M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’action et des comptes publics, mais il me semble que c’est Mme Dubos qui aura la lourde charge de me répondre.
Madame la secrétaire d’État, la sécurité sociale est malade et vous ne prescrivez pas le bon remède. Pis, vous aggravez le mal !
Vous remettez en cause plusieurs principes fondamentaux qui constituent, à nos yeux, le cœur de notre système de protection sociale.
Vous mettez fin à l’autonomie de la sécurité sociale en ne respectant pas la loi Veil de 1994 et en la privant de près de 3 milliards d’euros avec la mise en œuvre des mesures d’urgence économiques et sociales en réponse à la crise des gilets jaunes. Par ailleurs, vous mettez fin à son universalité.
En matière de politique familiale, alors que la branche famille est excédentaire, vous ne saisissez pas cette opportunité pour relancer cette politique et redonner confiance aux familles. Bien au contraire, vous persévérez dans la « casse » déjà engagée depuis plusieurs années de notre politique familiale, en prévoyant le quasi-gel des aides aux familles.
Enfin, les décisions du Gouvernement en matière de retraite nous laissent pantois quant à sa volonté de ramener l’équilibre du système à court terme.
Madame la secrétaire d’État, ma question est la suivante : le Gouvernement entend-il uniquement agir sur le levier de la baisse des pensions d’aujourd’hui et de demain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président Alain Milon, je vous prie d’excuser l’absence de M. le ministre de l’action et des comptes publics qui ne peut être dans l’hémicycle cet après-midi.
Vous le savez pour l’avoir relevé, le Gouvernement a adopté des mesures fortes à la fin de l’année 2018 pour répondre aux attentes des citoyens en matière, notamment, de pouvoir d’achat et de justice sociale. Ces éléments et la révision des perspectives de croissance nous conduisent aujourd’hui à retarder le retour à l’équilibre.
Mais notre ambition demeure la même : l’objectif du Gouvernement en matière de redressement des comptes sociaux et de désendettement de la sécurité sociale reste entier.
M. François Bonhomme. Et celui de l’État ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 s’inscrit dans la perspective de la poursuite de l’effort engagé depuis 2018 en matière de maîtrise des dépenses sociales, tout comme pour l’ensemble des dépenses publiques (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.), tout en veillant à préserver et à soutenir nos concitoyens modestes et fragiles.
Nous avons entendu les demandes pour un système social plus juste (Mêmes mouvements.) et la nécessaire prise en considération de l’évolution des familles.
Mme Laurence Cohen. C’est n’importe quoi !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Le prochain projet de loi de finances prévoit une meilleure prise en compte des parcours de vie, un soutien à la petite enfance et l’accompagnement des familles monoparentales les plus vulnérables, mais aussi la couverture des nouveaux risques sociaux, l’indispensable simplification de l’accès au droit et la poursuite de la lutte contre les déserts médicaux. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) J’y reviendrai dans quelques instants.
Vous avez ainsi les axes de ce futur budget, dont vous aurez à débattre dans les prochaines semaines, notamment au sein de votre commission, monsieur le président, et auxquels, vous le savez, les ministres sont très attachés. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Protestations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)
Mme Laurence Rossignol. Ne lisez pas les fiches de Bercy, elles ne sont pas bonnes !
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.
M. Alain Milon. Je voudrais que chacun d’entre nous ait en tête cette déclaration de Simone Veil : « la sécurité sociale, c’est d’abord un immense progrès social et le plus puissant facteur de cohésion sociale qui existe en France ; nous avons le devoir de la préserver pour les générations futures ».
Je souhaite que ces propos soient toujours d’actualité, mais je ne suis pas sûr que cela soit le cas, ne serait-ce qu’en raison de la « bercysation » sournoise du financement de la sécurité sociale et du non-respect de la loi Veil de 1994. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Aujourd’hui, les policiers sont dans la rue. Suicides, agressions, perte de sens de leur mission, cela fait vingt ans que les gardiens de la paix n’avaient pas crié aussi fort leur rage !
Rage à cause des violences qu’ils subissent et qui restent impunies ; rage à cause des heures supplémentaires qu’ils donnent ; rage face à l’indifférence générale à laquelle ils sont confrontés lorsque leur fonction est salie ; rage enfin à cause de leur sentiment d’être « lâchés » par les autorités.
