Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis.
M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, sur l’initiative de sa présidente, Mme Catherine Morin-Desailly, le bureau de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a décidé de rendre un avis sur ce texte, transmis au fond à la commission des affaires sociales, mais dont plusieurs dispositions intéressent la commission, et tout particulièrement les articles 1er à 2 ter qui traitent de la réforme des études de santé.
Cette réforme, qui fait largement consensus, a recueilli l’aval de notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Nous avons notamment apprécié la méthode qui a prévalu et qui a permis de dégager un assez large consensus.
Saluons ici la mission du professeur Jean-Paul Saint-André, les différentes expérimentations et concertations avec les professionnels de santé, la mise en place de véritables groupes de travail, les nombreuses contributions écrites et les auditions, notamment celles organisées au Sénat, aux côtés des conférences des doyens de facultés de santé, de la conférence des présidents d’universités, ou encore des organisations représentatives des étudiants.
Je tiens également à remercier M. le président et rapporteur, Alain Milon, mais aussi notre collègue Jean-François Longeot, rapporteur pour avis et, bien évidemment, Mme la présidente Catherine Morin-Desailly.
Les inconvénients de la Paces à l’entrée dans les études de santé et ceux des épreuves classantes nationales à l’entrée en troisième cycle des études de médecine ont été assez largement dénoncés. Avec un taux de réussite inférieur à 30 %, le système met en échec de très nombreux jeunes, pourtant excellents bacheliers. Le coût pour les familles, comme pour la Nation, est également lourd et excessif.
La Paces est plus une année de sélection qu’une année de formation véritable. Les conditions d’études y sont peu satisfaisantes – amphithéâtres surchargés, quasi-absence de travaux dirigés… Surtout, le recrutement se fait selon un profil type très stéréotypé, celui du bachelier scientifique, titulaire d’une mention très bien et issu des classes sociales les plus favorisées.
Les expérimentations menées depuis 2013 et dont le nouveau dispositif s’inspire assez largement ont montré leur intérêt en termes de diversification des profils recrutés et d’instauration de parcours de réussite pour les étudiants.
Notre commission s’est interrogée sur la précipitation avec laquelle la réforme de la Paces va être mise en œuvre. Il nous semble peu réaliste de demander aux universités d’avoir élaboré toutes leurs nouvelles maquettes de formations dans moins de six mois.
Si les universités se contentent de transformer les Paces en « portails santé » et les antennes Paces en « mineures santé » sans aucune autre modification qu’un changement de nom, la réforme aura échoué, ce qui serait très dommageable.
Notons, et c’est un point positif de ce projet de loi, que le Gouvernement, en supprimant les épreuves classantes nationales, signe la fin de trois ans de bachotage intensif. Pour accéder au troisième cycle, les étudiants devront désormais avoir une note minimale à des examens qui resteront nationaux et valider les acquis du deuxième cycle par des simulations et des oraux.
La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a également souhaité que les études de santé prennent mieux en compte les questions d’implantation territoriale des futurs professionnels de santé et, en particulier, que les étudiants en médecine de deuxième et troisième cycles se voient offrir des stages en zones sous-denses.
Enfin, il nous a semblé indispensable que ces mêmes étudiants bénéficient de programmes d’échanges internationaux, aujourd’hui sous-développés dans le cursus des études de santé, en particulier en médecine.
Voilà quinze jours, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a examiné ce projet de loi et adopté huit amendements, dont deux ont été intégrés au texte de la commission des affaires sociales que nous examinons aujourd’hui.
La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a toutefois souhaité que les amendements qui n’ont pas été retenus dans le texte soient de nouveau déposés lors de notre débat en séance publique. Je serai donc amené à les défendre devant vous, probablement cet après-midi ou ce soir.
Pour conclure, le Gouvernement, vous l’aurez compris, est contraint d’aller vite. La réforme de la première année des études de santé l’oblige à publier les décrets d’application de la loi avant la rentrée prochaine pour que les étudiants puissent s’informer, notamment à travers Parcoursup.
Pour ces raisons, mesdames les ministres, vous devez légiférer par ordonnances, le texte lui-même renvoyant trop souvent à des décrets et à des circulaires.
Si le Gouvernement, à travers ces mesures, entend bien réaliser une transformation profonde des études de santé et non de simples ajustements, nous ne pouvons que regretter cet affaiblissement du travail législatif qui, à terme, ne peut que fragiliser un projet de loi pourtant à même de créer les conditions d’une stratégie globale tant attendue.
Mes collègues et moi-même resterons donc très attentifs à la mise en œuvre de cette réforme pour faire en sorte que les objectifs poursuivis se concrétisent réellement. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis.
