M. Martial Bourquin. Absolument !
Mme Dominique Vérien. Libre à lui de faire le choix de cet exercice libéral qu’il revendique ! Je n’y vois aucune difficulté.
Il y a bien, en revanche, un choix concernant la façon dont on dépense l’argent public.
M. Alain Milon, rapporteur. Ce n’est pas de l’argent public !
Mme Dominique Vérien. Il est normal que l’argent public soit dépensé là où l’exige l’aménagement du territoire, donc que les dépenses soient ciblées sur les territoires qui en ont besoin.
On dépense déjà beaucoup d’argent public pour inciter les médecins à venir s’installer ; dépensons-le désormais là où nous avons besoin que des médecins s’installent. Si des médecins souhaitent s’installer à Cannes ou à Nice, libre à eux ! Il n’y a pas de raison que l’argent public les y aide. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Martial Bourquin. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour explication de vote.
Mme Martine Filleul. Je souhaite rectifier l’amendement n° 178 rectifié bis, qui a été présenté et cosigné par les sénateurs socialistes de la commission de l’aménagement du territoire, MM. Joël Bigot, Claude Bérit-Débat et moi-même, afin de le rendre identique à l’amendement n° 421 de M. Longeot, tel que celui-ci vient lui-même d’être rectifié.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 178 rectifié ter, présenté par MM. Joël Bigot et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Sueur, Montaugé, Vaugrenard, Todeschini et Marie, Mme Lepage, M. M. Bourquin, Mme G. Jourda, MM. P. Joly, Duran et Lurel, Mmes Artigalas et Grelet-Certenais, MM. Manable et Tissot, Mme Taillé-Polian, MM. Courteau et Temal et Mme Monier, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 421 rectifié.
La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je vais d’abord répondre à quelques-uns des propos de Mme la ministre ; pas à tous, malheureusement, puisque je n’ai pas – c’est bien normal – le même temps de parole qu’elle.
Madame la ministre, vous nous expliquez que vos positions politiques diffèrent de celles de vos prédécesseurs ; vous proposez pourtant exactement les mêmes remèdes !
M. Martial Bourquin. Très juste !
Mme Laurence Cohen. On ne peut pas continuer comme ça !
M. Hervé Maurey. On pourrait s’amuser à comparer les propos de Mme Bachelot, en son temps, et les vôtres : c’est exactement la même chose !
Mme Bachelot, ici même, en 2009, nous promettait que les choses seraient réglées dans les dix ans – je tiens ses déclarations à votre disposition. Vous ne nous dites certes pas que le problème sera réglé en 2019, et pour cause ; vous nous dites qu’il le sera en 2025.
Vous nous dites également qu’il n’y a pas de zones surdenses. Mais, madame la ministre, si vous voulez, je vous trouve un rendez-vous chez un spécialiste, dans le quartier, dans moins d’une semaine ! (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.) Hier, j’ai rencontré un maire qui, dans mon département, avait obtenu un rendez-vous chez un ophtalmologue… en février prochain.
On nous explique que l’on risque, en France, d’avoir une médecine à deux vitesses. Mais ce n’est pas la médecine qui est à deux vitesses aujourd’hui ; c’est la France ! Les citoyens sont totalement inégaux devant l’accès aux soins ; telle est la réalité.
Quand vous nous dites que l’Allemagne a dû constater que la régulation était un échec, c’est totalement faux,…
M. Martial Bourquin. Totalement !
M. Hervé Maurey. … et vous le savez très bien, puisque, très récemment, le 6 mai 2019 – ce n’est pas ancien ! –, les Allemands ont voté une loi qui confirme la régulation et qui donne simplement un peu plus de pouvoir aux régions. Il faut donc cesser de nous dire des choses inexactes.
Comme mon collègue Jean-Pierre Sueur, je suis très choqué par l’argument selon lequel un médecin qui serait installé en un lieu où il n’avait pas envie d’aller soignerait mal ses patients.
Je l’ai d’ailleurs entendu, cet argument – je vais vous apprendre quelque chose, madame la ministre –, dans la bouche de Nicolas Sarkozy, pendant la campagne de 2012, et cela m’avait beaucoup choqué. J’ai suffisamment de respect pour les médecins pour ne pas imaginer un seul instant qu’ils soigneraient moins bien des patients au motif qu’ils seraient installés là où ils ne veulent pas être.
