M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 423 et 438 rectifié bis.
Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, je suis tout à fait en accord avec ce que vous venez de nous exposer.
Nous nous énervons sur des sujets de répartition territoriale qui n’ont pas lieu d’être, parce que nous n’avons pas assez de médecins. Nous nous rejoignons tous sur ce constat, qui est parfaitement clair.
Je me permets tout de même d’insister sur la difficulté rencontrée pour former des médecins. Sans doute convient-il de travailler dès aujourd’hui sur ce point. Avons-nous suffisamment de professeurs de médecine ? Est-ce que nous ne nous apercevrons pas, dans dix ans, que nous avons laissé passer le train ? Pourquoi tous les pays du G7 sont-ils dans la même situation ? S’agit-il d’une solution pour rembourser moins de frais de santé aux populations ? Quoi qu’il en soit, la pénurie est là. Ainsi, la répartition territoriale est un non-problème, puisqu’il y a aujourd’hui peu de médecins à répartir.
Malgré tout, je voterai les amendements de la commission du développement durable, et ce pour une bonne raison. En effet, si peu de territoires sont surdotés – ils ne représentent que 2 % ou 3 % du territoire et sont concentrés dans quelques villes –, il ne paraît pas très grave de ne pas accorder aux médecins qui s’y installent les mêmes conditions avantageuses destinées à rendre d’autres territoires attractifs, pour surmonter l’appréhension à l’installation.
Le problème n’est pas plus grave que ça ! Ce n’est pas une révolution, cela n’entrave pas la liberté d’installation des médecins, ou alors de façon tout à fait minime. Au demeurant, je ne suis pas persuadée que les cohortes d’étudiants en médecine ont toutes envie de s’installer à Nice ou à Cannes.
Très franchement, nous nous compliquons les choses, alors qu’il s’agit d’un tout petit sujet. Par principe, je voterai ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.
M. Franck Menonville. Nous voterons nous aussi ces amendements. En effet, il faut absolument allier liberté d’installation et égal accès des soins, droit qui n’existe plus dans un certain nombre de territoires. Il est donc nécessaire d’encadrer le conventionnement en secteur hyperdense.
Certes, nous pourrons revenir sur la définition de secteur hyperdense, car il existe une grande disparité en matière de densité médicale dans notre pays. Le déséquilibre démographique médical fragilise l’attractivité des territoires, y compris pour des professionnels comme les pharmaciens.
Soyons donc volontaristes en la matière ! Les votes du Sénat hier vont dans ce sens, il faut le souligner.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Je prends acte de la priorité de vote accordée aux amendements identiques nos 423 et 438 rectifié bis. Mais d’autres amendements vont un peu plus loin, et j’aurais aimé que nous puissions les examiner.
Je vous rejoins sur un point, madame la ministre : il y a effectivement toute une palette de mesures à adopter pour réguler l’installation des médecins sur notre territoire et lutter contre les déserts médicaux. Il faut par exemple lutter contre le recul des services publics. En effet, aucun médecin n’acceptera volontiers de s’installer dans une zone rurale qui a vu tous ses services publics ficher le camp, si je puis m’exprimer ainsi.
Il existe également un problème salarial. Les professions du milieu hospitalier pourraient être rendues un peu plus attractives.
Tous ces amendements, madame la ministre, visent à instaurer un conventionnement sélectif, même si le curseur est placé à différents niveaux. Cela témoigne d’un consensus nouveau sur ce sujet, qui mériterait d’être examiné.
Le conventionnement sélectif est-il sans effet secondaire ? Sans doute pas ! Mais les autres dispositifs sont également dans ce cas. Les maisons de santé pluridisciplinaires ou les pôles libéraux de santé ambulatoire nous montrent que les médecins s’installent aux confins d’une zone déficitaire. Les zones franches ont suscité les mêmes effets. Pour autant, ne faut-il pas expérimenter de nouvelles solutions, comme il est proposé dans certains amendements ? Selon moi, cela vaudrait vraiment la peine.
