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Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, modifié par lettre rectificative, relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (projet n° 677 rectifié [2018-2019], texte de la commission n° 13, rapport n° 12).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier du titre Ier, l’examen de l’article 1er ter.
TITRE Ier (suite)
LIBERTÉS LOCALES : CONFORTER CHAQUE MAIRE DANS SON INTERCOMMUNALITÉ
Chapitre Ier (suite)
Le pacte de gouvernance : permettre aux élus locaux de s’accorder sur le fonctionnement quotidien de leur EPCI
Article 1er ter (nouveau) (suite)
Après le quatrième alinéa de l’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Les vice-présidents sont élus au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. Si, après deux tours de scrutin, aucune liste n’a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour de scrutin et l’élection a lieu à la majorité relative. En cas d’égalité de suffrages, les candidats de la liste ayant la moyenne d’âge la plus élevée sont élus.
« Toutefois, en cas d’élection d’un seul vice-président, celui-ci est élu selon les règles prévues à l’article L. 2122-7.
« Le cas échéant, les autres membres du bureau sont élus selon les règles prévues au même article L. 2122-7. »
M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 223 rectifié ter, présenté par Mme Costes, MM. Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Jeansannetas et Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après le premier alinéa de l’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L’écart entre le nombre de membres du bureau de chaque sexe ne peut être supérieur à un.
« Si la règle fixée au deuxième alinéa ne peut pas être respectée pour des raisons numériques, l’écart entre le nombre de membres du bureau de chaque sexe s’établit proportionnellement au nombre de conseillers communautaires de chaque sexe. »
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Si les conseils communautaires comportent encore trop peu de femmes en leur sein, la situation est encore moins satisfaisante dans les exécutifs de ces conseils. Ainsi, seulement 8 % de femmes président une intercommunalité et 20 % sont présentes dans les exécutifs intercommunautaires.
Je sais que certains de mes collègues ont déposé des amendements pour qu’une parité soit instaurée entre le président et le vice-président de l’intercommunalité.
Par l’amendement n° 223 rectifié ter, je propose d’aller plus loin, en exigeant que la parité soit instaurée au sein du bureau de l’intercommunalité dans son ensemble.
Cette exigence se fera évidemment en prenant en compte la réalité numérique. Ainsi, d’une part, dans le cas d’un nombre impair de membres du bureau, la différence entre le nombre d’hommes et le nombre de femmes ne devra pas être supérieure à 1 ; d’autre part, s’il n’est pas possible pour des raisons numériques de respecter cette règle, il faudra que chaque sexe soit représenté proportionnellement à son nombre dans le conseil communautaire.
Cet amendement permettra ainsi de féminiser la tête des intercommunalités et d’avancer de façon réaliste.
M. le président. L’amendement n° 244 rectifié bis, présenté par MM. Cabanel et Labbé, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après le premier alinéa de l’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque tous les conseillers communautaires sont élus selon les dispositions de l’article L. 273-9 du code électoral, l’écart entre le nombre des conseillers de chaque sexe siégeant au bureau ne peut être supérieur à un. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement vise à instaurer la parité dans les bureaux des EPCI, dès lors que l’élection des membres par fléchage permet une composition paritaire de l’organe délibérant.
La France a été le premier pays à adopter une loi fondée sur l’application du principe paritaire pour les élections. Il s’agit de la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
Grâce à l’adoption de contraintes légales, la parité progresse au sein de la majeure partie des assemblées locales et de leurs bureaux, à l’exception notable des intercommunalités, qui ne sont concernées par aucun dispositif contraignant. D’après les données 2017 du ministère de l’intérieur, seulement 34 % des élus communautaires sont de sexe féminin. Par ailleurs, 20 % des postes de vice-président sont attribués à des femmes et 8 % sont présidentes d’exécutif.
S’inspirant de la recommandation du rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes du 29 novembre 2018, intitulé La Parité dans les intercommunalités, et dans le sillage des propositions de l’AMF du 18 juillet 2018 pour renforcer la parité, cet amendement a pour objet de favoriser la parité au sein des bureaux des conseils communautaires, dans la limite des possibilités numériques.
M. le président. L’amendement n° 253 rectifié ter, présenté par MM. Cabanel, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Jeansannetas et Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après le premier alinéa de l’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque tous les conseillers communautaires sont élus selon les dispositions de l’article L. 273-9 du code électoral, l’écart entre le nombre de membres du bureau de chaque sexe s’établit en intégrant au bureau communautaire autant de femmes maires qui siègent à l’intercommunalité jusqu’à obtention de la parité. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement de repli introduit une variante : si cela est possible numériquement, toutes les femmes maires siégeant à l’intercommunalité sont intégrées au bureau communautaire jusqu’à obtention de la parité.
