M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà maintenant trois ans, à cette même tribune, je regrettais que la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages n’intègre pas l’Office national de la chasse et de la faune sauvage à la nouvelle Agence française pour la biodiversité. Je ne peux donc que me réjouir du succès de cette commission mixte paritaire, et je salue le travail des rapporteurs et des présidents de commission. Ce succès grave ainsi dans la loi cette fusion nécessaire, et le groupe du RDSE votera très majoritairement en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire.
Ce projet de loi permet en effet de doter notre pays d’un outil plus puissant pour tenter de faire face à cet enjeu majeur, la préservation de notre patrimoine naturel, et pour participer à la définition d’une stratégie efficace visant à stopper la perte de la biodiversité, une menace pour l’avenir même de nos sociétés. Il convient maintenant que ce nouvel office s’investisse résolument dans la définition de cette stratégie, avec comme priorité la préservation des écosystèmes. Cela nécessite de trouver enfin les leviers permettant d’en finir avec les pollutions chimiques et le gaspillage insensé de terres agricoles et naturelles.
L’enjeu de l’artificialisation des terres, qui fragilise notre futur et notre autonomie alimentaire, sera d’ailleurs inclus dans une proposition de résolution que mes collègues Françoise Laborde et Joël Labbé défendront en octobre prochain, dans le cadre d’une niche du groupe du RDSE. Nous aurons donc l’occasion d’y revenir, mais ce débat est déjà l’occasion d’exprimer l’attente, que je crois assez partagée sur les travées du Sénat, d’une loi efficace contre l’artificialisation des sols.
Cet exemple me semble en effet assez symptomatique du fait que chasseurs et écologistes ont plus d’intérêts communs qu’ils ne l’affichent. J’avoue d’ailleurs avoir été quelque peu déçu de la teneur du débat que nous avons eu au Sénat, au cours duquel beaucoup d’amendements adoptés par la majorité sénatoriale ont servi à envoyer des messages de soutien à certains chasseurs, dont je doute d’ailleurs qu’ils soient représentatifs du monde de la chasse d’aujourd’hui.
Cela dit, la plupart de ces amendements ont été supprimés par la commission mixte paritaire, et c’est heureux. Était-il nécessaire de reprendre l’exemple de la chasse à la glu, qui compte tant de défenseurs au Sénat ? Je ne réussirai pas à tous vous convaincre – certains membres du groupe du RDSE ne voteront d’ailleurs pas le texte en raison de la disparition de la mention de cette chasse traditionnelle –, mais il paraît inimaginable que nous puissions tolérer demain des chasses non sélectives. L’Espagne a déjà été condamnée par l’Union européenne sur ce fondement et des recours européens ont aussi été déposés par des associations françaises.
Plus généralement, certaines pratiques, largement rejetées par la population, jouent contre l’image de la chasse ; elles réduisent les vocations alors que nous avons besoin de chasseurs pour réguler certaines populations de gibier, en particulier de sangliers.
Je ne désespère pas, chers collègues, que nous ayons un jour un débat serein et sans tabou sur cette question de l’image de la chasse, laquelle se considère trop comme une citadelle assiégée, se battant pied à pied sur les listes d’espèces chassables ou les dates de chasse, alors que l’enjeu est d’abord la synergie entre chasseurs et écologistes. En effet, notre objectif doit être la gestion dynamique de notre patrimoine naturel, afin que, demain, les populations d’espèces chassables augmentent, ce qui serait une bonne nouvelle pour les chasseurs comme pour les écologistes.
Vous le voyez donc, l’offre de dialogue, au moins de ma part, est toujours là. Deux sujets seront d’ailleurs l’occasion de l’approfondir.
D’abord, la contribution de 10 euros par chasseur cotisant, que l’État s’apprête à créer au bénéfice de l’action « biodiversité » de la Fédération nationale de chasse, fait aujourd’hui, vous le savez, grincer bien des dents chez les associations de protection de l’environnement. Il appartiendra donc aux chasseurs de faire mentir les procès d’intention sur l’utilisation de ce que d’aucuns dénomment « le chèque fusion ».