Vous citez des exemples étrangers. Précisément, prenons appui sur les limites de ces expériences pour éviter ce qui s’est passé en Allemagne, en empêchant le conventionnement par des assurances privées.
Nous avons eu un débat intéressant, me semble-t-il, sur les contrats d’engagement de service public. Il a permis de montrer que ce dispositif n’était pas totalement efficace. Toutefois, il monte en puissance, et il paraît donc intéressant de poursuivre son expérimentation.
J’estime que nous devrions également expérimenter le conventionnement sélectif, d’autant que la levée du numerus clausus dessinera de nouveaux enjeux : comment régulerons-nous l’installation des nouveaux médecins que nous allons former ? C’est un enjeu nouveau, qui mérite une approche nouvelle.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, cela m’a frappé, les arguments que vous avez développés permettent d’aboutir à une conclusion totalement opposée à la vôtre.
Vous avez commencé par nous dire que quatre ministres successifs, dont vous-même, avaient adopté la même position. C’est vrai ! Mais à partir de ce constat, ne pourrait-on pas en arriver à la conclusion qu’il est temps de changer de position ? En effet, si cela ne marche pas, pourquoi refuser de changer d’orientation ? (M. Loïc Hervé applaudit.)
Par ailleurs, vous nous avez dit, et j’espère vraiment que ce propos a dépassé votre pensée : « Imaginez-vous que des médecins qui seront obligés d’aller à un certain endroit feront de la médecine de bonne qualité ? »
M. Martial Bourquin. Cette phrase est extraordinaire !
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, alors que j’étais jeune député, j’ai reçu un jour un « comité des enseignants en exil ». Je les ai très mal reçus. Ils se plaignaient en effet d’avoir été nommés à Dunkerque. Je leur ai répondu que l’on avait aussi le droit, dans cette ville, d’apprendre les mathématiques et les autres disciplines.
Avec votre raisonnement, les enseignants nommés dans un endroit qui ne leur plaît pas feraient de l’enseignement de mauvaise qualité. Et les gendarmes et les policiers nommés là où ils ne veulent pas aller feraient de la police de mauvaise qualité. Un tel raisonnement met par terre tout ce qui s’apparente à un service public, et vous le savez. N’utilisez donc pas de tels arguments.
Selon vous, une négociation avec les médecins aboutira forcément à un mécontentement et à une protestation de leur part, pour défendre la liberté d’installation. Soit !
Cependant, madame la ministre, un jour arrivera où ce seront les citoyens qui manifesteront pour défendre leur droit à la santé et à l’égalité. Dans mon département, qui n’est pourtant pas loin de la région parisienne, nous avons cinq fois moins de médecins généralistes par habitant que dans un autre département de ce pays. Telle est la réalité !
L’intelligence humaine doit nous permettre de trouver des solutions, de telle manière que les professionnels soient amenés, d’une façon ou d’une autre, à aller là où l’on a besoin d’eux. Je le rappelle, nous n’avons jamais eu autant de médecins en France !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. Il est bien évidemment possible de trouver d’autres méthodes. Mais je suis sûr que vous m’avez compris, monsieur le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis.
M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Compte tenu de la priorité demandée par la commission des affaires sociales, je souhaite rectifier l’amendement n° 421, en supprimant son premier paragraphe, afin que nous puissions en discuter.
Il ne me paraît pas exact de dire qu’il n’existe pas de zones surdotées. Pour illustrer mon propos, permettez-moi de faire la comparaison des écarts de densité médicale : pour 100 000 habitants, on compte 610 médecins spécialistes à Paris, contre – tenez-vous bien, mes chers collègues – 80 dans l’Ain, 78 dans la Meuse ou encore 70 dans le département de l’Eure. Ces chiffres sont particulièrement parlants !
L’Allemagne a inscrit dans sa loi fondamentale le principe de la liberté d’exercice et d’établissement. Pourtant, cela n’a pas empêché le législateur allemand de restreindre fortement la liberté d’installation, au nom de l’égal accès aux soins, y compris, très récemment, par une loi de mai 2019, qui donne plus de pouvoir aux Länder pour planifier la répartition des médecins.