Monsieur le ministre, ils ne sont pas les seuls : les pompiers, les personnels des hôpitaux, les enseignants crient eux aussi leur désespoir. Agressions, violences verbales et physiques, menaces, eux aussi sont seuls pour affronter ces tensions quotidiennes.
Et n’oublions pas les maires, dont nous avons tous vu cet été qu’ils ne sont plus uniquement « à portée d’engueulade », comme le dit le président Larcher, mais qu’ils sont aussi désormais à portée de coups !
Depuis des mois, faute d’un soutien sans faille des pouvoirs publics, ces hommes et ces femmes font face avec courage et détermination aux événements que le Gouvernement ne sait pas maîtriser. Mais la résistance humaine a ses limites !
Faute de réponse, faute d’une politique sans concession vis-à-vis de la violence, nous assistons à une perte d’autorité sans précédent.
Le sentiment d’abandon par la puissance publique domine. Or, monsieur le ministre, un État qui ne protège pas ses serviteurs est un navire sans boussole et, donc, en perdition.
Quelles sont les mesures immédiates que vous comptez prendre pour protéger les forces de l’ordre dans l’exercice de leur fonction ?
Quand vous déciderez-vous à sanctionner ceux qui appellent à la violence et à la mort de tous ces serviteurs qui incarnent pourtant l’autorité de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, vous avez raison : la police souffre !
Elle souffre de l’état d’abandon budgétaire dont elle est victime depuis de trop longues années. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.) Elle souffre d’un désengagement massif du budget de l’État et, notamment, d’une baisse de 13 500 emplois.
Aujourd’hui, on ne peut pas aborder la question des heures supplémentaires sans en évoquer la cause. Cette cause, c’est la baisse massive des emplois au sein de la police et la gendarmerie (Mêmes mouvements.), c’est la surmobilisation des effectifs après les attentats de 2015.
M. François Grosdidier. Vous avez tort de réduire ce sujet à cela !
M. Christophe Castaner, ministre. Aujourd’hui, il est nécessaire de tout remettre à niveau.
Madame la sénatrice, le budget de la police nationale, que je présenterai dans quelques jours devant votre assemblée, aura augmenté de plus de 1 milliard d’euros en trois exercices. Dans le prochain budget, les crédits dédiés à la police nationale augmenteront de 5,3 %. Voilà quelques réponses concrètes !
Nous allons également embaucher au travers d’un plan de recrutement de 10 000 emplois : 1 398 policiers supplémentaires seront ainsi recrutés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.
De la même façon, le Gouvernement et les organisations syndicales, que Laurent Nunez et moi-même rencontrons très régulièrement, avons fait le choix d’améliorer les conditions matérielles des policiers, notamment celles des gardiens de la paix et des gradés. Dès le début de l’année prochaine, dans le cadre d’une réorganisation profonde de notre police, ils gagneront près de 130 euros nets mensuels supplémentaires.
Voilà quelques réponses, même si nous devons aller au-delà : nous devons mieux équiper les personnels, mieux investir aussi dans l’immobilier : 300 millions d’euros seront consacrés l’année prochaine à rénover ou construire des commissariats…
M. François Grosdidier. Ce n’est pas assez !
M. Christophe Castaner, ministre. Mais c’est beaucoup plus que ce qui a été fait ces quinze dernières années ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Des efforts significatifs sont faits. Cela ne suffit certes pas, car je crois, comme vous l’avez dit, que nos forces de sécurité ont besoin de respect, de celui que toute la représentation nationale doit leur porter, dans l’esprit qui a présidé à votre question ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Yves Daudigny. Ma question porte sur le déficit de la sécurité sociale.
Il y a tout juste un an, le Gouvernement annonçait que, après dix-huit ans de déficit, la sécurité sociale dégagerait un excédent de 700 millions d’euros en 2019.
Nous y sommes : le déficit cumulé du régime général et du fonds de solidarité vieillesse pour 2019 sera de 5,4 milliards d’euros. Pour 2020, le déficit prévisionnel est à peine réduit à 5,1 milliards d’euros.