Ensuite, la gestion adaptative des espèces constituera un autre test. Le principe est intéressant, et, effectivement, cette approche par espèce donne satisfaction dans d’autres pays. Néanmoins, sur ce point aussi, c’est bien l’application qui en sera faite concrètement qui montrera l’existence, ou non, de convergences entre chasseurs et protecteurs de la nature. Soit il s’agit de limiter la pression de chasse sur des espèces fragiles, à la population en déclin, comme la tourterelle des bois, le courlis cendré ou la barge à queue noire, au moyen de mesures de protection des milieux, y compris dans le cadre de coopérations avec d’autres pays pour les espèces migratrices – la convention de Ramsar peut nous servir à cet égard, cher Jérôme Bignon –, soit il s’agit seulement d’augmenter la liste des espèces chassables, le lobby de la chasse n’ayant alors comme objectif que l’augmentation du nombre de cibles disponibles.
La tourterelle des bois sera sans nul doute un test en la matière. En effet, qui dit gestion adaptative dit suivi scientifique. Le CEGA, le Comité d’experts sur la gestion adaptative, a préconisé un moratoire sur la chasse de cette espèce, avec un quota de 18 300 volatiles à abattre au maximum pendant la saison de chasse 2019-2020. Or le Gouvernement propose un total de 30 000 tourterelles, presque le double de l’avis des scientifiques.
Je souhaiterais donc que vous vous exprimiez sur ce point, madame la secrétaire d’État, tant il paraît impossible d’avoir un dialogue apaisé entre tous les acteurs si les avis scientifiques ne sont pas suivis d’effets ; et ce n’est pas une consultation citoyenne sur la chasse à la glu, qui n’a pas eu de conséquences, qui y changera quelque chose – les écolos et les chasseurs partagent d’ailleurs la même opinion sur cette consultation… Je vous remercie donc des précisions que vous voudrez bien apporter sur les raisons conduisant à ce quota de 30 000 individus, qui ne semble pas scientifiquement justifié.
Je profite de cette intervention pour souligner que, sans moyens, les politiques de reconquête de la biodiversité ne peuvent être couronnées de succès. Ainsi, les ponctions régulières sur les recettes des agences de l’eau ne sont plus acceptables, tant le budget de ces organismes est nécessaire aux politiques de restauration des milieux humides. Nous avons tenté d’y remédier – le rapporteur a insisté sur ce point –, car il s’agit d’une préoccupation essentielle.
Enfin, le fait de se doter d’une véritable police unifiée de l’environnement est une avancée majeure, que nous défendions ; là aussi, c’est l’importance des moyens humains dévolus qui permettra de remplir cette mission importante ; nous y serons vigilants.
Comme je le disais au début de mon propos, le groupe du RDSE votera très majoritairement pour les conclusions de la commission mixte paritaire. Le rapporteur l’a dit, beaucoup d’efforts ont été fournis par les uns et les autres pour aboutir à ce texte conclusif.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, les membres de la commission mixte paritaire sont parvenus à un accord sur une version commune du projet de loi créant l’Office français de la biodiversité ; c’est une heureuse nouvelle.
Idée ancienne, longtemps controversée, cette fusion de deux grands établissements publics – l’Agence française pour la biodiversité et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage – qui concourent, chacun avec sa culture et ses moyens, à la préservation de l’environnement permettra, en mutualisant les ressources et les compétences, de renforcer l’efficacité des actions menées sur tout le territoire français, métropolitain et ultramarin. Deux mille sept cents agents – ce n’est pas rien – constitueront à partir du 1er janvier prochain ce nouvel établissement public ; tous nos vœux les accompagnent.
Cette fusion répond à de nombreux objectifs. Parmi ceux-ci, j’en note trois : replacer les enjeux des politiques environnementales à un échelon territorial – cela doit intéresser les sénateurs –, faire converger l’action des politiques de l’eau et de la biodiversité – quand on voit les problèmes que connaît notre pays dans le domaine de l’eau, il n’est pas inintéressant de s’en préoccuper – et renforcer les pouvoirs de police de l’environnement.
