M. le président. La parole est à M. Alain Houpert.
M. Alain Houpert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la multiplication des accords de libre-échange touchant les produits agricoles inquiète tous nos concitoyens. Les termes de ces accords semblent conduire notre agriculture dans une situation inextricable, où l’on répliquerait hors des frontières de l’Union européenne un principe de libre circulation, sans les garde-fous que la construction européenne vise précisément à garantir.
Nous tremblons à l’idée d’ouvrir notre table à des pays qui, sur tous les points sensibles pour la compétitivité de nos producteurs et pour la qualité de l’alimentation de nos concitoyens, promettent trop systématiquement de considérables risques, sans les outils de maîtrise que nous nous efforçons avec tant de difficultés de construire en Europe.
Jusqu’alors, monsieur le ministre, vous répliquiez que l’on ne peut pas souhaiter exporter en refusant d’importer. C’est un peu caricatural. Pour notre part, nous refusons un cadre où nous devrions importer beaucoup plus pour exporter seulement un peu plus, et voir ainsi s’accentuer le déclin de notre excédent commercial.
Nous refusons également des accords qui ne seraient pas assortis de garanties effectives quant aux engagements sanitaires et phytosanitaires qu’ils comportent.
Je me bornerai à vous faire deux demandes.
La première porte sur la réalisation par l’Union européenne d’un audit sérieux sur les contrôles sanitaires aux frontières réalisés par les États membres, en lieu et place de l’habituelle collection de « fiches pays » proposées par l’Office alimentaire et vétérinaire européen, l’OAV, qui sont tout à fait insusceptibles de fonder une appréciation sur la qualité des contrôles. Du moins faut-il l’espérer, car on ne recense que 25 douaniers à l’œuvre aux Pays-Bas pour y contrôler des flux commerciaux de plus de 160 milliards de dollars. Quels sont les gages de sérieux de ce contrôle ?
Ma seconde demande est que, face à la considérable dégradation de la position de la France sur le marché mondial des produits agricoles, le Gouvernement s’attache à mettre en place le plus rapidement possible une stratégie complète de reconquête de nos positions. Le Premier ministre a indiqué vous avoir demandé de mandater FranceAgriMer à l’effet d’établir un diagnostic fin sur ce point. Pouvez-vous nous indiquer selon quelles modalités vous entendez associer la représentation parlementaire à cette étape nécessaire à la reconquête de notre rang ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, les accords de libre-échange ne sont pas aujourd’hui en place. Pour autant, la distorsion existe avec les pays étrangers. Toutes les filières ne sont pas concernées et certaines, comme celle des vins et spiritueux, ne se plaignent absolument pas. Les acteurs de la filière fromages et lait ne se plaignent pas non plus des échanges entre le Canada, la France et l’Union européenne. Le secteur du bœuf, en revanche, s’en plaint beaucoup et à juste titre, car il a raison d’avoir des craintes.
Je suis d’accord avec vous lorsque vous dites qu’il est hors de question d’importer beaucoup plus pour exporter simplement un peu plus. Ce n’est pas la position du Gouvernement ! Nous voulons importer le moins possible et exporter le plus possible. Mais nous ne pouvons pas, à la fois, fermer nos frontières d’un côté, et vouloir qu’elles soient ouvertes de l’autre.
J’en viens à vos questions.
Pour ce qui concerne le CETA, votre demande est exaucée : les contrôles se font non plus pays par pays, mais à l’échelle européenne. C’est absolument indispensable, car certains de nos amis jouent parfois un drôle de jeu.
S’agissant du diagnostic, nous y travaillons. Dès que nous serons un peu plus au point sur la proposition faite par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, nous reviendrons vers l’Assemblée nationale et le Sénat.
Il nous faut tous aller dans la même direction : une agriculture plus compétitive, qui rémunère ses agriculteurs, une PAC beaucoup plus forte et plus simple, et enfin une agriculture qui exporte. C’est l’objectif que nous recherchons tous.
