M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mme L. Darcos, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Thomas, Bruguière et Puissat, MM. Danesi, Dufaut et Daubresse, Mme Noël, M. Regnard, Mmes Dumas, Sittler et de Cidrac, MM. Cardoux, J.M. Boyer et Duplomb, Mme Deromedi, MM. Grosdidier et Charon, Mme Morhet-Richaud, MM. Brisson et Bazin, Mme Lopez, MM. Savin, Savary, Chevrollier, Segouin, Saury, Poniatowski, Mandelli, Piednoir, Dallier, Huré, Laménie et Rapin, Mmes Ramond et A.M. Bertrand, M. Bonhomme, Mmes Deroche, Lassarade et Micouleau, MM. B. Fournier et Bonne et Mmes Berthet, Garriaud-Maylam et Lanfranchi Dorgal, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
six
par le mot :
trois
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Le présent amendement vise à réduire le délai d’édiction de l’ordonnance de protection de six jours à trois jours, soit soixante-douze heures, afin de tenir compte de l’urgence qui s’attache à la protection du conjoint victime et, le cas échéant, des enfants du couple.
Bien évidemment, ayant entendu ce qui s’est dit lors de la discussion générale, je sens bien que le délai de trois jours est absolument impossible à tenir. Mais, vous le comprendrez, il s’agit d’un amendement d’appel. Pour une personne en danger, trois jours, c’est déjà trop ; là, c’est une question d’heures ! Comme le soulignait Mme de la Gontrie, il faut trouver le moyen le plus efficace pour que le délai de six jours soit respecté.
Cet amendement d’appel a été très largement cosigné.
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par Mmes Cohen, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
fixation de la date de l’audience
par les mots :
requête de la victime
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Ainsi que je viens de l’indiquer, cet amendement vise à garantir des délais plus souples, répondant mieux à la nécessité d’une mise en sécurité durable et efficace d’une femme victime de violences.
Nous nous inscrivons dans une démarche de principe de précaution. C’est la raison pour laquelle nous proposons de réduire les délais à six jours maximum, mais à compter de la requête de la victime. À notre avis, cela va également accélérer la fixation et la date même de l’audience.
Il est parfois question, rappelons-le, d’urgence vitale pour les victimes. Je pense que l’adoption de cet amendement serait un point d’appui.
M. le président. L’amendement n° 57 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol et Lepage, M. Courteau, Mmes Blondin, Conconne et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « violences alléguées », sont insérés les mots : « , y compris celles mentionnées à l’article 222-14-3 du code pénal, » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement vise à faire figurer les violences psychologiques parmi les « faits de violence allégués ».
On pourrait penser qu’elles sont déjà incluses, mais il apparaît que le juge a tendance à ne retenir que les violences physiques. Or, nous le savons très bien – le Sénat a suffisamment eu l’occasion de travailler sur le sujet –, les violences psychologiques sont tout aussi importantes.
M. le président. L’amendement n° 56 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol et Lepage, M. Courteau, Mmes Blondin, Conconne et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « et le danger » sont remplacés par les mots : « ou le danger » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement tend à supprimer le caractère cumulatif des conditions de « violence » et de « danger ».
Aujourd’hui, il faut qu’il y ait à la fois violence et danger. Or les deux sont distincts : il peut y avoir danger sans violence. Nous souhaitons donc que la saisine du juge aux affaires familiales puisse se fonder sur des faits de violence seuls ou sur le danger seul.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Mme L. Darcos, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Thomas, Bruguière et Puissat, MM. Danesi, Dufaut et Daubresse, Mme Noël, M. Regnard, Mmes Dumas, Sittler et de Cidrac, MM. Cardoux, J.-M. Boyer et Duplomb, Mme Deromedi, MM. Grosdidier et Charon, Mme Morhet-Richaud, MM. Brisson et Bazin, Mme Lopez, MM. Savin, Savary, Chevrollier, Segouin, Saury, Poniatowski, Mandelli, Piednoir, Dallier, Huré, Laménie et Rapin, Mmes Ramond et A.M. Bertrand, M. Bonhomme, Mmes Deroche, Lassarade et Micouleau, MM. B. Fournier et Bonne et Mmes Berthet, Garriaud-Maylam et Lanfranchi Dorgal, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « y compris lorsque les parties ne vivent plus sous le même toit » ;
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Le présent amendement vise à modifier la loi pour corriger la pratique jurisprudentielle tendant à ce que les ordonnances de protection soient refusées au motif de l’absence de « danger » lorsque les époux, concubins ou conjoints ne vivent pas ou plus sous le même toit. Les statistiques démontrent en effet que les homicides ont lieu même lorsque ceux-ci ne vivent plus ensemble.
