M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Les amendements déposés sur le texte de la commission, à l’exception de ceux qu’a présentés le Gouvernement, et qui visent à rétablir une habilitation à légiférer par ordonnances ou à en étendre le champ sont contraires au premier alinéa de l’article 38 de la Constitution.
En conséquence, la présente motion tend à proposer au Sénat de déclarer ces amendements irrecevables en application de l’article 44 bis, alinéa 10, du règlement.
En l’espèce, ces amendements visent à étendre le champ de l’habilitation prévue à l’article 31 du projet de loi, lequel concerne uniquement la formation des élus locaux.
Mme la présidente. Aucune explication de vote n’étant admise, je mets aux voix la motion n° 974, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
(La motion est adoptée.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 664, 573 rectifié ter, 951 rectifié bis et 929 rectifié sont déclarés irrecevables.
Articles additionnels avant l’article 26
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 895, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :
Avant l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 1111-1-1, il est inséré un article L. 1111-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-1-…. – Considérant que l’organisation de la France est décentralisée comme le précise l’article 1er de la Constitution, que les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon tel que défini au deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution, que dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences, il est créé un statut de l’élu territorial. » ;
2° L’article L. 2123-17 est abrogé.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Si j’avais douté de l’urgence qu’il y a à instituer un statut de l’élu communal, en particulier du maire, c’est-à-dire autre chose que la simple amélioration des conditions d’exercice du mandat, aussi importante soit-elle, la mort tragique du maire de Signes, dans le Var, en tentant de faire appliquer la loi municipale, m’en aurait définitivement convaincu.
Pas de sécurité des élus chargés de faire respecter la règle commune sans reconnaissance publique de la dignité d’une fonction exercée au nom de la collectivité, souvent même au nom de l’État ; une fonction qui n’est pas un passe-temps honorifique pour désœuvrés fortunés, qui pourraient donc se passer d’indemnités, mais la condition de possibilité de la République territoriale.
L’institution d’un statut de l’élu communal serait le signe de cette reconnaissance et chacun sait dans cet hémicycle qu’en la matière les symboles comptent.
Mme la présidente. L’amendement n° 791, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mme Gréaume, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1111-1-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1111-1-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-1-1-…. – Considérant que, dans les conditions prévues par la loi, les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences, il est créé un statut de l’élu territorial.
« Les principes généraux déterminant les conditions d’exercice des mandats, de reconnaissance et de protection des élus des collectivités territoriales sont fixés par le présent code. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Je ne souhaite pas refaire le match qui s’est joué au printemps dernier. Nous avons déjà beaucoup parlé du statut de l’élu et nous y sommes toujours attachés. Cet amendement est donc défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 47 rectifié bis, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Avant l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales est abrogé.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Dans le code général des collectivités territoriales, le principe de gratuité de la fonction d’élu est clairement exprimé. Nous savons tous que l’élu touche une indemnité soumise à l’impôt et aux prélèvements sociaux et ouvrant des droits à la retraite.
Pour éviter la confusion, il me paraît souhaitable de supprimer cette partie du code en conservant l’indemnité, sans créer de polémiques. Il me semble que cela irait très bien.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. La commission est attachée à des principes qui remontent à la Révolution française.
Vous vous souvenez certainement que, au cours du mois d’août 1789, les députés aux États généraux, qui étaient restés à Paris plus longtemps que prévu, se sont aperçus que le maigre pécule avec lequel ils avaient quitté leur département était épuisé.
Afin de permettre à la démocratie de fonctionner, on a ainsi inventé l’indemnité pour compenser un manque à gagner. La fonction de représentant de la Nation a en effet été conçue comme une fonction gratuite, parce qu’elle est une fonction de service.
En 1848, après la révolution qui a abouti à la naissance de la IIe République, la question s’est de nouveau posée et l’on a décidé d’inscrire dans la Constitution l’indemnité, destinée à compenser la perte de revenus professionnels. À défaut, seuls les banquiers, les nobles, les industriels ou les préfets de la monarchie de Juillet auraient pu siéger au Parlement.
Tous ceux qui sont profondément attachés à cette épopée républicaine, qui a vu des citoyens français abandonner leur métier pour devenir des représentants de la Nation ou, plus tard, des maires, des conseillers généraux, puis départementaux, sont sensibles à cette idée : il faut maintenir ce principe, tout en veillant à ce qu’une juste indemnité permette – de manière forfaitaire, hélas ! – de compenser les pertes ou les frais induits par l’exercice des mandats.
