Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, je présenterai également les amendements nos 97 rectifié bis et 96 rectifié bis.
Je souhaite apporter un témoignage positif sur les conseils de développement, d’autant que celui de Bordeaux fonctionne très bien. Monsieur le ministre, c’est le conseil de développement qui a mené de façon très efficace le grand débat national sur notre métropole. Il a d’ailleurs rendu une copie très appréciée de l’ensemble des parties prenantes.
Étendus par la loi NOTRe en 2015, les conseils de développement sont des outils de démocratie participative, de dialogue et de consultation. Chaque conseil de développement est libre de s’organiser comme il le souhaite. Cette souplesse permet une application adaptée aux particularités territoriales de chaque EPCI.
L’amendement n° 98 rectifié bis vise à maintenir cette obligation de création. Je signale que, à la suite d’un problème informatique, Ronan Dantec n’a pu être inscrit dans la liste des cosignataires, mais il souhaite y figurer, aux côtés des dix autres cosignataires du RDSE et d’une sénatrice du groupe UC.
Les deux autres amendements de repli visent à conserver a minima les conseils de développement au sein des métropoles ou des communautés urbaines où le besoin de démocratie participative est souvent le plus prégnant.
Mme la présidente. L’amendement n° 97 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme Costes, MM. Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve, MM. Labbé, Léonhardt, Requier, Roux et Vall et Mme Joissains, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Supprimer la référence :
L. 5211-10-1,
II. – Après l’alinéa 8
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 5211-10-1 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
- au premier alinéa, les mots : « établissements publics à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants » sont remplacés par le mot : « métropoles » ;
- au deuxième alinéa, les mots : « l’établissement public » sont remplacés par les mots : « la métropole » ;
- au troisième alinéa, les mots : « établissements publics contigus » par les mots : « métropoles contiguës » ;
b) Au premier alinéa du II, au second alinéa du III, au premier alinéa du IV et au V, les mots : « l’établissement public de coopération intercommunale » sont remplacés par les mots : « la métropole ».
Cet amendement vient d’être présenté.
L’amendement n° 572 rectifié bis, présenté par MM. Kerrouche, Marie et Durain, Mme Lubin, MM. Antiste et Devinaz, Mmes Harribey, Perol-Dumont et Guillemot, M. Duran, Mmes Bonnefoy et Féret et MM. Temal et Tissot, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Supprimer la référence :
L. 5211-10-1,
II. – Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le troisième alinéa du I de l’article L. 5211-10-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Il peut fusionner avec le conseil de développement mentionné au IV de l’article L. 5741-1, lorsque ces établissements publics appartiennent au même pôle d’équilibre territorial et rural, et dans le respect des conditions définies à l’article 57 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. Les modalités de cette fusion sont définies par voie de convention entre les parties intéressées. » ;
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Il s’agit de mettre en place des mutualisations en termes de conseil de développement. La loi Maptam a encadré précédemment les conseils de développement des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, les PETR.
Dans l’hypothèse où certains établissements publics contigus décideraient de créer ensemble un conseil de développement commun, celui-ci devrait cohabiter avec le conseil de développement du PETR. Il nous semble intéressant de pouvoir fusionner ces deux types de conseils de développement sur le même périmètre. Non seulement cela créerait des mutualisations, mais ce serait aussi plus efficace en termes de mobilisation citoyenne.
Dans les faits, même si la loi ne le prévoit pas, certains préfets ont déjà anticipé sur cette mesure, puisque des mutualisations de ce type existent sur certains territoires, que je me garderais bien de citer. Il me paraît donc utile de généraliser cette bonne pratique.
Mme la présidente. L’amendement n° 243 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Labbé et Artano, Mme M. Carrère et MM. Jeansannetas, Roux et Vall, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Supprimer la référence :
L. 5211-10-1,
II. – Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le premier alinéa du II de l’article L. 5211-10-1 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Au moins un tiers de ses membres sont désignés par tirage au sort sur les listes électorales des communes membres, après acceptation des personnes tirées au sort. » ;
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. L’article L. 5211-10-1 du code général des collectivités territoriales prévoit l’obligation d’avoir un conseil de développement dans les EPCI de plus de 20 000 habitants. Le présent amendement tend à réserver au moins un tiers des sièges à des citoyens tirés au sort. Je me doute du sort que connaîtra cet amendement au vu des débats qui nous animent depuis le début de l’après-midi. J’ai bien compris que certains ne voulaient pas aller plus avant dans le sens de la démocratie participative.