M. le président. L’amendement n° 23, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 515-11-1. – I. – Lorsque l’interdiction prévue au 1° de l’article 515-11 a été prononcée, le juge aux affaires familiales avise le procureur de la République qui saisit le juge des libertés et de la détention. Celui-ci peut ordonner le port d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement permettant à tout moment de signaler que la partie défenderesse se trouve à moins d’une certaine distance de la partie demanderesse, fixée par l’ordonnance.
La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Cet amendement a pour objet de prévoir l’intervention du juge des libertés et de la détention pour que la mesure électronique mobile anti-rapprochement puisse être prononcée à titre pré-sentenciel dans le cadre d’un contrôle judiciaire.
Un tel dispositif étant par essence attentatoire aux libertés individuelles, il ne peut pas être confié au juge des affaires familiales, même si le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit l’accord du défendeur, afin, justement, de répondre à une telle objection.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mme L. Darcos, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Thomas et Bruguière, MM. Danesi, Dufaut et Daubresse, Mme Noël, M. Regnard, Mmes Dumas et de Cidrac, MM. Cardoux, J.M. Boyer et Duplomb, Mme Deromedi, MM. Grosdidier, Charon, Brisson et Bazin, Mme Lopez, MM. Savary, Chevrollier, Segouin, Saury, Mandelli, Dallier, Huré, Laménie et Rapin, Mme Ramond, M. Bonhomme, Mmes Lassarade et Micouleau, MM. B. Fournier et Bonne et Mmes Garriaud-Maylam et Lanfranchi Dorgal, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 515-11-1. – I. – Lorsque l’interdiction prévue au 1° de l’article 515-11 a été prononcée, le juge aux affaires familiales avise le procureur de la République qui saisit le juge des libertés et de la détention. Le juge des libertés et de la détention peut ordonner, après avoir recueilli le consentement de la victime, le port par chacune d’elles d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement permettant à tout moment de signaler que la partie défenderesse se trouve à moins d’une certaine distance de la partie demanderesse, fixée par l’ordonnance.
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. S’il est admis que le port du bracelet anti-rapprochement peut être décidé à titre pré-sentenciel dans le cadre d’un contrôle judiciaire, il n’est en revanche pas acceptable qu’un tel pouvoir soit confié au juge aux affaires familiales et que la mesure soit prononcée en dehors de toute poursuite pénale.
Le juge aux affaires familiales ne saurait en effet ordonner une telle mesure dans le cadre d’une procédure civile où il n’est question que de « faits de violence allégués ».
Il s’agit d’une prescription attentatoire aux libertés individuelles. Elle doit nécessairement rester de la compétence du juge pénal, après examen et débat contradictoire sur les charges pesant sur l’intéressé.
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol, Lepage et Conconne, M. Courteau, Mmes Blondin et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 515-11-1 – I. – Lorsque l’interdiction prévue au 1° de l’article 515-11 a été prononcée, le juge aux affaires familiales avise alors le procureur de la République qui saisit le juge des libertés et de la détention qui peut ordonner, après avoir recueilli le consentement de la victime, le port par chacune d’elles d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement permettant à tout moment de signaler que la partie défenderesse se trouve à moins d’une certaine distance de la partie demanderesse, fixée par l’ordonnance.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Monsieur le président, même si je comprends que c’est l’application du règlement, je suis quelque peu désarçonnée que nous examinions à la file des amendements dépourvus de rapport entre eux, hormis le fait de porter sur le même article…
M. le président. Ma chère collègue, ces différents amendements font l’objet d’une discussion commune parce que l’adoption de l’un d’entre eux rendrait les autres sans objet.