Si l’on pose le problème du statut des élus comme une question de principe, comme vous le faites, mes chers collègues, avec ces amendements, il faut continuer à y répondre en marquant notre attachement à la notion de gratuité, corollaire du service qui est rendu par l’élu à ses concitoyens.
C’est la raison pour laquelle, après en avoir délibéré plusieurs fois, parce qu’il s’agit d’une position constante de la commission, nous avons souhaité maintenir ces principes, tout en étant attentifs à améliorer la situation matérielle des élus, soit parce qu’ils ont des frais, soit parce qu’ils renoncent à tout ou partie de leurs revenus professionnels. C’est cela, la fidélité aux principes républicains !
Par conséquent, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Ne répétons pas, en effet, les discussions du printemps dernier. Le principe de gratuité est important, le président Bas l’a évoqué.
Ce principe permet aussi d’imaginer certaines avancées, nous y reviendrons tout à l’heure à l’occasion de la discussion de certaines dispositions.
L’avis du Gouvernement est défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je sais que je lasse, mais je referai le match autant de fois qu’il faut ! Je sais bien qu’il n’y a pas de démocratie sans sophistes, mais il me paraît un peu bizarre de justifier une gratuité qui donne droit à une prétendue indemnité soumise à l’impôt, ou de défendre que les seuls mandats municipaux soient exercés à titre gratuit, mais pas ceux, par exemple, des conseillers régionaux, dont on sait qu’ils croulent sous les responsabilités. Mais nous avons un président qui est très fort en sophistique…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Merci du compliment !
M. Pierre-Yves Collombat. Je me réfugierai derrière deux grandes voix.
La première, c’est celle du ministre des relations avec le Parlement, M. Marc Fesneau, qui, répondant en votre absence – certainement justifiée par une noble cause –, monsieur le ministre, à ma question d’actualité sur le statut de l’élu, a déclaré qu’un tel statut était attendu depuis très longtemps et que le Gouvernement irait au bout. Apparemment, vous n’y êtes pas encore !
La seconde voix est celle de notre rapporteur Françoise Gatel – une voix qui compte dans notre hémicycle –, qui, mardi dernier, disait que parce qu’il est le représentant de l’État et une personne que nos concitoyens distinguent des autres, il faut que le maire incarne vraiment la République territoriale.
Je n’aurais pas pu trouver meilleure justification de la reconnaissance symbolique et générale de ce qu’est le maire et de la dignité de sa fonction.
M. Jean-Pierre Grand. Madame la présidente, je retire mon amendement n° 47 rectifié bis.
Mme la présidente. L’amendement n° 47 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. J’ai bien entendu, monsieur le président de la commission des lois, votre bref, mais précis rappel historique des dates et des fondements de la démocratie.
Je pense tout de même que l’existence d’un statut de l’élu pourrait être compatible avec le principe de gratuité, et que, réciproquement, le principe de gratuité pourrait être remis en cause en l’absence de statut de l’élu.
Votre argument selon lequel la volonté de créer un statut de l’élu serait contradictoire avec l’attachement au principe de gratuité me semble donc être un raccourci. Nous avons tous pris l’engagement d’aller vite dans les débats ce soir, ce qui, inévitablement, nous amènera à prendre des raccourcis, mais je tiens tout de même à préciser que déposer des amendements visant à créer un statut de l’élu n’implique pas forcément une volonté de remise en cause de ces principes acquis et construits à travers les décennies et les différentes révolutions qui ont fait l’histoire de notre pays.
Nous pourrions avoir cette discussion pendant de très longues heures, mais j’en ferai grâce à l’ensemble de l’hémicycle ce soir.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. On ne peut pas ne pas être d’accord avec l’exposé historique de notre excellent président de la commission des lois, mais la création d’un statut de l’élu ne me semble pas incompatible avec le maintien, qui me paraît essentiel, du principe de la gratuité du service rendu – cela peut d’ailleurs être précisé dans le statut.
Cette discussion me laisse donc un peu perplexe, madame la présidente, mais vous pourrez sûrement m’éclairer. Quoi qu’il en soit, je suis partisan de voter pour la création d’un statut de l’élu, sous réserve de trouver les modalités concrètes pour maintenir la gratuité.
