M. Pierre Laurent. … à un moment où, au contraire, nous avons besoin de faire confiance…
M. le président. Il faut conclure, cher collègue.
M. Pierre Laurent. … et de construire une société d’unité et de solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Martine Filleul applaudit également.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 10.
Je rappelle que, si cet amendement était adopté, il n’y aurait pas lieu de débattre de l’article 2, pas plus que de soumettre la proposition de loi au vote, puisque celle-ci serait vidée de son contenu.
Je mets aux voix l’amendement n° 10.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Je vous invite, mes chers collègues, à vérifier que votre carte de vote est bien insérée dans votre terminal.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater les résultats du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent les résultats du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 17 :
Nombre de votants | 330 |
Nombre de suffrages exprimés | 302 |
Pour l’adoption | 121 |
Contre | 181 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 3, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
et de s’abstenir de porter des signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ou communautariste
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Mon amendement donnera certainement moins lieu à discussion que le précédent, sinon on sera encore là tard ce soir…
Si j’ai déposé cet amendement, ce n’est pas pour m’opposer à cette proposition de loi, dont j’approuve l’esprit et que je trouve pertinente, mais parce que la rédaction du texte de la commission ne me semble ni assez ferme ni assez claire. Il faut indiquer explicitement la nécessité de s’abstenir de porter des signes ou des tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ou communautariste. C’est très important !
Je ne suis toujours pas convaincu par les propos tenus par M. le ministre de l’éducation nationale, selon lequel tout finira par s’arranger. L’un de nos collègues nous a même dit que, sur 14 millions d’enfants et de parents, il y a seulement une centaine de problèmes par an. Or, même s’il n’y a que cent problèmes par an, c’est déjà énorme ! Ça signifie qu’il doit y avoir des milliers d’endroits où les difficultés ne sont pas remontées à la surface. Combien de parents sont-ils mécontents que leur enfant soit entouré de personnes habillées pour Halloween et combien écrivent au ministre ou à l’éducation nationale pour dire qu’ils sont choqués ? Ces personnes ne prennent tout simplement pas l’initiative de se plaindre. Il est donc absolument indispensable de légiférer très fermement.
On aurait presque pu attendre encore deux jours : on aurait été à la veille de la Toussaint, et ça aurait été vraiment Halloween !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. L’article L. 111-1 porte sur les principes, les valeurs et les missions de l’école. La mention de tenues ou de signes ostensibles ne nous semble pas aller dans le sens de cet article du code de l’éducation. C’est la raison pour laquelle j’avais déposé en commission un amendement visant à exclure la mention des sorties scolaires de cet article.
Laissons à cet article toute sa cohérence. M. Olivier Paccaud, dont j’ai apprécié l’intervention, s’est parfaitement exprimé sur ce sujet tout à l’heure. La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote sur l’article.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Tout d’abord, je souhaite remercier Max Brisson des propos qu’il a tenus.
Ensuite, parce que j’ai été enseignante dans un lycée à Argenteuil, je souhaite dédier cette proposition de loi à Zora, Fatima, Leïla et Samia, ces élèves que j’ai eues jusque dans les années 2000, qui se sont battues pour sortir du carcan familial, de la pression des pères et de la pression religieuse pour vivre leur liberté, comme toutes les jeunes filles de France dans les années 1980, 1990 et 2000. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Je veux revenir sur le débat philosophique que vous nous proposez, monsieur le président Retailleau.
J’ai lu différemment le sondage que vous avez cité. J’ai ainsi noté que, quand on questionne les Français sur le sens qu’ils veulent donner à la laïcité, 26 % d’entre eux considèrent qu’il faut faire reculer l’influence des religions – au pluriel – dans notre société. Ce chiffre progresse de 6 %, ce qui représente l’évolution la plus importante.
Aujourd’hui, les deux tiers des Français ne se réclament d’aucune religion. On assiste à un mouvement de fond, à savoir le recul du religieux de la sphère publique, celui-ci se cantonnant peu à peu à la sphère privée.
Vous nous dites, monsieur le président Retailleau, que cette loi est destinée à accompagner ce mouvement. Irez-vous au bout de cette logique ? Souhaitez-vous vraiment que la religion sorte complètement de l’espace public ? Je n’en suis pas sûr. Lors de l’examen de lois à venir, notamment en matière de bioéthique, vous reviendrez certainement à des conceptions beaucoup plus traditionnelles.