Mme la présidente. L’amendement n° 96 rectifié bis, présenté par Mmes N. Delattre et Joissains, MM. Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère et MM. Guérini, Jeansannetas, Labbé, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer la référence :
L. 5211-10-1,
Cet amendement a déjà été défendu.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 68 est présenté par M. Grand.
L’amendement n° 214 rectifié est présenté par MM. Cabanel, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Jeansannetas et Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux et Vall.
L’amendement n° 410 rectifié est présenté par MM. Kerrouche, Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et Sutour, Mme Blondin, MM. Montaugé, Courteau et Daunis, Mme Monier, MM. Bérit-Débat, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7
Supprimer la référence :
L. 5211-39-1,
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour présenter l’amendement n° 68.
M. Jean-Pierre Grand. Pour être bref et ne pas refaire le débat sur la mutualisation que nous avons eu lors de l’examen article 1er, je m’interroge sur la transparence des mutualisations en cours. En supprimant les schémas, nous supprimons également l’obligation de faire un point d’étape annuel.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 214 rectifié.
M. Henri Cabanel. Cet amendement vise à maintenir l’article L. 5211-39-1 du code général des collectivités locales, qui prévoit que le président de l’EPCI à fiscalité propre établit un rapport relatif aux mutualisations de services entre les services de l’EPCI et ceux des communes membres. Ce rapport comporte notamment un projet de schéma de mutualisation de services à mettre en œuvre pendant la durée du mandat.
Cet amendement permet de maintenir un élément qui contribue à la bonne gouvernance et à la bonne gestion de l’EPCI. Il n’est pas souhaitable de le supprimer.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter l’amendement n° 410 rectifié.
M. Éric Kerrouche. Cet amendement vise à conserver le caractère obligatoire du rapport de mutualisation des services établi par le président de l’EPCI après chaque renouvellement général. L’intercommunalité apporte une plus-value, mesurée par le schéma de mutualisation. Surtout, ce rapport et le schéma qu’il comprend n’ont été mis en œuvre qu’une seule fois, après le renouvellement général de mars 2014. Quel enseignement le Gouvernement a-t-il pu tirer d’un tel dispositif pour demander si tôt sa suppression ?
Mme la présidente. L’amendement n° 254 rectifié bis, présenté par MM. Vall, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère et MM. Gold, Guérini, Jeansannetas, Labbé, Léonhardt et Roux, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Supprimer la référence :
et le IV de l’article L. 5741-1
II. – Alinéas 13 à 15
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Cet amendement vise à maintenir les conseils de développement au moins dans les PETR, dont je ne rappellerai pas l’historique. Je demande simplement que l’on fasse preuve de cohérence. On a créé l’Agence nationale de cohésion des territoires, l’ANCT, pour faire remonter les projets de territoire. Comment concevoir un projet de territoire sans la société civile et sans les forces vives d’un territoire ?
Si l’on relit la charte interministérielle de contractualisation, on s’aperçoit que l’objectif est le même : le projet de territoire est élaboré de manière concertée avec les habitants, etc. Soyons donc cohérents. L’EPCI est un outil de gestion des compétences, mais les PETR sont des incubateurs de projets de territoire. On ne peut pas les mettre en place sans la justice civile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je ferai une intervention générale, puisque l’ensemble de ces amendements concernent le même sujet.
Mes chers collègues, je le dis avec sincérité, j’apprécie beaucoup les débats que nous avons. Chacun défend ses convictions. Depuis que nous examinons ce texte, les longues heures, de jour comme de nuit, que nous avons passées ensemble sont la preuve de la diversité des territoires et de la difficulté d’apporter une vérité qui serait celle d’un sachant nommé « législateur ».