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui sur la régression de la place de notre agriculture part d’un constat alarmant. Je tiens à mon tour à féliciter notre collègue Laurent Duplomb pour son rapport d’information sur ce sujet, qui nous permet de nous exprimer afin de défendre nos agriculteurs dans leur travail au quotidien. Je pense plus particulièrement aux producteurs de fruits et légumes, qui sont touchés par une concurrence déloyale.
Ce thème a déjà été abordé, mais je voudrais parler de deux cas précis : la cerise du Gard et la carotte de Créances, exemples d’une aberration économique, sanitaire et écologique.
Certains produits phytosanitaires utilisés sur les fruits et légumes sont désormais interdits en France. Même s’ils sont parfois interdits en Europe, ils peuvent néanmoins bénéficier de nombreuses dérogations.
Prenons tout d’abord le cas de la cerise. En 2018, les producteurs se sont mobilisés pour dénoncer cet abus dont ils étaient les victimes. En effet, ils n’étaient plus autorisés à utiliser le diméthoate contre la mouche drosophila suzukii, alors que leurs concurrents étrangers, notamment turcs, pouvaient importer leurs fruits en France. Or, même si la production française n’est pas suffisante, les importations doivent être réglementées pour assurer une concurrence saine.
À la suite de cette concurrence déloyale manifeste, la France a opté en avril 2019 pour l’interdiction de l’introduction, de l’importation et de la mise sur le marché en France de cerises traitées par ce produit. Mais peut-on vraiment en être certain ?
Pour ce qui concerne la carotte de Créances, les producteurs de cette célèbre variété se sont vu interdire l’utilisation du dichloropropène. Aucune dérogation n’était possible, car il s’agissait d’une décision de l’Union européenne, et donc entérinée dans le droit français.
Pourtant, certains pays européens, notamment l’Espagne et l’Italie, ont obtenu, semble-t-il, des dérogations. Cette production française est donc frappée de plein fouet par la concurrence déloyale, ce qui a révolté nos agriculteurs. Ils réclament, très légitimement, une réglementation unique pour un marché unique.
De plus, il est choquant que l’on accepte de mettre dans l’assiette des Français ce que l’on ne veut pas voir produire en France pour des raisons sanitaires.
Où en sommes-nous, monsieur le ministre ? Pourquoi cette interdiction n’est-elle pas respectée ? Qu’attendons-nous pour défendre nos agriculteurs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, ce que vous dites est très important par rapport à la construction européenne que nous voulons. Vous le voyez, tout n’est pas si simple. Pour certaines décisions prises à l’échelle européenne, certains États membres demandent des dérogations, quand nous en voudrions d’autres.
Sur le diméthoate, la décision avait été prise par un gouvernement précédent. Nous avons invoqué la clause de sauvegarde sanitaire, et il n’y a aujourd’hui aucune distorsion de concurrence : aucune cerise traitée par ce produit n’entre sur le marché français, c’est absolument certain !
Il faut veiller à ne pas tomber dans le complotisme… Notre pays est tout de même celui des Lumières !
Je l’ai dit à l’ensemble des filières : si l’on voit dans une grande surface qu’un fruit a été traité par ce produit, il faut le signaler immédiatement à la DGCCRF, qui réalise 6 000 contrôles par an. Vous avez d’ailleurs pu l’observer dernièrement, quelques amendes ont été infligées.
Je n’accepte pas que l’on dise que des cerises traitées au diméthoate sont entrées dans notre pays. Ou alors il faut dire où et quand !
Je réponds quant à moi qu’une parole a été donnée au niveau de l’Union européenne, que la clause de sauvegarde sanitaire a été invoquée par la France et qu’aucune cerise traitée au diméthoate n’est arrivée en France depuis lors. On peut d’ailleurs le regretter, ou pas.