Mme Sophie Primas. Vous n’en savez rien !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Je vous invite, mes chers collègues, à vérifier que votre carte de vote est bien insérée dans votre terminal.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater les résultats du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent les résultats du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 18 :
Nombre de votants | 322 |
Nombre de suffrages exprimés | 285 |
Pour l’adoption | 165 |
Contre | 120 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Article 2 (nouveau)
La présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna.
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par M. Magner, Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Manable et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. Il s’agit d’un amendement de coordination avec notre amendement de suppression de l’article 1er.
La majorité sénatoriale n’a pas souhaité nous suivre, n’entendant ni nos arguments juridiques ni nos arguments politiques, ce qui est fort dommage. J’espère que tous ceux qui s’apprêtent à voter le texte dont nous débattons ont bien à l’esprit que, en excluant des sorties scolaires les mères d’élèves portant un foulard, ce sont des classes entières que l’on va priver de sortie. Ces parents d’élèves que la majorité sénatoriale est en train de stigmatiser font pourtant preuve, en accompagnant une sortie scolaire, d’un souhait d’intégration. Vous le savez, mes chers collègues, il leur en coûte souvent de faire la démarche d’entrer à l’école. Au lieu de leur tendre la main et de les conforter dans leur souhait d’intégration, on va les exclure définitivement. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mon cher collègue, votre argumentaire est sans rapport avec l’amendement.
M. Jacques-Bernard Magner. Si, il y a un rapport ! À moins que vous vouliez me dire ce que je dois dire, monsieur le président…
M. le président. Cela ressemble à une explication de vote sur le texte et non pas à la présentation de l’amendement.
M. Jacques-Bernard Magner. Vous souhaitez que je m’arrête là ?
M. le président. Quand on présente un amendement, on parle de l’amendement. Vous êtes, à mon avis, très largement à côté. Vous pourrez reprendre la parole ensuite si vous le souhaitez.
M. Jacques-Bernard Magner. Soit, monsieur le président !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Je vais essayer de répondre à une intervention qui n’a pas eu lieu…
Les sorties scolaires sont du temps scolaire sur l’ensemble du territoire de notre République. Par conséquent, pour que le texte soit appliqué à Wallis et Futuna, comme l’est la loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux ostensibles pour les élèves, la loi doit expressément le prévoir.
Pour ce qui concerne les autres territoires d’outre-mer, soit la loi est applicable de plein droit dans ce domaine, soit le législateur que nous sommes n’est pas compétent pour intervenir.
Dans la mesure où votre amendement précédent n’a pas été adopté, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer celui-ci. À défaut, la commission se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Magner, l’amendement n° 11 est-il maintenu ?
M. Jacques-Bernard Magner. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
concourant
par le mot :
participant
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Dans la mesure où le texte initial de la proposition de loi a été modifié, il me semble cohérent de changer son titre. Cet amendement ne devrait pas susciter de polémique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Je profite de cette occasion pour répondre à Laurent Lafon.
Dans le cadre d’une querelle byzantine, nous avons pensé que le terme « participant » prenait mieux en compte les activités des intervenants adultes à l’extérieur des murs ou dans les murs de l’école, le terme « concourant » semblant plus restrictif.
Je rejoins Françoise Laborde : le terme « participant » ayant été retenu pour le texte, il semble nécessaire de mettre le titre en conformité. Sans doute le rapporteur aurait-il dû y penser… La commission est donc favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Il existe une nuance entre les termes « concourir » et « participer ». Celui qui participe est dans l’action du début jusqu’à la fin de la sortie scolaire. Il participe à son organisation et à sa préparation. Or tel n’est pas le cas en général. Par conséquent, le terme « concourir » paraît mieux convenir.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. J’aimerais bien avoir une réponse à la question que j’ai posée.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Max Brisson, rapporteur. Je trouve que vous vous éloignez beaucoup des textes qui organisent les sorties scolaires. En la matière, l’ensemble des circulaires donne bien un rôle aux accompagnants.
Je prends acte d’un clivage concernant nos appréciations du rôle des adultes, car il ne s’agit pas uniquement des parents, dans une activité liée à l’enseignement, lorsqu’il s’agit d’accompagner une classe. Manifestement, nous n’avons pas la même vision sur ce sujet.
Madame Benbassa, bien évidemment, c’est l’ensemble des signes religieux ostensibles qui sont visés. Je n’ai d’ailleurs pas beaucoup utilisé le mot « voile » au cours de nos débats. Le cœur de cette proposition de loi ne porte que sur l’affichage. Le prosélytisme, c’est un autre sujet ! Il s’agit ici de s’inscrire dans la logique d’une école publique où l’on n’affiche pas ses croyances religieuses.