Cela permet d’achever le travail de fusion des opérateurs de la biodiversité commencé par la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité ; ce texte réalisait, vous vous en souvenez, la fusion de l’Onema, de l’Agence des aires marines protégées, que j’ai présidée, de l’ATEN et des établissements publics des parcs nationaux. Notre excellent rapporteur l’a indiqué, de nombreuses propositions du Sénat ont été maintenues dans l’accord final, qui représente une solution consacrant la préservation de la biodiversité tout en assurant l’avenir d’une chasse durable. C’est donc aussi une bonne chose pour les chasseurs.
Je me félicite du maintien de plusieurs dispositions que j’avais proposées en faveur d’une meilleure protection du patrimoine naturel. Je pense notamment aux ajouts précisant les critères de reconnaissance des zones humides et élargissant le périmètre des aires marines protégées ; cela témoigne indéniablement de la reconnaissance de l’importance des zones humides dans la préservation de la biodiversité.
Je me réjouis également du renforcement des pouvoirs de la police environnementale. Les diverses mesures relatives à ces pouvoirs devraient améliorer les conditions de travail des agents, concrètement, sur le terrain et dans leur vie de tous les jours.
Dans le contexte actuel de réchauffement climatique, enrayer l’effondrement de la biodiversité est plus que jamais capital ; ces deux notions vont évidemment de pair, et l’ajout de la mention du changement climatique à l’article 1er est essentiel.
Le changement climatique contribue directement aux considérables pertes de biodiversité, mais il constitue également un facteur d’aggravation de certaines causes indirectes. Par ailleurs, lorsque les impacts climatiques frappent, ils le font plus durement là où la nature est déjà dans un état précaire, on a pu le constater récemment.
L’actuelle crise d’extinction est beaucoup plus rapide que les précédentes et elle est quasi exclusivement liée aux activités humaines. Selon la note scientifique n° 12 publiée par l’Opecst en janvier 2019 – encore un travail conjoint de nos deux chambres, qui va dans le même sens que le texte de cette commission mixte paritaire –, la France se situe parmi les dix pays abritant le plus grand nombre d’espèces mondialement menacées.
La protection de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique doivent donc être deux combats menés de front par la France et par l’ensemble de la communauté internationale.
Comme pour le climat, les solutions doivent être mises en œuvre de manière urgente et impliquent des transformations profondes de notre modèle économique ; on en parlera prochainement lors de l’examen d’un texte. La préservation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique présentent le plus souvent des synergies, qu’il faut davantage développer.
Le groupe Les Indépendants se félicite de la création de l’OFB, qui sera un opérateur clé pour poursuivre, compléter et enrichir notre combat national de restauration et de protection de la biodiversité de façon efficace, dès le 1er janvier 2020.
En tant que membre du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité, où je représente le Sénat, je suis avec beaucoup d’intérêt la territorialisation de cette agence, au travers de la mise en place progressive des agences régionales de la biodiversité.
Plus récemment, sur un autre aspect, j’ai eu divers contacts avec M. Pierre Dubreuil, désigné préfigurateur du nouvel établissement. Je peux témoigner du travail remarquable de concertation qu’il accomplit avec les équipes en place, mais aussi avec les acteurs de terrain dans les comités d’orientation de l’Agence française pour la biodiversité. Nous devrons veiller à ce que l’OFB ait bien les moyens humains et financiers d’agir efficacement et concrètement. Nous avons en effet le talent formidable de construire des outils magnifiques, mais parfois, par une bizarrerie propre à notre pays, Bercy empêche les établissements ainsi créés pour le bien commun d’avancer au rythme souhaité. Nous devrons donc continuer à mener ce combat, comme chaque année, au moment de l’examen du budget. Il y a actuellement des tensions sur le futur budget de l’établissement public fusionné.
Le travail en bonne intelligence avec toutes les parties intéressées – agriculteurs, acteurs économiques, chasseurs, organismes privés et publics, ONG, scientifiques – devra se poursuivre, car il sera primordial pour le bon fonctionnement de ce nouvel office et pour le succès de ses missions.
