Mme la présidente. L’amendement n° 701 est retiré.
Chapitre II
Développer une offre hospitalière de proximité, ouverte sur la ville et le secteur médico-social, et renforcer la gradation des soins
Article 8
I A. – L’article L. 6111-3-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 6111-3-1. – I. – Les hôpitaux de proximité sont des établissements de santé publics ou privés, ou des sites identifiés de ces établissements. Ils assurent le premier niveau de la gradation des soins hospitaliers et orientent les patients qui le nécessitent, conformément au principe de pertinence des soins, vers les établissements de santé de recours et de référence ou vers les autres structures adaptées à leurs besoins. Les missions des hôpitaux de proximité sont exercées avec la participation conjointe des structures et des professionnels de la médecine ambulatoire et en complémentarité avec ces acteurs avec lesquels ils partagent une responsabilité territoriale pour assurer la permanence des soins et la continuité des prises en charge.
« II. – En prenant en compte les projets de santé des communautés professionnelles territoriales de santé et en coopération avec les structures et les professionnels de la médecine ambulatoire, les établissements et les services médico-sociaux et d’autres établissements et acteurs de santé, dont les établissements d’hospitalisation à domicile, les hôpitaux de proximité :
« 1° Apportent un appui aux professionnels de santé de ville et aux autres acteurs de l’offre de soins pour répondre aux besoins de la population, notamment le cadre hospitalier nécessaire à ces acteurs pour y poursuivre la prise en charge de leurs patients lorsque l’état de ces derniers le nécessite ;
« 2° Favorisent la prise en charge des personnes en situation de vulnérabilité et leur maintien dans leur lieu de vie, en liaison avec le médecin traitant ;
« 3° Participent à la prévention et la mise en place d’actions de promotion de la santé sur le territoire.
« III. – Pour la réalisation, dans des conditions garantissant la qualité et la sécurité des soins, des missions définies aux I et II, de façon obligatoire, les hôpitaux de proximité exercent une activité de médecine, qui comprend, le cas échéant, des actes techniques, proposent, en complémentarité avec l’offre libérale disponible au niveau du territoire, des consultations de plusieurs spécialités, disposent ou donnent accès à des plateaux techniques d’imagerie et de biologie médicale et n’exercent pas d’activité de chirurgie ni d’obstétrique.
« À titre dérogatoire et dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, pour favoriser l’accès aux soins et au regard des besoins de la population et de l’offre présente sur le territoire concerné, un hôpital de proximité peut, sur décision du directeur général de l’agence régionale de santé, pratiquer certains actes chirurgicaux programmés. Le ministre chargé de la santé fixe par arrêté la liste limitative des actes pouvant intégrer ces dérogations, après avis conforme de la Haute Autorité de santé.
« En fonction des besoins de la population et de l’offre de soins présente sur les territoires sur lesquels ils sont implantés, les hôpitaux de proximité exercent d’autres activités, notamment la médecine d’urgence, les activités prénatales et postnatales, les soins de suite et de réadaptation ainsi que les activités de soins palliatifs, et peuvent apporter leur expertise aux autres acteurs par le biais d’équipes mobiles.
« IV. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. »
I. – (Non modifié) Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, en vue de renforcer et développer des établissements de santé de proximité qui assurent le premier niveau de gradation des soins hospitaliers, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi visant à :
1° (Supprimé)
2° Déterminer les modalités selon lesquelles la liste des établissements de santé de proximité est établie par l’autorité compétente ;
3° Définir les modalités d’organisation, de fonctionnement et de gouvernance de ces établissements, notamment en ouvrant leur gouvernance aux acteurs du système de santé du territoire concerné ;
4° Déterminer dans quelles conditions ces dispositions peuvent être applicables à une structure dépourvue de la personnalité morale et partie d’une entité juridique.
II. – (Non modifié) Les ordonnances sont prises dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi. Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
III. – (Non modifié) Le I A entre en vigueur à une date définie par décret, et au plus tard le 1er janvier 2021.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 8 est extrêmement important, car il détermine le maillage hospitalier dans nos territoires. Nous ne sommes pas par principe opposés à la gradation des soins en trois niveaux. Ce qui nous pose problème, c’est que cette gradation va se mettre en place, alors que nous assistons à une dynamique de concentration des services spécialisés dans les grandes métropoles.
