est en préparation, que des groupes de travail se réunissent, et qu’il faudrait attendre le 25 novembre pour en connaître les résultats – tant mieux, c’est la Sainte-Catherine ! (Sourires.)
À la limite, on nous demande d’accélérer la voiture et, en même temps, de la freiner ! Que devons-nous faire maintenant ? Continuer de présenter des amendements ? Que va devenir cette proposition de loi à terme, quand arrivera l’autre texte, avec sa centaine de propositions ?
Madame la garde des sceaux, je peux vous dire que le travail que nous avons fourni est important et sérieux. Si nous sommes ici aujourd’hui, ce n’est pas le fruit du hasard. C’est en raison d’une réelle implication, d’une vraie légitimité, qui nous autorise à faire remonter les idées recueillies à bon escient sur le terrain.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je m’associe à mon tour aux différentes interventions et je voterai, bien entendu, en faveur de cet amendement.
Je me suis limitée dans le dépôt d’amendement. En effet, au départ, avant les auditions, nous avions imaginé un vote conforme pour aller vite et répondre à une forte attente sociétale de toutes les femmes en détresse et de ces victimes potentielles.
Aujourd’hui, nous devons examiner plus d’une centaine d’amendements. C’est dire que tout le monde ne s’est pas freiné. Et tous ces collègues ont eu raison. On le voit, il est impossible de traiter les violences faites aux femmes en se limitant à une ou deux mesures.
Moi non plus, je ne comprends absolument pas la volonté de s’opposer systématiquement à ces amendements qui sont le fruit du terrain. La délégation aux droits des femmes a fait un énorme travail lors du dépôt du projet de loi de Mme la secrétaire d’État Marlène Schiappa. La soixantaine de spécialistes que le Gouvernement consulte, elle les a auditionnés. La semaine dernière, j’ai assisté au compte rendu de vos groupes de travail, madame la garde des sceaux. Je n’y ai rencontré que des gens que nous côtoyons depuis des années au sein de notre délégation. Les propositions qu’ils vous font, nous les connaissons depuis des années. Il n’y a rien de nouveau dans celles qui sont débattues ce soir.
Je remercie toutes les collègues et tous les collègues qui les ont faites et qui ont décidé de ne pas se prêter au vote conforme initialement envisagé.
On le constate bien, il y a tout un travail à faire avec cette proposition de loi et il serait bien d’accepter des amendements qui sont tout à fait légitimes. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, SOCR et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Madame la garde des sceaux, tout à l’heure, vous avez rendu hommage au Sénat, et je pense que vous étiez très sincère. L’initiative de la loi appartient aussi au Parlement. Or vous voulez la réduire en vous appuyant sur un agenda du Gouvernement dont on ne peut pas dire que la cohérence saute aux yeux.
M. Max Brisson. J’ai le sentiment que vous voulez réduire notre capacité d’utiliser le véhicule législatif qui nous est soumis. Or il s’agit de la proposition de loi, que vous avez soutenue, déposée par un groupe de l’opposition à l’Assemblée nationale.
Nous estimons que ce texte est le bon véhicule, qui nous permet d’aller vite. De plus, nous avons le sentiment d’être à peu près en phase avec les propos du chef du Gouvernement. Nous n’arrivons donc pas à comprendre la logique de votre agenda, de votre démonstration. Vous vous êtes vous-mêmes enfermés dans la quadrature du cercle.
Comme Annick Billon, je voterai cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 85 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les sénateurs constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 27 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 129 |
Contre | 213 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Laurence Rossignol. S’il y avait eu un vote à main levée…
Mme Marie Mercier, rapporteur. Avec des si !
M. le président. L’amendement n° 84 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Lepage, Meunier, Jasmin, Monier et Blondin, MM. Antiste, Assouline, M. Bourquin, Daudigny et Duran, Mmes Grelet-Certenais et Harribey, MM. Manable, Marie et Mazuir, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Tissot, Mme Tocqueville et MM. Tourenne, Vallini et Temal, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer deux alinéas rédigés :
…) Après le 7°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À sa demande, la partie demanderesse peut poursuivre la dissimulation de son domicile ou de sa résidence prévue aux 6° et 6° bis à l’expiration de l’ordonnance de protection. » ;
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 84 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 62 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol, Lepage et Conconne, M. Courteau, Mmes Blondin et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au dernier alinéa, les mots : « en raison de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants » sont supprimés ;
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Il s’agit de compléter l’article 515-11 du code civil. Dans son dernier alinéa, il était prévu que lorsque, dans le cadre de l’ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales était amené à considérer que des enfants étaient en danger, il devait prévenir le procureur de la République.
Nous proposons de supprimer cette indication « en raison de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants », considérant que le juge doit d’office informer le procureur de la République de l’ordonnance de protection qu’il prend.
Cela paraît d’autant plus indispensable que le même texte prévoit que le dépôt de plainte n’est plus nécessaire au dépôt de la demande d’ordonnance de protection.
Bien évidemment, la démarche peut être faite devant le juge aux affaires familiales sans que le procureur de la République soit informé d’un délit qui est commis à l’égard d’une femme.
Pour rectifier cela, il me semble indispensable de modifier le dernier alinéa de l’article 515-11 du code civil tel qu’il existe aujourd’hui pour prévoir que dans tous les cas, l’ordonnance de protection est communiquée au procureur de la République, à charge pour lui de faire une enquête et de suivre. Si nous voulons protéger les victimes, cette démarche est indispensable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Le présent amendement tend à informer le procureur de la République de toutes les ordonnances de protection qui sont délivrées. Il est déjà satisfait par le droit positif.
Le parquet est présent à tous les stades de l’instance civile. Il reçoit toutes les demandes d’ordonnance de protection et est partie jointe à l’audience dans la plupart des cas.
Enfin, il est informé des suites données à toutes les demandes d’ordonnance de protection, puisque la décision prise par le juge aux affaires familiales lui est notifiée pour information par remise avec émargement ou envoi contre récépissé. Il doit procéder à l’inscription au fichier des personnes recherchées, des personnes faisant l’objet d’une interdiction de contact ou de détention et de port d’armes et, bientôt, de celles qui feront l’objet d’une interdiction de paraître.
Le juge aux affaires familiales effectue en outre auprès de lui un signalement spécifique sans délai de toute ordonnance de protection délivrée en raison de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants. Il s’agit de permettre, le cas échéant, la saisine du juge des enfants.
Par conséquent j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. La manière dont le procureur de la République est saisi lui permet de signaler au juge des enfants une situation d’enfance en danger. L’instauration du dispositif proposé nuirait, in fine, à la protection des enfants concernés.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Qu’il y ait des enfants ou non, l’ordonnance de protection doit être systématiquement notifiée, dès lors qu’il y a une victime. Or, madame la rapporteur, contrairement à ce que vous dites, il ne s’agit pas d’une pratique courante et permanente – cela se saurait ! Il est nécessaire d’améliorer les choses, raison pour laquelle je maintiens cet amendement.
Cela dit, monsieur le président, si vous deviez être de nouveau saisi d’une demande de scrutin public, je tiens à faire remarquer que le texte que nous examinons est le fruit du travail d’un jeune député – apparemment extrêmement important (Sourires sur les travées du groupe SOCR.) –, membre du groupe Les Républicains. Or les sénateurs de ce groupe sont majoritairement absents ce soir.
Nous essayons d’aller dans le sens d’Aurélien Pradié, c’est-à-dire d’aller au-devant de l’action du Gouvernement qui tarde à agir – il a d’ailleurs souligné que Mme Schiappa faisait des annonces, mais ne faisait rien d’autre, contrairement à lui. Nous voulons simplement renforcer, sans esprit polémique ni politicien, la proposition de loi de votre collègue député et vous abusez des scrutins publics, ce qui est une façon de prolonger les débats, sans répondre aux nécessités du moment ni aux exigences des victimes. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 62 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
M. Jacques Bigot. Je retire cet amendement, puisque tout cela ne sert à rien !
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Mon groupe était disposé à voter l’article 2.
J’ai fait partie de la délégation qui a rencontré Aurélien Pradié, qui avait fait preuve d’ouverture d’esprit. Je n’avais pas compris qu’il faudrait un vote conforme. Je pensais que nous allions enrichir ce texte pour mieux protéger les victimes, femmes battues ou enfants.
Mais nous sommes face à un mur. Je suis dans l’opposition, je suis donc habituée à me retrouver dans cette situation. Je sais que la bataille à venir sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, par exemple, va être rude et que peu de nos amendements seront adoptés. Je ne crains pas la confrontation. Le problème, c’est que rien ne bouge et que les arguments qu’on nous oppose ne sont pas convaincants.
La rapporteur lit les notes qui lui sont préparées – c’est tout à fait normal – et dit que tout est prévu dans la loi. Mais si nous en sommes à 129 féminicides, c’est bien qu’il y a un problème ! Si la loi protégeait si bien, il n’y aurait pas de telles violences !
M. François Bonhomme. La proposition de loi n’est pas encore votée !
Mme Laurence Cohen. Le groupe CRCE s’abstiendra sur cet article. Nous n’allons pas voter contre des avancées, mais c’est trop peu par rapport à ce qu’il faudrait faire. Je le déplore sincèrement.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Nous sommes là pour améliorer un texte visant à protéger les femmes victimes de violences conjugales. Devons-nous continuer de débattre dans ces conditions d’obstruction ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote sur l’article.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ce qui se passe ce soir est un moment peu glorieux pour le Sénat.
Ce texte a connu une vie parlementaire tout à fait exceptionnelle : qu’une proposition de loi d’un groupe d’opposition soit retenue, puis assez largement remaniée en commission, donc avec le soutien de la majorité En Marche, et enfin adoptée à l’unanimité des députés traduisait une volonté de dépasser les clivages politiques classiques – moins présents au Sénat, mais tout de même… – pour tendre vers un seul objectif : trouver le meilleur dispositif pour lutter contre les violences conjugales.
Ce texte est arrivé au Sénat dans des conditions invraisemblables. Disposant de très peu de jours pour travailler, la rapporteur a dû organiser des auditions effrénées pour être en mesure de présenter ses observations ce soir. Et la garde des sceaux nous explique maintenant que nous avons beaucoup de bonnes idées, mais qu’il faut attendre l’opération de communication du Premier ministre et de Mme Schiappa, le 25 novembre !
Nous avons fait nombre de propositions et nous étions tous dans un état d’esprit constructif, au début de cette séance. C’est sans doute ce qui a inquiété les uns et les autres… Ceux qui s’intéressent au sujet sont très majoritairement présents dans l’hémicycle. Comprenez notre désarroi.
Mon groupe s’abstiendra sur cet article 2 qui comporte beaucoup d’imperfections, notamment techniques. Je me demande d’ailleurs, madame la garde des sceaux, comment vous allez pouvoir les surmonter. Après le vote, nous vous laisserons travailler entre vous. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. Buffet n’aura plus besoin de demander des scrutins publics ; vous pourrez voter ou non les amendements qui vous conviennent et nous n’aurons plus besoin de développer les arguments que nous tentons de vous faire entendre. Vous assumerez ainsi la responsabilité de ce travail parlementaire bâclé qui avait pourtant si bien commencé à l’Assemblée nationale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote sur l’article.
Mme Victoire Jasmin. J’ai honte de ce qui se passe ici, ce soir. La délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a fêté ses vingt ans voilà quelques jours.
Des pionniers, des pionnières, ont fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui. Des hommes et des femmes ont souvent pris leurs responsabilités, en conscience, pour que nous puissions avancer à notre tour, grâce aux textes qu’ils ont fait adopter, dans la douleur, mais avec honnêteté.
Nous avions eu une belle matinée de travail pour fêter ces vingt ans, mais j’ai honte aujourd’hui. Jean-Pierre Sueur a dénoncé, dans un rappel au règlement, l’attitude du Gouvernement qui annonce un autre texte, alors que celui-ci, qui émane d’un député du groupe Les Républicains, a été voté à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, vous êtes dans un affrontement inqualifiable, injustifié, malhonnête.