Bien avant la loi de 1905, qui a été beaucoup citée, les lois de 1881, 1882, 1886 et même de 1903, c’est-à-dire avant la loi de séparation des Églises et de l’État, ont précisé clairement que, à l’école publique, on n’affiche pas – je n’ai parlé que d’affichage – des signes religieux ostensibles.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Notre rapporteur a longuement disserté sur la terminologie du titre. À quoi sert-il d’en modifier le libellé ? Si la proposition de loi est adoptée, c’est le contenu de l’article qui sera appliqué, le titre n’ayant aucune importance.
Je n’ai donc pas très bien compris l’intérêt de la querelle sur les termes du titre. Notre rapporteur pourrait-il nous l’expliquer ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Max Brisson, rapporteur. Comme professeur, j’ai souvent bataillé contre les élèves qui mettaient des titres bien différents de la dissertation qu’ils présentaient. Je pense que le titre doit être en concordance avec le texte. Celui-ci ayant été modifié par rapport à la proposition de loi initiale, cet amendement me paraît de bonne logique.
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.
Mme Claudine Lepage. Je souhaite revenir sur l’intervention de notre collègue de La Réunion. Je ne crois pas que sa question, qui me semblait très pertinente, ait reçu une réponse de la part de M. le rapporteur ou de M. le ministre.
M. le président. Je rappelle que nous examinons l’amendement n° 9 rectifié. On pourrait refaire tout le débat et reprendre toutes les questions qui n’ont pas obtenu de réponse, mais cela me semble un peu compliqué…
Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Voilà maintenant près de cinq heures que nous débattons de ce texte. Chacun a pu développer ses arguments, et nous voyons bien que nous avons de réelles divergences de point de vue.
Je maintiens que cette proposition de loi est vraiment un texte de circonstance. Après toutes les clarifications qui ont pu être apportées, nous ne sommes toujours pas convaincus de sa nécessité. La loi actuelle est claire. Ce texte sera donc totalement inefficace.
Par ailleurs, pour reprendre ce qu’ont dit M. le ministre et notre collègue Pierre Ouzoulias, dans notre République indivisible, laïque, démocratique et sociale, cette loi n’est pas la bienvenue. Je souhaiterais qu’on s’en tienne aux valeurs de la laïcité et à la loi de 1905. Je suis d’ailleurs effarée et stupéfaite que vous puissiez arranger à votre sauce cette loi, que vous avez qualifiée d’« intransigeante ». Non, la loi de 1905 est une loi de liberté, dont les valeurs sont claires !
Je le répète, il s’agit d’une proposition de loi de circonstance. Dans le contexte actuel, elle est malvenue, voire dangereuse. Nous l’avons dit, elle introduit confusion et amalgames dans un climat de tension. Mes chers collègues, cela fait trois semaines qu’on ne parle que de ça ! (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Êtes-vous conscients que notre République a besoin d’apaisement ?
Mme Catherine Troendlé. Oui !
Mme Sylvie Robert. Ce n’est pas un texte comme celui-là qui va y contribuer !
Mme Sylvie Robert. Pour toutes ces raisons, et pour tous les arguments que nous avons défendus, nous ne voterons pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Ma collègue l’a dit, le contexte est très difficile. Nous avons accepté – je vous demande de le mettre à notre crédit – de revenir sur le terrain du droit, comme le rapporteur nous a demandé de le faire. Mais vous ne nous avez pas donné les explications que nous vous demandions. Vous ne nous avez pas expliqué les raisons pour lesquelles cette proposition de loi a été déposée cinq jours après le vote de la loi Blanquer. Que s’est-il passé durant ces cinq jours pour que vous changiez d’avis ? Ainsi, une disposition rejetée par vous en commission mixte paritaire est devenue fondamentale et indispensable. Quelle est votre motivation profonde ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR, ainsi que sur des travées du groupe LaREM.)
Vous nous avez expliqué que vous défendiez la laïcité, abandonnée par la gauche. Je ne doute pas de votre sincérité sur ce point. Nous vous proposerons donc, dans les semaines et mois qui viennent, un certain nombre de propositions de loi nous permettant d’aller plus loin dans la laïcité. Je pense notamment à des textes auxquels vous vous êtes récemment opposés. Nous mettrons ainsi à l’épreuve votre sincérité sur ce sujet.