L’amendement vise donc à favoriser la parité dans le bureau communautaire, sans entraîner l’évincement d’aucun maire.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 394 rectifié ter est présenté par MM. Kerrouche, Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et Sutour, Mme Blondin, MM. Montaugé et Courteau, Mme Monier, MM. Daunis, Bérit-Débat, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 957 est présenté par M. Darnaud et Mme Gatel, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Sur chacune des listes, le nombre de candidats de chaque sexe ne peut être inférieur au produit, arrondi à l’entier inférieur, du nombre de vice-présidents multiplié par le quotient du nombre de membres en exercice de l’organe délibérant de ce sexe divisé par le nombre total de membres en exercice de l’organe délibérant.
La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter l’amendement n° 394 rectifié ter.
M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, je vous l’ai dit, un texte brille autant par ses apports que par ses silences. En l’espèce, la parité est la grande absente, ce dont je m’étonne, de l’ensemble des dispositions que vous avez tenu à mettre en place. Ce n’est pas à vous que je dois le rappeler, l’égalité entre les hommes et les femmes est l’une des grandes causes du quinquennat.
Si vous me permettez ce mauvais jeu de mots, pour vous comme pour la majorité de cette assemblée et pour les rapporteurs, c’est un petit peu « la parité si je mens ». En effet, alors que, au titre de l’article 1er de notre Constitution, « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électifs et aux fonctions électives », ce texte ne comporte aucune mesure prévoyant de telles dispositions.
On entend régulièrement dans cet hémicycle « La liberté, la liberté, la liberté », un peu comme certains disaient « L’Europe, l’Europe, l’Europe ». Pourtant, on le voit bien, en la matière, il ne peut y avoir de liberté. S’il y avait une main invisible répartissant les élus, nous en serions toujours à la situation de 1992, époque à laquelle les femmes n’occupaient que 5 % des sièges de cet hémicycle. Seule la contrainte permet d’aboutir à une plus grande parité.
Pis, au-delà des chiffres que vous avez cités, la distribution des rôles au sein des intercommunalités et des communes est genrée. Cela signifie, d’une part, que les femmes sont sous-représentées et, d’autre part, qu’elles sont cantonnées à certains postes, dont on considère qu’ils sont féminins. Une telle situation doit cesser, parce qu’elle n’est pas tenable et qu’elle représente un blocage essentiel de notre démocratie représentative.
L’amendement que nous avons déposé est tout simple. Puisque nous avons eu la chance d’adopter hier le scrutin de liste s’agissant des exécutifs des intercommunalités, faisons en sorte que le nombre de femmes au sein de ces exécutifs – et non pas du bureau, qui est une instance trop large à nos yeux – soit proportionnel au nombre de femmes représentées dans l’assemblée communautaire. Cela constituera un premier pas, avant la généralisation, en 2026, de la parité pour l’ensemble de l’exécutif, comme nous le souhaitons.
Monsieur le ministre, vous nous parlez souvent de la liberté. Permettez-moi de vous rappeler ce que disait Jean-Paul Sartre : « La liberté est un choix. » Faisons donc le choix de la parité !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 957.
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je vais être un peu longue, ce qui nous permettra de gagner du temps par la suite.
L’amendement déposé par la commission fait écho à tous les autres amendements qui seront défendus en la matière. Je souhaite donc prendre le temps d’expliquer la situation, afin que chacun d’entre nous comprenne bien de quoi il s’agit.
Dans un conseil communautaire, il y a un bureau, qui compte trois composantes, si je puis dire : le président de l’EPCI, les vice-présidents et un nombre de membres déterminé par chaque EPCI.
À titre personnel, je pense que la parité, qui est aussi une question de société, devrait être réglée dans le cadre des scrutins de liste lors des élections municipales. Toutefois, si l’on peut toujours attendre le jour suivant, il faut parfois avancer, en formulant une proposition de convergence, qui ménage les obligations que l’on doit respecter pour constituer le bureau de l’intercommunalité, puisque celle-ci est un espace de consensus et de projets partagés, notamment sur la gouvernance.
L’amendement de la commission vise donc à introduire, au niveau de l’exécutif, c’est-à-dire pour ce qui concerne les vice-présidents dont le nombre est égal à 20 % du nombre de conseillers communautaires, la parité, en permettant que les vice-présidents soient élus en prenant en compte le taux de parité du conseil communautaire.