La gradation des soins en trois niveaux inquiète et le recours aux ordonnances pour déterminer la liste des hôpitaux qui seront labellisés « établissements de proximité » renforce cette inquiétude.
Prenons l’exemple de mon département, le Pas-de-Calais. Je pourrais vous parler de la plupart des hôpitaux qui s’y trouvent, que ce soit ceux d’Hénin-Beaumont ou de Béthune, mais j’évoquerai seulement celui de Lens qui subit depuis plusieurs années des réductions de personnels et des fermetures de lits – encore récemment, dix lits ont été supprimés dans sa maternité.
Si je reprends votre triptyque, madame la ministre, quel est l’avenir de cet établissement qui est indispensable pour des milliers d’habitants du bassin minier ? Actuellement, le centre hospitalier de Lens dispose de services de chirurgie, d’urgences, de pédiatrie, d’imagerie médicale, de psychiatrie, de cardiologie et de gériatrie, ainsi que d’une maternité et d’un laboratoire.
Demain, l’hôpital de Lens sera-t-il considéré comme un hôpital de niveau 1, 2 ou 3 ?
S’il est labellisé hôpital de proximité, les services d’urgences, de cardiologie, de gériatrie, de chirurgie, d’obstétrique et d’imagerie devront, selon votre définition, disparaître.
S’il est reconnu comme un hôpital de niveau 2, dit « hôpital spécialisé », il pourra conserver son service de chirurgie et sa maternité, mais il devra se séparer de ses services de chirurgie infantile et gynécologique.
Enfin, s’il est considéré comme un « hôpital de pointe », les services de chirurgie infantile et de gynécologie seront conservés, mais les services de premier recours seront supprimés – dans ce cas, où vont aller les patients ?
Par conséquent, avec votre projet d’organisation en trois niveaux, les hôpitaux vont forcément fermer des services et l’accès aux soins se dégradera.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.
M. Bernard Jomier. Avec l’article 8 et à la suite de nos échanges sur les CPTS – les communautés professionnelles territoriales de santé –, nous poursuivons un débat qui est au cœur de la transformation de notre système de santé, celui de la structuration d’un véritable réseau d’offre de soins de proximité.
Ainsi, à rebours de la logique de surconcentration des moyens spécialisés dans les gros établissements, logique qui s’impose depuis la loi HPST comme l’évolution « naturelle » du système de santé, vous faites le choix d’amorcer un rééquilibrage en faveur de l’offre de proximité qu’appelaient de leurs vœux collectivités locales, élus et citoyens. Ce rééquilibrage est conforme aux objectifs de santé publique que nous promouvons et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Mais si nous souscrivons aux grandes orientations, nous souhaitons débattre plus précisément du contenu des missions de ces établissements de santé. Les enjeux sont importants, ils ne sont pas seulement techniques, mais éminemment politiques. Renvoyer l’intégralité de la définition de ces hôpitaux à la voie réglementaire, comme vous entendiez le faire dans le projet de loi initial, n’était pas acceptable. Vous avez bien voulu préciser votre projet, nous proposerons d’y ajouter un certain nombre d’éléments.
Parmi nos propositions figure celle visant l’obstétrique. Le maintien d’une offre de maternités sur l’ensemble de notre territoire est un enjeu majeur, alors que les inégalités actuelles sont criantes.
Par ailleurs, je me permets d’insister sur l’enjeu de l’accès aux plateaux techniques pour des professionnels libéraux extérieurs. En effet, les acteurs concernés nous ont alertés sur les difficultés que peuvent éprouver certains professionnels en la matière, notamment les sages-femmes libérales, ce qui limite malheureusement leur activité.
Enfin, je me permets d’anticiper un peu le débat, mais l’article 8 ne peut pas être considéré séparément de l’article 9, par lequel vous nous demandez de vous confier un blanc-seing concernant les régimes d’autorisation des activités de soins.