De notre côté, nous considérons que la laïcité est un outil fondamental dans nos sociétés du XXIe siècle, afin de permettre une émancipation totale des consciences. Nous porterons cette valeur jusqu’au bout, avec vous ou sans vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR. – MM. Henri Cabanel et Joël Labbé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je tiens à remercier notre rapporteur et à saluer sa rigueur, qui nous a permis de suivre ce que d’aucuns ont appelé à juste titre un « chemin de crête ». Je tiens également à témoigner de mon respect vis-à-vis de nos collègues ayant déposé cette proposition de loi.
Pour répondre aux derniers propos tenus, je dirai, sans mauvais jeu de mots : ne nous voilons pas la face ! Reste que je ne voterai pas non plus le texte qui nous est proposé. Les mères de famille et les enfants dont nous parlons ont un lien ténu avec la République. Ces enfants sont scolarisés à l’école de la République, là où on forge le creuset de la société. Si nous portons l’anathème sur ces familles, je crains que nous ne les jetions dans les bras de radicaux, qui prétendront que les Français les rejettent.
En même temps, mes chers collègues siégeant à gauche, je veux bien entendre des leçons de morale, mais je rappelle que c’est la majorité sénatoriale qui a voté la proposition de loi sur les établissements privés hors contrat ; à ce titre, je la salue.
Je vous invite tous, mes chers collègues, à considérer qu’il existe dans notre pays des lieux où la République n’est pas. C’est vrai à l’école de la République, dès qu’un petit enfant refuse de s’asseoir à côté d’une petite fille ; c’est vrai à l’hôpital, où certaines personnes ne veulent pas être soignées par des femmes médecins. C’est vrai aussi à l’université, où une pensée politiquement correcte interdit de tenir des débats sur la prévention de la radicalisation.
Monsieur le ministre, vous avez toute ma confiance. Je sais le combat que vous menez pour la laïcité à l’école, et je salue votre action : rien n’a été fait de cette nature auparavant – il faut le dire. Mais, en même temps, la question qui est posée aujourd’hui est celle du communautarisme. Il y va d’une mobilisation en tous lieux de toute la société, du Gouvernement, mais aussi – on l’a dit – des musulmans, qui doivent eux aussi avoir une parole sur le radicalisme et le communautarisme. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. L’immense majorité de notre groupe va bien sûr voter ce texte, parce qu’il est nécessaire, parce que nous devons sortir de l’entre-deux et de l’« en même temps », parce que nous considérons que les règles qui s’appliquent à l’école dans les murs doivent aussi s’appliquer à l’école hors les murs – Max Brisson l’a formidablement démontré.
Cela étant posé, pourquoi l’école doit-elle être le lieu d’une exigence de neutralité religieuse renforcée ?
La première raison tient à la dimension individuelle du problème : les élèves sont des jeunes, des enfants, qui, comme tels, sont en construction, des consciences fragiles qui, comme telles, doivent être libérées de toutes les allégeances, de toutes les affiliations, de tous les déterminismes.
La deuxième raison tient au fait que l’école est aussi le lieu par excellence de la conception que nous nous faisons de la laïcité à la française.
Il existe deux conceptions de la laïcité, deux modèles : une conception républicaine et française et une conception anglo-saxonne, très libérale, que j’ai entendu s’exprimer dans cette enceinte aujourd’hui.
La première différence entre les deux est la suivante : en France, le processus de laïcisation a été public ; la laïcisation s’est faite par l’État, alors que, outre-Atlantique et dans le monde anglo-saxon en général, le lieu par excellence de la liberté individuelle, c’est la société civile. La laïcité à la française, mes chers collègues, ne connaît que le citoyen, qui n’est pas l’individu ; elle ne reconnaît qu’une seule communauté, la communauté nationale, tandis que le régime libéral anglo-saxon ne reconnaît, lui, que l’individu, et s’accommode parfaitement du communautarisme.
Ce texte est important ; il doit nous permettre de lutter en nous munissant de principes républicains. Dans la République, mes chers collègues, le citoyen est beaucoup plus qu’un individu ; en tout cas, c’est un individu qui se défait de ses avis privés, de ses allégeances, de ses particularités, pour rejoindre la communauté nationale.