M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, comme l’ont rappelé les Français lors du grand débat national, à l’occasion duquel le thème de la santé s’est imposé de lui-même, les inégalités territoriales d’accès aux soins minent la cohésion nationale et notre pacte social en ajoutant une nouvelle fracture sanitaire et sociale aux nombreuses fractures, qu’elles soient territoriales, numériques, économiques ou en matière de transports, qui traversent déjà notre pays.
Dans ce contexte, et en cohérence avec l’attention constante qu’elle porte à la problématique des déserts médicaux depuis sa création, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est saisie pour avis du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, en particulier des dispositions du texte ayant des conséquences territoriales et de celles relatives à l’intégration du numérique dans notre système de soins.
À cet égard, j’observe avec regret que les constats posés dans le rapport de 2013 du président Hervé Maurey ou dans mon rapport pour avis de 2015 sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé sont toujours d’actualité.
Face à l’ampleur du phénomène de la désertification médicale, la commission a souhaité, en 2017, créer un groupe de travail, dont j’assure la coprésidence avec Hervé Maurey, consacré à cette question pour préparer l’examen du texte dont nous avons à connaître aujourd’hui.
Aussi, lors de la présentation de mon rapport pour avis, la majorité des membres de la commission, toutes sensibilités politiques confondues, a tenu à rappeler son attachement au principe d’égal accès aux soins, corollaire du droit à la santé défini par le préambule de la Constitution de 1946, et à la mise en œuvre de mesures de bon sens pour mieux réguler la répartition des professionnels de santé sur l’ensemble de notre territoire.
Malgré l’accélération du rythme d’adoption des lois relatives à la santé depuis dix ans, les inégalités d’accès aux soins se creusent sur l’ensemble du territoire et les défauts de notre système de soins demeurent les mêmes, à savoir un cloisonnement entre médecine de ville et hôpital et une difficulté à assurer un parcours de soins continu pour l’ensemble de nos concitoyens.
Si toutes les professions de santé sont concernées, les inégalités d’accès aux médecins sont particulièrement marquées, alors même qu’ils occupent une place centrale dans notre système de santé avec leur rôle de prescripteur.
Les écarts de densité entre départements varient de 1 à 3 pour les médecins généralistes et de 1 à 8 pour les spécialistes, voire autour de 1 à 20 pour certaines spécialités comme la pédiatrie ou la gynécologie, avec des disparités infradépartementales encore plus fortes.
Ces inégalités vont continuer de se renforcer dans les années à venir, car la densité médicale retrouvera son niveau de 2015 seulement à horizon de 2030. D’ici à 2025, près d’un médecin généraliste sur quatre aura cessé d’exercer.
Il ne faut pas sous-estimer les conséquences de cette situation sur la santé des populations, car la carte des déserts médicaux se superpose à celle de la mortalité précoce, comme le montrent plusieurs géographes de la santé. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas !
Qui plus est, les inégalités d’accès aux soins pèsent sur les finances publiques pour un montant estimé entre 900 millions et 3 milliards d’euros par an par la Cour des comptes.
Par ailleurs, les dépenses de santé et de médicaments sont plus importantes là où la densité de médecins est forte, sans que l’état de santé des populations concernées justifie cet écart. Réguler l’offre de soins, c’est non seulement améliorer l’accès aux soins de nos concitoyens, mais aussi maîtriser l’évolution des dépenses de santé.
Au cours de mes auditions, dont certaines ont été menées avec le rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, notre collègue Laurent Lafon, que je salue, la grande majorité des personnes et organismes que j’ai pu rencontrer ont exprimé des doutes sur la capacité du projet de loi que nous examinons à améliorer à court terme le quotidien de nos concitoyens.
Ainsi, la réforme du numerus clausus n’aura qu’un effet limité, voire aucun effet, sur la répartition des futurs professionnels de santé sur le territoire. Du reste, je constate un recours important à des ordonnances sur des sujets aussi sensibles que les hôpitaux de proximité. En outre, plusieurs mesures me paraissent d’une portée limitée et essentiellement technique.
En commission, nous avions proposé à la commission des affaires sociales l’adoption de 30 amendements portant sur 18 articles autour de trois grands axes : adapter les études de médecine, notamment avec la question des stages, ainsi que certains éléments de notre système de soins à l’exigence de proximité ; réguler l’offre de soins et réaffirmer le principe d’égal accès aux soins sur l’ensemble du territoire ; libérer du temps médical dans tous les territoires en allégeant les contraintes administratives pesant sur les professionnels, en développant les partages de compétences et en soutenant le déploiement de la « e-santé ».