Le groupe Les Indépendants soutient donc le texte issu de la commission mixte paritaire. (M. le rapporteur et M. Franck Menonville applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, que cela a été difficile, tant dans l’hémicycle qu’en commission mixte paritaire ! Je tiens à le souligner, le Sénat a une fois encore fait preuve de son indépendance et de sa volonté de défendre les territoires ruraux. Je remercie le rapporteur, Jean-Claude Luche, la rapporteure pour avis, Anne Chain-Larché, ainsi que tous mes collègues du groupe d’études « Chasse et pêche », qui ont, comme d’habitude, fait preuve d’une solidarité totale.
Je tiens également à le souligner, l’économie générale de l’accord conclu entre le Président de la République et la Fédération nationale des chasseurs a été respectée. Je citerai, en vrac, le permis à 200 euros, la gestion adaptative, l’éco-contribution, la police de l’environnement ; tous ces dossiers, que la FNC avait portés, ont été préservés et maintenus dans le texte. En outre, c’est important, le statut des associations de chasse agréées a été préservé. Tout cela est positif.
Cela a été souligné à plusieurs reprises, le Sénat a apporté sa pierre à l’édifice, sur la gouvernance, sur la sécurité – je pense aux deux amendements du Gouvernement. Nous en avions discuté, madame la secrétaire d’État, et je tiens à souligner votre capacité de dialogue et votre ouverture, dont je vous remercie. Nous avons aussi introduit des mesures pour limiter les dégâts de grand gibier et les engrillagements. Tout cela va dans le bon sens.
Néanmoins, nous avons un sentiment d’inachevé sur certains dossiers. Je ne reviendrai pas plus longuement sur ce fameux délit d’entrave, qui a créé beaucoup de crispations et qui a suscité beaucoup de discussions. Cela dit, nous avons pris note de votre engagement, madame la secrétaire d’État, et de celui de la présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale d’envisager favorablement la proposition de loi que j’ai déposée il y a déjà quelque temps et qui sera très probablement débattue au Sénat au mois d’octobre.
Sur d’autres sujets, je le répète, nous avons un sentiment d’inachevé, voire de frustration.
Je pense tout d’abord aux agents contractuels des fédérations de chasseurs, qui voient leurs pouvoirs régresser quelque peu. Ils sont pourtant à la disposition du monde de la chasse et ils peuvent tout à fait être complémentaires des inspecteurs de l’environnement. Il y a là une réflexion à conduire avec vos services pour essayer de faire évoluer leur statut.
Je pense également à la contribution à l’hectare. Jean-Claude Luche l’a souligné, beaucoup de départements sont un peu réservés à cet égard. Nous n’avons pas pu maintenir la généralisation de cette contribution pour tous les territoires non chassés en raison d’un problème : un non-adhérent à la fédération des chasseurs ne peut pas cotiser à la fédération. Nous avons donc émis l’idée, en commission mixte paritaire, de discuter d’une solution dans le cadre de la loi de finances pour mettre en œuvre cette contribution généralisée à l’hectare.
Surtout, et M. Dantec et moi allons nous heurter de front,…
M. Ronan Dantec. Oh, je fais tout pour l’éviter ! (Sourires.)
M. Jean-Noël Cardoux. … la plus grande frustration que nous avons pu avoir procède du refus, par la rapporteure de l’Assemblée nationale, de la sanctuarisation des chasses traditionnelles et de la prise en compte de la notion de chasse durable pour la mise en œuvre de la gestion adaptative. Ce faisant, la tendance écologiste a révélé les limites que montrera, on peut le craindre, l’Office français de la biodiversité.
Monsieur Dantec, je crois que nous finirons l’un et l’autre notre mandat de sénateur sans jamais tomber d’accord.