Veuillez poursuivre.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Comme je l’ai rappelé précédemment, le port du bracelet anti-rapprochement peut être décidé par un juge aux affaires familiales, sachant qu’il faut recueillir l’accord du défendeur, afin de ne pas se trouver face à un problème constitutionnel d’atteinte à la liberté d’aller et venir, puisque nous sommes en phase pré-sentencielle.
Une difficulté se pose. Aujourd’hui, nous le savons, les ordonnances de protection sont assez peu utilisées par les juges aux affaires familiales. En outre, le délai est très court. Le juge ne peut se fonder que sur les allégations de la victime présumée. Cependant, il doit prendre une décision extrêmement préjudiciable, au sens classique du terme, au défendeur.
Or, d’ordinaire, le juge aux affaires familiales n’a pas la compétence d’instaurer des mesures restrictives de liberté de cet ordre. Nous voyons donc bien qu’il y a là une difficulté conceptuelle. Il faudrait se rapprocher de la compétence du juge pénal.
À ce stade, bien que nous en ayons discuté en commission, le sujet n’a pas été creusé plus avant. Toutefois, le Conseil national des barreaux nous a adressé une proposition : lorsque le juge aux affaires familiales envisage de demander un bracelet anti-rapprochement, il saisit le ministère public, qui peut demander au juge des libertés et de la détention, dont c’est le métier, de statuer sur cette mesure.
Cette mesure permettrait de combiner préservation du rôle habituel du juge aux affaires familiales, intervention du parquet dans un domaine où cela a sa logique et recours au juge des libertés et de la détention, compétent dans ce type de domaine.
M. le président. L’amendement n° 31, présenté par Mmes Cohen, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 18, première phrase
Après les mots :
juge aux affaires familiales
insérer les mots :
avise alors le procureur de la République qui saisit le juge des libertés et de la détention qui
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement vise le port du bracelet anti-rapprochement, qui peut être décidé à titre pré-sentenciel.
Du point de vue des victimes, auxquelles nous pensons prioritairement, une telle mesure nous interroge déjà, tant il paraît contestable de maintenir un lien, quel qu’il soit, entre la victime et le conjoint violent. Au demeurant, nous n’en connaissons pas les modalités précises.
D’un point de vue purement juridique, le dispositif pose également question. Les placements sous surveillance électronique relèvent aujourd’hui de la compétence dévolue au juge pénal, dans le cadre de la procédure pénale.
Avec cet article, le juge aux affaires familiales pourra, dès la délivrance de l’ordonnance de protection, prévoir un placement sous surveillance électronique mobile de l’auteur présumé de violences conjugales, alors que l’affaire n’aura pas encore été jugée au fond, mais seulement en urgence.
Nous considérons pour notre part qu’une telle mesure, aussi attentatoire aux libertés individuelles, doit être prononcée par le juge pénal, après examen des charges pesant sur l’intéressé et débat contradictoire.
C’est également ce que relève le Conseil national des barreaux, pour qui le JAF « ne saurait ordonner une telle mesure alors que le dispositif est prévu dans le cadre d’une procédure civile où il n’est question que de “violences vraisemblables” ». En résumé, cette mesure ne peut être prononcée en dehors de toute poursuite pénale.
Nous proposons donc, lorsque le JAF interdit à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes et d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit, qu’il en avise le procureur de la République. Ce dernier saisira alors le juge des libertés et de la détention, lequel pourra ordonner, après avoir recueilli le consentement des deux parties, le port, par chacune d’elle, d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement.
Il s’agit d’être rigoureux dans l’application de telles sanctions, surtout lorsqu’elles sont prononcées à titre pré-sentenciel. Les grands principes de notre droit doivent demeurer, quelle que soit la gravité du sujet traité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. L’amendement n° 101 rectifié, présenté par Mme Costes, a deux objets.
En premier lieu, il vise à assouplir les conditions de délivrance de l’ordonnance de protection, en supprimant les « raisons sérieuses » sur lesquelles le juge doit aujourd’hui se fonder pour estimer la vraisemblance des faits de violences allégués.