Un parlementaire ne peut pas accepter que des questions aussi lourdes et signifiantes politiquement que celles relatives aux hôpitaux de proximité et aux régimes d’autorisation des activités de soins soient traitées par des ordonnances.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. L’article 8 du présent projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à réaliser par voie d’ordonnances une révision de la carte hospitalière et entend reconfigurer l’offre de soins hospitaliers dans une logique de gradation des soins.
Tout d’abord, le recours à des ordonnances témoigne de la volonté du Gouvernement d’écarter le législateur d’une question d’intérêt général, celle du maillage territorial du service public hospitalier. Il est très curieux de vouloir s’exonérer d’une discussion avec les parlementaires et les professionnels de santé sur un tel sujet.
La révision de la carte hospitalière en trois niveaux laisse présager une restructuration des hôpitaux par la fermeture, au sein des petites structures hospitalières, de différents services de soins spécialisés. Pour citer quelques exemples, l’accès à des services de maternité, de chirurgie ou d’obstétrique n’est nullement proposé comme critère de définition des hôpitaux de proximité. Certaines maternités seront transformées en centres de périnatalité, où ne sont pas réalisés des actes d’accouchement.
Vous allez me dire que nombre de nos voisins européens fonctionnent ainsi, que c’est une vision moderne de la santé et que cette gradation des centres de soins est un gage de qualité. En réalité, votre vision est purement comptable. Cette réorganisation n’a qu’un seul but : réduire les coûts !
Je ne pense pas que nous améliorerons notre système de santé en éloignant toujours plus les services de soins des habitants. La métropolisation de la santé que vous proposez est particulièrement discriminatoire : d’un côté, les habitants des grandes villes qui peuvent accéder à des centres modernes et performants, de l’autre, les habitants des champs qui doivent parcourir plusieurs kilomètres pour une urgence ou un accouchement – plus d’une heure vingt pour les habitants de Die, où la maternité a fermé !
Hier soir, nous avons beaucoup parlé des déserts médicaux, les – fameuses – zones sans blouses blanches, mais chacun sait très bien que la présence d’hôpitaux avec spécialités et répartis sur le territoire favorise l’installation de médecins et participe d’une organisation équilibrée de l’offre de soins. Où est donc la logique ?
Le 25 avril, Emmanuel Macron s’est engagé à ce qu’il n’y ait plus, d’ici à la fin du quinquennat, de nouvelles fermetures d’hôpitaux ni de maternités. Certes, vous ne fermerez pas d’établissement – le mal a déjà été fait… –, mais vous ferez de nombre d’entre eux des coquilles vides et vous institutionnalisez une santé à deux vitesses.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile, sur l’article.
M. Dominique Théophile. L’article 8 définit le périmètre d’intervention des hôpitaux de proximité, en leur fixant des missions socles, principalement la médecine, l’imagerie et la biologie, mais également des missions spécialisées jusqu’à la petite chirurgie, ce qui peut rendre ces établissements attrayants aux yeux des médecins spécialistes. Il leur ouvre également la possibilité de se voir autoriser d’autres activités optionnelles, comme les soins de suite et de réadaptation, ainsi que les soins palliatifs grâce aux équipes mobiles.
Or l’activité de médecine a été supprimée pour des raisons de réduction des dépenses dans nombre d’établissements, notamment dans les ex-hôpitaux locaux, qui bénéficiaient auparavant de cette activité pour des raisons historiques, ce qui permettait aux médecins libéraux généralistes, voire à des spécialistes, d’entretenir un contact bénéfique avec le monde hospitalier. Il est à craindre que ce type d’établissement ne puisse bénéficier de la réforme prévue dans ce projet de loi en dépit de leur grande utilité dans l’organisation de notre système de santé.
Les conditions imposées par l’article 8 font de la médecine l’activité socle obligatoire, sans laquelle plus d’un tiers des ex-hôpitaux locaux, ceux qui ne remplissent pas cette condition, puisque cette activité leur a été enlevée, se trouveront exclus de facto de la réforme.