Par conséquent, je vous invite, mes chers collègues, à voter ces amendements. Ce serait adresser un signal fort à nos concitoyens, en leur montrant que la Haute Assemblée, chambre des territoires, a véritablement pris en compte la mesure du problème de l’accès aux soins.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 421 rectifié, présenté par M. Longeot, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et qui est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4131-6-…. – À titre expérimental pour une durée de trois ans, en l’absence de conclusion d’accord dans les conditions prévues au 20° bis de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale dans les douze mois suivant la promulgation de la loi n° … du … relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, le conventionnement à l’assurance maladie d’un médecin libéral dans les zones dans lesquelles est constaté un fort excédent en matière d’offre de soins ne peut intervenir qu’en concomitance avec la cessation d’activité libérale d’un médecin exerçant dans la même zone.
« Le directeur général de l’agence régionale de santé détermine ces zones par arrêté, après concertation avec les organisations syndicales représentatives des médecins et après avis du conseil territorial de santé.
« Un décret, pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins, fixe les conditions d’application du présent article.
« Au plus tard trois mois avant son terme, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de cette expérimentation. Ce rapport évalue en particulier la contribution de ce dispositif à la réduction des inégalités territoriales dans l’accès aux soins. »
La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Madame la ministre, mes chers collègues, cette série d’amendements défendus par des groupes politiques différents témoigne d’une analyse identique de la situation sur nos territoires, notamment ruraux, où la désertification n’est pas une idée en l’air, mais une réalité. Dans un département rural comme le mien, la Dordogne, nous avons des cantons qui n’ont plus de médecins.
Vous nous dites, madame la ministre, qu’avant vous d’autres ministres de sensibilités différentes ont eu la même réaction devant de telles propositions, qui émanaient notamment de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Mais cela ne signifie pas qu’il faut y renoncer ! Comme l’a dit excellemment mon collègue Jean-Pierre Sueur, on peut vous retourner l’argument.
J’y insiste, nous avons l’impression de ne pas être entendus. Ces amendements sont issus de membres de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui constatent qu’il n’existe pas d’égalité de soins entre tous les territoires.
La priorité demandée par le président de la commission, si elle est de droit – le règlement, en l’espèce, a bien entendu été respecté –, nous prive de débat sur ces sujets qui nous préoccupent tous, et en particulier sur les dispositifs que nous avions proposés. Ainsi ne pourrons-nous pas échanger sur un problème avec lequel nous vivons tous sur nos territoires respectifs.
Bien entendu, nous voterons les deux amendements qui ont recueilli un avis favorable de la commission, et j’espère que le président de la commission répondra positivement à la demande du rapporteur pour avis Jean-François Longeot ; ainsi pourrions-nous débattre du conventionnement sélectif comme mesure non coercitive d’encouragement à l’installation de médecins dans les zones peu denses.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Un mot, en préambule : heureusement que les professeurs sont des fonctionnaires, qu’ils sont nommés et qu’ils se rendent là où ils sont nommés ! Si tel n’était pas le cas, nous aurions à affronter une problématique de déserts scolaires ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous nous brossez par ailleurs, madame la ministre, un portrait assez dévastateur et terrible des jeunes médecins, qui sont presque dépeints comme des enfants gâtés.
J’espère qu’il y a toujours parmi eux des jeunes habités par leur vocation, la foi chevillée au cœur, désireux d’exercer leur profession en quelque lieu que ce soit. Le serment d’Hippocrate a-t-il encore un sens pour eux ? On a déjà fait beaucoup pour rendre leur installation attractive : on leur a déroulé le tapis rouge, ou presque. Résultat : la réalité, sur le terrain, continue de nous interpeller.
Il est plus que temps de réagir et de remédier à ce problème que sont les déserts médicaux. C’est un fait : la répartition des médecins n’est pas équitable sur le territoire. Cela ne pose-t-il pas un grave problème de santé publique ?
