M. Sébastien Lecornu, ministre. Cet amendement constitue à mes yeux un porter à connaissance de certaines situations que nous pouvons connaître dans l’Eure, mais si le Sénat ne peut pas légiférer que pour Montpellier, il ne peut pas non plus le faire que pour le Roumois ou la belle communauté de communes de Bernay et alentours ! (Sourires.) Cette disposition, dont nous approuvons l’esprit, relève du pacte de gouvernance. Ce sont les maires des communes les plus rurales qui demanderont au président de l’intercommunalité de réunir les conseillers municipaux.
Il revient à l’AMF, dont j’ai d’ailleurs peu de nouvelles ces derniers jours alors que nous sollicitons son avis sur un certain nombre d’amendements, de bâtir un guide de bonnes pratiques, voire de proposer des pactes de gouvernance « clés en main », fruits d’une intelligence locale imprégnée de bon sens, de bienveillance. Nul doute que M. Laignel aura à cœur de se pencher sur la conception d’un tel document, qui relève davantage à mon sens d’une pratique locale que d’une disposition légale.
Je vous invite à retirer cet amendement, monsieur le président Maurey.
M. le président. Monsieur Maurey, l’amendement n° 679 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Non, je le retire, monsieur le président. Je cède à l’amicale pression de la rapporteure et du ministre, auxquels je ne peux rien refuser. (Sourires.)
Cela étant, lorsque les conseillers municipaux sont nombreux, on peut organiser deux ou trois réunions. C’est la raison pour laquelle je renvoyais au règlement intérieur. Il n’y a pas que dans l’Eure, monsieur le ministre, où le besoin de rapprocher les présidents d’intercommunalités des conseillers municipaux se fait sentir.
M. le président. L’amendement n° 679 rectifié est retiré.
L’amendement n° 106, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase de l’article L. 5211-50 du code général des collectivités territoriales, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Ce dossier est également mis en ligne sur les sites internet de l’établissement public de coopération intercommunale et des communes membres, lorsqu’ils existent. Il constitue une étude d’impact définissant les objectifs de la consultation, exposant les motifs de la décision proposée et évaluant les conséquences économiques, financières, sociales et environnementales du projet et les modalités d’application envisagées ainsi que leurs conséquences. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Le code général des collectivités territoriales précise les modalités d’information de la population par un EPCI et de participation des habitants. Ainsi, l’EPCI peut être amené à consulter les électeurs des communes membres sur les décisions que l’organe délibérant ou son président sont appelés à prendre pour régler les affaires relevant de sa compétence. À l’occasion de cette consultation, l’EPCI doit constituer un dossier d’information sur l’objet de la consultation, qui est mis à la disposition du public sur place au siège de l’EPCI et dans chaque mairie.
Même si l’accès du public au dossier est assuré dans des conditions fixées par le code des relations entre le public et l’administration, je propose de prévoir expressément la mise en ligne de ce rapport sur les sites internet de l’EPCI et des communes membres. Je propose également de préciser le contenu de ce dossier d’information, afin que les électeurs soient informés au mieux avant la consultation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La position de la commission sur la mise à disposition de telles informations, ici par voie électronique, est constante : avis défavorable, pour cause de surcharge et de chronophagie.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Grand. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 106 est retiré.
Article 4 bis (nouveau)
Le chapitre III du titre III du livre III de la troisième partie du code général des collectivités territoriales est complété par une section IV ainsi rédigée :
« Section IV
« Relations entre la métropole de Lyon et les communes situées sur son territoire
« Art. L. 3633-5. – Les conseillers municipaux des communes situées sur le territoire de la métropole de Lyon peuvent demander à être destinataires d’une copie de la convocation adressée aux conseillers métropolitains avant chaque réunion du conseil de la métropole, accompagnée, le cas échéant, du rapport sur chacune des affaires devant être soumises aux conseillers métropolitains.
« La demande mentionnée au premier alinéa peut être réalisée à tout moment par courrier adressé au président de la métropole de Lyon, par chaque commune, pour l’ensemble de ses conseillers, ou par chaque conseiller municipal.
« Les envois mentionnés au même premier alinéa sont réalisés de manière dématérialisée par la métropole de Lyon. »
M. le président. L’amendement n° 345 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 960, présenté par M. Darnaud et Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
livre III
par les mots :
livre VI
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il s’agit de corriger une erreur matérielle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 495 rectifié, présenté par Mme Vullien, MM. Louault, Mizzon, Prince, Henno, Capo-Canellas et Bonnecarrère et Mmes Saint-Pé et Sollogoub, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
peuvent demander à être
par le mot :
sont
II. – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
III. – Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un délai de deux semaines, le compte rendu des séances du conseil de la métropole est transmis aux conseillers municipaux des communes de manière dématérialisée. »
La parole est à Mme Michèle Vullien.