Dans ce cas, madame la ministre, serait-il possible d’imaginer que des établissements dépourvus d’activité de médecine pour les raisons évoquées précédemment, mais ayant une activité de soins de suite principale, ce qui ne les place pas au premier niveau de gradation, puissent postuler à cette labellisation et participer de la sorte aux missions d’un hôpital de proximité, quand ils y sont prêts ? Ils sont nombreux dans cette situation, la presse s’en fait l’écho.
C’est le cas en Guadeloupe du centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau, dont les activités de médecine – médecine générale et hospitalisation à domicile – ont été supprimées pour les raisons que j’ai évoquées. Cet établissement public de santé vient d’être reconstruit pour plus de 85 millions d’euros d’investissement, il est situé dans un bassin de vie regroupant trois communes et comptabilisant environ 60 000 habitants et il présente toutes les garanties d’accueil, mais il souffre visiblement d’un déficit d’autorisations d’activité pour remplir l’ensemble de ses lits et rendre un service efficace à la population.
Je souhaiterais connaître les garanties qui peuvent être apportées quant à l’avenir de ces établissements. L’absence d’une activité de médecine ne leur permettrait pas d’intégrer le statut des établissements de proximité, alors qu’ils remplissent les conditions pour y prétendre.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. L’article 8 se situe dans le chapitre II qui est intitulé « Développer une offre hospitalière de proximité, ouverte sur la ville et le secteur médico-social, et renforcer la gradation des soins ». Je souhaiterais apporter les éléments de réflexion suivants.
La notion d’établissement public de santé a été introduite par la loi de réforme hospitalière du 31 juillet 1991 pour remplacer l’expression d’« hôpitaux et hospices publics ». Le rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie sur la transformation du système de santé, publié en juin 2018, a plaidé pour la création d’établissements de santé communautaires de proximité. Je cite ce rapport : « Les missions de ces structures en continuité de la prise en charge des médecins de ville lors de situations de rupture nécessitant un plateau technique léger – radiologie, biologie – et/ou un hébergement sont spécifiques. Elles seront animées et gérées par des médecins généralistes en lien direct avec le secteur ambulatoire, notamment les CPTS. L’admission des patients serait facilitée par un lien direct entre leur médecin traitant et le médecin généraliste de l’établissement afin de fluidifier les parcours des patients, notamment les personnes âgées. »
La majorité des hôpitaux gère des situations graves ou compliquées, ils privilégient les explorations complémentaires et le recours aux plateaux techniques lourds afin d’aboutir à un diagnostic étiologique.
Identifier un niveau intermédiaire spécifique, du type établissement de santé de proximité, en lieu et place de la dénomination « hôpital de proximité », permet de clarifier les niveaux de recours au sein de l’organisation du système de santé et donne de la visibilité dans le parcours de soins, en cohérence avec la gradation des niveaux de recours ambulatoires – équipe de soins primaires, maison de santé pluridisciplinaire, centre de santé, communauté professionnelle territoriale de santé – et hospitaliers.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, sur l’article.
Mme Victoire Jasmin. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation particulière de l’archipel guadeloupéen. Je sais que vous êtes déjà très impliquée, notamment sur la question du nouvel hôpital, mais vous devez aussi savoir que beaucoup de médecins et de professionnels de santé sont, aujourd’hui, en très grande souffrance – un récent sondage l’a montré.
Je souhaite que vous teniez compte de cette situation et des contraintes particulières de l’aménagement du territoire dans notre archipel.
Certains hôpitaux de proximité répondent aux critères que vous mettez en avant : l’hôpital Maurice-Selbonne dispose d’un plateau technique, d’un service de radiologie et d’un laboratoire ; l’hôpital de Marie-Galante dispose également d’un plateau technique, mais aussi d’un bloc opératoire ; l’hôpital de Capesterre-Belle-Eau vient d’être évoqué par mon collègue Dominique Théophile.
Lors du récent examen au Sénat du projet de loi d’orientation des mobilités, j’ai évoqué les difficultés de notre territoire du fait de sa double insularité. Les mêmes difficultés existent en matière de santé pour accéder aux hôpitaux et aux médecins spécialistes, ce qui entraîne de réelles pertes de chances. Il y a vraiment fort à faire chez nous !