La commission a souhaité proposer des mesures plus resserrées et pragmatiques en séance publique. J’aurai l’occasion de vous présenter 12 amendements portant sur 8 articles.
Aussi, avant de conclure mon propos, je souhaiterais vous poser une simple question, mesdames les ministres : quand comptez-vous prendre les décisions pragmatiques et conformes à l’intérêt général qui s’imposent pour apporter une réponse durable à l’enjeu de l’égal accès aux soins sur l’ensemble de notre territoire ?
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 792.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé (n° 525, 2018-2019).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la motion.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, notre groupe a déposé cette motion tendant à opposer la question préalable du fait de notre désaccord avec la philosophie générale du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.
Face aux inégalités croissantes en matière d’accès aux soins, comment penser que l’efficience de notre système de santé passe essentiellement par une réorganisation et une mutualisation de moyens rabotés, chaque année, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale ?
Comment ne pas dénoncer les dangers que ce projet comporte en réformant la carte hospitalière et en réduisant les hôpitaux de proximité à de véritables coquilles vides ?
Alors, bien sûr, quelques mesures vont dans le bon sens, et si notre motion n’est pas votée, nous les soutiendrons. Mais elles sont noyées par votre refus de sortir du carcan de l’austérité budgétaire.
Ainsi, vous proposez la suppression du numerus clausus que nous demandions depuis longtemps. Mais c’est une mesure en trompe-l’œil, puisque vous en transférez la responsabilité aux présidents d’université sans leur donner plus de moyens. Et pourquoi ne pas l’avoir aussi supprimé pour les paramédicaux, singulièrement les orthophonistes, qui manquent, sur tous les territoires, en exercice libéral comme hospitalier ?
En outre, ce projet de loi fait la part belle aux ordonnances, restreignant de facto les droits du Parlement.
Vous nous avez expliqué, madame la ministre, qu’il était nécessaire de faire vite pour inscrire dans Parcoursup la suppression de la Paces pour 2020. Même si nous apprécions positivement votre intention de venir nous présenter a posteriori les études d’impact et les ordonnances, convenez qu’il est compliqué de vous accorder ce blanc-seing.
Trente années de réformes successives, dont vous assumez la continuité, ont conduit notre système de santé dans l’impasse. Aujourd’hui, tous les voyants sont au rouge. Pour ne prendre qu’un exemple récent, mardi 28 mai, à midi, pendant cinq minutes, le président de Samu-France a appelé à cesser symboliquement le travail pour dénoncer « le point de rupture jamais atteint ». Et il a été largement suivi.
Il faut décréter l’état d’urgence sanitaire dans notre pays. Trop nombreux sont nos concitoyennes et nos concitoyens à ne plus pouvoir accéder à un médecin généraliste ou à un spécialiste, dans de bonnes conditions financières, de proximité et de délai.
Les personnels hospitaliers sont au bord de l’épuisement professionnel généralisé. Les élus locaux sont exclus des constructions des projets territoriaux de santé. Les cas de femmes accouchant dans les ambulances se multiplient, faute de maternités de proximité. Des services sont désertés par des praticiens, qui préfèrent exercer en établissement privé où ils gagnent mieux leur vie et où ils n’ont pas les mêmes contraintes. La dette des hôpitaux a atteint les 30 milliards d’euros. Les inégalités d’accès à la médecine de ville gagnent du terrain. Les ruptures de stock de médicaments se multiplient…
Nous ne sommes pas alarmistes, mais réalistes. Si notre système de santé tient debout, c’est grâce à l’engagement sans faille des personnels. Je veux ici le souligner.
Il faut donc revoir notre système de santé, ce qui nécessite de mettre en œuvre un plan d’investissement matériel, financier et humain.
Ce plan n’est pas une utopie au regard des 40 milliards d’euros trouvés par le Gouvernement quand il s’est agi de faire ce cadeau, sans contrepartie, aux grandes entreprises. C’est bien une question de choix politique !
Il faut absolument sortir du carcan financier imposé par Bruxelles et mettre en œuvre une politique ambitieuse en matière de santé. Les propositions ne manquent pas pour y parvenir. Malheureusement, nous sommes contraints par les articles 40 et 41 de la Constitution, par le recours aux ordonnances, et par la loi de financement de la sécurité sociale.
Ces propositions, qui permettraient de répondre aux besoins des populations, sont notamment en contradiction avec cette nouvelle définition en trois échelons des hôpitaux, laquelle, sous couvert de gradation des soins, éloigne encore davantage les patients des infrastructures et des professionnels qualifiés, aggravant ainsi le phénomène des déserts médicaux, qui se multiplient en zones rurales et urbaines.