Mme Michèle Vullien. Cet amendement vise à préciser certaines modalités du dispositif de l’article, adopté en commission sur proposition de notre collègue François-Noël Buffet.
Je rappelle que les communes ne seront plus toutes représentées en 2020 au sein du conseil métropolitain de Lyon. Notre proposition est d’autant plus simple à mettre en œuvre qu’il suffira de doter chaque élu municipal d’un accès à l’intranet de la métropole. On peut prévoir des niveaux d’habilitation. La mise en place du dispositif ne coûtera rien et ne produira pas des tonnes de documents.
M. le président. L’amendement n° 639 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 495 rectifié ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’amendement vise à renforcer l’information des conseillers municipaux des communes situées sur le territoire de la métropole de Lyon, en prévoyant notamment la transmission, dans un délai de deux semaines, du compte rendu des séances du conseil de la métropole.
Je comprends les difficultés rencontrées dans tel ou tel territoire, a fortiori dans une métropole comme celle de Lyon, mais je souhaite que l’on préserve une démarche souple et facile à mettre en œuvre pour le conseiller municipal. Il n’existe pas de compte rendu des séances du conseil de la métropole, mais un procès-verbal. Multiplier les documents ne me semble pas forcément de nature à enrichir de manière pertinente l’information.
Au nom de la simplicité et de la liberté territoriale, je vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement. Sinon, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je ne sais plus si cette affaire relève des alignements de planètes évoqués hier… Si c’est le cas, je m’engage à l’étudier au cours de la navette. L’avis du Gouvernement est défavorable à ce stade.
M. le président. Madame Vullien, l’amendement n° 495 rectifié est-il maintenu ?
Mme Michèle Vullien. Non, je le retire, monsieur le président : je fais confiance à M. le ministre. (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 495 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 4 bis, modifié.
(L’article 4 bis est adopté.)
Chapitre II
Le pacte des compétences : permettre aux élus locaux de s’accorder sur ce que doit faire ou non leur EPCI
Article 5 A (nouveau)
I. – La sous-section 1 de la section 5 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 5211-17-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-17-1. – I. – Dans les conditions prévues au présent I, une ou plusieurs communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent transférer à ce dernier, en tout ou partie, certaines de ses compétences dont le transfert n’est pas prévu par la loi ou par la décision institutive ainsi que les biens, équipements ou services publics nécessaires à leur exercice.
« L’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre détermine, par délibération, les compétences ou parties de compétences susceptibles de lui être transférées par ses communes membres. Dans un délai de trois mois suivant la notification de cette délibération au maire, chaque commune membre peut, par délibération de son conseil municipal, demander à transférer une ou plusieurs desdites compétences ou parties de compétences.
« Le transfert de compétences par les communes qui en ont fait la demande est décidé par délibérations concordantes de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et des conseils municipaux de l’ensemble des communes membres se prononçant dans les conditions de majorité requises pour la création de l’établissement. Le conseil municipal de chaque commune membre dispose d’un délai de trois mois, à compter de la notification au maire de la délibération de l’organe délibérant de l’établissement, pour se prononcer sur les transferts proposés. À défaut de délibération dans ce délai, sa décision est réputée favorable.
« Le transfert de compétences est prononcé par arrêté du ou des représentants de l’État dans le ou les départements intéressés.
« Dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui ne sont pas soumis au régime fiscal défini à l’article 1609 nonies C du code général des impôts, le transfert de compétences est subordonné à la conclusion préalable d’une convention entre chacune des communes concernées et l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, fixant le montant de la contribution financière de la commune à l’exercice desdites compétences, qui peut couvrir une partie des dépenses d’administration générale. Cette contribution constitue pour chaque commune concernée une dépense obligatoire. L’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut décider de remplacer en tout ou partie cette contribution par le produit des impôts mentionnés au 1° du a de l’article L. 2331-3 du présent code. La mise en recouvrement de ces impôts ne peut toutefois être poursuivie que si le conseil municipal, obligatoirement consulté dans un délai de quarante jours, ne s’y est pas opposé en affectant d’autres ressources au paiement de sa contribution.
« Le transfert de compétences entraîne de plein droit l’application à l’ensemble des biens, équipements et services publics nécessaires à leur exercice, ainsi qu’à l’ensemble des droits et obligations qui leur sont attachés à la date du transfert, des dispositions des trois premiers alinéas de l’article L. 1321-1, des deux premiers alinéas de l’article L. 1321-2 et des articles L. 1321-3, L. 1321-4 et L. 1321-5.