L’hôpital de Capesterre-Belle-Eau est neuf, il répond pratiquement à toutes les normes que vous préconisez, madame la ministre, il a des places disponibles et plusieurs médecins de ville souhaitent travailler avec l’équipe hospitalière.
Madame la ministre, je sais que vous avez pris un certain nombre de décisions, mais je souhaiterais vraiment que votre ministère prenne en considération la situation particulière de notre territoire, lorsqu’il appliquera les critères qui sont évoqués, car les pertes de chances, je le redis, y sont réelles. Je rappelle que la situation, qui était déjà difficile, s’est encore dégradée à la suite de l’incendie du CHU.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 309 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 355 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, MM. Arnell, Artano, Cabanel, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold et Jeansannetas, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux et Vall.
L’amendement n° 773 rectifié est présenté par MM. Gremillet, Pierre, Raison, D. Laurent et Panunzi, Mmes Thomas, Chain-Larché et Deromedi, M. Pointereau, Mmes Garriaud-Maylam et Malet, MM. Brisson et Reichardt, Mme Imbert, MM. Bonhomme et Karoutchi, Mme Lassarade et MM. de Nicolaÿ, Chatillon et Magras.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 309.
Mme Laurence Cohen. La nouvelle définition retenue par le Gouvernement va transformer les hôpitaux de proximité en véritables coquilles vides. Ils exerceront exclusivement une activité de médecine ou de soins de suite et de réadaptation. Leur rôle consistera essentiellement à réorienter les patients vers des hôpitaux de niveau 2 ou 3, en fonction de la gravité des maladies et de la spécificité des traitements.
Nous aurons ainsi des hôpitaux de seconde zone dans les territoires ruraux et périurbains et des services spécialisés et de pointe dans les métropoles et les grands pôles urbains.
J’attire l’attention de mes collègues qui sont très sensibles à l’installation de jeunes médecins en libéral dans les zones sous-denses – ils étaient très nombreux hier, mais beaucoup ne sont pas présents ce soir… Pensez-vous vraiment, mes chers collègues, que ces hôpitaux dits de proximité, qui seront sans spécialités, permettront d’attirer les jeunes médecins ? Pensez-vous vraiment que de tels établissements encourageront d’autres jeunes médecins à s’installer dans des cabinets libéraux ? Je ne le pense pas !
Depuis près de trente ans, les politiques successives ont affaibli ce qui constitue la colonne vertébrale de notre système public de santé : l’hôpital public. Nous avons vécu une succession de fermetures d’établissements, parmi lesquels de nombreuses maternités, souvent sous le prétexte de l’impossibilité d’assurer la sécurité des patientes.
Aujourd’hui, c’est au nom de la pénurie médicale, qui est notamment le résultat de la mise en place d’un numerus clausus mortifère, que vous créez ces hôpitaux de proximité.
Le maillage d’hôpitaux de proximité doit être totalement différent : il doit évidemment être maintenu, mais il doit même être développé, en s’inscrivant dans une politique d’aménagement du territoire.
Nous portons avec force une autre conception de l’hôpital de proximité, qui doit être un établissement doté d’un service d’urgences, d’une maternité de niveau 1 et de services de médecine et de chirurgie – à l’heure où vous prônez l’ambulatoire, il revient peut-être au chirurgien de se déplacer, et non pas aux établissements de fermer… Ces établissements doivent aussi être dotés de services de soins de suite et de structures pour les personnes âgées et être en lien avec un réseau de centres de santé et la psychiatrie de secteur.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Mme Michelle Gréaume. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 355 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 773 rectifié.
M. Daniel Gremillet. À la suite de cette présentation, je ne vais pas allonger nos débats. Le titre de ce chapitre du projet de loi et cet article qui est relatif aux hôpitaux de proximité laissent penser que nos territoires vont s’enrichir de nouveaux services. En ce qui nous concerne, nous estimons qu’il faut aller au-delà de cette présentation et nous avons un certain nombre de craintes.