Je voterai évidemment tous ces amendements, car la preuve est faite, malheureusement, que l’incitation ne fonctionne pas. Aujourd’hui, on voit bien que nos concitoyens nous demandent des mesures fortes : le grand débat l’a montré, les sondages le montrent.
Surtout – ce sera ma conclusion –, je crains beaucoup que n’advienne demain un drame sanitaire dans ce pays. Quand vous avez à attendre des mois pour voir un spécialiste, en effet, il arrive que cela ne vaille même plus la peine, le jour venu, de se rendre au rendez-vous. Il y a là une véritable inégalité, que je ne puis admettre et dont je suis choqué que vous puissiez l’accepter ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.
M. Patrice Joly. Vous nous avez dit, madame la ministre, que le manque de généralistes et de spécialistes affectait l’ensemble du territoire français. Mais c’est justement parce que les médecins sont en nombre insuffisant sur le territoire national que la question de la gestion de leur répartition se pose tout particulièrement.
C’est une gestion de la pénurie qui s’impose, de façon d’autant plus impérieuse que la situation dans laquelle nous sommes est bien celle qui vient d’être décrite par les collègues qui m’ont précédé.
C’est à cette situation que souhaitent répondre les auteurs des présents amendements, qui visent à instaurer des mesures volontaristes fondées en particulier sur les conventionnements. Je veux le redire ici, après d’autres : il est inconcevable d’entendre que des médecins auxquels on imposerait des choses travailleraient moins bien que s’ils étaient complètement libres en matière d’installation.
Cette discussion renvoie à ce qui a été dit sur la manière dont est perçu le travail des fonctionnaires. Il se trouve que je connais et que j’ai travaillé avec des fonctionnaires, sur le plan professionnel et dans l’exercice de mes fonctions électives. Ceux que j’ai rencontrés étaient des gens très engagés, travaillant de manière très consciencieuse.
Il y a là un enjeu d’égal accès à la santé ; c’est particulièrement sensible dans des départements où l’état sanitaire de la population est médiocre, voire mauvais. Une telle situation aggrave l’enjeu de l’accès de ces populations à des médecins qui doivent être en nombre suffisant, et légitime encore un peu plus cette régulation attendue par tous.
Il y va de la responsabilité des autorités politiques en charge de la santé – les Français sauront apprécier. Il y va éventuellement de leur responsabilité judiciaire, qui, un jour ou l’autre, ne manquera pas d’être engagée. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Je voudrais rappeler – sans doute ma voix sera-t-elle dissonante par rapport à toutes celles que nous venons d’entendre – que l’activité libérale perd du terrain.
En 2010, quelque 60 % des médecins choisissaient cette forme d’activité ; aujourd’hui, ce taux n’est plus que de 56 %. Je veux aussi citer de nouveau des chiffres que j’ai donnés hier, parce qu’il me semble tout à fait important de les avoir en tête : ils traduisent le peu d’appétence des médecins, aujourd’hui, pour le choix de la spécialité médecine générale. En 2010, les médecins généralistes étaient au nombre de 94 000 ; aujourd’hui, ils ne sont plus que 87 000.
Il s’agit de gérer cette pénurie. D’un point de vue mathématique, la solution ne viendra pas forcément des amendements qui sont proposés : leurs dispositions ne me paraissent pas fournir la solution.
Des départements comme l’Aveyron ont montré l’exemple – l’un de nos collègues l’a rappelé cet après-midi. Depuis déjà quelques années, un projet d’attractivité du territoire y a été mis en œuvre à destination des professionnels de santé. Aujourd’hui, les médecins qui s’y installent sont aussi nombreux que ceux qui partent. C’est exceptionnel ! D’autres départements, aujourd’hui, emboîtent le pas de l’Aveyron ; d’autres territoires plus petits, à l’échelon des communautés de communes, font de même.
Autrement dit, la solution ne vient pas forcément de mesures de régulation et de coercition : ce n’est pas ainsi que vous répondrez au problème du maire qui perd son médecin.
Vous savez très bien que l’on ne peut pas, aujourd’hui, remplacer un médecin par un médecin. Les jeunes professionnels veulent s’installer avec d’autres collègues, médecins ou exerçant d’autres métiers médicaux. Vous ne répondrez pas au problème en appliquant une logique du « un pour un ».