Permettez-moi de donner un exemple. Si la parité est à 20 %, des vice-présidentes devront être élues dans les mêmes proportions. Ce n’est donc pas la parité telle que nous la connaissons, à 50-50. Il s’agit simplement d’introduire la parité, sans obligation de listes « chabadabada ».
Si cet amendement était adopté, il ferait tomber l’ensemble des amendements en discussion commune, lesquels visent à introduire une parité très stricte, élargie à l’ensemble du bureau, ce qui pourrait empêcher les maires d’être au bureau.
Je précise que l’amendement n° 394 rectifié ter présenté par M. Kerrouche est identique à celui de la commission.
M. Éric Kerrouche. C’est plutôt l’inverse !
M. le président. L’amendement n° 861 rectifié ter, présenté par M. Gontard et Mmes Benbassa et Lienemann, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« La représentation, par sexe, des membres du bureau est équivalente, à une unité près, à celle au sein de l’organe délibérant. »
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Le débat sur le scrutin de liste bloquée a eu lieu hier soir. Même si ce concept va à l’encontre même du mot « communauté », il permet d’aborder la question de la parité, laquelle devra surtout être évoquée pour l’échelon communal, notamment pour les communes de moins de 1 000 habitants. Sinon, on n’y arrivera pas !
Cet amendement, qui va dans le même sens que ceux qui viennent d’être présentés, vise à renforcer la parité au sein des exécutifs des EPCI, où les femmes sont actuellement très peu représentées : 8 % en sont présidentes et 20 % sont présentes dans les exécutifs.
Même lorsque la parité est assurée dans les assemblées délibérantes, elle l’est rarement dans les organes exécutifs. Elle est délicate à atteindre dans les EPCI, nous l’avons vu, mais cela ne doit pas être une raison de diminuer encore davantage la part de femmes dans le bureau exécutif.
Aussi, par cet amendement de bon sens, nous proposons que la proportion de femmes au sein des exécutifs soit au moins équivalente à leur proportion au sein de l’organe délibérant. Cela permettra de renforcer la représentativité des femmes et leur prise en compte dans les instances de décisions, notamment dans les exécutifs. Cela permettra aussi de diversifier leurs champs d’action, puisque force est de constater que certaines compétences leur sont difficilement accessibles, comme ma collègue Angèle Préville l’a rappelé, notamment dans les domaines des finances, des travaux et de l’urbanisme.
M. le président. M. Masson n’étant pas en séance, les amendements nos 336 et 178 rectifié bis ne sont pas soutenus.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 393 rectifié bis est présenté par MM. Kerrouche, Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et Sutour, Mme Blondin, MM. Montaugé et Courteau, Mme Monier, MM. Daunis, Bérit-Débat, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 860 rectifié bis est présenté par M. Gontard et Mmes Benbassa et Lienemann.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le premier alinéa de l’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le premier vice-président est élu parmi les délégués d’un sexe différent de celui du président. »
La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 393 rectifié bis.
M. Didier Marie. Nous aurons l’occasion de revenir lors des explications de vote sur les amendements précédents, qui seront certainement adoptés, ce dont nous nous félicitons.
Le présent amendement n’est pas incompatible, tant s’en faut, avec ce que nous avons défendu précédemment. Car si le nombre de femmes membres de l’exécutif intercommunal devient proportionnel au nombre de femmes présentes dans l’assemblée, cela ne garantit en aucune façon l’alternance des sexes entre le président et son premier vice-président.
Nous souhaitons donc que le premier vice-président soit élu parmi les délégués d’un sexe différent de celui du président, ce qui renforcera la parité, en permettant à des femmes d’accéder aux plus hautes responsabilités dans les exécutifs intercommunaux.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 860 rectifié bis.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement, identique au précédent, vient d’être parfaitement défendu.
M. le président. M. Masson n’étant toujours pas en séance, l’amendement n° 335 n’est pas soutenu.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le ministre, ne m’en demandez pas la raison – je l’ignore –, mais je suis conduit à demander le vote par priorité des amendements identiques nos 394 rectifié ter et 957. Je me tourne timidement vers vous, parce que je sais que M. le président va vous demander votre avis sur cette demande de priorité. Rassurez-vous, il n’y a pas de loup !