La logique de la laïcité est la logique de la citoyenneté : ces deux logiques sont sœurs jumelles, et même sœurs siamoises ; elles sont ce qui donne au citoyen cette liberté et cette autonomie qui doivent précisément s’épanouir dès l’école, au plus jeune âge. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où vous vous apprêtez à voter, je voudrais de nouveau, au risque de me répéter, souligner les éléments d’unité entre nous.
Je le dis avec un peu de solennité, le sujet dont nous avons traité aujourd’hui, celui du port du voile ou de signes ostentatoires quels qu’ils soient par des accompagnants, est ambivalent. Il n’est certes pas, sur le plan pratique, le sujet le plus important, aujourd’hui, en matière de laïcité ; en revanche, les débats auxquels il renvoie – nous venons encore de l’entendre – deviennent, eux, des sujets centraux dans notre société – il faut en être conscient.
De ce point de vue, notre responsabilité est grande. Je voudrais remercier l’ensemble des sénateurs et des sénatrices : les débats ont été de grande tenue – l’un d’entre vous l’a dit. Il est normal qu’une diversité de points de vue s’exprime sur un tel sujet. En même temps, il est très important de souligner ce qui nous unit. Le débat entre nous n’est pas tout, en effet ; il faut penser aux commentaires qui en seront faits, à ceux que vous ferez, à n’en pas douter, en sortant de l’hémicycle, et à tout ce qui s’ensuivra.
Tout cela n’est pas forcément facile à comprendre : nous avons tous constaté combien un discours précis, subtil, attentif à chaque mot, n’est pas facile à tenir sur ces questions, alors même qu’elles l’exigent. La dimension juridique du sujet, en particulier, requiert cette précision. Sa dimension politique nous rappelle à notre sens des responsabilités.
Quel que soit le vote que vous ferez dans un instant, nous avons à souligner ces éléments d’unité. Il est très important en effet de dire qu’il existe un contrat social français, qui est un contrat spécifique. S’il y a un point dont on doit se réjouir, c’est qu’au fil des décennies s’est finalement imposée une définition commune de ce contrat, qui n’était pas acquise au début de notre histoire républicaine, et qui peut correspondre à ce que vous venez de dire, monsieur le président Retailleau : nous sommes contre une société fragmentée, contre l’idée que l’appartenance à une communauté serait supérieure à l’appartenance à la République.
Tout le monde ou presque en serait d’accord ; en tout cas, l’immense majorité des Français l’est. Nous avons aujourd’hui à relever le défi consistant à montrer, d’une manière qui ne soit pas apeurée mais constructive et volontariste, la supériorité de la vision républicaine du contrat social. C’est bien ce genre de choses qui se jouent là.
Croyez bien que, sur ces questions, chacune de mes prises de position, aujourd’hui comme hier et comme demain, est inspirée par ce que je vois sur le terrain ; les réponses que je donne me semblent appropriées sur un plan pratique. Or, précisément, sur un plan pratique, je ne pense pas que cette proposition de loi fasse avancer ce que nous souhaitons en matière de laïcité, de lutte contre le communautarisme et de lutte contre la radicalisation. Je voudrais que nous ayons ces trois sujets à l’esprit.
La lutte contre la radicalisation est par définition un sujet d’unité nationale ; elle concerne chacun des services publics, et l’éducation nationale y prend largement sa part en ce moment, même si l’on doit toujours être plus attentif.
La lutte contre le communautarisme ne doit pas tant être une lutte contre qu’une lutte pour : une lutte pour la République, pour des choses auxquelles nous croyons, c’est-à-dire l’égalité des citoyens et l’émancipation par l’éducation. Là encore, ce sujet, qui doit faire de notre part l’objet d’un travail quotidien, nous unit, et il est très important que la société française sente cette unité.
S’agissant enfin de la mise en œuvre des principes de laïcité, notamment de la neutralité du service public de l’éducation, je ne reviendrai pas sur l’ensemble des arguments. Je le redis, il s’agit d’un sujet-frontière : la variable pertinente est-elle l’espace scolaire ou le temps scolaire ? Ce dont je suis sûr – je tiens à le souligner, comme l’ont fait certains sénateurs –, c’est que nous disposons aujourd’hui des outils juridiques qui nous permettent d’assurer le respect de ce principe de neutralité et nous permettront, à l’avenir, d’aller plus loin dans la lutte contre le prosélytisme.
Par ailleurs, quoi qu’il en soit de ce texte, y compris s’il ne devient jamais loi, sachant que, même si vous le votez ce soir, il faudra du temps pour qu’il parvienne devant l’Assemblée nationale,…