Le défi est plutôt de préparer les territoires, en réfléchissant notamment à la mise en œuvre de contrats locaux de santé. Je puis vous citer des territoires qui en sont déjà à leur troisième contrat local de santé ; ils ont pu ainsi créer une véritable dynamique et intéresser de nouveaux professionnels de santé.
La quasi-totalité de mes collègues du groupe Union Centriste votera ces amendements ; nous serons quelques-uns, néanmoins, à nous abstenir.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste voteront ces amendements.
Nous partageons toutefois le sentiment que leur adoption ne réglera pas le problème que nous avons à affronter, celui des déserts médicaux. Je suis d’accord pour dire qu’il n’y a pas une seule solution, même s’il faut bien sûr expérimenter la proposition contenue dans ces amendements.
Mes chers collègues, je suis particulièrement satisfaite d’entendre nombre d’entre vous faire leur autocritique s’agissant d’une politique qui a été menée depuis trente ans, et qui nous conduit là où nous en sommes aujourd’hui. C’est une bonne chose !
J’aimerais, tout à l’heure, que vous n’ayez pas la mémoire courte et que vous vous rendiez compte que les déserts médicaux ne sont pas sans rapport avec le maillage hospitalier. Dans quelques heures, nous examinerons notamment les articles 8 et 9, qui organisent, je l’ai dit, la gradation des soins, privant d’urgences et d’un certain nombre d’autres services les hôpitaux de proximité.
Pensez-vous que les médecins libéraux pourront et accepteront de s’installer dans des territoires qui sont très éloignés de tout centre hospitalier ? Pensez-vous qu’ils pourront et voudront s’installer là où un maillage de médecine collective – je pense par exemple aux centres de santé – fait défaut ?
J’attire votre attention sur ce point, mes chers collègues, car il faut être logique jusqu’au bout. Les solutions sont multiformes ; il faut penser aux aspirations qui sont celles des médecins et des patients aujourd’hui. Alors que nous menons, ce soir, une réflexion extrêmement importante, nous devons veiller à bien marcher sur deux pieds. Notre responsabilité de parlementaires, en la matière, est engagée.
Nous vous proposerons tout à l’heure une définition de l’hôpital de proximité, par exemple, qui n’a aucun rapport avec le projet porté par le Gouvernement. J’espère que, le moment venu, vous vous rappellerez cette discussion sur les déserts médicaux ; je pense en effet que plusieurs solutions coordonnées peuvent, peu à peu, tisser un meilleur maillage des professionnels de santé sur notre territoire.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Notre collègue Élisabeth Doineau a eu raison de rappeler qu’il n’y avait pas de solution miracle à la situation que connaissent les territoires. Il n’empêche que nous avons une obligation : tenter d’apporter une réponse, en urgence, à la situation que connaissent certains territoires par manque de médecins – certains d’entre eux sont aujourd’hui au bord de la rupture.
Nous sommes donc dans l’obligation d’agir, sans pouvoir anticiper totalement, bien, les effets de nos efforts. Or je ne vois pas comment on pourra réussir à apporter une réponse à cette situation d’urgence sans mettre en place un dispositif de régulation de l’installation des médecins sur le territoire national.
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour explication de vote.
M. Hugues Saury. Madame la ministre, je dois avouer que je n’ai pas été convaincu par vos arguments.
Vous avez cité un certain nombre de professions de santé : les infirmiers, les kinésithérapeutes, les orthophonistes, les sages-femmes, en précisant que ces professions étaient surdotées. Il y en a une que vous n’avez pas citée : celle de pharmacien. Or les pharmaciens sont dans une situation qui, à mon sens, est particulière, pour deux raisons.
D’une part, leur répartition forme un maillage démo-géographique ; on ne rencontre nulle part, sur le territoire français, de problème de désertification pharmaceutique, me semble-t-il.
D’autre part, ils sont soumis à un numerus clausus d’installation depuis plus de soixante-dix ans. La situation, auparavant, était assez analogue à celle que nous connaissons aujourd’hui dans les villes-centres de nos départements, où chacun peut constater la coexistence de plusieurs pharmacies dans la même rue. Il y avait, à l’époque, peu de pharmacies dans les campagnes ; d’où cette mesure, qui visait à organiser une répartition harmonieuse des pharmacies.
Soixante-dix ans plus tard, le constat est celui, précisément, d’une bonne répartition des officines sur l’ensemble du territoire, contrairement à ce qui se passe pour la profession médicale.