M. le président. Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la priorité est de droit lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. S’il n’y a pas de loup, monsieur le président de la commission des lois, je n’ai aucune raison de m’y opposer.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion commune ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vais reprendre mes arguments d’hier soir, non pas sur le scrutin de liste, vous savez ce que le Gouvernement en pense…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ça, oui !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Le Sénat, grâce aux délégations de vote d’ailleurs, a adopté cette mesure…
Pour compléter et définitivement parachever le dispositif de parité tel qu’il a été imaginé par les majorités successives, il y a une seule vraie mesure à prendre. À ce titre, permettez-moi d’ouvrir une parenthèse. Celles et ceux qui décriaient le binôme dans les cantons pour les conseils départementaux et qui voulaient revenir sur ce dispositif ont changé d’avis. Je pense notamment à François Baroin, le président de l’AMF. Ainsi, l’acceptation de certaines mesures en faveur de la parité a-t-elle progressé. Il s’agissait, je tiens à le dire, d’une bonne réforme, qui fonctionne bien.
M. Didier Marie. Merci !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Pour le bloc communal, la bonne réforme reste évidemment la parité dans les conseils municipaux, c’est-à-dire la parité lors de l’élection municipale. Mécaniquement, ou quasi mécaniquement, la parité se fera dans les intercommunalités. Il faut prendre le problème par le bon bout.
Pour ne pas me dédire des propos que j’ai tenus hier soir sur le scrutin de liste – je raisonne de la même manière que le sénateur Gontard –, j’émets un avis de sagesse favorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 394 rectifié ter et 957.
Mme Annie Guillemot. Depuis trois jours, nous avons eu un certain nombre de débats sur la place des femmes. Je voudrais faire part de mon expérience.
J’ai été l’une des premières femmes à être élue maire d’une grande ville, dans le Rhône. Pendant quatre ou cinq ans, j’ai entendu le préfet s’adresser à nous par la formule « Messieurs les maires ». J’ai dû lui faire remarquer qu’il y avait aussi « Mme le maire » !
Le ruissellement ne se fait pas, c’est un fait. Les femmes ne sont pas des hommes comme les autres. (Sourires.) Nous, nous représentons, au 1er janvier 2019, 51,5 % de femmes et nous sommes 52,3 % d’électrices inscrites sur les listes électorales. Or, aujourd’hui, parmi les présidents des EPCI, 7,7 % sont des femmes et, parmi les vice-présidents, 20 % sont des femmes.
Monsieur le ministre, madame la rapporteure, vous prétendez que, si la parité s’applique au niveau des conseils municipaux, on la retrouvera mécaniquement au niveau des EPCI. Ce n’est pas vrai ! À la communauté urbaine de Lyon, ce n’était pas « chabadabada ». Pourtant, il y avait la parité au sein des conseils municipaux. Mais nous étions seulement quatre vice-présidentes, dont moi-même. En outre, étant ingénieure TPE, j’étais chargée de domaines qu’on n’attribue pas en général aux femmes.
Dans la métropole de Lyon, maintenant que c’est « chabadabada », nous sommes 49 % de femmes vice-présidentes. N’est-ce pas, ma chère collègue Michèle Vullien ?
Par conséquent, la parité dans les conseils municipaux n’entraîne pas forcément la parité dans les intercommunalités. Pour preuve, il n’y a aujourd’hui que 8 % de vice-présidentes dans les intercommunalités. Si on se contente de compter sur le ruissellement, rien ne se passera !
Par ailleurs, nous redoutons la réforme constitutionnelle. Si les départements ne sont plus représentés que par un seul élu sénatorial, ce sera un sénateur, et il y aura zéro sénatrice. En 2014, notre hémicycle comptait 25 % de femmes. Aujourd’hui, elles sont 31 %. Je crains qu’au prochain renouvellement nous soyons bien moins nombreuses. (Mmes Jocelyne Guidez et Michèle Vullien applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Nous nous félicitons de la belle unanimité – nouvelle – qui nous permettra vraisemblablement d’adopter dans quelques instants notre amendement et celui de la commission. Je souligne simplement, pour rétablir les faits, que c’est nous qui avions présenté cet amendement en commission. Un amendement identique à celui de M. Kerrouche est présenté en séance par la commission, nous nous en félicitons, mais rendons à César ce qui appartient à César !
La parité a progressé : 40 % des conseillers municipaux, 48 % des conseillers régionaux et 50 % des conseillers départementaux sont aujourd’hui des femmes. Cela ne s’est pas fait spontanément ! C’est le résultat de politiques volontaristes, M. le ministre l’a rappelé, menées notamment par les gouvernements précédents, avec les lois de 2013 et de 2014 sur la parité. Malheureusement, comme l’a dit ma collègue Annie Guillemot, seuls 16 % des maires sont des femmes, seulement 30 % d’entre elles siègent au sein des EPCI et moins de 9 % sont présidentes d’une intercommunalité.