Mme la présidente. L’amendement n° 438 rectifié bis, présenté par MM. Montaugé, Antiste et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, M. M. Bourquin, Mme Conway-Mouret, MM. Daudigny et Duran, Mmes Féret et Grelet-Certenais, M. P. Joly, Mmes G. Jourda, Lubin, Monier, Perol-Dumont et Taillé-Polian et MM. Tissot, Tourenne et Vaugrenard, est ainsi libellé :
Avant l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2021, un rapport étudiant la possibilité de modifier les conditions d’accès aux différentes fonctions publiques et à l’emploi privé afin de faciliter celui-ci pour les anciens élus particulièrement investis dans l’exercice de leur mandat.
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Cet amendement d’appel vise à promouvoir l’attractivité de l’engagement dans des mandats électifs locaux auprès des jeunes actifs, alors que la moyenne d’âge, notamment des maires des communes rurales, demeure élevée. Cet aspect est grandement absent du projet de loi qui prétend pourtant rendre attractifs les mandats locaux.
L’engagement actif dans un mandat local joue comme un révélateur de talents au service des autres. C’est une richesse pour la collectivité territoriale qui en bénéficie.
Une politique active de valorisation de ces talents à l’issue du mandat électif serait de nature à rajeunir les conseils des collectivités territoriales. Il s’agit non seulement d’inciter de jeunes actifs à détenir un mandat, mais aussi à s’investir pleinement dans la vie publique.
Si les collectivités bénéficient grandement de l’expérience de la vie en société et du monde du travail qu’apportent des élus âgés, il est tout aussi souhaitable que la société et le monde du travail bénéficient du sens de l’intérêt général et de la citoyenneté acquis à l’occasion de l’exercice de mandats électifs publics.
Cette proposition se place dans la continuité de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.
L’étude demandée au Gouvernement au travers de cet amendement permettrait de faire un pas dans ce sens, ce qui serait utile pour notre démocratie.
L’avis du Gouvernement et celui de la commission sur mon amendement précédent ayant été émis sans plus d’explications, je vous saurais gré, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, de m’en donner quelques-unes pour celui-là.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Défavorable, car c’est une demande de rapport, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 438 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 468, présenté par Mme Cartron, M. Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Avant l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport au sein duquel il présente et évalue les modalités de mise en œuvre d’un fonds public ayant pour objet d’abonder la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux avec les crédits budgétaires rendus disponibles par la baisse du montant des dotations versées aux assemblées, au titre de leurs dépenses de fonctionnement, après la promulgation de la loi organique n° … du … pour un renouveau de la vie démocratique.
La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Tout au long de nos débats sur ce texte, nous avons beaucoup parlé de la nécessaire reconnaissance des maires qui exercent leurs fonctions dans les petites communes. Il est proposé de relever le plafond indemnitaire que le conseil municipal peut décider d’allouer au maire ou aux adjoints des communes de moins de 3 500 habitants en créant une strate indemnitaire unique, allant de zéro à 3 500 habitants, pour ces maires et leurs adjoints, le conseil municipal étant libre de déterminer les indemnités par délibération.
Si le principe est bien accueilli, les élus de ces petites communes nous disent avoir des budgets insuffisants pour permettre de relever ce plafond et se rémunérer à la hauteur de leur engagement.
Aussi, afin que cette mesure puisse véritablement être mise en œuvre et ne reste pas un vœu pieux tout en étant soutenable pour les finances de ces communes, le présent amendement vise à étudier la possibilité de créer un fonds public alimenté par l’économie qui va pouvoir être réalisée par l’État lorsque nous aurons voté la baisse du nombre de parlementaires. (Vives exclamations.)
Ce serait un vrai signe de solidarité si cette économie pouvait être dévolue à un fonds dédié aux élus des petites communes qui ne peuvent pas se rémunérer à la hauteur de leur engagement. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce serait une bonne solution.
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas bien de faire cela !
Mme Françoise Cartron. Pour ces raisons, je demande que le Gouvernement remette au Parlement dans un délai de six mois un rapport au sein duquel il évalue les modalités de mise en œuvre d’un tel fonds. Ainsi, nous pourrons évaluer la faisabilité d’une telle mesure visant à répondre à la demande de justice à l’égard des élus des petites communes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je ne résiste pas à la tentation de répondre, même si c’est une demande de rapport… (Sourires.)
M. Jérôme Durain. Allez-y !
Mme Cécile Cukierman. Certains ont droit à des explications, d’autres non !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Mme Cartron a l’air très informée sur les détails de la réforme constitutionnelle !