Dans mon département, qui n’est, en la matière, qu’un parmi d’autres – il s’agit d’un territoire très rural –, cela pose notamment le problème des personnes âgées qui vivent encore à leur domicile, sont souvent seules, et qui ont impérativement besoin de médecins installés à proximité et en mesure, si nécessaire, de se déplacer. À défaut, le risque de catastrophe sanitaire est grand.
Au-delà de ce risque, cette situation induit des inquiétudes pour tout le monde ; elle nécessite de la part des élus une dépense d’énergie littéralement colossale pour élaborer des solutions tous azimuts – j’ai été interpellée sur mon territoire, et j’ai vu toutes les initiatives qu’ils engagent. Cela les occupe beaucoup – beaucoup trop, au regard de ce qu’ils ont à faire par ailleurs.
Ces propositions, nous les formulons en responsabilité, madame la ministre, devant l’urgence du problème à résoudre. Que le problème se pose dans les mêmes termes dans les pays voisins résout-il nos difficultés ? C’est ici et maintenant qu’elles se posent ! (M. Jean-François Husson s’exclame.)
Vous pouvez comprendre que l’on ne peut laisser cette situation en l’état : il nous est impossible d’accepter une médecine à deux vitesses, ni qu’une part de plus en plus importante de nos concitoyennes et de nos concitoyens ne se soigne plus en raison du manque de médecins et de spécialistes.
Mme Laurence Rossignol. C’est un vrai sujet !
Mme Angèle Préville. C’est une nécessité absolue ; pour être juste, madame la ministre, vous devez, au nom de l’équité, revoir vos zonages lorsque l’on vous le demande, lorsque les élus vous interpellent. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Je ne répéterai pas les mots d’Angèle Préville, auxquels je ne trouve rien à redire.
Madame la ministre, nous avons été plusieurs à déposer des amendements que vous avez refusés d’un revers de main ; il s’agissait d’imaginer de quelle manière on pouvait encourager les médecins à s’installer sur des territoires en déprise. Aujourd’hui, vous refusez des amendements dont l’adoption pourrait contraindre les médecins à s’installer sur ces territoires.
Quelles sont, au total, les propositions que vous seriez en mesure d’accepter de la part des parlementaires que nous sommes ? Je crains qu’il n’y en ait pas.
Qu’y a-t-il derrière les mots « déserts médicaux » ? Des gens en souffrance ; des personnes âgées qui, comme le disait Angèle Préville, ne peuvent pas se déplacer pour aller dans les hôpitaux de proximité. Où vont donc ces gens ? Aux urgences ! C’est une problématique que vous avez rencontrée, que vous rencontrez, que vous rencontrerez : des grèves dans les services d’urgence et des arrêts de travail causés par des burn-out. En matière de santé, c’est le chaos qui guette notre pays.
Une remarque au passage, madame la ministre : vous dites qu’il faut rendre nos territoires « attractifs ». J’imagine que, par là, vous n’entendez pas les parterres de fleurs sur nos places publiques… Vous parlez de l’attractivité médicale – autrement dit, des hôpitaux locaux. Mais ces hôpitaux locaux, soit vous les fermez, soit vous les videz de leur substance : ici, on enlève la maternité, là, les urgences, là encore, les services de nuit, etc., etc.
Je suis désolé, mais la balle est vraiment dans votre camp ! Vous seule, en vous saisissant des propositions que nous vous faisons, toutes travées confondues, pouvez répondre à cette fameuse question, à cette problématique bien réelle, qui est celle des déserts médicaux. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Madame la ministre, le problème, quand je vous écoute, c’est que j’ai clairement le sentiment que les réponses que vous apportez restent en deçà du niveau nécessaire ; à force, elles réveillent un débat entre les partisans et les contempteurs de la coercition – or ce débat est absolument délétère.
Vous n’acceptez pas de l’entendre, mais la volonté qui vous anime et les dispositifs que vous proposez pour incarner la direction que vous avez choisie – admettons qu’elle soit la bonne – sont de toute façon insuffisants pour répondre à la question qui se pose dans nos territoires.
Je prendrai un seul exemple : vous n’abordez jamais la question de l’insuffisante professionnalisation de la formation. Or l’ordre des médecins vient de publier les dernières données de l’atlas de démographie médicale ; il montre très bien comment cette insuffisante professionnalisation de la formation est à l’origine du délai très important entre la fin des études et l’installation.