M. Ronan Dantec. Je le souhaite, pourtant !
M. Jean-Noël Cardoux. Nous sommes cependant d’accord sur une chose : face au combat extrêmement difficile que nous allons devoir mener dans les mois et les années à venir pour la défense de l’environnement, chasseurs, pêcheurs et écologistes doivent se poser non pas en adversaires (M. Ronan Dantec applaudit.), mais en partenaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)
M. Ronan Dantec. Bravo !
M. Jean-Noël Cardoux. Reste que les moyens pour y parvenir ne sont pas du tout ceux que vous préconisez. Nous pourrions en parler longtemps, en évoquant la tourterelle, les quotas ou encore le comité d’experts… Vos propos sont mal perçus par les gens modestes…
M. Ronan Dantec. Mais non !
M. Jean-Noël Cardoux. … de la base, du monde rural, par les gens qui veulent continuer de vivre dans le milieu qu’ils préfèrent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai souvenir d’avoir, voilà près de vingt ans, fait voter par l’Assemblée nationale une loi relative à la chasse. Cette loi avait suscité tellement de passions et d’excès, même s’il s’est finalement avéré, à l’usage, que ce texte permettait de rétablir les équilibres et d’engendrer une chasse apaisée et durable, que je redoutais un peu que le présent projet de loi, intervenant presque deux décennies plus tard, suscite les mêmes passions et les mêmes excès. Or je m’aperçois que ce texte, qui aboutit aujourd’hui à son terme, a été examiné dans un climat apaisé, qu’il a donné lieu à des négociations, à des discussions, même si chacun sur ces travées a fait valoir les droits des territoires qu’il défendait et de la ruralité, mais avec beaucoup de responsabilité.
Je veux saluer le travail de tous les parlementaires, des membres du groupe d’études « Chasse et pêche » et des rapporteurs, mais aussi le vôtre, madame la secrétaire d’État, et celui de Sébastien Lecornu. Vous avez su conduire avec succès les concertations et les négociations qui ont abouti à ce texte d’équilibre, qui donnera satisfaction, je l’espère, tant aux environnementalistes qu’aux chasseurs.
Ce projet de loi est issu d’un document adopté à 98 % par les chasseurs, il y a deux ans, et qui a ensuite été négocié avec le Gouvernement. Il procède aussi de la volonté du chef de l’État et de Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs, qui, avec beaucoup de témérité et de courage, mais aussi en acceptant des concessions, a permis que ce texte soit élaboré et adopté en incluant des éléments non seulement pour la chasse, mais aussi pour la biodiversité.
Ce texte ne comporte pas seulement le permis à 200 euros. Cela dit, si ce dispositif est l’occasion d’élargir le nombre de chasseurs et d’engendrer plus de mobilité pour la chasse, il représente aussi une redoutable responsabilité pour le monde de la chasse, qui doit assumer les dégâts de gibier – un vrai problème pour les maires ruraux –, au travers de la taxe à l’hectare, évoquée à l’instant. On le sait, les dégâts de gibier se concentrent sur peu de départements et, au sein de ces départements, sur peu de communes. C’est aux fédérations des chasseurs de l’assumer pleinement, et je crois qu’elles le font aujourd’hui avec beaucoup de responsabilité.
Je suis fier que l’éco-contribution de 5 euros par permis de chasse, complétée par une contribution de l’État de 10 euros, soit répartie à l’échelle nationale pour financer non pas des territoires ou des fédérations, mais des projets. Ainsi, là où il y aura de bons projets pour la biodiversité, la Fédération nationale saura, j’en suis convaincu, étudier ces projets et les assumer pleinement.
Je sais que cela a été un sujet de débat entre nous, mais la raison l’a emporté. Ce qui compte, c’est le financement de projets de biodiversité et non une répartition en fonction du nombre de chasseurs. Sans cela, les grosses fédérations – je n’en citerai pas –, qui comptent jusqu’à 30 000 chasseurs, auraient beaucoup d’argent et peut-être peu de projets, et, inversement, les petites fédérations, ayant peu d’argent parce qu’elles comptent peu de chasseurs, ne pourraient pas financer leurs projets.
Je suis de ceux qui croient que l’argent de l’eau doit aller à l’eau et que l’argent de la chasse doit aller à la chasse. Cependant, pour mettre en œuvre la réforme, nous avions besoin, pour cette première année, de financements croisés. Pour les années à venir, ce sera à l’État, dans le cadre de ses fonctions régaliennes, d’assumer l’expertise en matière de biodiversité. Nous devons œuvrer en ce sens, afin d’obtenir non plus des financements croisés, mais des financements dédiés.