J’avais cru comprendre, aux dires de l’exécutif, que la baisse du nombre de parlementaires n’entraînerait pas mécaniquement d’économies, ayant vocation à donner plus de moyens aux parlementaires pour travailler. Vous nous apprenez donc quelque chose, madame Cartron. Peut-être pouvez-vous nous dire aussi de combien le nombre de parlementaires sera-t-il réduit, et quelle sera la ventilation sur les territoires du nombre de parlementaires ? (Sourires.)
Le Sénat, selon les dires, aurait la grande responsabilité de faire échouer cette réforme constitutionnelle. En tout état de cause, nous sommes heureux d’avoir appris ce soir, contrairement à ce qu’on peut lire dans la presse et entendre dans les médias, que cette réforme aboutira. Cette information ne manquera pas de susciter l’intérêt collectif !
Pour en revenir à l’amendement n° 468, et pour ne pas frustrer Mme Cukierman, l’avis de la commission est défavorable, parce qu’il s’agit d’une demande de rapport.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est un amendement d’appel. (Sourires.) Comme nous nous sommes promis d’avancer, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il reste 133 amendements et que nous commençons peut-être à caresser l’espoir d’en voir la fin, je demanderai le retrait de cet amendement.
Mais nous pourrions avoir un beau débat sur la diminution du nombre de parlementaires ; les questions indemnitaires – nous y viendrons tout à l’heure – sont un autre débat ; la présentation par le Gouvernement en conseil des ministres d’un projet de loi constitutionnelle, d’un projet de loi organique et d’un projet de loi ordinaire est encore un autre débat. Je ne doute pas que vous aurez ces débats, mais pour l’heure, je vous propose de continuer la discussion du projet de loi que j’ai l’honneur de défendre devant vous.
Je demande donc le retrait de cet amendement, madame la sénatrice Cartron, mais je constate que vous avez pris beaucoup de plaisir à le défendre.
Mme la présidente. Madame Cartron, l’amendement n° 468 est-il maintenu ?
Mme Françoise Cartron. Je ne dispose pas d’informations, mon cher collègue.
M. Jérôme Durain. C’est décevant !
Mme Françoise Cartron. Mais, pendant la campagne présidentielle, de très nombreux candidats, balayant un spectre politique suffisamment large, ont indiqué qu’il était nécessaire de réduire le nombre de parlementaires. (Protestations sur les travées du groupe CRCE. – M. Loïc Hervé se joint à ces protestations.)
Lorsque j’adhère à une idée, je suis têtue. Or il me semble que cette idée n’est pas à jeter à la poubelle d’un revers de la main.
Par ailleurs, si vous semblez d’accord pour réduire le nombre de parlementaires, vous envisagez de consacrer l’économie au Parlement, afin de renforcer les moyens des parlementaires.
M. Loïc Hervé. Au Parlement, non, aux parlementaires !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Ce n’est pas nous qui le disons !
Mme Sophie Primas. Que de démagogie !
Mme Françoise Cartron. J’ai pour ma part une autre idée. Nous avons parlé de solidarité et de respect pour les maires des petites communes, je la propose à votre réflexion.
Mme Sophie Primas. Il y a un principe de réalité, cela ne représenterait même pas un euro par commune !
Mme Françoise Cartron. Le sens du rapport est précisément d’évaluer les choses à l’aune du principe de solidarité envers les petites communes.
Il s’agit sans doute, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, d’un amendement d’appel. J’ai entendu que le président du Sénat discutait de l’ampleur de la diminution du nombre de parlementaires. Dès qu’un terrain d’entente aura été trouvé, je vous soumettrai de nouveau ma proposition.
Cela étant, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 468 est retiré.
L’amendement n° 570 rectifié ter, présenté par MM. Kerrouche, Marie et Durain, Mme Lubin, M. Antiste, Mmes Guillemot et Bonnefoy et M. Tissot, est ainsi libellé :
Avant l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juillet 2020, un rapport sur l’opportunité de créer un statut d’agent civique territorial.
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Je me félicite que l’amendement précédent ait été retiré parce que c’était une proposition à la fois démagogique, dérisoire et qui manifestait une soumission politique au Président de la République. (Mme Françoise Cartron désapprouve.)
Cela étant, le présent amendement est également un amendement d’appel. Il a pour objet la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement avant le 1er juillet 2020 sur l’opportunité de créer un statut d’agent civique territorial.
