M. Olivier Jacquin. Cet amendement a pour objet de responsabiliser les consommateurs, nos concitoyens, en leur apportant une information dont ils ne disposent pas forcément. Ainsi, les publicités en faveur des prestations de transport de personnes, de marchandises ou de déménagements devraient indiquer la quantité moyenne de CO2 émise par kilomètre et par personne.
D’ores et déjà, l’article L. 1431-3 du code des transports oblige toute personne qui commercialise ou organise une telle prestation à informer le bénéficiaire de la quantité de gaz à effet de serre émise par le ou les modes de transport utilisés pour réaliser cette prestation.
Les auteurs de cet amendement souhaitent s’inscrire dans cette logique d’information des usagers sur la consommation énergétique induite, par le biais d’une plus grande transparence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Les transports concentrant près de 40 % des émissions de gaz à effet de serre, il est essentiel de mobiliser les professionnels et les consommateurs pour promouvoir la transition énergétique dans ce domaine.
Pour autant, le dispositif proposé n’est pas satisfaisant.
Tout d’abord, le projet de loi d’orientation des mobilités, en cours d’examen, prévoit en son article 26 AB la nécessité d’assortir les publicités en matière de transport d’un « message promotionnel encourageant l’usage des mobilités actives ».
Par ailleurs, les personnes commercialisant des prestations de transport doivent déjà « fournir au bénéficiaire de la prestation une information relative à la quantité de gaz à effet de serre émise », selon l’article L. 1431-1 du code des transports.
Ainsi, l’apport du dispositif est limité par rapport au droit en vigueur ou à venir. L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je vous confirme que, pour les prestations commercialisées, cet amendement est déjà largement satisfait par le droit existant, qui sera complété, comme l’a dit M. le rapporteur, dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités, en ce qui concerne les messages publicitaires.
Par ailleurs, la rédaction me semble beaucoup trop floue. Je ne sais pas très bien, par exemple, ce que signifie la « consommation moyenne d’un transport de marchandises ou d’un déménagement ». Tel qu’il est rédigé, l’amendement ne sera pas opérant.
Je propose donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Jacquin, l’amendement n° 437 rectifié est-il maintenu ?
M. Olivier Jacquin. Je voudrais répondre aux arguments que vous avez, madame la ministre, monsieur le rapporteur, opposés à mon amendement, que je vous remercie d’avoir examiné.
Les propositions qui ont été faites dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités en cours de discussion visent à faire la promotion des mobilités actives : ce n’est pas du tout le même message que celui qui sous-tend l’information prévue dans mon amendement.
Vous avez évoqué les obligations réglementaires actuelles, monsieur le rapporteur. L’information des donneurs d’ordre en matière de transport ne concerne pas les particuliers. L’amendement vise à agir sur les publicités relatives aux différents types de transport, afin de mieux informer nos concitoyens.
Franchement, ce n’est que positif ! Il ne s’agit pas d’une contrainte négative pour les différentes entreprises prestataires.
Je maintiens cet amendement, qui me semble aller dans le bon sens.
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, en accord avec la commission et le Gouvernement, nous prolongeons nos débats jusqu’à treize heures trente.
Article 3 terdecies (nouveau)
Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Avant la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre III, il est créé une section 1 A ainsi rédigée :
« Section 1 A
« Le bilan carbone
« Art. L. 314-1 A. – Les dispositifs de soutien à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables prévus aux articles L. 311-12, L. 314-1 et L. 314-18 intègrent la prise en compte du bilan carbone des projets de production parmi leurs critères d’éligibilité ou de notation, dans le respect des principes de transparence et d’égalité de traitement des producteurs. Ce bilan carbone inclut les émissions de gaz à effet de serre liées à la fabrication, au transport, à l’installation, à l’entretien et au démantèlement des installations de production. Les modalités d’évaluation et de prise en compte de ce bilan carbone varient selon les filières et selon les technologies. La prise en compte de ce bilan carbone peut prendre la forme d’une bonification attribuée aux projets les plus performants. » ;
2° Avant la section 1 du chapitre VI du titre IV du livre IV, il est créé une section 1 A ainsi rédigée :
« Section 1 A
« Le bilan carbone
« Art. L. 446-1 A. – Les dispositifs de soutien à la production de biogaz prévus aux articles L. 446-4, L. 446-5 et L. 446-7 et L. 446-14 intègrent la prise en compte du bilan carbone des projets de production parmi leurs critères d’éligibilité ou de notation, dans le respect des principes de transparence et d’égalité de traitement des producteurs. Ce bilan carbone inclut les émissions de gaz à effet de serre liées à la fabrication, au transport, à l’installation, à l’entretien et au démantèlement des installations de production. Les modalités d’évaluation et de prise en compte de ce bilan carbone varient selon que le biogaz est injecté ou non dans les réseaux et selon le type d’installations. La prise en compte de ce bilan carbone peut prendre la forme d’une bonification attribuée aux projets les plus performants. »
M. le président. L’amendement n° 240, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5 et 9, dernières phrases
Rédiger ainsi ces phrases :
Le bilan carbone n’est intégré que si sa mise en œuvre est techniquement possible et qu’elle permet une discrimination effective entre les projets de production.