« L’établissement public de coopération intercommunale est substitué de plein droit, à la date du transfert de compétences, aux communes concernées dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes.
« Les contrats sont exécutés dans les conditions antérieures jusqu’à leur échéance, sauf accord contraire des parties. La substitution de personne morale aux contrats conclus par les communes concernées n’entraîne aucun droit à résiliation ou à indemnisation pour le cocontractant. La commune qui transfère la compétence informe les cocontractants de cette substitution.
« II. – Lorsqu’il est fait application du I du présent article et par dérogation au premier alinéa de l’article L. 5211-1, s’appliquent les règles suivantes :
« 1° Tous les conseillers communautaires prennent part au vote pour les affaires présentant un intérêt commun à toutes les communes et notamment pour l’élection du président et des membres du bureau, le vote du budget, l’approbation du compte administratif et les décisions relatives aux modifications des conditions initiales de composition, de fonctionnement et de durée de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ; dans le cas contraire, ne prennent part au vote que les conseillers communautaires représentant les communes concernées par l’affaire mise en délibération ;
« 2° Le président de l’organe délibérant de l’établissement prend part à tous les votes sauf en cas d’application des articles L. 2121-14 et L. 2131-11. »
II. – L’article 1636 B octies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le III, il est inséré un III bis ainsi rédigé :
« III bis. – Le produit fiscal à recouvrer, au profit d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre non soumis au régime fiscal défini à l’article 1609 nonies C, dans chacune des communes membres qui lui ont transféré une ou plusieurs compétences ou parties de compétences en application de l’article L. 5211-17-1 du code général des collectivités territoriales est réparti entre les taxes foncières, la taxe d’habitation et la cotisation foncière des entreprises proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes procurerait à la commune si l’on appliquait les taux de l’année précédente aux bases de l’année d’imposition. » ;
2° Au premier alinéa du IV, la référence : « du III » est remplacée par les références : « des III et III bis ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, sur l’article.
M. Jean-Marc Gabouty. Nous abordons maintenant le chapitre qui traite des compétences, sujet qui suscite beaucoup d’interrogations parmi les élus locaux et nos concitoyens.
Nous ne devons pas perdre de vue notre objectif, qui est d’assurer le meilleur service au meilleur coût à nos concitoyens. À cet égard, je ne suis pas sûr que nous allions toujours dans la bonne direction.
Au travers de ce projet de loi modifié par notre commission des lois, nous venons déjà d’améliorer les conditions d’exercice des mandats locaux en termes d’association, d’information, de consultation, de structures de compensation. Sur ce dernier point, s’il est bien de mettre en place une structure pour en compenser une autre qui ne fonctionne pas, c’est tout de même du rafistolage…
Le vrai sujet est le suivant : les compétences sont-elles exercées au bon niveau pour assurer le meilleur service de proximité en termes de qualité et de coût ? Le reste n’est que de l’emballage.
Je regrette que les transferts de compétences à l’intercommunalité n’aient pas fait l’objet de réelles évaluations qualitatives et financières. Je déplore également que le coefficient d’intégration fiscale, institué à l’origine pour inciter à transférer des compétences, ait été maintenu alors même que celles-ci sont devenues obligatoires. C’est tout de même baroque !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Marc Gabouty. Vouloir appliquer partout les mêmes règles, quels que soient les territoires, me semble une erreur. Sur les vingt-deux métropoles, seules cinq ou six sont dignes de ce nom. Les autres en ont le titre, mais cela ne leur sert pas à grand-chose.
M. François Bonhomme. À cause de qui ?
M. Jean-Marc Gabouty. Quant aux communautés urbaines, leur nature urbaine n’est que très théorique.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Jean-Marc Gabouty. Il faut introduire beaucoup de souplesse et réfléchir à l’efficacité en matière de gestion des compétences.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. L’article 5 A et l’article 17, qui traite des délégations de compétences, me paraissent être les plus novateurs de ce texte. Si j’osais, je paraphraserais le Premier ministre s’exprimant hier à cette tribune lors du débat sur l’immigration, en disant que, finalement, il n’y aura pas véritablement de consensus, mais vraisemblablement des convergences.
Je pourrais reprendre à mon compte l’ensemble des propos que vient de tenir M. Gabouty. Il convient de s’inspirer de la notion de subsidiarité, en anticipant ce faisant sur le texte à venir qui traitera de la différenciation.