Vous présentez un projet de loi qui contient un chapitre dédié à la formation, et vous n’abordez pas cette question ! Vous ne la traitez pas ! Vous ne mettez aucun dispositif significatif sur la table. Et la main que nous vous avons tendue hier soir, avec un amendement visant à modifier le troisième cycle pour y introduire, en fin de cursus, cette professionnalisation, vous la rejetez !
Comment peut-on travailler dans ces conditions ? Vous nous mettez dans une situation impossible. Madame la ministre, je vous le dis très tranquillement : je serais ravi si l’adoption du projet de loi que vous nous présentez fait que, dans quatre ou cinq ans, le problème est à peu près réglé. Mais il ne le sera pas ! Il le sera à l’échéance de l’évolution de la démographie médicale ; mais l’impulsion que vous donnez est tout à fait insuffisante.
Je voterai – nous voterons – l’amendement de la commission du développement durable, mais ce débat ne sera évidemment pas clos. Et s’il ne l’est pas, c’est à cause de votre incapacité à écouter et à nous proposer des mesures plus volontaristes. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour explication de vote.
M. Raymond Vall. Madame la ministre, bien des choses ont été dites. Je voudrais simplement ajouter, en toute franchise, que vous sous-estimez la gravité de la situation. (Mme la ministre le conteste.)
Le sort de votre loi est en train de se jouer sur cet amendement. Vous reconnaissez vous-même, en effet, que cette décision phare qu’est la suppression du numerus clausus ne produira pas d’amélioration concrète sur les territoires concernés – ils sont nombreux – avant cinq à sept ans.
Vous confirmez que tout ce qui a été fait jusqu’à présent n’a donné aucun résultat ; et évidemment, cela a été dit, votre plaidoirie se retourne contre vous, parce que vous ne proposez rien.
Vous dites qu’il faut rendre les territoires attractifs ; mais cela ne se fait pas d’un coup de baguette magique ! Le problème, dans les territoires ruraux, c’est que nous n’avons pas la possibilité, par exemple, d’offrir un emploi à la compagne ou au compagnon du médecin qui pourrait être intéressé ; c’est que nous avons des dizaines ou des centaines de maisons de santé qui n’ont pas de médecins, et qui mettent les élus locaux dans des situations catastrophiques !
Nous sommes à la veille d’une nouvelle campagne électorale au cours de laquelle ce problème figurera parmi les sujets essentiels.
Votre projet de loi, je le voterai ; il contient des avancées, des dispositions intéressantes – c’est vrai. Mais, sur ce point précis, pourquoi ne pas accepter une mesure transitoire ? Nous demandons simplement que, pendant quatre ou cinq ans, une mesure transitoire de conventionnement sélectif puisse être mise en œuvre ! Vous pouvez tout de même prendre ce risque, au regard de l’échec de dix ans de politiques de santé.
Mme Michelle Gréaume. Trente ans !
M. Raymond Vall. J’affirme également, madame la ministre – d’autres collègues l’ont fait avant moi – que vos chiffres ne sont pas les bons. En Occitanie, nous avons environ 104 médecins pour 100 000 habitants. La moyenne nationale est de 90 médecins pour 100 000 habitants, mais les régions n’ont pas toutes les mêmes caractéristiques géographiques. La nôtre accueille 15 000 ou 20 000 habitants de plus chaque année, ce qui aggrave d’autant la situation.
Ce n’est pas parce que ce ratio est supérieur à la moyenne nationale que les médecins sont installés aux bons endroits. Ce problème, vous ne voulez pas le traiter. Sincèrement, c’est la perception de votre loi qui est en jeu en ce moment.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Bien des choses ont été dites. L’incitation n’a pas fonctionné : tel est le problème qui nous est posé. On a cherché ; on a cru, tous gouvernements confondus, qu’en incitant on parviendrait à convaincre des médecins de s’installer dans ces espaces. Cela n’a pas marché !