Y a-t-il eu dérapage des dépenses depuis janvier ? Non ! Le projet 2020 intègre-t-il des crédits exceptionnels pour résoudre la crise de l’hôpital ? Avec un Ondam à 2,3 % couplé à 4 milliards d’euros d’économies, ce n’est pas le cas !
Il y a un an encore, le Gouvernement se préparait à transférer les excédents attendus de la sécurité sociale vers le budget de l’État, fait – « pillage », diront certains – sans précédent.
Aujourd’hui, vous dérogez de nouveau à la loi Veil de 1994 en refusant de compenser par les crédits du budget de l’État les conséquences de vos propres choix fiscaux.
Madame la secrétaire d’État, quelle est la conception, la philosophie du Gouvernement en matière de sécurité sociale pour le XXIe siècle ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Martial Bourquin. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, comme je viens de le dire, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 poursuit la transformation de notre système de protection sociale pour un système social plus juste, et prolonge notre politique qui consiste à augmenter le pouvoir d’achat des Français.
Ce texte renforce également la prise en compte des nouveaux risques sociaux qui pèsent sur les Français, dont la couverture est l’essence même de la sécurité sociale.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples de ces belles mesures que comporte ce projet de loi.
Celui-ci prévoit un accompagnement des familles monoparentales, en offrant aux parents séparés un dispositif de sécurisation du versement des pensions alimentaires : plus de 40 millions d’euros seront consacrés à cette mesure dès 2020.
Il prévoit aussi la création d’un parcours d’accompagnement après la maladie pour les patients atteints d’un cancer, la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes des maladies professionnelles liées aux pesticides, si cher à votre groupe parlementaire,…
Mme Nicole Bonnefoy. Nous en reparlerons !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. … l’ouverture dès 2020 d’un congé indemnisé pour les proches aidants, mesure initialement défendue au Sénat par Jocelyne Guidez et Olivier Henno. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Nous entendons la demande d’un système social plus juste sans remettre en cause les objectifs du Gouvernement en matière de redressement des comptes sociaux.
Lors des débats parlementaires, monsieur le sénateur, vous verrez que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 poursuit l’effort important, engagé depuis 2018, de maîtrise des dépenses sociales, comme pour l’ensemble des dépenses publiques, tout en veillant à préserver et à soutenir les citoyens les plus fragiles. (Moues dubitatives sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour la réplique.
M. Yves Daudigny. Madame la secrétaire d’État, je vous ai écoutée avec attention.
Nous devons constater notre profond désaccord de fond, parce que nous sommes arc-boutés sur la défense, non pas d’un monde ancien – nous ne sommes plus en 1945 –, mais de valeurs : la solidarité, la justice dont découle l’autonomie de la sécurité sociale.
Comment ne pas percevoir dans l’orchestration de ce déficit politique, madame la secrétaire d’État, les justifications à venir de nouveaux coups portés à notre protection sociale ? La sécurité sociale est une assurance solidaire de toute la société. Elle ne saurait en aucun cas se réduire à une chambre de compensation des politiques de l’État ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mme Pascale Gruny applaudit également.)
incendie à rouen (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Quatre questions au Gouvernement démontrent la gravité de la situation à la suite de l’incendie de plus de 5 000 tonnes de produits chimiques dans l’usine Lubrizol de Rouen. Il convient de prendre la pleine mesure des conséquences sanitaires et des vives inquiétudes écologiques et économiques qu’expriment les populations et les professionnels intervenus sur le site.
Des réponses claires et sans ambiguïté qui relèvent de l’État se sont par trop fait attendre. Une communication brouillonne, inappropriée et inadaptée a donné le sentiment d’une crise très mal gérée par les pouvoirs publics, ce qui ne fait qu’accroître le malaise. Trop de questions restent sans réponse.
Aussi, je vous demande, madame la ministre, de faire la lumière sur plusieurs zones d’ombre.