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le I entre en vigueur à l’issue d’un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Le Gouvernement approuve l’idée d’introduire un critère carbone dans les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables, comme le texte en prévoit le principe. Un tel critère est notamment mis en œuvre dans les appels d’offres pour le solaire photovoltaïque.
Toutefois, tous les dispositifs de soutien ne se prêtent pas à l’introduction d’un tel critère. Sa mise en œuvre peut être excessivement complexe dans certaines situations ou pour certains projets au regard de leur taille. De plus, l’intégration d’un critère carbone peut, dans d’autres situations, ne pas avoir d’impact sur le choix des projets de production lauréats, et donc être inutile en pratique.
Le présent amendement vise à répondre à ces deux difficultés en prévoyant de mettre en place des bilans carbone dès lors qu’ils sont techniquement faisables et utiles dans la procédure de sélection.
Par ailleurs, les dispositions proposées entreraient en vigueur immédiatement, faisant peser un risque sur l’ensemble des dispositifs de soutien français. Il est prévu de laisser un délai de dix-huit mois permettant de modifier les dispositifs de soutien et de procéder à leur éventuelle validation auprès de la Commission européenne, ce qui nécessite a minima un an.
M. le président. Le sous-amendement n° 486, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Amendement n° 240, alinéas 1 à 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 240.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’entrée en vigueur différée proposée par le Gouvernement est effectivement de nature à sécuriser les dispositifs de soutien actuels. Un report de dix-huit mois me semble un bon équilibre entre cette sécurité juridique et la mise en œuvre de l’objectif dans des délais raisonnables.
En revanche, je suis défavorable aux deux limitations ajoutées.
Si le bilan carbone n’est intégré qu’à condition que sa mise en œuvre soit techniquement possible et qu’elle permette une discrimination effective entre les projets, alors on videra le dispositif d’une partie de sa substance et de son intérêt. Si on ne commence pas par calculer le bilan carbone, on ne parviendra jamais à faire naître des filières plus vertueuses dans notre pays et dans l’Union européenne. Et si aujourd’hui ces filières n’existent pas encore, on constatera que le bilan carbone ne diffère pas selon les projets, mais on en aura au moins connaissance.
On nous demande de calculer notre empreinte carbone dans tous les secteurs. Je ne vois pas pourquoi les énergies renouvelables en seraient exonérées, alors que ce sont elles qui doivent être concernées au premier chef.
L’avis est favorable, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, qui tend à supprimer les alinéas 1 à 3.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 486 ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je ne peux être favorable au sous-amendement : la rédaction actuelle prévoit une intégration trop systématique du critère carbone dans les critères de choix des projets.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je suis très surpris de votre position, madame la ministre. Alors que nous sommes en train de fixer des objectifs pour atteindre la neutralité carbone en 2050, la première dérogation que nous accorderions serait pour exclure les énergies renouvelables du bilan carbone…
Si le Gouvernement n’accepte pas le sous-amendement, l’avis de la commission sur l’amendement sera défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je vais rectifier la position du Gouvernement : même sous-amendé, l’amendement irait dans le bon sens. Peut-être devons-nous avoir de nouveau des échanges d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire sur ces dispositions qui nous semblent importantes par ailleurs.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. D’accord !
Mme Élisabeth Borne, ministre. L’avis est donc favorable sur le sous-amendement, même si son adoption ne nous permet pas d’aller aussi loin que nous le souhaitons.