Vous le voyez, il peut y avoir une ambivalence entre la demande de la société en faveur d’une diminution constante des pesticides et des intrants, et l’aspiration des agriculteurs. Il faut trouver un équilibre.
La carotte de Créances était l’un des premiers sujets que j’ai dû traiter lorsque j’ai pris mes fonctions. Il n’est pas simple non plus ! Je suis allé voir les producteurs : ils savaient depuis déjà trois ou quatre ans qu’ils devaient changer leurs pratiques, ce qu’ils n’ont pas fait entièrement, voire pas du tout. Puis est arrivée la date butoir. Peut-être des élus de ce secteur sont-ils présents ?…
On a, je le crois, trouvé maintenant la bonne solution. Ce qui a été fait n’est pas du tout déloyal, c’est simplement une autre pratique.
Enfin, sur cette question, la France demande à l’Union européenne qu’il n’y ait plus aucune possibilité de dérogation pour les États membres. Car c’est ainsi que se fait l’équilibre ! Nous en avons fait officiellement la demande, et je pense que nous allons gagner, parce que plusieurs pays, notamment ceux du Nord, suivent la même orientation que nous.
Conclusion du débat
M. le président. Pour clore ce débat, la parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la passion qui a animé l’ensemble des discours entendus cet après-midi constitue la preuve de l’importance du débat que nous venons d’avoir.
Les tendances de fond qui bouleversent notre agriculture justifiaient un rapport tirant la sonnette d’alarme. Permettez-moi de remercier l’ensemble du groupe d’études Agriculture et alimentation du Sénat et son président, Laurent Duplomb, pour avoir relevé ce défi.
Ce cri d’alarme a bien été entendu dans campagnes : pas un déplacement, pas un échange avec les agriculteurs sur le terrain sans que ce rapport soit mentionné. Il traduit, en réalité, une inquiétude profonde du monde agricole.
Edgard Pisani – permettez-moi de regarder dans le rétroviseur, monsieur le ministre ! –, qui fut ministre de l’agriculture sous Charles de Gaulle, aurait-il pu imaginer que la France ne serait plus le premier exportateur agricole européen ?
Christian Bonnet, sous Valéry Giscard d’Estaing, Michel Rocard, pendant les septennats de François Mitterrand, auraient-ils pu seulement croire que la France connaîtrait un déficit commercial agricole avec ses voisins européens ?
Quand Jacques Chirac nous invitait à manger des pommes, la France n’importait pas, comme c’est le cas aujourd’hui, la moitié de ses fruits et légumes !
Cette dégradation rapide de nos positions agricoles sur les marchés mondiaux est aujourd’hui une réalité. C’est un drame pour nos agriculteurs bien sûr, qui – il faut le rappeler – tirent 25 % de leur revenu des exportations françaises. C’est d’ailleurs, peut-être, l’un des malentendus de la loi Égalim : résoudre le problème du revenu de l’agriculteur en ciblant uniquement les ventes opérées par la grande distribution, c’est un peu court, comme aurait dit Cyrano ! Notre agriculture a besoin d’excellence et de compétitivité pour exporter.
Plus largement, cette dégradation est surtout dommageable pour la France et in fine contradictoire avec les demandes sociétales. Comment peut-on assurer la sécurité sanitaire de nos concitoyens alors même que nous importons des produits dont – je le confirme – nous ne pouvons contrôler avec certitude la conformité non pas aux normes de qualité mais à nos normes de production ? Comment peut-on s’engager résolument en faveur d’une politique environnementale ambitieuse et se satisfaire de l’explosion du transport par cargo de denrées traitées parfois avec des molécules non autorisées en France ?
À l’heure de conclure ce débat, je me félicite que nous partagions tous, quelles que soient nos étiquettes politiques, ces inquiétudes. Monsieur le ministre, vous êtes conscient de la situation et je vous remercie de vous être plié à cet exercice en répondant à nos questions si diverses. Toutefois, il faut que paroles et actes convergent. Malgré la sympathie que vous inspirez, je voudrais rappeler quelques éléments.