Madame la ministre, madame la rapporteur, je ne peux accepter votre comportement à notre égard. Je veux que l’on nous respecte. Quand vous déclarez travailler avec des personnes sérieuses, cela signifie que notre travail ne serait pas sérieux. Je ne suis sénatrice que depuis deux ans, mais cela fait vingt ans que des sénateurs et des sénatrices travaillent sur ces sujets ! Je ne reconnais pas le Sénat ce soir. J’ai honte ! (Applaudissements sur des travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote sur l’article.
Mme Annick Billon. Monsieur le président, en raison des différents états d’âme – tout à fait justifiés – et de la colère qui monte en voyant que le travail réalisé ne pourra aboutir ce soir, je souhaiterais une brève suspension de séance pour réunir la délégation aux droits des femmes et réfléchir à la meilleure façon d’avancer.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Que les choses soient très claires : quand j’ai parlé de groupe de travail « sérieux », ce n’était pas par opposition à ce que ferait le Sénat. Je sais, et j’ai eu l’occasion de le souligner à de multiples reprises, combien le travail du Sénat et de ses commissions est extrêmement sérieux. Je le dis clairement.
Madame Jasmin, le Gouvernement aussi a défendu des amendements qui ont été rejetés. Je n’y vois pas un gage de rupture de confiance. Nous n’avons pas les mêmes positions sur un certain nombre de points, mais je respecte pleinement le travail du Sénat.
Je reçois de nombreux parlementaires à la Chancellerie, y compris des sénateurs. Je suis prête à prolonger avec vous le travail de réflexion mené jusqu’à présent. Je tenais à vous en assurer.
M. le président. Madame Billon, je ne pourrai accorder de suspension de séance qu’après le vote sur l’article 2.
La parole est à Mme Josiane Costes, pour explication de vote sur l’article.
Mme Josiane Costes. Je regrette beaucoup qu’aucun amendement n’ait été adopté pour protéger les enfants, qui sont les grandes victimes. Je ne sais pas encore comment je voterai sur cet article.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les sénateurs constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 28 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 247 |
Pour l’adoption | 247 |
Le Sénat a adopté. (Mmes et MM. les sénateurs des groupes SOCR et CRCE se lèvent et quittent l’hémicycle.)
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Je demandais une suspension de séance avant le vote de l’article 2. Elle n’a plus lieu d’être.
M. le président. Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il est minuit passé. Je vous propose de prolonger la séance jusqu’à une heure, afin de poursuivre l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Articles additionnels après l’article 2
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 13 rectifié quinquies, présenté par Mme Billon, MM. Bonne, Laugier, Cadic et Longeot, Mme Sollogoub, MM. Le Nay, Delcros, Janssens, Détraigne et Kern, Mme Létard, M. Bockel, Mme Férat et MM. Lafon, Moga et Canevet, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 515-12 du code civil est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze » ;
b) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elles peuvent être prolongées au-delà si le contexte le justifie sur saisine du juge aux affaires familiales. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Les procédures judiciaires sont trop lentes au regard de la situation de la victime. Dès lors que cette dernière introduit différentes actions en justice, par exemple devant le juge pénal ou le juge civil, l’ordonnance de protection, une fois obtenue, ne permet pas de la protéger jusqu’à l’aboutissement des procédures.
Cet amendement vise, d’une part, à porter la durée maximale d’octroi de l’ordonnance de protection prononcée par le juge aux affaires familiales de six à douze mois et, d’autre part, à ouvrir la possibilité de prolonger la durée de cette ordonnance, dès lors que la situation de violence est toujours présente.
Actuellement, la deuxième phrase de l’article 515-12 du code civil ne vise la possibilité de prolongation de l’ordonnance de protection par le juge aux affaires familiales que si la victime introduit une requête en divorce, en séparation de corps ou relative à l’exercice de l’autorité parentale. Or ces hypothèses ne couvrent pas les situations des victimes de violences en situation de concubinage ou de partenariat enregistré.
L’objectif de cette modification demandée par de nombreux acteurs est donc de renverser la logique et d’accroître la protection accordée aux bénéficiaires d’une ordonnance, afin de simplifier leur parcours, souvent fait de différentes procédures.
M. le président. L’amendement n° 82 rectifié ter n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à porter la durée de l’ordonnance de protection de six mois à un an et à permettre au juge aux affaires familiales de la prolonger « au-delà » si le contexte le justifie.
La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a déjà allongé de quatre à six mois ce délai. Les mesures de l’ordonnance de protection peuvent également être prolongées au-delà de cette période si une requête en divorce ou séparation de corps a été déposée ou si le juge a été saisi d’une requête relative à l’exercice de l’autorité parentale pour la durée de la procédure.
Nous considérons qu’il s’agit d’un compromis satisfaisant entre la protection apportée aux victimes de violences et l’atteinte aux libertés individuelles que les mesures de protection peuvent entraîner, sur la base de faits vraisemblables, par exemple, la nouvelle interdiction de paraître introduite par la proposition de loi.
Si cet amendement était adopté, les mesures d’une ordonnance de protection pourraient ainsi être prononcées pour une durée indéterminée, ce qui me semble peu acceptable.
L’ordonnance de protection est un outil d’urgence dont il faut renforcer l’efficacité, mais qui ne doit pas, si les violences persistent et que des infractions sont commises, remplacer la procédure pénale, mieux à même de protéger la victime sur la durée.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13 rectifié quinquies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 103 rectifié bis, présenté par Mme Costes, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase de l’article 515-12 du code civil, après le mot : « déposée », sont insérés les mots : « , si en cas de persistance du danger, une demande du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin protégé a été formée, ».
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement a le même objet que le précédent, pour les couples sans enfant. Des personnes sans enfant peuvent être sous emprise, battues ou violentées, et méritent donc d’être protégées.
Je ne me fais aucune illusion sur le sort qui sera réservé à cet amendement…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Laborde. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 103 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 83 rectifié ter n’est pas soutenu.
L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mme Duranton, MM. Houpert, Cambon et Regnard, Mmes Lopez et Giudicelli, MM. Poniatowski, Sido, Laménie, Lefèvre et Charon, Mmes Bories et Berthet et MM. Bonne, Bonhomme et Priou, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au second alinéa de l’article 515-13 du code civil, après la référence « 1° , », est insérée la référence : « 1° bis, ».
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Une ordonnance de protection peut également être délivrée en urgence par le juge à une personne majeure menacée de mariage forcé.
Dans ce cas, il est proposé de rendre le juge compétent pour prendre les mesures mentionnées au nouveau 1° bis, à savoir l’interdiction pour l’auteur des faits de se rendre dans certains des lieux fréquentés habituellement par la victime.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à étendre l’interdiction de paraître aux défendeurs à une ordonnance de protection en cas de mariage forcé.
Le juge aux affaires familiales peut en effet délivrer une ordonnance de protection aux personnes majeures menacées de mariage forcé. Nous ne voyons pas l’intérêt d’ajouter une telle mesure au dispositif existant, lequel nous semble suffisamment complet.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Grand. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 79 rectifié bis n’est pas soutenu.
L’amendement n° 3 rectifié ter, présenté par Mme L. Darcos, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Thomas et Bruguière, MM. Danesi, Dufaut et Daubresse, Mme Noël, M. Regnard, Mmes Dumas, Sittler et de Cidrac, MM. Cardoux, J.M. Boyer et Duplomb, Mme Deromedi, MM. Grosdidier et Charon, Mme Morhet-Richaud, MM. Brisson et Bazin, Mme Lopez, MM. Savin, Savary, Chevrollier, Segouin, Saury, Mandelli, Dallier, Huré, Laménie et Rapin, Mmes Ramond et A.M. Bertrand, M. Bonhomme, Mmes Deroche, Lassarade et Micouleau, MM. B. Fournier et Bonne et Mmes Berthet, Garriaud-Maylam et Lanfranchi Dorgal, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 373-2-9 du code civil, après le mot : « rencontre », sont insérés les mots : « ou un espace protégé ».
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Je souscris au principe du retrait du droit d’hébergement du conjoint violent, pour une durée déterminée, qui ne conserve qu’un droit de visite encadré, sauf à ce que le juge motive expressément son refus de prononcer cette mesure au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Il est toutefois proposé que ce droit de visite encadré s’exerce, non pas dans un simple espace de rencontre, mais dans un lieu protégé, en présence d’un tiers permettant d’assurer la continuité des relations sans mise en danger de l’enfant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à ce que l’exercice du droit de visite du parent privé du droit d’hébergement de son enfant se fasse soit, comme le prévoit le droit positif, dans un espace de rencontre, soit dans un espace protégé. Dans les deux cas, c’est le juge qui désigne le lieu en question.
Cette précision nous semble inutile : nous ne voyons pas quelle serait la différence avec l’espace de rencontre que désigne déjà le juge.
Pour ces raisons, la commission vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, ma chère collègue ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Darcos, l’amendement n° 3 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Laure Darcos. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 118 rectifié bis, présenté par Mme Costes, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article 373-2-9 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, le juge peut demander que lui soit produit un compte rendu du déroulement des visites. »
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Cet amendement vise à suivre la recommandation n° 10 du rapport de mai 2018 de la mission sur les morts violentes d’enfants au sein des familles, c’est-à-dire la mise en œuvre d’investigations plus poussées, voire des demandes d’autopsie…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Nous avons déjà débattu de cette question.
Cet amendement tend à permettre au juge aux affaires familiales de solliciter un compte rendu du détail des rencontres entre parents et enfants, lorsqu’il ordonne un droit de visite dans un espace de rencontre ou avec l’assistance d’un tiers de confiance.
Par cohérence avec sa position sur l’amendement n° 117 rectifié, dont l’objet était similaire, la commission vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, ma chère collègue ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Costes, l’amendement n° 118 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Josiane Costes. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 118 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 43 rectifié bis n’est pas soutenu.
Article 2 bis
L’article 373-2-10 du code civil est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, après le mot : « médiation », sont insérés les mots : « sauf si des violences sont alléguées par l’un des parents sur l’autre parent ou sur l’enfant » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « ont été commises » sont remplacés par les mots : « sont alléguées ».
M. le président. L’amendement n° 25, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 373-2-10 du code civil est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, après le mot : « médiation », sont insérés les mots : « , sauf s’il estime vraisemblable la commission des faits de violence allégués par l’un des parents sur l’autre parent ou sur l’enfant, » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Il peut de même leur enjoindre, sauf si des faits de violences commis par l’un des parents sur l’autre parent ou sur l’enfant ont été avérés, de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de cette mesure. »
La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. L’article 2 bis prévoit que le juge peut enjoindre les parents à consentir à une procédure de médiation familiale, sauf si des violences sont alléguées par l’un d’entre eux sur l’autre parent ou sur l’enfant.
Cet article est bienvenu dans la mesure où le rapport d’emprise asymétrique entre l’agresseur et sa victime peut conduire cette dernière à consentir, contre son gré, à la médiation.
Toutefois, le principe d’interdiction de la médiation en cas de violence alléguée nous semble peu conforme aux garanties de la présomption d’innocence.
Nous estimons en effet que la mesure de médiation relative à l’exercice de l’autorité parentale que le juge est susceptible de proposer peut être exclue lorsque celui-ci estime vraisemblable la commission de faits de violence.
En outre, la proposition de rencontrer un médiateur familial pourrait aussi être exclue lorsque les faits de violence commis par l’un des parents sur l’autre parent ou sur l’enfant sont avérés et non seulement allégués.
Quelle que soit l’option retenue, nous devons pouvoir faire l’économie d’une telle précaution législative en capitalisant, comme il se doit, sur l’appréciation discrétionnaire du juge. Les magistrats savent mieux que personne qu’une procédure de médiation entachée de violence est nulle et non avenue.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à réécrire l’article 2 bis de la proposition de loi qui interdit de recourir à la médiation pour déterminer les conditions de l’exercice de l’autorité parentale en cas de violences intrafamiliales.