La parité en politique consiste surtout, pour les hommes, à céder la place aux femmes. La plupart du temps, ils ne le font que lorsque la loi les y oblige. Là où il y a une contrainte légale, les femmes représentent à peu près la moitié des élus. Mais là où il n’y a pas de contrainte légale, tel n’est malheureusement pas le cas.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, ainsi que l’amendement n° 393 rectifié bis. Nous pensons que, dans une première étape, cela permettra à un plus grand nombre de femmes de jouer le rôle qu’elles doivent jouer dans notre société, en occupant des responsabilités et des fonctions électives. À nos yeux, c’est l’unique moyen de déconstruire des processus persistants de discrimination et d’exclusion dont elles font l’objet.
En outre, nous souhaitons – nous aurons l’occasion de revenir sur ce point au cours de nos débats – qu’au cours du renouvellement général de 2026 un scrutin de liste soit mis en œuvre dans toutes les communes. Une telle disposition est bien évidemment plus favorable à la féminisation des listes et des têtes de liste.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Il est nécessaire que la représentation des femmes évolue. C’est une question de justice. Le monde, qui est plutôt fait pour les hommes, doit changer. À ce titre, une étude récente révèle des aspects tout à fait inattendus : la taille d’un smartphone est faite pour une main d’homme, les fauteuils de voiture sont adaptés à la morphologie des hommes, ce dont les femmes se sont déjà rendu compte, les dosages des médicaments sont plutôt faits par rapport à des normes associées à un corps d’homme, ce qui est plus grave. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.) Les poches utilisées pour les dons du sang sont adaptées aux personnes pesant plus de 50 kilos. Or certaines femmes en bonne santé pèsent moins de 50 kilos et ne peuvent donc pas donner leur sang.
J’ai déjà évoqué hier la problématique sportive. Ainsi, les équipements sportifs ont principalement été faits pour les garçons, j’en veux pour preuve le nombre de terrains de foot disponibles.
Mme Éliane Assassi. Les femmes aussi jouent au foot !
Mme Angèle Préville. Certes, les femmes jouent de plus en plus au foot, mais tel n’était pas le cas voilà quelques dizaines d’années, et on n’a pas réfléchi aux activités sportives que les femmes et les filles auraient pu pratiquer. (Exclamations sur diverses travées.)
M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues ! Ce débat ne nécessite pas autant de passion !
Mme Angèle Préville. C’est la preuve de leur invisibilité et du manque d’écoute dont on a fait preuve à leur égard.
Il est temps que les femmes soient plus présentes dans les exécutifs. Par leurs choix, parce qu’elles sont plus proches du quotidien, elles peuvent faire bouger les choses.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je ne répéterai pas les propos que j’ai déjà tenus hier. Je veux simplement rappeler que, au début de l’examen de cet article, j’ai insisté sur le fait que le problème est lié non pas à la liste en elle-même, mais au fait que, inévitablement, au nom de la défense de la liberté et de la libre administration, nous chercherons à introduire des critères pour la constitution de cette liste.
Inévitablement, en début de séance, nous discutons d’un amendement visant non pas à laisser la liste exister, en permettant un dialogue au sein de l’intercommunalité, mais à apporter un certain nombre de critères contraignants, qui peuvent être louables. Ainsi, favoriser la parité et la place des femmes dans la vie politique à tous les niveaux est très positif. Je me félicite donc que chacune et chacun veuillent, sur ce sujet, en faire plus que son voisin.
Cela étant, le vrai souci, rappelé hier ici, notamment par M. le rapporteur à la fin de la séance, sur la question de la place des femmes dans les intercommunalités aujourd’hui, c’est l’impossibilité de conclure de vrais accords locaux, ce qui entraîne, de fait, une disproportion entre les représentants des communes membres. J’en vois ici qui soupirent, mais c’est bel et bien une réalité !
Je prendrai un exemple concret, même si les exemples ne font pas loi. Quand, sur une intercommunalité de cinquante-trois communes, seules neuf communes comptent plus d’un représentant au sein du conseil communautaire, c’est inévitablement un problème en termes de parité, puisque, tout le monde l’a reconnu, il y a plus d’hommes que de femmes maires.
Si l’on veut réellement avancer sur cette question et répondre à l’enjeu de la parité, il faudra aussi s’attaquer à cette difficulté.