Un autre sujet est celui de la gestion adaptative. Qui aurait pu croire, voilà deux ans, que nous aboutirions à un consensus en la matière ? Aujourd’hui, il existe un effet de cliquet, qui fait qu’une espèce est classée non chassable ou chassable à vie. Pourtant, certaines sont en expansion. Je pense notamment aux cormorans ou aux goélands. Nous évoquerons tout à l’heure le problème de la tourterelle des bois. J’ai apporté des éléments de réponse sur ce sujet à mon ami Ronan Dantec.
La disparition de cet effet de cliquet permettra une gestion intelligente des espèces, grâce à l’expertise de l’Office, dans un esprit de responsabilité et une volonté de sauvegarde des espèces.
J’évoquerai enfin la police rurale. Je crois que nous serons, demain, le seul pays en Europe à avoir une vraie police rurale, ce qui répond à la demande des maires ruraux et des agriculteurs. Plutôt que de s’arc-bouter sur le mot d’ordre « Touche pas à mon office » ou de tenter de récupérer certaines prérogatives, mieux valait mettre en place cette police rurale, qui sera en mesure d’agir sur tout le territoire, dans le cadre d’une plus grande proximité et d’une meilleure efficacité. C’est l’une des grandes avancées de ce texte.
À l’instant, M. le président du groupe d’études « Chasse et pêche » évoquait le problème des agents de développement des fédérations. J’ai une part de responsabilité à cet égard. Toutefois, je m’en suis entretenu avec vous, madame la secrétaire d’État, nous pourrons examiner, dans le cadre d’une évolution future, la manière de redonner aux agents de développement le pouvoir de verbaliser partout sur le territoire.
Ce texte n’est pas seulement relatif à la chasse, il porte aussi sur la ruralité et la biodiversité. Il permettra, ce qui est notre responsabilité à tous, une chasse apaisée, reconnue comme telle, et de respecter nos exigences environnementales. Telles sont les raisons pour lesquelles nous le voterons. (M. Arnaud de Belenet applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nous examinons les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité. Cette CMP s’est finalement avérée conclusive, ce que nous n’espérions plus, tant le texte de l’Assemblée nationale avait été dénaturé par le Sénat.
À contre-courant des attentes de nos concitoyens, certains auraient bien voulu transformer ce texte important pour la biodiversité en texte pour la chasse et pour les chasseurs.
Néanmoins, c’est avec soulagement que nous accueillons finalement ce compromis, proche du texte de l’Assemblée nationale. Le projet de loi, qui vise à renforcer les moyens de l’action publique pour défendre la biodiversité, n’a pas été, au bout du compte, trop dévoyé. C’est un soulagement, car certaines dispositions votées au Sénat étaient de nature à aggraver l’effondrement en cours de la biodiversité. Je pense notamment à l’autorisation de techniques d’un autre temps, comme la chasse à la glu, ou à l’extension de la chasse aux oiseaux migrateurs, proposées alors même que la France a perdu près du tiers de ses oiseaux depuis le début du siècle.
Je peux rassurer mes amis chasseurs : ils seront toujours autorisés à chasser une vingtaine d’espèces d’oiseaux menacés et pourront même chasser deux nouvelles espèces.
C’est également un immense soulagement de voir disparaître l’odieux délit d’entrave à la chasse, qui remettait en cause l’accès pour tous à la nature et ravivait des clivages inutiles entre les différents usagers. Les trop nombreux accidents de chasse ayant coûté la vie à des promeneurs nous rappellent qu’une réflexion devra être menée, pour garantir à chacun un accès, en toute sécurité, à l’espace naturel, qui constitue notre patrimoine commun.
Ces scories retirées, nous pouvons nous féliciter du renforcement des prérogatives des inspecteurs de l’environnement, des nouvelles dispositions permettant de mieux protéger la biodiversité ultramarine ou de celles permettant de lutter contre la biopiraterie.