Nous craignons notamment que cette évolution n’affaiblisse nos territoires, en supprimant notamment des plateaux de chirurgie, et qu’elle n’éloigne encore plus les services hospitaliers des personnes qui en ont besoin. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Nous regrettons le large renvoi aux ordonnances, en particulier sur ce sujet des hôpitaux de proximité qui est crucial pour nos territoires. Je comprends aussi les inquiétudes exprimées. Discuter d’un cadre plus abouti aurait permis de lever un certain nombre d’interrogations quant à l’impact du développement annoncé de ce modèle.
Toutefois, je ne pense pas que la suppression pure et simple de cet article soit une solution raisonnable. Cela ne ferait que reporter la mise en place de la réforme, alors que la rénovation de ce statut peut aussi présenter une opportunité pour repenser la structuration des soins hospitaliers et renforcer la liaison entre la ville et l’hôpital.
J’ajoute que nous ne sommes que le Sénat. Si nous supprimons cet article, nous nous privons d’un moyen de discussion avec l’Assemblée nationale, qui rétablira les ordonnances, ce qui réduira sensiblement notre capacité d’influer sur le texte. Je rappelle qu’une habilitation à légiférer par ordonnances ne nous empêche pas de continuer à travailler sur ces sujets et que le Parlement sera amené à ratifier ces ordonnances. Si nous nous privons de la possibilité d’effectuer ce travail certes modeste, nous nous privons de beaucoup d’autres choses par la suite.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Cet article qui vise à organiser l’offre de soins hospitaliers de proximité constitue l’un des points essentiels du projet de loi.
Je suis évidemment consciente que le fait de demander à légiférer par ordonnances est mal perçu. C’est pourquoi j’ai mené le plus rapidement possible un certain nombre de concertations qui nous ont déjà permis de définir dans le texte les missions des hôpitaux de proximité.
L’habilitation porte donc uniquement sur la gouvernance de ces établissements – nous avons besoin de temps pour mener des concertations complémentaires sur ce sujet. Les questions liées au financement seront traitées – c’est la règle – dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous pouvons évidemment débattre et échanger sur tous ces sujets fondamentaux.
En ce qui concerne les missions, il me semble sincèrement qu’elles correspondent à des besoins bien identifiés, notamment par le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.
Nous avons été sensibles aux remarques qui ont été faites par un certain nombre de députés à l’Assemblée nationale sur la nécessaire différenciation territoriale et le projet de loi a été enrichi sur ce point.
Ainsi, certains hôpitaux de proximité auront la possibilité d’élargir un peu leur panel de soins pour s’adapter à des situations particulières. Des actes de chirurgie ne nécessitant pas une anesthésie générale pourront être pratiqués dans certaines circonstances – la HAS devra travailler sur ce sujet et établir la liste des actes qu’il est possible de pratiquer sans salle de réveil ou sans la présence permanente, 24 heures sur 24, d’un anesthésiste. Nous avons aussi prévu la possibilité pour ces établissements d’ouvrir un centre de périnatalité de proximité ou un service d’urgences – sur ce point, je vous conseille d’aller voir l’exemple de l’hôpital de Pont-Audemer, qui est tout à fait emblématique et qui répond aux besoins des habitants de son territoire.
Enfin, il serait faux de dire que ces établissements ne proposeront pas d’activités de spécialités. Certes, il n’y aura pas d’hospitalisation de spécialités, mais les patients doivent tout de même pouvoir accéder à des soins de recours. C’est pourquoi j’ai souhaité que ces établissements puissent proposer des consultations avancées de spécialités, ce qui est spécifiquement écrit dans le projet de loi.
Je le redis, cet article est un point majeur de la réforme. Nous voulons revitaliser les territoires et réinvestir dans ces hôpitaux. Ainsi, pour favoriser le lien entre la ville et l’hôpital, le texte permet aux médecins généralistes d’y poursuivre la prise en charge de leurs malades. En outre, ces établissements s’inscriront dans les projets de territoires et dans les CPTS.
C’est une pièce importante et ambitieuse de cette réforme. Nous devons évidemment prendre le temps nécessaire pour en débattre, mais je vous demande de ne pas supprimer cet article. Je suis donc défavorable à ces amendements.