La logique indemnitaire ne suffit plus en France. Le principe de gratuité des fonctions est dépassé. Il n’est plus possible d’exercer certains mandats dans le cadre d’une prétendue indemnité et d’une prétendue gratuité.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres pour mémoire : d’après l’enquête que nous avons faite auprès de 17 500 élus locaux, 31 % d’entre eux travaillent plus de 35 heures par semaine. Plus les EPCI sont grands, plus les collectivités sont grandes, plus ce temps de travail s’accroît. Un maire sur deux et un adjoint sur trois consacrent plus de 35 heures par semaine à leur mandat.
Si les retraités sont 62 % à faire plus de 25 heures, seulement un tiers des actifs peuvent s’investir autant pour leur mandat. Il n’est donc plus possible de répondre à cette problématique par un système indemnitaire quand le mandat devient la seule activité des élus.
Au-delà d’un certain seuil, par exemple au-delà de 10 000 habitants pour les communes et de 20 000 habitants pour les EPCI, il serait tout à fait possible de mettre en place, comme le préconisait déjà le rapport Mauroy de 2000, un statut d’agent civique territorial qui correspondrait mieux à la réalité et permettrait, en outre, d’accroître la démocratisation des fonctions d’élu. En effet, certaines personnes ne peuvent pas accéder aux mandats en raison de leurs conditions actuelles d’exercice.
Je sais bien que cette demande de rapport ne sera pas retenue. Je le regrette, car elle permettrait de répondre à une difficulté qui touche à l’exercice des mandats locaux aujourd’hui.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je comprends la réflexion, et nous avons eu de longs échanges en commission sur le sujet. Toutefois, puisqu’il s’agit d’une demande de rapport, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 570 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 26
I. – À la fin du 2° de l’article L. 3142-79 du code du travail, les mots : « dans une commune d’au moins 1 000 habitants » sont supprimés.
II. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 5214-8 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– au début, les références : « Les articles L. 2123-2, L. 2123-3 » sont remplacées par les références : « Les articles L. 2123-1 à L. 2123-3 » ;
– la référence : « le II » est remplacée par les références : « les II et III » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application du II de l’article L. 2123-24-1, les mots : « dans les communes de moins de 100 000 habitants » sont remplacés par les mots : « dans les communautés de communes » et le mot : « municipal » est remplacé par le mot : « communautaire ». ;
2° Au début du II de l’article L. 5842-21, les mots : « Au dernier » sont remplacés par les mots : « À l’avant-dernier ».
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, sur l’article.
M. Henri Cabanel. J’ai déposé un amendement visant à rendre obligatoire la présentation d’un casier vierge pour les candidats aux élections. Celui-ci a été déclaré irrecevable.
Qui croyons-nous berner en refusant inlassablement cette obligation que les citoyens réclament, certains étant d’ailleurs persuadés qu’elle existe déjà ? Quand arrêterons-nous d’être décalés à ce point de la réalité ? De quoi avons-nous peur ?
Soumettre l’éligibilité à la condition du casier vierge permettrait d’illustrer l’idée selon laquelle la reconnaissance des droits passe par son contre-balancement par des devoirs.
Les élus locaux, eux, n’en ont pas peur. Ils réclament cette mesure, car ils voient peu à peu s’étendre la défiance vis-à-vis des élus nationaux à leur mandat.
Faire reconnaître le droit des élus pour développer l’engagement est une nécessité dans le contexte politique de défiance actuelle.
Un État démocrate a pour souverain le peuple, comme le dispose l’article 3 de la Constitution. Ce peuple souverain s’éloigne des urnes, renie les partis traditionnels et réclame des mesures qui dérangent et déstabilisent notre petit monde : reconnaissance du vote blanc, obligation du casier vierge.
Au mieux pudiquement, au pire agressivement, les élus nationaux parlent de démagogie et actent comme seul blanc-seing les scrutins. Mais quel pourcentage d’abstention ou de votes extrêmes provoquera un électrochoc de raison ?
Mon amendement visait simplement à rétablir une équité. Je rappelle inlassablement dans cet hémicycle que près de 400 professions exigent de leurs candidats qu’ils aient des casiers vierges. Il s’agit aussi de parler le même langage que les Français.
La loi pour la confiance dans la vie politique a instauré l’inéligibilité. C’est très bien, mais la mesure est peu compréhensible. L’obligation d’un casier vierge ne s’oppose pas à cette mesure. Elle permettrait simplement un réajustement de curseur, mais l’esprit reste le même, à savoir la recherche de l’exemplarité de l’élu dès sa candidature.