Avec la signature à marche forcée, certes commencée sous d’autres mandats, des accords de libre-échange dans lesquels l’agriculture française est à chaque fois la variable d’ajustement de l’Union européenne, vous allez accroître la part des importations dans la consommation des Français. Le CETA pose problème, non pas en raison de la qualité des produits que nous allons importer, mais parce qu’il engendre une concurrence des modèles de production et une incohérence entre ce que nous demandons à nos agriculteurs et ce que nous acceptons des agriculteurs canadiens.
Mais ce n’est pas tout ! Avec ce qui s’apparente à une nouvelle renationalisation de la PAC, vous allez également accentuer les concurrences déloyales au sein même de l’Union européenne. Avec la réduction du budget de la PAC à un niveau historiquement bas, vous semblez considérer que l’indépendance alimentaire de la France n’est pas suffisamment stratégique, alors même que les autres grands États ont augmenté leur budget agricole ces dernières années.
Monsieur le ministre, nous ne pouvons plus affaiblir ni le revenu des agriculteurs ni leur capacité d’investissement. Il est urgent de réagir en favorisant les exportations – c’est une voie –, et donc en érigeant la compétitivité de notre agriculture au rang de priorité nationale. Nous sommes un grand pays agricole et le moment que nous vivons est stratégique, mes chers collègues.
L’agriculture est à la convergence des grands défis auxquels nous devons collectivement faire face. Elle est la plus performante du monde en termes de qualité sanitaire et nutritionnelle, et d’innovation. Elle peut répondre aux enjeux de transition énergétique, à ceux d’une économie toujours plus circulaire et durable. Dans tous ces domaines, nous pouvons avoir une agriculture exportatrice de nos produits et de nos savoir-faire.
M. Michel Savin. Très bien !
Mme Sophie Primas. Enfin, elle répond aux enjeux de fracture territoriale qui sont au cœur des problématiques locales de notre pays.
La meilleure façon de réaliser ses rêves, disait Paul Éluard, est de se réveiller. Alors, mes chers collègues, monsieur le ministre, collectivement, réveillons-nous ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants.)
Mme Françoise Férat. Bravo !
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la régression de la place de l’agriculture française sur les marchés internationaux et les conséquences en termes de qualité et de protection du consommateur de produits importés qui ne correspondent pas aux normes françaises.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Adoption de règlements locaux de publicité intercommunaux
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, les explications de vote et le vote sur la proposition de loi visant à encourager l’adoption de règlements locaux de publicité intercommunaux (proposition n° 456, texte de la commission n° 748, rapport n° 747).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.
Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.
proposition de loi visant à encourager l’adoption de règlements locaux de publicité intercommunaux
Article 1er
I. – Le premier alinéa de l’article L. 581-14-1 du code de l’environnement est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 581-14 du présent code, les dispositions du titre V du livre Ier du code de l’urbanisme relatives au périmètre du plan local d’urbanisme et à l’autorité compétente en la matière ainsi que les dispositions du même titre V relatives aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de grande taille sont applicables aux règlements locaux de publicité. La métropole d’Aix-Marseille-Provence peut élaborer un ou plusieurs règlements locaux de publicité sur le périmètre prévu au second alinéa de l’article L. 134-12 du même code. »
II. – Les dispositions du titre V du livre Ier du code de l’urbanisme relatives au périmètre du plan local d’urbanisme et à l’autorité compétente en la matière, les dispositions du même titre V relatives aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de grande taille, ainsi que les dispositions de l’article L. 134-12 du même code relatives aux plans locaux d’urbanisme intercommunaux de la métropole d’Aix-Marseille-Provence sont applicables aux procédures d’élaboration et de révision du règlement local de publicité initiées antérieurement à la promulgation de la présente loi dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés par une création, une fusion ou une modification de périmètre prononcées en application de l’article 35 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dans ceux devenus compétents en matière de plan local d’urbanisme en application de l’article 136 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dans les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris ainsi que dans la métropole d’Aix-Marseille-Provence.