Le texte prévoit que seraient prises en compte les violences alléguées par l’un des parents et non plus des violences commises. En réalité, ce changement n’aurait pas vraiment de conséquences, dans la mesure où cette interdiction n’est pas subordonnée à une condamnation ou à un dépôt de plainte. Seul le juge apprécie la situation.
La Chancellerie, dans sa circulaire d’application de ces dispositions, indique déjà aux juges qu’ils devront apprécier s’il existe des faits de violence allégués.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Cartron, l’amendement n° 25 est-il maintenu ?
Mme Françoise Cartron. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 25 est retiré.
Je mets aux voix l’article 2 bis.
(L’article 2 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 2 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 87 rectifié bis n’est pas soutenu.
L’amendement n° 123, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 312-3-1, il est inséré un article L. 312-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 312-3-2. – Sont interdites d’acquisition et de détention d’armes de toutes catégories les personnes faisant l’objet d’une interdiction de détention ou de port d’arme dans le cadre d’une ordonnance de protection en application du 2° de l’article 515-11 du code civil. » ;
2° Après le 3° de l’article L. 312-16, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Les personnes interdites de détention ou de port d’arme en application de l’article L. 312-3-2. »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Votre commission a supprimé l’article 2 ter qui prévoyait d’inscrire dans le code de la sécurité intérieure que toute personne ayant fait l’objet d’une ordonnance de protection était interdite de port et de détention d’armes, même si le juge aux affaires familiales ne l’avait pas ordonné, car cela était excessif.
Cet amendement vise non pas à rétablir les dispositions supprimées, mais à les remplacer par d’autres prévoyant l’inscription dans le fichier national des interdits d’acquisition et de détention d’armes (Finiada), institué par l’article L. 312-16 de ce même code, des personnes visées par une interdiction de port ou de détention d’arme décidée par le JAF.
Ce fichier peut être consulté par différentes administrations comme la police, la gendarmerie, les douanes, mais également par la Fédération nationale des chasseurs, les fédérations de tir sportif et les armuriers.
Cet amendement permet donc de rendre effectives les interdictions qui ont été prononcées par le juge aux affaires familiales. Je précise, pour répondre à des interrogations qui ont été formulées ce matin en commission par Mme la rapporteur et qui expliquent – j’anticipe peut-être un peu ce que va dire Mme la rapporteur – l’avis de sagesse de la commission, que cet amendement respecte la logique interne du code de la sécurité intérieure.
C’est pourquoi, au lieu de compléter simplement l’article L. 312-16 de ce code, qui énumère les mentions figurant dans le Finiada, pour citer les interdictions prononcées par le JAF, il vise à insérer dans ce même code un nouvel article L. 312-3-2 rappelant l’existence de ces interdictions. Quant à l’article L. 312-16, il renvoie lui- même à ce nouvel article.
Compte tenu de ces précisions, j’espère que l’avis de sagesse de la commission se transformera en avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Effectivement, la commission a adopté ce matin un avis de sagesse, car elle a eu peu de temps pour examiner l’amendement. Elle s’est interrogée sur la rédaction retenue, qui ne paraît pas optimale.
Pour autant, les échanges que nous avons eus cet après-midi avec vos services, madame la ministre, et les explications que vous venez de nous donner m’ont personnellement convaincue. J’émets donc à titre personnel un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, l’article 2 ter est rétabli dans cette rédaction.
Article additionnel après l’article 2 ter
M. le président. L’amendement n° 124 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 227-4-2 du code pénal est complété par les mots : « est puni des mêmes peines le fait, par cette personne, lorsqu’a été ordonné le port d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement en application de l’article 515-11-1 de ce même code, de se rapprocher de la victime à une distance inférieure à celle fixée par l’ordonnance ».
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à faire en sorte que le non-respect par l’auteur des violences des conditions de mise en œuvre du dispositif électronique mobile anti-rapprochement, qui est prononcé dans le cadre d’une ordonnance de protection, constitue bien un délit de violation de cette ordonnance prévue par l’article 227-4-2 du code pénal.
Cette pénalisation est en effet absolument indispensable pour assurer l’efficacité de la réforme. À défaut, les forces de l’ordre ne disposeraient d’aucune base légale pour intervenir si l’auteur des violences se rapproche de la victime à moins d’une certaine distance fixée par le JAF, tant qu’il ne sera pas en contact avec cette dernière. Elles ne pourront que rester passives lorsque le dispositif générera des alertes. Ces dernières auraient ainsi pour seule conséquence d’informer la victime que l’auteur des violences se rapproche d’elle et qu’elle doit se mettre en sécurité, ce qui n’est pas, vous en conviendrez, l’objectif recherché.
L’existence d’une infraction est donc juridiquement nécessaire pour permettre aux forces de l’ordre d’intervenir dans le cadre de l’enquête de flagrance, afin d’interpeller l’auteur et de le placer en garde à vue, avant que le procureur ne se prononce sur d’éventuelles poursuites. Le but n’est évidemment pas d’emprisonner la personne, mais de l’empêcher de se rapprocher de la victime.
La situation justifie par conséquent de préciser la rédaction des dispositions de l’article 227-4-2 du code pénal, ce qui fait l’objet du présent amendement. Je précise que ce dernier a été rectifié, afin d’être plus précis que la version initialement déposée et ayant reçu ce matin un avis défavorable de la commission en raison justement de son imprécision.
Les nouvelles dispositions tendent donc à réprimer uniquement le non-respect de la distance de sécurité qui sera fixée par le JAF dans son ordonnance de protection. J’espère que cette rectification conduira la rapporteur à émettre un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. La commission n’ayant pu examiner ce matin cet amendement, j’émettrai un avis personnel.
Effectivement, sa rédaction est plus précise et plus claire que la rédaction initiale, ce qui constitue un progrès. Toutefois, nous sommes réservés sur la mesure proposée, qui semble instituer une interdiction de rapprochement ordonnée par le JAF. Or il n’est pas prévu de donner au JAF une telle prérogative.
Par conséquent, par manque de temps pour expertiser la mesure et en raison des doutes que je viens d’exprimer, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la rapporteur, puisque vous maintenez vos interrogations et votre avis défavorable sur cet amendement, je veux vous apporter quelques précisions complémentaires.
Certes, l’article 2 quater, ajouté par la commission, prévoit le dispositif du bracelet électronique anti-rapprochement dans le cadre d’une ordonnance de protection qui s’appliquera jusqu’au 31 décembre 2022, et que le Parlement devra à cette date pérenniser ou non. Pour autant, il paraît nécessaire d’en pénaliser la violation.
En effet, même si le dispositif est adopté de façon temporaire par le Parlement, il doit bien évidemment être efficace. Or, si vous ne prévoyez pas de pénalisation, tel ne sera pas le cas. Je le répète, si on ne crée pas un délit de non-respect de la distance, les forces de l’ordre ne pourront pas intervenir lorsque l’auteur de la violence se rapprochera de la victime, tant qu’il ne sera pas en contact avec elle.
Il me semble qu’il ne sert à rien d’instituer un dispositif anti-rapprochement si celui-ci ne permet pas d’empêcher effectivement ce rapprochement. S’il permet uniquement de prévenir la victime que l’auteur des violences se rapproche, que penseront les victimes du dispositif adopté par le Parlement ?
Le but, je le répète, est de permettre aux forces de l’ordre d’intervenir et d’intercepter la personne avant qu’elle n’entre en contact avec la victime. C’est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de faire preuve de cohérence et de responsabilité en adoptant cet amendement, dans l’intérêt des victimes.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 124.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 quater (nouveau)
L’article 515-11-1 du code civil, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la présente loi, est applicable jusqu’au 31 décembre 2022.
Au plus tard six mois avant cette date, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport détaillé de son application. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 2 quater
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié sexies, présenté par Mmes Billon, Eustache-Brinio, Puissat et L. Darcos, M. Brisson, Mmes Bonfanti-Dossat, Malet, Vérien et Kauffmann, M. Laménie, Mmes Blondin, A.M. Bertrand, Létard et Rossignol, MM. L. Hervé et Courteau et Mme Meunier, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 205 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette obligation ne s’applique pas aux enfants dont le père ou la mère a été condamné pour le meurtre ou l’assassinat de l’autre parent. » ;
2° L’article 206 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette obligation ne s’applique pas dans le cas prévu au second alinéa de l’article 205. » ;
3° Au second alinéa de l’article 379, les mots : « , sauf disposition contraire dans le jugement de retrait » sont supprimés ;
4° Après l’article 381, est insérée une section ainsi rédigée :
« Section …
« Des conséquences des morts violentes au sein des couples sur l’autorité parentale du parent condamné et sur l’obligation d’aliment des enfants à l’égard de celui-ci
« Art. …. – La demande en restitution prévue à l’article 381 est irrecevable en cas de condamnation pour le meurtre ou l’assassinat de l’autre parent. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Lorsque l’autorité parentale a été retirée à un parent pour cause de violences envers son conjoint, il paraît nécessaire de prévoir des dispositions visant à protéger les descendants.
Cet amendement vise à modifier le code civil pour prévoir, à l’article 379, la dispense de l’obligation d’aliment pour l’enfant en cas de retrait total de l’autorité parentale ; rendre irrecevable la demande de restitution de l’autorité parentale prévue à l’article 381 du code précité, quand le parent qui en fait la demande a été condamné pour le meurtre ou l’assassinat de l’autre parent ; exclure l’obligation d’aliment des enfants à l’égard de leurs ascendants, définie par l’article 205 du même code, en cas de condamnation pour le meurtre ou l’assassinat de l’autre parent ; et, dans la même logique, exonérer de l’obligation d’aliment les gendres et belles-filles.
Ces mesures rejoignent les conclusions établies à l’occasion du Grenelle des violences faites aux femmes, un peu anticipées. Il s’agit d’une évolution imparable et, a priori, consensuelle. Il serait dommage que le Sénat ne s’en empare pas ce soir. Je compte sur vous, mes chers collègues, pour anticiper la date du 25 novembre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. À l’heure actuelle, le juge peut faire application de l’article 207 du code civil et décharger l’enfant des aliments qu’il doit à son père en tout ou partie lorsque celui-ci a gravement manqué à ses obligations envers lui, ce qui semble évident s’il a tué sa mère.
Mais cela suppose une action en justice, et le dispositif pourrait effectivement être amélioré.
Cet amendement va plus loin qu’une simple suppression de l’obligation alimentaire. Outre la suppression de l’obligation d’aliment des enfants vis-à-vis des parents lorsque l’un d’entre eux a été condamné pour meurtre ou assassinat de son conjoint et la décharge des gendres et des belles-filles dans ce cas, il vise à supprimer la possibilité pour le juge de maintenir une obligation d’aliment lorsqu’il prononce un retrait total d’autorité parentale.
Or le retrait total d’autorité parentale couvre bien d’autres cas que les violences conjugales, tels que l’alcoolisme du parent ou le défaut de soins.
Il n’y a donc pas de raison de supprimer cette souplesse, sachant de surcroît qu’en cas de meurtre ou de violence sur l’autre parent, le juge ne fera pas usage de cette possibilité.
Par ailleurs, cet amendement tend à supprimer la possibilité pour le parent dont l’autorité parentale a été retirée d’en demander le rétablissement en cas de condamnation pour meurtre ou assassinat sur l’autre parent. Une telle disposition inclurait toute possibilité pour un juge de réexaminer la situation, à la demande du parent, en prenant en compte l’intérêt de l’enfant, étant précisé qu’une telle requête n’est plus recevable lorsque l’enfant a été placé en vue d’adoption.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié sexies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 48 rectifié, présenté par M. Grand, Mme Duranton, MM. Houpert, Cambon et Regnard, Mmes Lopez et Giudicelli, MM. Sido, Laménie, Lefèvre, Duplomb, Charon et B. Fournier, Mmes Bories et Berthet et MM. Bonne et Priou, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase de l’article 221-5-5 du code pénal, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle se prononce également sur le maintien ou non de l’obligation alimentaire en application de l’article 205 du code civil. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Dans les restitutions du groupe de travail « justice » du Grenelle des violences conjugales, il est proposé de décharger les enfants de l’obligation alimentaire envers le parent condamné pour homicide volontaire sur l’autre parent.