Vous pouvez affirmer qu’il n’y aura plus de fermetures d’hôpitaux de proximité, mais vous les videz de leurs services essentiels, comme les urgences, la chirurgie ou la maternité et vous supprimez des lits.
Lors de notre tour de France des hôpitaux et des Ehpad réalisé avec les collègues de mon groupe et les députés communistes, nous avons constaté, depuis quinze mois, la souffrance des personnels face à la dégradation des conditions de travail, le besoin de reconnaissance des métiers face à un sentiment d’écrasement par la machine administrative et, enfin, l’urgence d’embaucher du personnel pour arriver à soigner les malades comme il se doit.
Je pense à une phrase entendue dans différents établissements visités : « Nous ne faisons plus de la qualité, mais de l’abattage. »
Cette conception de l’hôpital public n’est pas la nôtre. Pour notre part, nous demandons depuis longtemps l’arrêt des fermetures de lits, de services, de maternités et d’hôpitaux, ce que le collectif Inter-Urgences, qui appelle à une journée nationale de manifestation à Paris, le 6 juin prochain, a mis en tête de ses revendications.
En 2014, alors que notre groupe avait déposé une proposition de loi exigeant un moratoire sur les fermetures de services, d’établissements ou de leurs regroupements, la ministre de la santé de l’époque, Marisol Touraine, avait répondu que, contrairement à ses prédécesseurs, elle ne conduisait plus une politique de fermetures des hôpitaux. Nous voyons aujourd’hui ce qu’il en est…
Force est de constater que, depuis 2014, les fermetures se sont poursuivies malgré les engagements des ministres successives, le nombre des établissements de santé passant de 3 111 en 2014 à 3 065 en 2016. Sur la même période, 46 établissements – pour le seul secteur public – ont fermé définitivement leurs portes.
Vous nous accorderez, mes chers collègues, que voter notre proposition de loi aurait été salutaire.
Dans ce contexte très dégradé, comment comprendre que Martin Hirsch annonce la fermeture de plus d’un millier de lits en gériatrie à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris d’ici à 2024, sans que votre ministère réagisse ?
Vous proposez de libérer du temps médical avec les 4 000 assistants médicaux pour les regroupements des professionnels de santé. Vous souhaitez favoriser l’exercice regroupé en maisons et centres de santé, nous disons : « Chiche ! »
Actuellement, les aspirations des jeunes praticiens à exercer en salariat dans des structures comme les centres de santé sont grandes. Donnons-leur les outils pour y parvenir en aidant réellement et concrètement les centres de santé à se développer. Il y a urgence à les accompagner en clarifiant le statut des professionnels exerçant dans ces centres, où les patients ont la garantie de bénéficier du tiers payant et de ne pas régler de dépassements d’honoraires, car il n’y en a pas.
Nous n’opposons pas médecine hospitalière et médecine de ville. Nous reconnaissons et défendons leur indispensable complémentarité.
Nous portons, avec nos collègues députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, un projet alternatif de santé que nous avons élaboré avec des actrices et acteurs de notre système de santé, rencontrés tout au long de notre tour de France des hôpitaux, pour apporter une réponse immédiate aux problématiques dénoncées.
Selon nous, l’urgence sanitaire nécessite d’agir tout de suite, sans attendre 2022, et de mettre en place un plan d’investissement pour une santé de qualité, accessible à toutes et à tous, financé par la suppression de la taxe sur les salaires dans les hôpitaux, par la suppression du CICE, du CIR et des exonérations de cotisations patronales et par une véritable lutte contre la fraude patronale aux cotisations sociales.
Avec cet argent, nous serions en capacité d’améliorer l’accès aux soins en créant 100 000 emplois à l’hôpital public et de revaloriser les carrières et les rémunérations des personnels. Est-il acceptable que les salaires des infirmières et des infirmiers en France soient les plus bas de tous les pays développés, selon l’OCDE ?
Avec cet argent, il est aussi possible de revenir sur les groupements hospitaliers de territoire, de créer 100 000 emplois statutaires par an, pendant trois ans, dans les filières gériatriques et les Ehpad, de revaloriser le point des conventions collectives du secteur d’aide à domicile, d’instaurer une véritable démocratie sanitaire en remplaçant les agences régionales de santé par des conseils cantonaux de santé, et en substituant aux conseils de surveillance des hôpitaux des conseils d’administration avec un droit de veto pour les représentants des personnels et les élus locaux.