Article 2
Le second alinéa de l’article L. 581-14-3 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière de plan local d’urbanisme, un établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou la métropole de Lyon a prescrit l’élaboration d’un règlement de publicité intercommunal, la durée prévue au présent alinéa est de douze ans. »
Article 3 (nouveau)
L’article L. 581-43 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À l’issue de la durée maximale mentionnée au second alinéa de l’article L. 581-14-3 du présent code, les publicités, enseignes et préenseignes mises en place en application des réglementations spéciales antérieurement applicables mentionnées au même second alinéa peuvent être maintenues pendant un délai de deux ans, sous réserve de ne pas contrevenir à ces mêmes réglementations spéciales. »
Article 4 (nouveau)
À la fin du dernier alinéa du I de l’article 112 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, la date : « le 13 juillet 2020 » est remplacée par les mots : « à l’issue de la durée maximale prévue au second alinéa de l’article L. 581-14-3 du code de l’environnement ».
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au rapporteur de la commission, puis au Gouvernement, pour sept minutes, et, enfin, à un représentant par groupe, pour cinq minutes.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui est examinée aujourd’hui a fait l’objet d’une procédure de législation en commission, la LEC. Dans le cas de cette proposition de loi, la LEC a montré qu’elle avait toute son utilité, non seulement pour traiter de sujets techniques, mais aussi pour permettre d’accélérer l’examen de textes très attendus.
En effet, si ce texte peut, à première vue, sembler de l’ordre de l’ajustement technique, il est, en réalité, tout le contraire : il porte sur un sujet qui touche au quotidien des élus locaux, sur une difficulté à laquelle il est urgent d’apporter une solution. Ce sujet, c’est celui du poids administratif et financier de l’élaboration des documents locaux de planification. Nous connaissons bien les contraintes qui s’appliquent aux élus locaux.
La proposition de loi de notre collègue Serge Babary traite du cas particulier des règlements locaux de publicité, les RLP : ce document de planification locale, similaire au plan local d’urbanisme, le PLU, vise à réglementer les affichages publicitaires des villes, en durcissant ou assouplissant le droit commun national. Ce n’est pas la première fois que ce sujet des règlements locaux de publicité intercommunaux arrive devant notre assemblée. Il s’agit d’une demande exprimée de longue date par les communes et les intercommunalités.
En effet, les élus locaux pâtissent des lourdes conséquences d’une articulation manquée entre trois lois successives : la loi portant engagement national pour l’environnement de juillet 2010 ; la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, de mars 2014 ; et la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté de janvier 2017. Ces trois lois, adoptées en moins de sept ans, témoignent de l’instabilité juridique qui touche les compétences locales et les documents de planification. Les communes et les EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale, doivent s’adapter très vite aux évolutions successives, au prix de délais d’élaboration allongés et de dépenses supplémentaires.
Depuis la création des RLP, c’étaient principalement les communes qui étaient compétentes pour les élaborer. Mais depuis la loi ALUR, qui a organisé le transfert de la compétence de PLU et donc de RLP aux intercommunalités, les EPCI ont dû se saisir de cette nouvelle compétence. Or il faut en moyenne deux à trois ans pour élaborer un RLP intercommunal, alors que certains EPCI ont acquis cette compétence il y a à peine un an.
En conséquence de ces évolutions rapides, il existe aujourd’hui non moins de quatre types de règlements locaux de publicité sur le territoire. À peine 5 % des RLP existants en France sont des RLP intercommunaux conformes aux lois les plus récentes ; 1 211 RLP, soit 72 %, sont des RLP « ancien modèle ».