Le code civil prévoit que les enfants doivent des aliments à leur père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin. En cas d’atteinte volontaire à la vie par le conjoint, il est proposé de permettre aux juges de dégager le ou les enfants de leur obligation alimentaire vis-à-vis de leur parent survivant, auteur des faits.
Dans ce cas, madame la rapporteur, le juge aura complètement la main sur la décision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Votre amendement, mon cher collègue, ne vise pas à modifier le code civil, mais tend à compléter l’article 221-5-5 du code pénal qui prévoit qu’en cas de meurtre ou assassinat d’un parent par l’autre, la juridiction se prononce sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale du meurtrier.
Il s’agit d’ajouter que la juridiction pénale se prononce également sur le maintien ou non de l’obligation alimentaire de l’enfant vis-à-vis du parent criminel survivant.
Cet ajout semble inutile, car, en cas de meurtre, le retrait prononcé est total, ce qui entraîne automatiquement une dispense de l’obligation alimentaire en application de l’article 379 du code civil.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Grand. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 48 rectifié est retiré.
L’amendement n° 104 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 229-2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° L’un des conjoints a bénéficié d’une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales en application du titre XIV du présent livre. »
La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. La dernière réforme du divorce a introduit le divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée, afin de désengorger les tribunaux pour les divorces non conflictuels. Celui-ci n’a pas vocation à s’appliquer lorsque l’un des deux époux bénéficie d’une ordonnance de protection contre l’autre.
Cet amendement vise donc à exclure explicitement cette possibilité dans la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cette exclusion priverait la personne bénéficiant d’une ordonnance de protection de tout divorce par consentement mutuel, même par consentement mutuel judiciaire.
Cela pourrait avoir un effet contre-productif, en conduisant cette femme à renoncer à recourir aux mesures d’urgence de l’ordonnance de protection, de peur de se fermer la voie d’un divorce rapide.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, d’autant que, dans le cadre du divorce par consentement mutuel, les parties doivent prendre chacune un avocat, ce qui me paraît renforcer la protection de la victime.
Mme Josiane Costes. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 104 rectifié est retiré.
Les amendements nos 89 rectifié ter et 69 rectifié bis ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 113 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes et MM. Gold, Guérini, Labbé, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article 373-2 du code civil est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « , sauf en cas de violences conjugales ou intra familiales, c’est-à-dire, tous les actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou économique qui surviennent au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime et ses enfants. Dans ce cas, le juge ne permet pas l’information du parent violent concernant l’adresse du nouvel établissement scolaire de l’enfant. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Comme je n’ai pas réussi à entrer par la grande porte, j’ai essayé de passer par la petite porte, c’est-à-dire par le biais d’un article additionnel, pour évoquer de nouveau l’autorité parentale.
Au vu du succès rencontré, je considère cet amendement comme défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 70 rectifié bis n’est pas soutenu.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 32 rectifié et 71 rectifié bis ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 114 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre et MM. Gold, Guérini, Labbé, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article 373-2-1 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de violences conjugales ou intra familiales, le juge confie l’exercice exclusif de l’autorité parentale au parent victime de ces violences. Le parent auteur des violences ne peut pas exercer de droit de visite, ni de droit d’hébergement, quelles qu’en soient les modalités, pendant une période probatoire laissée à l’appréciation du juge et reconductible. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement est défendu, monsieur le président, dans la mesure où il concerne également l’autorité parentale.
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié bis, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article 378-1 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’exercice de l’autorité parentale est suspendu de plein droit lorsque l’un des deux parents est décédé des suites d’un homicide volontaire, dont les faits font l’objet d’une enquête pénale mettant en cause l’autre parent, ou d’une information judiciaire ouverte à l’encontre de celui-ci. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer ce retrait total, notamment lorsque l’intérêt de l’enfant le commande. »
La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Cet amendement a pour objet de suspendre l’exercice de l’autorité parentale en cas d’homicide volontaire par le conjoint, sans qu’il soit besoin d’une décision du juge, et ce dès la phase d’enquête ou d’instruction. Toutefois, la juridiction pourra, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer ce retrait total, notamment lorsque l’intérêt de l’enfant le commande.
Comme le Grenelle des violences conjugales nous y invite, cette rédaction vise ainsi à indexer notre droit sur le réel : lorsqu’un père commet des violences sur la mère de ses enfants, la plupart du temps en face de ces derniers, on peut légitimement supposer que la relation qui les lie est fortement dégradée, au moins le temps du jugement de la procédure.
Ainsi, maintenir envers et contre tout le lien physique entre un enfant et son père ne semble raisonnable ni pour l’enfant ni pour la mère, qui est mise en péril dès qu’elle exerce son droit de visite.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié quinquies, présenté par Mmes Billon, Puissat, Eustache-Brinio et L. Darcos, M. Brisson, Mmes Bonfanti-Dossat, Malet, Vérien et Kauffmann, MM. Laménie et A. Bertrand, Mmes Létard, Rossignol et Meunier et M. Courteau, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi un rapport sur les conséquences du maintien de l’autorité parentale de l’auteur de violences intrafamiliales et sur la possibilité d’envisager la suspension, voire le retrait de l’autorité parentale en cas de condamnation pour violences intrafamiliales, a fortiori quand l’auteur de violences a été condamné pour le meurtre ou l’assassinat de l’autre parent.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement traduit une recommandation formulée par la délégation aux droits des femmes dans plusieurs de ses travaux sur les violences faites aux femmes.
Il vise à favoriser un changement de regard sur la question de l’autorité parentale, afin de rendre plus évidente la suspension, voire le retrait de l’autorité parentale, par le juge civil ou pénal, du parent condamné pour violences intrafamiliales, que la victime soit le conjoint ou un enfant.
De nombreuses femmes sont tuées par leur conjoint à l’occasion des droits de visite et d’hébergement des enfants. Il est donc urgent de favoriser la réflexion sur un aménagement facilité de l’autorité parentale en cas de condamnation pour violences intrafamiliales, comme l’a d’ailleurs annoncé le Premier ministre dans le cadre du lancement du Grenelle des violences conjugales, le 3 septembre 2019.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 114 rectifié, l’idée de forcer la main du juge en rendant automatique ce qui peut être assimilé à une peine soulève des questions d’ordre constitutionnel.
Les choses peuvent évidemment être améliorées, mais dans le cas d’une réforme plus globale, afin de mettre en cohérence les régimes de l’autorité parentale.
En l’état des textes, le juge a déjà la possibilité de décider l’exercice exclusif de l’autorité parentale, si l’intérêt de l’enfant le commande, et de priver le parent violent des droits de visite et d’hébergement, en cas de motifs graves.
La commission est par conséquent défavorable à cet amendement.
Quant à l’amendement n° 26 rectifié bis, il ne semble pas tout à fait abouti, puisqu’il mélange les notions de suspension et de retrait, ce qui montre que les frontières sont floues. La suspension n’est pas un mécanisme du droit existant. Il faudrait donc créer un régime propre pour en déterminer les conséquences pour l’enfant : à qui l’enfant sera-t-il confié et sous quel statut ?
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
S’agissant de l’amendement n° 6 rectifié quinquies, la commission des lois et le Sénat en général ne sont pas favorables aux demandes de rapports, qui restent souvent lettre morte. Toutefois, la question de l’autorité parentale et de son maintien en cas de violence intrafamiliale est au cœur de nos débats. C’est une préoccupation vive, qui a fait l’objet d’annonces du Premier ministre et du Gouvernement depuis quelques mois. Le travail est en cours, et le rapport permettra au Parlement d’en être utilement tenu informé et de connaître quelles pistes sont explorées.
La commission est donc favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable, comme la commission, aux amendements nos 114 rectifié et 26 rectifié bis. Mais elle est également défavorable à l’amendement n° 6 rectifié quinquies.
Mme Annick Billon. C’est dommage !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2 quater.
L’amendement n° 65 rectifié bis n’est pas soutenu.
L’amendement n° 116 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 81 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Hors les cas de mort naturelle évidente ou survenue à l’occasion d’un accident de la circulation, l’inhumation d’un mineur de moins d’un an ne peut avoir lieu sans l’établissement d’un procès-verbal dans les conditions prévues au premier alinéa. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement fait suite au rapport de la mission sur les morts violentes d’enfants au sein des familles, élaboré par trois inspections générales.
Dans la mesure où nous ne parlons pas des enfants ce soir, mais « seulement » de violences conjugales intrafamiliales, je retire cet amendement, en espérant que, lors de l’examen du projet de loi d’Adrien Taquet sur la protection des enfants, je pourrai présenter de nouveau cette disposition.
M. le président. L’amendement n° 116 rectifié est retiré.
L’amendement n° 39 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. François-Noël Buffet, vice-président de la commission des lois. Monsieur le président, la commission avait émis un avis favorable sur les amendements nos 19 rectifié bis, 20 rectifié bis et 22 rectifié ter, qui ne seront pas présentés, leurs auteurs ayant quitté l’hémicycle. Elle souhaite les reprendre.
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié bis n’est effectivement pas soutenu.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 131, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, et ainsi libellé :
I. – Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 726 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Celui qui est condamné, en tant que conjoint, à une peine criminelle pour avoir volontairement commis des violences envers le défunt. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Des qualités requises pour succéder
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. L’article 726 du code civil exclut de la succession celui qui est condamné à une peine criminelle pour avoir volontairement donné la mort au défunt ou tenter de lui donner la mort, ou avoir volontairement porté des coups ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner.
Cet amendement vise à exclure également de la succession le conjoint qui a été condamné à une peine criminelle pour avoir commis des violences envers le défunt, même si celles-ci n’ont pas entraîné sa mort. Les faits sont suffisamment graves pour entraîner une indignité successorale. L’automaticité permettrait de mettre fin à des situations choquantes.
Par ailleurs, la victime conserverait toujours la possibilité de confirmer sa volonté de maintenir son conjoint dans sa succession, en application de l’article 728 du même code.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
En effet, il tend à créer une exception légale aux droits de succession du conjoint qui est condamné à une peine criminelle pour des faits de violence. Aujourd’hui, les causes d’indignité successorale sont prévues lorsque l’auteur des faits est directement responsable du décès de la victime. Or il est prévu par cet amendement de retenir des faits de violence sans lien nécessairement direct avec le décès et sans limite de temps.
Si je conçois l’intérêt d’une telle proposition, j’estime que sa rédaction est incomplète. Il conviendrait de mener une expertise juridique un peu plus précise.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2 quater.
L’amendement n° 20 rectifié bis n’est pas soutenu.
M. François-Noël Buffet, vice-président de la commission des lois. Comme annoncé, je le reprends au nom de la commission.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 132, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, et ainsi libellé :
I. - Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2° de l’article 727 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Celui qui est condamné, en tant que conjoint, à une peine correctionnelle pour avoir volontairement commis des violences envers le défunt ; ».
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Des qualités requises pour succéder
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Comme l’amendement précédent, cet amendement vise à exclure de la succession le conjoint qui a été condamné à une peine correctionnelle pour avoir commis des violences envers le défunt, même si cela n’a pas entraîné la mort de ce dernier. La décision d’exclure le conjoint de la succession serait prononcée par le tribunal. Par ailleurs, la victime conserverait la possibilité de confirmer, de son vivant, sa volonté de maintenir son conjoint dans sa succession, en application de l’article 728 du code civil.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Il convient en effet de mener une expertise juridique sur l’utilité de cette mesure.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2 quater.
L’amendement n° 21 rectifié bis n’est pas soutenu.
L’amendement n° 22 rectifié ter n’est pas soutenu.