Les leçons de l’incident survenu en 2013 ont-elles été tirées et, si tel est le cas, selon quel plan d’action ? Les réglementations Seveso ont-elles été intégralement respectées et, si tel est le cas, sont-elles à la hauteur des défis sanitaires ? Pourquoi avoir attendu cinq longues journées pour publier la liste des produits chimiques présents sur le site de l’usine Lubrizol ? Cette liste est-elle d’ailleurs complète ? Enfin, au-delà des premiers résultats communiqués par l’Institut national de l’environnement industriel et des risques, l’Ineris, d’autres analyses sont en cours. Vous engagez-vous à les rendre intégralement publiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Husson, je veux vous redire l’extrême mobilisation des services de secours et des services de l’État pour faire face à cette catastrophe industrielle.
Je veux de nouveau rendre hommage aux pompiers et aux services qui ont été mobilisés dès le début de l’incendie, qui ont permis de maîtriser ce dernier et d’éviter tout suraccident dans un contexte pourtant très compliqué.
Je peux vous assurer que les services de l’État sur le terrain ont également été mobilisés pour réaliser ou faire réaliser par l’exploitant, comme le lui impose la loi, de nombreux prélèvements dans l’air, l’eau, les sols et sur les végétaux. Dès que les résultats de ces analyses sont connus, ils sont rendus publics. Ils l’ont successivement été le vendredi et le samedi, et continueront de l’être sur le site de la préfecture
Par ailleurs, je peux vous confirmer que les leçons ont bien été tirées de l’incident survenu en 2013. À l’époque, les services de secours, les services de l’État ne disposaient pas des moyens de faire effectuer des prélèvements et des analyses avec autant de réactivité qu’aujourd’hui. Si nous avons pu disposer de ces informations aussi rapidement, c’est bien parce que nous avons tiré les conséquences de cet incident.
Comme pour tout accident ou toute catastrophe, nous devrons forcément encore progresser. Nous devrons notamment examiner les raisons pour lesquelles l’incendie s’est déclaré sur un site qui est pourtant très surveillé : trente-neuf inspections ont été réalisées depuis 2013, et dix au cours des deux dernières années.
Cela étant, cet incendie n’aurait pas dû se produire, et nous devrons en tirer les conséquences. Votre commission d’enquête nous éclairera sûrement à ce sujet. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.
M. Jean-François Husson. Madame la ministre, la parole publique, qu’elle provienne de l’État ou de l’exploitant industriel, a été défaillante dès le départ.
Entretenir le flou par la cacophonie et les déclarations officielles contradictoires n’est pas acceptable et symbolise une crise ingérable face au discrédit de la parole publique.
Notez bien que, en cinq jours, pas moins de cinq membres du Gouvernement, dont vous-même, madame la ministre, et M. le Premier ministre, sont venus sur place et ont tenu cinq discours différents, accentuant le trouble dans l’opinion.
Enfin, les préoccupations écologiques et environnementales, parce qu’elles sont aujourd’hui entrées dans la conscience des Français, méritent que l’on en partage les défis et les enjeux en toute transparence. Nous avons, l’État au premier chef, un devoir de vérité. Chacun le constatera, il reste beaucoup à faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
malaise persistant chez les sapeurs-pompiers
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cigolotti. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur chargé de la sécurité civile.
Le Premier ministre a rendu un hommage bien légitime aux qualités et à la détermination de nos sapeurs-pompiers,…
M. François Patriat. Il a bien fait !
M. Olivier Cigolotti. … mais nos sapeurs-pompiers volontaires et professionnels sont à bout de souffle !
Ces hommes et ces femmes, dont l’engagement au service de nos concitoyens force le respect, sont sur tous les fronts et doivent faire face à une sursollicitation en intervenant parfois, et de plus en plus souvent, pour accomplir des missions non urgentes.
Dans nos territoires, ces soldats du feu sont devenus des soldats de la santé à force de pallier les lacunes de notre système de santé.
Monsieur le ministre, à l’occasion du congrès de la fédération nationale à Vannes, il y a quelques jours, vous le rappeliez vous-même, il existe entre les Français et les sapeurs-pompiers une relation spéciale.
Mais ces derniers n’en peuvent plus et notre modèle de sécurité civile est en danger. Les sapeurs-pompiers n’en peuvent plus de pallier toutes les sollicitations et de répondre à tous les défis : désertification médicale, réchauffement climatique, réorganisation et disparition des services publics dans les territoires ruraux. Toutes ces évolutions concourent à une situation malheureusement similaire à celles des urgences.