Le législateur fait des lois quasi parfaites. Elles sont mises en œuvre dans les territoires, avec leur histoire, leur culture et leurs gouvernants. Je tiens à le dire, de manière très respectueuse et très calme, on fait au Sénat un procès d’intention qui parfois vire au procès en sorcellerie.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je vous laisserai, monsieur le ministre, le soin de vous faire l’excellent avocat du Gouvernement !
Nous serions les plus grands ennemis de l’intercommunalité et les adversaires de la démocratie participative. Mes chers collègues, je le dis avec beaucoup d’honnêteté, tout ce que nous avons fait vise à améliorer la démocratie représentative, en permettant à l’ensemble des conseillers municipaux d’être davantage associés aux travaux de leur intercommunalité.
Par ailleurs, il me semble que la démocratie participative n’est ni détruite ni niée par le travail de la commission des lois. Soyons précis et factuels : nous n’interdisons pas et nous ne supprimons pas les instances de démocratie participative. Nous les rendons facultatives.
M. Loïc Hervé. Exactement !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. J’ai, comme beaucoup d’autres, rencontré personnellement l’excellent président de la Coordination nationale des conseils de développement. Je lui ai indiqué que nous reconnaissions la valeur de toutes les instances de démocratie participative. Quoi qu’il en soit, nous ne tenons pas notre légitimité de droit divin ou de droit républicain !
L’affaire nous paraît tellement importante, mes chers amis, que nous avons instauré à l’article 1er – peut-être l’avez-vous oublié, car nous avons derrière nous de longues heures de débat –, dans le pacte de gouvernance, la possibilité pour les intercommunalités de définir comme elles le souhaitent leur mode d’association et de consultation des acteurs de la société civile. Il me semble que nous avons donc répondu à la demande.
De plus, un rapport sur la mutualisation peut faire trois pages comme vingt-cinq. On peut également s’en désintéresser. Or le sujet nous semblait tellement important que nous avons introduit, là encore dans le pacte de gouvernance, la possibilité pour les intercommunalités qui le souhaitaient de définir la mutualisation et ses conditions.
Nous avons par conséquent consacré ces deux aspects en donnant aux élus la capacité de les définir comme ils le souhaitaient. Mes chers collègues, soyons vigilants. Si nous siégeons dans cet hémicycle depuis plusieurs jours, y compris la nuit, c’est que nombre d’élus ont témoigné qu’ils étaient condamnés à l’impuissance par des lois qui ont formaté et normé les procédures, et par des baisses de dotations qui les conduisent à courir de manière effrénée pour assurer certaines compétences.
Par ailleurs, quel sens cela aurait-il que le Sénat, représentant des territoires, dont les membres sont élus par des collègues élus locaux, exprime de la défiance à l’égard de ces mêmes élus locaux ? Comment pourrions-nous affirmer, en imposant des contraintes, des obligations et des normes supplémentaires, que les élus locaux seraient incapables de gérer correctement leur territoire, alors même que nous sommes fascinés, à chaque fin de semaine, par les initiatives prises un peu partout et dont nos territoires bouillonnent ? Ces élus ont inventé des possibles, ils ont inventé des solutions dans l’intérêt de leurs concitoyens. Voilà pourquoi je demande le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable, car ils sont satisfaits.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Avec ces treize amendements, nous renouons avec le beau débat de la semaine dernière, auquel je crois beaucoup, entre liberté, d’un côté, et égalité, de l’autre. Il n’y a aucune opposition entre ces deux valeurs républicaines auxquelles nous sommes attachés, mais il y a parfois une concurrence. Soit une mesure nous paraît très importante et on norme pour s’assurer qu’elle s’applique sur l’ensemble du territoire français, métropolitain comme ultramarin, moyennant des adaptations, monsieur Lurel. Soit on fait confiance aux collectivités territoriales – c’est un peu l’esprit de la décentralisation – et on laisse libres les initiatives parce que cela relève aussi de la compétence des collectivités territoriales que de faire vivre la démocratie locale.
Tel est le débat depuis le début de l’examen de ce projet de loi. C’est un beau débat. On voit bien d’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous pouvez être plus ou moins en adéquation avec une valeur ou avec l’autre, en fonction des sujets.