M. François-Noël Buffet, vice-président de la commission des lois. Je le reprends au nom de la commission, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 133, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, et ainsi libellé :
I. – Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 353-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 353-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 353-1-…. – La pension mentionnée à l’article L. 353-1 n’est pas due dans le cas où le conjoint divorcé est ou a été condamné à une peine criminelle ou correctionnelle pour avoir volontairement commis des violences envers l’époux assuré ayant conduit, ou non, à son décès. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Des pensions de réversion
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Il s’agit de prévoir l’absence de droits à pension de réversion pour le conjoint survivant ayant été condamné pour violences ayant entraîné ou non la mort.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2 quater.
Chapitre II
De l’élargissement du port du bracelet anti-rapprochement
Article 3
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article 131-4-1, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, est complété par une phrase ainsi rédigée : « La juridiction peut également soumettre le condamné à une ou plusieurs des obligations ou interdictions prévues aux articles 132-44 et 132-45. » ;
1° bis À la fin de la première phrase du dernier alinéa de l’article 131-22, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 précitée, les références : « pour les articles 132-44 et 132-45 » sont remplacées par la référence : « à l’article 132-44 » ;
2° (Supprimé)
3° Après le 18° de l’article 132-45, il est inséré un 18° bis ainsi rédigé :
« 18° bis Respecter l’interdiction de se rapprocher d’une victime de violences commises au sein du couple prévue par l’article 132-45-1 et contrôlée par un dispositif électronique mobile anti-rapprochement ; »
4° L’article 132-45-1 est ainsi rétabli :
« Art. 132-45-1. – En cas d’infraction punie d’au moins trois ans d’emprisonnement commise contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, y compris lorsqu’ils ne cohabitent pas, ou commise par l’ancien conjoint ou concubin de la victime ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, la juridiction peut, à la demande ou avec le consentement exprès de la victime, qui peut être recueilli par tout moyen :
« 1° Interdire au condamné de se rapprocher de la victime à moins d’une certaine distance fixée par la décision ;
« 2° Et, afin d’assurer le respect de cette interdiction, astreindre le condamné au port, pendant toute la durée de la mesure, d’un bracelet intégrant un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l’ensemble du territoire national et permettant de déterminer s’il s’approche de la victime à qui a été attribué un dispositif électronique permettant également de déterminer sa localisation.
« Le condamné est avisé que la pose du bracelet ne peut être effectuée sans son consentement mais que le fait de la refuser constitue une violation des obligations qui lui incombent et peut donner lieu à la révocation de la mesure. Ce dispositif est homologué par le ministre de la justice. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne et ne doit pas entraver son insertion sociale.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. Ce décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, autorise la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel assurant le contrôle à distance de la localisation du condamné et de la victime ; ce décret peut étendre les finalités du traitement prévu à l’article 763-13 du code de procédure pénale. Les personnes contribuant au contrôle à distance, qui ne peut conduire à imposer la présence du condamné dans certains lieux, peuvent être des personnes privées habilitées dans des conditions prévues par ce décret. » ;
5° À l’article 222-18-3, les mots : « deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € » sont remplacés par les mots : « trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € ».
II. – Le code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, est ainsi modifié :
1° À l’avant-dernier alinéa de l’article 471, la référence : « 131-5 » est remplacée par la référence : « 131-4-1 » ;
2° Au premier alinéa de l’article 712-19, après le mot : « objet », sont insérés les mots : « d’une peine de détention à domicile sous surveillance électronique, » ;
3° (nouveau) Au premier alinéa de l’article 745, les références : « 9° et 13° » sont remplacées par les références : « 9°, 13° et 18° bis ».
M. le président. L’amendement n° 125, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
pour les articles
par les mots :
par les articles
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Il s’agit de la correction d’une erreur matérielle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
La sous-section 1 de la section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° Après le 17° de l’article 138, il est inséré un 17° bis ainsi rédigé :
« 17° bis Respecter l’interdiction de se rapprocher d’une victime de violences commises au sein du couple prévue à l’article 138-3 et contrôlée par un dispositif électronique mobile anti-rapprochement ; »
2° Après l’article 138-2, il est inséré un article 138-3 ainsi rédigé :
« Art. 138-3. – En cas d’infraction punie d’au moins trois ans d’emprisonnement commise contre son conjoint, son concubin ou le partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité, y compris lorsqu’ils ne cohabitent pas, ou commise par l’ancien conjoint ou concubin de la victime ou par le partenaire ayant été lié à elle par un pacte civil de solidarité, le juge peut, à la demande ou avec le consentement exprès de la victime, qui peut être recueilli par tout moyen :
« 1° Interdire à la personne placée sous contrôle judiciaire de se rapprocher de la victime à moins d’une certaine distance fixée par la décision ;
« 2° Et, afin d’assurer le respect de l’interdiction prévue au 1°, astreindre cette personne au port, pendant toute la durée du placement, d’un bracelet intégrant un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l’ensemble du territoire national et si elle s’approche de la victime à qui a été attribué un dispositif électronique permettant également sa localisation.
« La personne placée sous contrôle judiciaire est avisée que la pose du bracelet ne peut être effectuée sans son consentement mais que le fait de la refuser constitue une violation des obligations qui lui incombent et peut donner lieu à la révocation de la mesure et à son placement en détention provisoire. Ce dispositif est homologué par le ministre de la justice. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne et ne pas entraver son insertion sociale.
« Les dispositions du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. Ce décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, autorise la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel assurant le contrôle à distance de la localisation de la personne placée sous contrôle judiciaire et de la victime ; ces dispositions peuvent étendre les finalités du traitement prévu à l’article 763-13. Les personnes contribuant à ce contrôle à distance, qui ne peut conduire à imposer la présence de la personne placée sous contrôle judiciaire dans certains lieux, peuvent être des personnes privées habilitées dans des conditions prévues par ce décret. » ;
3° (nouveau) Au premier alinéa de l’article 141-4, la référence : « et 17° » est remplacée par les références : « , 17° et 17° bis ». – (Adopté.)
Article 4 bis (nouveau)
L’article 230-19 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au 2°, après les mots : « de l’article 138 du code de procédure pénale », sont insérés les mots : « , à l’article 138-3 du même code » ;
2° Au 8°, après les mots : « de l’article 132-45 », sont insérés les mots : « , de l’article 132-45-1 » ;
3° Au 17°, les références : « 1° et 2° de l’article 515-11 du code civil et » sont remplacées par les références : « 1°, 1° bis et 2° de l’article 515-11 ».
M. le président. L’amendement n° 126, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Au 2°, les mots : « du code de procédure pénale » sont remplacés par les mots : « et à l’article 138-3 du présent code » ;
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 4 bis, modifié.
(L’article 4 bis est adopté.)
Article 5
I. – Après l’article 15-3-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15-3-2 ainsi rédigé :
« Art. 15-3-2. – En cas de plainte déposée pour une infraction punie d’au moins trois ans d’emprisonnement commise contre son conjoint, son concubin ou le partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité, y compris lorsqu’ils ne cohabitent pas, ou commise par l’ancien conjoint ou concubin de la victime ou par le partenaire ayant été lié à elle par un pacte civil de solidarité, l’officier ou l’agent de police judiciaire qui reçoit la plainte informe la victime, oralement et par la remise d’un document, qu’elle peut demander ou consentir à bénéficier du dispositif électronique mobile anti-rapprochement prévu à l’article 138-3 du présent code, l’article 132-45-1 du code pénal ou l’article 515-11-1 du code civil, qui est susceptible d’être ordonné par la juridiction compétente. »
II. – (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 24, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
contre son conjoint
par les mots :
par le conjoint de la victime
La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Il s’agit de rectifier une erreur rédactionnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 47 rectifié, présenté par M. Grand, Mme Duranton, MM. Houpert, Cambon et Regnard, Mmes Lopez et Giudicelli, MM. Sido, Laménie et Lefèvre, Mme Malet, MM. Charon et B. Fournier, Mmes Bories et Berthet et MM. Bonne, Bonhomme et Priou, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
informe la victime, oralement et par la remise d’un document,
par les mots :
remet à la victime un document l’informant notamment
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. L’article 5 prévoit, lors du dépôt de plainte, l’information de la victime de violences conjugales sur ses droits à bénéficier du dispositif de protection électronique.
La commission des lois a adopté une rédaction de compromis prévoyant que cette information se ferait de manière orale et par la remise d’un document.
Si l’accueil, la prise en charge et l’information sont primordiaux en la matière, les officiers et agents de police judiciaire qui reçoivent la plainte ne peuvent pas connaître tous les dispositifs spécifiques applicables à l’ensemble des crimes et délits.
Cette difficulté est renforcée par l’ajout en commission de l’obligation d’information sur la possibilité de bénéficier de l’ordonnance de protection.
Il est donc proposé de préciser que l’information de la victime s’effectuera par la remise d’un document l’informant de ses droits.
Cette solution permettra d’offrir une réponse complète et uniforme sur l’ensemble du territoire. Bien évidemment, la victime venue porter plainte pourra toujours être réorientée vers un agent mieux formé et plus apte à répondre à l’ensemble de ses interrogations.
Une telle mesure a été proposée dans le cadre des restitutions du groupe de travail « accueil en commissariat et gendarmerie » du Grenelle des violences conjugales, qui prévoient notamment de remettre systématiquement un document d’information simplifié aux victimes, de « protocoliser » l’accueil des victimes dans les services de police et unités de gendarmerie et de renforcer les formations initiales et continues des forces de l’ordre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement traite des modalités d’information de la victime. La commission est favorable à ce que la victime reparte avec un document lui permettant de retrouver toutes les informations qui lui ont été présentées, mais ne souhaite pas que l’information se résume à la remise de ce document, qu’elle ne lira peut-être pas ou ne comprendra peut-être pas. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité préserver une information orale de la victime.
La commission étant attachée à la rédaction qu’elle a adoptée, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Par principe, je maintiens cet amendement. Nous savons comment les choses se passent ! Bien souvent, les policiers sont très occupés et n’ont pas le temps d’informer la victime. Il est donc souhaitable que celle-ci reparte avec un document. Si elle ne sait pas lire, d’autres sauront le lui lire !
M. le président. L’amendement n° 64 rectifié n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Article additionnel après l’article 5
M. le président. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par M. Grand, Mme Duranton, MM. Houpert, Cambon et Regnard, Mmes Lopez et Giudicelli, MM. Poniatowski, Sido, Laménie, Lefèvre, Charon et B. Fournier, Mmes Bories et Berthet et MM. Bonne, Bonhomme et Priou, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 434-5 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits mentionnés au premier alinéa sont commis contre son conjoint, son concubin ou le partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité ou commis par l’ancien conjoint ou concubin de la victime ou par le partenaire ayant été lié à elle par un pacte civil de solidarité auteur de violences conjugales, la peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Le code pénal prévoit que toute menace ou tout autre acte d’intimidation à l’égard de quiconque, commis en vue de déterminer la victime d’un crime ou d’un délit à ne pas porter plainte ou à se rétracter, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
La victime de violences conjugales est très fréquemment réticente à déposer plainte contre son conjoint violent. Elle privilégie bien souvent la main courante ou le procès-verbal de renseignement judiciaire. Même si le retrait d’une plainte n’éteint pas les possibilités de l’action publique, il est proposé d’aggraver les peines encourues par un conjoint violent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Si je comprends l’intention de notre collègue, il me semble que la peine prévue aujourd’hui est suffisamment dissuasive. Il me semble aussi que nous devons rester attentifs à respecter une certaine échelle des peines. La peine proposée est celle qui est prévue par le code pénal en cas de menace de mort sur le conjoint, concubin ou partenaire de PACS. J’estime que nous devons continuer à réprimer plus sévèrement la menace de mort que la menace pour dissuader de porter plainte. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Grand. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 45 rectifié est retiré.
Article 6
À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 721 du code de procédure pénale, après le mot : « mineur, », sont insérés les mots : « ou commis à l’encontre de son conjoint, de son concubin ou du partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 6
M. le président. L’amendement n° 106 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre et MM. Gold, Guérini, Labbé, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 222-31-1 du code pénal, il est inséré un article 222-31-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 222-31-1-1. – Tous actes sexuels incestueux, entre un majeur et un mineur, relèvent d’un viol ou d’une agression sexuelle.