Les arguments qui sont avancés aujourd’hui ne me semblent pas recevables pour nos concitoyens. Vous le savez, madame la ministre : la désertification médicale est une des difficultés majeures auxquelles sont aujourd’hui confrontés les Français. Ils nous le disent ; ils l’ont dit à l’occasion du grand débat.
Je pense qu’ils ne se contenteront pas de demi-mesures qui, à mon sens, n’arrangeront rien, ni à cinq ans ni à dix ans. Il faut des mesures de régulation beaucoup plus fortes si nous voulons régler ce problème majeur pour notre pays.
M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Le numerus clausus ne date effectivement pas d’hier. Il existe depuis vingt-cinq ans. Et nous en subissons les conséquences aujourd’hui.
L’adoption de l’amendement intergroupe, qui avait reçu hier l’avis favorable de M. le rapporteur, aurait permis de régler à l’avenir une partie des problèmes dans les zones concernées. Bien entendu, il aurait fallu organiser l’encadrement, avec un maître de stage et un médecin référent. Le règlement se serait effectué tranquillement.
Le refus d’un tel dispositif ne nous laisse plus beaucoup de choix. En tant que sénateurs, lorsque nous retournerons dans nos territoires, nous verrons les pharmacies fermer parce que les médecins seront partis. Il va y avoir des problèmes économiques énormes !
Nous pouvons opter pour une petite coercition, me semble-t-il, comme le proposent les auteurs de ces amendements. C’est ce qu’attendent les élus, les pharmacies et les habitants.
Je voterai donc ces amendements. J’espère que leur adoption permettra de stimuler la réflexion et de revenir ainsi sur la position qui a été retenue hier.
Madame la ministre, vous proposez des médecins salariés, qui pourront aller dans certains endroits, mais ce n’est pas suffisant. De même, les annonces sur les maisons de santé vont dans le bon sens, mais il faut aller plus loin. L’amendement qui n’a pas été adopté hier aurait pu apporter des solutions très concrètes. Il faut y revenir.
M. Philippe Mouiller. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour explication de vote.
Mme Florence Lassarade. Mes chers collègues, je vous écoute depuis plusieurs heures. À l’instar d’Élisabeth Doineau, j’irai complètement à contre-courant de vos propos.
Vous présentez les jeunes médecins comme de mauvais sujets. J’espère qu’ils ne nous écoutent pas trop ce soir, faute de quoi il n’y en aura plus beaucoup pour vouloir s’installer dans les zones désertifiées : (Mmes Élisabeth Doineau et Patricia Schillinger applaudissent. – Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) Imaginez-vous une seconde ce qu’ils peuvent ressentir en entendant que vous les traitez d’« enfants gâtés » ?
Ne devons réfléchir plus sérieusement – certes, ce n’est pas l’objet du présent projet de loi – sur les raisons pour lesquelles les médecins ne s’installent plus en libéral. La raison principale, c’est la rémunération ; il ne faut pas se le cacher.
Dans des spécialités que je connais bien, comme la gynécologie, la pédiatrie ou la psychiatrie, les praticiens sont à peine mieux payés que le généraliste, qui, lui, n’est pas payé du tout. Il ne faut pas s’étonner de l’absence de volontaire pour partir loin des grandes villes.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Alors, que proposez-vous ?
Mme Florence Lassarade. Il faut s’occuper de la rémunération de mes collègues médecins ! Pour ma part, j’étais installée dans un désert médical. J’ai beaucoup donné et redonné. Je repense à ce que j’ai fait. Aujourd’hui, mes enfants ne voudraient pas se lever la nuit et se dévouer comme je l’ai fait.
Je regrette l’image que nous donnons du Sénat. Elle va à l’encontre des encouragements que nous devrions adresser aux jeunes médecins. (Mmes Annie Delmont-Koropoulis et Catherine Deroche applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.
M. Michel Vaspart. Monsieur le président, l’adoption des amendements identiques nos 423 et 438 rectifié bis, qui doivent-être mis aux voix en priorité à la demande de M. le rapporteur, ferait-elle tomber tous les amendements en discussion commune ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-Pierre Sueur. Oui ! C’est même à cela que ça sert !
M. le président. Non, pas tous les amendements.
M. Jean-Pierre Sueur. Presque tous !
M. Michel Vaspart. Quels seraient les amendements qui deviendraient sans objet ? En effet, tout cela n’est pas très transparent…
M. le président. Mon cher collègue, l’adoption des amendements identiques nos 423 et 438 rectifié bis rendrait sans objet les amendements nos 147 rectifié ter, 366 rectifié bis et 228 rectifié bis.