Depuis mardi soir, nous constatons que les 348 sénateurs que nous sommes ont des expériences territoriales diverses qui les amènent, bien au-delà de leurs convictions, à adopter des positions différentes s’agissant de la gouvernance ou, nous le verrons, de l’exercice des compétences. La bonne manière d’ajuster tout cela est de nous retrouver sur l’essentiel, à savoir favoriser l’acceptation du fait intercommunal et, surtout, doter les territoires d’un outil intercommunal qui réponde aux aspirations des élus et de la population en termes de mutualisation et d’amélioration des services rendus.
Cette philosophie devrait nous permettre de répondre au besoin d’intercommunalité, échelon stratégique complémentaire de l’échelon de proximité qu’est la commune. Pour autant, nous savons qu’il faut pouvoir opérer des ajustements et que certaines compétences sont parfois de nature à être mieux gérées au niveau intercommunal, d’autres à un niveau de proximité. À cet égard, le transfert à la carte de compétences facultatives va, selon moi, dans le bon sens.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Ma prise de parole sur l’article vaut présentation de l’amendement n° 827, monsieur le président.
J’étais et je suis toujours, je l’ai dit lors de la discussion générale, un opposant à la loi NOTRe. J’aurais voté contre si j’avais été parlementaire à l’époque. Cependant, quoi que l’on en dise, on ne peut nier qu’elle a commencé à produire du droit depuis son entrée en vigueur.
Comme le souligne le rapporteur Darnaud, nos différences territoriales et nos expériences locales viennent nourrir des positions diverses. Depuis deux ans, au cours de mes déplacements en tant que membre du Gouvernement, j’observe que la vie de l’intercommunalité et le fait régional correspondent à une réalité historique en Bretagne, qu’ils sont envisagés de façon complètement différente en Île-de-France ou, plus douloureusement, comme menaçant la ruralité dans le Lot ou ailleurs. Nous ne trouverons donc pas de consensus sur ce sujet, mais je pense que, chemin faisant, nous pourrons faire converger les points de vue et tenter quelques innovations, pour le moins téméraires, en faisant attention, bien sûr, à ce que nous faisons.
L’idée d’une intercommunalité à la carte est une idée de liberté, qui suscite donc mon intérêt. Néanmoins, gardons-nous de créer en droit des libertés qui soient trop théoriques. C’est tout le problème, nous l’avons vu avec le texte précédent. C’est pourquoi j’ai souhaité avancer sur la question de la délégation pour la compétence eau et assainissement. C’est une innovation dans son genre, parce qu’elle permet d’envisager la différenciation infracommunautaire. On ne peut pas, d’un côté, faire grandir les intercommunalités, et, de l’autre, ne pas prévoir des outils de différenciation infracommunautaire de la gestion de l’eau, par exemple. La question est particulièrement aiguë dans les intercommunalités de montagne, où le mode pertinent de gestion de l’eau en vallée n’est pas forcément le même que sur le col. Dans une même intercommunalité, un syndicat regroupant trois ou quatre communes peut très bien fonctionner depuis cinquante ans dans la vallée tandis que, à côté, des communes ont besoin de la solidarité intercommunale pour assurer cette mission.
Monsieur Darnaud, je vous remercie sincèrement de la manière dont vous avez présenté les choses. Nous n’avons pas encore complètement tiré les conclusions de l’agrandissement des périmètres au regard de l’exercice des compétences, en matière de gouvernance, de prix, de solidarité, etc.
J’ai toujours été fasciné par le triptyque compétences obligatoires, compétences optionnelles – mais finissant par devenir obligatoires - et compétences facultatives. Si je suis attaché à la délégation pour la compétence eau et assainissement, c’est parce qu’il faut pouvoir expérimenter la différenciation au sein de l’intercommunalité. Je vous invite à envisager cette possibilité avec beaucoup de bienveillance.
Que veulent nos collègues élus ? Des 96 heures de grand débat avec le Président de la République, du Congrès des maires et de mes discussions avec les maires de l’Eure, il ressort globalement que les élus souhaitent de la stabilité, tout en appelant à gommer les irritants de la loi NOTRe : ils ne demandent pas de grand soir de la gouvernance, des périmètres ou des compétences, hormis quelques assouplissements pour certaines d’entre elles ; bref, rien de révolutionnaire. Dans le même temps, quand j’échange avec des parlementaires ou certaines associations d’élus, je m’aperçois que, l’examen d’une loi territoriale n’intervenant pas tous les quatre matins, celui du présent texte fournit l’occasion de formuler des propositions. C’est un peu ce qu’a fait la commission des lois du Sénat. L’intervention de grande qualité de Mathieu Darnaud constitue d’ailleurs une forme d’introduction à tous les travaux que nous mènerons ultérieurement sur la décentralisation, la déconcentration et la différenciation. Si le présent texte concerne avant tout le bloc communal, il va sans dire que la grande loi à venir sur les compétences, dont la discussion conduira à s’interroger sur les rôles de l’État, de la région et du département, aura forcément un impact sur les compétences du bloc communal. Sinon, cela signifierait que cette loi de décentralisation ne concernerait que les régions, les départements et les métropoles, à l’exclusion du bloc communal ; il n’en est bien sûr pas ainsi.