M. Jean-François Husson. Voilà un changement de pied bienvenu !
M. le président. L’amendement n° 449 rectifié, présenté par MM. Labbé, Artano, Cabanel, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Gontard, Mme Guillotin et MM. Jeansannetas, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 9, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Concernant les installations de méthanisation, le bilan carbone prend en compte les transports nécessaires à son approvisionnement en intrants, l’impact de l’épandage des digestats, ainsi que les risques de fuite.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à préciser les éléments à prendre en compte pour effectuer le bilan carbone d’une installation de méthanisation. Il est très judicieux d’avoir un bilan carbone pour mettre en place des dispositifs d’aide et de subvention aux projets d’énergie biogaz. Je soutiens donc la rédaction qui a été élaborée par la commission des affaires économiques.
Cependant, la rédaction actuelle ne me semble pas suffisamment précise. Il semble utile de nommer, en ce qui concerne la méthanisation, les différents éléments qui concernent non pas l’entretien, l’installation, le transport et le démantèlement de l’unité de production, mais son fonctionnement quotidien, son apport en intrants, la gestion des digestats et sa sécurité, car de nombreux risques pour le bilan carbone y sont associés.
Le bilan environnemental de la méthanisation en termes de gaz à effet de serre doit prendre en compte les retours de scientifiques et du terrain, qui alertent sur des impacts insuffisamment pris en compte et qui influencent le bilan carbone de cette énergie.
Il s’agit, d’abord, de la distance d’approvisionnement en intrants et de transport des digestats pour leur épandage : il convient de favoriser les projets de méthanisation territorialisés – je l’ai déjà dit –, en cohérence avec les ressources et les possibilités d’épandage du territoire. L’approvisionnement en intrants de proximité, dans des unités de méthanisation avec des tailles cohérentes, paraît donc essentiel.
Il faut prendre en compte, ensuite, l’impact des digestats : mal contrôlés, le stockage et l’épandage du digestat peuvent entraîner l’émission de protoxyde d’azote, 300 fois plus impactant sur l’effet de serre que le CO2. Le digestat peut entraîner une perte de carbone organique dans les sols, alors même que ce stockage du carbone organique est envisagé par le Gouvernement comme une voie de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, notamment via l’excellente initiative du « 4 pour 1 000 ».
Enfin, une étude de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, l’Irstea, montre que le bilan carbone de la méthanisation est fortement influencé par les fuites des unités de production : à partir de 10 % de fuites, le bilan environnemental serait négatif.
Voilà l’explication de cet amendement, qui précise les conditions de la méthanisation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Il n’y a pas lieu de préciser spécifiquement dans la loi les éléments à prendre en compte pour telle ou telle installation productrice d’énergies renouvelables. Ces éléments seront précisés filière par filière et dispositif de soutien par dispositif de soutien.
Les éléments cités pourront y figurer, comme d’autres, et je ne voudrais pas que l’on stigmatise une filière plutôt qu’une autre.
Je prendrai un exemple que je n’ai jamais cité : bien que je sois favorable à l’éolien, je remarque que personne ne parle de tous ces hectares qui soudainement disparaissent des surfaces réservées à l’agriculture ou à la forêt pour faire des chemins d’accès, lesquels sont absolument nécessaires pour l’implantation et l’entretien des éoliennes.
L’exemple que vous citez, monsieur Labbé, pourrait s’appliquer à de nombreuses situations : dès lors que l’on prend une initiative, celle-ci a des conséquences. Ces hectares qui disparaissent tous les ans entraînent aussi une perte de biodiversité et de capacités de production agricole et forestière.
C’est la raison pour laquelle l’avis est défavorable. Je ne voudrais vraiment pas que l’on stigmatise uniquement la méthanisation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Le niveau de précision fixé dans l’amendement ne relève pas de la loi, mais plutôt du domaine réglementaire. J’indique que nous n’avons pas ce genre de précision pour les autres filières.
Je souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 449 rectifié est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Malgré la demande polie de Mme la ministre, je vais maintenir mon amendement. Je voudrais insister sur mon propos à la suite de vos arguments, monsieur le rapporteur : je serais favorable à ce que soit pris en compte également, parce qu’il n’est pas justifié de faire des différences – vous avez raison –, l’impact sur les terres agricoles des implantations d’éoliennes. L’esprit est le même.
Il faut mettre en balance des productions agricoles nécessaires pour l’alimentation et des productions qui peuvent tendre à devenir industrielles. Effectivement, la méthanisation, c’est une réponse, mais seulement partielle. Elle ne peut pas être la solution à tout. Produire du biogaz n’est pas automatiquement vertueux.