M. Michel Vaspart. Ce n’est pas normal : ce ne sont pas des amendements identiques !
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. N’étant pas issu d’une profession médicale, je ne suis pas un spécialiste des sujets dont nous discutons. Revenons donc à l’essentiel.
Nous sommes, me semble-t-il, tous attachés au principe de la médecine libérale, qui implique la liberté d’installation du praticien. Le corollaire de ce principe, c’est la liberté pour chacun de choisir son médecin ; encore faut-il qu’il y en ait un !
Madame la ministre, je veux bien vous faire confiance lorsque vous affirmez que les mesures coercitives ne sont pas efficaces.
Toutefois, nous sommes dans une assemblée politique. Il me semble important d’envoyer un signal, pour indiquer que l’installation des médecins doit, dans la mesure du possible, être en adéquation avec les besoins des patients sur les territoires.
C’est pourquoi je souhaite l’adoption des deux amendements identiques sur lesquels M. le rapporteur a émis un avis favorable. Je ne comprends pas pourquoi vous vous obstinez à les refuser, alors que vous avez expliqué qu’ils étaient totalement en phase avec l’esprit et l’objet de votre projet de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Permettez-moi de vous livrer un témoignage : médecin généraliste, c’est le plus beau des métiers ! S’il y a une activité que je ne regretterai pas d’avoir exercée dans ma vie, c’est bien celle de…
Mme Laurence Cohen. Sénateur ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. René-Paul Savary. … médecin généraliste.
Nous étions alors confrontés aux mêmes interrogations au moment de l’installation. Lorsque j’ai choisi un territoire rural, mes anciens condisciples m’ont demandé ce que j’allais y faire, soulignant que, venant du monde rural, ils ne voulaient surtout pas y retourner.
C’était le même problème qu’aujourd’hui. Les territoires ruraux étaient moins bien vus. Certes, nous parvenions à surmonter ces difficultés, car le contexte était totalement différent.
Madame la ministre, vous vous enfermez. Vous nous avez fait rêver en proposant la suppression du numerus clausus, qui était effectivement un problème. Mais suppression de ce dispositif ne signifie pas nécessairement augmentation du nombre d’étudiants en médecine : dans certains endroits, il y en aura peut-être un peu plus ; ailleurs, il risque d’y en avoir moins. Une telle mesure ne réglera sans doute pas le problème. D’ailleurs, compte tenu de la durée des études de médecine, il faudra attendre dix ans ou onze ans pour en voir les effets.
Quand je découvre des situations comme celle que notre collègue Vincent Segouin a décrite, les bras m’en tombent. Simplement, je ne suis pas certain que les mesures coercitives répondent aux besoins.
M. Vincent Segouin. Je n’ai pas dit cela !
M. René-Paul Savary. Dès lors qu’il n’y a pas suffisamment de médecins, les praticiens préféreront partir se faire salarier ailleurs plutôt que de s’installer là où ils n’en ont pas envie.
La solution pour avoir rapidement plus de médecins dans nos territoires résidait dans l’amendement intergroupe qui a été refusé hier. La dernière année de professionnalisation permettrait d’avoir des médecins à côté des praticiens actuels, pour soigner nos patients.
Il faut une prise de conscience. La profession doit participer à la résolution du problème des inégalités territoriales. Madame la ministre, vous ne voulez pas du dispositif proposé par MM. Longeot et Vaspart, mais vous ne proposez aucune solution. C’est là que le bât blesse.
À mon sens, l’adoption des amendements identiques présentés par nos collègues, en tenant compte de l’avertissement que M. le rapporteur a émis, serait un premier pas susceptible de nous rassembler, au lieu de nous diviser.
Il sera ensuite temps d’observer les réactions du monde médical, pour, le cas échéant, prendre de nouvelles dispositions : je pense que nous en aurons l’occasion ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. Je rebondis sur les propos de M. Savary. J’ai exercé la médecine générale pendant trente-cinq ans. Entre 1978, lorsque j’ai commencé, et 2014, lorsque j’ai arrêté, la situation a énormément changé : le métier, mais aussi la société.
Auparavant, on était généraliste jour et nuit, taillable et corvéable à merci. C’était comme cela. Aujourd’hui, pour remplacer un médecin généraliste de notre génération, il en faut deux. Nous connaissons les statistiques : il n’y a pas moins de médecins ; simplement, le temps médical consacré à chaque patient s’est réduit.