Par ailleurs, parfois la loi permet d’innover et de pousser une initiative. Une fois que les choses existent, que le débat est lancé, c’est aussi le rôle du Gouvernement, qui coécrit la loi avec le Parlement, de toiletter un certain nombre de dispositions. Il faut savoir en effet sortir du champ de l’obligation pour aller vers le champ de la liberté.
Je citerai un autre exemple en matière de démocratie participative : les conseils de quartier. La gauche les a rendus obligatoires dans les communes les plus importantes, c’est-à-dire celles de plus de 80 000 habitants. Ce seul fait a conduit, comme l’a souligné Mme la rapporteure, des milliers de communes de moins de 80 000 habitants à se lancer dans l’aventure. Rares sont les communes de taille significative aujourd’hui qui contourneraient le principe même d’un conseil de quartier. Tout simplement parce que nous sommes des élus : la pression ne s’exerce pas sur nous uniquement par la loi ; elle est aussi sociale et électorale, au sens noble du terme. Si un maire dit qu’il se moque de la vie de ses concitoyens et qu’il ne mettra pas en place de conseils de quartier, je lui souhaite bien du courage pour sa réélection !
Il y a donc des choses qui s’imposent. Les conseils de développement, je le répète, sont un bon outil. Je souhaite qu’on lui conserve une base légale, mais qu’on le sorte du champ de l’obligation, laissant le soin à tout un chacun de l’activer totalement ou partiellement, comme bon lui semble.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vous le dis en vérité : le conseil communautaire qui décidera de tout arrêter sèchement aura très vite sur le dos les professions agricoles, les associations, etc. Dans la vraie vie, on sait très bien comment les choses se passent. C’est donc une affaire d’adaptation et pas du tout un combat politique ou culturel ! Il s’agit de permettre à chaque EPCI – je reviendrai tout à l’heure sur le cas des PETR – de s’organiser comme bon lui semble. Je suis assez attaché à cette idée-là. Je l’ai rappelé au cours de la discussion générale, dans notre pays, la simplification c’est compliqué !
Nous avons eu une réunion de travail ensemble il y a quelques mois, monsieur le sénateur Vall, sur les PETR. Là aussi, je ne connais pas beaucoup de PETR ne s’appuyant pas sur le conseil de développement. Est-ce que les PETR, qui sont des créatures originales et intéressantes dans notre droit, ont créé un conseil de développement parce que c’est obligatoire ou l’ont-ils fait parce que dans leur identité il y a l’idée du conseil de développement ? Telle est la vraie question !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Absolument !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Si dans l’ADN des PETR, il y a les conseils de développement, pourquoi ne pas en supprimer l’obligation dans la loi ? Culturellement et socialement, la régulation se fera d’elle-même. C’est en tout cas le vœu que je forme parce que le droit est vivant. Si, par exemple, on supprimait l’obligation des conseils de quartier pour les communes de plus de 80 000 habitants, je ne connais pas un maire de France d’une commune de plus de 80 000 habitants qui arrêterait les conseils de quartier !
Voilà la philosophie du Gouvernement. D’ailleurs, la commission a abondé dans ce sens, et je l’en remercie. En suivant cette logique, on laisse vivre un tant soit peu la liberté locale en faisant confiance aux acteurs du terrain.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes, vous aussi, des femmes et des hommes politiques. Madame Delattre, vous évoquez la situation en Gironde : si le président du conseil de développement de Bordeaux, que je ne connais pas personnellement, avait refusé d’organiser le grand débat, en tant que femme politique du département, vous auriez été en droit de condamner sa décision ! Mais on ne va pas non plus déposer un amendement tendant à imposer aux conseils de développement de s’occuper du grand débat quand le Président de la République décide d’en organiser un…
Ces dispositions sont tout à fait réversibles, dans un sens comme dans l’autre, et ma réponse se résume en un mot : liberté, liberté, liberté !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Liberté chérie ! (Sourires.)