Une contrainte supplémentaire vient encore compliquer la tâche des intercommunalités : pour inciter à l’élaboration de RLP conformes, la loi a prévu la caducité de tous les RLP de première génération au 14 juillet 2020. C’est demain ! Dans moins de dix mois, ce sont donc 1 211 documents locaux qui pourraient tout bonnement disparaître. Imaginez l’ampleur des conséquences pour les communes concernées ! Je vous en donnerai trois exemples.
Premièrement, le règlement national de base s’appliquera au lieu des réglementations locales. Les maires risquent de voir fleurir des milliers d’affichages publicitaires sauvages, sans moyen de s’y opposer.
Deuxièmement, le pouvoir de police de la publicité sera transféré au préfet, alors qu’il est dans les mains du maire sous le régime du RLP. Ce serait un dessaisissement des communes.
Troisièmement, enfin, les collectivités perdraient les recettes liées au mobilier urbain et à la publicité dans les villes. Pour la seule métropole d’Aix-Marseille-Provence, cela représenterait une perte de 11 millions d’euros par an.
L’autre problème auquel s’attaque la proposition de loi est le manque d’articulation entre les procédures applicables aux PLU et aux RLP. Alors que dans la plupart des cas, ce sont bien les mêmes EPCI qui élaborent ces deux documents, parfois simultanément, les procédures applicables n’ont pas été harmonisées. Par exemple, les grands EPCI tels que les métropoles peuvent élaborer des PLU dits « infracommunautaires » à l’échelle de territoires. Ces possibilités ne sont pas expressément prévues dans le cas des RLP. Or de nombreuses collectivités ont déjà entrepris d’élaborer ou de réviser leurs documents selon ces nouvelles procédures.
Vous mesurez bien, mes chers collègues, que les communes et intercommunalités font face à une double urgence : il faut, d’une part, sécuriser les documents de planification déjà élaborés ou en cours d’élaboration, et, d’autre part, permettre à ces procédures d’être menées à leur terme avant que la caducité généralisée ne les frappe.
Attentif aux demandes des territoires, le Parlement avait trouvé une solution. Les deux mesures de la présente proposition de loi avaient en effet déjà été adoptées dans la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, que j’ai eu l’honneur de rapporter ici. Néanmoins, malgré un consensus, les deux articles relatifs aux RLP ont été censurés par le Conseil constitutionnel en novembre 2018, qui les a considérés comme des « cavaliers législatifs ».
La présente proposition de loi offre une nouvelle chance de prévoir les assouplissements nécessaires. Elle apporte deux solutions.
D’abord, le texte reporte de deux ans l’échéance de caducité des RLP, mais uniquement dans le cas où l’EPCI s’est déjà engagé dans l’élaboration d’un RLP intercommunal conforme.
Ensuite, le texte valide les RLP des intercommunalités qui ont appliqué de bonne foi des procédures non prévues par la loi, et précise que les assouplissements de procédure valables pour les PLU intercommunaux sont aussi valables pour les RLP intercommunaux.
La commission des affaires économiques soutient pleinement les mesures proposées par le texte. Ce sont là deux mesures de bon sens, très attendues par les intercommunalités et les communes qui se trouvent aujourd’hui dos au mur. Lors de l’examen dans le cadre de la LEC, la commission a enrichi la proposition de loi sur trois volets.
M. le président. Le compteur tourne, madame le rapporteur !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je termine, monsieur le président !
D’abord, nous avons donné une protection supplémentaire aux tiers qui subiraient les conséquences de cette caducité.
Puis, pour tenir compte de toute la diversité des territoires, la commission a aussi étendu le bénéfice des assouplissements de délais aux établissements publics territoriaux, les EPT.
Enfin, la commission a opéré une coordination relative aux dates d’entrée en vigueur de dispositions relatives à la publicité, en les alignant avec l’échéance de caducité.
Vous l’aurez compris, il ne faut pas prendre cette proposition de loi à la légère. J’espère qu’elle sera votée par le Sénat, puis dans les meilleurs délais par l’Assemblée nationale. Il y va de l’avenir de plus de 1 200 communes françaises, et de notre cadre de vie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.)