Je ne voterai pas ces amendements. Ce n’est pas une question de corporatisme : je les soutiendrais des deux mains si je pensais qu’un tel dispositif pouvait marcher. Mais, qu’il s’agisse de coercition ou d’incitation – vous m’excuserez de tout mettre dans le même sac –, je pense qu’aucune mesure ne marchera. En effet, la relation entre le médecin et le patient va continuer d’évoluer, et cela, à mon avis, dans deux sens.
D’une part, des actes aujourd’hui considérés comme médicaux seront pris en charge par des infirmiers ou des infirmières. Nous n’y échapperons pas. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Pour moi, ce n’est pas mauvais… faute de mieux.
D’autre part, la télémédecine va se développer. Honnêtement, et je suis en cela un homme de ma génération, ce n’est pas ma tasse de thé. Mais écoutons ce qu’en disent les médecins ou les patients, c’est-à-dire les « consommateurs de santé ».
M. Joël Labbé. Oh là là !
M. Michel Amiel. C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit, mon cher collègue ! Les évolutions se font, et certaines pratiques finissent par être perçues comme normales.
La situation risque d’être extrêmement difficile pour les médecins pendant quinze ans ou vingt ans ; je pense par exemple aux collègues qui m’ont remplacé à mon cabinet médical. Mais, peu à peu, les choses vont évoluer, et les comportements changer.
Toutefois, aucune mesure, qu’elle soit coercitive ou incitative, ne sera véritablement efficace. Et dans les deux cas, nous n’adressons pas un signal très positif.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Je souscris totalement aux propos de Mme Lassarade ou de MM. Savary et Amiel. Je partage un peu moins ceux de M. Jomier, même si je suis d’accord avec lui sur de nombreux points.
Nous parlons du déconventionnement. Toutefois, mes chers collègues, songez au signal que vous allez adresser aux jeunes médecins ou aux personnes désireuses de rejoindre cette profession en votant un tel amendement ; l’image sera catastrophique !
Admettons que vous adoptiez le déconventionnement. Le jeune médecin qui verra une zone conventionnée et une zone déconventionnée à trois kilomètres ira s’installer à un kilomètre et demi de la zone déconventionnée, ce qui lui permettra de travailler tranquillement dans les zones déconventionnées tout en étant toujours conventionné. Il pourra ainsi détourner le dispositif que vous proposez. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Au demeurant, imaginez un médecin acceptant d’être déconventionné. C’est seulement l’acte médical, et non la prescription, qui sera déconventionné. Le patient qui viendra le voir paiera vingt-cinq euros. Il ne sera pas remboursé par la sécurité sociale, mais il pourra l’être par une assurance privée avec laquelle le praticien aura signé un contrat de conventionnement. Nous retombons ainsi dans le piège des réseaux. Et si un médecin déconventionné vous prescrit des médicaments, des radios ou une hospitalisation, vous serez remboursé pour tout le reste, sans exception.
Le déconventionnement n’est donc certainement pas une bonne solution. En outre, nous mettrions le pied dans l’assurance privée et dans une médecine à deux vitesses. Le praticien se conventionnera avec une assurance privée et fixera un tarif, comme en Allemagne, de quarante-cinq euros au lieu de vingt-cinq. Le patient sera remboursé par l’assurance privée du praticien. Et ce dernier gagnera bien mieux sa vie que son collègue conventionné par la sécurité sociale, dont le tarif sera de vingt-cinq euros.
Par ailleurs, je n’ai pas beaucoup apprécié certains propos de M. Sueur.
Tout d’abord, je ne trouve pas très fair-play de faire rire sur un ministre. Au demeurant, quatre ministres successifs ont fait le même choix. Vous avez d’ailleurs soutenu la troisième de ces quatre ministres, cher collègue. (M. Jean-François Husson applaudit.) Vous avez même voté le dispositif qu’elle proposait.
Vous l’avez fait, car vous saviez qu’elle avait raison. Les ministres – cela vaut évidemment aussi pour Mme Buzyn – ne sont pas des imbéciles. Ils analysent la situation avant de parler. J’ai bien connu Mme Touraine comme Mme Buzyn. Toutes deux, lorsqu’elles travaillent sur un dossier, analysent le pour et le contre, puis agissent.