Il y a des risques pour certaines régions. Je voudrais évoquer la Bretagne : il ne faudra pas que la méthanisation justifie la poursuite de l’élevage industriel, qui est, selon moi, pour des raisons tant liées à la biodiversité et au climat que sociétales, d’un autre âge. Il faut retrouver de la mesure et revenir à davantage de territorialisation pour l’alimentation comme pour les productions énergétiques.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Je veux soutenir cet amendement. Sur notre territoire naissent des projets de méthanisation incluant le transport d’intrants qui viennent parfois de départements limitrophes, ce qui produit des émissions de gaz à effet de serre.
Ce sont des projets qui, pour le moins, ne seront pas vertueux. Or être vertueux, c’est ce que nous voulons !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Mes chers collègues, j’ai entendu vos explications de vote. Il existe un projet de texte sur l’économie circulaire, sur le zéro déchet, sur le « zéro gaspi ». Si l’on examine de plus près le dossier de la méthanisation, on constate – je peux vous en assurer – que de nombreuses productions, qui étaient envoyées hier à la décharge, n’étaient pas valorisées et sortaient des capacités productrices, font aujourd’hui l’objet d’une valorisation et retrouvent une utilisation énergétique.
Alors certes, vous avez raison, parfois il faut faire quelques kilomètres pour aller vers une usine. Mais auparavant ces kilomètres servaient à aller à la décharge, avec un bilan absolument négatif.
M. Jean-François Husson. Eh oui !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je comprends le sens de vos remarques, mais il faut voir le côté positif : nous avons vraiment la volonté d’être efficaces, de faire en sorte que tout ce qui est produit sur notre territoire trouve in fine une valorisation. C’est la raison pour laquelle je tenais à intervenir de nouveau, car c’est un beau sujet sur lequel on reviendra tout à l’heure, notamment avec la question de la valorisation des boues des stations urbaines et industrielles. Là encore, on va pouvoir trouver de nouvelles valorisations, de nouvelles richesses, à condition que…
M. le président. Je mets aux voix l’article 3 terdecies, modifié.
(L’article 3 terdecies est adopté.)
Articles additionnels après l’article 3 terdecies
M. le président. L’amendement n° 73 rectifié bis, présenté par Mme Ghali, M. Iacovelli, Mme Monier, M. Manable et Mme Lepage, est ainsi libellé :
Après l’article 3 terdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre Ier du livre III de la cinquième partie du code des transports est complété par un article L. 5311-… ainsi rédigé :
« Art. L. 5311 -…. – À partir du 1er janvier 2024, est interdit le séjour dans les ports soumis au présent livre de tous navires visés au présent code et dépassant un ou plusieurs seuils d’émission de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre.
« Un décret définit la liste des polluants atmosphériques et gaz à effet de serre mentionnés au premier alinéa et les seuils qui leur sont applicables ainsi que les modalités sous lesquelles les navires peuvent déroger à cette interdiction en cas de force majeure. »
La parole est à Mme Samia Ghali.
Mme Samia Ghali. Cet amendement vise à interdire, à partir du 1er janvier 2024, le séjour en port des navires les plus polluants.
En effet, durant leur stationnement en port, les navires continuent de consommer du carburant polluant et produisent ainsi en continu des particules fines. Diverses études affirment que les émissions de gaz à effet de serre de ces paquebots sont plusieurs milliers de fois plus importantes que celles d’un véhicule terrestre classique.
La pollution au fioul lourd tue des milliers de personnes chaque année et les conséquences sur la couche d’ozone sont désastreuses.
Les usagers de la route, qui utilisent leur véhicule pour se rendre à leur lieu de travail, le font la plupart du temps malheureusement faute de transports en commun satisfaisants. Je parle pour Marseille où les habitants n’ont parfois pas d’autre choix. Ce n’est pas qu’ils soient plus pollueurs ou qu’ils ne veulent pas respecter la planète, bien au contraire !
Les Français aujourd’hui ont compris qu’il était nécessaire de faire des efforts. Mais ils n’ont quelquefois pas d’autre possibilité que de prendre leur véhicule ou de rester chez eux sans aller travailler, parce que la situation en matière de transports en commun n’est pas à la hauteur de ce qu’elle devrait être, notamment dans une grande métropole comme Marseille.