M. Sébastien Lecornu, ministre. Aussi, je demande le retrait de l’ensemble de ces amendements. À défaut, ils recevront de ma part un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Madame la rapporteur, je vous ai écoutée avec beaucoup d’intérêt. Je salue l’effort que traduit ce long développement, mais, sur le fond, votre propos m’a paru un peu filandreux…
Mme Françoise Cartron. Bref, « peut mieux faire » !
M. Jérôme Durain. J’aurais aimé qu’il soit un petit plus dense.
Monsieur le ministre, j’entends l’opposition que vous érigez entre la liberté et l’égalité…
M. Jérôme Durain. Cela étant, une faculté, ce n’est pas une obligation et, aux déclarations d’amour, nous préférons les preuves d’amour !
M. Loïc Hervé. Ah !
Mme Françoise Cartron. C’est un classique…
M. Jérôme Durain. Or, dans notre pays, ce travail a-t-il suffisamment avancé ? A-t-on atteint une vitesse de croisière permettant de revenir sur ces obligations ? Sans elles, les territoires sont-ils en mesure de faire vivre la démocratie participative dans des conditions satisfaisantes ?
J’entends bien vos propos, mais, nous aussi, nous sommes dans la vraie vie ; et j’ai cru comprendre que les « gilets jaunes » sur les ronds-points, c’était un peu l’irruption de la vraie vie dans le débat politique national… Ensuite, on a quand même consacré 96 heures de grand débat à ces sujets !
Si tout ce dispositif fonctionnait naturellement et suffisamment bien dans tous les territoires, on aurait peut-être disposé d’outils démocratiques pour faire émerger un certain nombre de sujets.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La preuve !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Les « gilets jaunes » veulent des conseils de développement !
M. Jérôme Durain. Certes, ces instances ne sont pas adaptées à toutes les questions d’ordre national, mais elles offrent tout de même des soupapes en permettant aux gens de s’exprimer.
Pour revenir à nos convictions – en tout cas, aux miennes –, ce débat relatif à la démocratie participative est, à mon sens, proche de celui que nous avons pu consacrer à la parité : sans obligation, on n’ira pas plus loin. Il faut tenir compte des priorités diverses, composer avec les contraintes budgétaires, les problèmes de gestion humaine et de gouvernance, si bien que ce sujet n’est abordé qu’en bout de course.
Voilà pourquoi il faut conserver ces outils : ne transformons pas une obligation en faculté. C’est un choix politique. En procédant ainsi, l’on affecte un degré de priorité aux sujets de démocratie participative.
Avec plusieurs de mes collègues, notamment ceux qui viennent de présenter divers amendements en ce sens, j’estime que, dans ce domaine, l’effort de simplification n’est pas de bon aloi. Il risque de mettre en danger des instances qui n’ont pas fini de grandir et de s’installer. Dès lors, on perdra dans les territoires un peu de vie démocratique, que la démocratie représentative ne saurait garantir à elle seule !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Madame la rapporteur, dès lors qu’ils sont élus par d’autres élus, les sénateurs n’auraient pas à se préoccuper des citoyens : c’est ce que vous laissez entendre, et cela me gêne un peu.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je n’ai pas dit cela !
M. Éric Kerrouche. En tout cas, ce n’est pas du tout la conception que j’ai de mon mandat – mais chacun a la sienne…
Monsieur le ministre, on peut éventuellement comprendre l’affrontement que vous évoquez entre liberté et égalité. Pour autant, au sujet de l’amendement défendu par M. Vall, on ne peut pas occulter le fait que le conseil de développement est consubstantiel du PETR !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Justement !
M. Éric Kerrouche. C’est précisément sa nature et, à mon sens, au sein des PETR, on ne peut pas se contenter de conseils de développement facultatifs : en procédant ainsi, l’on altérerait leur nature. Voilà pourquoi il faut conserver leur caractère obligatoire, au moins dans ce cas précis.
Enfin, la mutualisation des conseils de développement à l’échelle d’un territoire est véritablement une bonne idée : elle accroît les libertés au sein des territoires et, sur ce point précis, je peine à comprendre votre avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. J’ai entendu les avis de la commission et du Gouvernement, mais, en l’absence de M. Joly, je m’estime tenue de maintenir l’amendement n° 123 rectifié ter.