Cette demande de stabilité vaut pour les plans politique et institutionnel, mais aussi pour l’aspect financier. À l’époque de l’élaboration de la loi NOTRe, j’étais président de conseil départemental, et donc membre de l’Assemblée des départements de France, l’ADF. Je trouve assez fascinant que, lors des débats, on se soit posé beaucoup de questions sur les aspects institutionnels, mais aucune sur l’impact financier ! Il semble d’ailleurs que, bien souvent, commission des lois et commission des finances ne se parlaient pas suffisamment. Lors de l’examen du projet de loi de finances, des dispositions orthogonales à celles relatives aux compétences introduites dans la loi NOTRe ont ainsi pu être adoptées… On y reviendra tout à l’heure à propos du CIF : ce ne sont pas des questions à prendre à la légère. En effet, si la liberté politique que l’on donne d’un côté se traduit de l’autre par des bouleversements financiers, il faut savoir l’assumer collectivement ! Il ne m’a pas échappé que la DGF a beaucoup bougé à la suite des évolutions de périmètres des EPCI consécutifs à l’entrée en vigueur de la loi NOTRe, le critère de richesse variant en conséquence, mais qu’il n’y avait plus grand monde ensuite pour défendre le dispositif, bien que les mêmes critères s’appliquent depuis quarante ans…
Je fais de la pédagogie pour m’assurer que nous nous entendons bien, collectivement, sur ce que nous faisons, y compris en matière financière. Peut-être aurais-je d’ailleurs dû être auditionné également par la commission des finances.
M. Antoine Lefèvre. Vous y êtes le bienvenu !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Les décisions prises ont des implications financières. Les élus du Grand Paris ici présents le savent bien : le meccano institutionnel a polarisé les discussions, et les questions financières n’ont émergé qu’ensuite. Nous nous trouvons aujourd’hui au pied du mur pour gérer l’aspect financier tant bien que mal…
M. le président. Pourriez-vous conclure, monsieur le ministre ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le président, je ne m’exprimerai pas sur la plupart des articles à venir. Je me contenterai de donner l’avis du Gouvernement sur les différents amendements.
Nous avons largement évoqué la gouvernance. Pour ma part, je ne crois pas beaucoup aux clivages entre Parlement et Gouvernement, entre gauche et droite ou entre associations d’élus et Parlement sur de tels sujets, sauf évidemment à faire de l’exercice de la compétence eau et assainissement une question politique. L’intercommunalité à la carte posera la question de la puissance des uns et des autres au sein de l’ensemble. Il ne faudrait pas qu’elle soit source de tensions inutiles entre les plus gros démographiquement ou les plus riches et les autres. Je défends la liberté, mais je veux que l’on en mesure les conséquences. Comme certains l’ont souligné, les petites communes rurales ne doivent pas être les laissées-pour-compte d’une intercommunalité à la carte qui aboutirait à une forme de « darwinisme communautaire ».
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.
M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, comme vous l’avez indiqué mardi dernier, le présent projet de loi vise à réparer l’échelon communal, qui a été fragilisé, voire polytraumatisé, au fur et à mesure des différentes réformes territoriales. Nous avons tous été amenés à faire ce constat : chaque nouveau transfert forcé de compétences issu de la loi NOTRe a été un facteur de déstabilisation et, parfois, de démobilisation.
L’article 5 A est important. Certes, il n’annonce pas le grand soir, que vous ne souhaitez d’ailleurs pas, monsieur le ministre, mais il apporte une liberté locale nouvelle et vient assouplir la répartition des compétences entre les différents échelons de l’organisation territoriale. Il permet de sortir de la logique autoritaire et uniforme actuelle. Sa mise en œuvre autorisera les EPCI à confier la gestion de services ou d’équipements de proximité à leurs communes membres et ouvrira la voie à des transferts à la carte de compétences communales à l’intercommunalité, ce tout en visant la neutralité financière des restitutions de compétences aux communes.
Cet article peut donc contribuer à débloquer des situations intercommunales tendues et à favoriser l’exercice d’une liberté locale au moyen d’un accord entre les parties. Tout cela me semble important et peut donner corps à une idée à laquelle nous sommes très attachés ici : la subsidiarité territoriale.