Si les bateaux de croisière ou les navires polluent autant, c’est parce que leurs moteurs continuent à tourner quand ils sont à quai, l’hiver pour chauffer, l’été pour refroidir. Ces bateaux polluent donc autant l’hiver que l’été, particulièrement en période de canicule. On nous annonce pour les jours qui viennent un nouvel épisode de canicule, notamment dans le sud de la France. On compte parfois douze bateaux de croisière dans le port de Marseille : je vous laisse imaginer à combien de véhicules cela correspond…
Encore une fois, on laisse perdurer un problème de santé publique, sans imposer de contraintes à ces bateaux de croisière qui pourraient aussi faire des efforts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Selon l’exposé des motifs, l’amendement vise les navires de croisière, mais sa rédaction inclut en fait tous les navires auxquels s’applique le code des transports.
L’amendement pénalise donc les navires de pêche et les navires de commerce, des activités vitales pour notre économie. Il introduit automatiquement une concurrence entre les ports français et étrangers. En cas d’interdiction générale de tous les navires polluants en France, ces derniers séjourneront tout simplement dans un port voisin, en Italie, en Espagne, en Belgique ou aux Pays-Bas, et y débarqueront leurs cargaisons qui ensuite circuleront dans le marché intérieur jusqu’aux consommateurs français.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Effectivement !
Ce faisant, une telle mesure aurait un impact négatif sur l’emploi des pêcheurs – il ne faut pas l’oublier –, l’activité portuaire en France, qui a besoin d’une certaine dynamique, et les prix à la consommation, sans pour autant contribuer à diminuer la flotte de navires polluants.
Une telle régulation ne peut se faire qu’à l’échelle de l’Union européenne, compte tenu de la proximité géographique entre les ports français et ceux de nos voisins.
Imposer unilatéralement une interdiction d’entrée dans nos ports, sans évaluation préalable, sans concertation et sans harmonisation au niveau européen pour un gain environnemental minime, présente bien plus de risques que d’avantages, même si, sur le fond, je partage complètement votre objectif. Regardons la réalité : on ne peut pas viser uniquement les bateaux de croisière.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Madame la sénatrice, je partage totalement votre préoccupation. Il est insupportable pour les riverains de voir les navires à quai émettre des panaches de fumée… Il faut donc agir, nous sommes d’accord sur ce point.
En revanche, le Gouvernement propose et trace un autre chemin que celui que vous préconisez.
Il s’agit d’abord de faire évoluer les règles relatives aux carburants maritimes. Vous savez que, à partir du 1er janvier 2020, vont entrer en vigueur les règles qui divisent par sept la teneur en soufre des carburants.
Nous avons aussi pris l’initiative de proposer une zone à basses émissions en Méditerranée, dite « ECA » – Emission Control Area –, qui conduirait à diviser de nouveau par cinq la teneur en soufre pour atteindre 0,1 % pour tous les navires naviguant dans cette zone.
Par ailleurs, il faut agir localement dans les ports. C’est ce que nous faisons : il y a d’ores et déjà de nombreuses actions menées pour le déploiement de carburants alternatifs, en particulier le gaz naturel liquéfié, le GNL, et pour le branchement à quai, afin de limiter la pollution des navires – je pense notamment aux oxydes de soufre et d’azote, au CO2 et aux particules fines qui sont nuisibles à l’environnement et à la santé humaine.
Le port de Marseille offre déjà – je sais que vous êtes au courant – des branchements électriques à quai. Il va y investir 20 millions d’euros supplémentaires, afin de faire de Marseille le premier port de Méditerranée 100 % électrique d’ici à 2025.
Par ailleurs, le schéma national d’orientation pour le déploiement du GNL comme carburant marin prévoit déjà, à l’horizon 2025-2030, des solutions d’avitaillement en GNL dans chacun des ports français.
Aujourd’hui, les ports de Dunkerque, du Havre, de Nantes et de Marseille proposent des solutions d’avitaillement. Une mission a été confiée au nouveau directeur du port pour s’assurer de proposer une offre également satisfaisante à Marseille.
Même si l’on voit encore aujourd’hui des navires dans les ports qui n’ont pas de branchement à quai, je pense qu’avec ces mesures la dynamique est vraiment en marche. (Mme Samia Ghali rit.)
Je vous le confirme, madame la sénatrice !
Je vous propose de retirer votre amendement.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)