Cela ne me semble pas du tout opportun, car l’ordonnance de protection n’est qu’une mesure provisoire, adoptée au terme d’une instruction très réduite. La décision du juge civil repose sur la plausibilité des violences et du danger. Dès lors, il est primordial d’exiger qu’il se prononce sur la base d’éléments sérieux, sauf à risquer de porter gravement atteinte à la présomption d’innocence. Nous sommes donc très opposés à la suppression du critère des « raisons sérieuses ».
En second lieu, cet amendement vise à supprimer le bracelet anti-rapprochement en matière civile, lorsqu’il est prononcé par le JAF, le juge aux affaires familiales. D’autres amendements visent également le même sujet. Sans supprimer le dispositif, les amendements nos 8 rectifié bis, 63 rectifié, 23 et 31 tendent à faire intervenir le procureur de la République et le juge des libertés et de la détention dans la procédure.
Les dispositions de ces amendements diffèrent toutefois sur certains points, les amendements nos 8 rectifié bis, 63 rectifié et 31 ayant pour objet le consentement de la victime au dispositif, ce qui n’est pas le cas de l’amendement n° 23.
Je comprends ces réflexions, car le dispositif soulève des interrogations juridiques et pratiques. Nous pensons toutefois que l’intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) dans le prononcé de la mesure ne constituerait qu’une garantie d’affichage, le cadre juridique n’étant toujours pas, in fine, celui d’une procédure pénale.
Dès lors, même si le JLD pouvait se passer du consentement du défendeur pour ordonner le port du bracelet, la « pose » de celui-ci ne pourrait être effectuée sans son consentement, au risque que la mesure soit clairement inconstitutionnelle. Le dispositif se heurterait alors à la même impasse, si j’ose dire, que le texte de la proposition de loi : quelle serait l’alternative ? En matière pénale, cela peut être l’incarcération, mais, à l’évidence, pas en matière civile…
Nous estimons néanmoins que ce nouvel outil sera bénéfique pour assurer une protection accrue des victimes de violences conjugales. Pour surmonter les obstacles juridiques de principe, le juge aux affaires familiales ne peut se passer du consentement du défendeur. Il appartiendra ensuite aux juridictions de donner toute sa portée à cette mesure.
Je rappelle d’ailleurs que la délivrance d’une ordonnance de protection ne peut in fine se substituer à la voie pénale, la seule efficace pour assurer la répression des infractions.
L’avis de la commission est donc défavorable aux amendements nos 101 rectifié, 8 rectifié bis, 63 rectifié, 23 et 31.
L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Laure Darcos, tend à réduire à trois jours le délai dans lequel l’ordonnance de protection est délivrée.
Calqué sur le modèle espagnol, le délai de 72 heures semble déjà très court pour permettre aux juridictions de se prononcer en respectant les exigences du contradictoire. Au demeurant, la comparaison qui est faite régulièrement avec le modèle espagnol n’est pas complètement pertinente, l’Espagne ayant créé des juridictions spécialisées en matière de violences conjugales – nous y reviendrons peut-être, madame la garde des sceaux – composées de juges disposant de prérogatives en matière pénale et civile.
Toute tentative de transposition se heurte donc à des difficultés un peu lourdes, auxquelles la proposition de loi a tenté de remédier en imposant un délai de six jours, déjà bien plus court que le délai moyen actuel de quarante-deux jours.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
L’amendement n° 29, présenté par Mme Cohen, tend à fixer le point de départ du délai de six jours dans lequel doit être délivrée l’ordonnance de protection à compter de la saisine du juge aux affaires familiales.
Je comprends cette idée, qui était aussi, à l’origine, celle de l’auteur de la proposition de loi. Toutefois, ce délai semble objectivement peu réaliste, eu égard à la pratique judiciaire qui nous a été présentée lors des auditions par les magistrats ou les représentants d’associations de victimes.
La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale permet de conserver ce délai de six jours, tout en laissant au magistrat une plus grande souplesse dans la détermination du point de départ du délai.
Nous préférons donc en rester sur ce point au texte adopté par la commission et émettons un avis défavorable sur l’amendement n° 29.