Beaucoup de questions sont posées, mais peu de réponses leur sont apportées. Je n’évoquerai que quelques points.
Concernant la directive européenne sur le temps de travail, aucune échéance n’a été donnée et aucune information n’est fournie. Nos volontaires demeurent dans l’expectative et s’inquiètent.
La déclinaison des propositions de nature législative du rapport de la mission volontariat, ainsi que les nouvelles mesures de lutte contre les agressions – le Sénat fera prochainement des propositions à ce sujet – n’ont pas connu de suite à ce jour.
Nous ne voyons toujours rien venir non plus s’agissant de la rationalisation du transport sanitaire héliporté.
Enfin, en octobre 2017, le Président de la République appelait de ses vœux la mise en œuvre d’un seul numéro d’appel d’urgence, le 112 : mise en œuvre sans une régulation médicale devenue inopérante. Deux ans après, la France est encore à la traîne, alors que tous les autres pays européens ont depuis longtemps intégré cette nécessité.
Monsieur le ministre, ma question est claire, et j’espère que votre réponse le sera tout autant : votre gouvernement entend-il véritablement mettre en place une politique de sécurité civile ambitieuse et capable de faire face aux défis sociétaux et environnementaux à venir ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez raison : il existe un malaise palpable, réel chez nos sapeurs-pompiers, compte tenu d’un certain nombre de dysfonctionnements cumulés, notamment celui que vous évoquez, la sursollicitation liée aux interventions dans le cadre du service des urgences.
Ainsi, 84 % de leur activité est mobilisée dans ce cadre-là : les sapeurs-pompiers ont donc trop souvent le sentiment d’être appelés pour accomplir des missions qui ne relèvent pas de leur savoir-faire et de leur formation, ce en quoi ils ont raison.
C’est pourquoi la ministre de la santé et moi-même travaillons à élaborer des propositions concrètes d’ici à la fin de l’année pour aller vers des plateformes communes de gestion des appels – c’est pour ne fâcher personne que je ne donne volontairement aucun numéro de téléphone.
Certains départements, je pense à la Haute-Loire ou à la Loire, nous ont montré l’exemple en fusionnant leurs plateformes pour avancer dans le même sens et avoir une cohérence d’ensemble de la gestion des appels.
Vous m’interrogez également sur certaines mesures nécessaires, prises à court terme.
Lors du congrès de Vannes, j’ai pu en évoquer quelques-unes sur lesquelles la ministre de la santé et moi-même sommes convenus d’avancer : par exemple, la création de postes de coordinateurs ambulanciers pour limiter les carences en ambulances, aujourd’hui compensées par les sapeurs-pompiers, l’amélioration de la coordination entre agences régionales de santé – les ARS – et services départementaux d’incendie et de secours – les SDIS –, avec des emplois dédiés et des missions confiées en particulier aux directeurs d’ARS pour fluidifier le système, ou encore des mesures pour limiter le temps d’attente aux urgences. Autant de sujets qui sont particulièrement importants.
Quant à l’arrêt Matzak et à ses effets, qui opposent d’ailleurs sapeurs-pompiers professionnels et volontaires – il ne faut pas négliger cette dimension –, j’ai pris l’engagement qu’il n’y aurait pas de conséquences négatives sur notre modèle du volontariat français.
Enfin, l’une des revendications importantes des sapeurs-pompiers porte sur la grille salariale et la prime de feu, mais vous comprendrez que je ne souhaite pas prendre la décision d’engager des dépenses qui relèvent des départements et des mairies sans leur accord. C’est pourquoi je réunirai le comité des financeurs des SDIS le 10 octobre prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
situation des agriculteurs
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Émorine, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Paul Émorine. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Hier après-midi, le débat en séance a porté sur la place déclinante de notre agriculture dans les marchés internationaux.
Aujourd’hui, après une forte déprise – elle n’est pas récente –, notre agriculture n’occupe plus que 50 % de la superficie de notre territoire.