« Les viols incestueux commis par un majeur sur un mineur sont punis de 20 ans de réclusion criminelle.
« Les agressions sexuelles incestueuses, autres que le viol, commises par un majeur sur un mineur sont punies de 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.
« Le présent article s’applique également lorsque la victime est majeure, la preuve ayant été rapportée que les actes incestueux ont commencé lors de la minorité de la victime. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai également les amendements nos 111 rectifié, 112 rectifié, 108 rectifié, 109 rectifié, 110 rectifié et 107 rectifié.
M. le président. L’amendement n° 111 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre et MM. Gold, Guérini, Labbé, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 4° de l’article 706-47 du code de procédure pénale, la référence : « 222-31-1 » est remplacée par la référence : « 222-31-1-1 ».
L’amendement n° 112 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre et MM. Gold, Guérini, Labbé, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 706-47-2 du code de procédure pénale, après la référence : « 222-26 », est insérée la référence : « , 222-31-1-1 ».
L’amendement n° 108 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme N. Delattre et MM. Gold, Guérini, Labbé, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 1° de l’article 227-27 du code pénal, les mots : « par un ascendant ou » sont supprimés.
L’amendement n° 109 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre et MM. Gold, Guérini, Labbé, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 227-27-2-1 du code pénal est abrogé.
L’amendement n° 110 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre et MM. Gold, Guérini, Labbé, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 227-27-3 du code pénal est abrogé.
L’amendement n° 107 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre et MM. Gold, Guérini, Labbé, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l’article 227-26 du code pénal est ainsi rédigé :
« 1° Lorsqu’elles sont commises par toute personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; ».
Veuillez poursuivre et présenter ces sept amendements, madame Laborde.
Mme Françoise Laborde. Bien qu’il ne s’agisse pas du cœur du texte aujourd’hui en discussion, j’aurais souhaité que l’évolution de notre droit en matière d’inceste soit discutée de nouveau aujourd’hui, dans la continuité de mes propositions antérieures sur le sujet, notamment lors de l’examen du précédent projet de loi soutenu par Mme Schiappa.
Les violences sexuelles sont en effet une forme particulière de violence qui sévit parfois malheureusement au sein des familles.
L’ensemble de ces amendements vise notamment à renforcer la qualification pénale des actes incestueux sur mineurs en créant une infraction spécifique pour les viols et agressions sexuelles incestueux sur mineurs.
Il s’agissait de s’assurer que l’existence d’un acte incestueux d’un majeur sur un mineur de la même famille suffit à caractériser à elle seule la violence et la contrainte mentionnée à l’article 222-22 du code pénal, la notion de consentement en matière d’inceste n’ayant absolument aucun sens.
Ces dispositions visent à ce que tous les actes sexuels incestueux, entre un majeur et un mineur, soient considérés comme des viols ou des agressions sexuelles.
Le droit positif en matière d’inceste prend en compte les « ascendants et les personnes ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ». Ces nouvelles dispositions permettraient de prendre en considération non seulement les ascendants, mais aussi toutes les personnes mentionnées à l’article 222-31-1 du code pénal relatif à la qualification incestueuse des viols et agressions sexuelles.
De plus, il n’y aurait plus besoin de démontrer l’autorité de droit ou de fait, l’inceste sera qualifié et puni de façon automatique, par le constat de la filiation.
Cela étant, ayant compris que ce ne serait pas encore ce soir que nous pourrions discuter calmement et sereinement de ces sujets, et ayant surtout compris que mes amendements ne recueilleraient pas un avis favorable, je les retire tous.
Mme Annick Billon. Dommage !
M. le président. Les amendements nos 106 rectifié, 111 rectifié, 112 rectifié, 108 rectifié, 109 rectifié, 110 rectifié et 107 rectifié sont retirés.
L’amendement n° 115 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article 223-6 du code pénal est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende dans l’un des cas suivants :
« a) Lorsque le crime ou le délit contre l’intégrité corporelle de la personne mentionnée au premier alinéa est commis sur un mineur ou lorsque la personne en péril mentionnée au deuxième alinéa est un mineur ;
« b) Lorsqu’un mineur assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Cet amendement étant dans la lignée des amendements précédents relatifs à la préservation des enfants au sein des couples dans lesquels sévit la violence, je ne me fais pas d’illusion sur le sort qui lui sera réservé ; je préfère par conséquent le retirer.
M. le président. L’amendement n° 115 rectifié est retiré.
Chapitre III
De l’accès au logement
Article 7
I A. – A titre expérimental et pour une durée de trois ans, par dérogation à l’article L. 442-8 du code de la construction et de l’habitation, les organismes mentionnés à l’article L. 411-2 du même code peuvent louer, meublés ou non, des logements à des organismes déclarés ayant pour objet de les sous-louer à titre temporaire aux personnes victimes de violences attestées par une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales en application du titre XIV du livre Ier du code civil.
I. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans, est institué, sur l’ensemble du territoire national, un dispositif d’accompagnement adapté afin notamment d’accompagner le dépôt de garantie, les garanties locatives, les premiers mois de loyer et ainsi de faciliter le relogement des victimes de violences attestées par une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales en application du titre XIV du livre Ier du code civil.
Cet accompagnement se déclenche à la demande de la victime, et sous conditions de ressources, au moment où elle cesse, y compris de son propre chef, de jouir effectivement du logement conjugal ou commun.
II. – Les I A et I du présent article entrent en vigueur à l’issue d’un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.
III. – Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation prévue aux I A et I du présent article, le Gouvernement remet au Parlement un rapport destiné à en évaluer la pertinence.
III bis, IV et V. – (Supprimés)
M. le président. L’amendement n° 42 rectifié bis n’est pas soutenu.
L’amendement n° 127, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’article L. 442-8-2 du code de la construction et de l’habitation est applicable aux sous-locataires bénéficiant de cette expérimentation.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. C’est un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Article 7 bis
Le second alinéa de l’article L. 441-2-2 du code de la construction et de l’habitation est complété par les mots : « , sauf lorsque le membre du ménage candidat à l’attribution bénéficie ou a bénéficié d’une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales en application du titre XIV du livre Ier du code civil ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 7 bis
M. le président. Les amendements nos 67 rectifié bis, 66 rectifié, 40 rectifié bis et 44 rectifié bis ne sont pas soutenus.
Article 7 ter
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 78 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 46 rectifié, présenté par M. Grand, Mme Duranton, MM. Houpert, Cambon et Regnard, Mme Giudicelli, MM. Sido, Laménie, Duplomb, Charon et B. Fournier, Mmes Bories et Berthet et MM. Bonne, Bonhomme et Priou, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le quatrième alinéa du III de l’article L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les logements faisant l’objet d’une réservation par le représentant de l’État dans le département, celui-ci peut s’engager à proposer prioritairement et en urgence des logements à des personnes victimes de violences commisses au sein du couple. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Adopté en séance à l’Assemblée nationale contre l’avis de la commission et du Gouvernement, l’article 7 ter prévoyait d’améliorer le dispositif du logement d’urgence en demandant aux préfets d’identifier des logements de droit commun pour attribution en urgence aux femmes victimes de violences.
Au-delà d’être dépourvu de toute portée normative, cet article semblait être doublement satisfait à la fois par l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation qui dispose déjà que les femmes victimes de violences font partie des publics prioritaires pour l’attribution d’un logement locatif social et par l’expérimentation prévue à l’article 7 de la présente proposition de loi permettant de mettre rapidement des logements à disposition pour les femmes victimes de violences.
La commission des lois a donc procédé à sa suppression.
En effet, la sensibilisation des préfets passe essentiellement par les circulaires comme celle du 8 mars 2017 relative à l’accès au logement des femmes victimes de violences ou en grande difficulté.
Néanmoins, afin de renforcer cette obligation et de maintenir le bon signal souhaité par les députés, il est proposé de rétablir les dispositions de cet article en les inscrivant dans le code de la construction et de l’habitation sur le même modèle que celles qui bénéficient à d’autres publics cibles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. L’article 7 ter, supprimé par la commission, était dépourvu de toute portée normative et déjà satisfait par le droit en vigueur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Grand. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 46 rectifié est retiré et l’article 7 ter demeure supprimé.
Chapitre IV
Du téléphone grave danger
Article 8
L’article 41-3-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après la première phrase du premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’attribution peut être sollicitée par tout moyen. » ;
2° Le deuxième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le dispositif de téléprotection ne peut être attribué qu’en l’absence de cohabitation entre la victime et l’auteur des violences et :
« 1° Soit lorsque ce dernier a fait l’objet d’une interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime dans le cadre d’une ordonnance de protection, d’une alternative aux poursuites, d’une composition pénale, d’un contrôle judiciaire, d’une assignation à résidence sous surveillance électronique, d’une condamnation, d’un aménagement de peine ou d’une mesure de sûreté ;
« 2° Soit en cas de danger avéré et imminent, lorsque l’auteur des violences est en fuite ou n’a pas encore pu être interpellé ou lorsque l’interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime dans l’un des cadres prévus au 1° n’a pas encore été prononcée. »
M. le président. Les amendements nos 68 rectifié, 80 rectifié et 88 rectifié bis ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Article 9
(Suppression maintenue)
Article additionnel après l’article 9
M. le président. Les amendements nos 72 rectifié, 73 rectifié, 74 rectifié, 93 rectifié, 94 rectifié, 95 rectifié et 96 rectifié ne sont pas soutenus.
Chapitre V
Dispositions diverses
Articles additionnels avant l’article 10 A
M. le président. L’amendement n° 75 rectifié n’est pas soutenu.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 91 rectifié ter n’est pas soutenu.
L’amendement n° 12 rectifié quinquies, présenté par Mme Billon, MM. Bonnecarrère, Laugier, Cadic et Longeot, Mme Sollogoub, MM. Le Nay, Delcros, Janssens, Détraigne et Kern, Mme Létard, M. Bockel, Mme Férat et MM. Lafon et Canevet, est ainsi libellé :
Avant l’article 10 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre IV du code de procédure pénale est complété par un titre … ainsi rédigé :
« Titre …
« De l’identité d’emprunt
« Art. 706-.… – En cas de risque d’une particulière gravité pour l’intégrité physique de la victime ou d’un ou plusieurs enfants, la victime a le droit d’obtenir une identité d’emprunt. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Aujourd’hui, certaines victimes de violences conjugales sont dans l’incapacité de se soustraire à leur agresseur, et ce alors même qu’il a été condamné, ce dernier continuant de faire peser des menaces sur son conjoint ou ex-conjoint et sur ses enfants. Cet amendement vise donc à assouplir les modalités de changement d’identité, afin de prendre en compte la situation particulièrement éprouvante des victimes de violences conjugales dont le cas ne semble pas entrer dans les critères actuels de changement de nom pour motif légitime.
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 5 rectifié quater, présenté par Mmes Billon, Puissat, Eustache-Brinio et L. Darcos, M. Brisson, Mmes Bonfanti-Dossat, Malet, Vérien et Kauffmann, M. Laménie, Mmes Blondin, A.M. Bertrand, Létard, Rossignol et Meunier et M. Courteau, est ainsi libellé :
Avant l’article 10 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi un rapport sur la possibilité, pour les victimes de violences conjugales, de changer de nom à l’état civil, afin de les protéger de l’auteur de violences ayant fait l’objet d’une condamnation, y compris lorsque celui-ci est incarcéré.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement est défendu. Il s’agit d’une demande de rapport. J’espère que Mme la rapporteur se montrera bienveillante…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. L’amendement n° 12 rectifié quinquies vise à ce que la victime qui court des risques d’une particulière gravité pour son intégrité physique puisse bénéficier d’une identité d’emprunt. J’ai tendance à voir dans cet amendement un amendement d’appel dans la mesure où il pose un principe sans préciser quelle serait l’autorité compétente ni la procédure à suivre pour en bénéficier. Je m’interroge également sur le champ visé par cet amendement : si l’objet mentionne les victimes de violences conjugales, le dispositif fait référence aux victimes sans autre précision, ce qui est beaucoup plus large.