Nous saluons la création d’un établissement unique doté de moyens mutualisés, bien qu’insuffisants, pour agir au service de la reconquête de la biodiversité, souhaitée par toutes les associations de protection de l’environnement depuis le Grenelle.
Toutefois, sur certains points, notre inquiétude demeure.
Premièrement, l’affectation de 15 millions d’euros d’argent public à un fonds géré par la Fédération nationale des chasseurs, et dont l’utilisation est renvoyée à une éventuelle convention postérieure, dans le cadre d’un procédé peu transparent, alors même que le nouvel office manque de moyens financiers, que l’on ponctionne encore le budget des agences de l’eau pour le financer, que la suppression des postes d’inspecteurs de l’environnement se poursuit et que l’on déplore des trous dans la raquette en termes de maillage territorial.
Nous espérons que le prochain budget actera le début des subsides promis à l’époque par Nicolas Hulot, à savoir 600 millions d’euros supplémentaires pour le plan Biodiversité. Vous n’avez pas jugé opportun, madame la secrétaire d’État, de les inscrire dans le dernier projet de loi de finances, préférant créer ce nouvel office avec un déficit structurel de près de 40 millions d’euros. Nous vous demandons de rassurer la représentation nationale sur ce point. Vous venez de le confirmer, il n’y aura pas de nouveaux prélèvements sur les agences de l’eau, ce dont je me félicite. La sanctuarisation du budget de l’OFB est indispensable. Ponctionner les agences, c’est limiter les investissements en matière d’eau potable et d’assainissement, donc agir moins en faveur de la biodiversité. Ce serait un comble, au moment où l’on demande aux intercommunalités de prendre la compétence eau et assainissement et où les besoins d’investissements sont croissants, alors même que les Assises de l’eau mettent en lumière d’importants besoins liés aux conséquences des changements climatiques sur l’état et la répartition des masses d’eau !
Comme je l’évoquais en première lecture, le Gouvernement est devenu spécialiste en « plomberie administrative » : on réorganise, tout en espérant améliorer l’action publique à moyens constants, voire pire, avec moins de moyens. On doit vous reconnaître un certain talent dans la gestion de la pénurie. Néanmoins, quelle que soit l’efficacité opérationnelle du nouvel office, il ne pourra pas grand-chose sans moyens, et notamment sans moyens humains.
Les syndicats de personnel dénoncent un plan social : la suppression de 127 postes, soit 5 % des effectifs. Triste incohérence ! Allez-vous stopper l’hémorragie humaine que connaît votre ministère ? Ce serait une nécessité pour déployer correctement l’Office dans les territoires. Le débat parlementaire n’aura malheureusement pas permis de lever cette inquiétude, pourtant soulevée dès la première lecture par la rapporteure à l’Assemblée nationale. Dans de nombreux départements, les effectifs planchers de l’office ne sont pas atteints. La présence des agents sur le terrain est pourtant la raison d’être d’une telle administration, qui ne pourra pas préserver la biodiversité depuis des bureaux parisiens.
Il faudra des agents sur le terrain, notamment pour déployer le plan Loup, qui est censé soutenir et accompagner le pastoralisme, améliorer les connaissances et expérimenter de nouvelles méthodes, indemniser les éleveurs et réguler les populations de loups ; un plan qui, pour l’instant, n’est pas entièrement financé. Assurer une inévitable cohabitation nécessite, sur le long terme, des moyens financiers et humains.
Dernier motif d’inquiétude : le compromis trouvé en CMP, qui voit l’État renoncer à sa majorité au sein du conseil d’administration de l’Office. Au regard des missions de police qui lui sont confiées, une telle décision est loin d’être anodine. Nous en sommes réduits à gager la responsabilité de tous les acteurs, ce qui n’est pas complètement rassurant.
Si nous regrettons également que des propositions intéressantes visant à améliorer la gestion des dégâts de gibier sur les ressources forestières aient fait les frais des âpres négociations qui se sont déroulées en CMP, nous savons parfois avoir le sens du compromis. Nous voterons donc en faveur de cette dernière mouture.