L’amendement n° 56 rectifié, présenté par Marie-Pierre de la Gontrie, vise à rendre alternatives et non plus cumulatives les conditions de faits de violence allégués et de danger pour la délivrance d’une ordonnance de protection. Or il est important que le magistrat évalue le danger auquel la victime potentielle de violences conjugales est exposée avant de prononcer certaines mesures de protection, telles que l’éviction du domicile du conjoint ou l’interdiction de contact.
Là encore, tout comme la notion de « raisons sérieuses », celle de « danger » permet d’assurer la proportionnalité de mesures attentatoires aux libertés prononcées dans un cadre civil.
En outre, comme l’indique le guide publié par la Chancellerie en juillet dernier sur l’ordonnance de protection, la violence « vraisemblable » constitue un danger en tant que tel. Le danger s’apprécie au sens large et ne doit pas se limiter à la notion de « danger actuel ».
L’avis est donc défavorable sur l’amendement n° 56 rectifié.
L’amendement n° 57 rectifié vise à inclure les violences psychologiques parmi les violences alléguées susceptibles de justifier la délivrance d’une ordonnance de protection. Il est déjà satisfait par le droit en vigueur, les violences visées à l’article 515-11 du code civil faisant écho aux diverses incriminations du code pénal. La définition actuelle des violences inclut donc bien les violences psychologiques mentionnées à l’article 222-14-3 du code pénal.
À cet égard, le guide de la Chancellerie mentionne explicitement les violences psychologiques, avec les violences sexuelles ou physiques, comme susceptibles de relever de l’ordonnance de protection. L’effet d’une telle mesure risquerait en outre d’être contre-productif : dès lors que l’on énumère des catégories, on risque d’en oublier ou de créer des a contrario.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Laure Darcos, tend à préciser que l’ordonnance de protection peut être délivrée même si le couple ne cohabite pas. Son intention est satisfaite par l’article 1er bis du texte, par lequel la commission des lois a modifié l’article 515-10 du code civil.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 101 rectifié, présenté par Mme Costes, qui tend à supprimer les termes « raisons sérieuses ».
En fait, cette expression rappelle la nécessité pour le juge d’apprécier objectivement la vraisemblance des violences alléguées et ne limite absolument pas le recours à l’ordonnance de protection.
D’autres raisons, en revanche, limitent le recours à cette mesure par les juges aux affaires familiales, notamment la manière dont sont rédigés les certificats médicaux. Je vais travailler sur ce sujet capital avec ma collègue Agnès Buzyn.
Sur le bracelet anti-rapprochement ordonné par le JAF, il me semble que le texte est parvenu à un point d’équilibre. Il s’agit ici non pas d’une mesure pénale, mais d’une mesure civile ; le port du bracelet est limité aux situations dans lesquelles le défendeur donne son accord, ce qui limite les problèmes constitutionnels potentiels de cette mesure.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Darcos nous a proposé, dans un grand mouvement généreux et enthousiaste, de réduire le délai de six jours à trois jours… J’ai bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel.
Toutefois, comme l’a rappelé Mme le rapporteur, il existe un principe constitutionnel de respect des droits de la défense, lui-même complété par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Bien entendu, le défendeur doit pouvoir disposer d’un délai suffisant pour préparer sa défense, ce qui me semble assez difficilement compatible avec un délai de soixante-douze heures.
Je rappelle que l’ordonnance de protection, si elle est accordée, produit des effets importants, qui peuvent aller jusqu’à l’expulsion du défendeur de son logement. Il faut donc, dans cette procédure comme dans tout autre, être en mesure de présenter sa défense.
L’amendement n° 29, présenté par Mme Cohen, vise à prendre comme point de départ du délai de six jours, non pas la date d’audience, mais la requête de la victime auprès du JAF.
La proposition est intéressante, mais elle pose des difficultés d’ordre procédural, la requête étant, en procédure civile, l’un des modes particuliers de saisine du tribunal, qui ouvre un délai pour convoquer le défendeur à l’audience.