Avec cet argent, il est possible de mettre en place un pôle public du médicament pour retrouver notre souveraineté en matière de production en France et de revaloriser le secteur psychiatrique pour garantir la continuité et la proximité du soin relationnel.
Bref, je n’entre pas dans le détail de nos 86 propositions. Il ne s’agit pas d’une liste à la Prévert, mais d’une réorientation des recettes de la sécurité sociale vers une autre politique de la santé.
C’est une question de choix politique. Nous regrettons, madame la ministre, que votre gouvernement s’inscrive dans la continuité des précédentes lois en matière de santé – notamment la loi HPST, dite loi Bachelot, et la loi Touraine.
Comment comprendre cet entêtement à poursuivre et à aggraver une politique qui a échoué et qui nous conduit aujourd’hui à la situation de pénurie de médecins, de recrudescence des renoncements aux soins et à la souffrance des personnels qui peut déboucher sur des drames ?
Cette politique ayant prouvé son inefficacité, il faut en changer, et ce de fond en comble. Ce n’est malheureusement pas ce que vous faites avec ce projet de loi.
Mes chers collègues, écoutez-nous, écoutez les infirmières de Valence qui chantent : « Y a de la colère dans les cathéters ! » Écoutez les personnels des urgences qui se mobilisent sur tous les territoires de notre pays. Votez notre motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je mets fin au suspense : nous ne soutiendrons pas cette motion tendant à opposer la question préalable.
Nous avons, nous aussi, repéré les faiblesses du projet de loi – ou plus exactement les manques qui le caractérisent –, même s’il comporte plusieurs points positifs. Selon nous, l’ambition de transformer le système de santé supposait d’aborder la question de sa gouvernance et celle de ses modalités de financement.
Comme l’a fort bien démontré le rapporteur et président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, dont nous saluons le travail, il nous paraît vain de faire du décloisonnement des acteurs du système de santé une priorité, sans remettre en cause le pilotage national de ce même système.
Maintenir une administration de la santé hypercentralisée et, en même temps, affirmer vouloir adapter les moyens d’action aux besoins des territoires ne nous apparaît pas opérant.
Nous estimons que le projet de loi manque d’ambition. Il se limite ainsi à fixer un cadre général ce qui, avec le recours aux habitations à légiférer par ordonnance, aboutit à un texte qui manque d’épaisseur. Le Parlement ne peut donc remplir pleinement son rôle de législateur.
Cependant, ce texte a d’ores et déjà été remanié par l’adoption de 131 amendements en commission, ce qui témoigne de la volonté de cette dernière d’y apporter des améliorations, dans un esprit constructif.
Alors que la santé ne figurait pas parmi les thèmes choisis par le Président de la République, la question de l’accès aux soins s’est imposée dans le grand débat national. Les Français attendent des réponses pour un meilleur accès aux soins.
C’est la raison pour laquelle nous considérons que nos travaux doivent se poursuivre pour nous permettre de débattre et d’enrichir encore le texte. Le groupe Les Républicains votera contre cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. À l’instar de mon collègue Savary, je ne ferai pas durer le suspense : nous ne voterons pas non plus cette motion.
Au-delà de ce que l’on peut penser de ce texte et de ses éventuelles insuffisances, il serait dommage de se priver d’un débat en séance publique sur des sujets aussi fondamentaux que ceux concernant la santé.
Nous avons fait cheminer la démocratie parlementaire et sociale, notamment à travers l’avenant aux conventions médicales pour la modulation des rémunérations et la mise en place des fameuses communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS, avec la participation de l’ensemble des représentants des professionnels de santé.
Nous devons pouvoir discuter d’une question aussi fondamentale que la santé et faire avancer les choses. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, notre groupe ne votera pas non plus cette motion.
Nous pensons que ce projet de loi va dans le bon sens, même si tout ne peut être réalisé immédiatement.
La suppression du numerus clausus, l’augmentation de 20 % du nombre d’étudiants, une formation complètement différente, l’application des dispositions votées en commission – notamment sur l’initiative du président Milon –, la création des assistants médicaux, le déploiement de 400 médecins, une organisation à partir de projets territoriaux – même si la question des hôpitaux de proximité reste encore à préciser – sont autant de mesures intéressantes.
Le débat peut aussi nous permettre de trouver des solutions, avec, par exemple, l’adoption d’amendements proposés par plusieurs groupes politiques sur la question des médecins adjoints. C’est d’ailleurs tout à fait le rôle du Sénat que d’apporter des solutions concrètes pour améliorer l’accès aux soins de premier recours dans nos territoires – question récurrente de chaque débat auquel j’ai pu participer…
Ce texte peut nous permettre d’avancer.