La vraie question, qui est soulevée par la Cour des comptes, est celle du conventionnement sélectif. Ce n’est pas un gros mot ! L’Espagne l’a fait, depuis un bout de temps, le Royaume-Uni également ; l’Allemagne se lance aussi dans ce conventionnement sélectif, comme les Pays-Bas. Les pays d’Europe ont les mêmes problèmes que nous. Et, inévitablement, ils introduisent un minimum de contrainte.
Contrairement à l’idée qui est avancée, en effet, le nombre de médecins rapporté à la population, qui est d’environ 105 pour un million d’habitants, est comparable en France à ce qu’il est dans les autres pays d’Europe. C’est donc bien l’absence de contrainte à l’installation, et elle seule, qui explique le problème des déserts médicaux. Si ce problème est plus important en France, c’est justement parce que nous n’avons aucune contrainte.
Il faut aussi relativiser les contraintes en question : ces contraintes, beaucoup de fonctionnaires, y compris des hauts fonctionnaires, mais aussi d’autres professions médicales, vivent avec.
Imaginez que, dans le cadre de ce projet de loi Santé, on n’ose pas sauter ce pas. Que se passera-t-il dans quelques années ? Les déserts médicaux auront augmenté. Et quand des catastrophes sanitaires adviendront, qui feront peut-être des morts, la population aura le droit de se retourner contre nous, les parlementaires, qui n’aurons pas pris nos responsabilités, au nom d’un dogme, celui de la liberté d’installation, qu’il faudrait respecter y compris lorsqu’existent des déserts médicaux.
Vous rendez-vous compte de ce que nous sommes en train de faire ? À regarder la situation en face, on se dit que le conventionnement sélectif est une obligation si l’on veut résorber ces déserts et sauver les territoires qui sont en mal de santé.
C’est pourquoi ces amendements sont importants, madame la ministre ; leur adoption pourrait donner à votre projet de loi une autre dimension ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Raymond Vall applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. Je voudrais revenir sur l’incitation. En effet, depuis des années, madame la ministre, vous croyez à l’incitation.
Je rappellerai simplement ce que l’on offre à de jeunes médecins, dans le territoire de l’Orne, situé à moins de deux heures de Paris, pour qu’ils s’y installent : 50 000 euros leur sont versés dès leur installation ; ils bénéficient d’une exonération fiscale et sociale pendant cinq ans – ces avantages sont ensuite dégressifs au cours des trois années suivantes – et de loyers modérés, dans le cadre de prêts sociaux location-accession, ou PSLA – nous avons consacré beaucoup d’argent public à la création de structures que nous louons à des prix très modérés, de l’ordre de 8 euros le mètre carré. Ils tiennent la permanence des soins de 8 heures du matin jusqu’à 19 heures – ensuite, le SAMU prend le relais –, quatre jours par semaine.
Voilà pour les mesures incitatives. Que voulez-vous faire de plus, dans ce chapitre, pour promouvoir l’installation de jeunes médecins ?
Or nous ne parvenons pas à enrayer la désertification médicale ; nous sommes obligés de faire appel à l’Espagne pour trouver de nouveaux médecins. Nous faisons tout ce qui est imaginable, sans cesse, pour trouver des solutions nouvelles. Franchement, en matière d’incitation, je pense que nous avons tout essayé.
Il faut passer à autre chose ! Peut-être le terme « coercitif » ne plaît-il pas, et peut-être faut-il en trouver un autre. Mais il faut surtout trouver un moyen, qui ne sera pas l’incitation, pour que les médecins viennent régler notre problème de désertification médicale – je rappelle qu’il s’agit d’un problème majeur, puisque quelque 20 % des affiliés santé, aujourd’hui, n’ont plus de médecin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Max Brisson applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Madame la ministre, je vais rebondir sur les propos de mon collègue. Il ne s’agit pas de coercition, en réalité : le médecin est bien libre de s’installer là où il veut. La seule différence, avec ce que nous proposons, c’est que, s’il s’installe là où des médecins exercent déjà en nombre suffisant, il ne sera pas conventionné.