Actuellement, l’identité d’emprunt peut bénéficier à des personnes victimes d’un réseau de proxénétisme ou de traite des êtres humains ou à des repentis qui ont empêché la réalisation d’un crime ou d’un délit. Ces personnes peuvent craindre des représailles de la part de criminels agissant en bande organisée.
Il est vrai que certaines victimes de violences conjugales peuvent redouter d’être victimes de représailles de la part de leur conjoint, notamment au moment du dépôt de plainte. Il nous semble cependant que le bracelet anti-rapprochement leur offre une protection plus appropriée que le recours à une identité d’emprunt, qui doit rester exceptionnel, et qui impose à la victime un changement de vie qu’il convient d’éviter.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Billon, les amendements nos 12 rectifié quinquies et 5 rectifié quater sont-ils maintenus ?
Mme Annick Billon. Non, je les retire, monsieur le président. J’imagine, madame la garde des sceaux, que les groupes de travail vous feront des propositions dans ce sens.
M. le président. Les amendements nos 12 rectifié quinquies et 5 rectifié quater sont retirés.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 14 rectifié quinquies, présenté par Mme Billon, MM. Bonnecarrère, Laugier, Cadic et Longeot, Mme Sollogoub, MM. Le Nay, Delcros, Janssens, Détraigne et Kern, Mme Létard, M. Bockel, Mme Férat et MM. Lafon, Moga et L. Hervé, est ainsi libellé :
Avant l’article 10 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1111-7 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1111-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-…. – Les personnes victimes de violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin qui mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, peuvent, si elles le demandent ou sur proposition de l’établissement de santé, bénéficier de l’anonymat au moment de l’admission.
« Les personnes ayant bénéficié d’un traitement dans les conditions prévues au premier alinéa peuvent demander au médecin qui les a traitées un certificat nominatif mentionnant les dates, la durée et l’objet du traitement. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement est défendu.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Il s’agit de protéger les victimes de violences de la part d’un conjoint ou ex-conjoint en leur permettant de demander l’anonymat lors de leur admission à l’hôpital. La finalité est d’empêcher leur agresseur de les retrouver. Cet amendement est déjà satisfait par la possibilité pour tout patient de demander la non-divulgation de sa présence à l’hôpital. Cette demande peut être faite lors des formalités administratives à l’accueil ou dans le service d’hospitalisation lors de l’admission. L’obligation de discrétion professionnelle qui s’impose aux professionnels de santé doit suffire à protéger la personne qui ne veut pas que sa présence à l’hôpital soit connue. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Billon, l’amendement n° 14 rectifié quinquies est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Mme la rapporteur parle de discrétion. S’il existe des accouchements sous X, c’est bien que la discrétion ne suffit pas ! Certes, les cas sont différents, mais les femmes victimes de violences sont parfois en danger de mort. L’hospitalisation sous X permettrait de les protéger. Nous devons avoir une réflexion sur ce sujet. Quoi qu’il en soit, je retire cet amendement d’appel.
M. le président. L’amendement n° 97 rectifié n’est pas soutenu. Par conséquent, le sous-amendement n° 129 n’a plus d’objet et l’article 10 A demeure supprimé.
Article 10 B
(Supprimé)
M. le président. Les amendements nos 38 rectifié et 98 rectifiés ne sont pas soutenus, et l’article 10 B demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 10 B
M. le président. L’amendement n° 49 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mme Duranton, MM. Houpert, Cambon et Regnard, Mme Giudicelli, MM. Poniatowski, Sido, Laménie, Lefèvre, Charon et B. Fournier, Mmes Bories et Berthet et MM. Bonne, Bonhomme et Priou, est ainsi libellé :
Après l’article 10 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article 223-13 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende lorsque la provocation a été suivie du suicide de son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, y compris lorsqu’ils ne cohabitent pas, ou de son ancien conjoint ou concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Dans les restitutions du groupe de travail « violences psychologiques » du Grenelle des violences conjugales, il est proposé de créer une incrimination du suicide forcé comme circonstance aggravante.
Le code pénal prévoit que le fait de provoquer le suicide d’autrui est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d’une tentative de suicide.
Il est proposé de porter ces peines à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende lorsque la provocation a conduit au suicide de son conjoint ou ex-conjoint.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à aligner la peine encourue dans le cas d’une provocation suivie du suicide du conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité sur celle qui est prévue pour le suicide d’un mineur.
Il s’agit de répondre aux cas de suicides forcés. Cependant ce n’est pas nécessairement par la provocation directe au suicide que la victime est poussée à l’acte, mais tout aussi bien par le harcèlement moral. Il n’est donc pas sûr que cet amendement atteigne l’objectif visé. J’en demande par conséquent le retrait. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Grand, l’amendement n° 49 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Grand. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 49 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 99 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 7 rectifié ter, présenté par Mmes Billon, Puissat, Eustache-Brinio, L. Darcos, Malet et Vérien, M. Brisson, Mmes Bonfanti-Dossat et Kauffmann, M. Laménie, Mmes A.M. Bertrand, Létard et Meunier et M. Courteau, est ainsi libellé :
Après l’article 10 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi un rapport sur l’opportunité d’introduire le crime de féminicide dans le code pénal, pour réprimer de façon spécifique le meurtre ou l’assassinat du conjoint, du concubin ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, y compris en l’absence de cohabitation, indépendamment de l’article 221-4 du code pénal punissant de la réclusion criminelle le meurtre commis sur le conjoint, le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement vise à lancer la réflexion sur l’introduction du crime de féminicide dans le code pénal. Ce terme est entré dans le langage commun, comme le montre le Petit Robert, qui, depuis 2015, le définit comme « le meurtre d’une femme en raison de son sexe ».
Pourquoi susciter une réflexion sur la prise en compte de cette notion dans le code pénal ?
Le meurtre d’une femme par son compagnon est un crime spécifique pour diverses raisons.
Tout d’abord, il relève d’une vision de la femme considérée comme la propriété de son compagnon, qui ne supporte pas qu’elle le quitte, voire l’idée même qu’elle puisse lui échapper.
Ensuite, le meurtre d’un conjoint peut avoir des conséquences terribles sur plusieurs générations.
S’il peut être perpétré par une femme sur un homme, on sait qu’une telle circonstance est extrêmement rare et que les victimes de mort violente au sein des couples sont, dans leur immense majorité, des femmes.
J’ai peu d’espoir quant au sort de cet amendement, mais j’attends l’avis de la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’introduction du crime de féminicide dans le code pénal.
Nous sommes traditionnellement réservés face aux demandes de rapports, qui ne sont pas toujours remis ou dont le contenu est décevant. Nous considérons de plus que le Parlement a les moyens de se saisir d’un sujet qu’il souhaite approfondir, en confiant à l’une de ses commissions ou délégations le soin de rédiger un rapport d’information.
En l’espèce, le rapport porterait sur l’introduction dans le code pénal d’un crime de féminicide. Si l’emploi du terme « féminicide » me paraît acceptable dans le cadre d’un discours politique ou militant, je suis très réservée sur l’opportunité d’introduire ce mot dans le code pénal.
Alors que ce dernier est devenu de plus en plus complexe au fil des ans, je ne crois pas qu’il soit opportun de le compliquer encore davantage en introduisant une nouvelle notion, qui reviendrait à opérer une distinction selon que le meurtre du conjoint a été effectué par un homme ou par une femme.
J’observe qu’aucune des personnes que j’ai entendues n’a fait état d’un vide juridique qui empêcherait de sanctionner avec toute la sévérité requise le meurtre ou l’assassinat d’une femme par son conjoint. Je rappelle en outre que le code pénal permet déjà d’individualiser la peine puisqu’il fixe des peines maximales, ce qui permet de tenir compte des circonstances propres à chaque affaire.
Pour désigner le meurtre de l’épouse par son conjoint, le terme « uxoricide » existe déjà, mais il n’est que peu usité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne suis pas non plus favorable par principe à la multiplication des rapports. Pour cette raison, j’émets un avis défavorable.
Toutefois, madame la sénatrice, la question de fond que vous posez soulève un débat complexe. J’ai eu l’occasion de dire que j’étais très favorable à l’utilisation du terme « féminicide » dans le langage courant. Faut-il introduire pour autant ce mot dans le code pénal ? Ce sujet mérite réflexion.
On le sait, notre code pénal réprime déjà de façon spécifique et aggravée les meurtres commis à l’encontre de femmes, que l’on pourrait donc sociologiquement qualifier de féminicides. C’est le cas des meurtres qui sont commis en raison du sexe de la victime, commis au sein du couple, commis après un viol, une agression sexuelle ou une mutilation sexuelle, ou commis en raison d’un refus de mariage forcé par la victime.
Dans l’hypothèse d’une aggravation de la répression, faut-il qualifier ces crimes de féminicides ?
Une telle réforme serait évidemment sans portée juridique, dans la mesure où la qualification de féminicide n’emporterait pas une aggravation de la peine encourue puisque le meurtre commis par le conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un PACS est déjà puni de la réclusion criminelle à perpétuité. Je rappelle d’ailleurs que la notion de parricide a été supprimée lors de l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, et que celle d’infanticide n’a jamais été consacrée par la loi pénale.
Enfin, cela pourrait être perçu comme une discrimination portant atteinte au caractère universaliste de notre droit. Il faudrait par ailleurs être suffisamment précis dans la définition juridique du concept, afin d’éviter des difficultés similaires à celles qui ont présidé à la reconnaissance de l’inceste pour laquelle, vous le savez, le Parlement a dû légiférer à deux reprises, en 2010 puis en 2016, à la suite de l’annulation des dispositions en cause par le Conseil constitutionnel.
Autrement dit, je suis extrêmement favorable, je le répète, à l’utilisation du terme « féminicide » dans le langage courant, mais je pense qu’introduire ce mot dans le code pénal soulèverait des difficultés. Tout cela mériterait évidemment un travail très approfondi pour voir ce que l’introduction d’une telle notion emporterait comme conséquence. En tout état de cause, je vous remercie d’avoir ouvert ce débat.
M. le président. Madame Billon, l’amendement n° 7 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. J’avais essayé de fausser les cartes en parlant de réflexion et non de rapport…
Je l’ai souligné dans le cadre de la discussion générale, on parle souvent de crimes passionnels, ce qui tend à amoindrir l’acte. Le terme « féminicide » me paraissait donc de ce point de vue plus clair. Le débat méritait d’être ouvert ce soir, même si nous sommes assez peu nombreux. Cela étant, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 77 rectifié n’est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 90 rectifié ter n’est pas soutenu.
L’amendement n° 10 rectifié sexies, présenté par Mme Billon, MM. Bonnecarrère, Laugier, Cadic et Longeot, Mme Sollogoub, MM. Le Nay, Delcros, Janssens, Détraigne et Kern, Mme Létard, M. Bockel, Mme Férat et MM. Lafon et Canevet, est ainsi libellé :
Après l’article 10 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité pour le Gouvernement d’autoriser, à titre expérimental, les personnes ayant formulé une demande d’ordonnance de protection à déroger à la condition de ressources prévue par l’article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement est défendu, tout comme l’amendement n° 11 rectifié sexies. Je suis impatiente d’entendre l’avis de la commission et du Gouvernement sur ces demandes de rapports, car l’aide juridictionnelle est un sujet important pour les victimes d’agression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. L’amendement n° 10 rectifié sexies tend à la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur l’octroi de plein droit de l’aide juridictionnelle aux demandeurs d’une ordonnance de protection. C’est effectivement un sujet très important.
En effet, aujourd’hui le juge aux affaires familiales peut accorder l’admission provisoire de la victime à l’aide juridictionnelle. En pratique la victime n’en bénéficie qu’à compter de la délivrance de l’ordonnance de protection, alors qu’elle en aurait besoin dès le stade de la demande. La saisine par assignation, qui est plus rapide, a un coût. Certaines victimes n’ont pas les moyens de le financer.