Considérer la requête comme point de départ du délai de six jours serait assez difficilement compatible avec la convocation du défendeur par lettre recommandée avec accusé de réception, qui ouvre elle-même un délai de quatre jours. Le délai commencerait donc à courir avant même que le défendeur n’ait connaissance de la procédure. Vous avez certes adopté la convocation administrative pour résoudre ce problème, mais il me semble néanmoins que cette proposition est assez complexe à mettre en œuvre.
Madame de la Gontrie, vous avez souhaité, dans l’amendement n° 57 rectifié, préciser que les violences alléguées pouvaient viser les violences psychologiques de l’article 222-14-3 du code pénal.
En réalité, la définition des violences visées à l’article 515-9 du code civil est suffisamment large pour permettre au juge aux affaires familiales de l’appliquer à tout type de violence. Dans la réalité, 70 % des demandeurs qui obtiennent une ordonnance de protection dénoncent des violences psychologiques. Il n’y a donc aucun obstacle juridique à la délivrance d’une telle ordonnance dans ces situations.
L’amendement n° 56 rectifié vise à rendre alternatives et non plus cumulatives les conditions de délivrance de l’ordonnance de protection, à savoir les violences vraisemblables et le danger. Là encore, il me semble nécessaire de conserver cette double exigence, véritable fondement de cette procédure dérogatoire et d’urgence. Ce caractère cumulatif permet d’éviter toute disproportion des mesures prises, compte tenu de l’urgence dans laquelle elles sont prononcées.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur cet amendement.
Madame Darcos, au travers de l’amendement n° 2 rectifié bis, vous évoquez l’idée que la notion de danger peut être caractérisée même lorsque les parties ne vivent pas sous le même toit.
J’émettrai un avis de sagesse sur cet amendement, dont je comprends évidemment le sens. La cohabitation n’est pas une condition du danger. Les députés comme la commission des lois du Sénat ont estimé nécessaire de le préciser clairement dans la loi. Vous souhaitez être encore plus précise ; je ne crois pas que cela soit nécessaire, mais cela peut s’entendre.
Enfin, les auteurs de l’amendement n° 23 et des amendements suivants craignent que la procédure du bracelet anti-rapprochement ne soit inconstitutionnelle, car trop attentatoire aux libertés pour être prononcée dans le cadre d’une procédure civile. Tel n’est pas notre sentiment.
Je rappelle que le bracelet anti-rapprochement, qui peut être prononcé à différents stades de la procédure civile – en pré-sentenciel, pendant le contrôle judiciaire ou en post-sentenciel –, ne constitue pas une peine au sens pénal du terme, qui serait prononcée à l’encontre de l’auteur des faits. Il s’agit en réalité d’une mesure de protection envers une victime en danger.
La rédaction proposée me semble donc conforme à la Constitution. Ce dispositif est prononcé non pas de plein droit à la demande d’une partie, mais lorsqu’il y a une situation de danger et de violence vraisemblable. Le bracelet permet d’empêcher la réitération des faits, mais ne vise pas à sanctionner le défendeur. Intellectuellement, ce n’est donc pas une peine au sens classique du terme. Je le répète, c’est non pas une procédure pénale qui justifierait l’intervention du JLD, mais une mesure de protection.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que le défendeur puisse donner son accord. En cas de refus, le JAF saisit le procureur de la République, qui peut alors enclencher l’ensemble des outils à sa disposition – contrôle judiciaire, garde à vue, etc.
Je suis donc défavorable aux amendements nos 23, 8 rectifié bis, 63 rectifié et 31, qui me semblent être une source inutile de complexité.
Pour conclure, si l’ordonnance de protection est un outil extraordinairement précieux, je conseillerais d’abord à une femme victime de violences ou qui a des raisons de redouter un grave danger de porter plainte au pénal. Une réponse peut alors intervenir en quarante-huit heures, grâce à la comparution immédiate, contre un délai de six jours pour l’ordonnance de protection. Ne confondons pas les deux procédures.
L’ordonnance de protection est faite pour organiser la vie familiale en cas de violences vraisemblables et de danger, mais, si vraiment il existe un danger imminent, n’oublions pas la voie pénale, qui permet au juge de donner une réponse encore plus rapide, au moyen de la comparution immédiate ou d’autres procédures.