Depuis plus de trois ans, une majorité de nos agriculteurs désespère. Leur revenu est de plus en plus bas, voire parfois inexistant. Des moyennes de revenus de 500 euros par mois sont la règle.
La loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim, a été hâtivement présentée comme une solution ; elle n’apporte qu’une déception supplémentaire pour le monde agricole ! Le Sénat, dont toutes les propositions avaient été rejetées, l’avait prédit…
La sécheresse sévissant dans certaines régions ne fait qu’aggraver la situation.
Les jeunes sont toujours plus endettés, les moins jeunes sont gagnés par le désespoir, malgré la passion pour le métier et l’engagement personnel dont nos agriculteurs font preuve au quotidien.
Certains d’entre eux, confrontés à une immense détresse, mettent fin à leur existence et plongent leur famille dans le deuil. Quel drame humain ! Que dirait-on d’une catastrophe qui, chaque année, ferait plus de 300 victimes ?
Quelles dispositions M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation compte-t-il prendre pour enrayer cette terrible hémorragie ? Quelles mesures structurelles ? Quelles mesures conjoncturelles ? Pour le Gouvernement, l’agriculture a-t-elle encore un avenir dans notre pays ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville se joint à ces applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Mesdames, messieurs les sénateurs, tout d’abord, je vous prie d’excuser le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, qui est actuellement retenu au sommet de l’élevage à Cournon-d’Auvergne.
Monsieur le sénateur Émorine, vous l’avez rappelé, la profession agricole est malheureusement très touchée par le drame du suicide, mettant en exergue la crise qu’elle traverse.
S’agissant précisément de l’élevage – un secteur qui compte beaucoup dans votre département –, la filière lait voit malgré tout la conjoncture s’améliorer. Même si l’on ne peut pas s’en satisfaire, le prix du lait progresse de plus de 5 % depuis le début de l’année.
Le franchissement de cette première étape – insuffisante, j’y insiste – est lié à la fois à la conjoncture mondiale et aux perspectives d’export.
Mais il s’agit également des premiers effets de la loi Égalim sur cette filière. Les outils sont entièrement en place depuis le 1er avril dernier. Il revient désormais à la profession de s’en saisir et de les faire vivre pour que l’on puisse améliorer le revenu des agriculteurs.
Par ailleurs, nous sommes vigilants sur de nouveaux sujets d’inquiétude : la perspective d’un Brexit dur ou le rétablissement des droits de douane par les États-Unis.
Cela dit, la conjoncture est actuellement très difficile pour la filière viande bovine, et la sécheresse ne fait qu’accentuer la crise.
Je rappelais, la semaine dernière, les mesures qui ont été prises en matière d’avancement des primes octroyées, à l’échelon européen, dans le cadre de la politique agricole commune – la PAC –, ou encore d’application, prévue dans de tels cas, de dégrèvements au titre de la mutualité sociale agricole – la MSA – ou de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Mais, dans un tel contexte, la mise en œuvre des orientations des plans de filière est plus que jamais nécessaire.
Je souhaite évoquer brièvement l’export. Pour ne citer qu’un exemple, nous pouvons faire mieux que les 200 tonnes actuellement exportées vers la Chine, tant ce marché est important et offre des perspectives d’avenir. Sur ce sujet également, il nous faudra accompagner la filière.
Je veux enfin saluer le travail réalisé par l’interprofession pour trouver des solutions, afin que la rémunération des éleveurs soit revalorisée dans les coûts de production.
Le Gouvernement est donc conscient de la situation et agit. Mais on le voit bien, la réponse ne peut se restreindre au seul plan économique. Au moins un suicide tous les deux jours, mesdames, messieurs les sénateurs, et, chaque fois, c’est un drame intime, familial, local. C’est, en définitive, un drame qui affecte toute la Nation, car, au-delà des difficultés économiques et conjoncturelles, la profession souffre d’une crise du sens.
Nous devons accompagner, défendre et protéger les agriculteurs. Nous devons leur dire ce que nous leur devons. Veillons aux mots que nous employons ! Je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous partageons cette préoccupation quant à la nécessité de trouver les bons mots et d’arrêter, comme on le voit trop souvent dans les médias, de vilipender, de critiquer cette profession. (M. François Patriat applaudit.