Mme la présidente. La parole est à M. Raymond Vall, pour explication de vote.
M. Raymond Vall. Mes chers collègues, je préside une association qui réunit 300 territoires ; ces derniers représentent non moins de 20 millions d’habitants. Il est tout de même normal de les associer aux projets de territoire menés par les PETR ! Or les conseils de développement sont des incubateurs de projets et de dynamiques, essentiellement économiques.
Personne ne proposerait de supprimer le conseil économique, social et environnemental régional, le Ceser, alors même que la région se lance dans une politique, quelle qu’elle soit ! Par définition, la dynamique territoriale doit s’appuyer sur une expertise. Les élus n’ont pas tous les savoirs : pour mener un projet de développement économique, ils doivent donc disposer de cette compétence, afin de décider au mieux pour un territoire, car, en définitive, ce sont eux qui prennent la décision. En l’occurrence, je ne vois aucune menace !
Madame la rapporteur, votre seul argument consiste à dire que certains conseils de développement ne fonctionnent pas. Ces propos sont méprisants…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Non !
M. Raymond Vall. … pour les personnes qui, depuis quinze ans, se sont investies dans le cadre des pays, puis des PETR ; pour ces hommes et ces femmes qui, sans recevoir la moindre indemnité, se battent à longueur de réunion pour apporter aux élus un éclairage et des compétences qu’ils n’ont pas.
Vous estimez que cet effort n’est pas nécessaire, alors que nous sortons d’un an de concertation : sur le plan purement politique, vos propos sont très maladroits. Ils seront très mal perçus et ils décourageront les gens !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. J’y insiste, les conseils de développement n’ont pas fait l’objet d’une évaluation. En la matière, nous disposons d’une non-étude d’impact : on se contente de dire que le Gouvernement a raison de procéder ainsi, sans donner le moindre élément.
Pour tenter d’aller un peu plus loin, je me suis rapproché de la Coordination nationale des conseils de développement. Au total, plus du tiers des EPCI concernés, c’est-à-dire les intercommunalités situées sous le seuil des 50 000 habitants, respectent l’obligation édictée. Ce n’est pas rien. Aussi, à la suite de M. Vall, je déplore le mépris exprimé envers ceux qui ont mis en place ces instances et qui, aujourd’hui, en sont satisfaits. (M. le ministre manifeste son exaspération.)
Madame la rapporteur, vous avancez que les conseils de développement ne seront pas supprimés, qu’ils deviendront simplement facultatifs ; et, d’une manière que je qualifierai de spécieuse,…
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. C’est vraiment le mot du jour !
M. Olivier Jacquin. … vous évoquez nos débats, à l’article 1er, relatifs au pacte de gouvernance. On a remplacé le terme « citoyens » par l’expression « acteurs socio-économiques ». Mais ces dispositions sont, elles aussi, d’ordre facultatif !
En conséquence, je déplore une régression : la commission va plus loin que le Gouvernement. Elle supprime, dans le code, les références aux spécificités des conseils de développement. Ces instances devaient rendre des comptes à l’EPCI en établissant un rapport d’activité, et elles disposaient d’un pouvoir d’autosaisine. Bref, non seulement vous les rendez facultatives, mais vous les ravalez au rang de simples comités consultatifs.
Monsieur le ministre, vous nous dites qu’en somme les conseils de développement sont de bons outils ; mais alors, pourquoi n’avez-vous pas déposé un amendement pour rétablir le texte du Gouvernement, ce qui éviterait de supprimer les références figurant dans le code ?
D’ailleurs, je note qu’à cet égard votre ancienne communauté d’agglomération n’est pas en conformité avec la loi : elle n’a pas de conseil de développement ; et il en est de même dans l’intercommunalité de votre conseiller, M. Carmier…
Enfin, madame la rapporteur, vous affirmez que certains « irritants » empêchent le bon fonctionnement des EPCI : mais cela n’a rien à voir ! Aussi, je formule une dernière proposition : en l’état actuel de nos collectivités territoriales, il pourrait être raisonnable de surseoir à l’obligation de mise en place des conseils de développement en 2020 pour mener une véritable évaluation.