Dans ces conditions, l’octroi de plein droit de l’aide juridictionnelle aux demandeurs d’une ordonnance de protection me semble une idée intéressante pour accélérer le délai de délivrance de l’ordonnance de protection.
Mais je ne suis pas favorable – vous vous en doutez – à une énième demande de rapport. Je préférerais que le Gouvernement agisse directement sur le sujet et nous dise ce qu’il compte faire. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. J’ai eu l’occasion de le dire à de très nombreuses reprises, je suis fondamentalement attachée à la question de l’aide juridictionnelle. Il est en effet essentiel que nous puissions aider les femmes victimes de violences conjugales à déposer plainte, à demander l’ordonnance de protection ou à entreprendre toute autre démarche qui pourrait être utile.
Il y a plusieurs manières de les aider financièrement.
Soit nous considérons que toute femme qui dépose une plainte ou va devant une juridiction pour obtenir réparation de son préjudice ou protection bénéficie, de manière automatique, de l’aide juridictionnelle. Mais cela pose un problème de cohérence par rapport à d’autres situations qui encourent le même niveau de peine. Sauf à considérer, bien sûr, que la spécificité du préjudice est telle – c’est par exemple le cas pour les crimes terroristes – qu’elle justifie de manière automatique l’obtention de l’aide juridictionnelle.
Soit il faudrait systématiquement dans les tribunaux des avocats effectuant des permanences, et qui seraient en capacité de répondre immédiatement à ces femmes et de suivre leurs dossiers.
Je suis actuellement en train d’explorer ces pistes avec deux députés – Philippe Gosselin, du groupe Les Républicains, et Naïma Moutchou, du groupe LaREM – qui ont rendu un rapport sur ce sujet. J’ai promis que nous aboutirions à une solution sur cette question de l’aide juridictionnelle dans l’une ou l’autre des formes que je viens d’évoquer avant le 25 novembre. Je suis désolée de vous renvoyer de nouveau à cette échéance, mais j’ai pris cet engagement devant l’Assemblée nationale où nous avons également évoqué ce sujet sous d’autres aspects lors de l’examen du budget de la justice.
M. le président. Madame Billon., l’amendement n° 10 rectifié sexies est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Non, je le retire, monsieur le président, ainsi que d’ores et déjà l’amendement n° 11 rectifié sexies.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié sexies est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 100 rectifié ter n’est pas soutenu.
L’amendement n° 11 rectifié sexies, présenté par Mme Billon, MM. Bonnecarrère, Laugier, Cadic et Longeot, Mme Sollogoub, MM. Le Nay, Delcros, Janssens, Détraigne et Kern, Mme Létard, M. Bockel, Mme Férat et MM. Lafon, Moga et Canevet, est ainsi libellé :
Après l’article 10 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité pour le Gouvernement d’autoriser, à titre expérimental, les victimes ayant déposé plainte pour les infractions d’atteinte à la vie, à l’intégrité physique et psychique et à la dignité humaine commises au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettant en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, de bénéficier de l’aide juridictionnelle dès le dépôt de plainte, conformément à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
Cet amendement a déjà été défendu puis retiré.
Article 10
(Suppression maintenue)
M. le président. L’amendement n° 34 n’est pas soutenu et l’article 10 demeure supprimé.
Article 11
(Suppression maintenue)
Article additionnel après l’article 11
M. le président. L’amendement n° 76 rectifié n’est pas soutenu.
Article 12
I. – Les articles 1er, 1er bis, 2 et 2 bis de la présente loi sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
II. – Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à agir contre les violences au sein de la famille, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».
III. – L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 711-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … visant à agir contre les violences au sein de la famille, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
M. le président. L’amendement n° 128, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie
par les mots :
et en Polynésie française
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du pays du 20 janvier 2012 relative au transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences de l’État en matière de droit civil, de règles concernant l’état civil et de droit commercial, la collectivité de Nouvelle-Calédonie est compétente en matière civile. Il n’est donc pas justifié de prévoir que les articles 1er à 2 bis, relatifs au droit civil, s’appliquent dans cette collectivité.
Le présent amendement vise donc à modifier en conséquence l’article 12.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 12, modifié.
(L’article 12 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. L’examen de la proposition de loi d’Aurélien Pradié et de plusieurs de ses collègues de l’Assemblée nationale s’achève dans des conditions quelque peu particulières. Je pense très sincèrement que le Sénat a amélioré le texte : je veux féliciter la commission et notre rapporteur pour leur travail.
Malgré tout, nous aurions peut-être pu aller plus loin. Madame la garde des sceaux, vous aviez fait preuve à l’Assemblée nationale d’un véritable esprit d’ouverture, que j’avais salué lors de la discussion générale. Avouez que le nouvel agenda dont nous avons pris connaissance hier et les propos tenus à l’Assemblée nationale ont tendu nos débats ! Certains en ont profité pour créer un incident de séance, mais comme le sujet ne le méritait pas, ce n’est pas ce que nous retiendrons.
Je voterai bien sûr cette proposition de loi, car elle me semble nécessaire dans le contexte de recrudescence des féminicides que nous avons évoqué à plusieurs reprises au cours de nos débats. Je ne crois pas que ce soit un « petit » texte, car, sur ces sujets, il ne peut pas y en avoir !
Je remercie de nouveau Aurélien Pradié de cette initiative qui était nécessaire. Nous savons que nous aurons d’autres débats sur la question, et certainement d’autres textes. Madame la garde des sceaux, je peux simplement regretter que l’on ne se soit pas engagé sur les pistes ouvertes par certains amendements pourtant tout à fait intéressants, et qu’après un temps d’ouverture, vous ayez manifesté la volonté de reprendre la main avec l’agenda gouvernemental, ce qui vous a amenée à rabattre quelque peu vos positions.
Cela étant dit, je terminerai en vous posant de nouveau la question que j’ai soulevée au début de l’examen de ce texte : quels moyens mettrez-vous en œuvre pour appliquer cette proposition de loi lorsqu’elle arrivera au terme de la discussion parlementaire ? Comme je l’ai déjà dit à la tribune, vous avez annoncé, le 29 octobre dernier, que vous feriez une annonce et que les crédits correspondants seront prévus.
Vous avez manifesté la volonté de soutenir cette proposition de loi. Celle-ci n’aura de sens que si vous inscrivez dans le projet de loi de finances pour 2020 les crédits correspondants, en particulier pour les téléphones grave danger et les bracelets anti-rapprochement. Je vous le disais précédemment, sur de tels sujets il ne peut y avoir ni ambiguïté ni effet d’annonce ; malgré l’heure tardive, je vous le répète avec force. Nous espérons que votre réponse nous permettra d’achever cette séance sur une note plus positive et d’oublier l’incident qui s’est produit.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. La discussion en séance a commencé dans un élan et avec une grande cohésion, puisque, s’agissant de cette proposition de loi, nous étions tous mobilisés autour du même objectif. Je regrette bien entendu l’incident de séance qui s’est produit et qui a perturbé l’examen des amendements et du texte.
Ce qu’il est important de retenir ce soir, c’est la prise de conscience qu’il est urgent d’agir et de qualifier les violences, mais aussi l’intérêt que portent tous les groupes à ce sujet, sur lequel ils avaient une position consensuelle.
Je regrette forcément les conditions dans lesquelles nous avons travaillé en amont, dans la précipitation, et ce soir, puisque cette fin de séance est relativement triste pour un texte qui aurait dû nous mobiliser, nous fédérer quelque peu.
Cette proposition de loi méritait mieux. Nous aurions pu, nous aurions dû, aller plus loin, ce que nous n’avons pas été capables de faire – je le regrette. Nous avons l’obligation d’avancer vite sur ces sujets. Madame la garde des sceaux, la délégation aux droits des femmes a conduit, depuis des années, de nombreux travaux, auxquels ont contribué des experts – ces travaux sont bien entendu à la disposition du Gouvernement.
Je veux le dire, le bracelet anti-rapprochement est une innovation importante, qui sera peut-être largement utilisée dans les années qui viennent. S’il fonctionne correctement, s’il démontre son efficacité, il pourra être élargi à d’autres publics. Marie Mercier était rapporteur de la mission d’information sur la pédocriminalité : imposer le port de ce bracelet aux pédophiles pourrait être une piste de réflexion. La tâche est encore lourde parce que lorsqu’on parle des femmes, on parle aussi des enfants. Nous n’avons pas terminé de travailler sur ces sujets.
Nous voterons donc ce texte. Je remercie la rapporteur de son travail.
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Pour reprendre vos termes, monsieur Brisson, ce n’est pas un « petit texte » que vous venez, mesdames, messieurs les sénateurs, de voter. Je crois au contraire que les dispositions qui ont été adoptées sont, à la fois, très novatrices – Mme Billon le rappelait – et, pour certaines d’entre elles, très délicates et complexes.
Le texte a fait l’objet d’un très large consensus à l’Assemblée nationale, ce qui n’a pas été tout à fait le cas dans cette enceinte, comme vous l’avez rappelé. On peut le regretter, mais cela témoigne finalement aussi de l’intérêt que vous portez à ces sujets et des différents ajouts que les uns et les autres ont souhaité y faire. De nombreux articles additionnels ont été insérés dans ce texte : une expertise approfondie sera sans doute nécessaire dans le cadre de la navette parlementaire pour affiner certaines propositions qui ont été adoptées.
Monsieur le sénateur, je veux répondre à votre interrogation sur les moyens. Je le dis clairement, nous avons besoin de trois types de moyens.
D’abord, des moyens humains, notamment pour les ordonnances de protection, afin qu’elles soient efficacement utilisées par les juges aux affaires familiales, mais également par les juges pénaux. Je vous rappelle que nous bénéficions chaque année de moyens supplémentaires grâce au vote du Parlement : ainsi, en 2020, nous aurons 100 magistrats, 284 greffiers et d’autres personnels qui accroîtront la capacité d’action des tribunaux.
Ensuite, nous avons besoin de moyens financiers, en particulier pour le bracelet anti-rapprochement. Comme j’ai pu le préciser à l’Assemblée nationale, d’après les évaluations que nous avons faites – la mise en place de ce bracelet suppose évidemment qu’un cahier des charges soit établi, qu’un appel d’offres soit lancé et que des marchés publics soient passés –, le coût pour 1 000 bracelets, pour commencer, est estimé à un peu plus de 5 millions d’euros.
Ce montant sera pris sur des crédits de report sur le programme de l’administration pénitentiaire, puisque c’est elle qui gère la surveillance électronique. Ces crédits seront inscrits en loi de finances rectificative.
Enfin, nous avons besoin de moyens matériels, notamment de téléphones grave danger qui constituent le troisième axe de ce texte. J’ai annoncé une augmentation de leur nombre, pour qu’il y en ait très prochainement 1 100 en circulation sur le territoire et que les juridictions puissent les donner avec plus d’aisance.
Ainsi, nous aurons les moyens de répondre aux exigences de la loi que vous venez d’adopter, ce qui est tout à fait essentiel puisqu’il s’agit effectivement non pas d’un « petit texte », mais d’une loi importante, qui devra l’être encore plus grâce à l’application que nous en ferons.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Je veux remercier tous ceux qui ont participé à ce débat et contribué à l’élaboration de ce texte. Ces sujets suscitent beaucoup de passion, mais nous constatons une véritable volonté de protéger les victimes, qui est notre but commun à tous.
De futurs débats nous permettront de revenir sur les nombreuses propositions intéressantes qui ont été formulées, notamment en matière d’autorité parentale, d’accueil des victimes et de prévention des violences. Il ne faut pas laisser l’impression que nous ne voulons pas faire bouger les choses pour les femmes. Les efforts doivent évidemment être poursuivis, car les femmes et les enfants le méritent : c’est tout l’enjeu d’une société apaisée qui sait protéger les plus vulnérables. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 12 novembre 2019 :
À neuf heures trente :
Trente-six questions orales.
À seize heures et le soir :
Projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2020 (texte n° 98, 2019-2020).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 7 novembre 2019, à une heure trente-cinq.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication