Sommaire
Présidence de Mme Valérie Létard
Secrétaires :
Mme Agnès Canayer, M. Joël Guerriau.
2. Croissance et transformation des entreprises. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme Catherine Fournier, présidente de la commission spéciale
Amendement n° 641 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 171 rectifié ter de M. Ronan Le Gleut. – Retrait.
Amendement n° 823 de M. Richard Yung. – Retrait.
Amendement n° 392 rectifié de Mme Céline Boulay-Espéronnier. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 642 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 643 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 86 rectifié de M. Philippe Adnot. – Adoption.
Amendement n° 833 rectifié de M. Jean-Marc Gabouty. – Rejet.
Amendement n° 85 rectifié de M. Philippe Adnot. – Retrait.
Amendement n° 898 rectifié de M. Jacques Mézard. – Adoption.
Amendement n° 84 rectifié de M. Philippe Adnot. – Retrait.
Amendement n° 645 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 646 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Adoption de l’article.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur
Amendement n° 447 rectifié bis de M. Vincent Segouin. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 824 de M. Richard Yung. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 984 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 39 rectifié de Mme Dominique Estrosi Sassone et 868 de M. Richard Yung. – Devenus sans objet.
Amendement n° 172 rectifié ter de M. Ronan Le Gleut et sous-amendement n° 985 du Gouvernement. – Devenus sans objet.
Articles additionnels après l’article 42 bis
Amendement n° 383 rectifié de Mme Laure Darcos. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 864 rectifié bis de M. Bernard Jomier. – Rejet.
Amendement n° 262 du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Articles 43 ter et 43 quater (supprimés)
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
3. Hommage aux victimes d’un incendie à Paris
4. Questions d’actualité au Gouvernement
traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire
M. Joël Guerriau ; Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
M. Roger Karoutchi ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice.
hypothèse d’un référendum le 26 mai
M. Hervé Marseille ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.
M. Richard Yung ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
Mme Véronique Guillotin ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Véronique Guillotin.
débat national et pluralisme dans les médias
M. Pierre Laurent ; Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Henri Cabanel ; M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
Mme Claudine Thomas ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Claudine Thomas.
programmation pluriannuelle de la recherche
M. André Gattolin ; Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
M. André Reichardt ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.
perquisition dans les locaux de mediapart
Mme Marie-Pierre de la Gontrie ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
utilisation de gaz hilarant par les adolescents
Mme Valérie Létard ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
5. Croissance et transformation des entreprises. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 904 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission spéciale
M. Gérard Longuet ; Mme la présidente.
Amendement n° 716 rectifié bis de M. Philippe Dominati. – Devenu sans objet.
Amendement n° 520 rectifié de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Amendement n° 521 rectifié de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Amendement n° 522 rectifié de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
6. Mise au point au sujet d’un vote
7. Croissance et transformation des entreprises. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme Catherine Fournier, présidente de la commission spéciale ; M. Roger Karoutchi ; M. Martial Bourquin.
Amendement n° 523 rectifié de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Amendement n° 21 rectifié ter de Mme Anne Chain-Larché. – Devenu sans objet.
Amendement n° 183 rectifié bis de M. Roger Karoutchi. – Devenu sans objet.
Amendement n° 524 rectifié de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Amendement n° 885 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Amendement n° 525 rectifié de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Amendement n° 981 de la commission. – Devenu sans objet.
Amendement n° 526 rectifié de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Amendement n° 528 rectifié de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Amendement n° 721 rectifié bis de M. Philippe Dominati. – Devenu sans objet.
Amendement n° 454 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Amendements n° 529 rectifié, 530 rectifié et 531 rectifié de M. Fabien Gay. – Devenus sans objet.
Amendements identiques nos 3 rectifié ter de Mme Anne Chain-Larché et 532 rectifié de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Amendement n° 533 rectifié de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 227 rectifié de M. Fabien Gay et 396 rectifié de M. Martial Bourquin
Mme Sophie Primas ; M. Bruno Le Maire, ministre ; Mme la présidente.
Amendements identiques nos 227 rectifié de M. Fabien Gay et 396 rectifié de M. Martial Bourquin (suite). – Rejet par scrutin public n° 49.
Amendement n° 801 de M. Richard Yung. – Rejet.
Amendement n° 951 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 189 rectifié de M. Arnaud Bazin. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1022 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 950 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 190 rectifié de M. Arnaud Bazin. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 557 rectifié de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Amendement n° 455 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Amendement n° 719 rectifié bis de M. Philippe Dominati et sous-amendement n° 920 de Mme Sophie Primas. – Devenus sans objet.
Amendement n° 534 de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1023 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l’article 50
Amendement n° 736 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.
Amendement n° 737 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.
Amendement n° 718 rectifié bis de M. Philippe Dominati. – Rejet.
Amendement n° 266 du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé
Article additionnel après l’article 51
Amendement n° 267 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.
Article additionnel après l’article 51 bis
Amendement n° 713 de M. Victorin Lurel. – Non soutenu.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Valérie Létard
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Agnès Canayer,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 31 janvier 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Croissance et transformation des entreprises
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises (projet n° 28, texte de la commission spéciale n° 255, rapport n° 254, rapport d’information de la commission des affaires européennes n° 207).
Dans la discussion du texte de la commission spéciale, nous en sommes parvenus, au sein de la sous-section 1 de la section 2 du chapitre II, à l’article 40.
Chapitre II (suite)
Des entreprises plus innovantes
Section 2
Protéger les inventions et libérer l’expérimentation de nos entreprises
Sous-section 1
Protéger les inventions de nos entreprises
Article 40
(Non modifié)
I. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° L’article L. 611-2 est ainsi modifié :
a) Au 2°, le mot : « six » est remplacé par le mot : « dix » ;
b) À la fin de la première phrase du dernier alinéa, les références : « aux articles L. 612-14, L. 612-15 et au premier alinéa de l’article L. 612-17 » sont remplacées par les références : « à l’article L. 612-14 et au premier alinéa des articles L. 612-15 et L. 612-17 » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 612-14, la référence : « à l’article L. 612-15 » est remplacée par la référence : « au premier alinéa de l’article L. 612-15 » ;
3° L’article L. 612-15 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le demandeur peut transformer sa demande de certificat d’utilité en demande de brevet, dans un délai et selon une procédure précisés par voie réglementaire. » ;
4° Le chapitre V du titre Ier du livre V de la deuxième partie est complété par un article L. 515-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 515-2. – La formule exécutoire prévue au 2 de l’article 71 du règlement mentionné à l’article L. 515-1 est apposée par l’Institut national de la propriété industrielle. » ;
5° L’article L. 811-1-1 est ainsi modifié :
– la quatrième ligne du tableau du second alinéa du a du 2° est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
« |
Article L. 611-2 |
Loi n° … du … relative à la croissance et la transformation des entreprises |
|
Articles L. 611-3 à L. 611-6 |
Loi n° 92 597 du 1er juillet 1992 |
» ; |
– les vingt-quatrième et vingt-cinquième lignes du même tableau sont remplacées par trois lignes ainsi rédigées :
« |
Article L. 612-14 |
Loi n° … du … relative à la croissance et la transformation des entreprises |
|
Article L. 612-15 |
Loi n° … du … relative à la croissance et la transformation des entreprises |
||
Articles L 612-16 à L. 612-17 |
Ordonnance n° 2008-1301 du 11 décembre 2008 |
» |
II. – Les articles L. 611-2, L. 612-14 et L. 612-15 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction résultant du présent article, entrent en vigueur à la date de publication du texte réglementaire prévu au second alinéa de l’article L. 612-15, et au plus tard à l’expiration du douzième mois suivant la publication de la présente loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma prise de parole couvre les différents articles qui viennent, car je souhaite rétablir, avant que nous n’entamions la discussion des articles relatifs à la propriété industrielle, ce qui est, pour moi, une vérité : le brevet français est un titre fort.
La force du système français des brevets découle principalement de son intégration dans le système européen des brevets.
Il y a une quarantaine d’années, la France a fait le choix, judicieux, de sous-traiter à l’Office européen des brevets, l’OEB, la recherche d’antériorité. Les déposants français disposent ainsi d’un rapport de recherche, c’est-à-dire de nouveauté – est-ce qu’il y a quelque chose de nouveau ? –, d’une très grande qualité, auquel est annexé un avis sur la brevetabilité – nous en parlerons tout à l’heure –, qui porte non seulement sur la nouveauté, mais aussi sur l’activité inventive.
Disponible en moyenne neuf mois après le dépôt, le rapport de recherche est facturé à un prix inférieur de moitié à celui qui est demandé par l’OEB à l’INPI, l’Institut national de la propriété industrielle. Cela tient au fait que la France a apporté en dot, si j’ose dire, à l’Office européen des brevets une grande organisation qui s’appelait l’Institut international des brevets, qui se trouvait à La Haye et que la France avait créée avec quelques autres pays.
En plus, lorsqu’ils décident de procéder à une extension européenne de leur brevet dans un délai de douze mois à compter du premier dépôt, les déposants français bénéficient d’une réduction significative de la taxe de recherche et peuvent sans délai demander à l’OEB de procéder à un examen complet. Dans certains cas, le brevet européen est même délivré directement sans discussion ni modification de la demande.
Il convient de préciser que le taux d’extension des demandes françaises par l’OEB s’élève à environ 75 %, contre 45 % en moyenne pour les autres pays. Cela prouve que les brevets français sont suffisamment solides pour mériter d’être déposés à l’étranger.
Enfin, la force du système français des brevets est confirmée par l’analyse des décisions rendues par le tribunal de grande instance de Paris, qui a une compétence exclusive en matière de brevet : le taux d’annulation des brevets français s’élève à environ 20 %, alors que celui des brevets d’autres pays est proche de 40 %.
Je voulais rappeler ces éléments pour que nous ayons bien en tête le fait que le brevet français est un titre fort.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale.
Mme Catherine Fournier, présidente de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’innovation est devenue une condition sine qua non du développement de nos entreprises. Si les pouvoirs publics ne peuvent pas innover à leur place, ils peuvent leur offrir un environnement juridique propice à cette innovation.
C’est l’objectif recherché par le présent projet de loi au travers du renforcement de la protection des titres de propriété de nos entreprises, et en particulier – j’insiste – des plus petites d’entre elles.
L’innovation a un coût non négligeable. Les entreprises sont donc d’autant plus enclines à investir dans l’innovation qu’elles savent que celle-ci ne pourra pas leur être volée facilement par un concurrent et qu’elle valorisera durablement leur capital immatériel.
C’est ce que permet le texte que nous examinons aujourd’hui au travers de deux mesures.
D’abord, l’article 42 permet aux entreprises de contester plus facilement un brevet avec l’instauration d’une procédure administrative d’opposition aux brevets. Jusqu’à présent, seule la voie judiciaire était à la disposition des entreprises, ce qui dissuadait les plus petites de défendre leurs brevets, souvent faute de moyens, et les poussait à accepter des conditions défavorables à l’issue de transactions avec leurs concurrentes ou avec certains de leurs partenaires commerciaux.
Ensuite, l’article 42 bis permet à l’INPI de s’assurer que les conditions de brevetabilité d’une invention sont réunies avant d’accorder le brevet. En effet, nous étions dans une situation paradoxale, dans laquelle la loi fixait les critères auxquels doit obéir tout brevet, mais les entreprises n’étaient pas obligées de les respecter et l’INPI ne pouvait pas s’y opposer.
L’article 42 bis met un terme à cette exception française, qui affaiblissait non seulement la qualité des brevets français, mais également leur notoriété sur le plan européen et mondial.
Alors, non, cet article n’a pas vocation à affaiblir le brevet français au profit du brevet européen. Au contraire, il le rend plus compétitif, en améliorant sa qualité, tout en garantissant un prix d’accès toujours largement inférieur à celui du brevet européen.
Cet article avait été adopté en commission spéciale au moment de l’élaboration du texte de la commission. Toutefois, lors de l’examen des amendements extérieurs, celle-ci s’est prononcée pour sa suppression, sans qu’il y ait d’ailleurs eu le moindre débat. À titre personnel, je fais confiance à notre rapporteur, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet et qui défend le vote des dispositions proposées par le projet de loi sur les brevets.
Mme la présidente. L’amendement n° 641, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Depuis son instauration, le droit de la propriété intellectuelle a cherché un juste équilibre : protéger les créateurs et inventeurs, sans que cela entre dans le champ de la privatisation totale afin de préserver l’intérêt général.
Mais il y a une réalité intangible : l’équilibre se rompt année après année, réforme après réforme, pour tendre vers une privatisation des inventions et des créations. Cela est allé tellement loin que la jurisprudence a dû elle-même rappeler que le droit de la propriété ne pouvait se placer au-dessus des droits fondamentaux.
Alors, oui, on peut comprendre que les inventeurs puissent jouir de l’exclusivité de leur invention durant les premières années de sa création. Cela vise tout à la fois à leur permettre de rentabiliser cette invention et à continuer de travailler dessus pour l’améliorer, sans que la concurrence joue à plein.
Mais les pratiques régulières de certains industriels et groupes d’intérêts, notamment en matière de brevets et de licences, dépassent largement ce cadre.
Nous pensons bien évidemment à l’industrie pharmaceutique, qui a fait l’objet de diverses études, notamment en Belgique. Certains exemples sont édifiants : ainsi, l’ajout d’une vitamine a pu permettre l’émission d’une nouvelle demande de brevet et créer des marchés monopolistiques indus, ainsi que des rentes largement supérieures pour un produit aussi efficace. D’ailleurs, il faut rappeler que Médecins du monde, Médecins sans frontières et dix-sept autres organisations ont attaqué devant l’Office européen des brevets le brevet d’un médicament contre l’hépatite C ayant fait l’objet d’un nouveau brevet contestable.
De fait, les trois alinéas que vise cet amendement tiennent parfaitement de cette logique de maintien dans le domaine privé.
Pourtant, de l’aveu même du Gouvernement, les certificats d’utilité sont particulièrement adaptés aux inventions à cycle de vie court – on peut penser aux prototypes ou aux inventions de technologies, dont on sait qu’elles seront périmées quelques années après. C’est d’ailleurs ce qui a justifié la mise en place d’un certificat limité à six ans, permettant notamment à des repreneurs de travailler sur des projets et prototypes abandonnés.
Le certificat d’utilité est donc autant un outil de protection qu’un moyen de stimuler la recherche. Il présente aussi des avantages non négligeables pour les déposants, puisqu’il coûte moins cher et ne nécessite pas de rapport de recherche.
Pour finir, doubler – ou presque – sa durée de vie, tout en facilitant la transition entre une demande de certificat d’utilité et une demande de brevet, revient à renforcer les mauvaises pratiques que je viens de dénoncer. Cette mesure ne répond à aucune logique économique ; c’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons de voter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Il semble au contraire pertinent d’allonger la durée du certificat d’utilité pour se caler sur celle qui est observée dans d’autres pays, comme l’Allemagne ou la Chine, et donner ainsi une meilleure visibilité à ce titre de protection. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 171 rectifié ter, présenté par MM. Le Gleut et Bascher, Mmes Bories et de Cidrac, M. Darnaud, Mmes Deromedi et Dumas, M. Frassa, Mme Garriaud-Maylam et MM. Grosdidier, Lefèvre, Mandelli, Mouiller, Piednoir et Rapin, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 612-3, il est inséré un article L. 612-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 612-3-… – Le déposant d’une demande de brevet peut indiquer dans la requête en délivrance que ce dépôt vaut également demande d’un certificat d’utilité portant sur la même invention.
« Dans le cas prévu à l’alinéa précédent, le déposant doit acquitter la redevance de dépôt correspondant à la demande de brevet et la redevance de dépôt correspondant à la demande de certificat d’utilité.
« Les demandes de rectification ou de modification dans les pièces de la demande de brevet adressées par le déposant doivent être accompagnées des mêmes demandes de rectification ou de modification pour la demande de certificat d’utilité déposée conjointement à la demande de brevet, le cas échéant.
« Le présent article n’affecte pas la possibilité de déposer en application de l’article L. 612-13 de nouvelles revendications, indépendamment de celles de la demande de brevet correspondante.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Ronan Le Gleut.
M. Ronan Le Gleut. L’article 40 du projet de loi concernant le certificat d’utilité français suscite des interrogations et mériterait certains aménagements.
Un certificat d’utilité se différencie d’un brevet, notamment par une durée de protection plus courte, une procédure d’examen plus légère, une délivrance plus rapide et un coût moins élevé.
Près de quatre-vingt-dix pays étrangers disposent d’un titre de propriété intellectuelle pouvant s’apparenter au certificat d’utilité, notamment l’Allemagne et la Chine – il est le plus souvent appelé « modèle d’utilité ». Les règles de droit concernant le certificat d’utilité sont très variables d’un pays à l’autre.
L’objectif de cet amendement est de rapprocher le certificat d’utilité français des modèles d’utilité allemand et chinois, qui ont déjà fait leurs preuves, en particulier sur leur champ d’application, leur système judiciaire et la possibilité d’un dépôt conjoint d’une demande de modèle d’utilité et d’une demande de brevet sur une même invention.
Des mécanismes sophistiqués d’articulation ont été prévus dans ces pays, ne compliquant en aucune manière la procédure de dépôt. De tels instruments sont à prévoir et l’amendement vise donc à renvoyer à un décret en Conseil d’État le besoin de préciser les modalités techniques d’application.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Le présent amendement prévoit qu’une demande de brevet peut également valoir demande de certificat d’utilité.
Ce dépôt simultané n’est cependant pas véritablement souhaitable. En effet, le brevet et le certificat d’invention n’ont pas vocation a priori à protéger les mêmes inventions et il existe une progressivité dans la protection apportée par ces titres. En outre, la loi prévoit que l’on peut transformer, en cours d’instruction, une demande de brevet en une demande de certificat d’inventivité et réciproquement.
La commission spéciale demande le retrait de cet amendement, qui est en partie satisfait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Le Gleut, l’amendement n° 171 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Ronan Le Gleut. Non, je le retire, madame la présidente, en remerciant Mme la rapporteur de ses explications.
Mme la présidente. L’amendement n° 171 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 823, présenté par MM. Yung, Patient et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéas 10 à 14
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Richard Yung.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’application des dispositions de l’article à Wallis-et-Futuna, sans, me semble-t-il, les prévoir ailleurs. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Yung, l’amendement n° 823 est-il maintenu ?
M. Richard Yung. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 823 est retiré.
L’amendement n° 392 rectifié, présenté par Mme Boulay-Espéronnier, M. Bonhomme, Mme Duranton, MM. Vogel, Kennel et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Lefèvre, Regnard, Laménie et Pellevat, Mme Deromedi, MM. Revet, Daubresse, Rapin et Gremillet et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
6° L’article L. 614-24 est abrogé.
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…– Le 6° du I entre en vigueur après un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. En matière de brevets d’invention, depuis l’entrée en vigueur en 1978 du traité de coopération en matière de brevets, dit PCT, la France ne permet pas aux déposants d’une demande internationale d’entrer en procédure française, les privant ainsi de la possibilité d’obtenir un brevet français par cette voie. Elle les oblige de ce fait à s’adresser à l’Office européen des brevets. C’est seulement par un brevet européen qu’ils peuvent obtenir la protection de leur invention en France.
Je rappelle que l’Allemagne et le Royaume-Uni, entre autres, n’ont jamais opté pour une telle restriction dans leur propre droit. Les déposants du PCT peuvent ainsi demander un brevet directement auprès des offices allemand et britannique, confortant ainsi le rôle international de ces derniers.
Il est proposé, via cet amendement, d’abandonner cette restriction prévue à l’article L. 614-24 du code de la propriété intellectuelle, et ce pour plusieurs raisons.
Il s’agit de permettre aux déposants internationaux d’obtenir un brevet français par la voie du PCT et aux PME qui sont les utilisatrices types du système judiciaire français pour les litiges liés aux brevets de conserver cet avantage. Il s’agit aussi de maintenir économiquement les revenus liés aux litiges de brevets en France et de compenser l’impact sur les finances de l’INPI du futur brevet européen à effet unitaire.
Enfin, cet abandon permettrait de conforter la procédure et les juridictions françaises compétentes en matière de brevets dans le futur contexte marqué par le brevet européen à effet unitaire et la juridiction unifiée du brevet.
Cet amendement prévoit, en conséquence, la suppression de l’article L. 614-24 du code de la propriété intellectuelle dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi, afin de permettre à l’INPI de se préparer à jouer son rôle d’office de traitement direct des demandes internationales dans le cadre d’une phase nationale PCT.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La question de permettre à l’INPI de traiter ces demandes en direct s’est déjà posée plusieurs fois.
Toutefois, le présent projet de loi PACTE va déjà imposer dans les prochains mois d’importantes évolutions à l’INPI. Laissons-lui le temps de les absorber avant de lui imposer de nouvelles charges de travail ! Je propose que nous revoyions la situation de l’INPI dans quelques années, notamment au vu de l’évolution des flux de demandes.
C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Bonhomme, l’amendement n° 392 rectifié est-il maintenu ?
M. François Bonhomme. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 392 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 40.
(L’article 40 est adopté.)
Article 41
I. – Le livre V du code de la recherche est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 531-1 est ainsi rédigé :
« Les fonctionnaires civils des services publics et entreprises publiques définis à l’article L. 112-2 peuvent être autorisés à participer à titre personnel, en qualité d’associé ou de dirigeant, à la création d’une entreprise dont l’objet est d’assurer, en exécution d’un contrat conclu avec une personne publique, une entreprise publique ou une personne morale mandatée par ces dernières, la valorisation des travaux de recherche qu’ils ont réalisés dans l’exercice de leurs fonctions. » ;
2° L’article L. 531-3 est abrogé ;
3° L’article L. 531-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 531-4. – À compter de la date d’effet de l’autorisation, le fonctionnaire est soit détaché dans l’entreprise, soit mis à disposition de celle-ci.
« L’autorisation fixe la quotité de temps de travail et la nature des fonctions que l’intéressé peut éventuellement conserver dans l’administration ou l’établissement où il est affecté. » ;
4° L’article L. 531-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 531-5. – L’autorité dont relève le fonctionnaire est tenue informée des revenus qu’il perçoit en raison de sa participation au capital de l’entreprise, des cessions de titres auxquelles il procède ainsi que, le cas échéant, des compléments de rémunération qui lui sont versés, dans la limite d’un plafond fixé par voie réglementaire.
« Lorsque le fonctionnaire mis à disposition dans l’entreprise poursuit ses fonctions publiques, il ne peut participer ni à l’élaboration ni à la passation de contrats et conventions conclus entre l’entreprise et le service public de la recherche.
« Le fonctionnaire détaché dans l’entreprise ou mis à disposition de celle-ci peut prétendre au bénéfice d’un avancement de grade dans son corps ou cadre d’emplois d’origine, à la suite de la réussite à un concours ou à un examen professionnel ou au titre de la promotion au choix, sans qu’il soit mis fin à sa mise à disposition ou à son détachement. Il peut prétendre, dans les mêmes conditions, au bénéfice d’une nomination dans un autre corps lorsque cette dernière n’est pas conditionnée à l’accomplissement d’une période de formation ou de stage préalable. » ;
5° Les articles L. 531-6 et L. 531-7 sont abrogés ;
6° L’article L. 531-8 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les fonctionnaires mentionnés à l’article L. 531-1 peuvent être autorisés à apporter leur concours scientifique à une entreprise qui assure, en exécution d’un contrat conclu avec une personne publique, une entreprise publique ou une personne morale mandatée par ces dernières, la valorisation des travaux de recherche qu’ils ont réalisés dans l’exercice de leurs fonctions. » ;
a bis) (nouveau) À la première phrase du second alinéa, après le mot : « alinéa », sont insérés les mots : « du présent article » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les conditions dans lesquelles le fonctionnaire intéressé apporte son concours scientifique à l’entreprise sont définies par une convention conclue entre l’entreprise et la personne publique mentionnée au même premier alinéa. Cette convention fixe notamment la quotité de temps de travail que l’intéressé peut consacrer à son activité dans l’entreprise, dans une limite fixée par voie réglementaire. Lorsque la collaboration avec l’entreprise n’est pas compatible avec l’exercice d’un temps plein dans les fonctions publiques exercées par l’intéressé, celui-ci est mis à disposition de l’entreprise. » ;
7° L’article L. 531-9 est ainsi modifié :
a) Après la première occurrence des mots : « l’entreprise », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « existante. » ;
b) La seconde phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « Il peut exercer toute fonction au sein de l’entreprise à l’exception d’une fonction de dirigeant. » ;
c) À la fin du dernier alinéa, la référence : « au deuxième alinéa » sont remplacés par la référence : « au dernier alinéa de l’article L. 531-8 » ;
8° Les articles L. 531-10 et L. 531-11 sont abrogés ;
9° À l’intitulé de la section 3 du chapitre Ier du titre III, les mots : « au conseil d’administration ou au conseil de surveillance » sont remplacés par les mots : « aux organes de direction » et, à la fin, le mot : « anonyme » est remplacé par les mots : « commerciale » ;
10° Les deux premiers alinéas de l’article L. 531-12 sont ainsi rédigés :
« Les fonctionnaires mentionnés à l’article L. 531-1 peuvent, à titre personnel, être autorisés à être membres des organes de direction d’une société commerciale, afin de favoriser la diffusion des résultats de la recherche publique.
« Leur participation dans le capital social de l’entreprise ne peut excéder 20 % de celui-ci ni donner droit à plus de 20 % des droits de vote. Ils ne peuvent percevoir de l’entreprise d’autre rémunération que celles prévues aux articles L. 225-45 et L. 225-83 du code de commerce, dans la limite d’un plafond fixé par décret. » ;
10° bis Après le même article L. 531-12, il est inséré un article L. 531-12-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 531-12-1. – Les dispositions de l’article L. 531-12 sont applicables aux fonctionnaires qui assurent les fonctions de président, de directeur ou, quel que soit leur titre, de chef d’établissement d’un établissement public de recherche ou d’un établissement public d’enseignement supérieur et de recherche tels que définis au titre Ier du livre III. Ces fonctionnaires ne peuvent toutefois percevoir de l’entreprise aucune rémunération liée à l’exercice de cette activité.
« Pour l’application du présent article, l’autorité dont relève le fonctionnaire, lorsqu’il assure la direction d’un établissement public, est le ou les ministres de tutelle de cet établissement.
« En cas d’autorisation donnée par le ou les ministres de tutelle, la participation du fonctionnaire mentionné au premier alinéa du présent article aux organes de direction d’une société commerciale et le nom de cette société sont rendus publics par l’établissement public de recherche ou l’établissement public d’enseignement supérieur et de recherche qui l’emploie. » ;
11° Les articles L. 531-13 et L. 531-14 sont abrogés ;
12° La section 4 est ainsi rédigée :
« Section 4
« Dispositions générales
« Art. L. 531-14. – Les autorisations mentionnées aux articles L. 531-1, L. 531-8, L. 531-12 et L. 531-12-1 ainsi que leur renouvellement sont accordés par l’autorité dont relève le fonctionnaire dans les conditions prévues à la présente section, pour une période maximale fixée par voie réglementaire.
« L’autorisation est refusée :
« 1° Si elle est préjudiciable au fonctionnement normal du service public ;
« 2° Si, par sa nature ou par ses conditions et modalités et eu égard aux fonctions précédemment exercées par le fonctionnaire, la participation de ce dernier porte atteinte à la dignité de ces fonctions ou risque de compromettre ou mettre en cause l’indépendance ou la neutralité du service ;
« 3° Si la prise d’intérêts dans l’entreprise est de nature à porter atteinte aux intérêts matériels et moraux du service public de la recherche ou à remettre en cause les conditions d’exercice de la mission d’expertise que le fonctionnaire exerce auprès des pouvoirs publics ou de la mission de direction qu’il assure.
« Dans les cas prévus aux articles L. 531-8, L. 531-12 et L. 531-12-1, le fonctionnaire peut être autorisé à détenir une participation au capital social de l’entreprise, sous réserve qu’au cours des trois années précédentes, il n’ait pas, en qualité de fonctionnaire ou d’agent public, exercé un contrôle sur cette entreprise ou participé à l’élaboration ou à la passation de contrats et conventions conclus entre l’entreprise et le service public de la recherche.
« L’autorité peut, préalablement à sa décision, demander l’avis de la commission de déontologie de la fonction publique mentionnée à l’article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
« La mise à disposition, prévue aux articles L. 531-4 et L. 531-8 du présent code, donne lieu à remboursement par l’entreprise, dans les conditions prévues par voie réglementaire.
« Art. L. 531-14-1. – I. – Au terme de l’autorisation mentionnée aux articles L. 531-1 et L. 531-8, en cas de fin anticipée de celle-ci convenue entre le fonctionnaire et l’autorité dont il relève ou de non-renouvellement, le fonctionnaire peut conserver une participation au capital de l’entreprise dans la limite de 49 % du capital. Il informe cette autorité du montant conservé et des modifications ultérieures de sa participation.
« Lorsque l’autorité dont relève le fonctionnaire estime ne pas pouvoir apprécier si le fonctionnaire se trouve en situation de conflit d’intérêts, elle saisit la commission de déontologie, dans les conditions prévues à l’article L. 531-14.
« II. – Au terme d’une autorisation accordée sur le fondement des dispositions régissant un des dispositifs prévus aux articles L. 531-1, L. 531-8 et L. 531-12, le fonctionnaire peut également bénéficier d’une autorisation accordée sur le fondement d’un autre de ces dispositifs, s’il remplit les conditions fixées à l’article L. 531-14.
« Art. L. 531-15. – L’autorisation est abrogée ou son renouvellement est refusé si les conditions qui avaient permis sa délivrance ne sont plus réunies ou si le fonctionnaire méconnaît les dispositions du présent chapitre. Il ne peut alors poursuivre son activité dans l’entreprise que dans les conditions prévues à l’article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et ne peut plus conserver directement ou indirectement un intérêt financier quelconque dans l’entreprise.
« Art. L. 531-16. – Les conditions dans lesquelles des agents non fonctionnaires peuvent, sous réserve des adaptations nécessaires, bénéficier des dispositions prévues aux sections 1 et 2 du présent chapitre et à l’article L. 531-12-1 sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
13° L’article L. 533-1 est ainsi modifié :
a) Le V est ainsi rédigé :
« V. – En cas de copropriété entre personnes publiques investies d’une mission de recherche, un mandataire unique est désigné. Un décret définit les modalités de désignation, les missions et les pouvoirs de ce mandataire. » ;
b) Le VI est abrogé ;
14° Les articles L. 545-1, L. 546-1 et L. 547-1 sont ainsi modifiés :
a) Au premier alinéa, les références : « , L. 531-1 à L. 531-16 » sont supprimées ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le chapitre Ier du titre III du présent livre est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la croissance et la transformation des entreprises. »
I bis (nouveau). – Le chapitre IV du titre Ier du livre Ier du code de la recherche est ainsi modifié :
1° Au second alinéa de l’article L. 114-1, après le mot : « développement », sont insérés les mots : « de l’innovation et » ;
2° Au 4° de l’article L. 114-3-1, la référence : « chapitre III du titre Ier du livre IV » est remplacée par la référence : « chapitre Ier du titre III du livre V ».
II. – Au 1° du II de l’article L. 114-3-3 du code de la recherche, après le mot : « enseignant-chercheur, », sont insérés les mots : « dont au moins l’un d’entre eux a été autorisé à participer à la création d’une entreprise en application des articles L. 531-1, L. 531-2, L. 531-4, L. 531-5, L. 531-12, L. 531-14, L. 531-14-1 et L. 531-15, ».
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositions que nous allons maintenant examiner sont tirées du rapport commandé par M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche du précédent gouvernement, et vous les reprenez quasiment in extenso…
Devant l’Assemblée nationale, la ministre chargée de la recherche a déclaré que cet article « était un élément fondamental de ce projet de loi ».
Néanmoins, depuis vendredi dernier, le contexte politique de l’examen de cet article a radicalement changé. En effet, à l’occasion d’une grande réunion publique organisée pour célébrer les 80 ans du CNRS, le Premier ministre a lancé, de façon très solennelle, un grand débat national sur la science. Il le souhaite le plus large et le plus libre possible et demande aux scientifiques de répondre à trois questions : « Comment garantir que les projets les plus novateurs soient financés au bon niveau ? Comment rester compétitifs à l’échelle internationale ? Comment convertir les découvertes scientifiques en innovations ? »
Le Premier ministre a fixé un calendrier à cette consultation : elle devra être achevée avant la fin de ce semestre pour permettre à la ministre de déposer un projet de loi, ce qui devrait être fait à la fin de l’année 2019 ou au début de l’année 2020.
En s’adressant à la communauté scientifique, le Premier ministre a ajouté : « Nous avons besoin du doute et du raisonnement scientifique. »
Il me semble, dans ce contexte, qu’il serait de bonne politique de surseoir à la discussion des dispositions du projet de loi qui concernent ces questions pour laisser aux scientifiques la liberté de débattre, pleinement et sans restriction, de tous les sujets proposés par le Premier ministre.
Mme la présidente. L’amendement n° 642, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. En présentant cet amendement et en l’absence de réaction du ministre, je poursuis mon argumentaire pour vous montrer en quoi il est plus légitime que nos discussions se déroulent dans un cadre plus large.
Comme cela est indiqué dans le rapport, les dispositions de la loi du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche, dite loi Allègre, concernent moins de 1 % des chercheurs. Vous considérez qu’en simplifiant encore les modalités de ces dispositifs cette proportion pourrait progresser.
Ce n’est pas l’avis de la Cour des comptes, qui a montré dans un récent rapport – il a été publié en mars 2018 – que le seul outil de l’intéressement n’était pas suffisant pour développer les interactions entre la recherche et la valorisation. Selon ce rapport, « l’incitation des chercheurs à se préoccuper de la valorisation est un enjeu essentiel. À cette fin, l’État a privilégié l’outil de l’intéressement et l’a rendu de plus en plus favorable au fil du temps. Néanmoins, d’autres outils non financiers pourraient être mis en place pour lever les freins à l’implication des chercheurs publics dans la valorisation ».
La démarche doit donc être plus systémique et il convient d’associer les chercheuses et les chercheurs à cette réflexion globale. C’est l’objet du grand débat national sur la science lancé par le Premier ministre.
Je crains que les corrections que vous nous proposez d’apporter ne concernent finalement que l’infime proportion – moins de 1 % – des chercheurs qui les utilisent déjà, sans inciter les autres à les rejoindre.
Il serait plus sage d’avoir une vision globale de cette question et de rendre la parole aux chercheurs, comme le Premier ministre s’y est engagé vendredi dernier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La loi Allègre a permis un premier rapprochement entre la recherche et l’innovation, mais le bilan concret reste assez mitigé. Il paraît donc opportun, vingt après le vote de cette loi, de la réformer afin de permettre à la recherche de soutenir l’innovation, qui est la pierre angulaire de la compétitivité des entreprises. C’est pourquoi la commission spéciale est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis que la commission spéciale.
Je rappelle que cette question n’entre pas dans le cadre du grand débat, qui contient quatre chapitres. Il me semble donc que nous pouvons avancer sur ce sujet sans attendre ses conclusions.
Par ailleurs, je crois qu’il est de l’intérêt de la France de permettre aux chercheurs d’avoir un lien plus étroit avec le monde de l’entreprise. Limiter la capacité d’un chercheur à travailler dans une entreprise revient à limiter la capacité de nos entreprises elles-mêmes à se développer, à innover et à gagner la bataille des nouvelles technologies.
J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises dans cet hémicycle : l’avenir de la France, en particulier sur le plan industriel et économique, repose sur notre capacité à investir dans les technologies de rupture. Si nous continuons à séparer et à cloisonner le monde de la recherche et celui de l’entreprise, notre économie ne réussira pas.
Nous avons des concurrents asiatiques, par exemple chinois, et américains qui permettent aux chercheurs et aux entreprises de travailler main dans la main pour le plus grand bénéfice de ces nations. Je vous propose simplement de faire de même, en rehaussant la possibilité pour les chercheurs de passer plus de temps dans une entreprise.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, je discute non pas du fond de cette mesure, mais de la méthode. Le Premier ministre a engagé, vendredi dernier, un grand débat national sur la recherche qui devrait durer six mois. J’étais au premier rang et je crois avoir correctement compris… Or, parmi les questions posées aux chercheurs, l’une – par ailleurs fondamentale – concerne exactement ce dont nous débattons : comment convertir les découvertes scientifiques en innovations ?
Je pense qu’il serait de mauvaise politique que votre gouvernement referme maintenant un grand débat à peine ouvert. Il faut laisser la parole aux scientifiques sans restreindre a priori la portée du débat, sinon, mes chers collègues, nous pourrions douter de la sincérité du grand débat national (M. Roger Karoutchi s’exclame.), qui porte en effet sur d’autres thèmes. Le Gouvernement va peut-être nous expliquer que le grand débat non plus ne doit pas aborder toutes les questions qui se posent…
Il faut aujourd’hui laisser la parole aux chercheurs et je vous demande finalement, mes chers collègues, de respecter la science française, en laissant à chacun la possibilité de s’exprimer librement sur ces problèmes qui sont fondamentaux. C’est d’ailleurs ce à quoi le Gouvernement s’est engagé !
Je le répète, je parle non pas du fond, mais de la méthode. Nous devons respecter l’engagement pris par le Premier ministre vendredi dernier à l’égard des chercheurs. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Il s’est effectivement passé un événement important en fin de semaine dernière : l’annonce par le Premier ministre, en présence de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, du lancement d’une large concertation. L’ensemble du monde scientifique, notamment les chercheurs, et nous-mêmes ne pouvons que nous féliciter de cette annonce.
La question des liens entre le monde de l’entreprise et celui de la recherche est réelle et faciliter leur rapprochement et leur collaboration me semble aller dans la bonne direction, mais les articles de ce projet de loi qui portent sur ces sujets pourraient laisser penser que nous refermons le débat, qui n’a pourtant été ouvert que vendredi dernier.
Sans prendre position sur le fond de ces questions, il me semble effectivement plus sage de les renvoyer à ce grand débat, aux chercheurs et à l’ensemble des partenaires qui vont justement être rassemblés dans cet objectif. Il leur revient de trouver les meilleurs outils et leviers pour, entre autres choses, approfondir les liens entre le monde de l’entreprise et celui de la recherche.
Mme la présidente. L’amendement n° 643, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Remplacer les mots :
est tenue informée
par les mots :
ainsi que la commission mentionnée à l’article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 décembre 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires sont tenues informées
II. – Alinéa 15
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le contrat est transmis pour avis à la commission mentionnée à l’article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 décembre 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
III. – Alinéa 23
Supprimer cet alinéa.
IV. – Alinéa 32
Supprimer cet alinéa.
V. – Alinéa 36
Après le mot :
fonctionnaire
insérer les mots :
après avis de la commission mentionnée à l’article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 décembre 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires
VI. – Alinéa 42
Supprimer cet alinéa.
VII. – Alinéa 44, seconde phrase
Après le mot :
autorité
insérer les mots :
ainsi que la commission mentionnée à l’article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 décembre 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires
VIII. – Alinéa 45
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Je suis opiniâtre, madame la présidente, je poursuis donc mon argumentaire…
Dans son rapport, la commission spéciale de l’Assemblée nationale a reconnu que les mesures dont nous débattons « créaient davantage de situations, dans lesquelles les chercheurs partagent leur temps entre l’entreprise privée et leurs fonctions publiques, augmentant ainsi le risque de conflits d’intérêts ».
L’article L. 531-3 du code de la recherche rendait obligatoire l’avis de la commission de déontologie instituée par la loi de 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires. Le Gouvernement a décidé d’abroger cet article et de remplacer cet avis obligatoire par une information facultative.
Le statut de la fonction publique impose aux fonctionnaires des droits et des devoirs. Ces devoirs sont essentiels et permettent à l’État de disposer des compétences et du travail de ses fonctionnaires pour mener à bien ses missions au service de l’intérêt général, sous le contrôle du Parlement.
Dans le cadre d’une mission de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, notre estimé collègue Pierre Médevielle et votre serviteur, pour le Sénat, ont rencontré la direction de l’Autorité européenne de sécurité des aliments à Parme. Elle nous a expliqué que, à la suite des crises que vous connaissez – glyphosate… –, elle avait été obligée d’écarter de son panel presque la moitié des scientifiques qui travaillaient pour l’agence en raison de leurs conflits d’intérêts. Elle demandait donc aux États membres, dont la France, de veiller à maintenir un corps de scientifiques qui en soit totalement préservé.
C’est une nécessité absolue pour conserver la crédibilité scientifique et politique des avis rendus par les agences d’évaluation.
L’État en tant que tel, et non ses établissements, doit donc veiller, par le biais d’une commission de déontologie, à disposer d’une expertise scientifique totalement indépendante. C’est pourquoi nous proposons dans le présent amendement de rétablir les prérogatives de cette commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je voudrais rappeler que les organismes de recherche gardent toujours la possibilité de saisir la commission de déontologie, s’ils estiment qu’ils ne sont pas en mesure d’apprécier si le fonctionnaire se trouve en situation de conflit d’intérêts. Sur les 1 571 dossiers soumis à la commission de déontologie entre 2000 et 2015, 1 426 ont reçu un avis favorable, soit 91 % des cas.
Il me semble important de faire confiance aux organismes de recherche qui connaissent bien les travaux de leurs chercheurs, ainsi que les entreprises avec lesquelles ils passent des contrats. Les organismes peuvent par conséquent juger, au plus près du terrain, s’il y a ou non un risque de conflit d’intérêts.
La commission spéciale est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je suis désolé, mais la pratique m’amène à distinguer l’intérêt des établissements publics de celui de l’État, que j’estime supérieur. Si vous considérez que les avis de la commission de déontologie sont systématiquement favorables, je ne vois pas pourquoi ils constitueraient des freins aux déplacements et à la mobilité des chercheurs. Au contraire, je pense que c’est aujourd’hui pour l’État un pare-feu essentiel, de nature à éviter les conflits d’intérêts tels que ceux que nous avons pu voir sur différents dossiers.
Mme la présidente. L’amendement n° 86 rectifié, présenté par M. Adnot, Mme Imbert, MM. Savary, Cuypers et Rapin et Mme Lavarde, est ainsi libellé :
Alinéa 27, première phrase
Remplacer, deux fois, le taux :
20 %
par le taux :
32 %
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Comme vous le savez peut-être, mes chers collègues, je suis rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits budgétaires de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’ai fait des rapports, notamment, sur la valorisation de la recherche, sur le financement de la maturation, ainsi que sur les organismes de valorisation de la recherche que sont les SATT, les sociétés d’accélération du transfert de technologies. J’ai également animé au Sénat, pendant quinze ans, les Tremplins Entreprises, manifestation qui nous permettait de présenter des start-up à la communauté des financeurs. C’est donc un sujet qui me tient particulièrement à cœur.
Nous avons aujourd’hui un problème : la participation des chercheurs en matière de droits de vote et de capital est plafonnée à 20 %. Ainsi, chaque fois qu’un nouveau financement arrive dans la start-up, la part du chercheur est diluée. Mon amendement a donc pour objet de rehausser à 32 % la participation autorisée aux chercheurs dans les start-up, de manière à ce qu’ils puissent être fortement intéressés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je demande l’avis du Gouvernement sur cette question de plafonnement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je comprends parfaitement le raisonnement de M. le sénateur, qui souhaite permettre à un chercheur de participer plus activement à la gouvernance d’une société. Je rappelle néanmoins que cette participation d’un chercheur public, donc d’un agent public, au capital social d’une entreprise est dérogatoire du droit commun. À l’origine, le plafond avait été fixé à 5 %. Il est aujourd’hui rehaussé à 20 %, ce qui me paraît raisonnable. Le taux de 32 %, lui, me semble élevé. Je m’en remets cependant à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Sagesse également.
Mme la présidente. L’amendement n° 833 rectifié, présenté par MM. Gabouty, Artano et Collin, Mmes N. Delattre et Guillotin et MM. Menonville, Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 44, première phrase
Supprimer les mots :
dans la limite de 49 % du capital
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Cet amendement aborde un problème un peu de même nature que le précédent. Dans la mesure où le principe de détention de capital et de fonctions au sein des organes de direction par le chercheur est admis, la limitation à 49 % est relativement théorique. En effet, elle peut être aisément contournée, pour arriver à 50 % ou 51 %, par exemple, des membres de la famille, des amis ou d’autres personnes de confiance pouvant détenir des actions complémentaires. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cette limite, dans un souci de simplification.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Vous l’avez dit, mon cher collègue, la loi fixe une limite à la détention du capital de l’entreprise nouvellement créée par le chercheur, ou dans laquelle il a réalisé un concours scientifique. Cette limitation à 49 % a pour but d’éviter qu’il soit actionnaire majoritaire, ce qui pourrait l’amener, de fait, à diriger la société et à être en conflit avec les organes dirigeants de la société. Autrement dit, il doit renoncer à son implication dans l’entreprise.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je m’en suis remis à la sagesse du Sénat sur l’amendement précédent, car j’estime que l’on doit pouvoir envisager que le chercheur ait une participation plus importante dans l’entreprise. En revanche, sur cet amendement, j’ai un avis clairement défavorable, parce qu’il pose un problème de principe. Le chercheur a participé à la création d’une entreprise et investi – tant mieux, c’est très bon pour le pays ! –, puis il revient dans la fonction publique. En votant cet amendement, vous lui permettriez d’être actionnaire majoritaire d’une entreprise privée, ce qui est, à mon sens, tout à fait déraisonnable.
Si le chercheur veut absolument maintenir sa participation majoritaire dans l’entreprise dans laquelle il a investi, il a toute latitude pour se mettre en position de disponibilité, mais lui laisser la possibilité d’être fonctionnaire et, en même temps, actionnaire majoritaire, l’expose à des conflits d’intérêts évidents.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je ne porte pas un jugement sur le fond ou sur l’opportunité d’une telle limitation, mais j’en pointe le côté théorique. À moins de réglementer comme dans d’autres domaines, tels que les activités parlementaires (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.), et de prévoir l’impossibilité, pour des membres de la famille – jusqu’à quel degré ? – ou des amis proches, d’être également coactionnaires, on reste dans la théorie, car la règle est très facilement contournable.
Mme la présidente. L’amendement n° 85 rectifié, présenté par M. Adnot, Mme Imbert, MM. Savary, Cuypers et Rapin et Mme Lavarde, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 49
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le I est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette dernière dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de ladite déclaration, pour lui faire part de son intention ou non de valoriser l’invention déclarée, son silence gardé à l’issue de ce délai valant renonciation. » ;
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Nous le savons bien, tout est question de rapidité. Quand une bonne idée émerge, qu’un brevet peut être envisagé, l’essentiel est d’aller très vite pour obtenir un certain nombre de réponses. Cet amendement a pour objet de limiter les délais, de manière à gagner le plus d’efficacité possible.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je souscris tout à fait à votre souhait, mon cher collègue, de raccourcir les délais administratifs pour encourager l’innovation, mais, face à des dossiers complexes, une instruction plus détaillée est nécessaire, notamment pour analyser la brevetabilité de l’invention, ce qui nécessite un délai supérieur à un mois.
Par ailleurs, vous souhaitez imposer un délai qui serait incompatible avec le droit de préemption des copropriétaires de l’invention.
Enfin, l’introduction de ce type de contrainte dans la loi risque de fragiliser une valorisation efficace des titres de propriété intellectuelle, qui sont plus complexes.
Je demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis. C’est un vrai problème, monsieur le sénateur, mais vous n’y apportez pas la bonne réponse. Nous allons travailler à cette accélération des délais. D’autres propositions seront faites, et j’espère que nous pourrons travailler dessus avec vous. Je propose également le retrait.
Mme la présidente. Monsieur Adnot, retirez-vous votre amendement ?
M. Philippe Adnot. Pour imaginer cet amendement, ainsi qu’un autre qui va suivre, je me suis appuyé sur un rapport commandé par le Gouvernement (L’orateur brandit le document), auquel a notamment contribué M. Jacques Lewiner, qui est un des chercheurs les plus pertinents en France, l’un des plus grands créateurs de start-up et le premier déposant de brevets à titre privé. Ma proposition s’inspire ainsi d’une des suggestions du rapport, qui porte sur les aides à l’innovation.
Cependant, j’ai bien entendu la réponse de M. le ministre : si l’on peut continuer à travailler pour améliorer les délais, je veux bien retirer mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 85 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 898 rectifié, présenté par MM. Mézard, Artano et A. Bertrand, Mmes M. Carrère et N. Delattre et MM. Gabouty, Gold, Guérini, Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 51
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« V.- En cas de copropriété entre personnes publiques investies d’une mission de recherche sur une ou plusieurs inventions, connaissances techniques, logiciels, bases de données protégeables par le code de la propriété intellectuelle, ou savoir-faire protégés, une convention détermine l’organisation de la copropriété, dont la répartition des droits.
« Un mandataire unique est désigné pour exercer des missions de gestion et d’exploitation des droits co-détenus. La convention de copropriété mentionnée au premier alinéa du présent V lui est notifiée.
« Les règles de gestion de la copropriété, les modalités de désignation du mandataire unique, ses missions et ses pouvoirs sont définis par décret. Ces dispositions réglementaires valent règlement de copropriété au sens de l’article L. 613-32 du code de la propriété intellectuelle. » ;
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement a pour objet d’étendre le champ d’action du mandataire unique à d’autres actifs de propriété intellectuelle que les inventions. En effet, les établissements publics de recherche concernés peuvent valoriser d’autres résultats de recherche que les inventions, par exemple, un logiciel, une obtention végétale ou un savoir-faire.
La conclusion d’un règlement de copropriété, réglant notamment la répartition des droits de copropriété, est nécessaire pour procéder au dépôt et à la valorisation des résultats de la recherche. Cette information doit être portée à la connaissance du mandataire unique pour mener à bien ses missions, dans des délais compatibles avec la valorisation des inventions et leur exploitation par des industriels. Nous sommes bien dans le concret.
Nous proposons que les dispositions qui seront prévues par voie réglementaire vaillent règlement de copropriété au sens de l’article L. 613-32 du code de la propriété intellectuelle, afin de permettre de déroger au régime de copropriété des brevets prévu par l’article L. 613-29 du même code, qui, lui, ne permet pas une valorisation efficace des brevets issus de la recherche publique. Ces dispositions pourront être complétées par convention.
Mme la présidente. L’amendement n° 84 rectifié, présenté par M. Adnot, Mme Imbert, MM. Savary, Cuypers et Rapin et Mme Lavarde, est ainsi libellé :
Alinéa 51
Compléter cet alinéa par les mots :
, en s’attachant à la réduction des délais de décision des personnes publiques susvisées
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Je l’avais annoncé, cet amendement a aussi pour objet de raccourcir les délais. Si M. le ministre est toujours dans le même état d’esprit que lors de sa réponse précédente, par laquelle il proposait de travailler sur le sujet, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 84 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 898 rectifié ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je suis d’accord avec le principe d’étendre le champ d’action du mandataire unique à d’autres actifs de propriété intellectuelle que les inventions. Toutefois, je n’ai pas vraiment eu le temps d’expertiser le sujet, notamment en rencontrant les représentants des organismes de recherche. Je sollicite donc l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. C’est un avis très favorable, monsieur Mézard. (Exclamations sur plusieurs travées.)
Mme Sophie Primas. Quelle surprise !
M. Bruno Le Maire, ministre. Cette extension du champ du mandataire unique répond à l’objectif d’accélérer la valorisation des technologies, à l’instar du projet de loi.
Mme Sophie Primas. Bravo ! (Sourires.)
Mme la présidente. La commission spéciale suit-elle cet avis ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Oui, madame la présidente, avis favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 645, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 57 à 59
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Notre amendement vise à revenir sur l’amendement n° 358 de Mme la rapporteur, dont l’adoption en commission a conduit à ajouter aux critères objectifs de l’évaluation définis par le code de la recherche, aujourd’hui limités aux « contributions au développement de la culture scientifique et aux actions en faveur de la participation du public à la prospection, à la collecte de données et au progrès de la connaissance scientifique » les contributions au développement de l’innovation.
Cette innovation est comprise uniquement dans le cadre d’opérations industrielles et commerciales. Une telle acception du terme est très restrictive, trop restrictive à notre goût. En latin, le mot innovatio désigne le changement, le renouvellement non seulement scientifique, mais aussi politique et philosophique.
De plus en plus nombreux sont mes collègues qui viennent exposer devant nos commissions leurs recherches sur des dossiers que nous traitons, et je m’en réjouis vivement, car nous avons collectivement beaucoup à apprendre de leur expertise. Parfois, les échanges que nous avons avec eux constituent de véritables innovations, parce qu’elles changent notre façon d’appréhender le monde. J’aimerais aussi que cet apport fondamental, plutôt d’ordre philosophique, politique, culturel, soit également reconnu dans leur carrière, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Enfin, cum grano salis (Exclamations amusées.), je ne suis pas opposé à ce que les relations entre les chercheurs et le monde qui les entoure soient encouragées. Les dérogations consenties à leur statut sont peut-être nécessaires. J’aimerais alors comprendre pourquoi, quand il s’agit d’un parlementaire, il est indispensable d’établir une paroi totalement étanche entre sa carrière scientifique et son mandat. Je suis chercheur au CNRS en position de disponibilité pour la durée de mon mandat. Il n’y a pas de problème quand vous faites une mobilité vers le privé, mais il est beaucoup plus préjudiciable pour votre carrière de faire une mobilité vers le Sénat. Pourquoi cet hémicycle est-il frappé d’indignité ? (Exclamations amusées sur plusieurs travées.) J’aimerais avoir une explication ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je comprends tout à fait vos préoccupations concernant les chercheurs en sciences humaines et sociales, mon cher collègue. Pour autant, je vous rappelle que le code de la recherche dispose que « les activités de recherche financées en tout ou partie sur fonds publics, réalisées par des opérateurs publics ou privés, sont évaluées sur la base de critères objectifs adaptés à chacune d’entre elles et s’inspirant des meilleures pratiques internationales. »
Il est donc déjà précisé dans la loi que les critères d’évaluation sont adaptés en fonction des disciplines.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Vous voyez bien que nous sommes en porte-à-faux. La discussion que nous avons mériterait d’être menée dans le cadre qu’a offert le Premier ministre aux chercheurs. Comme vous le dites très justement, madame la rapporteur, aujourd’hui, l’évaluation de chercheurs se fait en fonction de codes internationaux, mais qui ne sont pas du tout ceux que vous réclamez. Ils prennent en compte la bibliométrie, c’est-à-dire le rang des revues, qui est un critère politiquement tout à fait condamnable si l’on se soucie d’intérêt général.
Il faudrait remettre à plat avec les chercheurs, les scientifiques, tout le système d’évaluation. On pourrait notamment réfléchir à l’implication des chercheurs non seulement dans l’activité parlementaire, mais aussi dans les entreprises et les établissements privés.
Encore une fois, monsieur le ministre, notre discussion est malheureusement faible et trop ponctuelle. L’idéal serait d’arrêter l’examen de cet article pour reporter la totalité du débat sur ces points fondamentaux au grand débat que le Premier ministre va engager et qui est prévu pour durer six mois.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 41, modifié.
(L’article 41 est adopté.)
Article 41 bis
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre III du livre IV du code de la recherche est complété par un article L. 431-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 431-4. – Dans les établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial et les fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique au sens de l’article L. 112-1 du présent code, un accord d’entreprise fixe les conditions dans lesquelles il est possible de recourir à un contrat conclu pour la durée d’un chantier ou d’une opération. Un décret fixe la liste des établissements et fondations concernés.
« Ce contrat est conclu pour une durée indéterminée.
« L’accord d’entreprise précise :
« 1° Les activités concernées ;
« 2° Les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat ;
« 3° Les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de licenciement accordées aux salariés ;
« 4° Les garanties en termes de formation pour les salariés concernés ;
« 5° Les modalités adaptées de rupture de ce contrat dans l’hypothèse où le chantier ou l’opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser ou se termine de manière anticipée.
« La rupture du contrat de chantier ou d’opération qui intervient à la fin du chantier ou une fois l’opération réalisée repose sur une cause réelle et sérieuse. Cette rupture est soumise aux dispositions des articles L. 1232-2 à L. 1232-6 ainsi que du chapitre IV, de la section 1 du chapitre V et du chapitre VIII du titre III du livre II de la première partie du code du travail.
« Si l’accord d’entreprise le prévoit, le salarié licencié à l’issue d’un contrat de chantier ou d’opération peut bénéficier d’une priorité de réembauche en contrat à durée indéterminée dans le délai et selon les modalités fixés par l’accord. »
Mme la présidente. L’amendement n° 646, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. C’est le dernier. De toute façon, il n’y a pas de débat. J’aurais souhaité une vraie discussion sur la forme, sur l’interaction entre ce que nous faisons maintenant et ce que le Premier ministre a proposé aux chercheurs, mais vous refusez ce dialogue. À mon sens, il serait plus correct à l’égard des chercheurs de leur dire qu’à l’orée de ce débat prévu pour durer six mois vous avez déjà pris des décisions sur lesquelles vous ne reviendrez pas, donc qui sont fermées à la discussion. C’est le cas pour l’innovation, comme on va le voir.
Avec cet amendement, on aborde le problème des statuts, pour lesquels vous proposez un nouveau système. Monsieur le ministre, aujourd’hui, mes collègues chercheurs sont soucieux d’une chose : la baisse drastique des recrutements au CNRS sur des emplois fixes. Il faut que nous ayons une discussion claire devant le pays à partir de la question suivante : est-il encore utile d’embaucher des chercheurs sur la longue durée ? Je vais vous dire ce que j’ai compris du discours du Premier ministre : effectivement, je le cite énormément, car son intervention de vendredi dernier m’a emporté… (Rires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Roger Karoutchi. Revenez ! (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. J’ai pleinement adhéré à ce qu’il nous a proposé. (Exclamations.) Il a fait une apologie de la longue durée, ce qui me semble primordial. Il nous a dit que la science ne pouvait pas être dans l’événementiel, dans la réaction à chaud sur tous les événements. Bref, il a plaidé pour la durée.
Mme Sophie Primas. Comme en politique !
M. Pierre Ouzoulias. Moi, j’y ai vu une ouverture vers des carrières longues de chercheur. C’est un point sur lequel on doit discuter. Il ne faut pas le retirer du débat que va ouvrir Mme Frédérique Vidal. En toute honnêteté, elle devra dire à la science française sur quoi les discussions vont porter. Malheureusement, j’ai compris qu’un certain nombre de points en étaient retranchés. Monsieur le ministre, le Gouvernement doit cette explication aux chercheurs. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. L’article 41 bis, que nos collègues proposent de supprimer, a pour objet de permettre aux établissements de recherche de signer des contrats de chantier.
Quel est leur avantage ? Contrairement à ce que disent les auteurs de l’amendement, ils autorisent des durées de recrutement plus longues et plus protectrices pour les salariés. Ils offrent en outre des garanties en matière de formation pour ces mêmes salariés. Par ailleurs, afin de prévenir les abus, il est prévu que la rupture du contrat de chantier ou d’opération qui intervient à la fin du chantier, ou une fois l’opération réalisée, repose sur une cause réelle et sérieuse.
Pour conclure, je dirai que ces contrats offrent de nombreuses garanties aux salariés, tout en permettant de maîtriser la gestion du risque économique que font peser une activité et des financements par nature non pérennes dans le temps.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, je veux vous rassurer. Je ne reprends pas les arguments de Mme la rapporteur, que je partage totalement, mais, j’y insiste, la proposition que nous faisons sécurise les chercheurs par rapport à l’état du droit existant.
Un autre moment politique va s’ouvrir pour débattre sur la recherche. Je me réjouis que vous souteniez avec autant de ferveur le Premier ministre. Cela me fait plaisir ! Cela illumine mon mardi ! (Exclamations amusées.)
Par ailleurs, ayant moi-même commencé ma carrière professionnelle comme chercheur, attaché à la longue durée puisque je travaillais sur Marcel Proust (Rires.), je reconnais bien volontiers la nécessité d’offrir du temps long aux chercheurs. Cependant, comme ministre de l’économie, je pense aussi que les Français sont impatients d’avoir des résultats dans le temps court. (Nouvelles exclamations amusées.)
Ce projet de loi PACTE vise justement à concilier les deux : vous aurez le temps long pour le débat sur la recherche avec le Premier ministre, notamment sur cet établissement prestigieux, et qui fonctionne remarquablement bien, qu’est le CNRS ; pour ce qui est du temps court, je vous recommande de soutenir tout ce qui vise à faire tomber les murs entre la recherche et l’entreprise, ce qui nous permettra de créer des emplois tout de suite. Je pense que les Français sont impatients de les voir maintenant.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, vous me tendez une perche : vous nous proposez donc la recherche du temps perdu ! (Rires.)
Il y a un télescopage entre le temps long et le temps court. L’archéologue que je suis connaît cela parfaitement : il y a les événements, puis le temps long de la recherche. Les chercheurs souhaitent vraiment que le dialogue qui commence avec eux soit sincère. Ils attendent qu’on leur dise exactement sur quoi il va porter. Je regrette vivement que l’on aborde déjà ici, à la sauvette, des questions de statut, de cadre d’emploi, alors qu’une réflexion générale s’impose. Monsieur le ministre, retournez vers eux et expliquez vraiment votre démarche. Je suis désolé, mais, aujourd’hui, je ne l’ai pas comprise.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela fait des années que l’on entend ce discours sur la nécessité d’avoir des contrats courts, adossés à l’entreprise. À mon sens, ce qui fait le lien entre la recherche et l’entreprise, ce n’est ni cela ni le statut rendu de plus en plus précaire des chercheurs, c’est plutôt le développement de stratégies industrielles autour d’un axe commun, pour relier l’évolution de nos productions, celle de nos sociétés et la recherche.
À ce sujet, je vous suggère de relire ce qu’ont dit tous les prix Nobel français en matière scientifique : dans leurs premières déclarations, ils rappellent toujours que, s’ils ont l’honneur de recevoir ce prix, c’est justement parce qu’ils ont eu la chance de travailler dans des structures de très long terme, où on ne leur imposait pas de canaliser leurs recherches vers une finalité immédiate.
Je ne dis pas qu’il ne faut pas favoriser les recherches qui laissent entrevoir des débouchés industriels et technologiques immédiats. Pour autant, je le répète, tous nos prix Nobel récents en matière scientifique ont pu être distingués, car ils ont bénéficié de la garantie de durée offerte par leur statut. (Mmes Angèle Préville et Sophie Taillé-Polian applaudissent.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 41 bis.
(L’article 41 bis est adopté.)
Article 42
(Non modifié)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi, nécessaires pour :
1° Créer un droit d’opposition aux brevets d’invention délivrés par l’Institut national de la propriété industrielle afin de permettre aux tiers de demander par voie administrative la révocation ou la modification d’un brevet, tout en veillant à prévenir les procédures d’opposition abusives ;
2° Prévoir les règles de recours applicables aux décisions naissant de l’exercice de ce droit ;
3° Permettre, d’une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code de la propriété intellectuelle et, le cas échéant, d’autres codes et lois, dans leur rédaction résultant des mesures prévues au 1° pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Nous allons aborder des articles qui modernisent et renforcent le système de protection des titres de propriété, condition sine qua non tant pour encourager nos entreprises à innover que pour valoriser leur capital immatériel.
Les dispositions qui nous sont proposées obéissent à trois objectifs : adapter le niveau de protection ; renforcer la qualité des titres de propriété ; faciliter, notamment pour les PME, la défense de leurs titres de propriété en instaurant une procédure administrative d’opposition.
Ces dispositions sont indispensables pour la compétitivité de nos entreprises.
Or nous avons été nombreux à être interpellés avec insistance pour nous inviter à rejeter le dispositif proposé dans ce texte.
C’est pourquoi, je souhaiterais revenir sur les arguments avancés par les opposants à cette réforme et mettre un terme à certaines contrevérités.
On nous assure que le brevet français n’est pas si faible, puisque le taux d’annulation des brevets français serait inférieur à celui des brevets européens. C’est faux ! Depuis 2000, monsieur Yung, ce sont 41 % des brevets français qui sont annulés, contre seulement 23 % des brevets européens. Cela démontre donc qu’il y a un problème, lié à l’absence d’examen au fond des conditions de brevetabilité de l’invention par l’INPI.
De même, on veut vous faire croire que ce fameux examen au fond découragera les entreprises françaises de se tourner vers le brevet national au profit du brevet européen, en raison de l’augmentation des délais et des coûts. Là encore, c’est faux ! Actuellement, le coût de la procédure devant l’Office européen des brevets, l’OEB, est de près de 5 000 euros, contre 636 euros devant l’INPI pour les grandes entreprises, et 318 euros pour les plus petites. Les taxes de maintien en vigueur sont de plus de 1 000 euros par an auprès de l’OEB, contre 57 euros à 114 euros devant l’INPI.
Enfin, la durée moyenne d’instruction des demandes de brevet devrait, certes, légèrement augmenter, mais les délais de délivrance de brevets devraient être maîtrisés pour toutes les entreprises qui jouent le jeu, c’est-à-dire celles qui déposent un brevet dont l’objectif est de défendre une innovation.
En réalité, pourquoi certains s’opposent à ce que les pouvoirs publics renforcent la qualité des brevets français ? Certaines entreprises, souvent les plus grosses, utilisent ce système des brevets faibles et pas chers pour déposer beaucoup de brevets, souvent sans grande valeur, mais qui permettent de bloquer l’arrivée de concurrents. En effet, la PME concernée n’osera pas intenter des recours devant la justice en raison des coûts.
Ainsi, faire la promotion d’un brevet faible et pas cher, c’est pénaliser les PME et les start-up en maintenant un rapport de forces qui leur est défavorable. Finalement, elles ne sont pas incitées à innover. (M. Alain Richard applaudit.)
Mme la présidente. L’amendement n° 447 rectifié bis, présenté par M. Segouin, Mme de Cidrac, MM. Panunzi, Brisson, Pointereau, de Nicolaÿ, Bonhomme, Regnard, Vaspart et Laménie, Mme Ramond, M. Pellevat, Mme Deromedi, MM. D. Laurent, Lefèvre, Daubresse, Rapin et Poniatowski, Mme Bories et MM. B. Fournier, Duplomb et J.M. Boyer, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Vincent Segouin.
M. Vincent Segouin. L’article 42 a pour objet la création d’un droit d’opposition aux brevets d’invention délivrés par l’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI, ouvert aux tiers, et dont les modalités seront précisées par ordonnance. Ce droit permettra à toute personne de demander à l’INPI, dans un certain délai, la révocation d’un brevet délivré.
Une telle disposition législative fragiliserait fortement le système de brevet français, dès lors qu’un risque d’opposition systématique et sans filtre serait théoriquement envisageable.
Si le renforcement de la sécurité et de la protection des brevets français est une nécessité pour les PME, ce droit d’opposition engendrerait pour les déposants des coûts administratifs importants, entre les taxes de dépôt, d’enregistrement, d’examen, etc.
Un tel dispositif constituerait un frein potentiel à la dynamique de recherche et à la valorisation des innovations françaises, dès lors que les nouveaux coûts induits par cette procédure d’opposition décourageraient les entreprises françaises de protéger leurs innovations sur leur propre marché.
Le système de brevet français est aujourd’hui simple et attractif du point de vue financier. Cette modification pourrait conduire certaines entreprises à abuser de ce système d’opposition. Par ailleurs, il faut savoir qu’un droit d’opposition judiciaire existe déjà en France. Le risque de cette nouvelle procédure, je le répète, serait de dissuader les entreprises de déposer des brevets dans notre pays.
Ce dispositif est en contradiction avec les démarches de simplification que nous avons entreprises depuis le début de l’examen du projet de loi PACTE. Par conséquent, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Mon cher collègue, je reste un peu perplexe devant l’exposé des motifs de votre amendement, qui me paraît contradictoire. En effet, vous craignez un risque d’opposition systématique tout en redoutant que les coûts induits par cette procédure ne découragent les entreprises de protéger leurs innovations.
En ce qui me concerne, je constate qu’il n’existe à l’heure actuelle qu’une seule procédure devant le juge. Elle effraie les PME et les empêche de se défendre, non pas seulement face à leurs concurrentes également PME, mais aussi face à des grands groupes, qui profitent de cette inégalité des entreprises devant la justice selon leur taille.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je rejoins totalement l’argumentaire de Mme la rapporteur et je veux insister sur l’importance de ce dispositif.
L’obligation de passer devant la justice pour annuler un brevet constitue un frein à l’innovation. Le fait qu’une entreprise puisse déposer un brevet déjà existant ou dépourvu de toute valeur oblige les PME qui utilisent ces dispositifs à payer des redevances, donc, à abandonner cette innovation.
En imposant d’attendre la décision de justice, on crée un frein considérable à l’innovation dans notre pays. Notre texte, qui donne la possibilité d’obtenir plus rapidement une annulation, permet de déblayer l’économie française des brevets infondés, facilitant ainsi la valorisation de la vraie innovation. Il est particulièrement intéressant pour les PME, qui pourront surmonter la barrière à l’innovation contenue dans cette procédure judiciaire.
J’insiste vraiment sur ce dispositif parce qu’il est très important. En vigueur dans la plupart des pays européens, il donne l’opportunité de nettoyer l’économie française des brevets qui ne seraient pas justifiés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, l’expérience le prouve, donner délégation au Gouvernement pour prendre des décisions par ordonnances nous expose au risque de voir ces ordonnances contenir des choses totalement inattendues !
Par principe, je suis contre les ordonnances. Je considère que, s’il y a lieu de modifier la loi, eh bien, il faut emprunter non la voie des ordonnances mais la procédure normale, c’est-à-dire passer par le Parlement. En effet, nous le savons, chaque fois que le Parlement délègue au Gouvernement le pouvoir d’agir par ordonnances, il laisse, quel que soit le domaine, le champ libre à l’administration. Et elle se livre à des choses absolument extravagantes, que nous n’aurions jamais laissé passer au sein de l’hémicycle !
Pour cette raison de forme, à laquelle je suis très attaché, je voterai contre cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Dans le système français actuel, il est très lourd et très compliqué de contester la validité d’un brevet délivré par l’INPI. Il faut aller devant le tribunal de grande instance et prendre un avocat, un conseil en brevet.
En ce sens, la proposition contenue par le texte me paraît positive. De plus, elle permettra de se prononcer sur la validité du brevet et sur ce qu’on appelle les « revendications », c’est-à-dire les différentes parties constitutives du brevet sur lequel le titulaire demande une protection.
Au-delà de cet aspect positif, nous sommes évidemment exposés à deux risques : premier risque, l’abus des oppositions, un domaine dans lequel, on le sait, les entreprises américaines sont particulièrement actives, cherchant à déposer des oppositions partout où elles le peuvent pour gêner la procédure et pratiquer ce qu’on appelle « la chasse au troll » ; second risque, une probable augmentation de coût provoquée par la création nécessaire de chambres d’opposition composées de quatre ou cinq ingénieurs, qu’il faudra payer.
Globalement, la proposition me paraît tout de même positive.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 447 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 42.
(L’article 42 est adopté.)
Article 42 bis A (nouveau)
I. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 411-4, après le mot : « industrielle, », sont insérés les mots : « des demandes en nullité de dessins et modèles » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 512-4 est complété par les mots : « ou par décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle » ;
3° À l’article L. 512-6, le mot : « judiciaire » est supprimé ;
4° Après l’article L. 512-6, il est inséré un article L. 512-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 512-7. – Les recours contre les décisions rendues à l’occasion des demandes en nullité de dessins et modèles sont des recours en réformation assortis d’un effet suspensif. » ;
5° Après le premier alinéa de l’article L. 521-3-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les demandes en nullité peuvent également être introduites et instruites devant l’Institut national de la propriété industrielle dans les formes et conditions définies par décret en Conseil d’État. »
II. – Le I du présent article entre en vigueur deux ans après la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 824, présenté par MM. Yung, Patient, Patriat, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Il s’agit, dans le prolongement de la discussion précédente, de supprimer la disposition créant une procédure d’opposition, qui n’existe pas en droit français, sur ce que l’on appelle les dessins et modèles, à savoir des titres de propriété industrielle couvrant des inventions de forme et, en général, d’une durée de vie relativement brève, de un à deux ans. Cela peut concerner, par exemple, dans le domaine de la mode, différents types de dessins, de tissus, d’articles, etc.
Cet article tend à mettre en place un système d’opposition permettant d’obtenir, devant une chambre d’opposition de l’INPI, l’annulation d’un dessin et modèle.
La proposition me semble prématurée pour deux raisons. D’abord, il faut avoir les moyens d’effectuer une recherche de nouveauté, pouvoir regarder, parmi tout ce qui existe, s’il y a déjà eu un dessin et modèle du même genre, ce qui est assez lourd et compliqué car cela suppose d’élaborer des bases de données. Ensuite, nous n’avons pas encore les conclusions de l’étude menée par la Commission européenne sur les différents types de protection de dessins et modèles à l’intérieur de l’Union européenne.
Pour l’ensemble de ces raisons, il me paraît préférable d’attendre et de surseoir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. En effet, cet article 42 bis A complète le dispositif en étendant aux dessins et aux modèles ce que l’actuel projet de loi instaure pour les marques et les brevets et auquel nous ne sommes pas, les uns et les autres, opposés.
Mon cher collègue, vous vous inquiétez de la capacité de l’INPI à gérer ces nouvelles missions. Je vous rappelle qu’un délai de deux ans après la promulgation de la loi a été prévu pour l’entrée en vigueur de cette disposition, afin de laisser aux équipes de cet organisme le temps de monter en compétences.
Vous évoquez une éventuelle réforme de la directive sur la protection juridique des dessins et modèles de 1998. Or la Commission n’a même pas encore publié le Livre vert à ce sujet. Il me paraît opportun que la France anticipe les évolutions législatives et renforce la qualité des titres de propriété délivrés sur son territoire.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Une fois n’est pas coutume, je vais avoir un avis différent de celui de Mme la rapporteur. Je suis en effet assez sensible aux arguments développés par le sénateur Yung, soulignant qu’une procédure est en cours au sein de l’Union européenne et qu’il vaut mieux attendre son aboutissement.
J’émets donc un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 42 bis A.
(L’article 42 bis A est adopté.)
Article 42 bis
I. – L’article L. 612-12 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Au 4°, le mot : « manifestement » est supprimé ;
1° Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° Dont l’objet n’est pas susceptible d’application industrielle au sens du 1 de l’article L. 611-10 et de l’article L. 611-15, ou ne peut pas être considéré comme une invention au sens du 2 de l’article L. 611-10 ; »
2° Après le mot : « alors », la fin du 7° est ainsi rédigée : « qu’il résulte du rapport de recherche que l’invention n’est pas nouvelle ou n’implique pas d’activité inventive ; ».
II. – Le I du présent article entre en vigueur deux ans après la promulgation de la présente loi. Il est applicable aux demandes de brevet dont le rapport de recherche a été notifié au déposant à compter de la date d’entrée en vigueur du I.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot, sur l’article.
M. Philippe Adnot. L’article 42 bis permet à l’Institut national de la propriété intellectuelle de vérifier les conditions de brevetabilité d’une invention.
Actuellement, une invention doit obéir à trois critères pour être brevetable : elle doit être nouvelle, elle doit impliquer une activité inventive et elle doit être susceptible d’application industrielle.
Or, contrairement à la plupart des offices nationaux de propriété industrielle, l’INPI ne peut pas considérer l’absence d’activité inventive comme un motif de rejet dans le cadre de la brevetabilité d’une invention.
Cette spécificité française date des années soixante. À une époque où l’innovation ne constituait pas la clé de voûte de l’économie française, on a privilégié un dispositif qui permettait aux entreprises de disposer assez rapidement d’un titre de propriété pas cher, même s’il ne valait pas grand-chose.
Cinquante ans après, les choses ont évolué et cette exception française est devenue pénalisante pour nos entreprises. Dans une économie dominée par l’immatériel, la compétitivité des entreprises françaises repose de plus en plus sur leur capacité à innover. Mais l’innovation coûte cher et n’est considérée par les entreprises que si elle peut être protégée et valorisée. Cela passe donc par un environnement juridique et institutionnel favorable à la création et à la protection de l’innovation.
C’est la raison pour laquelle je ne comprends pas le choix de nombre d’entre vous, mes chers collègues, de défendre la suppression de cet article et, par là même, de maintenir la France dans un système de protection des titres de propriété médiocre, qui nuit à l’essor de nos PME et à leur notoriété.
Alors, oui, c’est un véritable changement de mentalité que nous demandons à nos entreprises et à leurs conseils : arrêtons la solution de facilité d’un brevet faible, qui incite les PME à faire l’économie d’une stratégie sérieuse de brevet et aboutit à la délivrance de titres qui ne sont pas opposables !
On nous dit que le renforcement de la qualité des brevets sera contreproductif pour les entreprises françaises et on nous vante le système actuel. Soyons sérieux : si le système de brevets français était si performant que cela, nous aurions certainement plus d’entreprises innovantes !
On nous dit que nos entreprises renonceront au brevet français au profit du brevet européen parce que les coûts seront identiques. C’est faux ! Le brevet français restera avantageux financièrement – les chiffres ont été précédemment donnés. En revanche, le renforcement de sa qualité permettra à l’entreprise qui souhaiterait s’étendre à l’étranger d’accéder plus facilement et à moindre coût au brevet européen dans la mesure où elle aura déjà pu prouver le caractère inventif de son invention devant l’INPI.
Pour ma part, ce que je constate, c’est que le taux de dépôt de brevets auprès de l’INPI stagne depuis cinq ans. Il apparaît que, dans leurs relations commerciales avec les grandes entreprises, les PME subissent un rapport de force qui leur est défavorable non seulement parce qu’elles ne peuvent pas faire valoir leurs droits en raison de l’insécurité juridique qui pèse sur la valeur de leur titre, mais également parce que le faible coût de dépôt des brevets incite les grandes entreprises à en déposer beaucoup, même s’ils sont contestables,…
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Philippe Adnot. … pour empêcher les PME de les attaquer sur leur marché.
Mme la présidente. Il faut vraiment conclure !
M. Philippe Adnot. Mes chers collègues, je voudrais vous dire…
Mme la présidente. Vous dépassez vraiment votre temps de parole !
M. Philippe Adnot. Juste deux secondes pour terminer, madame la présidente !
Mme la présidente. Pas plus !
M. Philippe Adnot. Si nous n’adoptions pas le renforcement du brevet, nous verrions déferler vers nous les demandes de brevets chinois qui, à l’heure actuelle, ont commencé. (Protestations sur certaines travées.) Si, tout à fait !
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Adnot, s’il vous plaît !
M. Philippe Adnot. Et elles pourraient remettre en cause la capacité de nos entreprises à se défendre !
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 38 rectifié bis est présenté par Mme Estrosi Sassone, M. Longuet, Mmes Deroche et Primas, M. Pellevat, Mme Deromedi, M. de Legge, Mme Di Folco, M. Daubresse, Mme L. Darcos, M. Morisset, Mme Duranton, M. Lefèvre, Mmes Micouleau, Lavarde et Gruny, MM. Pillet, Cuypers, Danesi et Calvet, Mme Lherbier, MM. Panunzi, Sol, Revet, Vial, Mouiller, Milon, Savary, Priou, Piednoir, Kennel et Poniatowski, Mmes M. Mercier et Imbert, MM. Paccaud et Regnard, Mmes Canayer et Chauvin, MM. Rapin, Dallier et B. Fournier, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Mandelli, Perrin, Raison et Leleux, Mme Lopez, MM. Chatillon, Hugonet, D. Laurent et Vaspart, Mme Ramond, MM. Dufaut, Savin, Bouloux et Gilles, Mmes Chain-Larché, Thomas, Raimond-Pavero et Dumas, MM. Ginesta, Laménie, Grand, Darnaud, Genest et Pierre, Mme de Cidrac, M. Gremillet et Mme Renaud-Garabedian.
L’amendement n° 111 est présenté par M. Daunis, Mme Espagnac, MM. M. Bourquin, Lalande, Tourenne et Kanner, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 150 rectifié ter est présenté par MM. Delahaye et Henno, Mmes de la Provôté, Vullien et Vermeillet, M. Longeot, Mmes Loisier et Férat, MM. Moga, Mizzon, Cadic, Médevielle, Détraigne et L. Hervé et Mme Gatel.
L’amendement n° 448 rectifié ter est présenté par MM. Segouin, Brisson, Pointereau, de Nicolaÿ et Bonhomme, Mme Bories et MM. Duplomb et J.M. Boyer.
L’amendement n° 841 rectifié est présenté par MM. Menonville, Artano et A. Bertrand, Mme N. Delattre et MM. Gabouty, Requier et Vall.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié bis.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Cet amendement vise à supprimer l’article 42 bis, introduit à l’Assemblée nationale et qui sera de nature, contrairement à ce qu’a dit Philippe Adnot, à freiner les entreprises en matière d’innovation, notamment numérique, dans le cadre de dépôt des brevets.
Cette nouvelle procédure visant à introduire un examen d’activité inventive est un alourdissement pour les entreprises tant en matière de coûts, de temps que de complexification et de suradministration.
Il me semble nécessaire d’en rester au statu quo, c’est-à-dire à la procédure que la France a choisie dans les années soixante-dix : confier à l’Office européen des brevets le système à examen délivrant des titres de qualité portant leurs effets en France.
D’ailleurs, toutes les entreprises implantées en France seraient touchées, aussi bien les petites entreprises, les entreprises de taille intermédiaire, les start-up, sans oublier les grandes entreprises.
Si l’INPI doit désormais procéder à un contrôle a priori et systématique du critère de l’activité inventive, cela impose également à l’État d’augmenter les moyens alloués à l’INPI, notamment le recrutement de nouveaux personnels, dans un contexte de déficit public record.
Dans son référé du 20 octobre 2014, la Cour des comptes avait d’ailleurs mis en garde le Gouvernement contre l’instauration de cet examen au vu des moyens substantiels qu’il faudrait mobiliser pour un volume d’activités limité à la France.
L’adoption de cette mesure a d’ailleurs été faite au détour d’un amendement sans avoir travaillé à une étude d’impact.
J’ajouterai que le comité Innovation et recherche, qui représente officiellement les ingénieurs et scientifiques de France, déplore même qu’aucun représentant des entreprises innovantes ni des inventeurs n’ait été consulté en amont avant de mettre ce thème en examen.
Enfin, l’Espagne par exemple, a fait, en 2017, le choix de la mesure qui est portée dans l’article 42 bis. Résultat : la chute des dépôts de brevets a été chiffrée à 30 % en 2018.
Le risque est aussi que les entreprises se passent du brevet français pour ne déposer que des brevets européens.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Daunis, pour défendre l’amendement n° 111.
M. Marc Daunis. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, notre collègue Philippe Adnot nous invitait à être sérieux. Nous sommes éminemment sérieux ! D’ailleurs, le fait est suffisamment rare pour que je le souligne, ma collègue Dominique Estrosi Sassone et moi-même avons déposé le même amendement ! (Sourires.) En effet, nous sommes, l’un et l’autre, élus des Alpes-Maritimes – j’ai, pour ma part, été vice-président de la communauté d’agglomération Sophia Antipolis, premier technopôle d’Europe – et avons été très directement confrontés à cette question des brevets, qui est une vraie question par rapport à la chaîne de l’innovation en France.
Le dispositif actuel est-il satisfaisant ? Non ! Nous savons, c’est évident, qu’il y a un travail de fond à faire pour mieux articuler la recherche, l’industrie et la commercialisation.
Nous avons un retard à rattraper en matière de dispositifs d’accélération. La France s’emploie depuis quelques années avec force pour favoriser, notamment via les incubateurs, tout ce qui concourt à permettre la traduction industrielle et commerciale de l’innovation.
Ce qui nous est proposé dans un projet de loi sur la simplification et la réduction des coûts va-t-il dans ce sens ? Non, c’est exactement l’inverse ! Pardonnez-moi, mon cher collègue Adnot, sur la porte que nous ouvririons, selon vous, aux Chinois, en l’occurrence, c’est exactement l’inverse que nous ferions ! Dominique Estrosi Sassone a raison de nous rappeler ce qui s’est passé en Espagne où ce type de dispositif a été implanté.
Le dispositif est donc à consolider, mais certainement pas de cette façon ! Maintenir cet article serait un vrai paradoxe, car cela aboutirait à introduire un dispositif qui serait plus long, plus cher et plus difficile pour les entreprises souhaitant breveter.
Par conséquent, je vous appelle, mes chers collègues, à raison garder en la matière en votant les amendements de suppression. En revanche, monsieur le ministre, nous sommes prêts à faire le travail de fond pour permettre le dépôt en France de brevets plus nombreux et plus sécurisés.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l’amendement n° 150 rectifié ter.
M. Vincent Delahaye. Nous avons nous aussi déposé un amendement visant à la suppression d’un article ajouté peut-être un peu rapidement à l’Assemblée nationale. En tout cas, nous sommes nombreux à être quelque peu sceptiques quant à l’efficacité de ce dispositif et à regretter l’absence d’étude d’impact.
À titre personnel, je ne suis pas convaincu que le système actuel soit parfait – de toute façon, la perfection n’existe pas ! Le Gouvernement nous propose souvent de poursuivre la réflexion sur certaines questions. Je pense que nous avons là l’occasion de travailler de façon efficace sur une question de fond avant de prendre une position définitive.
De nombreux représentants d’entreprises, des grandes comme des petites, sont venus nous voir en nous demandant de ne surtout pas garder cet article. J’en conviens, leur mise en garde nous interroge.
C’est la raison pour laquelle j’ai maintenu, après réflexion, cet amendement de suppression. J’aimerais que nous prenions le temps : alors que l’objectif est de faciliter la vie des entreprises et de développer l’activité économique, cette disposition pourrait donner l’impression que nous allons à rebours du but recherché dans le projet de loi.
J’en appelle donc à la prudence : il serait souhaitable de supprimer cet article, de continuer à travailler, puis de faire des propositions pour aboutir à des brevets dont l’attractivité et l’efficacité seraient renforcées. (Mme Michèle Vullien applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin, pour présenter l’amendement n° 448 rectifié ter.
M. Vincent Segouin. Au risque de me répéter, je confirme ce qui a été dit : l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à réformer les droits des brevets en créant un examen sur le fond des demandes de brevets à l’INPI. Soyons clairs, une telle réforme mettrait à mal l’équilibre du système actuel, qui est apprécié des innovateurs, particulièrement des PME.
Avec cette nouvelle procédure, l’examen sur le fond par l’INPI impliquerait, notamment, le critère d’activité inventive, très difficile à apprécier puisqu’il s’agit de déterminer si l’invention que l’examinateur a sous les yeux était évidente.
Il est à prévoir, avec une telle disposition, une augmentation massive des recours auprès de l’INPI, qui serait dans l’obligation d’augmenter les capacités de ses services d’examen en créant plusieurs centaines de postes d’examinateur. Une fois de plus, on ne simplifie rien !
Cette procédure irait complètement à l’encontre de l’objectif recherché consistant à améliorer l’activité du système français et à le simplifier. Je le répète, elle aurait sans nul doute pour effet de dissuader les innovateurs de déposer leurs demandes de brevets en France.
Pour toutes ces raisons, je souhaite la suppression de l’article.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour présenter l’amendement n° 841 rectifié.
M. Jean-Marc Gabouty. L’argumentaire a été longuement développé par les orateurs précédents. Je serai donc bref.
Les modifications proposées par l’article 42 bis relatif à « l’examen a priori de l’activité inventive » auront l’effet inverse à celui qui était escompté en termes de coût, de délai et d’accessibilité pour l’obtention d’un brevet français.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Le renforcement de la qualité des brevets constitue un atout majeur au profit des PME. Par conséquent, l’examen au fond et a priori par l’INPI de la brevetabilité de leurs inventions renforcerait le pouvoir de négociation de ces entreprises et faciliterait la valorisation de leur capital immatériel.
Le système choisi par la France il y a plus de cinquante ans constitue désormais une exception au niveau européen et, au-delà, à l’échelle mondiale. Nos grands concurrents européens disposent à la fois d’un brevet fort national et de la possibilité d’opter pour un brevet européen sans que leur brevet national ait été délesté par les entreprises.
Lors de l’examen du texte en commission, ces amendements avaient été rejetés, mais ils sont revenus la semaine dernière sous la forme d’amendements de séance. En ma qualité de rapporteur, j’ai de nouveau émis un avis défavorable, que la commission n’a pas retenu.
À titre personnel, je reste défavorable au vote de ces amendements, qui me paraissent pénaliser les PME, mais la commission en a décidé autrement.
M. Vincent Delahaye. Heureusement !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement rejoint l’avis défavorable exprimé à titre personnel par Mme la rapporteur sur les amendements de suppression de l’article. Je m’inscris en faux contre les arguments avancés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’a dit en toute simplicité l’un d’entre vous, beaucoup de représentants de grandes entreprises sont venus le voir en lui expliquant que cette mesure leur poserait problème. Évidemment, le système actuel les avantage ! Ils saturent le marché de propositions de brevets qui ne sont pas forcément valables. Ils empêchent les PME d’être inventives et innovantes et de faire valoir des brevets.
Au bout du compte, qui est-ce qui trinque ? C’est l’économie française, c’est la crédibilité de l’innovation française ! Il n’y aurait pas d’étude d’impact ? Mais l’étude d’impact, elle a été faite depuis trente ans ! En effet, on le voit bien, les brevets français sont les moins crédibles en Europe ! La moitié des brevets français – 43 %, contre 23 % des brevets européens –, tombent parce qu’ils sont refusés par la justice, faute de répondre à l’inventivité suffisante !
Ayons conscience de ce qui est en jeu dans ce vote : le temps a tranché ! Trente années ont suffi pour montrer que le dispositif français en la matière n’est pas le plus efficace. C’est très bien de vouloir avoir raison contre tout le monde, mais il se trouve que toutes les autres grandes nations innovantes de la planète certifient au préalable l’inventivité des entreprises. Cela se fait en Allemagne, ailleurs en Europe, en Asie, parce que cela donne de la crédibilité à l’innovation d’une nation.
C’est dire que l’enjeu est absolument décisif et vital pour les PME. Il est décisif pour la crédibilité des brevets français. Avoir le critère d’inventivité délivré par l’INPI avant, c’est donner de la crédibilité aux brevets français.
Je le répète, votre collègue sénateur a eu la franchise de le reconnaître, oui, des représentants de grandes entreprises sont venus le voir pour lui dire que cette proposition ne les arrangeait pas. Pour ma part, je pense aux PME auxquelles ce texte s’adresse et je pense à la réputation française en termes d’innovation. Ce texte étant destiné à l’innovation et à la crédibilité de la recherche française, il est indispensable que ce critère d’inventivité soit délivré par l’INPI.
Si certains sénateurs du groupe Les Républicains ne sont pas convaincus, je veux rappeler que le plus fervent avocat de ce dispositif à l’Assemblée nationale, celui qui s’est battu pour que le critère d’inventivité soit reconnu par l’INPI, c’est le député Les Républicains Daniel Fasquelle, qui a indiqué que c’était probablement l’une des meilleures propositions du texte. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Je me réjouis que la commission ait donné un avis favorable sur ces amendements de suppression, même si j’aurais aimé que Mme la rapporteur l’exprime sur un mode un peu plus enthousiaste.
Si nous avons, à en croire le ministre, trente ans de recul par rapport à cette disposition, je ne comprends pas que le Gouvernement ne l’ait pas prévue dans son projet de loi initial et qu’il ait fallu ajouter un article à l’Assemblée nationale. Si nous avions réellement trente ans de recul, le Gouvernement aurait dû être convaincu depuis longtemps ! Je suis un peu surpris, monsieur le ministre, par cette argumentation. Je ne comprends pas qu’on ne se donne pas un peu plus de temps pour réfléchir. C’est vrai que le sujet est sans doute un peu complexe, faisant intervenir des intérêts de part et d’autre.
Nous n’avons pas été sollicités par les seules grandes entreprises. Nous avons aussi été contactés par des PME et des start-up. Elles ne sont pas toutes contre le système actuel, au contraire.
Avant de toucher au dispositif un peu à la va-vite malgré les trente ans de recul dont disposerait le Gouvernement, je trouve que ce serait bien d’être précautionneux, d’y aller avec prudence et de supprimer cet article aujourd’hui !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Il est difficile pour un parlementaire de s’y retrouver ! Tous, autant que nous sommes, nous avons été saisis de demandes provenant de différentes origines. Ceux qui défendent la suppression de cet article ont été saisis par le conseil Amadeus notamment.
Et on pourrait tracer les interventions de chacun en fonction de l’importance qu’ils ont accordée à la demande faite. Je dois avouer très simplement que j’ai été alerté sur cette demande de suppression par les auteurs de ce rapport sur l’innovation. (L’orateur brandit le document.) Il s’agit de gens absolument pertinents, qui ont été choisis pour rédiger ce rapport de qualité. Ils nous ont immédiatement alertés sur le danger que les grands groupes multiplient les dépôts aux dépens des PME. Elles vont s’entendre objecter qu’il existe déjà quelque chose de général, certes pas très précis, mais que, si elles désirent approfondir le sujet, il est toujours possible de s’arranger. C’est ainsi que cela se passe !
Si nous n’agissons pas pour renforcer la qualité des brevets déposés, nous allons nuire à nos propres entreprises, à nos PME, à nos start-up. Et ce serait dommage !
Je réitère ce que j’ai dit : actuellement, les dépôts de brevets chinois ne cessent de croître partout dans le monde. Si nous sommes les plus faibles, c’est par notre fenêtre qu’ils vont entrer et ceux qui auront défendu cette suppression en porteront la responsabilité !
M. Philippe Adnot. En France, 16 000 brevets sont déposés. Les Chinois sont capables d’en déposer 50 000 demain matin chez nous. Non seulement il faudra prévoir un nombre de personnes suffisant pour les traiter, mais, en plus, on aura nui à nos entreprises.
Mes chers collègues, je vous assure que j’exprime le point de vue des personnalités les plus sérieuses sur le sujet. Ce ne sont pas des représentants de grands groupes, ce sont des chercheurs, des responsables scientifiques. Je pense qu’on devrait les suivre en n’acceptant pas la suppression de cet article ! (Mme Élisabeth Doineau et M. Pierre Louault applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Monsieur le ministre, cela remonte non à trente ans, mais à plus de cinquante ans : la loi qui a mis en place le système actuel date de 1968 ! Elle était complémentaire de la convention de Munich sur le brevet européen. En France, nous déposons chaque année 17 000 brevets.
Ce résultat est tout à fait à la hauteur : nous sommes le deuxième pays déposant, après l’Allemagne et avant le Royaume-Uni. Le recours aux brevets français, à la procédure française n’est pas négligeable.
Il faut penser aux conséquences qu’aura l’instauration de l’analyse de l’activité inventive. Cette activité est somme toute assez mystérieuse : on ne sait pas très bien ce que c’est. Elle serait définie comme une création qui n’est pas évidente pour l’homme de l’art. Admettons donc que vous avez une invention : vous la montrez à votre plombier. S’il vous dit que tout le monde la connaît, et que cela se fait depuis dix ans, alors vous n’avez pas d’activité inventive ; s’il vous dit, en revanche, que c’est une excellente idée, alors oui, il y a activité inventive ! (Sourires.)
C’est tout de même quelque chose de très difficile à caractériser et à saisir. C’est pourquoi il faut des examinateurs très formés. Voici donc l’un des problèmes que pose, selon moi, la présente proposition : il faudrait que l’INPI dispose d’un corps d’examinateurs qu’elle n’a pas aujourd’hui.
Ce corps doit être formé et relativement substantiel. En effet, on compte actuellement 17 000 dépôts chaque année. Je ne sais combien de demandeurs voudront voir reconnaître leur activité inventive, mais admettons que ce soit environ la moitié. Eh bien, pour examiner 8 000 demandes par an, il faudra du monde, probablement une centaine d’examinateurs.
Enfin, je rappelle que le choix français a été l’intégration dans le système européen.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Il est quelque peu désagréable d’opposer, dans ce débat, ceux qui seraient les défenseurs des grands groupes, d’un côté, et ceux qui seraient à l’écoute des besoins des très petites entreprises, de l’autre.
Je veux répondre à notre collègue Philippe Adnot. Nous avons reçu des demandes sur ce sujet, y compris certaines nous demandant de voter en faveur des mesures adoptées nuitamment à l’Assemblée nationale. J’ai notamment écouté Éric Carreel, dirigeant de Withings, Sculpteo, Invoxia et Zoov. Bref, nous avons fait notre travail de parlementaire, qui consiste, d’une part, à nous documenter sur les appréciations portées sur ces mesures par les entreprises, qui sont tout de même les premières concernées en la matière, et, d’autre part, à faire remonter notre expérience de terrain.
Pardonnez-moi si je me suis permis de citer mon origine élective : c’est que j’ai la faiblesse de travailler, depuis trente ans, en tant qu’élu local, sur ces questions. L’INPI est sur notre territoire. J’ai eu des discussions à ce sujet, j’ai même créé un centre doté d’une pépinière, d’un accélérateur et d’un incubateur. Je connais donc un petit peu le sujet !
Par ailleurs, monsieur le ministre, votre affirmation selon laquelle les grandes entreprises saturent les instances de brevets afin de bloquer les autres acteurs demande à être étayée.
J’ai souvenir de propos que vous avez tenus dans cet hémicycle : vous affirmiez que la tenue d’un compte séparé, obligatoire pour un auto-entrepreneur, coûtait à ce dernier un argent dingue, ou du moins des sommes importantes. Je me permets simplement de vous rappeler que certaines offres bancaires sont gratuites pour les auto-entrepreneurs. Je ferme la parenthèse, mais ce n’est pas parce que vous dites quelque chose au micro, en séance, que c’est forcément la réalité, monsieur le ministre.
En revanche, il est évident que le dispositif actuel n’est pas totalement satisfaisant. Mais avant de prendre des mesures qui rendent plus complexe, plus long et plus cher le dépôt de brevets pour nos entreprises, étudions la question de beaucoup plus près ! C’est pourquoi je plaide de nouveau pour la suppression de cet article.
Deuxièmement, si nous avions, au banc, un ministre qui non seulement défendait le maintien de cet article,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Marc Daunis. … mais s’engageait à consolider les moyens de l’INPI, alors nous pourrions avoir une écoute beaucoup plus attentive. En effet, le renforcement des moyens de l’INPI est la condition sine qua non d’une amélioration en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Il me semble que nous sommes face à un débat de méthode législative.
M. Gérard Longuet. Très vrai !
M. Alain Richard. Dans ce débat, il n’y a pas, radicalement, de bonne ou de mauvaise solution.
Ce texte ne connaîtra qu’une lecture dans chaque assemblée avant qu’un accord ne soit trouvé en commission mixte paritaire ou qu’une nouvelle lecture n’ait lieu dans chaque assemblée.
Certes, j’entends tout à fait l’objection de notre collègue Vincent Delahaye, selon qui il y aurait certainement besoin de plus travailler sur la méthode retenue afin de mettre en œuvre cette nouvelle sécurité pour nos brevets. Il me semble néanmoins difficile de contester, après les observations de M. le ministre, que cette sécurité constitue aujourd’hui un réel sujet.
Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais un peu d’expérience nous apprend que si l’on rate un rendez-vous sur un texte aussi important que celui-ci, la possibilité de trouver un nouveau véhicule législatif pour reparler du sujet devient de plus en plus ténue à mesure qu’on avance dans la législature.
Dès lors, M. le ministre ne pourrait-il pas, sur notre suggestion, réunir des représentants des commissions spéciales de l’Assemblée nationale et du Sénat afin de retravailler le dispositif prévu dans ce nouvel article ? Ainsi, on pourrait convaincre le Sénat de ne pas rejeter complètement cet article, ce qui permettrait à notre assemblée d’intervenir avant la version finale de l’Assemblée nationale.
Il me semble que laisser passer cette occasion de légiférer pour améliorer nos brevets serait une erreur dans notre méthode de législateurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. J’ai pris note des explications de M. le ministre ; selon lui, le sujet est important. Je me pose tout de même une question parmi d’autres : s’il est si important, pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas fait figurer ces dispositions dans le texte initial ? On peut tout de même se poser cette question, puisque M. le ministre nous explique que c’est un enjeu fondamental : quelque chose de fondamental aurait dû être présent dans le texte initial du Gouvernement !
J’ai également pris note de ses observations politiques. Selon M. le ministre, à l’Assemblée nationale, celui qui a le mieux défendu cette disposition était un membre du groupe Les Républicains. Dès lors, quel que soit le résultat du présent vote, les Républicains, soit du Sénat, soit de l’Assemblée nationale, auront fait triompher leur point de vue, dans une chambre ou dans l’autre.
Pour le reste, je partage tout à fait l’avis de notre collègue Alain Richard : il faut trouver une solution de synthèse par la discussion. En attendant cette synthèse, compte tenu de toute la confiance que j’ai en Philippe Adnot, je m’alignerai sur sa position.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je voudrais d’abord répondre à M. Masson sur un point : ce qui m’intéresse, ce n’est pas qui l’emporte entre les Républicains, les socialistes, ou la République en Marche ; c’est l’intérêt général ! (Exclamations ironiques sur de nombreuses travées.)
Or, pour que l’intérêt général l’emporte, il faut précisément être ouvert aux propositions et aux amendements déposés par les sénateurs et par les députés. (Exclamations dubitatives sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Vraiment, on me fait là une drôle de critique : je serais ouvert aux amendements des députés et des sénateurs ! Sinon, tout ce travail législatif serait inutile.
Je pense pour ma part avoir montré, depuis le début de l’examen de ce texte, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, que j’étais ouvert à toutes les propositions d’amélioration.
M. Pierre Cuypers. Pas à toutes !
M. Bruno Le Maire, ministre. C’est pourquoi, lorsqu’un député, en l’occurrence un député MODEM, nous a avertis que l’inventivité des brevets français était un véritable sujet, je l’ai écouté et j’ai repris sa proposition ; lorsque Daniel Fasquelle, député Les Républicains, en a fait un point majeur de rééquilibrage du texte, je l’ai écouté, j’en ai tenu le plus grand compte et j’ai émis un avis favorable ; enfin, lorsque le sénateur Philippe Adnot a, à son tour, tiré la sonnette d’alarme sur le sujet, je l’ai écouté et je recommande à tous d’en tenir compte.
On ne peut pas reprocher au Gouvernement d’être ouvert et constructif, par rapport à son texte, à l’occasion des amendements déposés par les députés et les sénateurs ; le contraire serait une drôle de conception du travail législatif !
Je souhaite ensuite répondre aux remarques que vous m’avez adressées, monsieur Daunis, sur des propos que j’aurais tenus à ce micro. Je maintiens ce que j’ai dit, monsieur le sénateur, et je pense pour le coup que ce n’est pas de bonne politique que d’aller expliquer que le ministre raconte des choses fausses dans cet hémicycle. Je maintiens que, quand un auto-entrepreneur ouvre un compte, à un moment ou à un autre, la banque le lui fait payer. Certes, des offres peuvent exister qui font que, pendant quelques mois, l’auto-entrepreneur ne va pas payer de frais, mais il vient toujours un moment où le banquier vient vous chercher pour vous faire payer l’ouverture de votre compte.
Cela dit, j’aimerais, monsieur le sénateur, que nous nous en tenions à des débats sur le fond, plutôt qu’à des remises en cause personnelles des uns ou des autres.
Enfin, j’en viens aux faits. Les faits, monsieur le sénateur, sont têtus ! Il se trouve que la France a le taux d’annulation de ses brevets le plus élevé de tous les pays européens. Cela devrait tous nous interroger ! Il ne s’agit pas de savoir qui va l’emporter et qui va perdre dans cette affaire ; simplement, il se pose en France un problème sur un sujet majeur – je n’aurai de cesse de le répéter –, à savoir l’innovation, la bataille technologique et la capacité à forcer les portes de l’avenir pour avoir les meilleures technologies en France. Nous avons un problème : nos brevets sont plus annulés que dans les autres pays d’Europe. C’est un fait : 43 % des brevets qui sont déposés en France sont annulés par la justice, contre 23 % dans les autres pays européens.
Il y a un deuxième fait. Toutes les autres grandes puissances technologiques ont choisi d’assurer l’examen a priori de l’inventivité des brevets afin de garantir la solidité de l’innovation. C’est le cas de l’Allemagne, c’est le cas des autres pays européens, et c’est le cas des grands pays asiatiques, au premier rang desquels la Chine. Je veux bien qu’on persiste à défendre un dispositif dans lequel nous sommes les seuls à nous y retrouver, mais j’estime qu’il n’est pas mauvais de regarder ce que font nos voisins et d’essayer de trouver une solution qui soit plus efficace afin de légitimer, de consolider et de valoriser l’innovation française.
Enfin, je salue la sagesse du sénateur Alain Richard et je suis très favorable à sa proposition. S’il y a encore débat sur le sujet, je propose que nous nous mettions autour d’une table, que nous échangions nos arguments sur le sujet, que nous examinions les difficultés qui peuvent encore se poser et que nous essayions de trouver un compromis sur la reconnaissance préalable du critère d’inventivité des brevets français pour améliorer la qualité de l’innovation française.
Cela suppose simplement – techniquement, à mon sens – que les amendements déposés soient retirés et que nous nous retrouvions pour en discuter. J’y suis évidemment extrêmement favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 rectifié bis, 111, 150 rectifié ter, 448 rectifié ter et 841 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.) – (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 42 bis est supprimé.
Par ailleurs, l’amendement n° 984, les amendements identiques nos 39 rectifié et 868, ainsi que l’amendement n° 172 rectifié ter et le sous-amendement n° 985 n’ont plus d’objet.
Articles additionnels après l’article 42 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 467 rectifié, présenté par MM. Le Gleut et Bascher, Mmes A.M. Bertrand et de Cidrac, M. Darnaud, Mmes Deromedi et Dumas, M. Frassa, Mme Garriaud-Maylam et MM. Grosdidier, Lefèvre, Mandelli, Mouiller, Piednoir et Rapin, est ainsi libellé :
Après l’article 42 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° de l’article L. 422-7 du code de la propriété intellectuelle est rétabli dans la rédaction suivante :
« 2° Les personnes mentionnées au premier alinéa détiennent plus de la moitié du capital social et des droits de vote ; ».
La parole est à M. Ronan Le Gleut.
M. Ronan Le Gleut. Les conseils en propriété industrielle, ou CPI, ont notamment pour mission d’accompagner les inventeurs et créateurs, en particulier ceux qui exercent leur activité au sein de PMI et de PME, dans la constitution, la protection, la valorisation et la défense de leur patrimoine immatériel protégeable : brevets d’invention, marques, droits d’auteur, dessins et modèles.
Certaines des missions des conseils en propriété industrielle sont exercées conjointement avec des avocats. Il existe pourtant des différences de réglementation entre les deux professions, alors même que des avocats et des CPI peuvent dorénavant s’associer au sein des sociétés pluriprofessionnelles d’exercice mises en place par l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016.
Pour remédier à cette distorsion et garantir l’indépendance des CPI, il est proposé, au travers de cet amendement, de réintroduire dans l’article L. 422-7 du code de la propriété intellectuelle l’obligation suivante : les conseils en propriété industrielle ou assimilés devront détenir, ensemble, au moins la moitié du capital et des droits de vote des cabinets de conseil en propriété industrielle.
Il s’agit d’éviter toute interférence due à la présence d’un fonds de pension, ou de toute autre structure financière, et de défendre ainsi au mieux les intérêts des innovateurs et, plus particulièrement, des PME.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Il apparaît que la suppression de ces dispositions a créé un risque pour le maintien de l’indépendance des conseils en propriété intellectuelle par rapport à d’éventuels fonds d’investissement étrangers. La commission spéciale a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 42 bis.
L’amendement n° 470 rectifié, présenté par MM. Le Gleut et Bascher, Mmes A.M. Bertrand et de Cidrac, M. Darnaud, Mmes Deromedi et Dumas, M. Frassa, Mme Garriaud-Maylam et MM. Grosdidier, Lefèvre, Mandelli, Mouiller, Piednoir et Rapin, est ainsi libellé :
Après l’article 42 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 422-11 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase, après le mot : « avocat, », sont insérés les mots : « à l’exception pour ces deux dernières de celles portant la mention “officielle”, » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le présent article s’applique à une correspondance professionnelle échangée entre un conseil en propriété industrielle et un avocat, ce dernier est tenu vis-à-vis de cette correspondance aux mêmes obligations que celles que l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques lui impose en matière de secret des correspondances professionnelles. »
La parole est à M. Ronan Le Gleut.
M. Ronan Le Gleut. Comme je l’ai expliqué lors de ma présentation du précédent amendement, certaines des missions des conseils en propriété industrielle sont exercées conjointement avec des avocats. Or il existe des différences de réglementation entre les deux professions. Ainsi, en l’état actuel, les garanties de confidentialité des conseils en propriété industrielle sont inférieures à celles qui s’appliquent aux avocats.
Dans le but d’assurer une égale garantie de confidentialité au bénéfice des clients des deux professions, il convient de renforcer, sur deux points, la rédaction de l’article L. 422–11 du code de la propriété intellectuelle : d’une part, en autorisant l’officialisation des courriers entre conseils en propriété industrielle, ou entre un tel conseil et un avocat ; d’autre part, en précisant que la confidentialité d’une correspondance entre un conseil en propriété industrielle et un avocat doit être respectée de manière identique, tant par le conseil en propriété industrielle que par l’avocat avec lequel il est en relation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Cet amendement vise à faire bénéficier les conseils en propriété industrielle de la levée de la confidentialité dont bénéficient les avocats. Il a donc reçu de la commission spéciale un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 42 bis.
L’amendement n° 896 rectifié, présenté par MM. Mézard, Artano et A. Bertrand, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 42 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° L’article L. 521-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 521-3. – L’action civile en contrefaçon se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant de l’exercer. » ;
2° Après l’article L. 521-3-1, il est inséré un article L. 521-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 521-3-… – L’action en nullité d’un dessin ou modèle n’est soumise à aucun délai de prescription. » ;
3° L’article L. 615-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 615-8. – Les actions en contrefaçon prévues par la présente section sont prescrites par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant de l’exercer. » ;
4° Après l’article L. 615-8, il est inséré un article L. 615-8-… ainsi rédigé :
« Art. L. 615-8-… – L’action en nullité d’un brevet n’est soumise à aucun délai de prescription. » ;
5° Au premier alinéa de l’article L. 622-7, après la référence : « L. 615-8 » est insérée la référence : « L. 615-8-1, » ;
6° L’article L. 623-29 est ainsi rédigé :
« Art. L. 623-29. – Les actions civiles prévues par le présent chapitre, à l’exception de celle prévue par l’article L. 623-23-1, se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant de l’exercer. » ;
7° Après l’article L. 623-29, il est inséré un article L. 623-29-… ainsi rédigé :
« Art. L. 623-29-… – L’action en nullité d’un certificat d’obtention végétale n’est soumise à aucun délai de prescription. » ;
8° Après l’article L. 714-3, il est inséré un article L. 714-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 714-3-… – Sans préjudice du troisième alinéa de l’article L. 714-3 et de l’article L. 714-4, l’action en nullité d’une marque n’est soumise à aucun délai de prescription. » ;
9° Le troisième alinéa de l’article L. 716-5 est complété par les mots : « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant de l’exercer ».
II. – À l’article L. 152-2 du code de commerce, les mots : « des faits qui en sont la cause » sont remplacés par les mots : « du jour où le détenteur légitime du secret des affaires a connu ou aurait dû connaître le dernier fait qui en est la cause. »
III. – Les 2°, 4°, 5°, 7°et 8° du I du présent article s’appliquent aux titres en vigueur au jour de l’entrée en vigueur de la présente loi. Ils sont sans effet sur les décisions ayant force de chose jugée.
IV. – Les articles 12 et 13 et le II de l’article 23 de l’ordonnance n° 2018-341 du 9 mai 2018 relative au brevet européen à effet unitaire et à la juridiction unifiée du brevet sont abrogés.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Cet amendement tend à harmoniser et à clarifier les règles de prescription des actions en contrefaçon et d’atteinte au secret des affaires, ainsi qu’à rendre imprescriptible l’action en nullité des titres de propriété industrielle.
S’agissant des actions en contrefaçon, le point de départ du délai de prescription serait non plus le jour de la réalisation des actes de contrefaçon, mais celui où le requérant a eu connaissance, ou avait raisonnablement lieu d’avoir connaissance, du dernier fait justifiant l’action, conformément à l’esprit du code civil et des textes européens. Cette disposition allonge le délai pour agir en contrefaçon, en permettant d’engager une action tant que la contrefaçon se poursuit et de viser des faits ayant débuté plus de cinq ans auparavant, alors que cette réparation est aujourd’hui limitée à cinq ans. Cela permettrait de renforcer la lutte contre la contrefaçon et d’améliorer l’indemnisation des préjudices résultant des faits de contrefaçon.
La même modification est apportée dans le code de commerce en ce qui concerne la prescription de l’action relative à une atteinte au secret des affaires, dans un souci de cohérence.
S’agissant des actions en nullité, au vu du silence du code de la propriété intellectuelle sur ce point, les juridictions appliquent la prescription de droit commun, à savoir cinq ans depuis la réforme de 2008. Cette solution conduit à empêcher, au-delà d’une courte durée, la remise en cause d’un titre affecté d’un vice intrinsèque, bloquant abusivement un marché pour de nouveaux entrants, ou portant atteinte à l’ordre public. En outre, la situation actuelle est source d’une grande insécurité juridique, les juridictions ayant des appréciations divergentes du point de départ du délai de prescription de cinq ans.
L’absence de prescription de l’action en nullité permettra d’assainir la concurrence, en éliminant les titres nuls, et de faire disparaître à tout moment un titre qui occupe sans droit le domaine public.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Le Parlement a déjà accepté le principe de l’imprescriptibilité d’une action en nullité d’un brevet, dans le cadre de l’article 109 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, même si je regrette qu’une réforme aussi fondamentale soit engagée à l’occasion d’un simple amendement en séance publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 42 bis.
Sous-section 2
Libérer les expérimentations de nos entreprises
Article 43
I. – L’ordonnance n° 2016-1057 du 3 août 2016 relative à l’expérimentation de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques est ainsi modifiée :
1° L’article 1er est ainsi rédigé :
« Art. 1er. – La circulation sur la voie publique de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite à des fins expérimentales est autorisée. Cette circulation est subordonnée à la délivrance d’une autorisation destinée à assurer la sécurité du déroulement de l’expérimentation.
« La délivrance de l’autorisation est subordonnée à la condition que le système de délégation de conduite puisse être à tout moment neutralisé ou désactivé par le conducteur. En l’absence de conducteur à bord, le demandeur fournit les éléments de nature à attester qu’un conducteur situé à l’extérieur du véhicule, chargé de superviser ce véhicule et son environnement de conduite pendant l’expérimentation, sera prêt à tout moment à prendre le contrôle du véhicule, afin d’effectuer les manœuvres nécessaires à la mise en sécurité du véhicule, de ses occupants et des usagers de la route. » ;
2° Après l’article 1er, il est inséré un article 1er-1 ainsi rédigé :
« Art. 1er-1. – La circulation à des fins expérimentales de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite ne peut être autorisée sur les voies réservées aux transports collectifs que pour des véhicules utilisés pour effectuer ou mettre en place un service de transport public de personnes ou, pour les autres véhicules, sous réserve de l’avis conforme de l’autorité de police de la circulation concernée et de l’autorité organisatrice des transports. » ;
3° Après l’article 2, sont insérés des articles 2-1 et 2-2 ainsi rédigés :
« Art. 2-1. – Le premier alinéa de l’article L. 121-1 du code de la route n’est pas applicable au conducteur pendant les périodes où le système de délégation de conduite, qu’il a activé conformément à ses conditions d’utilisation, est en fonctionnement et l’informe en temps réel être en état d’observer les conditions de circulation et d’exécuter sans délai toute manœuvre en ses lieux et place.
« Le même premier alinéa est à nouveau applicable après sollicitation du système de conduite et à l’issue d’un délai de reprise de contrôle du véhicule précisé par l’autorisation d’expérimentation, dont le conducteur est informé. Il en va de même lorsque le conducteur a ignoré la circonstance évidente que les conditions d’utilisation du système de délégation de conduite, définies pour l’expérimentation, n’étaient pas ou plus remplies.
« Art. 2-2. – Si la conduite du véhicule, dont le système de délégation de conduite a été activé et fonctionne dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 2-1, contrevient à des règles dont le non-respect constitue une contravention, le titulaire de l’autorisation est pécuniairement responsable du paiement des amendes. Si cette conduite a provoqué un accident entraînant un dommage corporel, ce titulaire est pénalement responsable des délits d’atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité de la personne prévus aux articles 221-6-1, 222-19-1 et 222-20-1 du code pénal lorsqu’il est établi une faute au sens de l’article 121-3 du même code dans la mise en œuvre du système de délégation de conduite. » ;
4° Le premier alinéa de l’article 3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il prévoit les modalités d’information du public sur la circulation à des fins expérimentales de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite. »
II. – (Non modifié) La dernière phrase du premier alinéa du IX de l’article 37 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte est supprimée.
Mme la présidente. L’amendement n° 383 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, MM. Milon, Karoutchi et Rapin, Mme Dumas, M. Bonnecarrère, Mme Garriaud-Maylam, MM. Henno, Magras, Savin, Lefèvre et Médevielle, Mme Deromedi, MM. Chatillon, Longeot, Lafon, Grosdidier, D. Laurent et Danesi, Mme A.M. Bertrand, MM. Le Gleut et Regnard, Mme Duranton, M. Bonhomme et Mme M. Mercier, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception au premier alinéa, sur des itinéraires routiers fixés par décret et préalablement aménagés à cet effet, la circulation à des fins expérimentales d’un véhicule à délégation partielle ou totale de conduite est subordonnée à la délivrance d’une autorisation simplifiée et à la souscription par le demandeur de l’expérimentation d’une assurance couvrant les conséquences financières des risques entraînés par cette expérimentation. » ;
II. - Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les expérimentations situées sur les itinéraires routiers mentionnés au troisième alinéa de l’article 1er, cette autorisation est accordée par le ministre chargé des transports dans un délai de trois mois après dépôt du dossier. Au terme de ce délai, l’absence de réponse vaut délivrance de l’autorisation. » ;
III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…° Après l’article L. 173-3 code de la voirie routière, il est inséré un article L. 173-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 173-3-… – Sur les autoroutes et les voies express définies aux articles L. 121-1 et L. 151-1, l’autorité chargée de la police de la circulation peut réserver une partie de la chaussée non utilisée par les voies de circulation pour constituer une voie auxiliaire.
« Une voie auxiliaire peut être autorisée à la circulation routière certains jours ou à certaines heures aux fins de réduire la congestion de l’autoroute ou de la voie express.
« L’autorité chargée de la police de la circulation peut restreindre la circulation routière sur une voie auxiliaire aux bus, aux taxis, aux véhicules assurant un service de covoiturage tel que défini à l’article L. 3132-1 du code des transports ou aux véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques définis par l’ordonnance n° 2016-1057 du 3 août 2016 relative à l’expérimentation de véhicules à délégation de conduite. »
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Le développement des nouveaux usages de la route conduit à prévoir la restriction à certaines catégories de véhicules de l’accès à tout ou partie de la voirie.
De telles pratiques se sont développées depuis de nombreuses années ; ainsi de la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute A 480, à Grenoble, pour la circulation des transports en commun, ou de celle de l’autoroute A 4 au droit de Joinville-le-Pont, de manière temporaire dans la journée, pour la circulation de l’ensemble des véhicules.
L’amendement que je vous propose d’adopter vise, d’une part, à développer de nouveaux usages favorisant la performance des transports en commun et la lutte contre la congestion routière de manière à réduire la pollution et, d’autre part, à faciliter les expérimentations de véhicules autonomes sur des itinéraires dont l’aménagement aura été préalablement réalisé par la puissance publique.
Cependant, madame la rapporteur, je sais que vous avez été sensibilisée à la nécessité d’intégrer les autorités organisatrices de transport, ou AOT, au processus d’autorisation de tout type d’expérimentation ; vous les avez donc fait mentionner à l’alinéa 6 du présent article. Le dispositif de mon amendement aurait donc dû, lui aussi, intégrer les AOT au même titre que l’autorité chargée de la police de la circulation. Je vous laisse donc juge de la nécessité de retirer mon amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je comprends tout à fait, ma chère collègue, votre volonté d’imaginer un dispositif par lequel la voiture autonome pourra bénéficier, sur l’autoroute, d’une voie dédiée, dans la mesure où l’une des promesses de ce véhicule est justement la capacité de mieux gérer le trafic routier.
Toutefois, cela me paraît un peu prématuré. Par ailleurs, le nombre de véhicules autonomes ne justifie pas aujourd’hui qu’on bloque une voie d’autoroute pour leur expérimentation.
Il me semble que cette disposition aurait davantage sa place dans le prochain projet de loi d’orientation des mobilités. Je comprends qu’il s’agit d’un amendement d’appel, mais je vous demande, comme vous me l’avez d’ailleurs suggéré, de bien vouloir le retirer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laure Darcos. Je retire l’amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 383 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 43.
(L’article 43 est adopté.)
Article 43 bis
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 864 rectifié bis, présenté par MM. Jomier et Cabanel, Mme Conway-Mouret, MM. Manable, Féraud et Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. P. Joly et Tourenne, Mmes Tocqueville et Harribey et MM. Daudigny et Devinaz, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la fin de la première phrase de l’article L. 315-2 du code de l’énergie, les mots : « sont situés en aval d’un même poste public de transformation d’électricité de moyenne en basse tension » sont remplacés par les mots : « respectent un critère de proximité géographique défini par arrêté du ministre chargé de l’énergie, après avis de la Commission de régulation de l’énergie ».
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cet amendement a pour objet l’autoconsommation. Il s’agit, plus précisément, d’une mesure que le Sénat avait introduite dans la loi ÉLAN, lors de sa première lecture, à la suite de l’adoption – contre l’avis de la commission – d’un amendement du groupe Union Centriste. Toutefois, en commission mixte paritaire, cette disposition avait été supprimée afin qu’un accord soit trouvé entre les deux chambres.
De nouveau, lors de la première lecture du présent projet de loi PACTE à l’Assemblée nationale, une disposition similaire a été introduite dans le texte, mais elle a été supprimée lors de son examen en commission au Sénat, par un amendement de M. le rapporteur.
L’amendement que nous vous proposons d’adopter vise donc à simplifier le périmètre de l’autoconsommation. Plutôt qu’une norme électrique trop complexe, liée aux postes de transformation d’électricité, nous préconisons un critère géographique. On voit bien, en effet, que le cadre actuel n’est pas adapté : certes, la réglementation est récente, mais seuls 6 projets d’autoconsommation ont vu le jour. Nous sommes là, évidemment, bien loin des objectifs que nous nous sommes fixés. Heureusement, nous ne légiférons pas pour 6 projets sur tout le territoire national !
De nombreux acteurs appellent donc à une simplification. J’ai ainsi reçu des retours d’expérience de maires et de collectivités qui ne peuvent pas monter de projets en raison de ce cadre trop strict, trop complexe et trop inadapté. Ces élus ne comprennent pas pourquoi un bâtiment municipal équipé ne pourrait pas alimenter un autre bâtiment municipal du fait de ce critère fondé sur le poste de transformation électrique. Voilà la situation à laquelle cet amendement vise à répondre.
Mme la présidente. L’amendement n° 262, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – À titre expérimental, pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, le chapitre V du titre Ier du livre III du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° À la fin de la première phrase de l’article L. 315-2, les mots : « en aval d’un même poste public de transformation d’électricité de moyenne en basse tension » sont remplacés par les mots : « sur le réseau basse tension et respectent les critères, notamment de proximité géographique, fixés par arrêté du ministre chargé de l’énergie, après avis de la Commission de régulation de l’énergie » ;
2° À la fin de l’article L. 315-3, les mots : « , lorsque la puissance installée de l’installation de production qui les alimente est inférieure à 100 kilowatts » sont supprimés.
II. – Avant le 31 décembre 2023, le ministère chargé de l’énergie et la Commission de régulation de l’énergie dressent un bilan de l’expérimentation.
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Cet amendement tend à reprendre très exactement les propositions que vient de faire M. Jomier, mais en y ajoutant des critères d’évaluation de cette autoconsommation : il s’agit de pouvoir tirer un bilan comparatif coûts-avantages.
Je vous suggérerais donc, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement, qui a exactement le même objet ; nous ajoutons simplement du contrôle à l’expérimentation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Ces amendements visent à rétablir l’article 43 bis, que nous avons supprimé en commission. Autant vous le dire tout de suite, monsieur le ministre, mes chers collègues : la position de la commission spéciale sur cet article n’a pas varié.
Plusieurs éléments expliquent notre position. Tout d’abord, le cadre législatif et tarifaire de l’autoconsommation collective est fixé depuis moins d’un an. Revenir dessus dès à présent paraît donc pour le moins prématuré, au vu du faible recul que nous avons sur des pratiques qui sont encore embryonnaires.
Concernant le périmètre actuellement en vigueur, qui a été évoqué, les échanges entre bâtiments sont déjà possibles, mais ce à une échelle géographique qualifiée de « raisonnable ».
Il faut aussi savoir que l’autoconsommation collective permet de déroger à certaines règles de protection des consommateurs. C’est d’ailleurs pourquoi la Commission de régulation de l’énergie elle-même a recommandé, en février 2018, de s’en tenir au périmètre actuel.
Il y a donc clairement un risque de remise en cause des principes de solidarité et d’équité entre les usagers et les territoires. On risque aujourd’hui d’aboutir, peut-être rapidement, à une forme d’individualisme ou de communautarisme énergétiques. D’où la nécessité d’encadrer ces pratiques et de ne pas dessaisir le législateur de ces sujets.
Mme Sophie Primas. Absolument !
M. Jean-François Husson, rapporteur. C’est la raison pour laquelle je confirme ici l’avis défavorable de la commission spéciale sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. J’entends tout à fait vos arguments, monsieur le rapporteur, mais je constate que, s’il n’y a que 6 projets, c’est bien que le cadre est trop restrictif !
C’est d’ailleurs ce que disent les acteurs de terrain. On ne met pas en place un dispositif pour qu’après un peu moins d’un an – effectivement, pas plus longtemps – seuls 6 projets aient vu le jour. On est tout de même loin des dérives potentielles que vous pointez, à juste titre.
Les acteurs continueront en outre à payer le TURPE, le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité. Par ailleurs, on voit bien que c’est avant tout le critère actuel de partage d’un poste de transformation électrique qui pose problème à certaines communes : ce n’est pas un critère pertinent. Le vrai bon critère serait la proximité géographique. Appartient-il au Parlement de le définir en détail ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Non !
M. Bernard Jomier. N’appartient-il pas plutôt de renvoyer cette tâche aux acteurs locaux et au pouvoir réglementaire ? Cela me paraîtrait plus sage.
Monsieur le ministre, une des différences essentielles entre l’amendement du Gouvernement et le nôtre est que vous réservez l’autoconsommation aux réseaux basse tension. Or une cantine scolaire gérée par une commune utilise, non pas la basse tension, mais bien la moyenne tension. Il serait dommage de ne pas autoriser cette commune, qui aura équipé ce bâtiment en production d’énergie, à utiliser cette énergie pour un autre bâtiment également.
C’est à cela que nous essayons de répondre de façon très concrète. Je le répète, il s’agit d’un amendement de simplification, qui tire les leçons de la courte, mais réelle, expérience en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je m’interroge sur l’amendement du Gouvernement. Quelles conséquences pour les consommateurs, pour le réseau ?
Par exemple, la personne morale organisatrice d’une opération d’autoconsommation n’est pas soumise à l’obligation d’informations précontractuelles en matière de contrat de fourniture de l’électricité, à celle de proposer un contrat d’une durée d’un an ou de respecter les dispositions relatives à la facture. Elle n’est pas non plus soumise à l’obligation de vendre l’électricité à un prix identique à tous, ce qui déroge au principe de péréquation tarifaire.
Le consommateur dispose-t-il du droit de résilier un contrat sans frais, à tout moment ? C’est une autre question. Pourra-t-il utiliser le chèque énergie pour payer le producteur local ? Bref, faut-il dès à présent aller dans le sens de l’amendement du Gouvernement alors qu’il existe peu de retours d’expérience sur le fonctionnement réel de ces opérations ?
Je rappelle qu’en janvier 2019 seules 10 opérations étaient en service, regroupant un total de 47 consommateurs. Dès lors, monsieur le ministre, pourquoi ne pas mettre en place des expérimentations ciblées - je dis bien ciblées - d’élargissement du périmètre ? Cela permettrait de disposer d’un retour d’expérience fiable, à partir duquel nous pourrions décider des obligations qui doivent, à terme, s’appliquer aux opérations d’autoconsommation collectives et du périmètre pertinent au vu de ces obligations.
Je suis favorable à l’autoconsommation et à son développement, mais toutes ces interrogations me troublent. N’est-ce pas prématuré d’aller très vite… trop vite ?
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Une fois n’est pas coutume, je suis complètement en phase avec les propos de M. Courteau, qui a posé les bonnes questions, à savoir quelles sont les conséquences de l’autoconsommation à la fois sur le consommateur et sur le réseau.
Il a exposé les difficultés ou la moindre protection du consommateur dans le cadre de l’autoconsommation.
Pour ce qui est du réseau, la personne morale organisant l’autoconsommation n’a pas l’obligation d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande, lequel est reporté sur d’autres acteurs du système électrique. C’est une autre conséquence.
Laissons-nous d’abord le temps d’évaluer le fonctionnement réel du dispositif. Pour ma part, je relève 10 expérimentations au 1er janvier 2019, comme M. Courteau, soit un peu plus que M. Jomier. Le cadre est très récent, comme l’a rappelé M. Husson. Attendons donc avant de légiférer de nouveau sur le sujet !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 864 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 43 bis demeure supprimé.
Articles 43 ter et 43 quater
(Supprimés)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Hommage aux victimes d’un incendie à Paris
M. le président. Mes chers collègues, je viens d’adresser à Mme le maire de Paris et à Mme le maire du XVIe arrondissement les pensées du Sénat après le drame de la rue Erlanger ; j’associe bien sûr tous nos collègues parisiens à ces pensées.
4
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook. J’invite chacun à être attentif au respect du temps de parole tout au long de la séance, ainsi qu’au respect des uns et des autres.
traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Joël Guerriau. Madame la ministre, comme vous le savez, les États-Unis ont décidé vendredi dernier de suspendre leur participation au traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, le FNI. Ils justifient leur position du fait que les Russes seraient sur le point de mettre en place de nouveaux missiles, en violation du traité.
Ce traité concerne particulièrement l’Europe, puisqu’il trouve son origine dans la crise des euromissiles des années 1970. À cette époque, les Russes avaient installé des missiles nucléaires à portée intermédiaire pouvant atteindre n’importe quelle capitale européenne. En réaction, les Américains avaient décidé d’en faire autant, si bien qu’il a fallu attendre 1987 pour qu’un accord bilatéral signé par Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev permette de supprimer cette catégorie de missiles des deux côtés.
Autre inquiétude : Vladimir Poutine a indiqué via un vice-ministre que le traité de réduction des arsenaux nucléaires, qui arrive à terme en 2021, pourrait ne pas être reconduit. Nous avons donc l’impression que l’histoire bégaie. Comment faire en sorte d’éviter que ne se reproduisent les erreurs du passé ? Nous y voyons l’opportunité pour l’Europe de s’exprimer fortement, afin que le contrôle des armes nucléaires soit une réalité.
À l’heure actuelle, la défense européenne prend de nombreuses initiatives, s’éparpille en projets : la coopération structurée permanente en matière de défense, ou PESCO, le fonds européen de la défense, l’initiative européenne d’intervention, ou EI2. Mais elle se montre incapable de présenter des solutions à la hauteur des menaces. Elle reste désespérément dépendante des Américains.
L’Europe doit pourtant prendre ses responsabilités à l’égard d’un allié qui ne se montre pas toujours fiable et prévisible, et à l’égard d’une Russie qui multiplie les coups de force pour affirmer sa puissance. Madame la ministre, quelle initiative comptent prendre la France et ses alliés européens pour éviter le risque d’une nouvelle course aux armements nucléaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des affaires européennes
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Guerriau, vous l’avez dit, l’Europe a été il y a peu l’un des théâtres de la guerre froide. Des armes nucléaires américaines et soviétiques stationnées sur le sol européen, par leur portée, ne pouvaient frapper que l’Europe. C’est à ce péril qu’est venue mettre fin la signature, en 1987, du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, qui engageait l’élimination de ces armes de notre continent.
Aujourd’hui, ce traité est remis en cause par les Russes qui en violent les règles et par les Américains qui annoncent vouloir s’en retirer. La Russie a immédiatement fait savoir qu’elle voulait développer un nouveau missile.
Nous sommes dans une situation paradoxale. Les Européens ne font pas partie du traité FNI, mais c’est bien de la sécurité de notre continent qu’il s’agit. Nous sommes devant un risque de relance de la course aux armements, mais aussi devant un nouvel épisode d’attaque en règle contre le multilatéralisme. Alors, que faut-il faire ?
Tout d’abord, et nous le faisons, il faut appeler la Russie à répondre aux demandes qui lui ont été adressées et à remplir pleinement ses engagements.
Dans le même temps, et vous le rappelez, il convient de construire une véritable autonomie stratégique européenne. L’Europe de la défense a plus progressé en deux ans qu’en six décennies. Le fonds européen de la défense est désormais en place. La coopération structurée permanente est lancée ; elle rassemble vingt-cinq États. Nous avons également besoin de l’initiative européenne d’intervention, que nous avons engagée et qui permet de créer une culture stratégique commune entre les Européens les plus capables et les plus volontaires.
Prenons garde de croire que les traités de maîtrise des armements appartiendraient à l’histoire et seraient dépassés. Dans le contexte international incertain que nous connaissons, ils sont plus indispensables que jamais. Nous appelons ainsi la Russie et les États-Unis à prolonger au-delà de 2021 le traité New START sur les arsenaux nucléaires et à négocier le traité successeur.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Si nous voulons éviter de voir régner la loi du plus fort au péril de notre sécurité, nous devons continuer à veiller à la force de la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
référendum
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, un référendum le jour des élections européennes… Les pauvres, elles n’avaient rien demandé ! (Sourires.) Pour répondre à des manifestants d’hier et d’aujourd’hui qui dénoncent trop d’impôts, trop de taxes, pas assez de pouvoir d’achat, une dépense publique à revoir, trop de contraintes réglementaires, on envisage un référendum sur le Parlement : trop de députés, trop de sénateurs, trop de mandats,…
M. Albéric de Montgolfier. Trop de ministres !
M. Roger Karoutchi. … ce qui n’est pas exactement, c’est peu de le dire, une réponse sociale, économique aux demandes de la population !
Monsieur le Premier ministre, je sais que vous êtes un homme de raison : ces fake news doivent-elles être démenties ou est-ce une vraie piste du Gouvernement ? Vers quoi se dirige-t-on pour sortir du grand débat ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Aux abris !
M. François Patriat. C’est très élégant…
M. le président. Seule Mme le garde des sceaux a la parole !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Karoutchi, depuis quelques jours, effectivement, est évoquée dans la presse l’idée d’un référendum qui pourrait être organisé au printemps pour tirer les conclusions du grand débat national que le Président de la République a lancé.
La question que vous posez me semble parfaitement légitime puisque la Constitution, vous le savez, prévoit en son article 11 la possibilité que le Président de la République soumette au référendum un certain nombre de projets de loi.
M. Marc-Philippe Daubresse. Pas n’importe comment !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cette procédure a été utilisée huit fois depuis 1958 pour trancher des questions importantes sur l’avenir du pays.
Le grand débat national tel qu’il a été voulu par le Président de la République permet à nos concitoyens de débattre de questions importantes pour leur avenir ayant trait à la fiscalité, à l’organisation de l’État, à la démocratie et à la citoyenneté ou à la transition écologique. Au moment où nous parlons, monsieur le sénateur, plus de 4 000 réunions ont déjà eu lieu, plus de 700 000 contributions ont été déposées sur le site. (Protestations et huées sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne comprends pas pourquoi vous sifflez, ce sont des chiffres réels, c’est tout ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Je crois donc, monsieur le sénateur, qu’il convient de laisser ces débats se dérouler. Vous le savez, le Président de la République et le Gouvernement sont à l’écoute des Français. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Mais oui ! J’ai moi-même eu l’occasion de me rendre dans une petite commune du Tarn, à Giroussens, où les gens se respectaient et évoquaient, dans le calme et la fermeté, ce qui traçait, pour eux, les lignes directrices de leur avenir.
Une fois ce grand débat achevé, il faudra en tirer les conséquences, cela a été clairement dit, de manière précise et concrète. Il appartiendra alors au chef de l’État et au chef du Gouvernement de faire les choix qui s’imposeront.
Monsieur le ministre Karoutchi, je connais trop votre engagement gaulliste et votre attachement aux institutions de la Ve République…
M. le président. Il faut conclure, madame le garde des sceaux !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … pour croire que le recours à un référendum serait pour vous critiquable en soi. (Sourires.)
M. le président. Il faut vraiment conclure !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. En tout cas, au moment où nous parlons, cette question n’est pas à l’ordre du jour. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Je vous rassure, madame la ministre, je n’ai aucune appréhension par rapport à un référendum. Je pense que le Président de la République en aurait davantage.
M. Pierre-Yves Collombat. Ça c’est sûr !
M. Roger Karoutchi. Mais là n’est pas le sujet.
M. Roger Karoutchi. Le sujet, madame la ministre, monsieur le Premier ministre, c’est que les Français ont le droit de connaître l’issue de ce grand débat.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Jean-Marc Todeschini. Bravo !
M. Roger Karoutchi. Si vous voulez mener une réforme constitutionnelle, pas juste bricoler avec l’article 11, mais réaliser une vraie réforme, une vraie République transformée en utilisant l’article 89, n’hésitez pas, il y a un Parlement pour cela ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Vous savez, la démocratie représentative, cela peut compter ! Je veux bien tous les grands débats, mais j’ai entendu le Président de la République dire que, ce qui compte, c’est tout de même ceux qui ont été élus. Monsieur le Premier ministre, 348 sénateurs, 577 députés, 925 parlementaires, 925 citoyens : rien. Mais 348 sénateurs, 577 députés, 925 parlementaires élus de manière directe ou indirecte : c’est la France ! (Bravo ! et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
hypothèse d’un référendum le 26 mai
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste, (Applaudissements prolongés et redoublés sur les mêmes travées.) à qui s’adressent aussi les applaudissements !
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, je ne sais plus si ces ovations s’adressent au président Karoutchi ou à moi-même : j’en suis ému ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Monsieur le Premier ministre, à mon tour, je voudrais évoquer les suites de ce que l’on appelle « le grand débat » et qui se poursuit, nous dit-on, jusqu’au 15 mars. Il faudra en tirer les conséquences et, le moment venu, le chef de l’État et le chef du Gouvernement devront discerner ce qui apparaît dans les conclusions de ce débat pour présenter des réponses sous une forme ou sous une autre.
Notre collègue Roger Karoutchi vient de le rappeler, le Parlement est fait pour cela et il est disponible pour discuter des réponses susceptibles d’être apportées à tous ceux qui débattent aujourd’hui. Le Parlement ne s’use que si l’on ne s’en sert pas ! Il est donc indispensable, effectivement, de présenter devant l’Assemblée nationale et le Sénat les propositions qui pourront être portées par la voie législative.
Le chef de l’État et le chef du Gouvernement peuvent aussi utiliser une autre voie, Mme le garde des sceaux vient de le rappeler : elle est prévue par la Constitution, elle est légitime, c’est celle du référendum. Si tel était le cas, il est clair que nous sommes nombreux, ici, à souhaiter qu’une telle consultation populaire n’ait pas lieu le jour des élections européennes. Ne mélangeons pas les choses ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
À l’évidence, pour des raisons dont chacun se souvient, nous n’avons pas eu le débat approprié à l’occasion de l’élection présidentielle. Nous en mesurons aujourd’hui les conséquences.
Il est indispensable que nous puissions avoir un vrai débat sur la construction européenne. L’Europe est en crise, l’Europe est malade. Nous voyons jour après jour les soubresauts attristants du Brexit.
Nous voyons également combien l’Europe ne s’occupe malheureusement ni de la taxation des GAFA, ni des problèmes migratoires,…
M. le président. Votre question, mon cher collègue !
M. Hervé Marseille. … ni, plus généralement, des problèmes auxquels les Français attendent des réponses.
Nous souhaitons donc, monsieur le Premier ministre, que la France retrouve le rôle moteur qui doit être le sien en Europe et que nous puissions avoir ce débat.
Évitons, pour cela, d’organiser un référendum le jour des élections européennes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Il a de la chance notre collègue Hervé Marseille !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Hervé Marseille, sachant que vous alliez poser une question après le sénateur Roger Karoutchi, je me suis dit qu’il serait conforme à l’usage, mais aussi utile, évidemment, que je vous apporte personnellement des éléments de réponse, lesquels rejoindront sans doute également les questions formulées par M. Karoutchi.
Mme Catherine Procaccia. On attend de voir !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Marseille, le grand débat a commencé et, alors même que beaucoup s’interrogeaient sur les formes qu’il prendrait, nous constatons, par le nombre de réunions organisées et le nombre de contributions directement produites par les Français, une très grande appétence de nos concitoyens pour ces discussions. C’est plutôt une bonne nouvelle à mes yeux.
On peut toujours, ici ou là, dire que telle ou telle réunion ne ressemble pas à ce que l’on aurait souhaité dans l’idéal. Toutefois, les réunions sont nombreuses, elles interviennent dans de grandes villes comme dans de toutes petites communes et elles permettent à nos concitoyens de s’exprimer.
Pour vous dire la vérité, je pense que c’est un moment important, utile et passionnant.
Alors que l’exercice commence à peine, nombre de responsables politiques, en particulier, s’interrogent déjà sur les points de sortie, qu’il s’agisse des solutions ou des instruments qui seront utilisés pour parvenir à celles-ci.
Cette interrogation est évidemment légitime, mais je crois qu’il est objectivement trop tôt, non seulement pour répondre sur le fond – le débat n’a pas encore produit tous ses effets –, mais aussi pour répondre définitivement à la question des instruments.
Je voudrais néanmoins esquisser quelques pistes, monsieur Marseille.
Premièrement, je ne crois clairement pas qu’un instrument unique soit de nature à traiter l’ensemble des questions qui auront été évoquées pendant le grand débat.
Il appartiendra au Président de la République de décider si, oui ou non, il veut utiliser l’article 11 de la Constitution. Peut-être souhaitera-t-il poser aux Français la question d’une adoption directe de tel ou tel projet. C’est son droit le plus strict, et je pense que chacun, dans cette assemblée, le respecte.
En tout état de cause, je ne crois pas qu’un seul référendum, quand bien même il porterait sur plusieurs projets de loi, suffise à intégrer l’ensemble de ce qui est dit, mais aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, de ce qui ne l’est pas… Certains sujets sont en effet rarement évoqués dans les débats.
Il faut donc s’attendre à ce que, soit par le référendum, soit par la discussion législative naturelle, soit par d’autres instruments – j’ai entendu les organisations syndicales et patronales ainsi que les associations d’élus évoquer la possibilité, sur certains thèmes, de mettre en place des processus de concertation desquels pourrait émerger, sinon un consensus, du moins une élaboration collective de solutions.
N’ayons pas peur de cette profusion d’instruments. Elle est, me semble-t-il, exactement à la hauteur des attentes des Français, compte tenu de la diversité des sujets.
J’entends enfin la remarque que vous avez formulée, qui rejoint celle de M. Karoutchi, sur une forme de désaccord quant à l’idée d’organiser un référendum le jour du scrutin prévu pour les élections européennes. J’en prends acte.
Vous avez formulé en ce sens un certain nombre d’arguments. Ils sont parfaitement légitimes.
On pourrait aussi ajouter, peut-être, qu’une multiplication des consultations requiert une organisation assez lourde pour les services des collectivités territoriales.
Aujourd’hui, monsieur Marseille, rien n’est décidé. Certes, dans le monde dans lequel nous vivons, dès que l’on commence à réfléchir à une hypothèse, elle se transforme immanquablement en un fait, puis en une vérité… Mais pourquoi ne pourrions-nous pas soumettre cette idée à la consultation ?
Le scrutin du 26 mai sera d’une importance absolument considérable pour la construction européenne et pour notre pays. Le débat doit avoir lieu. Nos concitoyens doivent dire clairement ce qu’ils souhaitent et ce qu’ils veulent assumer s’agissant de la construction européenne. Nous avons tous à y gagner, j’en suis intimement convaincu.
Tout ce qui aurait pour effet de remettre en cause la clarté du débat serait probablement à écarter.
C’est d’autant plus vrai que, référendum ou pas, monsieur le sénateur, depuis très longtemps, lors des élections européennes, on parle finalement assez peu des élections européennes, et beaucoup des questions politiques nationales.
Mme Laurence Cohen. Ah, ça…
Mme Cécile Cukierman. Avec un référendum, encore plus !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous le savons tous, nous l’avons tous vécu et nous n’avons pas envie que cela recommence ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
prélèvement à la source
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe La République En Marche. (« Allô ! » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Richard Yung. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous propose de quitter les rives souriantes du grand débat pour aborder un sujet moins rieur, la fiscalité ! Ma question portera plus précisément sur le prélèvement à la source.
Comme vous le savez, il a été instauré au 1er janvier dernier et les premiers bulletins de paye arrivent en ce moment dans les foyers.
Il est donc intéressant de regarder ce qui se passe.
Le prélèvement à la source n’est pas une affaire nouvelle. Nous en avons débattu assez longuement au sein de la commission des finances il y a environ deux ans.
La majorité du Sénat était alors vivement opposée à cette technique. Mais, à présent, elle se déploie et nous devons avancer.
Bien évidemment, certaines questions se posent par rapport aux salariés, à l’employeur qui effectue le prélèvement et aux chaînes de fonctionnement informatique.
Je me réjouis du travail d’accompagnement et d’explication très important qui a été accompli, sous différentes formes, pour expliquer cette innovation. Je rappelle aussi que la France est l’un des derniers pays au monde à mettre en place le prélèvement à la source, qui existe depuis 1920 dans beaucoup de pays, et depuis 1945 partout en Europe. Seule la Suisse ne l’a pas adopté. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Sauf pour les travailleurs frontaliers !
M. Richard Yung. Chacun en tirera les conclusions qu’il veut.
M. le président. Votre question, mon cher collègue !
M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur les premières conclusions et le premier bilan que vous pouvez tirer de cette mesure. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Bruno Gilles. Allô !
M. Richard Yung. Quand on fait des choses, vous criez, quand on s’abstient, vous continuez sur votre lancée. Au fond, il n’y a pas tellement d’hésitations à avoir !
En particulier, monsieur le secrétaire d’État, le taux moyen a-t-il été le plus souvent utilisé et quelles perspectives se dessinent ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Yung, vous nous interrogez sur la mise en œuvre du prélèvement à la source.
Je vous confirme que cette mise en œuvre se passe excellemment bien. Il n’y a aucun bug technique ou systémique et la décision prise par le Premier ministre en juillet 2017 de reporter l’application d’un an nous a permis, à Gérald Darmanin et moi-même, de régler un certain nombre de questions, notamment pour les particuliers employeurs ou sur le versement d’un acompte de 60 % pour les crédits d’impôt. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Cette réforme, nous l’accomplissons d’abord pour les Français, car elle nous permettra d’adapter l’impôt aux revenus de nos concitoyens, avec une véritable contemporanéité du prélèvement. C’est d’autant plus important que 7 millions de nos concitoyens connaissent chaque année une variation de leurs revenus d’au moins 30 %. Nous pourrons ainsi faire en sorte qu’ils soient assujettis de la manière la plus juste qui soit.
Nous engageons aussi cette réforme en appelant l’ensemble de nos concitoyens à déclarer leurs changements de situation – mariage, divorce, naissance, modification du foyer fiscal ou modification substantielle de leurs revenus – pour faire en sorte que, sous deux mois, leur taux puisse être adapté et que leur impôt soit parfaitement conforme à la réalité de leurs revenus.
Ensuite, monsieur le sénateur, si cette réforme est faite pour les Français, elle est faite par les agents publics. Ainsi, 40 000 agents de la Direction générale des finances publiques ont été formés à cet effet sur les plus de 100 000 agents de cette direction.
Plus de 1 000 agents ont été mobilisés pour répondre aux nombreux appels téléphoniques et nous avons accueilli à peu près 110 000 personnes le premier jour du mois de janvier dans 1 500 lieux d’accueil sur l’ensemble du territoire.
C’est une réussite technique que l’on doit aussi aux agents. Le premier jour, 500 000 contribuables ont, d’une manière ou d’une autre, contacté les services fiscaux. Depuis le début du mois de janvier, nous avons modifié le taux de plusieurs centaines de milliers de contribuables pour mieux tenir compte de la réalité de leurs revenus.
Nous avons fait en sorte que cette réforme fonctionne bien et qu’elle fonctionne aussi avec les collecteurs, à savoir les entreprises, qui peuvent constater aujourd’hui que la mise en œuvre se fait dans de bonnes conditions et à un coût bien moindre que ce qu’elles pouvaient craindre. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Véronique Guillotin. Ma question s’adressait à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Alors que la consommation de tabac baisse globalement dans notre pays, certains territoires demeurent malheureusement en marge de cette dynamique positive.
Si les causes sont assurément multifactorielles – on fume davantage en situation socio-économique défavorable –, l’une des explications est aussi géographique.
En effet, les quatre régions où l’on trouve le plus de fumeurs – PACA, Hauts-de-France, Occitanie et Grand Est – sont proches de pays où le tabac est le moins cher.
Avec un paquet de référence à 5,40 euros, le Luxembourg attire les fumeurs du Grand Est en quête de cigarettes à moindre coût, notamment ceux du Nord lorrain où les taux d’incidence du cancer du poumon sont significativement plus élevés que la moyenne nationale.
D’après une récente étude de Santé publique France, les départements frontaliers de la région présentent les situations les plus préoccupantes. Et pour cause : l’augmentation du prix du tabac en France, mesure que j’ai soutenue et qui a fait la preuve de son efficacité, a malheureusement encore renforcé ce différentiel entre les zones transfrontalières et le reste du territoire.
Face à ce constat, la région Grand Est a lancé un programme de lutte contre le tabac. Cibler les publics les plus à risque doit en effet être au cœur de toutes les politiques de prévention et d’accompagnement.
Néanmoins, la forte attractivité de nos voisins doit absolument être prise en considération par le Gouvernement pour chaque action entreprise, sous peine de voir se renforcer les inégalités territoriales en matière de santé.
Le tabac restant, de loin, le premier facteur de risque de cancers évitables en France, quelles actions, monsieur le secrétaire d’État, entendez-vous mettre en œuvre à l’échelle nationale, mais aussi quelles initiatives entendez-vous prendre à l’échelle européenne pour corriger les conséquences de ces trop grandes disparités ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice, vous avez eu raison de poser d’emblée votre question à Agnès Buzyn, car c’est aussi une manière de souligner l’implication de Mme la ministre de la santé dans la lutte contre le tabac et ses conséquences sur la santé publique.
Toutefois, le fond de votre question concerne essentiellement l’impact du trafic de tabac, et parfois même de la contrebande, en matière d’action publique.
Vous nous interrogez sur les actions que mène le Gouvernement pour diminuer les trafics de tabac dans les zones frontalières.
Nous avons pris un certain nombre de dispositions, notamment à l’occasion de l’adoption de la loi de lutte contre la fraude, en abaissant de 10 à 4 le nombre de cartouches qui peuvent être importées d’un pays de l’Union européenne pour faire en sorte que, au-delà de 4, il y ait une présomption de contrebande permettant à nos douaniers de pouvoir sanctionner celles et ceux qui se livrent à ces trafics de proximité.
Nous avons aussi fait en sorte de doubler les amendes pour trafic frontalier en matière de trafic de tabac, en passant l’amende maximale de 2 500 euros à 5 000 euros afin de dissuader les trafics que vous pointez.
Au-delà, nos services sont mobilisés de manière massive. Depuis trois ans, 1 500 tonnes de tabac ont été saisies. Pour prendre un exemple que vous connaissez bien, le 27 septembre dernier, à Saint-Avold, c’est 1,2 tonne de tabac qui a été saisie à l’occasion d’un contrôle inopiné.
Nous développons de nouvelles techniques de ciblage pour faire en sorte d’agir avant le dédouanement et nous contrôlons aussi de plus en plus souvent des lieux de vente ou de trafic situés au-delà des frontières, mais dont on sait qu’ils sont propices à cette consommation de tabac.
Enfin, nous avons ouvert des discussions avec nos partenaires européens. Nous souhaitons tout d’abord revoir la directive de 2011, qui fixe des minima fiscaux en matière de tabac, de manière à aller vers l’harmonisation fiscale que vous appelez de vos vœux. Nous voulons ensuite modifier la directive de 2018, pour que les limites indicatives de tabac importable deviennent prescriptives, ce qui rejoint votre souhait d’une action plus résolue au niveau européen en la matière.
Enfin, madame la sénatrice, je dois préciser que ce travail de lutte contre le tabac, y compris par le relèvement des prix que vous avez cité, est mené en étroite collaboration avec les buralistes, de manière à ne pas mettre en danger leur activité. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.
Mme Véronique Guillotin. Votre réponse ne me convient qu’à moitié, monsieur le secrétaire d’État.
Ma question portait non pas seulement sur un contrôle renforcé des fraudes, mais aussi sur la santé. Je considère en effet qu’il est important, au-delà du tabac, de prendre la santé transfrontalière dans sa globalité, que ce soit sur les ressources humaines ou sur la prévention et l’accès aux soins.
Il me faudra donc effectivement reposer la question à Mme la ministre de la santé ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Pierre Louault applaudit également.)
débat national et pluralisme dans les médias
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Laurent. Ma question porte également sur le débat national, plus précisément sur les conditions d’exercice du pluralisme dans ce débat politique et médiatique.
Déjà, vous voulez restreindre la liberté de manifester. Ensuite, la liberté de la presse est mise à mal, comme l’illustre la lamentable tentative de perquisition dans les locaux de Mediapart, hier, ou la situation du journal L’Humanité, qui appelle la plus grande solidarité.
Le débat national est censé donner prioritairement la parole aux Français. C’est pour cela qu’il a été organisé. Des centaines de milliers de nos concitoyens s’en emparent et s’engagent.
Toutefois, s’il est impossible de poser un couvercle sur la marmite qui bout de la parole des Français, dans le même temps, c’est bien le Président de la République, et lui seul, qui se taille la part du lion médiatique, avec des shows présidentiels intégralement retransmis, dans lesquels il ne répond jamais positivement aux demandes exprimées, mais où il continue de plaider pour sa politique.
Dès lors, assiste-t-on à un grand débat national appartenant aux Français ou à une campagne présidentielle de rattrapage dans laquelle il n’y aurait cette fois qu’un seul candidat ?
En matière de temps de parole, les compteurs du CSA doivent exploser. Il serait d’ailleurs intéressant que les chiffres soient publiés au fil du débat, et pas dans trois mois !
Et rien ne s’arrangera avec les élections européennes, puisque la loi que vous avez fait voter va répartir les temps de parole de manière scandaleusement inégale.
Ma question est la suivante : quelles mesures comptent prendre le Gouvernement et les garants pour assurer, jusqu’au terme de ce débat et ensuite, une égalité d’accès au temps de parole politique et médiatique, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, ce débat, c’est bien le grand débat des Français (Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) : 4 000 réunions ont déjà été organisées, sont en cours ou vont avoir lieu, et 700 000 contributions ont été déposées sur la plateforme.
Parmi ces 4 000 réunions, seules une dizaine, une quinzaine ou peut-être une vingtaine compteront la présence d’un membre du Gouvernement ou du Président de la République.
M. Jean-François Husson. Quand c’est retransmis à la télé !
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. La quasi-intégralité des réunions se passe entre les Français.
Mme Éliane Assassi. Pourquoi les députés sont-ils invités, mais pas les sénateurs ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Les médias, comme vous le savez, sont libres en France. Nous nous en réjouissons, et tout se fera sous le contrôle du CSA. (Mme Cécile Cukierman proteste vigoureusement.)
M. David Assouline. Pourquoi la télé ne vient-elle que pour le Président de la République ? Huit heures de direct !
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Nous sommes en relation régulière avec les cinq garants et observateurs qui ont été nommés par le président de l’Assemblée nationale, par le président du Sénat, par le président du Conseil économique, social et environnemental et par le Gouvernement. Ces cinq personnes nous aident à respecter les principes que nous nous sommes fixés.
Un principe de transparence, tout d’abord (Sourires ironiques sur les travées du groupe Les Républicains. – Huées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) : toutes les contributions seront rendues publiques ou mises en ligne sur le site du grand débat.
Un principe d’exhaustivité, ensuite : toutes les contributions seront analysées, traitées et restituées.
M. Jacques Grosperrin. Répondez à la question !
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Ce débat est libre, il représente une opportunité et il nous permettra de prendre les décisions qui s’imposent, sous le contrôle du Président de la République et du Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. Vincent Éblé. Pourquoi les sénateurs ne sont-ils pas invités ? Ils sentent le gaz ?
coopératives agricoles
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre Marc Fesneau, la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dite loi Égalim, que nous avons examinée l’année dernière, prétend améliorer le revenu des agriculteurs en imposant une plus juste rémunération. Son encre est à peine sèche. Pourtant, les ordonnances qu’elle vous a autorisés à rédiger suscitent de vives inquiétudes dans le milieu agricole, notamment chez les trois quarts des agriculteurs membres d’une coopérative, qui craignent une remise en cause du statut coopératif.
En effet, vos ordonnances assimileraient les coopératives à des entreprises commerciales pour le calcul du prix d’achat aux agriculteurs. Ce prix – c’est tout l’objet de la loi Égalim – ne doit pas être abusivement bas au regard d’indicateurs à préciser.
Monsieur le ministre, il faut comparer ce qui est comparable. La coopérative est la continuité de l’exploitation, et non une entreprise commerciale. L’inquiétude dont je me fais le porte-voix vient de ce que la notion de prix serait appliquée par votre ordonnance aux relations entre la coopérative et l’adhérent. Or la coopérative, jusqu’à présent, n’achète pas le produit, mais le vend aux entreprises commerciales. C’est aussi pour cela que le médiateur de la coopération agricole ne doit pas être remplacé par un médiateur de la relation commerciale.
Certes, il peut y avoir des abus dans certaines grosses coopératives, dont la gouvernance est assez éloignée des adhérents. Il faut évidemment les corriger, mais pas au prix d’une remise en cause de la singularité du modèle coopératif, qui est fondé sur l’humain et la solidarité. (Marques d’approbation sur plusieurs travées.) Beaucoup d’exploitations sont de taille modeste, notamment en Occitanie, comme me le souffle mon collègue du Gers, Franck Montaugé, que j’ai plaisir à associer à cette question. (Sourires.)
Elles sont fragiles, mais elles font vivre les territoires, le modèle coopératif étant un outil performant pour une agriculture saine et de qualité.
Certains pensent qu’à terme l’objectif de Bercy serait de parvenir à fiscaliser le chiffre d’affaires des coopératives, ce qui reviendrait à taxer deux fois les coopérateurs.
Monsieur le ministre, nous connaissons votre attachement à l’agriculture et aux agriculteurs. Il faut les défendre non pas seulement contre les critiques, mais aussi contre les logiques purement économiques, qui leur sont défavorables.
Ma question est simple : quelles preuves de soutien vos ordonnances apporteront-elles à notre modèle coopératif agricole ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Henri Cabanel, je voulais vous remercier de votre question et excuser tout d’abord le ministre Didier Guillaume, retenu en Lozère pour le congrès national de la Fédération bovine.
Vous nous avez interrogés sur l’ordonnance en cours de rédaction relative à la coopération agricole.
Je voudrais tout d’abord replacer cette ordonnance dans son contexte, à savoir la volonté, au travers des états généraux de l’alimentation puis de la loi Égalim, d’accorder une juste rémunération aux agriculteurs. À cette fin, nous avons tout particulièrement discuté avec les représentants des coopératives, qui se sont mis d’accord pour mettre en place certains outils.
L’instauration du prix anormalement bas, réclamé par l’ensemble de la profession, est un maillon essentiel de cette chaîne.
Ce contexte devrait permettre de répondre clairement à votre inquiétude : non, le Gouvernement ne veut absolument pas mettre fin au modèle coopératif. Au contraire, il soutient fortement un modèle de solidarité, de création et de juste répartition de la valeur ajoutée entre les coopérateurs, qui permet aussi de mettre en valeur tous les territoires. Il n’en reste pas moins que, comme toutes les organisations, ce modèle mérite d’être amélioré.
Les services du ministère de l’agriculture travaillent en étroit partenariat avec les représentants des coopératives, y compris sur la rédaction de cette ordonnance.
Mme Sophie Primas. Et avec le Parlement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Le prix abusivement bas est effectivement par nature et par construction une notion juridique qui peut entrer en contradiction avec la construction d’un prix coopératif.
C’est pourquoi l’ordonnance veille à préserver le modèle coopératif en maintenant, dans le code rural et non dans le code de commerce – ce n’est pas un point négligeable – la notion de prix abusivement bas et en instituant le recours au Haut Conseil de la coopération agricole ou au médiateur de la coopération agricole en cas de pré-litige, et non au médiateur des relations commerciales.
Nous voulons maintenir l’excellence de l’agriculture française et le modèle coopératif, qui regroupe effectivement les trois quarts des agriculteurs, en constitue l’un des fers de lance. Il fait figure pour nous de modèle d’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)
niches fiscales
M. le président. La parole est à Mme Claudine Thomas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Claudine Thomas. Ma question s’adresse à M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, à la suite de l’annonce faite par le Gouvernement de réduire les niches fiscales en diminuant le plafond global de ces dernières ou en imposant des conditions de ressources pour en bénéficier, afin, dites-vous, monsieur le ministre, qu’elles profitent aux classes moyennes plutôt qu’aux classes les plus aisées.
La fiscalité française est un objet de curiosité qui place la France au premier rang des pays européens dont l’impôt est le plus lourd. Les deux ans que vous avez passés à Bercy n’y auront rien changé. Ce sont ces fameuses niches fiscales qui offrent une bouffée d’oxygène aux contribuables écrasés par l’impôt.
Aujourd’hui, la crise des « gilets jaunes » et le besoin de ressources supplémentaires conduit votre gouvernement à raboter ces niches, l’objectif étant de montrer du doigt ces contribuables qui bénéficient de niches fiscales pour les désigner comme des privilégiés.
Soudain, ces mécanismes dont on vantait l’utilité – emplois à domicile, dons aux associations, investissements dans la transition énergétique – n’auraient plus aucune justification.
Monsieur le ministre, clairement, vous gérez une crise politique née d’un ras-le-bol fiscal en créant tout bonnement une nouvelle hausse d’impôt !
M. Albéric de Montgolfier. Eh oui !
Mme Claudine Thomas. Voilà encore une mesure à l’encontre des classes moyennes ! Quand allez-vous cesser de matraquer ces Français qui travaillent, payent des impôts et assurent la solidarité nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice, vous nous interrogez sur la dépense fiscale et je me dois avant tout d’excuser Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, qui est retenu par d’autres obligations cet après-midi.
Vous annoncez, dans votre question, que nous aurions décidé de revenir sur certaines niches fiscales. Or il n’en est rien, aucune décision n’ayant été prise. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) En revanche, il est important et intéressant d’ouvrir ce débat.
La dépense fiscale peut être un bon levier pour promouvoir des comportements vertueux ou inciter à tel ou tel investissement en direction de l’emploi ou de diverses politiques publiques.
Toutefois, force est de constater que l’accumulation des niches fiscales dans le temps a conduit au démembrement de pans entiers de notre fiscalité et à une perte de lisibilité de celle-ci. Vous avez vous-même souligné que nous affichons parfois des taux de prélèvement extrêmement élevés et que les niches fiscales servent finalement de soupape de décompression, ce qui nuit à la simplicité et à la lisibilité du système fiscal.
Enfin, il y a aussi un phénomène d’optimisation, la superposition des niches permettant à certains contribuables d’être particulièrement avantagés.
Nous pouvons toutefois noter que, depuis 2008, notamment sur l’initiative de Gilles Carrez et de Didier Migaud, ces niches ont été successivement plafonnées.
Nous allons travailler sur ce sujet avec en tête deux impératifs. Le premier est de continuer ce que nous faisons depuis le début, c’est-à-dire diminuer les prélèvements obligatoires sur les ménages et, en aucun cas, taxer les classes moyennes.
M. Philippe Dallier. Allons !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le deuxième vise à renforcer l’égalité. Ainsi, en matière d’impôt sur le revenu, vous savez certainement que 10 % des contribuables les plus aisés bénéficient de 50 % des 14 milliards d’euros de niches propres au seul impôt sur le revenu. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Tous les parlementaires, sur tous les bancs, ont toujours voulu clarifier et simplifier le système des niches fiscales. Madame la sénatrice, dans Les Échos, le 9 janvier dernier, quelqu’un disait qu’il fallait tout remettre à plat en matière de fiscalité. Il dénonçait les 350 impôts et taxes, l’accumulation des niches fiscales et le manque de lisibilité. L’auteur de cette phrase frappée au coin du bon sens n’est autre que Laurent Wauquiez ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Sophie Taillé-Polian et M. Pierre Louault applaudissent également.)
M. Loïc Hervé. Les grands auteurs !
M. le président. La parole est à Mme Claudine Thomas, pour la réplique.
Mme Claudine Thomas. Monsieur le secrétaire d’État, j’entends vos arguments, mais je vous répondrai malgré tout par quelques chiffres sur l’action de votre gouvernement.
Le déficit commercial de la France devrait battre un record en 2019, à hauteur de 65 milliards d’euros. Le déficit public, qui devait être contenu sous la barre des 3 %, est annoncé à 3,3 % en 2019. Quant au taux de prélèvements obligatoires, que vous estimiez à 44,3 % dans la loi de programmation, il atteindra 45 % du PIB.
Il n’y a pas de quoi pavoiser, monsieur le secrétaire d’État ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
programmation pluriannuelle de la recherche
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe La République En Marche.
M. André Gattolin. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Madame la ministre, dans un monde en pleine transformation technologique, l’investissement dans la recherche constitue plus que jamais un enjeu capital pour notre pays.
Malgré une légère amélioration, la France, qui, avec les autres pays de l’Union européenne, s’était fixé pour 2020 un objectif de recherche globale de 3 % de son PIB, peinait en 2017 à atteindre 2,2 %, tout juste. Nous demeurons loin derrière l’Allemagne, les États-Unis et les pays scandinaves.
Aussi, et même si aucun chiffre précis n’a encore été avancé, l’annonce par M. le Premier ministre, voilà quatre jours, d’une future loi de programmation pluriannuelle pour la recherche est déjà, en soi, une excellente nouvelle. Elle souligne la volonté de notre pays de passer à la vitesse supérieure dans ce domaine à l’horizon de 2021, année qui marquera également le début du prochain cadre pluriannuel financier européen, accroissant de manière considérable les moyens de la recherche, avec le plan Europe 2020.
Face au leadership américain et à la montée en puissance de la Chine, la mise en œuvre d’une politique volontariste dans ce domaine par la France, et aux côtés de l’Union européenne, ne peut qu’être favorable au renouveau de nos industries, à la compétitivité de notre économie, ainsi qu’à notre souveraineté numérique.
Madame la ministre, pourriez-vous aujourd’hui nous préciser quelles seront les priorités de cette programmation et comment elles seront articulées avec les mesures du prochain cadre pluriannuel financier européen, couvrant les années 2021 à 2027 ? Enfin, dans la phase de concertation et de préparation de la future loi qui va s’ouvrir, comment entendez-vous mobiliser au mieux la communauté scientifique, les industriels et l’ensemble de la communauté nationale sur ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur Gattolin, effectivement, vendredi dernier, à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, le Premier ministre a souhaité annoncer cette future loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Cela faisait longtemps, bien longtemps, trop longtemps même, qu’un chef de gouvernement n’avait pas souhaité réaffirmer, devant la communauté scientifique, combien nous lui faisons confiance pour améliorer l’avenir de notre pays, en continuant à produire une connaissance qui est à la base de toute innovation, source de croissance et d’emplois.
C’est une décision d’importance qui a été annoncée, puisque, au cours des quarante dernières années, seules trois lois de programmation ont été votées pour la recherche.
Il s’agit de travailler sur trois axes fondamentaux…
M. Éric Kerrouche. Pas de chercheurs ! Pas de chercheurs ! Pas de chercheurs !
Mme Frédérique Vidal, ministre. … et de sortir des principales contradictions qui, souvent, nous ont empêchés d’avancer sur les questions de recherche, notamment les oppositions stériles entre la recherche publique et la recherche privée – partout dans le monde, on parle de recherche – et la compétition stérile entre les financements compétitifs et les financements récurrents – partout dans le monde, on considère que l’essentiel est de soutenir le financement de la recherche.
M. Pierre-Yves Collombat. Et les conflits d’intérêts, cela n’existe pas ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Trois groupes de travail seront mis en place, comprenant des parlementaires, des scientifiques, des chefs d’établissement, des industriels. Ils traiteront respectivement les questions suivantes : comment finance-t-on, au mieux, les activités de recherche de base, celles des laboratoires, et une recherche compétitive de qualité, sans risque d’exclure certains excellents projets ? Comment retrouve-t-on une attractivité des carrières scientifiques ? Comment soutient-on la recherche partenariale ?
Il importe que nous remettions la recherche au cœur des priorités, car elle est au cœur de notre avenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
décentralisation
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, s’il veut bien me répondre.
Monsieur le Premier ministre, les conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont voté hier la même délibération, demandant la création d’une nouvelle collectivité territoriale : la « collectivité européenne d’Alsace ».
C’est un nouveau chapitre qui s’ouvre, celui de l’entrée dans un processus législatif qui pourrait conduire, je l’espère, à la renaissance de la région Alsace. Ce sont aussi des nouvelles questions qui se posent : quelles compétences seront en définitive dévolues à cette collectivité ?
En effet, dans l’état actuel de nos connaissances, le projet de loi qui doit en préciser les termes reste largement insatisfaisant. Non seulement il ne décline pas entièrement les compétences figurant dans la déclaration de Matignon du mois d’octobre dernier, mais il ne dit rien de celles qui pourraient être transférées de la région Grand Est.
Je voudrais rappeler, ici, que 84 %, puis 83 % des Alsaciens ont indiqué, dans deux sondages successifs, vouloir retrouver une collectivité régionale alsacienne de plein exercice. Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous éclairer ?
Cependant, mes chers collègues, le choix des Alsaciens illustre une question plus générale, que les maires ont posée de façon récurrente au Président de la République. Ces derniers en ont assez de la recentralisation rampante ; ils en ont assez des contraintes ; ils veulent plus de liberté, de souplesse ; ils souhaitent que les périmètres des collectivités ne soient plus déconnectés des réalités économiques, sociales et culturelles des territoires. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, ne satisfait personne !
Porté par ce flot de contestations, le Président de la République a infléchi son discours et s’est dit « prêt à rouvrir la loi NOTRe ». Bien que celles-ci soient floues, il ouvre tout de même des perspectives !
La démocratie participative peut parfois être une réponse, mais, dans ce domaine de la réforme territoriale, on doit pouvoir faire confiance à la démocratie représentative.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. André Reichardt. Sur ces travées, à plusieurs reprises, nous avons alerté sur la grogne des maires. Le Sénat, chambre des territoires par excellence, a des propositions.
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. André Reichardt. Êtes-vous disposé, monsieur le Premier ministre, à y prêter réellement intérêt et à engager avec notre assemblée l’acte III de la décentralisation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur une question particulière, portant sur le processus engagé dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin pour la constitution d’une nouvelle collectivité territoriale. Vous l’élargissez, ensuite, pour évoquer les limites du dispositif issu de la loi NOTRe et les correctifs qui pourraient y être apportés. Ce faisant, vous vous faites l’avocat de la démocratie représentative et de la nécessaire écoute des élus.
S’il y a un sujet sur lequel cette préoccupation est partagée avec le Gouvernement, monsieur le sénateur, c’est bien la question de l’Alsace !
Que s’est-il passé ? Nous avons entendu l’expression qui a été celle des parlementaires, des élus locaux, mais aussi, singulièrement, des présidents des conseils départementaux…
M. Jean-Marie Bockel. C’est vrai !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … à propos de l’insatisfaction découlant de l’organisation telle qu’elle résultait de décisions ayant d’ailleurs été prises bien avant la nomination de ce gouvernement.
Ayant entendu ces interrogations, ayant d’emblée fixé une limite, formulée par le Président de la République durant la campagne présidentielle, de non-remise en cause des périmètres régionaux tels qu’ils avaient été décidés, nous avons essayé de travailler, dans la plus grande intelligence possible,…
M. Jean-Marie Bockel. Effectivement !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … avec les élus locaux et les parlementaires.
C’est d’ailleurs parce que nous avons réussi à travailler dans ces bonnes conditions…
M. Jean-Marie Bockel. C’est vrai !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … – je voudrais saluer, à cette occasion, le remarquable travail effectué par Jacqueline Gourault –…
M. Jean-Marie Bockel. Effectivement !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … que nous sommes parvenus à une déclaration commune avec le président du conseil régional, avec les deux présidents des conseils départementaux, avec de très nombreux parlementaires.
Cette déclaration commune, signée à Matignon, a engagé le processus qui a donné lieu, hier, au vote précité. Disons un mot sur les conditions de ce dernier : sur les 80 conseillers que représentent les deux conseils départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin regroupés, on a dénombré 74 votes positifs.
On peut donc dire, me semble-t-il – et je suis certain que vous allez vous en réjouir, monsieur le sénateur –, que nous avons su, en cette matière, écouter, discuter, et que nous avons permis à des collectivités territoriales de s’entendre.
Ce processus va maintenant se poursuivre là où il doit se poursuivre, c’est-à-dire au sein du Parlement. Celui-ci aura l’occasion de se prononcer sur un très bel exemple de coopération intelligente entre les élus locaux, les parlementaires et le Gouvernement.
Je ne prétends pas que tout est réglé par cette déclaration commune. Certains – peut-être est-ce votre cas ? –, vous l’avez dit vous-même, monsieur le sénateur, veulent aller plus loin, d’autres veulent aller beaucoup moins loin. Mais je pense que nous avons progressé, et ce en écoutant et en inscrivant dans le dispositif juridique quelque chose qui peut faire consensus.
M. Jean-Marie Bockel. Très bien !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Partant de cette méthode, qui n’est pas propre à l’Alsace, car nous l’avons reproduite dans d’autres territoires, vous estimez qu’il convient de modifier ce que l’on appelle parfois les « inconvénients » de la loi NOTRe, parfois ses « irritants ».
Il en existe, on le sait bien, et vous les avez souvent dénoncés sur ces travées, mesdames, messieurs les sénateurs, comme moi-même, d’ailleurs, je les ai dénoncés, n’ayant jamais été un grand admirateur de l’ensemble des dispositions de cette loi.
Mais je sais aussi, pour l’avoir vécu en tant que chef de gouvernement, que, s’il est simple de dénoncer les irritants de la loi NOTRe, il est un peu plus compliqué de les corriger. En effet, des équilibres se sont dessinés et des intérêts contradictoires s’expriment parfois entre collectivités territoriales. Lorsqu’on modifie les habitudes acquises, on aboutit dans certains territoires à un très bon résultat ; dans d’autres, on défait des dispositifs qui ont commencé à se construire et fonctionnent bien. C’est la réalité, vous le savez, c’est la complexité de la vie politique et administrative française, notamment dans sa composante territoriale.
J’attire donc votre attention, monsieur Reichardt, sur ce fait : oui, nous devons corriger les fameux irritants de la loi NOTRe, améliorer les dispositions de cette loi, mais nous devons le faire en ayant soin de ne pas satisfaire un appétit de « match retour », au détriment de ce qui aurait pu se construire dans de bonnes conditions dans certains territoires.
C’est un équilibre délicat, qui exigera beaucoup de finesse et de travail. Je suis certain que le Sénat et le Gouvernement travailleront dans d’excellentes conditions, ensemble, sur le sujet. (M. Arnaud de Belenet ainsi que des sénateurs du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen applaudissent.)
perquisition dans les locaux de mediapart
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Notre pays traverse une période troublée, qui alerte sur la fragilité de notre démocratie. Pourtant, depuis dix-huit mois, monsieur le Premier ministre, vous en attaquez les fondements constitutionnels : le bicamérisme tout d’abord – nous sommes au Sénat –, que le Président de la République a mis en cause ouvertement dans sa lettre aux Français, mais aussi la liberté d’aller et venir, et le droit de manifester désormais sous une chape préfectorale par votre loi « anticasseurs ».
Vous vous attaquez également, depuis des mois, à la liberté de l’information, avec la loi sur le secret des affaires, puis la loi sur les fake news fragilisant le travail des journalistes, la protection des sources et les lanceurs d’alerte.
Le Président de la République voudrait aujourd’hui créer des structures subventionnées devant veiller à la neutralité de l’information, au parfum de Pravda ou d’ORTF !
Ces mesures, ces déclarations font système ensemble et doivent nous alerter.
Hier, c’était une tentative de perquisition dans les locaux de Mediapart à laquelle nous avons assisté, inédite et inquiétante parce qu’elle touche à la protection des sources. Cet événement éclaire d’un jour édifiant votre attention particulière à la nomination de procureur de Paris et votre refus de l’indépendance du parquet.
Monsieur le Premier ministre, votre majorité joue un jeu dangereux ! On ne joue pas avec les libertés publiques ! Le paysage démocratique qui se dessine sous nos yeux inquiète, y compris dans les rangs de cette majorité – il suffit de voir le score du vote sur la loi anticasseurs.
Quand allez-vous cesser de fragiliser nos libertés fondamentales ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Je vous ai évidemment écoutée avec beaucoup d’attention, madame la sénatrice de la Gontrie, mais je ne partage pas l’analyse que vous faites (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.) d’un « système », comme vous l’appelez, portant atteinte à la liberté d’expression et au respect des sources.
Je voudrais d’abord rappeler ce que vous savez déjà, mesdames, messieurs les sénateurs : en tant que garde des sceaux, il ne m’appartient pas de commenter des procédures judiciaires. Je m’y astreins de manière extrêmement stricte, précisément parce que je suis attachée à l’indépendance de la justice et au respect des lois. Or ces lois m’interdisent d’intervenir dans les affaires individuelles, et je souhaitais ici le rappeler.
Je vais donc, sur l’affaire évoquée, vous livrer quelques éléments rendus publics.
Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire portant sur des infractions d’atteinte à la vie privée. Deux magistrats de ce parquet se sont donc rendus au journal Mediapart pour se faire remettre les enregistrements sonores de conversations qui seraient intervenues entre MM. Benalla et Crase.
Les magistrats agissaient, je tiens à le préciser ici, dans le cadre non coercitif de l’enquête préliminaire, et ne pouvaient pas procéder à une saisie sans l’assentiment du représentant légal de l’entreprise de presse. Mediapart a, dans un premier temps, refusé de remettre ces enregistrements, puis les a donnés à la justice, ce qui permettra de faire toute la lumière sur cette affaire.
Comme l’ensemble du Gouvernement, je suis attachée et à la liberté de la presse et à la protection du secret des sources des journalistes, considérant que ce sont les pierres angulaires de notre démocratie.
Je suis également très attachée à ce que la justice ne fasse pas l’objet d’attaques incessantes,…
M. le président. Il faut conclure, madame le garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … qui paralysent son fonctionnement. C’est, je crois aussi, un élément indispensable pour que celui-ci se déroule dans la sérénité. Cela correspond, en tout cas, à ma conception de la justice, partagée par le Gouvernement, et je puis vous assurer que je suis tout à fait encline, disposée et volontaire pour continuer à œuvrer en ce sens. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je voudrais d’abord dire mon regret que le Premier ministre n’ait pas souhaité s’exprimer sur un sujet qui va bien au-delà des compétences de la garde des sceaux. En effet, je ne l’ai pas interrogé sur une affaire judiciaire, même si, madame la garde des sceaux, après la tribune que vous avez commise au mois de septembre afin de tenter de faire en sorte que la commission d’enquête du Sénat n’auditionne pas M. Benalla, je pense que votre conception en matière de séparation des pouvoirs est assez variable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Il faut vraiment conclure, madame la sénatrice.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. J’ajouterai une phrase, madame la garde des sceaux, que je vous suggère de méditer car vous en êtes l’auteur : « Toute privauté prise avec les principes essentiels de notre République ne peut que contribuer au discrédit de l’action publique ». Voilà ce que nous vous demandons, madame, et ce que nous demandons au gouvernement auquel vous appartenez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
utilisation de gaz hilarant par les adolescents
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mmes Claudine Thomas et Anne Chain-Larché applaudissent également.)
Mme Valérie Létard. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, et à son secrétaire d’État, M. Adrien Taquet.
Le protoxyde d’azote est devenu le troisième produit psychoactif le plus consommé chez les étudiants français, selon une récente étude de la mutuelle SMEREP.
Dans nombre de villes du Nord, par exemple, le sol des espaces publics est aujourd’hui jonché de ces capsules grises de ballons éclatés, qui laissent à penser à une véritable banalisation de l’usage de ce produit par le détournement de son usage conventionnel, que ce soit par le biais de cartouches de gaz pour siphon à chantilly ou de bonbonnes médicales dédiées aux anesthésies.
Nouvelle drogue tendance et récréative, le protoxyde d’azote, gaz hilarant, fait donc fureur chez les jeunes, avec une véritable dépendance à l’effet euphorisant, et ce d’autant qu’il est en vente libre, à un coût très modique et sans restriction. Aucun visuel ou pictogramme sur l’emballage n’alerte sur les dangers d’inhalation de ce produit.
Bénéficiant d’une réputation de gaz récréatif non addictif, de drogue bon marché ayant une nocivité négligeable, ce produit a donc tout pour plaire !
Pourtant, ses dangers sont bien réels. Le protoxyde d’azote n’étant pas métabolisé par l’organisme, ses utilisateurs se sentent souvent parfaitement normaux dans les deux minutes suivant l’inhalation, ce qui les conduit à poursuivre leur consommation. Mais vertiges, maux de tête, vision floue, malaises, crise de panique, problèmes cardiaques peuvent survenir.
La consommation excessive de ce produit a des effets graves sur la santé. Elle a déjà fait de nombreuses victimes en Grande-Bretagne puisque, entre 2006 et 2012, 17 personnes en sont décédées, et 2 cas sont déjà connus en France.
L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies souligne que l’utilisation prolongée du protoxyde d’azote à des doses élevées peut avoir des effets graves et engendrer des séquelles pour la moelle osseuse et le système nerveux, entraînant des risques de troubles respiratoires.
M. le président. Votre question !
Mme Valérie Létard. Cela nécessite, madame la ministre, que nous prenions très rapidement des dispositions. Quelles sont-elles ? Que comptez-vous faire ? Des questions et des propositions de loi sont actuellement déposées au Parlement, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Allez-vous agir ? (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et sur quelques travées du groupe Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Permettez-moi de vous répondre, madame la sénatrice, car, bien que nous faisant le plaisir de sa présence, Mme la ministre des solidarités et de la santé est aujourd’hui aphone. (Exclamations.)
Je vous remercie de votre question. Nous avons bien connaissance et conscience des problèmes sanitaires qui se posent dans votre territoire depuis plusieurs mois, du fait de l’utilisation de ces produits, et je comprends votre malaise et, parfois, votre sentiment d’impuissance.
Le protoxyde d’azote, vous l’avez rappelé, est un gaz à usage médical, employé, par exemple, pour les anesthésies, mais aussi à usage commercial, notamment dans les bombes à chantilly. Pour sa finalité médicale, il est déjà soumis à la réglementation des produits stupéfiants. Pour son usage commercial d’aérosol, la réglementation est celle des produits de consommation courante.
Compte tenu de l’usage détourné de ces produits de consommation courante, il nous apparaît vain de chercher à modifier la loi, pour chacun d’entre eux, afin de mettre un terme à ces pratiques. Seules des approches de prévention globale auprès des jeunes pourront, nous semble-t-il, porter leurs fruits, même si, et nous le reconnaissons, nous ne pourrons prétendre à éradiquer complètement certaines pratiques de nos jeunes.
Sur l’interdiction de vente aux mineurs, qui pourrait être une autre solution, nous comprenons le souhait partagé par plusieurs parlementaires d’y avoir recours. Malheureusement, cette solution nous paraît assez peu efficace. Tout d’abord, c’est l’inhalation d’un produit n’ayant pas cette finalité qui pose problème, et non le produit lui-même. Par ailleurs, les intoxications graves ne se limitent pas aux seuls mineurs ; elles concernent aussi – vous le savez, car je pense que c’est le cas dans votre territoire – les jeunes adultes et les étudiants. Enfin, les interdictions de vente aux mineurs s’avèrent insuffisamment respectées.
En définitive, la meilleure chose à faire est probablement de mieux communiquer sur les usages et les pratiques à risques auprès des jeunes. C’est tout l’enjeu de l’accroissement de la prévention, et ce dès le plus jeune âge, et vous savez à quel point la prévention est au cœur de la politique de ce ministère.
Soyez convaincue que nous sommes pleinement engagés pour lutter à vos côtés, aux côtés de tous les élus locaux contre ce phénomène. Nous devons mettre en œuvre les actions les plus pertinentes, et ces actions passent sûrement, en priorité, par l’école, par les universités, par les acteurs en proximité des jeunes et aussi, peut-être, par les étudiants du service sanitaire – ils sont 47 000 depuis cette rentrée à agir auprès de nos jeunes.
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, je vous remercie.
Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité auront lieu jeudi 14 février, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Croissance et transformation des entreprises
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II, à l’article 43 quinquies.
Chapitre II (suite)
Des entreprises plus innovantes
Section 2 (suite)
Protéger les inventions et libérer l’expérimentation de nos entreprises
Sous-section 2 (suite)
Libérer les expérimentations de nos entreprises
Article 43 quinquies
À titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur du décret prévu au second alinéa du présent article, l’accès aux ressources génétiques sur le territoire de la France métropolitaine n’est pas soumis au respect des exigences de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code de l’environnement.
Un décret précise les informations requises des utilisateurs de ressources génétiques mentionnées au premier alinéa du présent article afin de suivre et évaluer l’expérimentation.
Mme la présidente. L’amendement n° 904 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Après les mots :
l’accès aux ressources génétiques
insérer les mots :
prélevées sur des micro-organismes
II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
L’expérimentation prévue par le présent article n’est pas applicable aux ressources génétiques mentionnées au 3° de l’article L. 1413-8 du code de la santé publique.
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Cet amendement vise à limiter le champ d’application de l’expérimentation qui est prévue à l’article 43 quinquies en excluant le champ spécifique des ressources génétiques collectées par les laboratoires au titre de la prévention et la maîtrise des risques graves pour la santé humaine.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 43 quinquies, modifié.
(L’article 43 quinquies est adopté.)
Section 3
Faire évoluer le capital et la gouvernance des entreprises publiques et financer l’innovation de rupture
Sous-section 1
Aéroports de Paris
Article 44
Après l’article L. 6323-2 du code des transports, il est inséré un article L. 6323-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6323-2-1. – I. – La mission dont est chargé Aéroports de Paris par l’article L. 6323-2 cesse, sous réserve des II et III du présent article, soixante-dix ans après l’entrée en vigueur du présent article.
« Les biens attribués à Aéroports de Paris en application de l’article 2 de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports, de même que les biens meubles ou immeubles acquis ou réalisés par cette société et exploités en Île-de-France entre le 22 juillet 2005 et la date de fin d’exploitation mentionnée au premier alinéa du présent I sont transférés en pleine propriété à l’État à la date de la fin d’exploitation. Ces biens comprennent les titres de capital ou donnant accès au capital des entreprises détenues, directement ou indirectement, par Aéroports de Paris, à l’exception de celles dédiées à une activité exercée hors des plateformes mentionnées à l’article L. 6323-2. La valeur comptable de ces biens au bilan de la société n’est pas modifiée à la date d’entrée en vigueur du présent article.
« L’indemnité accordée à Aéroports de Paris au titre du transfert des biens mentionné au deuxième alinéa du présent I est composée des deux éléments suivants :
« 1° Un montant forfaitaire et non révisable, calculé à partir des données publiques disponibles, correspondant :
« a) À la somme des flux de trésorerie disponibles, pris après impôts, générés par les biens mentionnés au même deuxième alinéa pour la période débutant à la date de fin d’exploitation mentionnée au premier alinéa du présent I, actualisés au coût moyen pondéré du capital d’Aéroports de Paris tel que déterminé à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital d’Aéroports de Paris selon le modèle d’évaluation des actifs financiers ;
« b) Déduction faite d’une estimation de la valeur nette comptable des mêmes biens à la fin de l’exploitation mentionnée au même premier alinéa actualisée au coût moyen pondéré du capital mentionné au a du présent 1°.
« Ce montant, calculé conformément aux a et b du présent 1°, est fixé par décret, sur avis conforme de la Commission des participations et des transferts, et dû et versé par l’État à Aéroports de Paris à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital d’Aéroports de Paris. Ce décret est pris sur rapport du ministre chargé de l’économie. La Commission des participations et des transferts rend son avis dans un délai de quarante-cinq jours à compter de sa saisine par le ministre chargé de l’économie, après consultation d’une commission composée de trois personnalités désignées conjointement, en raison de leurs compétences en matière financière, par le premier président de la Cour des comptes, le président de l’Autorité des marchés financiers et le président du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables. Cette commission rend un avis dans un délai de trente jours à compter de sa saisine par le ministre chargé de l’économie à la Commission des participations et des transferts sur le projet de décret qui lui est soumis par le ministre chargé de l’économie. Cet avis est rendu public à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital d’Aéroports de Paris ;
« 2° Un montant égal à la valeur nette comptable des actifs mentionnés au deuxième alinéa du présent I figurant à la date de fin d’exploitation mentionnée au premier alinéa du présent I dans les comptes sociaux de la société, telle que définie par le règlement de l’Autorité des normes comptables n° 2014-03 dans sa version au 1er janvier 2017, exclusion faite de toute réévaluation libre, telle que mentionnée à l’article L. 123-18 du code de commerce, des éléments d’actifs immobilisés à laquelle la société aurait procédé à compter de la date de l’entrée en vigueur du présent article.
« Ce montant est fixé par décret, sur rapport du ministre chargé de l’économie, et versé par l’État à Aéroports de Paris au plus tard à la date de transfert de propriété des actifs à l’État.
« II. – L’État peut, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’aviation civile, de l’économie et du budget, mettre fin intégralement ou partiellement à la mission confiée à Aéroports de Paris par l’article L. 6323-2 du présent code si, en dehors d’un cas de force majeure, et après mise en demeure restée infructueuse, nonobstant l’application éventuelle des sanctions prévues à son cahier des charges :
« 1° Aéroports de Paris interrompt, de manière durable ou répétée, l’exploitation d’un aérodrome ;
« 2° Aéroports de Paris atteint, à deux reprises sur quatre exercices successifs, le plafond annuel de pénalités prévu à l’article L. 6323-4 ;
« 3° Aéroports de Paris commet tout autre manquement d’une particulière gravité à ses obligations légales et réglementaires ;
« 4° Aéroports de Paris est susceptible de ne plus pouvoir assurer la bonne exécution du service public du fait qu’elle ou son actionnaire de contrôle, au sens de l’article L. 233-3 dudit code de commerce, fait l’objet d’une procédure collective régie par le livre VI du même code ou de toute autre procédure équivalente ;
« 5° Une modification dans le contrôle, au sens de l’article L. 233-3 du même code, d’Aéroports de Paris intervient en méconnaissance des dispositions de son cahier des charges.
« Ces conditions ne sont pas cumulatives.
« Dans ce cas, et nonobstant toute disposition contraire du livre VI du même code, Aéroports de Paris perçoit pour seule indemnité, au titre du transfert consécutif de la propriété des actifs concernés à l’État, un montant forfaitaire et définitif égal à la valeur nette comptable, au sens du premier alinéa du 2° du I du présent article, des actifs concernés par la mesure de fin anticipée, mentionnés au deuxième alinéa du même I ; ce montant est déterminé et versé au plus tard à la date de la fin anticipée prévue au premier alinéa du présent II.
« III. – À la fin normale ou anticipée de l’exploitation, Aéroports de Paris remet à l’État les biens mentionnés au deuxième alinéa du I en bon état d’entretien. Les modalités de cette remise sont précisées par le cahier des charges d’Aéroports de Paris. Celui-ci précise également les modalités selon lesquelles l’État peut décider de ne pas reprendre, en fin d’exploitation normale ou anticipée, tout ou partie des biens qui ne seraient pas nécessaires ou utiles au fonctionnement du service public à cette date. Les biens sont remis libres de toute sûreté autre qu’une sûreté existant à la date d’entrée en vigueur du présent article prévue au II de l’article 50 de la loi n° … du … relative à la croissance et la transformation des entreprises ou autorisée postérieurement par l’État en application de l’article L. 6323-6 du présent code. »
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant que ne commence le débat sur la privatisation d’Aéroports de Paris, je souhaite vous rappeler quelques données sur cette société qui constitue un actif stratégique unique pour le développement économique et touristique de la Nation et pour sa connectivité avec le reste du monde.
Créé en 1945 sous la forme d’un établissement public industriel et commercial, transformé en société anonyme en 2005, Aéroports de Paris a pour mission d’aménager, d’exploiter et de développer les plateformes franciliennes.
En 2017, les aéroports de Paris–Charles-de-Gaulle et Paris-Orly ont pour la première fois franchi, à eux deux, la barre des 100 millions de passagers accueillis, avec un total de 101,5 millions de passagers.
L’aéroport de Paris–Charles-de-Gaulle est à lui seul le dixième aéroport mondial en termes de trafic passagers et le deuxième aéroport d’Europe. Si l’on ajoute celui de Paris-Orly, le trafic passagers des aéroports gérés par Aéroport de Paris est quasiment aussi élevé que celui de l’aéroport d’Atlanta, premier aéroport du monde.
Les aéroports franciliens constituent la principale frontière de la France, elle-même première destination touristique mondiale, avec plus de 90 millions de visiteurs en 2018, et la voie d’accès privilégiée depuis l’étranger à Paris et à la région d’Île-de-France, première région économique française. En conséquence, la capacité d’Aéroports de Paris à fournir un service public de très haut niveau aux compagnies aériennes du monde entier ainsi qu’à leurs passagers est cruciale pour renforcer l’attractivité de notre pays.
Elle est également très importante pour l’avenir du pavillon français dans la mesure où la compagnie Air France-KLM représente à elle seule, avec ses partenaires, 50 % de l’activité de Paris-Orly et 62 % de celle de Paris–Charles-de-Gaulle, qui constitue son hub – chiffres de 2017.
Les aéroports parisiens ont naturellement un fort impact sur l’économie de la région d’Île-de-France. On estime ainsi que plus de 122 000 personnes travaillent sur les plateformes aéroportuaires franciliennes. Le nombre total d’emplois engendrés par le système aéroportuaire francilien est estimé à plus de 570 000, soit près de 8 % de l’emploi salarié francilien.
Le potentiel de développement de Paris–Charles-de-Gaulle est très important puisque ses quatre pistes pourraient lui permettre d’accueillir à terme entre 140 et 160 millions de passagers par an, ce qui correspondrait à un quasi-doublement de sa fréquentation actuelle.
Il s’agit là d’un atout majeur pour attirer le trafic aérien en correspondance, car plusieurs autres grands aéroports européens font aujourd’hui face à un phénomène de saturation.
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. C’est le cas notamment de l’aéroport de Heathrow, à Londres, et de l’aéroport de Francfort.
À l’issue de cette brève présentation, nous pouvons tous nous accorder sur ce point : que la privatisation d’ADP se fasse ou non, l’État devra impérativement être en mesure d’assurer un contrôle étroit sur cette entreprise…
M. Charles Revet. C’est indispensable !
M. Jean-François Husson, rapporteur. … et sur les infrastructures critiques dont elle assure la gestion. Il s’agit là ni plus ni moins d’un enjeu de souveraineté.
Quelques mots sur la situation économique et financière de l’entreprise. (MM. David Assouline et Martial Bourquin manifestent leur impatience.)
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur. Vous avez dépassé votre temps de parole d’une minute et dix-huit secondes !
M. Charles Revet. C’est très important, madame la présidente !
Mme la présidente. Certes, monsieur Revet, mais chacun doit respecter son temps de parole.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je reprendrai la parole plus tard, madame la présidente. Je vous remercie.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous attendions avec impatience cet article 44 : le voici !
Cette prise de parole s’inscrit à la suite de la question préalable que nous avions déposée. Un certain nombre de nos arguments restent toujours valables, puisque vous ne les avez pas réfutés, monsieur le ministre. Sans compter ceux que développeront un certain nombre de nos collègues.
Je m’en tiendrai à l’un de vos principaux arguments, à savoir ce fonds destiné à financer l’innovation dans le domaine notamment du digital ou des algorithmes. C’est tout à fait valable. Vous attendez de la cession de ces actifs entre 8 et 10 milliards d’euros, chiffre qui n’a pas été réfuté. Il faut prendre en compte l’indemnisation des actionnaires minoritaires, pour 1 à 2 milliards d’euros – chiffre qui n’a jamais été réfuté –, dont Vinci, déjà actionnaire minoritaire à hauteur de 8 %. Il reste donc 6 à 8 milliards d’euros, que nous confierons, si nous adoptons cet article – en tout cas, c’est votre vœu ! – à Bpifrance, qui les placera sur les marchés financiers, à un taux de 2,5 % nous dit-on.
Monsieur le ministre, vous avez répondu à cet argument : aujourd’hui, ADP verse un peu moins de 180 millions d’euros de dividendes et vous attendez de ce fonds qu’il rapporte environ 200 millions d’euros. On sait qu’ADP va connaître une pleine croissance grâce au terminal 4. J’ai ici un article du Monde qui indique que les boutiques de luxe sont en plein essor, que c’est une poule aux œufs d’or, que le panier moyen, sur les trois prochaines années, progressera de plus 10 %. Et vous développez un argument ultime, selon lequel il vaudrait mieux vendre parce qu’on ne sait pas quelle sera la rémunération des dividendes. C’est le sens de la réponse que vous avez faite à M. Dominati, alors que lui vous expliquait que c’est l’État qui fixe aujourd’hui le montant de rémunérations. Vous sous-entendez qu’il serait en vérité plus sûr de placer cet argent sur les marchés financiers.
Alors, j’ai une question, monsieur le ministre : connaissez-vous un produit financier qui, de façon certaine, au cours des soixante-dix prochaines années, pourrait rapporter autant que les dividendes versés aujourd’hui par ADP (M. Roger Karoutchi rit.), indépendamment des krachs financiers et de la chute des courbes ? Franchement, si tel est le cas, je vous confie mon PEL ! (Sourires.) Je voudrais vraiment que vous nous répondiez sur cette question parce que cet argument économique ne tient absolument pas la route. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, sur l’article.
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, après le désastre financier de la privatisation des autoroutes, vous nous proposez aujourd’hui de privatiser des actifs hautement sensibles, des actifs hautement stratégiques.
Après la privatisation ratée de l’aéroport de Toulouse, vous faites un peu plus fort en nous proposant de privatiser ADP, entreprise bien gérée, monopole d’État, rente assurée. Ne devrions-nous pas, sur toutes les travées, de gauche, de droite et du centre, mener une réflexion sur ces privatisations qui ne marchent pas ? Avec en tête une idée essentielle : qu’on fasse des erreurs, c’est une chose – et tout le monde en a fait –, mais qu’on les perpétue, c’en est une autre, c’est autrement plus grave ! On s’apprête, avec cet article, à perpétuer ces erreurs, mais là avec des conséquences incalculables pour trois grandes entreprises françaises.
Il y a quelques instants, M. le rapporteur a abordé la question d’ADP, une entreprise en situation de monopole qui verse des dividendes très importants. Ces mêmes dividendes pourraient, aujourd’hui et demain, entièrement financer le fonds d’innovation.
Puisqu’il s’agit de proposer la privatisation d’un monopole d’État, je vais vous indiquer un chiffre : en 2008, les entreprises du CAC 40 ont versé 43 milliards d’euros à leurs actionnaires ; dix ans plus tard, ces entreprises leur ont distribué 57,4 milliards d’euros ! La question importante pour nous est celle-ci : doit-on donner une entreprise aussi stratégique à des mannes financières ou à des profits purement financiers ?
ADP est un aménageur national et international, c’est la porte de la France sur le monde, de grands projets franciliens vont prendre corps grâce à lui : il faut donc le garder public.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Martial Bourquin. Il est absolument indispensable de garder ce grand monopole d’État. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Alain Fouché applaudit également.)
Mme la présidente. Étant donné le nombre considérable d’orateurs ayant demandé la parole sur cet article, je vous demande à tous, mes chers collègues, de faire preuve de discipline. Si chacun dépasse le temps imparti, ce qui est le cas pour le moment, nous n’allons pas nous en sortir.
La parole est à M. Michel Vaspart, sur l’article.
M. Michel Vaspart. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en ce qui me concerne, je suis résolument opposé à la privatisation d’ADP, comme je l’ai été à celle de la Française des jeux. Ce n’est pas un principe ou un dogme, puisque j’ai soutenu la privatisation d’Engie. Donc, pas de procès d’intention !
Je suis opposé au transfert d’un monopole d’État à un groupe privé. L’expérience catastrophique du transfert des autoroutes n’a fait que me conforter. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – MM. Alain Fouché et Dany Wattebled applaudissent également.) Voyez les conclusions de la commission d’enquête du Sénat !
ADP verse à l’État des dividendes, et il est donc étonnant de vendre au privé ce qui rapporte à l’État.
Sur le plan international, avec les ports, ce sont les principales portes d’entrée, c’est notre frontière.
Je ressens également un sentiment de malaise, entre la privatisation d’ADP et l’abandon de Notre-Dame-des-Landes, qui fut pour le Grand Ouest une faute impardonnable.
En réponse à nos arguments, monsieur le ministre, vous nous dites : « Ce n’est pas à l’état de gérer des hôtels et des boutiques de luxe. » Enfin ! monsieur le ministre, l’État ne gère en rien ni les hôtels ni les boutiques de luxe : il gère les plateformes aéroportuaires.
M. Michel Vaspart. C’est une clientèle totalement captive, qui fait tourner l’ensemble de la plateforme commerciale, grâce aux investissements de l’État, donc grâce aux investissements des Français.
L’aéroport, c’est un tout, et c’est la raison pour laquelle il faut revoir le principe des deux caisses : cela permettra à ADP de fixer des redevances d’un montant beaucoup plus raisonnable pour nos compagnies aériennes.
Enfin, monsieur le ministre, la semaine dernière, vous nous avez fait un chantage, entre la position du Sénat sur ADP, son travail d’amélioration de la loi, et la mise en place d’un fonds pour l’innovation. Je vous le dis, je l’ai particulièrement mal reçu.
Monsieur le ministre, nous sommes favorables à la création de ce fonds, mais en l’alimentant avec les économies de fonctionnement sur la dépense publique et non en vendant les actifs rentables de l’État. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Sophie Primas. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, sur l’article.
Mme Viviane Artigalas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons la série d’articles qui concernent la privatisation d’Aéroports de Paris. Permettez-moi de vous rappeler un précédent fâcheux, celui de la privatisation de l’aéroport de Toulouse. L’État avait alors vendu 49,99 % du capital de la société de gestion de l’aéroport de Toulouse à Casil Europe. Région, département, métropole et chambre de commerce et d’industrie locale ne possèdent ensemble que 40 % et l’État 10,01 %.
La présence des collectivités locales au capital n’a pas empêché les dérives. En 2017, ces actionnaires publics locaux ont tenté en vain de s’opposer au groupe chinois et à sa volonté de maximiser le versement des dividendes au détriment des investissements.
Au début de l’année dernière, l’État, fort heureusement, a décidé de conserver le peu de capital qu’il possédait encore et sur lequel le groupe Casil Europe avait pris une option.
Un rapport de la Cour des comptes avait d’ailleurs critiqué en novembre 2018 un acquéreur dont le profil soulève des inquiétudes quant à son manque d’expérience en matière de gestion aéroportuaire, son manque de transparence financière et ses liens avec la puissance publique chinoise.
Finalement, les investisseurs chinois ont récemment décidé de revendre leur participation, mais les craintes de la Cour des comptes demeurent. Cette privatisation reste inaboutie, la situation, ambiguë et instable. Cette revente n’efface pas le risque de voir une entreprise au capital majoritairement public, mais dont le contrôle est assuré par un actionnaire privé.
Est-ce le sort qui attend Aéroports de Paris, entreprise capitale à la fois pour notre économie et pour notre souveraineté nationale ?
Monsieur le ministre, je voudrais vous rappeler les propos que vous avez tenus au Sénat le 8 mars 2018 devant la mission d’information sur l’avenir d’Alstom : « L’État actionnaire doit être présent dans des secteurs stratégiques où notre souveraineté est en jeu. […] Chacun peut comprendre que dans ces secteurs stratégiques, l’État a une place à occuper. Enfin, le rôle de l’État actionnaire, c’est aussi de garder une capacité d’intervention lorsque des déséquilibres sont manifestes et qu’il faut réagir face à des décisions du secteur privé qui seraient injustes ou iniques. »
Aussi, monsieur le ministre, permettez-moi d’exprimer ma totale incompréhension : entre vos propos que je viens de citer et la volonté du Gouvernement de privatiser ADP, il y a une véritable contradiction. Pourquoi ne considérez-vous pas ADP comme une entreprise stratégique ? Aux États-Unis, la quasi-totalité des aéroports sont publics et il est particulièrement inquiétant que l’État se désengage d’ADP. Céder ce groupe à des intérêts privés serait une vraie perte pour notre économie : en France aussi, la puissance publique doit rester majoritaire dans de telles infrastructures. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste – Mme Josiane Costes applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.
M. Olivier Jacquin. Monsieur le ministre, lorsque j’ai entendu le motif que vous invoquiez pour justifier cette privatisation, à savoir la création de ce fonds pour l’innovation de rupture, sachant que vous estimez avoir besoin de 250 millions d’euros, je me suis dit, au vu de ce que rapporte Aéroports de Paris, qu’il vaudrait peut-être mieux renationaliser totalement le groupe et que l’État reprenne les 49 % de parts manquantes. Cela lui permettrait, à terme, de percevoir beaucoup plus que ces 250 millions d’euros. (M. Roger Karoutchi sourit.)
Permettez-moi cette petite provocation, parce que le motif que vous invoquez ne me paraît ni sérieux ni rationnel. Je vois deux raisons dans cette décision. Premièrement, vous avez besoin d’argent à très court terme compte tenu de votre politique et de vos choix budgétaires et fiscaux et vous êtes donc prêts à vendre des pépites, ce qu’on appelle les bijoux de famille. Deuxièmement, votre raisonnement procède d’un certain dogme libéral, mais il y a là quelque chose que je ne comprends pas – et je m’y entends un peu en économie – : comment un libéral peut-il envisager de privatiser un monopole ? Vous êtes censé être pour une économie de concurrence ; or, sur une plateforme aéroportuaire d’ADP, on ne peut pas construire une seconde piste à côté de celle qui existe pour la confier à la concurrence : cela s’appelle un monopole naturel. Vous allez donc constituer une rente privée, ce qui est le pire du capitalisme de rente, voire de copinage.
M. Roger Karoutchi. Oh ! Il ne faut pas exagérer !
M. Olivier Jacquin. C’est en pleine contradiction avec les propos que vous avez tenus sur France Inter le dimanche suivant votre retour de Davos – je pense même que vous aviez endossé un gilet jaune –, quand vous avez déclaré que le capitalisme « doit mettre fin aux inégalités criantes qui tuent la cohésion de la société », ajoutant que « le capitalisme des inégalités est mort, il ne nous mènera à rien, il est injuste ».
Là, privatiser un monopole, c’est aberrant, c’est créer une inégalité et c’est produire ce capitalisme des inégalités de demain, celui que vous contestez et auquel, comme vous, je m’oppose. Je voterai donc les amendements de suppression. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, sur l’article.
M. Patrick Kanner. Monsieur le ministre, vous avez dit, au sujet des brevets, que les faits étaient têtus. Les chiffres aussi ! Il vous faut 47 milliards d’euros pour financer la dette de la SNCF ; il vous faut 9 milliards d’euros pour l’extension de l’exonération de la taxe d’habitation pour les 20 % des ménages les plus aisés ; il vous faut 11 milliards d’euros pour financer les mesures d’urgence économiques et sociales que nous avons adoptées dans les conditions que vous savez, mes chers collègues, à la fin du mois de décembre. Donc, il vous faut beaucoup de cash, monsieur le ministre, et ces privatisations, qui s’inscrivent dans une période de croissance extrêmement fragile – les chiffres de l’INSEE nous le démontrent – sont finalement une mauvaise illustration d’une gestion aléatoire de notre pays.
Vous voulez d’abord renflouer les caisses asséchées de l’État, mais c’est du one shot, comme l’ont bien relevé les collègues qui se sont exprimés précédemment.
Plutôt que de vendre et d’empocher un chèque d’un montant moindre, nous préconisons de garder publiques, pour continuer d’enregistrer des bénéfices, ces entreprises florissantes. S’il n’y avait pas d’exemple dans le passé, on pourrait vous excuser et croire à l’inexpérience, mais il y a l’exemple rappelé à plusieurs reprises de ces sociétés autoroutières, lesquelles se positionnent aujourd’hui sur les aéroports pour anticiper la future perte de leurs concessions. Mais l’État est-il là pour pallier la perte de ces concessions, alors que beaucoup contestent aujourd’hui la pertinence de ces privatisations ? Est-on obligé, monsieur le ministre, de faire une erreur pour pallier la fin d’une autre erreur ?
Concernant ADP, l’exemple de l’aéroport de Toulouse, qu’a rappelé notre collègue Viviane Artigalas, montre bien que le choix a été aussi aléatoire.
Monsieur le ministre, les infrastructures structurantes de notre pays sont des outils stratégiques que la collectivité publique doit continuer d’administrer pour l’intérêt général, pour la pérennité des investissements, pour ne pas subir les aléas des marchés, pour des questions de sécurité. Aussi, entendez nos arguments, qui proviennent des deux côtés de cet hémicycle, mais aussi de son centre : vous le voyez, votre projet de privatisation ne suscite pas une opposition de principe, mais il soulève de réels problèmes.
Monsieur le ministre, tout cela devrait vous alerter. Vous ne pouvez pas avoir raison tout le temps et contre tout le monde. Écoutez pour une fois le Sénat, ne bradez pas notre patrimoine, le patrimoine des Français. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si beaucoup d’arguments ont déjà été avancés, il n’est pas inutile d’en ajouter quelques autres.
Moi, je ne crois absolument pas à l’alibi de la nécessité de vendre les bijoux de la République pour constituer un pseudo-fonds d’innovation. Ce n’est pas la première fois qu’on nous fait le coup : il serait nécessaire de vendre des entreprises ou des infrastructures pour, soi-disant, préparer l’avenir ! Toujours le même discours ! La réalité, c’est que plus le temps passe, plus les recettes liées au capital public fondent comme neige au soleil. Les recettes budgétaires perçues par l’État en rémunération du capital public ont diminué de près de 50 %. On se prive donc de recettes à moyen et long termes pour du cash à court terme, lequel n’a jamais soutenu ni l’innovation ni la croissance ! Et que l’on ne nous dise pas qu’on ne peut pas trouver de l’argent pour l’innovation en France. Quand on voit les sommes consacrées au crédit d’impôt recherche, dont je ne souhaite pas la suppression, n’allez pas me dire que, sur ces milliards d’euros, on ne peut pas trouver 250 millions par an pour constituer un fonds de soutien à l’innovation et à la recherche !
Vous ne pouvez pas nous dire non plus que sur les 21 milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, il n’est pas possible d’en orienter une petite part vers l’innovation et la recherche !
Par ailleurs, un aéroport, ce n’est pas n’importe quoi. En particulier, Aéroports de Paris, c’est le grand hub d’Air France, c’est l’entrée sur notre territoire. Or chacun sait que si les aéroports ne sont pas organisés de telle manière qu’ils permettent à notre compagnie Air France d’exercer aisément son activité, dans des conditions correctes et pour un prix honorable, son activité peut s’en trouver fragilisée. J’ai eu souvent l’occasion de rappeler que la performance de KLM est pour une part liée à l’abaissement des frais aéroportuaires décidé par l’aéroport de Schiphol. Nous-mêmes, en France, nous n’avons pas mis en œuvre une stratégie globale permettant, non pas de manière déloyale, mais dans des conditions correctes, d’accueillir Air France. Et si, pour améliorer sa profitabilité, il est dans l’intérêt de l’entreprise privée gestionnaire de faciliter l’accès des compagnies du Golfe plutôt que celui d’Air France parce qu’elles rémunèrent davantage, parce qu’elles offriront des facilités, croyez-moi, l’intérêt national passera derrière les dividendes.
Il faut donc s’assurer que l’écosystème aéroportuaire soit une aide pour notre compagnie, garantisse la sécurité. (Marques d’impatience sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Il faut conclure, madame Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Personne mieux que l’État et la puissance publique ne peut y veiller. (Mme Laurence Cohen et plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. David Assouline. Ce débat, au-delà de son aspect économique et des arguments qui ont été échangés, est très politique. Nous parlons de la porte d’entrée de la France, nous parlons de notre principale frontière, par laquelle transitent chaque année 100 millions de personnes. Alors même que nous avons effacé les frontières européennes, nous en savons l’importance pour notre pays, pour notre souveraineté et en termes de sécurité nationale, dans le contexte que nous connaissons d’insécurité internationale.
Nous sommes donc au cœur d’un sujet éminemment politique, qu’on ne peut réduire à une question strictement économique, même si, sur cet aspect des choses précisément, des arguments ont été échangés de façon assez convaincante. Il n’y a pas eu de réponse de votre part, monsieur le ministre, et on ne comprend pas cet entêtement.
Pour Paris et pour le tourisme, pour notre rayonnement, c’est aussi une question politique, et non pas seulement économique. L’État doit continuer à en avoir la maîtrise. Dans ce moment politique, la privatisation d’ADP est un très mauvais signal dans un monde incertain, incertitude notamment sur les marchés financiers, comme cela a été justement souligné.
Très franchement, alors que tout le monde nous dit que l’on va quasi certainement entrer dans une crise financière dont l’ampleur pourrait dépasser celle de 2008 – à moins qu’on n’y soit déjà entré –, comment pouvez-vous nous donner de telles assurances ? Contrairement à M. Gay, je ne vous confierais pas mon PEL ! Ce n’est pas très sérieux.
Les risques d’une privatisation sont connus : gestion à l’économie, hausse des taxes aéroportuaires, pression sur les pouvoirs publics pour réduire les exigences environnementales et autoriser davantage de vols de nuit. Le contrôle renforcé ne suffira pas, parce que le bras de fer tourne rarement à notre avantage quand on a cédé ce type de patrimoine au privé.
Nous vous exhortons à en finir avec une certaine religion du libéralisme, et ce alors même que certains de ses partisans, dans cet hémicycle, ont insisté sur la nécessité d’abandonner ce dogme. Il s’agit d’une question de souveraineté et d’une question éminemment politique. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. Il est intéressant de voir ce débat sur les privatisations revenir. Ce n’est donc pas la première fois que nous l’avons.
Mme Cécile Cukierman. Malheureusement !
M. Richard Yung. Nous l’avons eu sur les nationalisations et, à de nombreuses reprises, sur les privatisations.
Laissez-moi vous rappeler deux ou trois faits de notre récente politique économique : sous le gouvernement Jospin, on avait privatisé Air France en partie, Autoroutes du Sud, Crédit Lyonnais, France Télécom, Eramet, GAN (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) – c’est la vérité, et évidemment, cela vous gêne ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) –, Thomson Multimédia, CIC, EADS (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) ; sous le gouvernement Villepin, en partie EDF, et en partie ADP – déjà ; sous le gouvernement Ayrault, Safran, EADS, ADP partiellement ;…
Mme Éliane Assassi. Trop, c’est trop !
M. Richard Yung. … sous le gouvernement Valls, trois aéroports de province. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Un sénateur. Et Macron ?
M. Richard Yung. Alors, j’ai du mal à comprendre la logique de tout cela, (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Rires ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Ah, elle est belle, la sainte famille !
M. Richard Yung. J’ai du mal à la comprendre, mais peut-être le débat va-t-il nous éclairer. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Ce n’est pas la peine de crier, on débat gentiment ! D’ailleurs, je vous rappelle juste des faits que vous connaissez, ils sont historiques.
La raison qui emporte mon adhésion, c’est le financement des activités futures d’ADP.
Aéroport de Paris a de très gros besoins de financement – tout le monde le comprend. Or l’État actionnaire, excusez-moi de le dire, monsieur le ministre, n’est pas si pécunieux que cela et il ne peut pas trop apporter au pot. Il nous faut donc disposer des moyens permettant de développer les fonds propres d’ADP, il faut faire face à l’internationalisation, qui est déjà très engagée et dans laquelle ADP joue d’ailleurs un rôle important.
J’ajoute que l’État, me semble-t-il, garde les moyens de contrôle, notamment la fixation du prix des péages et leur révision non pas ad libitum, comme cela a été le cas à mauvais escient pour les autoroutes, mais tous les cinq ans.
Enfin, s’il y a évidemment un monopole en apparence, déplacer les activités de Roissy à Schiphol ou à Bruxelles, ce n’est pas très difficile. Pensez-y !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, sur l’article.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup l’ont dit, les arguments sur le financement de l’innovation ne tiennent pas, puisque les dividendes suffiraient, suffiront, je l’espère, à financer l’innovation dans notre pays.
Non, l’unique but de ces privatisations, et de celle-là, c’est effectivement un désendettement de façade relativement artificiel de notre pays, pour ne pas continuer à frôler la barre des 100 % du PIB. Là est l’unique souci. Mais pour ce faire, faut-il vendre, cela a été dit, un actif stratégique ?
Monsieur le ministre, nous débattons aujourd’hui de ce texte au Sénat, avant qu’il revienne à l’Assemblée nationale. Mais, je vous le dis, les Français ne sont pas d’accord avec cette privatisation. Les Français ne sont pas d’accord avec ces privatisations, car ils en ont vu, s’agissant des autoroutes, les conséquences. Ils voient aujourd’hui ce que nous faisons, et ils ne sont pas d’accord. Vous n’avez pas le droit politique – le droit juridique, vous l’avez –, pas plus que le droit moral de nous soumettre aujourd’hui cette question.
Monsieur le ministre, le Président Macron cherche une question pour un référendum. Eh bien, suggérez-lui celle-ci : Voulez-vous, Françaises, Français, privatiser nos aéroports ?
M. Charles Revet. Bonne question !
Mme Sophie Taillé-Polian. Allez-y ! Allons-y, parce que cela entre dans le cadre du grand débat national, à savoir l’organisation de l’État et du service public. Nous sommes bien là au cœur du sujet. Vous disiez précédemment, monsieur le ministre, que cette question était extérieure au cadre fixé par le grand débat national, pour justifier le fait d’avancer sur ce point. Là, nous y sommes, nous y sommes en plein : actifs stratégiques, missions de service public, souveraineté de la France. Alors, faites-le, plutôt que ce débat ici, qui sera au demeurant fort utile car il éclairera les Français sur l’ensemble des éléments qui ont déjà été donnés.
Je conclurai, monsieur le ministre, par cette formule : « Nous privatisons, mais pour soixante-dix ans ». Gardons la main sur ces actifs qui non seulement sont stratégiques, mais ont aussi des répercussions économiques, car, on le sait, le transport aérien fait partie des éléments qui polluent le plus. C’est l’un des plus grands consommateurs d’énergies fossiles qui, dans soixante-dix ans, ne seront peut-être plus aussi faciles à obtenir et qui polluent notre planète. Qu’en sera-t-il dans soixante-dix ans, quand il faudra peut-être revoir les choses à la baisse, retravailler les modes de déplacement, ainsi que notre empreinte écologique, car il y aura plus qu’urgence, l’urgence étant déjà là ? Que ferons-nous alors, puisque l’État aura perdu la main ?
Pour anticiper et pour respecter la grande demande de démocratie des Français, il ne faut surtout pas privatiser ADP. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, sur l’article.
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de cession fait débat. Ce débat était attendu, il est bien sûr légitime.
Je souhaiterais simplement revenir, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances sur une partie des crédits en question, sur un certain nombre de considérations qui ont trait à la gestion aéroportuaire – c’est tout de même de cela que nous parlons.
Qu’attendent les passagers ? Ils attendent de nous que nous soyons capables de promouvoir un système aéroportuaire efficace permettant la connectivité, la qualité de service et des prix raisonnables.
Qu’attendent les compagnies qui nous regardent ? Que le Sénat soit capable aussi d’apporter sa pierre pour un développement du transport aérien. La France est une grande nation aérienne, elle a besoin de conforter cette place. On peut le faire en privatisant, on pourrait le faire en restant en gestion publique, mais maintenant que le Gouvernement a engagé ce processus, maintenant que l’Assemblée nationale s’est mise dans ses pas, il s’agit de voir dans quelles conditions nous pouvons agir et ce que le Sénat peut apporter pour contraindre le dispositif, pour le renforcer et y faire figurer un certain nombre de précautions qui seront utiles pour garantir les intérêts de l’État et ceux du transport aérien. Je crois que c’est cela, pour nous, faire œuvre de législateur.
Premier point, je voudrais rappeler que les deux modes de gestion, privée et publique, existent dans le monde entier. La question est de savoir comment les exercer et assurer un certain nombre de garanties. Il est des privatisations qui sont bien menées et d’autres qui sont mal menées. La gauche a mal mené Toulouse, c’est clair…
M. Martial Bourquin. C’était Macron !
M. Vincent Capo-Canellas. … – c’était un projet de M. Montebourg. (Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain.) Le texte était d’abord un texte de M. Montebourg ! Lyon et Nice, qui sont des projets de M. Macron, se sont bien déroulés et ne posent pas de problème particulier aujourd’hui.
Deuxième point, le secteur aéroportuaire est quand même ouvert à la concurrence, on fait mine de l’oublier. Les passagers choisissent notamment d’aller vers des hubs où les prix sont compétitifs, le niveau de service et la connexion, satisfaisants. Concernant le marché primaire – en gros, trois heures autour de l’aéroport Paris-CDG –, on peut effectivement parler de monopole. Pour le reste, la notion de monopole est tout de même très relative, car les passagers regardent sur internet et iront à Londres, à Fraport ou à Schiphol, en fonction des meilleurs tarifs et connexions.
Troisième point, la qualité aéroportuaire et les installations ont été un sujet majeur. ADP s’est beaucoup transformé et modernisé lors de l’ouverture partielle du capital en 2006, qui a porté ce processus jusqu’à aujourd’hui.
Dernier point, et je m’en tiendrai là, les compagnies se plaignent du niveau des redevances et nous demandent de porter notre attention sur ce point, de créer un régulateur – Jean-François Husson l’a proposé au nom de la commission spéciale. À mes yeux, il s’agit d’un élément majeur pour favoriser la transparence et éviter les surprofits. Tel doit être, me semble-t-il, l’apport du Sénat dans ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. J’aurai l’occasion de revenir sur les raisons de notre opposition à cette privatisation lors de l’examen des amendements. Pour l’heure, je souhaiterais, mes chers collègues, revenir sur un événement tout récent : alors que nous examinons le projet de loi PACTE qui vise notamment à entériner la privatisation d’Aéroports de Paris, Mme la maire de Mitry-Mory voit déjà arriver des engins et des camions de chantier sur le territoire communal, à l’endroit du site retenu pour le Charles-de-Gaulle Express, en vue du commencement des travaux. Ce projet, je le rappelle, a pour objet de relier l’aéroport de Roissy, exploité par ADP, à la gare de l’Est, sans escale et pour un montant exorbitant. Aujourd’hui, il est largement contesté par la population et nombre d’élus, qui souhaitent voir priorisés les transports du quotidien, notamment la ligne B du RER.
Alors que Mme la ministre chargée des transports, sous la houlette de M. le préfet de la région d’Ile-de-France, a lancé une grande concertation sur l’opportunité de la réalisation de cette infrastructure, et que celle-ci n’est pas terminée, les faits témoignent d’une volonté d’avancer à marche forcée et en catimini. La coïncidence du calendrier nous interpelle, tout comme le comportement du Gouvernement à l’égard des élus et des populations locales dans ce dossier.
Personne ne peut ignorer le lien entre le Charles-de-Gaulle Express et la privatisation d’ADP. D’un côté, l’État brade aux intérêts privés Aéroports de Paris et, de l’autre, il s’engage à hauteur de 1,7 milliard d’euros, dans le cadre du projet Charles-de-Gaulle Express, pour équiper gratuitement le futur repreneur de l’aéroport de Roissy : un État schizophrène qui organise donc sa propre impuissance en bradant ses intérêts.
Il s’agit, pour nous, mais pas seulement pour nous, d’un coup de force inacceptable, et ce à plusieurs titres. Inacceptable, d’abord, pour les millions d’usagers du RER B et de la ligne K, qui vivent régulièrement l’enfer – je suis là pour en témoigner –, faute de courage politique nécessaire pour la révision des lignes. Inacceptable, ensuite, pour les élus et les associations engagés dans le processus de concertation. Inacceptable, enfin, pour l’ensemble de nos concitoyens, car ceux-ci devront, par leurs impôts, financer un équipement qui bénéficiera exclusivement à une société privatisée.
Donc, en toute cohérence, nous continuons à demander la suspension du projet Charles-de-Gaulle Express, et nous portons dans cet hémicycle la voix de la préservation des intérêts de notre pays en refusant la privatisation d’ADP. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Nadine Grelet-Certenais, ainsi que MM. Jérôme Durain et Martial Bourquin applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi en discussion abat les restrictions à l’ouverture du capital de trois fleurons de l’économie française : Aéroports de Paris, la Française des jeux et ENGIE.
Je veux dire ici mon opposition frontale à ces privatisations et, d’abord, à celle d’Aéroports de Paris.
Le premier argument avancé, le financement du fonds consacré à l’innovation, a déjà été démonté dans l’intervention précédente, au regard des dividendes perçus chaque année par l’État.
Le deuxième argument, selon lequel les privatisations amélioreront la gestion de ces entreprises en leur appliquant les bonnes pratiques des groupes privés, n’est qu’une pétition de principe teintée d’idéologie sans aucun fondement. Dans le cas d’un monopole comme ADP, le confier au secteur privé revient à lui remettre une forme de rente que rien ne justifie (M. Gérard Longuet s’exclame.), à l’image de la privatisation des autoroutes, dont pâtissent les Français.
Le troisième argument, l’amenuisement de la dette publique, ne convainc pas davantage.
ADP possède un caractère stratégique incontestable. Première porte d’entrée en France, il joue un rôle touristique majeur, mais aussi un rôle clé en matière sécuritaire. Il a réalisé, l’an passé, un chiffre d’affaires de 3,6 milliards d’euros, accueilli plus de 100 millions de passagers. Les locations d’espaces aux grandes marques de luxe et de restauration représentent désormais un tiers du chiffre d’affaires.
Pourquoi, mes chers collègues, priver l’action publique et l’intérêt général d’un avenir qui est annoncé prometteur ? Une folie ultralibérale en matière aéroportuaire conduit, mes chers collègues, à une aberration économique, à une erreur stratégique, à une faute politique majeure, alors que, dans le même temps – cela a déjà été évoqué –, la Cour des comptes, dans son rapport d’octobre 2018, relève que l’arrivée d’acteurs privés ne s’est pas accompagnée d’inflexions majeures en matière de gestion et d’orientation stratégique des trois aéroports concernés : Toulouse, Lyon et Nice. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.
M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, je crois que vous ne pouvez plus ignorer que cette question de la privatisation d’Aéroports de Paris occupe désormais une place particulière dans nos débats. Au demeurant, je trouve que cette question, qui vient au débotté dans ce projet de loi fourre-tout, aurait mérité un texte à part.
De nombreuses critiques mettent en avant le risque de bradage d’un emblème national et d’une infrastructure stratégique au profit du secteur privé. Vous affirmez, de votre côté, votre volonté de voir l’intérêt public préservé, mais cela ne suffit pas à nous rassurer, puisque nous sommes tous conscients ici des risques que cette privatisation, d’un monopole de surcroît, représente.
Le parallèle avec la privatisation des autoroutes a été fait à de nombreuses reprises ici, notamment au regard du principal intéressé, pour le rachat d’ADP.
Il y a bien un risque, effectivement, qu’un groupe, déjà actionnaire à hauteur de 8 %, détienne alors un monopole à la fois sur les autoroutes et sur les aéroports, deux secteurs stratégiques indispensables au bon fonctionnement de notre pays.
Je dois vous le dire, monsieur le ministre, vos propos à la fois sur le cahier des charges, les redevances, les investissements, le statut des personnels ou encore le contrôle des frontières, ne sont pas de nature à nous rassurer.
Enfin, le précédent fâcheux de la privatisation de l’aéroport de Toulouse, décidé en 2015 par le gouvernement d’alors, devrait nous alerter un peu plus sur les risques d’une telle décision. Les investisseurs chinois qui ont racheté en 2015 l’aéroport de Toulouse cherchent aujourd’hui à le revendre, en faisant une confortable plus-value de 200 millions d’euros en quatre ans seulement.
Encore une fois, monsieur le ministre, nous ne pouvons pas minimiser ou évacuer le risque réel que représente cette privatisation de nos infrastructures stratégiques en les laissant à la merci des actionnaires, et, plus encore, des pratiques douteuses qu’a révélées dernièrement la Cour des comptes lors d’un précédent rapport.
En conclusion, je ne voterai pas cette privatisation, et donc je voterai les amendements tendant à sa suppression, car je ne peux pas, monsieur le ministre, vous suivre dans cette voie qui nous amène assurément dans une zone de turbulences dont l’issue serait grave pour notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, sur l’article.
M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, votre tâche est difficile.
Premièrement, je suis un libéral et j’estime que ce projet n’a rien à rien à voir avec le libéralisme,…
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Philippe Dominati. … dans la mesure où il s’agit de la cession des bénéfices d’une entreprise et, en revanche, du paiement, par le contribuable, de tous les équipements autour de cette entreprise, pour les soixante-dix années qui viennent. Donc, c’est la cession d’un monopole.
Deuxièmement, au niveau national, comme cela a été évoqué par mon collègue, les acteurs potentiels de cette privatisation se trouvent dans une situation dominante. Peut-on posséder 50 % du parc d’autoroutes, 50 % des parkings municipaux, la ligne TGV Paris-Lyon et, éventuellement, deux aéroports sur le plan national ? Cela ne répond pas à une vision libérale des choses.
Troisièmement, dans le pays le plus libéral au monde, les États-Unis, la souveraineté existe et les aéroports restent dans le domaine public.
Je dirai que je suis libéral parce que, vous l’avez dit vous-même, l’État défend mal ses intérêts. Dans ce dossier, ce constat est particulièrement vrai, et la démonstration est flagrante.
D’abord, il y a le prix, que l’on ne connaît pas vraiment dans ce débat. On peut l’estimer, mais lorsque nous avons auditionné le président d’Aéroports de Paris, il a parlé d’une forte valorisation en bourse avec un PER de 30. Par conséquent, même sans pouvoir parler de la durée dans ce débat puisque les amendements afférents sont irrecevables, on peut tout de même relever que l’investissement initial serait remboursé sur trente ans, alors que vous parlez d’une concession de soixante-dix ans.
Malgré ce déséquilibre, qui semble flagrant sur la dévalorisation, on ne parle qu’à situation constante, c’est-à-dire aujourd’hui et pas dans soixante-dix ans. Or M. le rapporteur nous dit que le trafic va exploser dans les prochaines décennies. Et vous n’avez même pas prévu de clause de révision du prix, ce que l’on appelle un earn out dans le monde des affaires. Sur une durée aussi longue, on aurait pourtant pu s’attendre à une révision du prix.
M. Charles Revet. Oui !
M. Philippe Dominati. Enfin, vous ne parlez pas de l’indemnisation ni des 7 000 hectares de foncier, pas plus que de l’intérêt de l’entreprise. Alors que l’on examine un projet de loi dit « PACTE », y compris la raison sociale de l’entreprise, personne ne veut cette privatisation, sauf vous, pour l’intérêt de l’entreprise.
M. Yung évoque le développement de l’aéroport, mais celui-ci est assuré par les dividendes. De plus, le président d’Aéroports de Paris nous a déclaré que la privatisation de l’entreprise n’était pas nécessaire pour financer ce développement.
Mme Sophie Primas. Absolument !
M. Philippe Dominati. Il en est tellement certain que, privatisation ou pas, si ce point avait été évoqué, il l’aurait été au travers d’une augmentation du capital.
Il s’agit là d’un dossier politique,…
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Dominati. … où, en réalité, le Gouvernement risque d’être seul. C’est pourquoi moi non plus je ne voterai pas pour la privatisation. (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Permettez-moi de vous citer, monsieur le ministre : « Nous avons défini un cahier des charges strict. Vous avez manifesté une inquiétude légitime au sujet des redevances. Les deux redevances seront négociées tous les ans et l’État aura le dernier mot sur leur niveau. » Vous avez même ajouté : « Le cahier des charges permet de renforcer le contrôle de l’État par rapport à la situation précédente ».
Monsieur le ministre, il nous faut plus que de simples paroles pour nous convaincre lorsque l’on s’apprête à privatiser l’un des premiers aéroports d’Europe qui, de plus, est l’employeur de 6 400 salariés.
Nous ne pouvons débattre sérieusement et voter cet article sans un document écrit. Vous comprenez, nous n’avons pas confiance. Quels sont les critères choisis pour ce cahier des charges ? Quelles sont les obligations de service public et de sécurité ? Vous nous dites que le cahier des charges intégrera les amendements sur le statut des personnels et de l’emploi et que les intérêts de l’État seront évalués plus régulièrement. Mais quelles garanties avons-nous réellement sur le maintien de ces dispositions et sur les autres critères de ce cahier des charges ?
Aussi, je vous pose une question toute simple, monsieur le ministre : où est le cahier des charges ? Nous devons disposer d’une information complète pour nous prononcer, sans quoi nous vous donnons carte blanche pour liquider nos services publics de qualité au premier investisseur étranger venu. Ce que nous vous demandons est pourtant simple. J’ai ici avec moi l’actuel cahier des charges d’Aéroports de Paris qui date de 2005. Nous voudrions savoir ce qui va changer dans le futur cahier des charges pour pouvoir nous prononcer. J’attends donc votre réponse, monsieur le ministre de l’économie et des finances.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, ce débat n’est pas « hors sol », car il arrive dans notre pays à un moment où, cela ne vous aura pas échappé, les Françaises et les Français, dans leur diversité, s’intéressent à toutes les questions liées à la mobilité, et alors que le Gouvernement, dans quelques semaines, va nous présenter un projet de loi sur les mobilités.
Finalement, ici, en catimini, au détour d’un énième article dans un projet de loi qui en comporte maintenant plusieurs dizaines, vous nous proposez la privatisation d’Aéroports de Paris.
Finalement, cela a été démontré, ce que vous cherchez à faire, au nom d’une ouverture du capital, au nom de la remise en cause des monopoles, c’est renvoyer, au sein d’un même monopole, à un, à deux, voire à trois grands groupes dans notre pays, l’ensemble des déplacements stratégiques nationaux et internationaux. En réalité, la problématique que vous posez sur la maîtrise ou non du monopole, vous vous en dégagez en renvoyant vers ces groupes dont Vinci principalement – pour ne pas les citer.
Vous nous avez dit ici, la semaine dernière, que l’enjeu de la privatisation d’Aéroports de Paris, c’était la gestion des boutiques. Mais sérieusement, monsieur le ministre, l’enjeu de la privatisation d’Aéroports de Paris et des conséquences stratégiques, y compris en termes d’aménagement du territoire, sur l’ensemble de l’Île-de-France et bien au-delà, peut-il se résumer simplement à savoir qui gérera ou pas demain, et selon quel niveau de concurrence, les boutiques d’Aéroports de Paris, sauf à se dire que ces boutiques doivent devenir demain des arènes de combat pour certains rappeurs en manque de sensations ? (Exclamations amusées sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Plus sérieusement, ni les arguments sur le fonds d’investissement ni ceux qui portent sur le cahier des charges ou le devenir des boutiques d’Aéroports de Paris ne peuvent être de nature à remettre en cause non pas des bijoux de famille, mais des entreprises stratégiques en termes d’emplois et de développement, dans les années qui viennent, pour notre pays.
Je finirai sur une remarque, monsieur Yung. Vous avez cité plusieurs exemples de privatisation à l’issue desquelles le Front national est arrivé au second tour de l’élection présidentielle. Vos arguments peuvent effectivement toucher la gauche, comme vous avez essayé de le faire, mais, personnellement, je prendrai mes responsabilités, car je pense que tuer la démocratie à coup de privatisations qui ne répondent pas aux besoins des Français, ce n’est pas la solution ! (Mme Éliane Assassi applaudit. – M. Laurent Lafon proteste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous pensons que la privatisation d’ADP est contraire à la Constitution.
Depuis la crise financière de 2008, il y a eu une accélération de la course à la rente de monopole, avec le risque déjà rencontré pour les autoroutes – les dividendes ont dépassé le prix de la privatisation : est-ce que vous le dites dans le grand débat national aux Françaises et aux Français ? Et lorsque les entreprises deviennent trop puissantes, la séparation du politique et de l’économique disparaît. Notre Constitution, en son préambule, avait prévu ce risque, et posé la nécessité d’un pouvoir de contrôle et de police économique de ces biens essentiels.
Vous nous avez dit, monsieur le ministre, au commencement de l’examen de cette loi, qu’ADP, ce sont des hôtels et des boutiques de luxe, que l’État n’a pas à gérer. Pour nous, ADP est un monopole naturel, un service public national qui devrait, à ce titre, échapper à la privatisation.
M. Gérard Longuet. Il faut le justifier.
M. Pascal Savoldelli. C’est pourquoi de nombreux juristes, et pas des moindres, s’élèvent aujourd’hui aussi contre cette privatisation.
Le Conseil d’État soutient que le préambule de la Constitution de 1946 ne peut être invoqué contre un projet de loi, car tout en reconnaissant le caractère de service public d’ADP, il énonce que sa situation géographique exclurait qu’il puisse s’agir d’un service public national, puisque la mission de service public confiée à ADP ne s’exercerait que sur la seule région d’Île-de-France. Il ne serait pas non plus un monopole de fait.
Cependant, le préambule ne parle pas de circonscriptions géographiques, mais bien de l’importance du service public national pour la Nation. À ce titre, caractériser ce service uniquement à l’aune de l’implantation géographique n’a aucun sens et exclut la quasi-totalité des services publics existants. Or ADP, c’est treize aéroports, des participations dans de nombreux aéroports à l’étranger, des filiales avec des activités d’ingénierie, de gestion et de développement aéroportuaire. Le seul aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle devrait avoir à gérer un flux de 120 millions de passagers par an d’ici à 2023, date de mise en service du terminal 4, qui en ferait le premier aéroport européen.
ADP joue un rôle considérable dans l’aménagement du territoire national, à la fois par son poids économique pour la région capitale, mais aussi par son utilité pour le transport interne à la France, aussi bien en métropole que dans le lien entre celle-ci et les départements et territoires d’outre-mer, comme le Sénat le rappelait déjà en 2005.
ADP, c’est aussi un monopole de fait, puisque les secteurs d’activité sur lesquels la société détient une position exclusive ou prépondérante, occupent une place importante et non substituable dans l’économie nationale. De plus, ces secteurs d’activité représentent la majeure partie de son activité globale.
Je vais vous le dire, monsieur le ministre, comme d’autres l’ont dit ici, même si j’aborde un aspect plus juridique, on est en train de faire un choix idéologique et politique, c’est d’avoir des lectures différentes de notre Constitution.
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Savoldelli !
M. Pascal Savoldelli. Comme indiqué dans le préambule de la Constitution de 1946, « Tout bien, toute entreprise dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national…
Mme la présidente. S’il vous plaît, il faut vraiment arrêter !
M. Pascal Savoldelli. … ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité ». (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Nadine Grelet-Certenais et M. Olivier Jacquin applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Monsieur le ministre, bien sûr, vous êtes surpris que, même sur nos travées les plus à droite de l’hémicycle, nous manifestions des réticences sur cette privatisation d’Aéroports de Paris. En réalité, pour un certain nombre d’entre nous, il ne s’agit que de questions sur cette privatisation.
Une des questions auxquelles nous n’avons pas trouvé de réponse porte sur le processus de cession des parts. Allez-vous céder plus de 50,2 % en un bloc, en plusieurs blocs ? Va-t-il y avoir une OPA ? Comment seront choisis ceux qui vont éventuellement acheter ces parts ? Un processus sera-t-il plus favorable à telle ou telle société ? Comment tout cela va-t-il se passer en réalité ? Le prix sera-t-il le seul facteur de choix, comme la jurisprudence nous l’a énoncé jusqu’à présent ? Comment allons-nous protéger notre aéroport dans le temps d’une future possible OPA sur un secteur d’activité ouvert ?
Nous avons donc là des questions auxquelles nous n’avons pas de réponse. Alors, vous nous rassurez, en disant : « Nous maîtriserons la sécurité. Nous maîtriserons le contrôle des frontières. Nous maîtriserons toutes les compétences régaliennes. Nous maîtriserons le montant et la nature des investissements, ainsi que le devenir du foncier ». Mais quelle est donc cette équation dans laquelle, à l’arrivée d’une personne privée, on lui dirait les recettes et les contraintes qui lui sont imposées, et qui s’ajouteraient à sa propre équation économique, forcément positive, de recettes et de profits, ce qui n’est pas, dans ma bouche, un défaut ?
Donc, nous ne sommes pas rassurés sur les éléments que vous nous donnez.
Ensuite, je voudrais vous poser deux questions, à commencer par celle de la double caisse, sur laquelle nous reviendrons, car je ne comprends pas les réponses qui nous sont apportées, y compris celles qui ont été formulées par Augustin de Romanet. Je ne vois pas pourquoi des bénéfices importants sur la partie commerciale ne viendraient pas aider des investissements sur la partie infrastructures ? Aussi, je ne comprends pas que l’on puisse avoir deux comptabilités différentes – je sais que c’est faisable –, même s’il est nécessaire de mettre l’accent sur l’amélioration des infrastructures et la rentabilité de l’exploitation.
Seconde et dernière question : vous savez qu’un certain nombre de départements, notamment franciliens, ont émis le souhait éventuellement de répondre à l’appel d’offres et à la cession des parts. Quel accueil souhaitez-vous donner à cette proposition ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l’article.
M. Pierre Laurent. Mon intervention tombe au bon moment, juste après celle de Mme Primas, car je voudrais insister sur nos diversités d’opinions. Nous nous opposons politiquement sur beaucoup de sujets, et sur les privatisations, c’est le moins que l’on puisse dire, nous n’avons pas toujours été d’accord dans cet hémicycle, parfois même au sein de la gauche. Or sur ce sujet précisément, il y a une très grande convergence d’analyses, de diagnostics et de questions.
En vérité, il y a une raison à cela : au-delà de ce que nous pensons sur tant et tant de sujets politiques, y compris en matière économique, chacune et chacun d’entre nous sait qu’il s’agit là d’un sujet majeur d’intérêt national. Face aux questions que cette opération soulève, les arguments avancés par le Gouvernement se révèlent, pour l’heure, d’une totale légèreté.
Nous avons donc, d’un côté, un sujet majeur et, de l’autre, des arguments qui ne tiennent pas la route, notamment en matière financière. On le voit bien : avec le système actuel, on peut continuer à investir pour développer Aéroports de Paris.
À l’inverse, monsieur le ministre, avec ce que vous nous proposez, nous risquons la spoliation, dans la durée, d’un bien d’intérêt national stratégique. Vous ne nous dites pas comment nous allons faire face à la maîtrise stratégique des enjeux de mobilité du futur, si nous nous privons de la maîtrise de l’une des plus grandes plateformes aéroportuaires au monde, qui, si l’on y ajoute Orly, représente de loin le premier aéroport d’Europe. Vous ne répondez pas à ces questions : cela nourrit forcément, sur toutes les travées, une opposition à cette privatisation, telle que vous la proposez.
S’entêter, persévérer, essayer de passer en force…
M. Bruno Le Maire, ministre. La mesure a été adoptée par l’Assemblée nationale, monsieur le sénateur !
M. Pierre Laurent. … sur un sujet aussi important, ce serait une folie. Vous nous proposez une aventure, alors que, sur toutes les travées, nous vous posons des questions décisives : il s’agit là d’enjeux majeurs pour le pays, y compris en termes de sécurité nationale. La question fait débat, mais il est certain que la maîtrise d’une plateforme aéroportuaire de cette importance fait partie des enjeux de sécurité nationale.
Le Gouvernement montre beaucoup trop de légèreté pour convaincre qui que ce soit dans cet hémicycle ; pour notre part, nous nous opposerons à cette privatisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l’article.
M. Claude Bérit-Débat. À mon tour, je tiens à dire toute mon opposition à la privatisation d’ADP. Les précédents orateurs ont déjà développé un certain nombre d’arguments, notamment mes collègues socialistes, et je les fais miens.
Richard Yung a essayé de démontrer que les privatisations avaient eu lieu, par le passé, sur l’initiative d’un certain nombre de gouvernements. Il a cité, notamment, les gouvernements socialistes du dernier quinquennat. Mais ce n’est pas parce que nous avons fait des erreurs à un moment donné qu’il faut poursuivre dans cette voie !
En la matière, le meilleur exemple, c’est la privatisation des autoroutes. Sur ce sujet, tout a été dit avant moi : aujourd’hui, les dividendes accumulés par les concessionnaires dépassent ce que la privatisation a pu rapporter à l’État.
Un orateur a évoqué la privatisation de l’aéroport de Toulouse : c’est une erreur, il faut l’assumer. Tout le monde peut faire des erreurs : j’y insiste, on ne peut pas partir du principe que, par le passé, certains ont agi en ce sens pour faire de même aujourd’hui.
Avec Aéroports de Paris, nous ne débattons pas d’un équipement ordinaire, mais d’un investissement important et stratégique pour la sécurité de la France, et pour cause, il s’agit de la porte d’entrée de notre pays.
De plus, cette entreprise dégage des profits, des dividendes importants. Pour quelle raison la création d’un fonds d’innovation imposerait-elle de céder cette pépite, ce bijou de famille ? Les dividendes de cette entreprise nous permettent de faire de même.
On le voit, les arguments sont multiples. J’en ajoute un dernier : il n’est pas judicieux de laisser aux mains d’entreprises d’une entreprise un certain nombre de mobilités – autoroutes, aéroports, etc. L’exemple des autoroutes montre bien comment l’opération pourrait finir. Pour l’ensemble de ces raisons, je suis contre cette privatisation ! (M. Martial Bourquin et quelques sénateurs du groupe Les Républicains applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde, sur l’article.
Mme Christine Lavarde. Monsieur le ministre, j’ajouterai un certain nombre de questions à celles qui ont été posées par Sophie Primas.
J’ai lu que la privatisation de cet aéroport aurait pour intérêt de sanctuariser un fonds de 10 milliards d’euros, pour investir dans des technologies comme l’intelligence artificielle, la nanoélectronique ou encore le stockage d’énergie. On n’emploierait pas ces fonds en tant que tels, mais le rendement de ces actifs, estimé entre 200 et 250 millions d’euros, pour financer les innovations de rupture.
Or 10 milliards d’euros, c’est le montant des investissements d’avenir ; et 200 à 250 millions d’euros, c’est quatre fois moins que le montant annuel dépensé à ce titre, en 2018 et, aujourd’hui, en 2019.
Quand je regarde les outils destinés à mettre en œuvre le fonds d’innovation stratégique, j’observe qu’une première enveloppe sera utilisée sous forme d’aides individuelles – subventions, avances remboursables ou prêts. Ce sont les outils des investissements d’avenir ! Je lis qu’une seconde enveloppe financera des programmes répondant à des défis à fort enjeu technologique : l’intelligence artificielle, pour 100 millions d’euros par an, la nanoélectronique, pour 25 millions d’euros par an.
Si je lis le projet annuel de performance du programme des investissements d’avenir pour l’année 2019, je constate qu’un certain nombre de fonds ont déjà été réorientés vers l’intelligence artificielle, d’où mes questions : quelle cohérence va-t-il y avoir entre toutes ces politiques au service de l’innovation ? Comment ces fonds vont-ils fonctionner ensemble ?
En outre, on observe que les investissements d’avenir ont fait l’objet de certaines réorientations. Ainsi, l’action Territoires d’innovation de grande ambition sera utilisée, en 2019, pour une politique de relance territoriale. Dans le même temps, l’action Grands défis servira à financer la rénovation du Grand Palais.
Monsieur le ministre, comment pouvons-nous être certains que ces 10 milliards d’euros, fournissant 200 à 250 millions d’euros de rendement, seront effectivement destinés à l’innovation, et non pas à d’autres politiques ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat est animé, et c’est tout à fait normal, puisqu’il s’agit d’un sujet d’importance. D’une manière ou d’une autre, il nous a tous touchés au cœur, puisqu’il représente une image de la France : Paris…
M. Roger Karoutchi. Et même l’Île-de-France !
Mme Catherine Fournier. … et ses aéroports.
Comme l’a fait mon collègue Vincent Capo-Canellas, j’interviendrai à titre personnel, pour aborder deux éléments contextuels de cette privatisation.
Avec le projet de loi PACTE, nous sommes au centre de la transformation et de la croissance des entreprises ; et, en l’occurrence, nous parlons de l’entreprise ADP.
Premièrement – les précédents orateurs l’ont rappelé –, nous compterons, d’ici à 2020, 2,4 milliards de passagers aériens en plus ; et, d’ici à vingt ans, nous verrons doubler le nombre de ces passagers. Pour vous donner un ordre de grandeur, le volume de passagers représentera, dès 2020, le trafic actuel des vingt-quatre plus gros aéroports mondiaux.
Face à une telle croissance, ADP aura besoin de capitaux…
M. Rachid Temal. Nous y voilà !
Mme Catherine Fournier. … pour s’inscrire dans l’expansion générale des aéroports tout en restant concurrentielle et compétitive.
M. Pierre Laurent. L’État n’est pas capable de le faire ?
Mme Catherine Fournier. Certains l’ont dit aujourd’hui, lors d’autres débats : de fait, à l’heure qu’il est, l’État français affiche davantage un besoin de financement qu’une capacité à abonder les capitaux d’ADP, pour assurer son développement futur.
Deuxièmement, je tiens à revenir sur la méthode législative employée. Le présent texte est examiné selon la procédure accélérée. Le Sénat a toujours préservé sa capacité d’enrichir substantiellement ce projet de loi. Ainsi, face à l’article 44, la commission spéciale a choisi de permettre ce débat et de le lancer.
Cela étant, il faut se poser cette question en toute lucidité : qu’adviendra-t-il de la commission mixte paritaire, quelle sera sa conclusion ?
Mme Éliane Assassi. C’est incroyable ! Quel est le rapport avec ADP ?
Mme Catherine Fournier. Le fil des débats devrait nous fournir, à ce sujet, de plus grandes informations.
Mes chers collègues, on a beau avoir une belle fusée, il faut aussi le carburant pour activer ses réacteurs. (Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Rachid Temal. C’est la version pour enfants !
Mme Catherine Fournier. Il faut absolument que nous en ayons conscience.
Je ne me suis pas lancée dans de grandes théories. Je veux rester pragmatique ; je veux surtout respecter ce débat et faire en sorte que vous puissiez vous exprimer. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Exclamations sur plusieurs travées.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Avant tout, je tiens à remercier le rapporteur, Jean-François Husson, du remarquable travail qu’il a fait depuis plusieurs jours pour améliorer ce texte et renforcer les garanties accordées à nos compatriotes, dans le cadre de la cession des actifs de l’État dans Aéroports de Paris. Je remercie également Mme la présidente de la commission spéciale, Catherine Fournier, de ses propositions solides et de la volonté d’ouverture qu’elle a manifestée au titre de cette opération.
Mesdames, messieurs les sénateurs, après ce long débat, ponctué de nombreuses prises de parole, vous me permettrez de noter le caractère piquant de certaines interventions. Entendre Mme Lienemann tout feu tout flamme contre les privatisations, alors qu’elle a participé au gouvernement qui a le plus privatisé depuis trente ans,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ai toujours voté contre ces mesures ! Vous êtes mal informé !
Mme Éliane Assassi. En effet ! Mme Lienemann s’y est toujours opposée !
M. Bruno Le Maire, ministre. … y compris en cédant des actifs stratégiques, cela ne manque pas de sel.
Madame Lienemann, il me semble que, lorsque M. Jospin était Premier ministre, vous ne défendiez pas avec autant d’ardeur le refus des privatisations… (Rires sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Il est également assez piquant de voir certains sénateurs Les Républicains – pas tous : certains posent des questions, d’autres sont plus péremptoires – dénoncer avec tant de vigueur les privatisations. Je leur rappellerai simplement une citation : « Il faut reprendre les privatisations et que l’État reprenne des capitaux immobilisés dans des entreprises commerciales où il a gardé des participations, qu’on récupère cet argent et qu’on investisse ». C’était François Fillon, c’était en 2016, et c’était son programme pour la présidentielle. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Et ça s’est mal terminé !
M. Bruno Le Maire, ministre. Au fond, la seule personne cohérente dans cette affaire, c’est M. Gay ; et je tiens à lui dire que je serai heureux, s’il me le confie, de gérer son PEL ! (Sourires et exclamations.)
Quoi qu’il en soit, ces quelques interventions prouvent une chose : la recomposition politique française nous réserve encore bien des surprises. (Mouvements divers.)
M. Éric Kerrouche. Parole de connaisseur ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Cela étant, j’en reviens à l’opération relative à Aéroports de Paris.
Tout d’abord, vous l’appelez tous « privatisation » : je redis que ce n’est pas une privatisation sèche… (Exclamations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. Pierre Laurent. Soyons sérieux !
Mme Éliane Assassi. Soixante-dix ans !
M. Bruno Le Maire, ministre. … au terme de laquelle l’État retrouvera, en intégralité, la possession de cet actif stratégique,…
M. Pierre Laurent. S’il le peut encore !
M. Bruno Le Maire, ministre. … qu’il n’a pas, aujourd’hui, au titre de la loi de 2005. (Exclamations sur quelques travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, s’il vous plaît.
M. Bruno Le Maire, ministre. On peut difficilement prétendre que cette opération est essentielle, sans écouter, tranquillement et sereinement, la réponse que j’apporte aux questions qui m’ont été légitimement posées.
M. Fabien Gay. Et avec humilité !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je le répète : cette opération n’est pas une privatisation sèche. C’est, pour soixante-dix ans, une délégation de service public, au terme de laquelle l’État reprendra la pleine possession de cet actif stratégique, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
De plus, je tiens à dire très clairement à quoi sert cette opération. Elle a trois buts : le financement du fonds pour l’innovation de rupture, le désendettement de notre pays (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) et la création d’un champion mondial de la gestion des infrastructures aéroportuaires.
M. Pierre Laurent. Mais il pourrait être public, ce champion !
M. Bruno Le Maire, ministre. Voilà les trois objectifs fixés par le Gouvernement à travers cette opération. (M. Fabien Gay s’exclame.)
Pendant cette heure et demie de discussion, personne, je dis bien personne, n’a rappelé la situation actuelle. Pour ma part, je tiens à le faire. À vous écouter, on a le sentiment que l’État détient Aéroports de Paris à hauteur de 100 %, qu’il fait la pluie et le beau temps dans cette entreprise. Or ce n’est absolument pas le cas ! Que chacun l’entende bien : au titre de la loi de 2005, l’État a 50,6 % des actifs d’Aéroports de Paris, et les actionnaires privés en possèdent 49,4 %.
Mme Laurence Cohen. C’est déjà insatisfaisant, ce sera pire demain !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ainsi, au sein de cette société, le pouvoir est partagé ; pour 49,4 % des parts, les actionnaires privés disposent d’un droit d’exploitation illimité dans un actif que vous jugez stratégique.
M. Alain Fouché. Ça suffit comme ça !
M. Bruno Le Maire, ministre. Dès lors, chacun d’entre vous devrait considérer que la situation actuelle n’est pas satisfaisante.
Mme Sophie Taillé-Polian. Rachetons les actions !
M. Bruno Le Maire, ministre. J’ai cru comprendre que, sur toutes les travées de cet hémicycle, l’on considérait Aéroports de Paris comme un actif absolument stratégique : vous ne devriez pas vous résigner à voir un actif stratégique appartenir, à hauteur de 49,4 % et pour une durée illimitée, à des acteurs privés.
M. Alain Fouché. Alors, tout le monde a tort ?
Mme Éliane Assassi. Pourquoi ne pas rester dans le champ public ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Il s’agit d’une situation exorbitante du droit commun (Mme Sophie Primas s’exclame.), et la solution que nous vous proposons nous permet d’en sortir. (Exclamations sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Pierre Laurent. Ah, pour sortir, on sort !
M. Bruno Le Maire, ministre. Plusieurs chiffres ont été cités. Les 8 à 10 milliards d’euros d’argent public immobilisés au titre d’ADP ont rapporté, très exactement, 174 millions d’euros en 2017.
M. Fabien Gay. Montant en progression !
M. Bruno Le Maire, ministre. Beaucoup d’interventions donnent le sentiment que ces dividendes seraient en progression continue ; vous avez même parlé, les uns et les autres, de « poule aux œufs d’or ». Pardon, mais c’est faux !
Les chiffres sont têtus : les dividendes d’Aéroports de Paris peuvent être volatils. Ils ont ainsi perdu 17 % au cours de deux exercices. Les chiffres montrent à quel point il est préférable, quand on investit dans l’innovation de rupture, d’avoir des rendements stables et certains,…
M. Fabien Gay. Surtout avec les marchés financiers !
M. Bruno Le Maire, ministre. … plutôt que des rendements instables et incertains.
En 2008, les dividendes étaient de 110 millions d’euros. En 2010, ils sont tombés à 70 millions d’euros – ce qui représente 40 millions d’euros en moins. En 2011, ils se sont établis à 78 millions d’euros. En 2015, le montant est remonté à 157 millions d’euros, mais, en 2016,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les dividendes ont été multipliés par six depuis l’origine !
M. Philippe Dominati. Pensons aux administrateurs de l’État !
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Dominati, quand vous affirmez que la régularité des dividendes permettrait de financer l’innovation de rupture de manière stable pour les dix prochaines années, ce n’est pas exact, et les chiffres le montrent. (M. Claude Bérit-Débat s’exclame.)
Mme Annie Guillemot. C’est n’importe quoi !
M. Bruno Le Maire, ministre. Non, madame la sénatrice, ce sont les chiffres ; ce sont les montants des dividendes, qui résultent tout simplement de la valorisation de l’actif et des résultats comptabilisés à ce titre.
Au total, les fameuses activités aéroportuaires, que vous jugez stratégiques, représentent 26 % du résultat opérationnel courant ; les activités commerciales, c’est-à-dire les boutiques, en constituent 39 %, contre 16 % pour les hôtels et 18 % pour le développement international.
M. Pierre Laurent. Ça ne se découpe pas en tranches !
M. Bruno Le Maire, ministre. Vous parlez d’un domaine absolument stratégique pour l’État, comme s’il s’agissait d’activités militaires ou nucléaires ; or le résultat opérationnel courant d’Aéroports de Paris est constitué à 74 % de commerces, d’hôtels et du développement international de l’entreprise. (Et alors ? sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Il ne me semble pas totalement absurde de confier la gestion des boutiques, des hôtels et du développement international d’Aéroports de Paris au secteur privé : c’est ma conviction. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) Une nouvelle fois, regardons la réalité du chiffre d’affaires de l’entreprise avant de faire des déclarations impérieuses quant au caractère absolument stratégique de ces activités.
À travers l’opération qui vous est proposée, et que, grâce à votre rapporteur, vous avez à mon sens améliorée, le choix qui est fait, c’est de déléguer ce service public à un acteur privé, afin qu’il gère ces trois activités de la manière la plus cohérente possible.
Je répondrai à Sophie Primas quant aux modalités d’exécution de cette opération : la question est ouverte, et il faut que nous en discutions ensemble. J’ai également entendu un certain nombre de critiques récurrentes : j’y reviendrai et, plus largement, je répondrai à chacun d’entre vous. Nous avons tout notre temps : nous pouvons même y passer sept heures si vous le souhaitez ! (Sourires et exclamations.)
M. Jacques Genest. Le Président de la République en a pris six lors de son débat d’hier !
Mme Éliane Assassi. Et en bras de chemise ? (Nouveaux sourires.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Premièrement, certains nous ont dit qu’il n’y avait aucun autre aéroport privatisé dans le monde. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Fabien Gay et Mme Éliane Assassi. Personne n’a dit ça !
M. Bruno Le Maire, ministre. Beaucoup ont cité en exemple les aéroports américains ; or ces derniers sont loin d’être un modèle de succès.
Mme Éliane Assassi. Ça tombe bien, on ne veut pas faire comme les USA !
M. Bruno Le Maire, ministre. Prétendre que la France ne pourrait pas faire mieux que les Américains en la matière, c’est vraiment limiter les ambitions nationales…
J’en suis convaincu : les gestionnaires d’infrastructures aéroportuaires français sont capables de faire mieux que les Américains, qu’il s’agisse de la qualité de service des aéroports ou de la valorisation des infrastructures aéroportuaires.
Osaka est un aéroport privatisé ; Rome est un aéroport privatisé (Protestations.) ;…
M. Marc Daunis. Quelle erreur !
M. Albéric de Montgolfier. Londres, ce n’est pas un modèle !
M. Bruno Le Maire, ministre. Édimbourg est un aéroport privatisé ; Aberdeen, Glasgow, Southampton sont privatisés ; Copenhague, Bruxelles,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela n’a rien à voir !
M. Bruno Le Maire, ministre. … tous les aéroports portugais, Vienne, Brisbane, Melbourne, Zurich sont des aéroports privatisés. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Une sénatrice du groupe socialiste et républicain. Et Alors ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Aussi, ne considérons pas que, avec cette opération, nous faisons preuve d’une singularité totale : ce n’est pas le cas ! Il existe d’autres aéroports dont le capital a été ouvert au privé, dans le reste du monde.
Mme Annie Guillemot. Mais nous, nous sommes plus intelligents !
M. Roger Karoutchi. Ça, ce n’est pas sûr…
M. Bruno Le Maire, ministre. Deuxièmement, j’ai entendu, à de multiples reprises, la critique suivante : cette opération ne serait pas rentable, mieux vaudrait compter sur les recettes des dividendes, qui seraient régulières dans le temps, pour alimenter notre fonds pour l’innovation de rupture.
Je le répète : cette opération est financièrement rentable pour l’État. En euros actualisés, la valorisation de la participation de l’État sera supérieure aux soixante-dix ans de dividendes. Sur ce point, je tiens à répondre à M. Dominati.
J’entends la critique faite, à cet égard, par M. Gay,…
Mme Dominique Estrosi Sassone. Qui n’écoute pas ! (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Le Maire, ministre. … qui semble un peu dissipé ; mais les 8 à 10 milliards d’euros ne seront pas placés en bourse de manière aléatoire. Ils seront confiés au Trésor, avec un rendement de 2,5 %. Ils rapporteront donc, pour 10 milliards d’euros,…
M. Fabien Gay. Mais ce ne sera pas 10 milliards d’euros !
M. Guillaume Gontard. En effet !
M. Bruno Le Maire, ministre. … 250 millions d’euros de produit certain chaque année. (M. Fabien Gay s’exclame.) On aboutira ainsi, en l’espace de dix ans, à une recette de 2,5 milliards d’euros disponible pour l’innovation de rupture.
Par la même occasion, je répondrai aux diverses questions posées, il y a quelques instants, sur ce sujet : avec le fonds pour l’innovation de rupture, l’on disposera d’une garantie de financement de 2,5 milliards d’euros en dix ans, et l’on préfigurera un fonds pour l’innovation de rupture européen, qui devrait associer l’Allemagne et d’autres grands États européens. En regard – je viens de le montrer –, les dividendes en question ne sont pas réguliers d’une année sur l’autre : ils ne garantissent donc pas le financement stable et pérenne de l’innovation de rupture.
Troisièmement – cette critique a été la plus fréquente –, l’on fait une comparaison avec les autoroutes. Mais comparaison n’est pas raison : ces deux opérations n’ont strictement rien à voir, pour des raisons fondamentales.
Tout d’abord, l’opération relative à Aéroports de Paris est assortie d’un contrat de régulation économique, qui prévoit la révision, tous les cinq ans, des redevances aéroportuaires. Cette révision se fera sous le contrôle de l’État : les tarifs ne pourront pas être fixés sans l’accord de l’État.
Aujourd’hui, il s’agit d’une mesure contractuelle ; si vous votez le projet de loi PACTE, ce sera une disposition législative. Voilà pourquoi j’estime que la régulation sera renforcée après PACTE, et que les tarifs seront mieux contrôlés après cette réforme qu’ils ne le sont actuellement.
M. Jean-Louis Tourenne. Comme pour le gaz…
M. Bruno Le Maire, ministre. Dans un cas, vous avez une disposition contractuelle ; dans l’autre, vous avez une disposition législative,…
M. Alain Fouché. Pour les autoroutes aussi, c’était censé être formidable !
M. Bruno Le Maire, ministre. … qui prévoit, tous les cinq ans, l’adoption des tarifs aéroportuaires sous le contrôle et avec l’accord de l’État. À vous de choisir !
Mme Sophie Taillé-Polian. On a choisi : contractualiser avec une entreprise publique !
M. Bruno Le Maire, ministre. À mon sens, pour garantir la sécurité des tarifs, mieux vaut qu’une disposition législative figure dans PACTE. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.).
Certains m’interpellent au sujet des autoroutes.
M. Alain Fouché. On disait que ce serait formidable !
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, je n’ai jamais dit que c’était formidable : j’ai même dit qu’il fallait tirer les leçons de ces erreurs. Laissez-moi répondre à vos remarques.
Les autoroutes ont fait l’objet d’un contrat de redevance sans examen du niveau de rentabilité. À ce titre, l’erreur a été de ne pas prévoir le mode de révision des tarifs. Ces derniers sont réévalués de manière automatique, sans contrôle de l’État !
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je suis le premier à l’admettre ; j’estime que l’on progresse en reconnaissant les erreurs qui ont été commises, en les corrigeant et en garantissant un contrôle plus strict. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Je le répète : le contrôle sur les tarifs aéroportuaires sera de nature législative…
M. Pierre Laurent. En quoi cela justifie-t-il la privatisation ?
M. Bruno Le Maire, ministre. … et donc plus fort, après PACTE, qu’il ne l’est aujourd’hui (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame de nouveau.), puisqu’il relève, pour l’heure, d’une simple disposition contractuelle.
Les mesures que vous pouvez voter aujourd’hui assurent, pour une autre raison, un véritable renforcement du contrôle exercé sur les tarifs face aux compagnies aériennes, sujet qui vous préoccupe légitimement : avec ce projet de loi, nous prévoyons le contrôle de l’Autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires, l’ASI.
Cette instance rendra un avis sur le coût moyen pondéré du capital, ce qui n’est pas prévu pour ce qui concerne les autoroutes. Votre rapporteur a même proposé de renforcer cette autorité indépendante, et je suis prêt, dans le cadre de PACTE, à accepter les amendements des sénateurs tendant à accroître le contrôle de l’autorité indépendante sur les redevances aéroportuaires.
Permettez-moi d’insister sur ce point : il s’agit là de deux garanties fortes, qui vous sont données par le Gouvernement, pour le contrôle des tarifs aéroportuaires dans le cadre de cette opération.
M. Vincent Capo-Canellas. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Une disposition législative, un renforcement de l’autorité indépendante : cela nous distingue totalement de l’opération relative aux autoroutes, et cela vous garantit le contrôle de l’État sur les tarifs aéroportuaires.
On dénonce également une perte générale de contrôle sur une activité stratégique. Là encore, c’est faux ! Le cahier des charges m’est réclamé à cor et à cri : je le tiens à la disposition des sénateurs et des sénatrices qui souhaiteraient en avoir connaissance. (Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.) Mesdames, messieurs les sénateurs, ces éléments ont été transmis au rapporteur ; je les tiens à votre disposition…
M. Rachid Temal. Monsieur est bien bon ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Jean-Luc Fichet. Trop bon ! (Nouveaux sourires.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Ils vous permettront de constater des choses simples. Le contrôle sera plus fort après la loi PACTE qu’il ne l’était avant ; les dispositions de caractère législatif permettront de contrôler le niveau des investissements du futur concessionnaire ;…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Qu’est-ce qui empêche de le faire avec un acteur public ?
M. Bruno Le Maire, ministre. … si le concessionnaire refuse de faire certains investissements pour valoriser Aéroports de Paris (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.), par exemple l’aménagement du terminal 4, l’État peut le contraindre à les réaliser ; si, à l’inverse, le concessionnaire engage des investissements qui ne lui semblent pas opportuns – je vous recommande d’en discuter avec les représentants d’Air France, notamment avec le nouveau patron de l’entreprise : il est le premier à émettre quelques doutes quant à certains investissements –, l’État est en mesure de les refuser au motif qu’ils ne sont pas souhaitables et ne sont pas de nature à valoriser Aéroports de Paris.
Qu’il s’agisse des nuisances sonores, de l’environnement ou de l’emploi, grâce aux dispositions ajoutées par les députés dans le cahier des charges, tous les éléments nécessaires ont été apportés pour garantir la bonne gestion d’Aéroports de Paris.
Ce cahier des charges est un élément absolument structurant des garanties apportées à Aéroport de Paris. Votre rapporteur a suggéré qu’il fasse désormais l’objet d’une clause de revoyure tous les dix ans. Je suis ouvert à cette proposition : si vous le souhaitez, ce document pourra faire l’objet d’un examen tous les dix ans. Ainsi, l’on s’assurera qu’il remplit bien les fonctions qui lui ont été fixées. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Le contrat de régulation économique devenant une disposition législative ; le renforcement de l’autorité indépendante ; le cahier des charges, que nous mettons à votre disposition et que je suis prêt à voir réexaminer tous les dix ans : voilà trois garanties substantielles que je donne aux sénateurs pour la sécurité de cette opération.
M. François Patriat. On ne peut pas mieux faire !
M. Bruno Le Maire, ministre. Pour souligner le caractère stratégique d’Aéroports de Paris, beaucoup d’entre vous ont relevé que cette entreprise était la première frontière de France. Je le comprends parfaitement, mais je vous rappelle une chose simple : qu’il s’agisse du contrôle des biens ou des personnes, notamment des contrôles douaniers, rien ne changera pour les activités régaliennes de l’État, absolument rien !
M. Gérard Longuet. Exactement !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ces missions régaliennes continueront d’être exercées par la police aux frontières ou par les douanes, comme c’est le cas aujourd’hui.
Mme Laurence Cohen. Alors, pourquoi privatiser ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Il n’est pas question, pour nous, de déléguer ces missions régaliennes de contrôle de nos frontières à qui que ce soit.
La conclusion que je tire de tous ces éléments que je tenais à porter à votre connaissance est la suivante : l’opération qui vous est proposée permet, au bout du compte, à l’État de récupérer cet actif stratégique ; elle se fait avec trois verrous sûrs que sont le renforcement de l’autorité indépendante, le contrat de régulation économique et la révision du cahier des charges tous les dix ans ; les missions régaliennes de l’État restent inchangées. Il me semble que ce sont des garanties qui entourent de manière sérieuse cette opération.
Je vais maintenant répondre à chacune de vos interventions. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Marc Daunis. Après vingt minutes !
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Fabien Gay, je ne reviens pas sur votre PEL, je voudrais juste rappeler, sur la question importante des dividendes, que nous avons, d’un côté, des dividendes susceptibles de varier de 10 % à 17 % d’une année à l’autre et, de l’autre côté, un fonds placé à 2,5 % qui garantit rentabilité et sécurité pour l’innovation de rupture.
Monsieur Martial Bourquin, vous avez développé un argumentaire qui a été repris par beaucoup d’autres sénateurs sur le monopole d’État. Il ne me semble pas qu’Aéroports de Paris soit un monopole d’État et je conteste l’idée même qu’il s’agisse d’un monopole. En effet, le secteur a été libéralisé et cet établissement est soumis à la concurrence d’autres grands aéroports internationaux pour les voyages long-courriers, tels que Francfort, Londres ou Amsterdam. Les compagnies aériennes choisissent l’aéroport le plus opportun pour elles en termes de redevances, de tarifs, d’accessibilité et de services rendus. Il y a bien une concurrence sur les vols internationaux et donc pas de monopole de Charles-de-Gaulle, l’aéroport de Paris. (M. Rachid Temal s’exclame.)
En outre, celui-ci subit une concurrence nouvelle, notamment de la part de l’aéroport de Beauvais,…
M. Rachid Temal. Ce n’est pas du tout le cas, arrêtez de dire cela !
M. Bruno Le Maire, ministre. … dont le nombre de passagers a été multiplié par dix-sept en vingt ans et qui offre des solutions alternatives aux passagers français.
Monsieur Michel Vaspart, je viens de répondre sur le monopole, mais vous m’avez également interrogé sur les deux caisses. Il s’agit d’un principe fondamental, et il me semble que le président d’Aéroports de Paris, Augustin de Romanet, vous a présenté ses arguments pour le maintenir. J’y souscris totalement, car il s’agit d’un principe de saine gestion.
Quand les caisses sont mêlées, les activités les moins rentables sont financées par les activités les plus rentables, selon un système de vases communicants, ce qui empêche de faire les économies nécessaires pour que les premières gagnent en efficacité. On me dit que cela pousse à l’augmentation des tarifs, mais les tarifs aéroportuaires de Londres, qui fonctionne avec une caisse unique, ont davantage augmenté au cours des dix dernières années que ceux d’Aéroports de Paris.
Sur la base de l’expérience et d’un principe de bonne gestion, je considère qu’il est préférable de maintenir des caisses séparées entre les activités aéroportuaires et les activités commerciales, sinon les unes financent les autres sans que ces dernières fassent les nécessaires efforts d’économies et de compétitivité.
M. Rachid Temal. Il y aura un cahier des charges !
M. Bruno Le Maire, ministre. J’entends également que cela pèserait sur les compagnies aériennes, mais je rappelle que les redevances ne comptent que pour 3 % à 4 % de leur chiffre d’affaires. Il me semble que le problème de compétitivité d’Air France, qui est d’ailleurs en passe d’être réglé – je suis persuadé que la situation de la compagnie va s’améliorer dans les mois qui viennent –, ne tient pas à la question des tarifs aéroportuaires,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si, en partie !
M. Bruno Le Maire, ministre. … mais à d’autres éléments beaucoup plus stratégiques. Je le répète, ces tarifs représentent seulement 3 % à 4 % du chiffre d’affaires de cette compagnie.
Madame Viviane Artigalas, vous m’avez interrogé sur l’aéroport de Toulouse. J’ai déjà eu l’occasion de répondre dans cet hémicycle, mais le bilan de cette opération est très clair : une augmentation de 27 % de la fréquentation de l’aéroport en trois ans,…
Mme Annie Guillemot. Et les investissements ?
M. Bruno Le Maire, ministre. … des résultats financiers en hausse de 27 % et des investissements qui correspondent à ce à quoi l’investisseur privé s’était engagé. (Mme Frédérique Espagnac fait un signe de dénégation.) Tout le monde devrait être satisfait de l’amélioration de la situation financière et du nombre de passagers de cet aéroport !
Mme Frédérique Espagnac. Ce n’est pas le cas !
M. Bruno Le Maire, ministre. Reste la question des 10 % que l’État conserve dans cet établissement. Je répète ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire lors des questions d’actualité au Gouvernement, je vous recevrai quand vous le souhaitez – nous sommes en train de fixer une date – pour que les collectivités locales et les élus nationaux et locaux de Toulouse me fassent part de leurs souhaits à ce sujet. Nous prendrons notre décision sur l’investissement de l’État dans l’aéroport en fonction de cela. En la matière, c’est la meilleure garantie que je peux vous donner.
Monsieur Olivier Jacquin, vous nous dites que nous faisons cela parce que nous avons besoin d’argent. Non, nous faisons un choix d’investissement. L’alternative devant laquelle se trouve l’État est la suivante : continuer à gérer une activité qui, je le rappelle, est à 74 % commerciale ou réinvestir cet argent pour financer des innovations de rupture. Le président chinois, par exemple, (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) nous dit qu’il doit opérer des percées fondamentales en matière d’intelligence artificielle, de spatial, de gestion des données, de ferroviaire, d’aéronautique, de voiture électrique, de véhicule autonome et nous, nous devrions renoncer à dégager des moyens financiers suffisants pour garantir notre indépendance technologique ! (M. Olivier Jacquin s’exclame.) Il est temps que nous prenions une autre direction.
Le choix fondamental derrière la privatisation d’ADP, monsieur le sénateur, est là : l’État doit-il continuer à gérer des activités commerciales (Oh ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.) ou doit-il investir pour l’avenir de nos enfants ? (Mme Sophie Taillé-Polian fait mine de jouer du violon.) Nous, nous voulons dégager les moyens financiers nécessaires pour investir pour l’avenir de nos enfants et pour notre souveraineté technologique. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Monsieur Patrick Kanner, vous me dites que les faits et les chiffres sont têtus et que nous menons une gestion aléatoire du pays. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler dans quel état vous avez laissé la dette publique,…
M. Rachid Temal. Et la vôtre ?
M. Bruno Le Maire, ministre. … les déficits et les impôts ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Rachid Temal. Quel était votre bilan, après les années Sarkozy ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je préfère que l’on ne s’engage pas sur ce chemin, parce qu’il ne me semble pas que gestion des socialistes de 2012 à 2017 ait été un modèle de bonne gestion. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Madame Marie-Noëlle Lienemann, Vous nous faites des propositions. Je ne reviens pas sur les choix que vous aviez faits à une autre période. Vous nous dites que nous devrions récupérer de l’argent sur le crédit d’impôt recherche, le CIR, et sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Il ne me semble pas, toutefois, que l’instabilité de ces dispositifs soit de nature à garantir leur efficacité. Je préfère trouver des fonds ailleurs, c’est un choix politique différent.
Pour vous dire le fond de ma pensée, s’il fallait dégager de l’argent sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, parce que j’entends certains économistes nous dire qu’à partir de 2,5 SMIC ce serait beaucoup moins efficace, je réinvestirais ces sommes pour baisser les impôts de production des entreprises afin que celles-ci soient plus compétitives (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)…
M. Rachid Temal. Oh là là !
M. Bruno Le Maire, ministre. … et qu’elles créent des emplois pour nos compatriotes. C’est cela qui serait à mes yeux le plus utile et le plus efficace. (M. Patrick Kanner s’exclame.)
M. Pierre Laurent. Vous ne voulez donc pas que nous votions.
M. Bruno Le Maire, ministre. Vous nous dites également, madame Lienemann, que nous ferions cela pour laisser des droits de trafic aux compagnies étrangères. Vous le savez pourtant aussi bien que moi, les droits de trafic des compagnies étrangères ne sont pas accordés par Aéroports de Paris, mais par la Direction générale de l’aviation civile, la DGAC.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je le sais bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Cela n’a donc strictement rien à voir : on ne dégagerait pas des slots pour Emirates ou pour n’importe quelle autre compagnie du Moyen-Orient en privatisant ou pas Aéroports de Paris, la DGAC continuera à les accorder aux compagnies aériennes étrangères. Ne jouez pas avec les peurs des Français !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je n’ai pas parlé de slots, j’ai parlé des conditions d’accueil !
M. Martin Lévrier. Il a pris l’avion ! (Sourires.)
M. Bruno Le Maire, ministre. M. Assouline nous annonce une crise financière supérieure à celle de 2008, dans laquelle nous nous trouverions déjà. La crise de 2008 a été suffisamment cruelle pour les Européens en général, pour les Espagnols, pour les Portugais, pour les Grecs et pour nos compatriotes pour que nous ne jouions pas, une fois encore, avec les peurs des Français. Où voit-il aujourd’hui cette crise financière ?
Il nous parle également de la religion du libéralisme,…
M. Rachid Temal. La vôtre, monsieur le ministre !
M. Bruno Le Maire, ministre. … dont il me semble pourtant qu’il n’y a pas beaucoup de pratiquants dans cet hémicycle ! (Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain s’exclament.)
Monsieur Richard Yung, je partage totalement votre analyse de cette opération. (Exclamations et applaudissements ironiques sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Marc Daunis. C’est un converti !
M. Fabien Gay. Cela s’appelle jouer la montre !
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Vincent Capo-Canellas, je vous remercie de votre analyse. Je veux insister sur un point majeur que vous avez souligné : l’apport du Sénat sur la régulation. Le texte qui vous est proposé aujourd’hui est très différent de celui qui est entré en commission au Sénat. Il comporte en effet une consolidation du contrat de régulation économique, le CRE, un renforcement très significatif de l’Autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires, l’ASI, ainsi qu’une clause de révision du cahier des charges tous les dix ans. Ces trois avancées de la régulation ont été proposées par le Sénat.
M. Gérard Longuet. Absolument. Bravo à M. Jean-François Husson, notre rapporteur !
M. Bruno Le Maire, ministre. Si vous souhaitez en introduire d’autres, sachez que je suis ouvert à tout ce qui va dans le sens du renforcement de la régulation et de la sécurité de nos concitoyens.
Il vous revient de choisir le texte que vous voulez ou non voir sortir du Sénat. Nous pouvons nous opposer frontalement, et l’on sait très bien alors ce qu’il adviendra de cette opération et dans quelles conditions elle sera adoptée (Exclamations sur quelques travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), ou, au contraire, essayer d’améliorer le texte qui est entré au Sénat. Je préfère cette seconde option (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) et c’est avec cette attitude que je me présente à vous aujourd’hui et que je réponds à vos questions.
Madame Éliane Assassi, vous avez évoqué le Charles-de-Gaulle Express. C’est une autre problématique. Pour moi, il est indispensable de doter Paris et la métropole parisienne de cette liaison directe entre la gare de l’Est et l’aéroport Charles-de-Gaulle. Je considère également qu’il s’agit d’une valorisation de cet actif. Nous aurons l’occasion d’en discuter, mais cette infrastructure me semble utile.
Mme Éliane Assassi. Personne n’en veut.
M. Fabien Gay. Et le RER B ?
M. Bruno Le Maire, ministre. L’un n’est pas exclusif de l’autre, même si la question des délais est un débat différent. (M. Rachid Temal s’exclame.)
M. Fabien Gay. Tiens donc. Vous devriez essayer de prendre le RER B tous les matins !
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Yves Daudigny, je ne reviens pas sur la comparaison entre les autoroutes et leurs péages et les aéroports, j’ai déjà fait valoir suffisamment d’arguments à ce sujet.
Vous soulignez que la Cour des comptes a noté que, pour les aéroports de Toulouse, Lyon et Nice, il n’y avait pas eu d’inflexion majeure. C’est la preuve que les changements dans la structure du capital ne modifient pas la gestion stratégique des aéroports. Il n’y a donc aucun motif particulier d’inquiétude, sans compter que les opérations sur les aéroports de Toulouse, Lyon et Nice n’étaient pas entourées des mêmes garanties que celles que nous apportons aujourd’hui. (M. Marc Daunis s’exclame.)
Je ne reviens pas, monsieur François Bonhomme, sur la comparaison avec Toulouse et les autoroutes. J’ai suffisamment répondu sur ce point.
Monsieur Philippe Dominati, vous avez évoqué la question du foncier. ADP contrôle, au total, 6 990 hectares de terrains, dont 1 310 hectares d’immobilier et une réserve foncière de 411 hectares. Je veux simplement vous assurer que, au titre du cahier des charges, que vous avez proposé de revoir tous les dix ans, il est prévu que toute modification de l’utilisation et de l’usage de ce foncier non encore bâti nécessite l’accord de l’État. C’est un vrai sujet que vous avez soulevé, mais il n’y a pas lieu d’être inquiet puisque les investissements nécessaires se feront avec l’accord de l’État.
Deuxième point, sur lequel je veux de nouveau insister : aujourd’hui, ces 6 990 hectares appartiennent pour moitié à l’État et pour moitié à des actionnaires privés ; dans soixante-dix ans, ils seront intégralement à l’État. (M. Rachid Temal s’exclame.) C’est un changement de donne significatif dans l’opération que nous vous proposons.
Madame Cathy Apourceau-Poly, vous m’avez demandé le cahier des charges : je vous ai indiqué que ce document, qui a été remis à M. Husson il y a quelques jours, vous sera transmis.
Mme Cécile Cukierman semble également être partie. C’est dommage, parce que je conteste absolument le raccourci qu’elle a fait entre les privatisations et la montée du Front national. J’ai rarement entendu cet argument, c’est le mérite du débat parlementaire, mais je ne vois absolument aucun lien entre privatisations et montée du Front national.
En revanche, je vois un lien direct entre la désindustrialisation de notre pays et la montée des extrêmes. Or la meilleure façon de lutter contre la désindustrialisation, c’est d’innover dans les technologies d’avenir et d’avoir un fonds de financement des innovations de rupture qui permette à nos industries d’être à la pointe des technologies qui créeront des emplois demain. Si vous voulez lutter contre la désindustrialisation, soutenez le fonds pour l’innovation de rupture et l’opération qui vous est soumise aujourd’hui !
Monsieur Pascal Savoldelli, vous considérez que cette opération est anticonstitutionnelle. Ce n’est pas l’avis du Conseil d’État, lequel a estimé qu’Aéroports de Paris n’était pas un monopole naturel et n’avait pas vocation à être un service public national. Il y aura des recours, c’est légitime, et le Conseil constitutionnel tranchera, mais nous nous sommes fondés sur l’avis juridique du Conseil d’État, qui me semblait être le mieux placé en la matière.
Madame Sophie Primas, vous avez posé des questions essentielles. Cette opération peut se faire selon différentes modalités : la première est une cession en un bloc qui, s’il dépassait 30 % du capital, appellerait, selon le droit boursier, une offre publique d’achat, une OPA ; la deuxième est une cession par blocs avec des appels d’offres ; enfin, la troisième est que l’État conserve une participation dans Aéroports de Paris, à un niveau qui reste à définir. Rien n’a été tranché sur les modalités de cette opération et j’attends de nos débats qu’ils permettent de nous éclairer sur ce que les parlementaires jugent le plus pertinent en matière de cession des actifs de l’État.
Mme Sophie Primas. La voie est là !
M. Bruno Le Maire, ministre. Vous êtes devant un choix très simple : une opposition en bloc ou la construction d’une opération qui réponde davantage à vos souhaits et à vos évaluations. Là est le débat qui s’offre à nous aujourd’hui. Je le répète, je préfère de loin la seconde option, celle qui nous donne la possibilité de définir ensemble les garanties supplémentaires que vous souhaitez et qui me permet de vous entendre au sujet des modalités selon lesquelles se réaliserait cette opération. Ce choix est souverain et n’appartient qu’à vous, je vous dis ma disponibilité pour élaborer un processus qui corresponde le plus possible à vos objectifs.
J’ai déjà répondu sur la double caisse.
Je suis ouvert à une prise de participation des départements franciliens dans cette cession d’actifs de l’État dans Aéroports de Paris. J’irai même plus loin, je suis ouvert à ce que la région Île-de-France soit représentée comme censeur au conseil d’administration d’Aéroports de Paris après l’opération.
En résumé, et je terminerai par les trois dernières questions qui m’ont été posées, mais en rebondissant sur la question de Mme Primas, je vous propose donc que nous discutions des modalités de cession,…
Mme Éliane Assassi. Vous auriez dû le faire dès octobre !
M. Bruno Le Maire, ministre. … que nous renforcions les garanties sur le contrat de régulation économique, sur l’autorité indépendante et sur le cahier des charges et, enfin, que les collectivités locales d’Île-de-France participent et que la région Île-de-France soit représentée intuitu personae comme censeur au conseil d’administration de la nouvelle entité Aéroports de Paris.
Ces gestes d’ouverture me semblent être de nature à permettre de bâtir avec vous une solution commune.
Monsieur Pierre Laurent, vous me dites que les arguments que j’ai avancés étaient trop légers, je pense vous avoir convaincu, juste avant le dîner, qu’ils pouvaient être un peu lourds quand c’était nécessaire ! (Sourires sur les travées du groupe Union Centriste.)
Monsieur Claude Bérit-Débat, j’ai déjà répondu sur l’exemple des autoroutes.
Madame Christine Lavarde, la question des investissements d’avenir est très importante. Nous manquons de fonds pour des recherches sur des technologies très pointues et très sensibles sur lesquelles il faut investir, parfois pendant des années et des années à fonds perdus.
Je pense, par exemple, à un projet de financement, par ce fonds pour l’innovation de rupture, d’une étude sur le biais de sélection des algorithmes, qui est un sujet démocratique fondamental. Vous regardez votre iPhone et vous voyez des alertes de presse. Pourquoi telle information est-elle sélectionnée plutôt que telle autre ? Comment l’algorithme a-t-il choisi de vous faire parvenir telle information plutôt que telle autre ? Pourquoi tel relais d’opinion va-t-il arriver chez tel citoyen, plutôt que tel autre ?
Nous le constatons à la faveur de la crise des « gilets jaunes », le choix de l’information qui parvient au citoyen est tout sauf anodin. Travailler sur les biais de sélection des algorithmes est fondamental pour notre démocratie, mais n’est rentable pour aucune entreprise. C’est pourquoi nous avons décidé de faire financer cela par le fonds pour l’innovation de rupture. Les programmes d’investissements d’avenir ne correspondent pas à ce type de recherches, qui sont plus pointues, plus difficiles, mais pas moins essentielles pour l’avenir de notre pays.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je voulais apporter à vos questions sur cette opération, que j’aborde avec un esprit d’ouverture. Je crois fondamentalement que cette cession d’actifs de l’État est l’occasion de redéfinir clairement les rôles respectifs de l’État et de l’entreprise dans notre société. Notre nation a besoin d’un État qui nous protège, qui investisse dans l’innovation, dans la technologie, dans la recherche. C’est également ce qui vous est proposé ici. dans cette opération. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Maryse Carrère applaudit également.)
Rappel au règlement
M. Gérard Longuet. Je suis attristé, pour le travail du Sénat, que la seule personne qui n’ait pas pu s’exprimer jusqu’au bout fût notre rapporteur, qui a travaillé sur ce sujet et qui, au terme des deux minutes trente qui lui étaient allouées, a été contraint de reporter son explication. (Mme Anne Chain-Larché applaudit.)
Beaucoup d’entre nous, qui ne connaissent pas le sujet parce qu’ils n’appartiennent pas à la commission, mais qui ont des idées assez arrêtées sur l’économie en général, sur les infrastructures, sur leur détention et leur propriété, auraient aimé pouvoir entendre notre rapporteur.
Je remercie le groupe communiste républicain citoyen et écologiste dont presque tous les membres se sont exprimés et je remercie le ministre de leur avoir répondu.
Une bonne partie des membres du groupe socialiste et républicain s’est exprimée.
Dans notre majorité sénatoriale, ceux qui ont des réserves sur ce projet ont pu les exprimer, c’est bien normal, mais celui qui porte notre message n’a pas pu s’exprimer et ce n’est pas tout à fait normal. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Martial Bourquin et Mme Maryse Carrère applaudissent également.)
Mme la présidente. Monsieur Longuet, il faudrait pour cela revoir notre règlement, que j’essaie tant bien que mal d’appliquer et de faire respecter afin que nous puissions continuer à examiner le texte et que chacun puisse prendre la parole dans les limites de temps imposées.
M. le ministre s’est exprimé longuement pour répondre à toutes les questions parce que le règlement l’autorise à le faire sans limite de temps.
Voilà ce qui justifie que certains parlent peu et d’autres beaucoup. C’est l’application de notre règlement et, d’ailleurs, de la Constitution. Rien ne nous empêche de travailler pour changer cette situation.
Acte est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Article 44 (suite)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 177 rectifié est présenté par MM. Karoutchi et Allizard, Mme Berthet, MM. Bonhomme, Bonne, Brisson, Cambon, Charon, Chatillon et Chevrollier, Mme Ramond, MM. Cuypers, Darnaud et Daubresse, Mme de Cidrac, MM. de Legge et de Nicolaÿ, Mmes Deromedi et Deseyne, M. P. Dominati, Mme Dumas, MM. Ginesta, Gremillet, Grosdidier, Houpert, Kennel et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Lherbier, Malet et M. Mercier, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Panunzi et Pellevat, Mme Procaccia et MM. Regnard, Revet, Sido, Vaspart, Vial et Segouin.
L’amendement n° 224 rectifié est présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, M. Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 348 rectifié bis est présenté par M. Hugonet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Cardoux et Danesi, Mme Lopez et MM. Paccaud, Retailleau, Mandelli, Mouiller et Piednoir.
L’amendement n° 393 rectifié est présenté par M. M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande, Tourenne et Jacquin, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, MM. Kanner et Assouline, Mme de la Gontrie, MM. Féraud, Iacovelli et Jomier, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Roger, Éblé, Courteau, Antiste et Fichet, Mme Bonnefoy, M. Duran, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° 177 rectifié.
M. Roger Karoutchi. Je vous confirme, madame la présidente, qu’il faudra préciser le règlement.
Mme la présidente. Tout à fait.
M. Roger Karoutchi. Je ne vais pas reprendre tous les arguments qui ont été avancés de manière assez répétitive depuis deux heures. Je ne suis un fanatique ni de l’entreprise publique ni de la privatisation, tout se discute selon les moments, la vie de l’entreprise et les besoins de l’État.
Toutefois, Aéroports de Paris est une entreprise publique en situation de monopole qui marche bien, qui fait des bénéfices, qui investit et qui a beaucoup changé la donne des aéroports franciliens. Elle a beaucoup travaillé avec les collectivités, avec la région, avec les départements et a bénéficié de nombreux aménagements, routiers, ferroviaires et de transport public, réalisés par ces collectivités.
Elle ne s’était jamais plainte jusqu’à présent d’une incapacité à faire.
Je passe sur le fonds d’innovation : 250 millions d’euros, cela représente, certes, une somme importante, mais un redéploiement de la dépense publique devrait permettre de la dégager.
En réalité, vous nous dites vous-même qu’il faut éponger la dette. Tout cela est extrêmement inquiétant.
Je comprends une privatisation quand une entreprise publique ne marche pas et ne peut pas marcher tant qu’elle est tenue par les règles publiques. En l’occurrence, vous nous dites que sur tous les sujets, la sécurité, le personnel, etc., ces règles seront maintenues. Dès lors, pourquoi privatiser ?
Vous nous indiquez qu’il ne s’agit pas d’une privatisation, mais enfin, monsieur le ministre, je vous connais, vous avez le sens de l’État : nous parlons de soixante-dix ans. Pouvez-vous nous dire qui sera au Gouvernement dans cinq ans, dans dix ans, dans vingt ans ? Quelle conception aura-t-il d’une entreprise concédée ? Comment tout cela sera-t-il géré ?
C’est une entreprise stratégique qui fonctionne, gardez-là ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 224 rectifié.
M. Fabien Gay. Tous les arguments ont déjà été évoqués, notre collègue Roger Karoutchi vient de le dire. Monsieur le ministre, vous n’avez pas tout à fait répondu sur un point, et je repars de la motion tendant à opposer la question préalable mais aussi de la question posée notamment par Mme Sophie Primas : souhaitez-vous une vente en bloc ou en lots ? Il me semble extrêmement important que vous nous le disiez, parce que la question qui est sur la table est la suivante : Vinci veut-il racheter les parts ?
Nous devons nous dire les choses franchement. Vinci va être indemnisé comme actionnaire minoritaire, mais également pour Notre-Dame-des-Landes, et les parlementaires que nous sommes, ainsi que les Françaises et les Français et les salariés d’ADP ont le droit de savoir si l’on va céder 50 % d’ADP grâce à l’argent public des indemnisations. Si telle est votre volonté, il faut le dire maintenant.
Enfin, madame la présidente de la commission spéciale a posé la question de la commission mixte paritaire. C’est important, parce qu’il y a six mois, nous n’étions pas dans la même situation politique qu’aujourd’hui. Pierre Laurent l’a rappelé, les critiques de cette privatisation émanent de l’ensemble des travées du Sénat, gauche et droite confondues. Si nous faisons ensemble le choix de refuser cette privatisation, monsieur le ministre, dans le contexte politique actuel, vous devrez entendre la voix du Sénat. En effet, il serait assez fou que lors de la commission mixte paritaire vous reveniez à cette privatisation. En effet, dans les temps que nous vivons, nos compatriotes trouveraient scandaleux que l’on passe outre la voix du Sénat, y compris pour privatiser ADP et confier 50 % de son capital à Vinci.
Vous le dites souvent : ne faisons pas peur aux uns et aux autres. Chacun est assez grand pour voter en son âme et conscience. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour présenter l’amendement n° 348 rectifié bis.
M. Jean-Raymond Hugonet. J’ai déposé cet amendement de suppression pour trois raisons principales : la première est financière, la deuxième est politique et la troisième est environnementale – je la développerai un peu plus parce que personne n’en a parlé et que je suis en quelque sorte le régional de l’étape, une partie de la plateforme aéroportuaire d’Orly se situant en Essonne.
La raison financière est très claire ; mes collègues, sur toutes les travées, l’ont exposée quasiment à l’unisson. Le précédent des autoroutes – je vous sais gré de l’avoir admis, monsieur le ministre, car c’est en reconnaissant ses erreurs qu’on avance – a laissé de nombreuses traces dans les mémoires. Et je ne reviens pas sur la vente de la branche énergie d’Alstom à General Electric, dans les conditions que nous connaissons.
Sur le plan politique, comme Sophie Taillé-Polian l’a fait observer, proposer la privatisation d’ADP dans le cadre d’un projet de loi fourre-tout et en plein marasme politique et social est malvenu. La question des privatisations – celui qui le dit est plutôt un libéral – doit clairement être traitée de manière indépendante.
S’agissant enfin de la raison environnementale, après vingt ans de mandats locaux à être pris en sandwich entre Aéroports de Paris et la DGAC pour des histoires de survol peut-être relativement méconnues dans cet hémicycle, mais parfaitement connues des Franciliens, je sais, monsieur le ministre, que quand on perd la main dans ce genre d’opérations, on a beau prévoir tous les contrats et toutes les clauses de revoyure que l’on veut, on la perd définitivement. (Mmes Laurence Cohen et Céline Brulin opinent.)
Voilà pourquoi cet hémicycle, à une large majorité, s’oppose très clairement à la privatisation ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour présenter l’amendement n° 393 rectifié.
M. Martial Bourquin. De nombreux arguments ont déjà été présentés, mais une question n’a pas été abordée : l’avis des compagnies aériennes, qu’elles ont fait connaître par la voix de M. de Juniac.
Les compagnies préféreraient que l’aéroport reste public. Pourquoi ? Parce que, chaque fois qu’il y a privatisation, il y a hausse des tarifs. Or, à terme, cela risque de mettre en difficulté certaines d’entre elles, notamment Air France. Cet enjeu est suffisamment important pour être mis au débat. J’insiste : c’est l’association des compagnies aériennes qui a pris position, nettement, sur la question.
Je sais bien, monsieur le ministre, que Vinci n’a pas eu Notre-Dame-des-Landes,…
Mme Françoise Férat. Nous y voilà !
M. Martial Bourquin. … mais ce n’est pas une raison pour lui faire un cadeau avec ADP ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Ce serait un cadeau trop royal : on n’a pas le droit de faire cela, dans l’intérêt national !
Monsieur le ministre, vous avez soutenu que de nombreux aéroports dans le monde sont privés. J’ai sous les yeux la liste exhaustive des aéroports : les plus grands sont tous publics !
M. Fabien Gay. Ils sont publics à 57 % !
M. Martial Bourquin. En effet, mon cher collègue : 57 % d’entre eux sont publics. En Europe aussi, en grande majorité, les aéroports sont publics.
Le groupe ADP a prouvé sa capacité à être une grande entreprise publique, une entreprise qui compte dans le monde des affaires : il a créé des aéroports dans le monde entier et rapporte à l’État des dividendes importants, que nous serons bien contents d’avoir à l’avenir.
Monsieur le ministre, vous vous êtes interrogé : est-ce notre rôle de percevoir des dividendes ? Bien sûr que oui ! Toute la question est de savoir ce que l’on fait de ces dividendes. Les affecte-t-on à l’investissement productif ? Et heureusement que nous percevons des dividendes : si nous nous mettons à les refuser, la dette va exploser !
Si vous voulez un vrai débat, monsieur le ministre, ne dites pas que le Sénat ne sert qu’à aménager le texte de l’Assemblée nationale. Vous pourriez demander au Président de la République le report de cette question, pour qu’un débat beaucoup plus approfondi puisse avoir lieu. Retirer la privatisation d’ADP du projet de loi PACTE, voilà qui traduirait une réelle conception du débat !
Cet après-midi, nous avons un vrai débat. Faisons en sorte que la chambre haute soit écoutée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. La commission spéciale a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat, pour que le débat ait lieu en séance.
Je me réjouis que de nombreux points de vue soient exposés, même si je trouve certaines positions un peu excessives. Quand je considère la situation de la France, il me semble que, nous qui avons à peu près tous gouverné au cours des vingt dernières années, nous avons tous quelques reproches à nous faire. D’ailleurs, les Français ne manquent pas de nous le dire…
Quand j’ai commencé à travailler sur ce dossier, j’avais un a priori plutôt négatif, eu égard notamment au précédent des autoroutes. J’étais contre leur privatisation à l’époque – sans être parlementaire –, et les faits m’ont plutôt donné raison.
Au fur et à mesure des auditions, je me suis efforcé de m’emparer du contenu du texte, mais aussi d’apprécier, de juger, car tel est, je crois, le rôle des parlementaires. À l’heure où les Français s’interrogent à voix haute, voire vertement, sur le bicamérisme, disant qu’il faut dépoussiérer les institutions, que le Sénat est inutile et coûte cher, parce que je crois l’inverse, j’ai eu à cœur que notre assemblée aille au fond des choses.
C’est Augustin de Romanet, lors de sa première audition – tenue pendant l’examen du projet de loi de finances, de sorte qu’un seul collègue m’accompagnait –, qui m’a amené à réfléchir. Par exemple, je ne souscris pas du tout à la formule de la double caisse dont M. le ministre a parlé. La commission spéciale propose à la place un aménagement.
Voyez les autoroutes : coincé par un contrat blindé que les sociétés d’autoroutes appliquent avec force, le Gouvernement a cherché un moyen de faire plaisir – je le dis comme je le pense – aux automobilistes – en fait, à 1 million d’entre eux, ce qui est très peu. Cela passe par une offre commerciale des sociétés d’autoroutes, chargées d’entretenir le réseau routier. C’est exactement la même logique.
Dans la vie économique, l’offre crée le besoin. Si un aéroport fonctionne bien, que les activités de services et de commerce sont profitables, il est logique que, en cas de besoin, une participation soit versée.
Pour finir, j’insisterai sur mon attachement à la régulation ; quand on est plutôt ouvert sur la société d’entreprises et le libéralisme, c’est important. Il ne faut pas de libéralisme sauvage !
Parce qu’un cadre d’action est nécessaire, nous nous sommes attachés à donner un rôle plus important à l’État et à mettre en place des outils de régulation, comme on nous l’avait demandé lors des auditions. Ainsi, Air France a réclamé une régulation, et ce que nous proposons répond presque complètement à ses souhaits, comme le nouveau président-directeur général l’a reconnu au cours d’une audition.
Mes chers collègues, je n’ai pas d’intérêt personnel dans cette affaire. Notre intérêt est de démontrer qu’une assemblée comme la nôtre a un rôle important à jouer dans le fonctionnement d’une démocratie, notamment quand celle-ci est attachée au travail de ses parlementaires ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Il est défavorable.
D’abord, le débat a permis d’écarter des comparaisons infondées. Ainsi, tel est le cas de la comparaison entre la cession des autoroutes et celle des actifs de l’État dans Aéroports de Paris.
Ensuite, il a montré que nous vous proposons une opération originale, dans laquelle toutes les garanties d’encadrement par l’État sont apportées.
En effet, le contrat de régulation économique définit les tarifs aéroportuaires sous le contrôle de l’État, ce qui, monsieur Bourquin, rassurera les compagnies aériennes, que la situation actuelle ne tranquillise pas. L’autorité de régulation indépendante est renforcée, et le cahier des charges qui encadre l’opération sera revu tous les dix ans. Enfin, il est garanti que cet actif, que vous jugez stratégique, reviendra dans soixante-dix ans dans le giron de l’État, alors que si le statu quo est maintenu, il resterait à 49,6 % la possession d’acteurs privés. (M. Rachid Temal s’exclame.)
D’autre part, mesdames, messieurs les sénateurs, demandons-nous quels sont aujourd’hui les défis auxquels nous sommes confrontés.
Le premier de ces défis, c’est l’innovation et la souveraineté technologique. Voulons-nous que, dans vingt-cinq ans, nos enfants vivent dans une société où les technologies clés de l’intelligence artificielle, du stockage des données, de la voiture autonome ou de la batterie électrique seront françaises et européennes, ou abandonnons-nous ce combat ? Et nous répondons à ce défi dans ce projet de loi,…
M. Marc Daunis. Avec 250 millions d’euros, vraiment ?
M. Bruno Le Maire, ministre. … en redéfinissant les rôles respectifs de l’État et de l’entreprise dans la société française. Je l’assume : à mes yeux, le rôle de l’État n’est pas de gérer à 73 % le développement international d’Aéroports de Paris, des boutiques ou des hôtels. Le rôle de l’État est de garantir la sécurité de nos frontières et d’investir dans l’avenir de nos enfants.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous approuvez la cession des actifs de l’État dans Aéroports de Paris, vous permettrez à l’État de se concentrer sur ses missions essentielles, la protection des Français et l’investissement dans l’avenir de nos enfants, et vous laisserez à un opérateur privé, sous le contrôle étroit de l’État, le soin de développer nos infrastructures aéroportuaires !
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Après avoir écouté patiemment tous les éléments du débat, j’en évoquerai deux dont il n’a pas été question, après être revenu rapidement sur un troisième abordé une seule fois, par François Bonhomme.
Avec lui, je m’étonne qu’une matière aussi importante soit traitée par notre assemblée, en deux heures, à la faveur de l’examen d’une demi-poignée d’articles, de surcroît dans le cadre de la discussion d’un projet de loi faisant l’objet de la procédure accélérée. Si l’on avait voulu faire un travail de fond et convaincre les sénatrices et les sénateurs, il aurait fallu consacrer un peu de temps à cette question qui aurait dû faire l’objet d’un texte en soi.
Je veux surtout vous parler, mes chers collègues, de personnes ignorées jusqu’à présent : les riverains, ceux qui vivent sous les trajectoires des aéronefs.
On tient pour acquis que la fréquentation des aéroports va augmenter considérablement : j’avais en tête que le nombre de passagers à Roissy pourrait passer de 72 à 110 millions, une hausse déjà très importante – 40 % environ –, et voilà qu’on évoque maintenant un doublement. Vous rendez-vous compte de ce que cela représente pour les riverains ?
Je trouve particulièrement malvenu de débattre de la privatisation des aéroports, en particulier de Roissy-Charles-de-Gaulle, avec une telle perspective d’augmentation du trafic, alors même qu’une procédure de concertation vient juste de commencer pour la construction d’un quatrième terminal, qui conditionnera cette hausse. C’est se moquer des habitants qui auront à subir une augmentation considérable des nuisances que de délibérer sur une privatisation sans avoir recueilli leur avis sur la perspective de hausse du trafic !
Enfin, on nous parle d’un désendettement à hauteur de 10 milliards d’euros. Un peu gros, alors qu’on vient de nous proposer un budget en déficit de 100 milliards d’euros, déficit que le Président de la République a aggravé de 10 à 12 milliards d’euros en treize minutes par un beau soir de décembre… (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) D’un point de vue comptable, certes, il y a désendettement via quelques ressources, mais, franchement, il n’est pas très sérieux d’utiliser cet argument quand on aggrave la dette de 110 milliards d’euros tous les ans !
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Arnaud Bazin. Je terminerai en saluant le travail du rapporteur, qui a essayé d’améliorer le texte. Le dilemme, nous le connaissons tous : plus que sur les enjeux d’amélioration, je pense qu’il nous faut nous prononcer sur le fond.
Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Je remercie M. le ministre de sa leçon de libéralisme : au moins, il assume le choix idéologique qu’est cette privatisation !
S’agissant du fonds d’innovation, 250 millions d’euros représentent deux années de dividendes d’Aéroports de Paris. Sans compter qu’avec les recettes d’un ISF rétabli, on pourrait alimenter de nombreux fonds d’innovation… Il faut lever les recettes là où l’on peut les dégager ! Ce n’est pas le choix du Gouvernement.
Sur le désendettement de l’État, je rejoins M. Bazin. Ce qu’on vient de nous raconter pendant une demi-heure, c’est une fable, une histoire pour enfants !
Quant à l’argument du champion, je rappelle qu’Aéroports de Paris est déjà un champion mondial : c’est même la première entreprise dans le domaine de la conception, de la réalisation et de la gestion d’aéroports. Depuis quelques mois, l’aéroport de Hong Kong est de nouveau géré par ADP : preuve qu’il n’y a pas de problème de développement.
En outre, les utilisateurs, c’est-à-dire les compagnies aériennes, sont opposés à la privatisation. Ainsi, l’AITA, l’association qui les regroupe, a présenté une étude sur les six aéroports les plus efficaces en termes de services : cinq sont publics ! Une gestion publique est donc capable de fournir un service de grande qualité, pour les compagnies comme pour les passagers, sans oublier les riverains.
Comme M. Bazin, je représente le Val-d’Oise, où se trouve Roissy. En matière de prévention du bruit, nous qui avons les avions qui passent au-dessus de nos têtes, nous préférons avoir pour interlocuteur l’État. Je crois plus en la parole de l’État qu’en celle d’une société, car personne ne nous garantit l’absence de toute pression pour augmenter le nombre de vols.
La volonté de privatiser est, en réalité, idéologique. Monsieur le ministre, vous êtes en train de nous faire payer deux additions : votre décision de ne pas réaliser Notre-Dame-des-Landes et votre politique économique et sociale, que vous proposez de financer, encore une fois, en vendant les bijoux de famille ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour explication de vote.
Mme Nelly Tocqueville. Je reviendrai sur un enjeu évoqué par Martial Bourquin et qui n’a pas beaucoup attiré l’attention : les conséquences de la privatisation d’ADP pour notre compagnie nationale, Air France, lesquelles plaident pour la suppression de l’article 44.
Pour que l’État puisse vendre ADP à un très bon prix, il faut qu’il puisse faire espérer au futur acquéreur privé des résultats en croissance. Pour cela, il faudrait qu’il dérégule les redevances aéroportuaires qu’il fixe aux compagnies aériennes et aux passagers. Or s’il acceptait d’augmenter ces taxes, Air France pourrait en souffrir, puisque quasiment tout son trafic passe par les aéroports parisiens.
Ainsi, l’alternative est simple : soit l’État continue à réguler l’augmentation des redevances, au risque de faire une mauvaise opération en vendant à bas prix ; soit il lâche du lest, mais ce sont les passagers et Air France qui en souffriront.
De plus, lors de son audition par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, M. Benjamin Smith, nommé directeur général d’Air France en août dernier, a exprimé une réserve et une inquiétude polies – je pense qu’il ne pouvait pas faire autrement – au sujet de la perspective de privatisation, à laquelle Alexandre de Juniac était fortement opposé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Je voterai les amendements identiques de suppression, car je suis contre la privatisation d’ADP.
À mon sens, on ne doit pas permettre à une entreprise privée d’exercer un monopole sur une infrastructure stratégique. Les infrastructures stratégiques, comme les ports maritimes, certains aérodromes civils et les sites de production, de réseau et de distribution d’énergie électrique, doivent demeurer incessibles. En effet, il paraît logique et responsable de garder la main sur ce qui est d’un intérêt national supérieur, car c’est une question de souveraineté.
C’est un principe de base, un principe fort, un principe républicain : la finance ne peut pas prévaloir sur tout !
Permettez-moi de souligner une conséquence de la privatisation des autoroutes pour vous donner un exemple concret de ce que signifie perdre la main, mes chers collègues.
Nous avons voté, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, la gratuité des péages d’autoroute pour les véhicules d’intérêt général prioritaires en opération, c’est-à-dire les véhicules de police, de gendarmerie, de pompiers et du SAMU, notamment. Le décret d’application n’ayant pas été publié, j’ai posé une question écrite sur le sujet.
Voici ce qui m’a été répondu : « L’exonération de péage pour les véhicules d’intérêt général prioritaires en opération constitue une rupture d’égalité des usagers devant le péage. […] Il s’agit, pour les sociétés concessionnaires, d’une charge nouvelle qui leur est imposée et pour laquelle elles ne pourraient être compensées par une hausse des tarifs de péage. […] Les sociétés concessionnaires pourraient donc se prévaloir d’un préjudice devant le juge du contrat, comme elles l’ont déjà indiqué à l’État. »
Les pertes de recettes pour les sociétés concessionnaires, qui devraient être indemnisées sur fonds publics, étant estimées à plusieurs dizaines de millions d’euros, le décret ne sera jamais publié. Bref, nous avons voté dans la loi une mesure de gratuité qui ne pourra pas être appliquée. Voilà à quels effets pervers conduit la privatisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, puisque je suis saisie de nouvelles demandes de parole, je vous préviens que je suspendrai la séance à vingt heures quarante-cinq. Si les différents orateurs veulent bien faire un effort de concision, le scrutin public sur les amendements identiques pourra se tenir avant la suspension de nos travaux.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ce serait en effet préférable.
Mme la présidente. Dans le cas contraire, le scrutin devra être reporté à la reprise de la séance.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je vais essayer d’être concise, madame la présidente.
Monsieur le rapporteur, je veux vous rassurer : je trouve que nous jouons très bien notre rôle de parlementaires en ayant ce débat de fond sur les dangers de la privatisation. Je me réjouis que, sur toutes les travées, nous avancions des arguments communs pour combattre la privatisation d’ADP.
Monsieur le ministre, vous prétendez que nos arguments relatifs aux dividendes seraient erronés et nous assurez que, dans soixante-dix ans, l’État récupérera la mise. Ainsi qu’on vous l’a déjà demandé, pourquoi n’utilisez-vous pas les dividendes pour le financement de l’innovation, puisque tel est, selon vous, le but de la privatisation ?
Les parlementaires que nous sommes ne sont pas seuls à trouver qu’il n’est pas bon de privatiser. Puisqu’on parle beaucoup de la Cour des comptes, voici ce qu’elle écrit sur le sujet : « Les aéroports […] se sont révélés être des actifs profitables pour les court, moyen et long termes, et des investissements peu risqués, compte tenu de la conjoncture et des perspectives favorables du trafic aérien. » Tout cela plaide pour que l’État ne se désengage pas.
De plus, privatiser ADP serait prendre des risques en matière d’emploi. Songez qu’ADP représente 5 % du PIB régional, 1,4 % du PIB national et 8 % de l’emploi salarié francilien, emplois directs et induits confondus.
L’augmentation du trafic aérien et du nombre de passagers devrait impliquer un renforcement des métiers d’ADP. Or, aujourd’hui, les salariés et leurs syndicats dénoncent une envolée de la sous-traitance et une perte de salaire et d’emplois, notamment des départs à la retraite non remplacés. Ils craignent à juste titre que la privatisation n’aggrave leurs conditions de vie et de travail.
Enfin, élue du Val-de-Marne, je veux parler aussi d’environnement : pense-t-on vraiment que la privatisation d’ADP aidera les riverains ?
Mme la présidente. Ma chère collègue, vous avez épuisé votre temps de parole.
Mme Laurence Cohen. Pas tout à fait, madame la présidente : il me reste de quoi ajouter que je pense à la limitation annuelle des mouvements et au couvre-feu à Orly.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Monsieur le ministre, je n’ai pas été convaincu par vos arguments et je regrette que le débat ait été un peu pris à l’envers.
Ainsi donc, la motivation première qui devrait nous conduire à privatiser serait le financement d’un fonds d’investissement au service de l’innovation. Même si l’objectif est louable, on est dans une logique d’opportunité.
Il aurait été préférable de débattre de la vision stratégique du transport aérien et de l’avenir des plateformes aéroportuaires : est-on dans un modèle de gigantisme comme à Istanbul, où va être construit le plus grand aéroport du monde ? Va-t-on, pendant soixante-dix ans, perdre la main sur la plateforme aéroportuaire ? Arrivera-t-on à un modèle d’aéroport pivot, et avec quelle organisation et quelles complémentarités en matière de plateformes aéroportuaires à l’échelon national ?
Un certain nombre d’États sont en train de reprendre la main. Ainsi, au Canada, le gouvernement Trudeau a ajourné l’examen d’une éventuelle privatisation des aéroports. En Australie et en Nouvelle-Zélande, des débats sur la privatisation des aéroports ont également lieu.
Enfin, comme l’a souligné Rachid Temal voilà quelques instants, les aéroports les plus performants au monde, ceux de Hong Kong, Séoul, Singapour, Dubaï et Amsterdam-Schiphol, sont sous gestion publique. Preuve que, dans un monde en pleine évolution où le transport aérien va exploser dans les années qui viennent, une prise en main de la part de l’État est nécessaire ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, vous nous avez tous renvoyés à nos responsabilités. Il est vrai que tout le monde n’a pas connu une évolution idéologique aussi rapide que la vôtre… (Sourires.) C’est peut-être cela qui a joué en notre défaveur !
Sur le désendettement, tout a été dit : beaucoup d’autres solutions existaient, et celle que vous choisissez, la privatisation, est sous-optimale.
En ce qui concerne le fonds pour l’innovation de rupture, pensez-vous sérieusement que 250 millions d’euros permettront de concurrencer, par exemple, les recherches d’Alphabet, la maison-mère de Google, sur l’intelligence artificielle ? La solution ne serait-elle pas plutôt d’investir dans notre recherche publique, qui, au quotidien, fait déjà des travaux et des découvertes ? Mais encore faut-il y consacrer les moyens nécessaires.
Enfin, monsieur le ministre, je regrette encore une fois votre dogmatisme et votre manière de considérer que, de toute façon, le vote est acquis à l’Assemblée nationale, en sorte que nous, sénateurs, servons uniquement de variable d’ajustement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour explication de vote.
Mme Anne Chain-Larché. Nos discussions montrent que le Sénat a probablement plus d’ambition que le Gouvernement pour ADP !
Cette question aurait pu faire l’objet d’un projet de loi à part entière – l’animation de nos débats le montre –, mais ce que je regrette surtout, c’est le manque d’ambition du Gouvernement.
Au cours d’une audition de M. de Romanet, nous lui avons demandé si les investissements devant être réalisés pouvaient être financés par ADP. Il nous a répondu par l’affirmative.
Cette entreprise stratégique, de la plus haute importance pour notre pays aux yeux du monde entier, aurait pu faire l’objet d’une ambition particulière de la part de l’État.
Par ailleurs, pour ce qui concerne les Franciliens, quelles garanties pouvons-nous apporter s’agissant des spéculations foncières inévitables que l’on peut redouter sur les territoires alentour ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Premièrement, sur la méthode, je rejoins tout à fait le propos de mon collègue Longuet : ce sujet méritait une loi à lui seul. Comment notre rapporteur peut-il s’exprimer en deux minutes et demie sur un sujet aussi important ?
Monsieur le ministre, il serait peut-être temps que le Gouvernement veuille bien considérer que le Parlement est là pour légiférer, et pas simplement pour vous écouter… Cessez de nous présenter des textes qui n’en finissent plus, avec autant d’articles, car cela nous mène à des situations de confusion comme celle-ci !
Deuxièmement, je vous ai entendu nous dire votre préoccupation d’écouter le Sénat précédemment, et je vous en donne acte. C’est bien, mais, avec l’engagement de la procédure accélérée, quelles garanties nous apportez-vous ? Il n’y a pas de navette. Vous pouvez toujours nous dire que les apports de la commission spéciale sont intéressants, mais si vous voulez vraiment que le Sénat joue son rôle, il faut aller au fond des choses et permettre la navette.
Concernant le fond, vous nous expliquez que cette privatisation vise à préparer l’avenir parce qu’il faut investir. Vous seriez plus crédible, permettez-moi de le dire aussi simplement, si le budget de 2019 s’était traduit par une moindre dépense publique et une moindre augmentation de la dette.
Enfin, vous nous expliquez que cette privatisation revient à voir très loin. Je vous félicite, monsieur le ministre, vous voyez très loin, à soixante-dix ans. Songez simplement que, dans soixante-dix ans, vous n’aurez pas loin de cent vingt ans ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Ce n’est pas le jour et la nuit. L’important est d’avoir des équipes qui savent gérer correctement un aéroport stratégique tel que celui-là, qu’il soit privé, comme c’est le cas actuellement, ou aux mains d’un autre concessionnaire à l’avenir, par le biais d’une DSP.
Ce qui me chagrine, monsieur le ministre, c’est qu’il faut parvenir à équilibrer la DSP sur soixante-dix ans. Il peut y avoir des accidents d’avion – on ne les souhaite pas bien entendu –, des valises qui explosent. On va séparer l’activité cargo de l’activité passagers, prévoir des vols différents ; un autre gouvernement interdira les vols la nuit, et la DSP ne sera plus respectée ; il n’y aura plus d’équilibre. En plus, avec la double caisse, l’État continuera à payer pour parvenir à l’équilibre si jamais un drame survient, tandis que le concessionnaire privé continuera à toucher des dividendes.
M. Martial Bourquin. Voilà !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. En effet !
M. René-Paul Savary. L’existence même de la double caisse est une contre-indication à la privatisation.
Compte tenu de vos arguments, je voterai contre cette privatisation. (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Tout d’abord, je souhaite que le débat sur les conditions de cette cession du capital ait lieu. Aussi, je ne suis pas favorable aux amendements identiques de suppression. C’est faire œuvre législative, me semble-t-il, que de renforcer les conditions dans lesquelles l’État pourrait être amené à céder ses parts du capital.
Ensuite, le travail engagé par Jean-François Husson, la commission spéciale est considérable, et la position de M. le ministre a beaucoup évolué – je veux lui en donner acte et l’en remercier.
Jean-François Husson, le ministre et moi-même en tant que rapporteur de la commission des finances avions entamé le débat sur la question de la régulation. L’apport considérable du Sénat est attendu par toutes les compagnies aériennes, qui ont passé six mois à participer aux assises nationales du transport aérien. J’ai modestement été l’un des rapporteurs et l’un des présidents des groupes de travail en vue d’installer un régulateur. Le Sénat propose cette possibilité, que le ministre accepte : c’est un élément majeur. Or on en parle très peu. Je ne voudrais pas que cela passe à la trappe, car ce serait bien dommage. Les compagnies aériennes nous ont alertés, affirmant que, même dans le système actuel public, elles n’avaient pas de garanties, et qu’elles en auraient plus avec le système de demain.
On a beaucoup fait parler Alexandre de Juniac et Ben Smith.
Alexandre de Juniac, de l’Association internationale du transport aérien, IATA – International Air Transport Association – a simplement rappelé publiquement que, parfois, les pratiques du privé ne lui convenaient pas. Il est venu s’exprimer devant le groupe d’études Aviation civile que j’ai le plaisir de présider et dont beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, sont membres. Il a tenu des propos très clairs : si l’opération est privée, il faut bien l’encadrer. Il n’a pas dit : je refuse le privé. Nous avons passé une heure avec lui – nous étions sept ou huit – et nous avons eu une discussion extrêmement fouillée. Ne lui faisons donc pas dire des choses qu’il n’a pas forcément dites !
Concernant Ben Smith, une de mes collègues a cité ses propos. Mais alors, il faut aller jusqu’au bout de la citation. Il a indiqué devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable – l’audition était publique – qu’il invitait le Sénat à encadrer cette privatisation et à installer un régulateur fort. Il l’a dit tel quel. J’ai posé la question pour en avoir le cœur, et sa réponse figure au compte rendu. Les choses sont donc très claires.
Pour conclure, je veux indiquer que nous sommes même allés plus loin que ce que le ministre souhaitait puisque, comme le rapporteur l’a dit, un amendement relatif à la double caisse a été adopté par la commission spéciale, afin d’aménager celle-ci en faisant en sorte qu’une partie des profits des commerces finance les travaux d’infrastructures. Voilà pourquoi je désire que le débat ait lieu.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. L’État a besoin de capitaux pour développer et moderniser ADP, car le nombre de passagers va doubler en vingt ans. La commission spéciale et le ministre nous ont rassurés en garantissant le contrôle de l’État.
Le travail de la commission spéciale a été fructueux dans la mesure où le cahier des charges de la DSP – je rappelle qu’une DSP n’est pas une privatisation – fera l’objet d’une évaluation tous les dix ans, mais avec une durée de concession de soixante-dix ans. L’État va donc céder le contrôle de ce monopole stratégique pendant soixante-dix ans, ce qui semble beaucoup aux yeux de certains, malgré le travail de la commission spéciale pour renforcer le contrôle.
Bien sûr, nous comprenons aussi que l’État ait besoin de financer l’innovation pour créer des emplois dans les entreprises et financer les défis auxquels notre pays sera confronté.
Les membres de mon groupe sont partagés : certains voteront pour les amendements identiques de suppression, tandis que d’autres voteront contre, et suivront l’avis de la commission. (M. Joël Guerriau applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Monsieur le ministre, je reviendrai rapidement sur un seul point, à savoir la capacité de contrôle que vous prétendez acquérir avec l’outil législatif que vous sollicitez.
Notre pays a bien des qualités, mais il n’a que très peu de capacités de contrôle et de régulation – je suis un régulateur, je le déplore.
Les faits vous donnent tort. Récemment encore, concernant les autoroutes, le droit du contrat était plus fort que le droit des politiques, qui estiment qu’il serait nécessaire, au nom de l’intérêt général, de le revoir. L’accord récemment obtenu par la ministre Mme Borne n’est que le résultat d’une négociation commerciale.
Vous avez affirmé avoir plus confiance dans le pouvoir législatif que dans le pouvoir réglementaire et vous avez dit que ce projet permettrait d’accroître ce pouvoir. Je suis désolé, mais le Conseil constitutionnel rend régulièrement des décisions en faveur du droit d’entreprendre, contre l’intérêt général. Notre culture administrative n’est pas portée sur le contrôle, comme peuvent l’être les économies libérales de type anglo-saxon, qui se dotent véritablement de moyens de contrôle.
J’ai visité les entreprises ferroviaires britanniques. Lorsqu’il a été décidé de privatiser les transports – cela n’a d’ailleurs pas été une bonne opération ! –, le ministère des transports a recruté des centaines d’agents pour effectuer un contrôle effectif. Sur ce point, je ne suis donc absolument pas rassuré, d’autant que nous n’avons pas toutes les données du problème : pas de contrat de régulation, pas de cahier des charges. Vous nous demandez un blanc-seing. Moi, je n’ai vraiment pas confiance ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je veux insister sur un point évoqué précédemment pas un collègue du groupe communiste républicain citoyen et écologiste concernant les modalités de cette privatisation, qui est, il est vrai, limitée dans le temps, à soixante-dix ans.
Une indemnité préalable partielle d’expropriation de 1 milliard d’euros, si ma lecture est correcte, sera versée aux actuels actionnaires minoritaires, parmi lesquels le groupe Vinci, de la société ADP. Cette indemnité d’expropriation est non pas préalable à une renationalisation, qui interviendra dans soixante-dix ans et que connaîtront peut-être nos enfants ou petits-enfants, mais en partie concomitante à la privatisation, alors que rien ne permet de penser que les actuels actionnaires minoritaires d’ADP n’auront pas vendu leurs parts du capital bien avant 2089. Ne s’agit-il pas là d’un tour de passe-passe assez baroque, une sorte de détournement – parfaitement légal – organisé de fonds publics, qui permettrait à un acquéreur potentiel – en l’occurrence, ce pourrait être le groupe Vinci – de recevoir une aide financière publique substantielle de la part du vendeur ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, si nos analyses ont souvent été différentes de celles de nombreux collègues, nous avons parfois dit la même chose. Prévoir 250 millions d’euros pour l’innovation, ce n’est pas sérieux ! Tout le monde vous l’affirme. Il faudrait déjà 1 milliard d’euros pour remettre à niveau nos universités. Premier point, vous êtes en rupture d’innovation sur le terrain de l’innovation.
Deuxième point, vous êtes aussi en rupture d’innovation quant au rôle et à la place de l’État concernant la question de la modernisation et du développement du transport aérien. Vous n’avez aucun projet de modernisation.
Apple vient de régler 500 millions d’arriérés d’impôts au fisc. Tout le Sénat, quelles que soient les sensibilités de chacun, est mobilisé pour aller jusqu’au bout des choses à propos des GAFAM. Vous verrez alors les sommes qui pourront alimenter le fonds pour l’innovation, au bénéfice de la société française et des entreprises françaises. Ce ne sera pas 250 millions d’euros, monsieur le ministre ! Nous aurons des milliards d’euros ! Parce qu’on les aura tous fait payer, Google, Amazon, Microsoft, tous… Voilà le travail que doit faire le Sénat, y compris dans sa diversité politique.
Troisième point sur lequel j’attire votre attention, mes chers collègues, car certains d’entre vous sont aussi liés à l’aéroport d’Orly.
Je suis dubitatif sur le fait que l’État, en vendant ses parts, ne créerait pas un avantage indu au bénéfice du futur concessionnaire privé. Pourquoi ? Parce que cette société anonyme actuelle, mêlant État et fonds privés, vient de réaliser 1 milliard d’euros d’investissements à l’aéroport d’Orly, avec ses deux terminaux reliés en quatre espaces pour en faire un seul terminal international. Voyez-vous, il ne faut pas haranguer, suivant les étiquettes politiques, les modernes, les archaïques, etc. Oui, je suis communiste, et je suis content que l’aéroport d’Orly nous relie à San Francisco ; il fera la liaison entre la Silicon Valley, Saclay, Shanghai et Sao Paulo. Il faut écouter les arguments des uns et des autres, comme on sait le faire ici au Sénat.
Franchement, rupture d’innovation concernant l’innovation comme les ambitions de l’État relatives à la modernisation du transport aérien ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 177 rectifié, 224 rectifié, 348 rectifié bis et 393 rectifié.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe socialiste et républicain et, l’autre, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que la commission spéciale s’en remet à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 48 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 246 |
Contre | 78 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 44 est supprimé. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains.)
Par ailleurs, les amendements nos 716 rectifié bis, 520 rectifié, 521 rectifié et 522 rectifié n’ont plus d’objet.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures vingt.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Émorine.
M. Jean-Paul Émorine. Madame la présidente, je souhaite faire une rectification concernant le scrutin public n° 48 qui vient d’intervenir : je souhaitais m’abstenir et non voter pour.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
7
Croissance et transformation des entreprises
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises.
La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale.
Mme Catherine Fournier, présidente de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le vote de suppression de l’article 44, je souhaite vous préciser que les articles 44 à 50 ne concernent pas tous la privatisation d’ADP et ne doivent donc pas tous être supprimés. Certains d’entre eux pourront être adoptés par le Sénat, même si celui-ci a décidé de s’opposer à cette privatisation.
Les articles 44 et 49 du projet de loi PACTE sont les deux articles clés permettant la privatisation d’ADP. Par cohérence avec leur suppression, il serait souhaitable de supprimer également les articles 45, 46 et 50. Les différentes mesures que ces derniers comportent n’ont en effet de sens que dans le contexte de la privatisation.
En revanche, je souhaite insister sur le travail de la commission spéciale, qui, sur l’initiative de son rapporteur, Jean-François Husson, ici présent, a amendé les articles 47, 48 et 48 bis, afin d’améliorer la régulation économique des aéroports en France et de rééquilibrer ainsi le partage de la valeur entre les compagnies aériennes, en particulier Air France, et ADP.
Ainsi modifiés, ces articles conserveraient leur pertinence, même si ADP restait publique, et pourraient servir de base de travail utile aux députés en nouvelle lecture si ces derniers veulent améliorer la régulation économique de l’entreprise avant de la privatiser.
M. Martial Bourquin. Je ne comprends pas très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, autant je respecte la présidence de la commission spéciale, autant il revient au service de la séance de nous dire quels amendements et articles « tombent ».
M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Ils ne tombent pas !
Mme Catherine Fournier, présidente de la commission spéciale. Par cohérence !
M. Roger Karoutchi. L’article 44 ayant été supprimé, expliquez-moi les raisons pour lesquelles nous devrions délibérer du cahier des charges d’une privatisation qui n’aura pas lieu ! Je veux bien, mais c’est surréaliste ! On peut tout faire dans la vie, mais, à un moment, il faut un peu de cohérence !
Mme Frédérique Espagnac. C’est sûr !
Mme la présidente. Monsieur Karoutchi, les articles ne tombent pas.
La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale.
Mme Catherine Fournier, présidente de la commission spéciale. Par cohérence, j’ai proposé de voter la suppression de certains articles. (M. Roger Karoutchi rit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Je veux poser une question analogue. Dès lors que l’article 44 a été supprimé, toute une série d’amendements n’a plus d’objet. À quoi cela sert-il de voter un cahier des charges d’une entreprise qui reste publique ?
M. Vincent Capo-Canellas. La présidente de la commission spéciale l’a expliqué !
M. Martial Bourquin. Les articles concernés tombent de fait.
M. Roger Karoutchi. C’est incohérent !
Mme la présidente. Mes chers collègues, ce débat est clos.
Dans la discussion du texte de la commission spéciale, nous en sommes parvenus, au sein de la sous-section 1 de la section 3 du chapitre II, à l’article 45.
Article 45
I. – (Non modifié) L’article L. 6323-2 du code des transports est ainsi modifié :
1° À la fin de la première phrase, les mots : « dont la liste est fixée par décret » sont remplacés par les mots : « suivants : Chavenay-Villepreux, Chelles-Le Pin, Coulommiers-Voisins, Étampes-Mondésir, Lognes-Émerainville, Meaux-Esbly, Paris-Issy-les-Moulineaux, Persan-Beaumont, Pontoise-Cormeilles-en-Vexin, Saint-Cyr-l’École et Toussus-le-Noble » ;
2° La seconde phrase est complétée par les mots : « et dans le respect du cahier des charges mentionné à l’article L. 6323-4 ».
II. – L’article L. 6323-4 du code des transports est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Ce cahier des charges précise les modalités d’application des articles L. 6323-2-1, L. 6323-4, L. 6323-6 et L. 6325-2. En outre, il définit les modalités : » ;
2° Après le 5°, sont insérés vingt alinéas ainsi rédigés :
« 6° Selon lesquelles l’État, en l’absence d’accord avec Aéroports de Paris, dans l’intérêt du service public et au regard des meilleurs standards internationaux, peut fixer les conditions dans lesquelles le service public aéroportuaire doit être assuré, les niveaux de performance à atteindre, les sanctions appliquées lorsque ces niveaux ne sont pas atteints et les orientations sur le développement des aérodromes ainsi que, lorsque les circonstances le justifient et sans préjudice, le cas échéant, des dispositions de l’article L. 6323-4-1, imposer la réalisation d’investissements nécessaires au respect des obligations de service public d’Aéroports de Paris ;
« 7° Selon lesquelles un commissaire du gouvernement, ou son suppléant, nommé par arrêté du ministre chargé de l’aviation civile et représentant l’État au conseil d’administration d’Aéroports de Paris, est associé, sans voix délibérative, à l’ensemble des travaux de ce conseil, à l’exception de ceux portant sur la négociation du contrat mentionné à l’article L. 6325-2, et se voit remettre toute information utile à sa mission ;
« 8° Selon lesquelles les dirigeants d’Aéroports de Paris chargés des principales fonctions opérationnelles relatives à l’exploitation aéroportuaire, à la sûreté, à la sécurité et à la maîtrise d’ouvrage aéroportuaire sont agréés par l’État sur la base de critères objectifs relatifs à leur probité et à leur compétence et sont révoqués à sa demande en cas de manquement d’une particulière gravité aux obligations légales et réglementaires d’Aéroports de Paris ;
« 9° Selon lesquelles, par exception, Aéroports de Paris peut rechercher la responsabilité sans faute de l’État du fait des décisions normatives ou d’organisation des services dont il a la charge lorsqu’elles affectent spécifiquement, significativement et durablement l’activité d’Aéroports de Paris en Île-de-France ou du fait des décisions de l’État, prises en application des dispositions du cahier des charges lorsqu’elles bouleversent, dans la durée, les conditions économiques dans lesquelles l’exploitant opère ses activités de service public en Île-de-France ;
« 10° Selon lesquelles l’État donne son accord préalable à toute opération conduisant à un changement de contrôle direct ou indirect d’Aéroports de Paris au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ;
« 11° Selon lesquelles, par dérogation aux articles L. 2511-7 à L. 2511-9 et L. 3211-7 à L. 3211-9 du code de la commande publique, Aéroports de Paris respecte les obligations de publicité et de mise en concurrence prévues par ces ordonnances et leurs décrets d’application pour conclure des marchés publics et des concessions portant sur des travaux avec une entreprise liée ou une coentreprise ;
« 12° D’encadrement de la durée des actes d’Aéroports de Paris pour tenir compte de la fin de sa mission dans les conditions prévues à l’article L. 6323-2-1 du présent code, d’autorisation préalable par l’État de tout acte autre qu’un contrat de travail lorsque sa durée excède de plus de dix-huit mois la date de fin normale de l’exploitation prévue au même article L. 6323-2-1, ainsi que les modalités selon lesquelles les contrats relatifs à l’exploitation des aérodromes mentionnés à l’article L. 6323-2, encore en vigueur à la date de fin normale ou anticipée de l’exploitation prévue à l’article L. 6323-2-1, sont transférés à l’État à cette date ;
« 13° D’encadrement et d’autorisation par l’État, à peine de nullité, pour tenir compte de la fin de la mission d’Aéroports de Paris dans les conditions indiquées au même article L. 6323-2-1, des décisions ou contrats conférant des droits réels aux occupants des biens d’Aéroports de Paris ;
« 14° Selon lesquelles l’État encadre et autorise les opérations qui, indépendamment d’un lien direct avec le service public aéroportuaire, dépassent un montant ou une superficie substantielle, que ses dispositions définissent, ou sont susceptibles d’avoir une incidence sur l’exécution du service public aéroportuaire ou des missions dont l’État est chargé ;
« 15° Selon lesquelles, sans préjudice des conditions de gratuité prévues au cahier des charges d’Aéroports de Paris à la date de publication de la loi n° … du … relative à la croissance et la transformation des entreprises, lesquelles demeurent inchangées, Aéroports de Paris met à disposition de certains services et établissements publics de l’État les terrains, locaux, aménagements et places de stationnement et assure les prestations de service connexes en retenant, sur le montant des loyers et des prix, les taux d’abattement par type d’immeubles et de prestations pratiqués le cas échéant à la date d’entrée en vigueur de l’article 44 de la même loi ;
« 16° D’encadrement et d’autorisation par l’État des modifications substantielles, permanentes ou provisoires, apportées aux capacités des installations aéroportuaires ;
« 17° D’encadrement et d’autorisation par l’État de certains travaux dérogeant à des normes ou objectifs mentionnés dans les dispositions du cahier des charges ou susceptibles d’affecter l’exécution du service public aéroportuaire ou l’exercice des missions des services de l’État ;
« 18° De règlement amiable des différends entre l’État et Aéroports de Paris avant saisine des juridictions ou autorités compétentes ;
« 19° Selon lesquelles le ministre chargé de l’aviation civile peut exiger qu’il soit mis fin à tout décision ou contrat d’Aéroports de Paris pris en méconnaissance des dispositions du cahier des charges, à ses frais exclusifs ;
« 20° Selon lesquelles Aéroports de Paris informe annuellement l’État de tout élément de sa gestion financière de nature à obérer sa capacité à assurer ses obligations de service public et selon lesquelles Aéroports de Paris dispose en permanence d’une notation de long terme de sa dette chirographaire et non subordonnée établie par au moins une agence de notation de crédit de réputation mondiale, enregistrée conformément au règlement (CE) n° 1060/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 sur les agences de notation de crédit, cette notation devant être supérieure à un niveau précisé dans le cahier des charges. L’autorité administrative donne un avis sur le niveau de notation proposé par Aéroports de Paris, afin d’éviter une exigence de rentabilité anormalement élevée. Cet avis sert à apprécier la fixation du coût moyen pondéré du capital d’Aéroports de Paris mentionné à l’article L. 6323-2-1 du présent code ;
« 21° Selon lesquelles Aéroports de Paris informe l’État d’une requête visant à l’ouverture d’une procédure de mandat ad hoc ou de conciliation prévues respectivement aux articles L. 611-3 et L. 611-6 du code de commerce et le tient informé du déroulement de la procédure ;
« 22° Selon lesquelles Aéroports de Paris exerce ses missions en tenant compte des effets environnementaux de ses activités ;
« 23° Selon lesquelles Aéroports de Paris assure les conditions d’exercice d’une activité d’aviation générale notamment en préservant la présence des aéroclubs constitués sous forme d’association à but non lucratif disposant d’un lien statutaire avec une association reconnue d’utilité publique ;
« 24° Selon lesquelles un comité des parties prenantes, distinct des organes de direction d’Aéroports de Paris et composé notamment de représentants d’Aéroports de Paris, de collectivités territoriales, d’associations de riverains et d’associations agréées pour la protection de l’environnement, est mis en place afin de favoriser l’information et les échanges entre ces acteurs, dans le respect des compétences des commissions consultatives de l’environnement.
« L’État veille au maintien au cours du temps de la bonne adéquation du cahier des charges avec les objectifs du service public aéroportuaire ainsi qu’à la cohérence de ce cahier des charges avec les évolutions du secteur du transport aérien et avec les effets économiques, sociaux et environnementaux des activités d’Aéroports de Paris. Les dispositions du cahier des charges et leur mise en œuvre font l’objet d’évaluations tous les dix ans à compter de sa publication. Ces évaluations sont réalisées par l’État, qui y associe la société Aéroports de Paris. Elles sont rendues publiques. » ;
3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« L’autorité administrative peut prononcer une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à l’ampleur du dommage, aux avantages tirés du manquement ainsi qu’à leur caractère éventuellement répété, sans pouvoir excéder 2 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos d’Aéroports de Paris par manquement. Le dernier exercice clos s’apprécie à la date à laquelle la sanction est prononcée. Le plafond de pénalités encourues sur une année civile est de 10 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos d’Aéroports de Paris. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, sur l’article.
M. Roger Karoutchi. On se ridiculise !
Mme Viviane Artigalas. Monsieur le ministre, la privatisation d’Aéroports de Paris et la cession des actifs de l’État devraient, théoriquement, comme vous l’avez indiqué, générer 10 milliards d’euros, qui seront là aussi théoriquement affectés à un fonds de pour l’innovation de rupture.
Au vu de ce qui s’est passé avec les recettes de la taxe carbone, dont tout le monde savait qu’elles seraient affectées non pas à la transition énergétique, mais au budget de l’État, on peut se demander si cette cession d’actifs ne subira pas le même sort.
Pour vous citer encore une fois, toujours le 8 mars 2018, vous avez déclaré : « Ce n’est pas le rôle de l’État que de recueillir régulièrement des dividendes au lieu d’investir dans l’avenir des Français. » Alors, je vous prends au mot, monsieur le ministre : l’État n’a peut-être pas pour vocation à recevoir des dividendes, mais il doit rester un actionnaire stratégique pour nos territoires. Précisément, les investissements pour l’avenir des Français que vous avez évoqués ne pourraient-ils pas être financés par ces mêmes dividendes, afin de maintenir des services publics gratuits en milieu rural, par exemple ? Ce maintien est d’ailleurs l’une des multiples revendications exprimées par nos concitoyens à l’occasion du grand débat national.
M. Roger Karoutchi. Cette prise de parole est insensée !
Mme Viviane Artigalas. Pour l’heure, votre gestion de ce dossier est préjudiciable à notre économie et à l’avenir des Français. Si vous décidez de ne pas revenir sur la privatisation d’ADP, comme vous en avez l’intention, vous devrez assumer la responsabilité de votre vision à court terme de l’État stratège.
La seule question que nous devons nous poser est la suivante : l’État stratège que vous prétendez représenter assure-t-il une bonne gestion avec un tel projet ? Cet enjeu mérite un autre débat que celui qui est lié à un article noyé dans le présent projet de loi !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je ne comprends pas pourquoi nous discutons d’un article de cette nature dans la mesure où nous avons refusé la privatisation. No comment ! Je voterai les amendements identiques de suppression de cet article déposés par MM. Karoutchi, Gay et Bourquin.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Il faut que nous soyons cohérents. Pour aller plus vite, le groupe CRCE renonce aux prises de parole sur tous ces articles concernés.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. Fabien Gay. Sur tous les articles mentionnés par la présidente de la commission spéciale, il faut que nous votions les amendements de suppression, afin d’avancer plus vite et d’avoir du temps pour discuter des articles sur lesquels M. le rapporteur a travaillé.
Mme Sophie Primas. C’est plus raisonnable !
M. Fabien Gay. Mon groupe renonce, je le répète, à toutes les demandes de prise de parole sur les articles visés. (MM. Rachid Temal, Vincent Capo-Canellas et Pierre Louault, ainsi que Mme Sophie Primas applaudissent.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 178 rectifié est présenté par MM. Karoutchi et Allizard, Mme Berthet, MM. Bonhomme, Bonne, Brisson, Cambon, Charon, Chatillon et Chevrollier, Mme Ramond, MM. Cuypers, Darnaud et Daubresse, Mme de Cidrac, MM. de Legge et de Nicolaÿ, Mmes Deromedi et Deseyne, M. P. Dominati, Mme Dumas, MM. Ginesta, Gremillet, Grosdidier, Houpert, Kennel et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Lherbier, Malet et M. Mercier, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Panunzi, Pellevat et Piednoir, Mme Procaccia et MM. Regnard, Revet, Sido, Vaspart, Vial et Segouin.
L’amendement n° 225 rectifié est présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, M. Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 394 rectifié est présenté par M. M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande, Tourenne et Jacquin, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, MM. Kanner et Assouline, Mme de la Gontrie, MM. Féraud, Iacovelli et Jomier, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Roger, Éblé, Courteau, Antiste et Fichet, Mme Bonnefoy, M. Duran, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° 178 rectifié.
M. Roger Karoutchi. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 225 rectifié.
M. Fabien Gay. Défendu, madame la présidente !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour présenter l’amendement n° 394 rectifié.
M. Martial Bourquin. Défendu, madame la présidente !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Par cohérence avec le vote du Sénat sur l’article 44, la commission est favorable à ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Cohen. … à la sagesse !
M. Bruno Le Maire, ministre. … à la sagesse du Sénat. Je considère que la privatisation d’Aéroports de Paris est absolument stratégique pour notre économie et pour l’avenir du pays. Nous n’allons pas refaire le débat… (Brouhaha sur différentes travées.)
À partir du moment où le Sénat a décidé d’annuler cette privatisation, je ne vois pas pourquoi nous passerions beaucoup de temps à réfléchir sur la régulation d’un processus dont il ne veut pas et dont l’examen reviendra à l’Assemblée nationale.
Mme Sophie Primas. À la commission mixte paritaire dans un premier temps !
Mme la présidente. Monsieur Kanner, maintenez-vous votre demande de scrutin public ?
M. Patrick Kanner. Nous avons déposé une demande de scrutin public sur chacun des articles relatifs à ADP. S’il apparaît clairement qu’une majorité du Sénat est en faveur de la suppression de ces articles, je suis prêt à retirer ces demandes pour accélérer le mouvement, mais je ne voudrais pas me retrouver face à un vote improbable… (Exclamations sur différentes travées.)
M. Rachid Temal. Nous avons la parole de M. Karoutchi !
M. Patrick Kanner. Mes chers collègues, je vous fais confiance et je retire ces demandes de scrutin public.
M. Rachid Temal. Quelle sagesse !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 178 rectifié, 225 rectifié et 394 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 45 est supprimé.
Par ailleurs, les amendements nos 523 rectifié, 21 rectifié ter, 183 rectifié bis, 524 rectifié, 885, 525 rectifié, 981, 526 rectifié, 528 rectifié, 721 rectifié bis, 454, 529 rectifié, 530 rectifié et 531 rectifié n’ont plus d’objet.
Article 46
L’article L. 6323-6 du code des transports est ainsi rédigé :
« Art. L. 6323-6. – I. – Aéroports de Paris soumet à l’État tout projet d’opération conduisant à la cession, à l’apport, sous quelque forme que ce soit, ou à la création d’une sûreté relativement à l’un des biens et titres de participation dont la propriété doit être transférée à l’État en application des I, II ou III de l’article L. 6323-2-1. L’État autorise l’opération dès lors qu’elle n’est pas de nature, le cas échéant sous réserve de respecter des conditions que l’État précise, à porter atteinte à la bonne exécution du service public aéroportuaire ou à ses développements possibles à court ou moyen termes et, dans le cas des sûretés, à condition que ces dernières soient consenties au titre du financement des missions d’Aéroports de Paris portant sur ses aérodromes en Île-de-France.
« Lorsque les biens dont la propriété doit être transférée à l’État en application de l’article L. 6323-2-1 sont des ouvrages ou terrains appartenant à Aéroports de Paris et sont nécessaires à la bonne exécution par la société de ses missions de service public ou au développement de celles-ci, ils ne peuvent faire l’objet d’aucune saisie et le régime des baux commerciaux ne leur est pas applicable. Le cahier des charges d’Aéroports de Paris précise les catégories de biens en cause.
« La procédure mentionnée au premier alinéa du présent I s’applique également aux transferts d’activités qui impliquent ou non des transferts d’actifs et qui relèvent de la mission définie à la première phrase de l’article L. 6323-2 vers des entités juridiques qui ne sont pas en charge de ladite mission.
« II. – Est nul de plein droit tout acte de cession, transfert d’activité, apport ou création de sûreté non autorisé par l’État ou réalisé en méconnaissance de son opposition ou des conditions fixées à la réalisation de l’opération.
« III. – Lorsque Aéroports de Paris est autorisée à céder ou apporter l’un de ses biens ou lorsqu’elle perd la propriété de l’un de ses biens du fait de la réalisation d’une sûreté, la société verse à l’État :
« 1° Lorsque le bien a été apporté à Aéroports de Paris en application de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports, 70 % de la différence nette d’impôts existant entre, d’une part, la valeur vénale des biens à leur date de transfert de propriété et, d’autre part, la valeur nette comptable figurant dans les comptes sociaux de la société à la date du transfert de propriété de l’actif ;
« 2° Lorsque les biens ont été acquis ou réalisés par la société postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 précitée, et dans la mesure où ces biens ont une durée de vie allant au-delà du terme de la période d’exploitation prévue au premier alinéa du I de l’article L. 6323-2-1 du présent code, une part de la plus-value calculée suivant la même méthode qu’au 1° du présent III et correspondant à la quote-part qui serait revenue à l’État à la date de fin d’exploitation ; cette quote-part est définie par l’État et la société lors du transfert de propriété de ces biens. S’agissant des cessions de titres compris dans le périmètre mentionné au deuxième alinéa du I de l’article L. 6323-2-1, le même dispositif s’applique à la différence positive entre le prix de cession des titres, d’une part, et leur valeur comptable, d’autre part, à la date du transfert des titres.
« IV. – Lorsqu’il fait partie du domaine public, le terrain d’assiette des aérodromes exploités par Aéroports de Paris en application de l’article L. 6323-2 peut faire l’objet d’un transfert de gestion au profit de l’État sur décision du représentant de l’État territorialement compétent en contrepartie d’une indemnité fixée dans les conditions de droit commun. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 226 rectifié est présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, M. Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 395 rectifié est présenté par M. M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande, Tourenne et Jacquin, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, MM. Kanner et Assouline, Mme de la Gontrie, MM. Féraud, Iacovelli et Jomier, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Roger, Éblé, Courteau et Fichet, Mme Bonnefoy, M. Duran, Mmes Blondin, Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 226 rectifié.
M. Fabien Gay. Défendu !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour présenter l’amendement n° 395 rectifié.
M. Martial Bourquin. Défendu également, madame la présidente !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Même avis que sur l’article précédent : par cohérence avec le vote du Sénat sur l’article 44, la commission est favorable à ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 226 rectifié et 395 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 46 est supprimé.
Par ailleurs, les amendements identiques nos 3 rectifié ter et 532 rectifié, ainsi que l’amendement n° 533 rectifié n’ont plus d’objet.
Article 47
Après l’article L. 6323-4 du code des transports, il est inséré un article L. 6323-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6323-4-1. – Les tarifs des redevances prévues à l’article L. 6325-1 sont établis de manière à assurer une juste rémunération d’Aéroports de Paris au regard du coût moyen pondéré du capital sur un périmètre d’activités, précisé par décret, et :
« 1° Qui comprend nécessairement les services mentionnés au premier alinéa du même article L. 6325-1 et les activités foncières et immobilières relatives aux activités d’assistance en escale, au stockage et à la distribution de carburants d’aviation, à la maintenance des aéronefs, aux activités liées au fret aérien, à l’aviation générale et d’affaires, au stationnement automobile public et par abonnements ainsi qu’aux transports publics ;
« 2° Qui exclut nécessairement les activités commerciales et de services, notamment celles relatives aux boutiques, à la restauration, aux services bancaires et de change, à l’hôtellerie, à la location d’automobiles et à la publicité ainsi que les activités foncières et immobilières hors aérogares autres que celles mentionnées au 1° du présent article.
« Le résultat courant positif provenant des activités non régulées mentionnées au 2° peut venir en déduction, jusqu’à hauteur de 20 %, des charges prises en compte pour la fixation des tarifs des redevances prévues à l’article L. 6325-1.
« Ce résultat est net de l’ensemble des charges d’exploitation directement liées à ces activités et intègre une rémunération des capitaux mobilisés ainsi que le financement de la dotation aux amortissements.
« Le coût moyen pondéré du capital mentionné au premier alinéa du présent article est estimé par Aéroports de Paris et homologué par l’autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 227 rectifié est présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, M. Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 396 rectifié est présenté par M. M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande, Tourenne et Jacquin, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, MM. Kanner et Assouline, Mme de la Gontrie, MM. Féraud, Iacovelli et Jomier, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Roger, Éblé, Antiste, Courteau et Fichet, Mme Bonnefoy, M. Duran, Mmes Blondin, Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 227 rectifié.
M. Fabien Gay. Défendu !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour présenter l’amendement n° 396 rectifié.
M. Martial Bourquin. Défendu !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. La présidente de la commission spéciale a rappelé que la suppression de l’article 44 décidée par le Sénat emportait, par cohérence, celle des articles 45 et 46, mais ce n’est pas le cas pour les articles dont nous commençons à débattre.
L’article 47 concerne la question de la double caisse et je crois qu’il est utile que le Sénat y travaille. Je rappelle que la commission spéciale – je m’en suis expliqué – a proposé un certain nombre de modifications et d’aménagements sur cet article. Dans ces conditions, vous comprendrez que je sois défavorable à l’adoption de ces amendements, qui tendent à supprimer l’ensemble de l’article.
Je ne partage pas l’avis du Gouvernement sur la double caisse. De son côté, le président d’ADP considère qu’il faut avoir deux caisses séparées. Pour ce qui nous concerne, nous proposons un système mixte, dans lequel un maximum de 20 % des redevances est prélevé sur les activités de services et de commerce – je rappelle que ces activités frisent le milliard d’euros… Le lien entre les différentes activités d’ADP présente un intérêt pour la réussite économique de l’ensemble du dispositif et la commission spéciale a adopté pour cela une limite de 20 %. Tel est l’objet de notre débat sur l’article 47.
Je rappelle également que ce type de dispositif constitue une réponse aux demandes qui nous ont été formulées lors des auditions par Air France et ses syndicats de personnels, car il permet d’alléger les redevances dont le poids pèse sur les compagnies aériennes.
Je le répète, la commission spéciale a beaucoup travaillé et elle vous propose de véritables avancées sur la question de la double caisse. Il ne faudrait pas, dans une sorte d’euphorie, balayer tout ce travail.
J’ai dit ce que j’avais à dire sur l’article 44 et le Sénat s’est exprimé, mais nous devons continuer de travailler sérieusement sur l’ensemble des sujets qui concernent ADP et la régulation du secteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je suis défavorable à la suppression de cet article. J’aimerais simplement saluer le travail réalisé par le rapporteur et je tiens à dire que je regrette profondément que ce travail soit réduit à néant.
En ce qui concerne plus précisément la double caisse, je crois que c’est un bon dispositif. Augustin de Romanet, qui est président d’ADP, y est favorable. De son côté, le renforcement de la régulation tel que proposé par Jean-François Husson est intéressant, intelligent et utile pour le succès de cette opération.
Alors que les discussions sur ces sujets sont utiles, je ne peux que regretter que la suppression de l’article 44 décidée par le Sénat ne nous permette pas de tenir ce débat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Personnellement, je suivrai l’avis du rapporteur Jean-François Husson. On peut considérer qu’il est un peu étrange de décider de supprimer la privatisation d’ADP et de continuer quand même à débattre sur certains articles du projet de loi qui concernent le même sujet. Néanmoins, nous devons avoir en tête que la prochaine étape de la procédure parlementaire sera la réunion d’une commission mixte paritaire. Dans cette optique, il me semble que cet article 47 relatif à la double caisse doit être adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission spéciale.
Sur le fond, je comprends l’intérêt de séparer la question de la rentabilité des infrastructures de celle des commerces, mais l’idée avancée par la commission spéciale – faire en sorte que les investissements dans les infrastructures soient en partie payés par les résultats issus des commerces – est extrêmement intéressante.
Peut-être faut-il encore affiner cette proposition, mais en tout cas je ne crois pas souhaitable que l’ensemble des travaux de la commission soit perdu. C’est pourquoi je ne voterai pas ces amendements de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Ma position est la même que celle exprimée à l’instant par Sophie Primas.
Quelle que soit la solution qui sera finalement adoptée sur la privatisation ou non d’ADP, réfléchir sur les questions liées à la double caisse – comment financer les investissements pour l’accueil des avions ? – ou sur celles qui sont liées à la régulation – comment donner les moyens à une autorité indépendante de fixer des tarifs aéroportuaires indiscutables ? – est de toute façon positif.
Nous devons travailler dans cet esprit. Certaines propositions doivent peut-être être précisées, notamment sur le pourcentage exact de porosité entre les deux caisses, mais une telle porosité, si elle est limitée, me paraît constituer un progrès pour la gestion des aéroports. Je voterai donc la proposition de la commission spéciale.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. J’ai eu l’occasion de saluer le travail réalisé par le rapporteur, alors même que ces sujets essentiels sont très techniques. Comment prendre en considération certains éléments financiers ? Comment veiller à une juste répartition des profits entre les aéroports et les compagnies ?
Dans ce contexte, la question de la double caisse est effectivement très importante. Pour autant, le rapporteur – je le rejoins sur ce point – a suggéré d’aménager certains points, notamment en ouvrant la possibilité, sans mettre à bas l’édifice économique global, d’un financement partiel du secteur régulé par les activités qui ne le sont pas.
Je rappelle aussi que la commission spéciale a adopté un amendement, auquel j’ai contribué, pour permettre à l’Autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires, l’ASI, de donner un avis sur le coût moyen pondéré du capital.
Ces propositions viennent profondément modifier la régulation du secteur, sans remettre en cause son modèle, et je crois que le Sénat est bien dans son rôle de ce point de vue. Il me semble donc que cet article doit être conservé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je dois avouer que je ne comprends pas bien le raisonnement…
Il y aurait d’abord beaucoup à dire sur le principe de la double caisse, qui revient à isoler ce qui est hyper rentable, comme la valorisation du foncier ou des commerces, du financement des infrastructures. Ces dernières sont coûteuses et seront évidemment moins bien prises en charge dans un tel dispositif que si une péréquation d’ensemble était mise en place.
Mais même si certains de mes collègues estiment que le texte de M. Husson est meilleur – c’est ce que le Gouvernement semble d’ailleurs dire –, nous devons rester cohérents. Le Sénat a rejeté la privatisation ! Rien n’empêche le Gouvernement, éclairé par le travail qu’il a mené avec le Sénat, de proposer des modifications dans la suite de la procédure parlementaire ou de convaincre la majorité présidentielle du bien-fondé d’une telle modification de l’article.
Nous n’avons pas besoin de voter cela au Sénat. Nous donnerions une impression de confusion et d’incohérence politique.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Ce débat relève un peu de la schizophrénie ! La situation est curieuse : comment supprimer l’article 44 et continuer de débattre sur ADP ?
Bien sûr, je comprends la position du rapporteur, mais je considère que nous ne pouvons ouvrir la discussion sur les articles 47, 48 et 48 bis que si M. le ministre – pardonnez-moi de le dire ainsi, monsieur le ministre – s’engage à prendre en considération les propositions du Sénat ou dise à tout le moins que la suppression par le Sénat de l’article 44 ne l’empêchera pas de tenir compte des positions que nous serions susceptibles d’adopter sur ces trois articles.
Je suis toujours prêt à discuter, mais ce n’est vraiment pas la peine, si le ministre nous dit que, dans la mesure où le Sénat n’a pas voulu de l’article 44, il ne reprendra rien des propositions de la commission spéciale et s’en remettra uniquement aux travaux de l’Assemblée nationale.
En revanche, si le ministre nous indique que certains apports issus du travail – excellentissime ! (Sourires.) – réalisé par Jean-François Husson peuvent être conservés, nos débats ont un sens et nous pouvons avancer. Dans le cas contraire, ne perdons pas de temps et passons à autre chose !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Le débat politique est intéressant, dans la mesure où chacun prend ses responsabilités ! Les sénateurs ont pris les leurs et ont choisi, dans une curieuse alliance entre le parti socialiste, le parti communiste et Les Républicains (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.), de s’opposer à la privatisation d’Aéroports de Paris.
Mme Annie Guillemot. C’est un expert qui parle…
M. Rachid Temal. Quelle démagogie !
Mme Éliane Assassi. Nous ne faisons que défendre le service public !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous avons passé plus de trois heures et demie sur cette question et je maintiens que cette cession d’actifs est essentielle pour notre pays. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Je maintiens aussi le fait que la régulation est utile.
Chacun doit prendre ses responsabilités. À partir du moment où vous faites le choix de refuser cette cession d’actifs et la privatisation d’Aéroports de Paris, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vois pas tellement l’utilité de poursuivre un débat sur la manière dont nous allons encadrer ce processus.
Comme cela m’arrive assez souvent, je rejoins Roger Karoutchi et, je vous le répète, à partir du moment où vous faites ce choix…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Eh oui !
M. Bruno Le Maire, ministre. … et que j’en fais un qui est différent, chacun doit prendre ses responsabilités.
Nous retournerons à l’Assemblée nationale discuter du texte issu des travaux qu’elle a elle-même menés. J’ai passé plus de trois heures à vous dire que j’étais prêt à prendre l’intégralité des amendements de Jean-François Husson. J’ai rendu hommage, et je le fais de nouveau, au travail considérable qu’il a réalisé pour améliorer les garanties apportées sur cette privatisation.
Mme Laurence Cohen. Nous n’en voulons pas !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je vous ai offert deux voies possibles : celle du compromis et celle du rejet en bloc.
Mme Sophie Primas. Cela ne marche pas comme ça !
M. Bruno Le Maire, ministre. Vous avez choisi le rejet en bloc. Assumez vos responsabilités ! Je prends les miennes. J’estime que, à partir du moment où cette assemblée a refusé ce processus de manière quasiment unanime, il n’y a pas grand sens à passer un temps infini sur des propositions de régulation d’une cession dont elle ne veut pas.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas bien ce que vous dites, monsieur le ministre !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Monsieur le ministre, je ne suis pas particulièrement obstiné, mais je pense qu’il y existe une troisième voie.
Dès le début des travaux de la commission spéciale, j’ai expliqué que nous avions intérêt à être constructifs et à faire des propositions, car cela serait de toute façon utile à l’entreprise ADP. (MM. Arnaud Bazin et René-Paul Savary, ainsi que Mme Sophie Primas approuvent.) Si, ensuite, le Gouvernement et l’Assemblée nationale souhaitent balayer tout cela d’un revers de main, chacun, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, assumera ses responsabilités. (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je rappelle aussi que nous avons auditionné de nombreux acteurs du secteur, dont Air France, et je crois que nos propositions tiennent compte de ces différentes auditions.
Mes chers collègues, je vous invite donc à emprunter une troisième voie, celle de la commission spéciale. Ce ne serait pas la première fois dans l’histoire qu’une troisième voie pourrait être ainsi empruntée… (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Je ne comprends pas très bien ce débat ! Manifestement, il ne concerne que nous, puisqu’on nous dit qu’il n’aura pas d’impact…
Le groupe socialiste et républicain est favorable à une caisse unique, car nous souhaitons que tous les bénéfices, y compris ceux qui sont issus des commerces, profitent aux infrastructures.
Le travail réalisé par le rapporteur sur ces sujets est tout à fait intéressant, mais la question ne se pose pas dans ces termes.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Mais si !
M. Martial Bourquin. Si la décision du Sénat concernant ADP est respectée, cette entreprise va rester publique, si bien que la question de la caisse unique sera débattue entre l’État et les autres actionnaires de l’entreprise.
Sincèrement, je ne comprends pas bien pourquoi nous continuons de débattre, alors que nous avons supprimé l’article 44. C’est une situation quelque peu surréaliste !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Louault, pour explication de vote.
M. Pierre Louault. Je veux défendre à fois le travail du rapporteur et son avis.
La double caisse a déjà été expérimentée ; c’est ce qui permet, depuis quelques années, une bonne gestion des différents personnels et la réussite financière que nous connaissons. Ce n’est donc pas un pari sur l’avenir, mais un constat.
Je veux aussi rappeler à mes collègues que le dernier mot sur la décision de privatiser ou non ADP reviendra en tout état de cause à l’Assemblée nationale et j’aimerais bien que celle-ci fasse preuve de sagesse,…
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas gagné !
M. Pierre Louault. … en reprenant un certain nombre d’amendements du Sénat, afin que la privatisation, si elle est décidée, se déroule dans les meilleures conditions possible. Notre objectif est bien la réussite du développement d’Aéroports de Paris.
La double caisse est une réalité depuis quelques années et Aéroports de Paris s’en porte mieux. J’aimerais bien que nous ayons ce débat !
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je n’étais pas favorable au système de double caisse, mais une fois que le Sénat s’est positionné contre le principe d’une délégation de service public, on comprend bien aux propos du ministre que l’Assemblée nationale aura le dernier mot.
M. René-Paul Savary. Bien entendu ! Mais nous sommes dans une démocratie et, si la droite et la gauche ont des préoccupations communes, il serait peut-être pertinent de les entendre…
M. Rachid Temal. Bravo !
M. René-Paul Savary. D’ailleurs, si le Gouvernement les avait entendues au sujet de la fiscalité sur les carburants, nous n’en serions peut-être pas là aujourd’hui ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Écoutez-nous, monsieur le ministre ! Nous sommes des gens tout à fait raisonnables et nous savons d’expérience combien il est difficile de gérer des aéroports, même lorsqu’ils sont de taille réduite. Je l’ai vécu, à la fois dans le cadre d’une gestion directe et d’une délégation de service public.
Lorsque vous proposez aux élus d’Île-de-France de jouer un rôle de censeur, c’est se moquer d’eux ! (Approbations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Bruno Le Maire, ministre. C’est la demande des élus d’Île-de-France. Ce n’est pas ma proposition !
M. René-Paul Savary. Réfléchissons différemment et arrondissons les angles !
Quelle que soit l’issue qui sera finalement trouvée – je crois que nous la connaissons… –, la question de la régulation sera essentielle et le système de double caisse sera adopté. Je rappelle qu’ADP fonctionne actuellement avec ce principe et qu’il en aurait été de même, si nous avions voté en faveur d’une délégation de service public. La régulation est donc indépendante du statut d’Aéroports de Paris.
C’est pourquoi j’insiste pour que nous votions les articles du projet de loi qui concernent la régulation, parce que celle-ci est tout à fait nécessaire. Pour ce qui me concerne, je suis très favorable au système tel qu’il est proposé par le rapporteur.
De manière générale, il serait bon, monsieur le ministre, que vous teniez un petit peu compte des propositions de notre rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, c’est une question de cohérence : je vous ai tendu la main et vous n’avez pas voulu la saisir. (Protestations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Je vous ai tendu la main, en vous disant de la manière la plus explicite que vous pouviez choisir entre refuser en bloc cette privatisation et tenir compte du travail, remarquable, réalisé par la commission spéciale. Je le répète, ce travail améliorait le texte.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas bien ce que vous faites !
M. Rachid Temal. Nous avons déjà voté ; il faut avancer !
M. Bruno Le Maire, ministre. Par souci de cohérence et dans le prolongement de ce que vient de dire Roger Karoutchi, continuer de discuter sur ces articles n’est pas cohérent avec le vote du Sénat sur l’article 44 et n’a guère de sens.
Bien évidemment, je suis tout à fait prêt à continuer le débat, mais compte tenu de ce principe de cohérence, je ne me sens pas lié par les discussions sur ces articles.
Mme Éliane Assassi. C’est vous qui n’êtes pas cohérent !
M. Bruno Le Maire, ministre. Comme le disait très bien le sénateur Bourquin, le surréalisme a ses limites. Nous sommes au Sénat, pas dans un atelier de surréalisme ! Et je trouve qu’il y a quelque chose d’étrange à vouloir discuter des conséquences d’une décision que vous n’avez pas voulu prendre.
Enfin, je veux vous dire que ce sont les élus d’Île-de-France qui sont venus me demander d’être censeurs dans le conseil d’administration d’Aéroports de Paris. Cette proposition ne vient pas de moi !
Je ne fais donc, une nouvelle fois, que tendre la main et je note, monsieur le sénateur, que vous ne voulez toujours pas la prendre.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. J’ai du mal à comprendre la leçon que nous sommes collectivement en train de recevoir. Et je le dis de façon posée. Je comprends, monsieur le ministre, que vous soyez contrarié que nous ayons voté majoritairement contre la privatisation d’ADP,…
M. Arnaud Bazin. Très majoritairement !
M. Fabien Gay. … mais c’est le choix de chaque parlementaire.
Sur les articles 45 et 46, les amendements de suppression sont cohérents avec le vote du Sénat sur l’article 44.
Les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, contrairement à certains collègues, ont aussi déposé un amendement de suppression de l’article 47 qui est relatif à la double caisse. Et ce n’est pas tout à fait le même débat, puisqu’ADP fonctionne déjà avec ce système dans le cadre du statut actuel, où l’État possède 50 % de l’entreprise.
Le rapporteur a étudié ces questions et je tiens, comme d’autres, à rendre hommage à son travail, que nous partagions ou non ses conclusions.
En tout cas, il faut que nous ayons un débat sur cette double caisse. C’est important. La commission spéciale a évoqué cette question et elle a notamment auditionné le PDG d’ADP – je me souviens d’ailleurs que Mme Primas l’a interrogé à ce sujet.
À cette occasion, mon groupe s’est opposé à ce système pour plusieurs raisons. Nous pensons notamment que les infrastructures doivent profiter des bénéfices issus des magasins et des autres activités de l’entreprise.
Pour finir, je rappellerai simplement ce que nous a dit le PDG d’ADP, lors de son audition : pour lui, si l’on revenait à un système de caisse unique, ce serait le communisme en France ! (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Je propose donc à chacune et à chacun d’entre nous, mes chers collègues, d’approuver la suppression de l’article 47, afin d’instaurer le communisme en France ! (Rires. – Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Je souhaite mettre en garde contre le mécanisme, complexe, de la double caisse.
Nous savons bien que les besoins de financement sont importants en matière d’infrastructures de transport. Je salue le travail du rapporteur qui suggère une amélioration à cette mécanique terrible de la double caisse déjà pratiquée à Aéroports de Paris. Le rapporteur nous propose de consacrer 20 % des bénéfices liés aux activités commerciales au financement de ces infrastructures. C’est un progrès par rapport à la situation actuelle, dans laquelle, les deux caisses étant absolument étanches, seule l’activité aéroportuaire peut financer les nouvelles infrastructures.
Je tiens à vous mettre en garde, mes chers collègues, parce que, si nous allons dans ce sens, cette jurisprudence risque demain de s’imposer à l’ensemble des infrastructures de transport, y compris aux gares.
Or le système est schizophrénique : s’il y a des activités fortement bénéficiaires dans les infrastructures de transport, c’est parce que l’activité de transport elle-même génère un flux énorme de passagers et c’est ce flux qui permet des recettes commerciales très rentables et lucratives.
Accepter de légiférer sur un principe de double caisse, même adapté, c’est risquer demain, je le répète, de le généraliser à l’ensemble des infrastructures de transport – gares, ports…
M. Jean-François Husson, rapporteur. C’est déjà le cas !
M. Olivier Jacquin. Je crois que les infrastructures de transport peuvent être financées d’une manière globale et mutualisée – je ne dirais pas communiste…
M. Rachid Temal. Surtout pas !
M. Olivier Jacquin. Et il y a tout de même un certain bon sens à ce que les bénéfices des commerces contribuent à améliorer les infrastructures de transport.
Rappel au règlement
Mme Sophie Primas. Monsieur le ministre, je veux vous dire avec beaucoup de calme que vous êtes ici au Parlement et qu’il ne saurait y avoir dans cette enceinte un quelconque chantage. Les choses ne sont pas soit blanches soit noires ! C’est le Parlement qui débat, qui s’exprime, puis qui décide.
Je vous remercie d’être resté trois heures et demie à débattre avec nous sur la privatisation d’Aéroports de Paris. Cette assemblée a pris une décision, laquelle vous contrarie, je le comprends, mais vous aurez d’autres moyens de revenir dessus. Nous savons bien que l’Assemblée nationale aura le dernier mot.
Pour autant, cela ne vous donne pas le droit de nous dire que nous n’avons plus le droit de débattre sur le reste, ou alors, autant arrêter tout de suite l’examen de l’ensemble du texte. Nous pouvons aussi le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)
Je vous le dis avec respect, calmement, si nous souhaitons examiner les articles 47 et 48, sur lesquels, vous l’avez rappelé, le rapporteur et la commission ont beaucoup travaillé, c’est parce qu’ils sont indépendants de la privatisation. Peut-être que l’Assemblée nationale trouvera quelques bonnes idées dans les éléments que le Sénat lui apportera sur les articles en question …
Monsieur le ministre, ne restons pas dans cet état d’esprit, qui n’apporte rien de positif à la démocratie et à la qualité de nos débats, lesquels, jusque-là, étaient très bons. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Pour la démocratie, madame la sénatrice, il n’est pas bon non plus d’accuser un ministre de chantage, et tel n’était pas du tout mon propos. Et vous le savez parfaitement.
Mme Sophie Primas. Non !
M. Bruno Le Maire, ministre. J’ai simplement voulu répondre à la remarque de Roger Karoutchi, toujours avec la même simplicité et la même honnêteté. Il en faut plus pour me contrarier que le vote du Sénat. La Haute Assemblée est libre de voter ce qu’elle souhaite sur les textes qui lui sont proposés par le Gouvernement.
Je le répète, à la question de M. Karoutchi de savoir si le Gouvernement se sentirait lié par les résultats du débat sur les articles consécutifs à la privatisation, laquelle a été souverainement refusée par le Sénat, j’ai répondu qu’il allait de soi que nous ne nous estimions pas tenus par les discussions qui allaient suivre.
Mme Sophie Primas. Vous n’êtes pas plus liés qu’avant !
M. Guy-Dominique Kennel. Alors, on arrête ?
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Monsieur le ministre, l’accord sur la privatisation, c’est l’article 49, même si, je le reconnais, l’article 44 prépare les choses.
Je veux rappeler quelques éléments.
D’abord, je veux redire que le débat sur les articles 47 et 48 est indépendant de celui de la privatisation. Ces deux articles prévoient en effet que, désormais, la régulation sera inscrite dans la loi. Si nous faisons ce choix, le texte ainsi rédigé sera transmis à l’Assemblée nationale. Nous pouvons aussi choisir de tout balayer, mais je pense que ce n’est ni raisonnable ni responsable.
Par ailleurs, pourquoi avons-nous fait cette proposition sur les activités commerciales et la double caisse ? La commission spéciale a jugé, après débat, qu’il y avait un intérêt à ce que les activités commerciales participent au financement des infrastructures. C’est exactement ce qui se passe avec les infrastructures ferroviaires. Les activités économiques et commerciales participent à hauteur de 50 %.
Il ne s’agit donc pas d’un modèle unique, sorti de nulle part ; c’est tiré d’une expérience, qui, aujourd’hui, fonctionne, et que nous proposons d’ajuster. Pour tout vous dire, les économistes que nous avons entendus au cours de nos premières auditions ont trouvé l’idée que nous leur soumettions intéressante et pertinente. Je livre cet élément à notre réflexion collective. Pour ma part, je pense qu’il ne faut jamais se résigner dans la vie. Il faut aller au bout des idées qui, croit-on, méritent d’être débattues. Après, la démocratie s’exprimera. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme la présidente. Acte est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Dans la suite des explications de vote sur les amendements identiques de suppression de l’article 47, la parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, votre réponse à notre collègue Sophie Primas ne me convient pas. C’est un manque de respect pour le rôle des parlementaires que nous sommes.
M. Pascal Savoldelli. Vous pouvez manifester votre colère, mais c’est ce que je pense. Le sénateur Karoutchi a parlé de débat schizophrénique. En ce qui me concerne, après vous avoir écouté depuis le début de notre discussion, au sujet de la navette, du cahier des charges, je pense à une citation, qui vous va bien, et qui n’est pas irrespectueuse : « Tu ne sais jamais à quel point tu es fort, jusqu’au jour où être fort reste ta seule option. » C’est votre seule option, monsieur le ministre. (Moue d’incompréhension de M. le ministre.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 227 rectifié et 396 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 49 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l’adoption | 90 |
Contre | 246 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 801, présenté par MM. Yung, Patient, Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. En toute logique schizophrénique, si je devais tenir compte de la suppression de l’article 44, je devrais retirer cet amendement. Cependant, comme nous avons maintenu l’article 47, je considère qu’il est défendu, car je sais qu’il ne sera pas adopté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. L’avis est défavorable, puisque, mon cher collègue, vous souhaitez revenir sur notre proposition de faire financer les charges par les activités économiques, en cas de besoin et à hauteur de 20 % maximum. C’est une demande émise globalement par l’ensemble des acteurs auditionnés, à savoir les économistes, les représentants des assises nationales du transport aérien, Air France.
Je comprends l’effervescence, mais je voudrais que nous ayons quand même un minimum de cohérence, car nous sommes regardés en dehors de l’hémicycle. Le travail parlementaire doit être pris au sérieux, et j’accepte que l’on ne soit pas d’accord.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 951, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Favorable !
Mme la présidente. L’amendement n° 189 rectifié, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mme Deromedi, M. Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Regnard et Bonhomme, Mme L. Darcos, MM. Lefèvre, Chatillon et Charon, Mme M. Mercier, MM. Laménie, Mandelli, Daubresse, Darnaud, Genest et Bonne, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Rapin, Revet, Dufaut, Babary et Segouin et Mme Lassarade, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au troisième alinéa de l’article L. 6325-1 du même code, après le mot : « infrastructures », sont insérés les mots : « garantir l’exercice de la vie associative en préservant la présence des aéroclubs constitués sous forme d’association à but non lucratif et disposant d’un lien statutaire avec une association reconnue d’utilité publique ».
La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. Cet amendement vise à garantir la pérennité des aéroclubs, qui sont indispensables à la filière aéronautique. La privatisation de la gestion des aérodromes a entraîné une hausse des redevances aéroportuaires et a provoqué la disparition de certaines de ces structures.
Il est donc proposé de préciser que, quelle que soit la gestion, la modulation des redevances déjà autorisée par l’article L. 6325-1 du code des transports devra garantir l’exercice de la vie associative aéroportuaire, critère d’intérêt général reconnu par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 juillet 1971, étant précisé qu’il doit y avoir rattachement à une association reconnue d’utilité publique et affiliation des aéroclubs à la Fédération française aéronautique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Sagesse bienveillante.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 47, modifié.
(L’article 47 est adopté.)
Article 48
L’article L. 6325-2 du code des transports est ainsi rédigé :
« Art. L. 6325-2. – Pour Aéroports de Paris et pour les autres exploitants d’aérodromes civils relevant de la compétence de l’État, des contrats pluriannuels d’une durée maximale de cinq ans conclus avec l’État après avis conforme de l’autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires déterminent les conditions de l’évolution des tarifs des redevances aéroportuaires, qui tiennent compte notamment des prévisions de coûts et de recettes ainsi que des investissements et d’objectifs de qualité des services publics rendus par l’exploitant d’aérodrome. Dans le cas d’Aéroports de Paris, ces investissements et ces objectifs de qualité sont fixés par accord entre les parties ou, en l’absence d’accord, par le ministre chargé de l’aviation civile selon les modalités fixées par le cahier des charges prévu à l’article L. 6323-4. Pour les exploitants concernés, ces contrats s’incorporent aux contrats de concession d’aérodrome conclus avec l’État.
« En l’absence d’un contrat pluriannuel déterminant les conditions de l’évolution des tarifs des redevances aéroportuaires, ces tarifs sont déterminés, y compris pour Aéroports de Paris, par le ministre chargé de l’aviation civile, sur une base annuelle et après homologation par l’autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires dans des conditions fixées par voie réglementaire.
« En outre, dans le cas d’Aéroports de Paris et en l’absence d’un contrat pluriannuel, le cahier des charges de la société précise les conditions dans lesquelles le ministre chargé de l’aviation civile peut, pour une durée de cinq ans au maximum et après avis conforme de l’autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires, déterminer :
« 1° Les conditions de l’évolution des tarifs des redevances aéroportuaires ;
« 2° Les investissements et les objectifs de qualité des services publics rendus par Aéroports de Paris. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 228 rectifié est présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, M. Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 397 rectifié est présenté par M. M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande, Tourenne et Jacquin, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, MM. Kanner et Assouline, Mme de la Gontrie, MM. Féraud, Iacovelli et Jomier, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Roger, Éblé, Antiste, Courteau et Duran, Mmes Bonnefoy et Blondin, M. Fichet, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 228 rectifié.
M. Fabien Gay. Défendu !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour présenter l’amendement n° 397 rectifié.
M. Martial Bourquin. Défendu également.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 228 rectifié et 397 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 1022, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
A. – Au début de cet article
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
I. – L’article L. 6325-1 du code des transports est ainsi modifié :
1° La première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « , appréciée au regard du coût moyen pondéré du capital estimé à partir du modèle d’évaluation des actifs financiers, des données financières de marché disponibles et des paramètres considérés pour les entreprises exerçant des activités comparables » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les éléments financiers servant de base de calcul des tarifs des redevances prévues au présent article sont déterminés à partir des états financiers, le cas échéant prévisionnels, établis conformément aux règles comptables françaises. »
II. – L’article L. 6325-2 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour déterminer les conditions de l’évolution des tarifs, le respect des principes mentionnés aux deuxième et quatrième alinéas de l’article L. 6325-1 est apprécié de manière prévisionnelle sur la période couverte par ces contrats. Au cours de l’exécution de ces contrats, dès lors que les tarifs des redevances aéroportuaires évoluent conformément aux conditions qui y sont prévues, ces principes sont réputés respectés et le niveau du coût moyen pondéré du capital, y compris en l’absence de stipulation expresse, ne peut, pendant la période couverte par le contrat, être remis en cause. »
B. Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
III. – Le premier alinéa de l’article L. 6325-2 du code des transports, dans sa rédaction résultant du II du présent article, est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
C. – Alinéa 2
Supprimer la mention :
Art. L. 6325-2. –
D. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
IV. – Le deuxième alinéa de l’article L. 6325-2 du code des transports, dans sa rédaction résultant du II du présent article, s’applique à tous les contrats prévus au même article L. 6325-2, y compris ceux qui sont en vigueur à la date de promulgation de la présente loi.
V. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de 3 mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin d’ériger en une autorité mentionnée au 1er alinéa de l’article 1er de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes, ou d’intégrer à l’une de ces autorités, l’autorité de supervision indépendante au sens de la directive 2009/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires, chargée d’homologuer les tarifs des redevances aéroportuaires mentionnées à l’article L. 6325-1 code des transports, et de rendre un avis conforme au ministre chargé de l’aviation civile sur les contrats régis par l’article L. 6325-2 du même code, en ce compris sur le coût moyen pondéré du capital mentionné dans ce contrat.
Ces mesures fixent les aérodromes relevant de la compétence de l’autorité, sa composition, les modalités d’exercice de ses attributions ainsi que les principes fondamentaux relatifs à son organisation et à son fonctionnement.
Pour l’ordonnance mentionnée au premier alinéa présent V, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Cet amendement vise à renforcer le statut de l’autorité indépendante. Nous avons longuement évoqué ce point lors de notre discussion préalable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. L’avis est favorable. Je persiste à vouloir faire prévaloir une troisième voie, que nous avons élaborée à partir d’une copie blanche. Nous avons trouvé des points de convergence avec le Gouvernement. Nous sommes notamment convenus que la régulation était indispensable. Certains de mes collègues dans l’hémicycle ont parlé d’excès de libéralisme au sujet des privatisations envisagées. Pour ma part, je pense qu’une économie qui fonctionne bien est une économie qui donne un cadre, qui laisse de la liberté, mais qui met en place des outils de régulation. Ceux que nous proposons aujourd’hui, j’y insiste, sont utiles pour ADP, quelle que soit la décision finale du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je veux saluer cet amendement du Gouvernement, qui constitue une évolution considérable du droit. Je remercie le Gouvernement, comme la commission spéciale, les deux ayant collaboré dans une logique de coproduction que je trouve particulièrement utile. Nous sommes quelques-uns à avoir travaillé dans le cadre des assises nationales du transport aérien pour essayer d’améliorer toutes ces questions de partage de la valeur entre aéroports et compagnies, de créer les conditions d’une plus grande compétitivité. Cette proposition est un élément majeur de régulation.
Je me réjouis que le Gouvernement, avec la force qui est la sienne, avec son expertise juridique et technique, marche sur la même voie que le Sénat.
Un élément utile sortira de nos travaux, et permettra de donner toute l’accroche juridique nécessaire pour que la disposition proposée reste, je l’espère, dans la version finale du texte.
Je donne acte à M. le ministre et à Jean-François Husson du travail effectué, et les remercie de leur écoute et de leur sagacité. Ce n’était pas simple de marcher dans cette voie, mais je puis vous dire que beaucoup d’acteurs du transport aérien attendent un régulateur indépendant qui soit capable de donner son avis sur la juste rémunération des capitaux investis, lors de l’homologation annuelle des tarifs. C’est un pas en avant considérable.
Mme la présidente. L’amendement n° 950, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
a) Première phrase
Supprimer les mots :
après avis conforme de l’autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires
b) Deuxième phrase
Supprimer les mots :
ces investissements et
II. – Alinéas 3 à 6
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« En l’absence d’un contrat pluriannuel déterminant les conditions de l’évolution des tarifs des redevances aéroportuaires, ces tarifs sont déterminés sur une base annuelle dans des conditions fixées par voie réglementaire. Dans le cas d’Aéroports de Paris, le cahier des charges de la société précise les conditions dans lesquelles le ministre chargé de l’aviation civile peut fixer les tarifs, après proposition d’Aéroports de Paris, sans préjudice des pouvoirs de l’autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires, de manière à garantir, conformément à l’article L. 6323-4-1 du présent code la rémunération des capitaux investis par Aéroports de Paris au regard du coût moyen pondéré du capital. »
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Cet amendement a pour objet de supprimer la notion de contrat de régulation économique unilatéral, la logique du CRE étant celle d’un contrat, qui requiert donc l’accord des deux parties.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 190 rectifié, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mme Deromedi, M. Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Regnard et Bonhomme, Mme L. Darcos, MM. Lefèvre, Chatillon et Charon, Mme M. Mercier, MM. Laménie, Mandelli, Daubresse, Darnaud, Genest et Bonne, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Rapin, Revet, Dufaut, Babary et Segouin et Mme Lassarade, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après le mot :
publics
insérer les mots :
notamment en garantissant l’exercice de la vie associative assurée par les aéroclubs constitués sous forme d’association à but non lucratif et disposant d’un lien statutaire avec une association reconnue d’utilité publique
La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. L’objet du présent amendement est sensiblement le même que celui de l’amendement n° 189 rectifié, qui a été adopté voilà quelques instants. Il s’agit de garantir la pérennité des aéroclubs, comme nous l’avons fait à l’article 47.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Sagesse bienveillante. Néanmoins, mon cher collègue, comme vous êtes déjà satisfait à l’article 47, je ne suis pas sûr qu’il soit utile de maintenir le présent amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 48, modifié.
(L’article 48 est adopté.)
Article 48 bis (nouveau)
Après l’article L. 6325-2 du code des transports, il est inséré un article L. 6325-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6325-2-1. – L’autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires est une autorité administrative indépendante chargée d’homologuer les tarifs des redevances aéroportuaires mentionnées à l’article L. 6325-1 et de rendre un avis conforme au ministre chargé de l’aviation civile sur tout projet de contrat régi par l’article L. 6325-2.
« Elle exerce ses compétences de manière impartiale et transparente et arrête librement ses décisions
« Son organisation et son fonctionnement sont déterminés par décret. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 231 rectifié est présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, M. Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.
L’amendement n° 715 est présenté par M. M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande et Tourenne, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, MM. Kanner et Assouline, Mme de la Gontrie, MM. Féraud, Iacovelli et Jomier, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Roger, Éblé, Courteau, Antiste et Fichet, Mme Bonnefoy, M. Duran, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 1021 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 231 rectifié.
M. Fabien Gay. Défendu !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour présenter l’amendement n° 715.
M. Martial Bourquin. Défendu !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 1021.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. La commission est favorable à ces amendements de suppression, puisque nous avons adopté l’amendement n° 1022 du Gouvernement à l’article 48.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 231 rectifié, 715 et 1021.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 48 bis est supprimé.
Article 49
I. – (Supprimé)
I bis. – Par dérogation aux articles L. 2253-1, L. 3231-6, L. 4211-1 et L. 5111-4 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales d’Île-de-France, leurs groupements et le département de l’Oise peuvent, par délibération de leur organe délibérant, détenir des actions de la société Aéroports de Paris.
L’organe exécutif des collectivités territoriales d’Île-de-France, de leurs groupements ou du département de l’Oise, par délégation de l’assemblée délibérante, peut être chargé, pour la durée de son mandat, de prendre toute décision concernant l’opération de cession de la participation de l’État dans le capital de la société Aéroports de Paris, lorsque les crédits sont inscrits au budget.
L’organe exécutif informe l’assemblée délibérante des actes pris dans le cadre de cette délégation à la plus proche séance suivant la fin de l’opération de cession.
Sauf disposition contraire dans la délibération portant délégation, l’exécutif peut subdéléguer les attributions confiées par l’assemblée délibérante dans les conditions prévues aux articles L. 2122-18, L. 3221-3, L. 4231-3 et L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales.
L’acquisition de ces actions peut être réalisée au travers de la prise de participations au capital de sociétés commerciales ayant pour seul objet de détenir, directement ou indirectement, des actions de la société Aéroports de Paris.
Les accords conclus par les collectivités territoriales d’Île-de-France, leurs groupements et le département de l’Oise pour participer ensemble ou avec d’autres personnes publiques ou privées à toute procédure de cession du capital de cette société ne constituent pas des marchés publics au sens de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.
II. – L’article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est complété par des IV bis et V ainsi rédigés :
« IV bis. – Le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de Paris est autorisé. Ce transfert n’emporte pas de conséquence sur les statuts du personnel.
« V. – Les opérations par lesquelles l’État transfère au secteur privé la majorité du capital de la société Aéroports de Paris sont régies par les dispositions suivantes :
« 1° Les ministres chargés de l’aviation civile et de l’économie rappellent aux candidats à l’acquisition des actions détenues par l’État les obligations de service public pesant sur la société ;
« 2° S’agissant de toute opération de cession de capital réalisée en dehors des procédures des marchés financiers, les ministres mentionnés au 1° du présent V approuvent le cahier des charges portant sur la cession de capital qui précise, en fonction du niveau de détention du ou des cessionnaires :
« a) Les obligations du ou des cessionnaires relatives à la préservation des intérêts essentiels de la Nation en matière de transport aérien, d’attractivité et de développement économique et touristique du pays et de la région d’Île-de-France, ainsi que de développement des interconnexions de la France avec le reste du monde ;
« b) En concertation avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles les aérodromes mentionnés à l’article L. 6323-2 du code des transports sont exploités, les obligations du ou des cessionnaires afin de garantir le développement de ces aérodromes et d’optimiser leur impact économique, social et environnemental ;
« c) Si nécessaire, et impérativement en cas de cession du contrôle direct ou indirect d’Aéroports de Paris au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, l’expérience pertinente en tant que gestionnaire ou actionnaire d’une société exploitant un ou plusieurs aéroports et la capacité financière suffisante notamment pour garantir la bonne exécution par Aéroports de Paris de l’ensemble de ses obligations, dont celles mentionnées aux a et b du présent 2°, dont disposent les candidats au rachat des actions de l’État. Les candidats donnent, dès le stade de l’examen de la recevabilité des offres, des garanties sur leur capacité à permettre à la société Aéroports de Paris d’exercer les missions prévues au cahier des charges prévu à l’article L. 6323-4 du code des transports. Cette capacité est appréciée par les ministres mentionnés au 1° du présent V ;
« d) (nouveau) Les autres conditions liées à l’acquisition et à la détention des actions, notamment celles relatives à la stabilité de l’actionnariat ;
« 3° Les candidats détaillent dans leurs offres les modalités selon lesquelles ils s’engagent à satisfaire aux obligations mentionnées au 2° du présent V et précisent les engagements qu’ils souscrivent pour permettre à Aéroports de Paris d’assurer sur le long terme la bonne exécution des obligations de service public, telles que définies par la loi et précisées par le cahier des charges prévu à l’article L. 6323-4 du code des transports. La mise en œuvre de ces engagements fait l’objet d’un suivi par un comité qui se réunit au moins une fois par an et qui comprend des représentants de l’État, des collectivités territoriales mentionnées au b du 2° du présent V et d’Aéroports de Paris.
« Les dispositions du II du présent article ne sont pas applicables au transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Aéroports de Paris mentionné au IV bis. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 182 rectifié est présenté par MM. Karoutchi et Allizard, Mme Berthet, MM. Bonhomme, Bonne, Brisson, Cambon, Charon, Chatillon et Chevrollier, Mme Ramond, MM. Cuypers, Darnaud et Daubresse, Mme de Cidrac, MM. de Legge et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, M. P. Dominati, Mme Dumas, MM. Ginesta, Gremillet, Houpert, Kennel et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Lherbier, Malet et M. Mercier, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Panunzi, Pellevat et Piednoir, Mme Procaccia, MM. Regnard, Revet, Sido, Vaspart, Vial et Segouin et Mme Deseyne.
L’amendement n° 229 rectifié est présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, M. Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 398 rectifié est présenté par M. M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande, Tourenne et Jacquin, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, MM. Kanner et Assouline, Mme de la Gontrie, MM. Féraud, Iacovelli et Jomier, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Roger, Éblé et Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran et Fichet, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° 182 rectifié.
M. Roger Karoutchi. De guerre lasse, au cœur d’un débat qui ne ressemble à rien, je considère que cet amendement est défendu.
Je ne sais pas bien ce que nous sommes en train de faire. Nous sommes censés être la Haute Assemblée, mais dans les faits, j’en doute. J’espère qu’il n’y a pas grand monde pour nous regarder. (M. Martin Lévrier applaudit.)
Mme la présidente. Monsieur Karoutchi, je ressens beaucoup de lassitude dans vos propos. (Sourires.)
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 229 rectifié.
M. Fabien Gay. Défendu !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour défendre l’amendement n° 398 rectifié.
M. Martial Bourquin. Défendu !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Par cohérence avec le refus de la privatisation qui résulte de la suppression de l’article 44, la commission est favorable à la suppression de l’article 49.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 182 rectifié, 229 rectifié et 398 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 49 est supprimé.
Par ailleurs, les amendements nos 557 rectifié, 455, 719 rectifié bis et le sous-amendement n° 920 n’ont plus d’objet.
Article 50
I. – Le chapitre III du titre II du livre III de la sixième partie du code des transports est complété par un article L. 6323-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 6323-7. – La Cour des comptes contrôle les comptes d’Aéroports de Paris, qui produit à cet effet tout élément utile à son instruction. »
II. – L’article 44, à l’exception de son alinéa 8, les articles 45 à 48 et le I du présent article entrent en vigueur à la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital d’Aéroports de Paris.
Les décrets mentionnés au dernier alinéa du 1° du I de l’article L. 6323-2-1, aux articles L. 6323-4 et L. 6323-4-1 du code des transports, tels que modifiés ou créés par la présente loi, sont publiés avant la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital d’Aéroports de Paris et entrent en vigueur à cette même date.
III. – (Non modifié) Le second alinéa de l’article L. 6323-1 du code des transports est supprimé.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 230 rectifié est présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, M. Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 399 rectifié est présenté par M. M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande, Tourenne et Jacquin, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, MM. Kanner et Assouline, Mme de la Gontrie, MM. Féraud, Iacovelli et Jomier, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Roger, Éblé, Antiste, Courteau et Fichet, Mme Bonnefoy, M. Duran, Mmes Blondin, Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 230 rectifié.
M. Fabien Gay. Défendu !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour présenter l’amendement n° 399 rectifié.
M. Martial Bourquin. Défendu !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 230 rectifié et 399 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 50 est supprimé.
Par ailleurs, les amendements nos 534 et 1023 n’ont plus d’objet.
Articles additionnels après l’article 50
Mme la présidente. L’amendement n° 736, présenté par Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 50
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 571-11 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 571-11-… ainsi rédigé :
« Art. L. 571-11-… – L’utilisation de nuit de l’aéroport d’Orly est ainsi limitée :
« 1° Aucun atterrissage d’aéronef ne peut être programmé entre 23 heures 30 et 6 heures 15, heure locale d’arrivée sur l’aire de stationnement ;
« 2° Aucun atterrissage pour retard accidentel ne peut être admis après 23 heures 30. Cette disposition ne s’étend pas aux situations susceptibles de mettre en cause la sécurité de l’aéronef, réservées à la seule appréciation du commandant de bord, sous réserve d’une justification a posteriori ;
« 3° Aucun décollage d’aéronef ne peut être programmé entre 23 heures 15 et 6 heures, heure locale de départ de l’aire de stationnement ;
« 4° Aucun décollage pour retard accidentel ne peut être admis après 23 h 30 ;
« 5° Les aéronefs effectuant des atterrissages entre 23 heures 15 et 6 heures 30, heure du toucher des roues, sont manœuvrés au tracteur sur les voies de circulation ;
« 6° L’utilisation des dispositifs de freinage au moyen des groupes moteurs est interdite entre 22 heures 15 et 6 heures 30, sauf raisons particulières mettant en jeu la sécurité et dont le bien-fondé est apprécié a posteriori sur un rapport du commandant de bord.
« Toute dérogation exceptionnelle au régime défini aux 1° à 4°, au bénéfice d’aéronefs commerciaux, ne peut être accordée que par le secrétaire général à l’aviation civile.
« Les restrictions définies aux mêmes 1° à 4° ne s’appliquent pas aux aéronefs d’État ni aux aéronefs effectuant des missions de caractère humanitaire, réserve faite pour ces derniers d’une justification a posteriori. »
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la présidente, si vous me le permettez, je défendrai en même temps l’amendement n° 737, ces deux amendements ayant le même objet.
Mme la présidente. L’amendement n° 737, présenté par Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 50
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre 1er du titre VII du livre V du code de l’environnement est complété par une section … ainsi rédigée :
« Section …
« Dispositions particulières pour l’aérodrome Paris-Orly
« Art. L. 571-… – Le nombre maximal de créneaux horaires attribuables par le coordonnateur de l’aéroport d’Orly est fixé à 250 000 sur deux périodes de planification horaire consécutives, en été et en hiver.
« Dans la période comprise entre 6 heures et 7 heures locales, et entre 22 heures et 23 heures 30 locales, le nombre de créneaux horaires attribuables par le coordonnateur de l’aéroport d’Orly ne peut dépasser la moitié de la capacité disponible au sens de l’article 6 du règlement (C.E.E.) n° 95/93 du Conseil du 18 janvier 1993 fixant les règles communes en ce qui concerne l’attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la Communauté. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Sophie Taillé-Polian. Il s’agit de garantir les droits acquis par les riverains de l’aéroport d’Orly. Lors de la construction de ce dernier, vous le savez, le tissu urbain était déjà très dense. Les riverains ont obtenu de bénéficier d’un couvre-feu de 23 heures 30 à 6 heures 15, et d’une limitation du nombre de créneaux horaires. Nous souhaiterions que ce droit des riverains soit sanctuarisé, que ce soit dans le cadre d’une privatisation ou dans le cadre actuel, puisqu’une proposition de loi avait été déposée dans ce sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je demande le retrait de ces amendements, qui relèvent clairement du domaine réglementaire, à savoir d’un arrêté du ministre chargé des transports.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 718 rectifié bis, présenté par M. P. Dominati, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Brisson, Cardoux et Chatillon, Mme de Cidrac, MM. Danesi et Daubresse, Mme Deromedi, MM. Grosdidier, Karoutchi, Lefèvre, Mandelli, Meurant, de Nicolaÿ, Panunzi et Piednoir, Mmes Procaccia et Puissat et MM. Rapin, Revet, Schmitz et Vaspart, est ainsi libellé :
Après l’article 50
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le livre Ier de la première partie du code des transports est complété par un titre ainsi rédigé :
« Titre…
« Lutte contre la concentration du transport public
« Art. L. 1121-… – Afin de prévenir les atteintes à la liberté de circulation sur le plan national, une même personne physique ou morale agissant seule ou de concert ne peut se trouver dans plus de deux situations suivantes :
« 1° Détenir ou assurer l’exploitation de plus de 20 % du réseau autoroutier national ;
« 2° Détenir ou assurer l’exploitation de plus de 20 % du parc de stationnement réglementé en voirie et hors voirie sur l’ensemble du territoire national ;
« 3° Détenir ou assurer l’exploitation de plus de dix aérodromes mentionnés aux articles L. 6321-1, L. 6323-1 et suivants et L. 6324-1 ;
« 4° Détenir ou assurer l’exploitation de plus de 200 kilomètres d’infrastructures ferrées.
« Article L. 1121-… – Lorsqu’une opération de concentration a fait l’objet d’un examen approfondi par l’Autorité de la concurrence en application du dernier alinéa du III de l’article L. 430-5 du code de commerce, L’État peut, par arrêté conjoint des ministres chargés des transports, de l’économie et du budget, mettre fin intégralement ou partiellement à la mission confiée. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2020.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Défendu !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Défavorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 718 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Sous-section 2
La Française des jeux
Article 51
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 266, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – L’exploitation des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne ainsi que des jeux de pronostics sportifs commercialisés en réseau physique de distribution est confiée pour une durée limitée à une personne morale unique faisant l’objet d’un contrôle étroit de l’État.
II. – La société La Française des jeux est désignée comme la personne morale unique mentionnée au I du présent article à compter de la publication de la présente loi.
III. – Le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société La Française des jeux est autorisé. Le décret décidant le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société La Française des jeux entre en vigueur après le dépôt du projet de loi de ratification de l’ordonnance mentionnée au IV du présent article.
IV. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi ayant pour objet :
1° De préciser le périmètre des droits exclusifs mentionnés au I, avec une définition juridique des catégories de jeux autorisés, et les contreparties dues par la personne morale unique mentionnée au même I au titre de leur octroi ;
2° De définir les conditions dans lesquelles sont exercés les droits exclusifs mentionnés au I, notamment la durée limitée d’exercice de ces droits, qui ne pourra excéder vingt-cinq ans ;
3° De définir les conditions d’organisation et d’exploitation des droits exclusifs mentionnés au I ainsi que les modalités du contrôle étroit sur la personne morale unique mentionnée au même I en prévoyant la conclusion d’une convention entre l’État et la personne morale unique mentionnée audit I ou le respect par cette même personne d’un cahier des charges défini par l’État ;
4° De définir les modalités de l’agrément de l’État requis en cas de franchissement de seuils du capital ou des droits de vote de la société mentionnée au II ;
5° De redéfinir et préciser les modalités d’exercice du pouvoir de contrôle et de police administrative de l’État sur l’ensemble du secteur des jeux d’argent et de hasard ainsi que les modalités de régulation de ce secteur, notamment les dispositions applicables à l’autorité mentionnée à l’article 34 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, dans l’optique de la mise en place d’une autorité de surveillance et de régulation présentant des garanties d’indépendance adaptées à ses missions. Ces modalités de régulation incluent le contrôle des engagements pris par les opérateurs pour répondre aux objectifs définis aux 1° à 3° du I de l’article 3 de la même loi, notamment en ce qui concerne les communications commerciales en faveur des jeux d’argent et de hasard et les messages de prévention à destination des joueurs, ainsi que le renforcement des moyens de lutte contre les activités illégales, notamment les offres illégales de jeux d’argent ;
6° De modifier ou renforcer les sanctions administratives et pénales existantes et prévoir de nouvelles sanctions en cas de méconnaissance des règles applicables au secteur des jeux d’argent et de hasard ;
7° De rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant des 1° à 6°, pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, d’une part, et de procéder aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, d’autre part ;
8° D’abroger les dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet et d’apporter aux autres dispositions législatives en vigueur toutes autres modifications rendues nécessaires pour la mise en œuvre des dispositions résultant des 1° à 7°.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au présent IV.
V. – Les frais de gestion prélevés par les opérateurs de jeux ou de paris en ligne et par la personne morale unique mentionnée au I du présent article sur les sommes qu’ils mettent en réserve conformément aux dispositions des quatrième et septième alinéas de l’article 17 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne et du dernier alinéa de l’article 66 de la même loi sont limités à un montant par compte forfaitaire défini par voie réglementaire, prélevé trois mois avant l’expiration du délai de six ans. Aucun autre type de prélèvement ne peut être effectué par l’opérateur sur les comptes clôturés et dont les avoirs sont mis en réserve.
VI. – Au plus tard à l’issue d’un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, La Française des jeux et le Pari mutuel urbain s’assurent périodiquement que les personnes réalisant des opérations de jeux dans les points de vente au moyen d’un compte client ne sont pas inscrites au fichier des interdits de jeux, géré par le ministère de l’intérieur. Tout compte joueur dont le titulaire est interdit de jeu est clôturé. Les modalités d’application du présent VI sont définies par arrêté.
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Cet amendement va me valoir, j’imagine, un succès d’estime dans cette enceinte (Rires.), puisqu’il vise à rétablir l’autorisation de transfert au secteur privé de la majorité du capital de la Française des jeux. Après avoir passé un peu de temps sur Aéroports de Paris et sur l’encadrement d’une privatisation dont le Sénat ne veut pas, nous allons maintenant avoir une discussion sur le rétablissement d’une privatisation dont le Sénat voudra peut-être. Je ne préjuge pas la décision de la Haute Assemblée, même si la commission spéciale a rejeté cette perspective.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Vous le savez, monsieur le ministre, les inquiétudes sont fortes devant le projet de privatisation de la Française des jeux, ou FDJ, entreprise historique très ancrée dans nos territoires. Ce projet pose, entre autres enjeux, un problème de santé publique.
En commission spéciale, nous avons relevé une forme d’impréparation de l’opération que vous nous présentez. Nous pensons que le Gouvernement n’est pas véritablement prêt à solliciter du Parlement l’autorisation de privatiser la Française des jeux. Il faut savoir que l’Assemblée nationale a délibéré voilà déjà quatre mois, et quand je vois le peu d’éléments qui nous sont fournis, je n’ose pas croire que vous puissiez demander à la représentation nationale de se prononcer dans le cadre de l’examen d’un texte en procédure accélérée sur le sujet. En plus, le périmètre des droits exclusifs confiés à l’opérateur n’est pas clairement défini. Il demeure également de l’imprécision sur la régulation, de même que sur la fiscalité, mais, à ce sujet, nous allons pouvoir débattre d’un amendement.
À ce stade, comment la chambre haute pourrait-elle se prononcer de manière éclairée ? J’ai eu l’occasion de le dire, l’objectif n’est pas de proposer de délibérer, faute de texte, les yeux bandés. Il n’est pas davantage de faire un chèque en blanc ou un chèque en bois !
Monsieur le ministre, conformément à la position exprimée par la commission spéciale, j’émets un avis défavorable sur votre amendement.
Mme la présidente. La parole à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Comme le rapporteur, nous sommes opposés à la privatisation pour deux raisons essentielles.
Première raison, la lutte contre les addictions, le blanchiment et la fraude. Sur ces questions, à nos yeux très importantes, le Gouvernement n’a pas donné de réponse satisfaisante.
Seconde raison, la Française des jeux aide à financer les infrastructures sportives. Certes, le Gouvernement nous a assuré s’entourer de toutes les garanties pour que cette aide se poursuive, mais nous pensons que cette grande entreprise, qui produit beaucoup de dividendes, doit rester dans le giron public.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux attirer votre attention sur une autre problématique que poserait la privatisation de cette entreprise publique et que de nombreux défenseurs du patrimoine souhaitent souligner. La semaine dernière, lors de l’audition de M. Bern par la commission de la culture, nous avons évoqué l’incertitude sur le devenir du loto du patrimoine organisé par la Française des jeux et sur la part qui reviendrait au financement du patrimoine si cette privatisation était retenue.
Ce loto du patrimoine, qui constitue une innovation très attendue par le secteur du patrimoine et les associations de sauvegarde de ce dernier, destinée à financer le patrimoine rural et de proximité, reprend d’ailleurs une proposition contenue dans un rapport sénatorial assez ancien.
Fort de son succès, il a été décidé de le renouveler cette année. Pour la première édition, en date de 2018, sur les 15 euros que vaut un ticket à gratter, 1,04 revenait à l’État et 1,5 était destiné à la Fondation du patrimoine. Après la privatisation, de telles opérations seront-elles encore possibles ? Aucune garantie n’est apportée quant à la répartition des sommes qui seront affectées au secteur patrimonial lors de futures éditions.
La FDJ participe au financement de plusieurs secteurs, notamment, comme l’a dit mon collègue, celui du sport, mais aussi celui du patrimoine via des taxes affectées provenant des mises des joueurs. Cette implication singulière est particulièrement importante.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous garantir que le nouvel investisseur privé accordera au patrimoine et au sport une attention aussi forte que la Française des jeux, contrôlée par l’État ? Si l’État n’est plus majoritaire, il n’y aura plus les mêmes marges de manœuvre ni des moyens de pression comparables pour défendre les secteurs que la FDJ finance actuellement et pour lesquels, on le sait, les pouvoirs publics se désengagent de plus en plus, faute de budget suffisant.
Il convient donc de ne pas remettre en cause les différentes ressources financières affectées au patrimoine et de ne pas porter un mauvais coup à la nécessaire régulation républicaine des jeux d’argent.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m’exprimer en mon nom propre et pas comme membre de mon groupe ou en ma qualité de présidente de la commission des affaires économiques.
Monsieur le ministre, au risque de vous surprendre, je veux vous dire que cette privatisation de la Française des jeux ne me choque pas. J’y serais même plutôt favorable, car il me semble que les systèmes de régulation dont vous nous avez parlé en commission prennent notamment en compte les problèmes de santé et d’addiction.
Je ne fais pas de confusion entre les dividendes et la fiscalité des jeux, ce n’est pas tout à fait la même chose. Si mes informations sont bonnes, ce sont pratiquement 3,5 milliards d’euros qui viennent chaque année alimenter le budget de l’État au titre de la fiscalité des jeux. Je crois que cela continuera.
En revanche, si je ne suis pas d’accord pour adopter aujourd’hui cette privatisation, c’est parce que je n’ai pas d’informations exactes sur les conditions de cession de la Française des jeux. Je n’ai pas eu de réponse à la question que j’ai posée en commission sur les problèmes d’équité entre les différents types de jeux qui existent en France – le PMU et d’autres jeux, y compris les jeux en ligne. Je suis confortée dans mon interrogation par le dépôt d’un amendement relatif à la fiscalité de ces jeux. En effet, cette proposition ne me semble pas remplir les conditions d’équité entre la Française des jeux et les autres types de jeux qui me paraissent – pardonnez-moi l’expression – habiller la mariée.
Nous manquons, à mon sens, de précisions pour pouvoir donner en toute connaissance de cause, un quitus sur la privatisation. Toutefois, comme vous l’avez compris, je ne demande qu’à être convaincue !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je veux attirer votre attention sur un autre point qui mérite notre vigilance et qui résulterait de la privatisation de la Française des jeux, notamment du point de vue de nos territoires.
En effet, la Française des jeux prend appui sur un réseau de plus de 30 000 points de vente, qui sont des bars, des tabacs, des magasins de journaux. Répartis sur plus de 11 000 communes, ils constituent, pour bon nombre d’entre eux, le dernier commerce en milieu rural.
La Française des jeux mobilise annuellement plus de 780 millions d’euros pour rétribuer les détaillants, ce qui représente un complément de chiffre d’affaires de plus de 25 000 euros par point de vente et par an, une somme qui contribue largement à la viabilité de ces petits commerces.
Les relations entre la Française des jeux et ses détaillants reposent sur une base contractuelle qui permet une rétribution à hauteur d’un taux d’environ 5,5 % sur le chiffre d’affaires des jeux. Ces relations sont à la fois bonnes et fragiles, car la stratégie repose sur des points de vente physiques et sur une forte implication des revendeurs.
Qu’en serait-il demain ? La future gouvernance n’aurait-elle pas, pour maximiser ses bénéfices, tendance à durcir ses relations avec les buralistes ? Le développement des nouvelles technologies ne va-t-il pas favoriser le recours à des jeux dématérialisés qui sont très lucratifs ?
Face à ces interrogations, le maintien de la gouvernance de la Française des jeux dans le giron public me semble être une garantie en termes d’aménagement du territoire pour continuer à conforter la présence de ces points de vente, notamment en milieu rural.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Nous partageons, quant à nous, l’avis défavorable de la commission sur cet amendement, et ce pour plusieurs raisons. Je rassure M. le ministre sur le fait que nous faisons nous aussi la différence entre fiscalité et dividendes. Cette privatisation n’aura évidemment pas d’incidence sur les recettes fiscales qui continueront, quoi qu’il arrive, à rentrer dans les caisses de l’État.
Si nous nous opposons à cet amendement, c’est d’abord pour lutter contre l’addiction, point sur lequel un certain nombre de nos collègues sont revenus. Ce phénomène est indéniable, monsieur le ministre, surtout quand on voit l’agressivité des paris en ligne et des opérateurs privés. Si demain, la Française des jeux venait à être privatisée, nous pourrions nous trouver confrontés, sinon à des scènes de western, un mot que je n’ai pas envie d’employer de nouveau, en tout cas à des difficultés ; je pense notamment au jeune public exposé aux paris en ligne.
Je ne reviendrai pas sur une autre raison de notre opposition à cet amendement, relative à des questions d’infrastructures évoquées par un certain nombre de mes collègues. On pourrait aussi parler de la filière équine.
Troisième sujet d’opposition à cet amendement, le seul opérateur privé est actuellement l’association des ex-Gueules cassées, titulaire d’un contrat et actionnaire aux alentours de 9,23 %. Elle a dit craindre de voir ses dividendes baisser dans le cadre d’une probable privatisation. Nous soutenons évidemment cette association d’anciens combattants qui a un rayonnement certain. La question n’est donc pas anodine. Faute d’avoir rencontré les anciens combattants, nous avons lu que cette privatisation suscite chez eux une très vive inquiétude.
Pour toutes ces raisons et pour bien d’autres encore, nous ne voterons pas, monsieur le ministre, votre amendement tendant à réintroduire la privatisation de la Française des jeux.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, pour explication de vote.
M. Jean Pierre Vogel. Monsieur le ministre, je veux vous faire part de mes craintes au sujet du GIE PMU dans l’hypothèse de la privatisation de la Française des jeux. Je suis d’autant plus inquiet qu’il n’y a strictement aucune étude d’impact, notamment sur les risques de cannibalisation de la Française des jeux par rapport au PMU.
On le sait, le GIE PMU a déjà perdu depuis huit ans environ 1 milliard d’euros d’enjeux au profit de la Française des jeux. Or il reverse à peu près 800 millions d’euros par an à la filière équine. Et il existe 9 000 points de vente physiques, qui sont d’ailleurs les mêmes pour le PMU et la Française des jeux. Il faut le savoir, la rémunération n’est pas du tout la même pour les buralistes selon les produits. Si ceux-ci concernent la FDJ, les commerçants perçoivent une rémunération quasiment deux fois et demie supérieure à celle qu’ils touchent pour les produits afférents au PMU.
Le risque est d’autant plus réel qu’il serait envisagé d’accorder aux buralistes des droits de souscription préférentiels au capital de la Française des jeux si cette entreprise était privatisée. Dans cette situation nouvelle, cette société conduirait naturellement une politique beaucoup plus agressive au détriment du GIE PMU et de toute la filière équine qui maille l’ensemble de nos territoires ruraux.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Le jeu d’argent justifie la prudence. Évidemment, quand on est parieur, cela va de soi, mais cette question concerne tous ceux qui s’y intéressent.
Je suis satisfait que la commission spéciale ait choisi de s’opposer à cette privatisation et je partage les réserves de ceux qui se sont exprimés dans le même sens.
Pourquoi vendre un opérateur si différent par son histoire et ses produits ? La question des addictions et des intérêts d’ordre public a été mentionnée. On ne traite pas la Française des jeux comme n’importe quel autre opérateur économique ! Pourquoi vendre un opérateur qui est rentable ? Pourquoi vendre un opérateur qui joue un rôle encore plus important que les autres en matière de prévention ? Certains ont évoqué l’agressivité des acteurs en matière de paris en ligne notamment. Pourquoi vendre un opérateur, alors que rien dans la stratégie de la Française des jeux ne nécessite cette privatisation ?
Le principe de cette privatisation et la volonté du Gouvernement accréditent finalement la thèse de ceux qui craignent que le changement du business model de la Française des jeux ne conduise à une évolution vers un modèle un peu moins vertueux, tel que ceux qui existent dans d’autres pays voisins.
Le sujet revêt aussi un aspect fiscal. Au-delà de l’opposition générale à la privatisation, on a pu observer un certain flou dans la position de l’exécutif sur la fiscalité des jeux, ainsi que sur la régulation.
S’agissant de la fiscalité, de nombreux observateurs du secteur éprouvent des doutes. Les taxes sur les paris sportifs s’élèveraient à 62 % du produit brut des jeux, alors que l’État prélevait auparavant 9,3 % des mises. Ce n’est pas du tout un jeu à somme nulle ! Beaucoup craignent d’ailleurs que des opérateurs aujourd’hui rentables ne fassent faillite. Quel est le but ? S’agit-il de rendre plus présentable la corbeille de la mariée Française des jeux ?
J’en viens enfin à la régulation, qui est un sujet essentiel pour les motifs évoqués plus haut. Je ne comprends pas bien où veut en venir le Gouvernement. On nous vend une privatisation, mais si elle n’est pas accompagnée d’une remise à plat de la régulation par une autorité unique indépendante, du type de l’ARJEL, l’Autorité de régulation des jeux en ligne, dont on sait qu’elle fonctionne plutôt bien, on n’a pas la garantie d’une régulation saine et universelle.
En ultime argument, comme beaucoup d’autres ici, je ne suis pas tout à fait convaincu, en ma qualité de parlementaire, par le recours aux ordonnances.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le ministre, beaucoup ayant été dit sur le sujet, je ne serai pas très longue. Nous ne devons cependant pas oublier que le jeu n’est pas une marchandise comme les autres. Je veux revenir à mon tour sur la question des addictions.
L’Observatoire des jeux et de nombreuses associations qui œuvrent avec beaucoup de pugnacité contre les addictions nous alertent sur l’évolution du nombre de joueurs à risque excessif – 300 000 – et sur l’augmentation assez forte du nombre de joueurs à risque modéré. Ces joueurs ne compromettent pas l’équilibre de leur budget quotidien en jouant de façon pathologique, excessive, mais leur nombre augmente et atteindrait aujourd’hui 1 million dans notre pays, ce qui doit nous conduire à nous interroger.
Le devenir de la Française des jeux, la progression du chiffre d’affaires, en particulier, aura forcément des conséquences. On peut estimer qu’une progression du chiffre d’affaires de 1 % correspondra à plusieurs milliers de nouveaux joueurs pathologiques ou à risque modéré. Or la Française des jeux, acteur principal du secteur, représente 60 % du jeu problématique dans notre pays. Et ce jeu problématique a des coûts sociaux exorbitants.
Peut-être allons-nous obtenir de l’argent en privatisant, mais je crains que nous n’en dépensions bien davantage pour essayer de lutter contre les addictions. Il faut donc une politique publique de jeu responsable.
Il est quasiment certain qu’un actionnaire privé, tenté de maximiser sa rentabilité et ses dividendes, mènera une politique beaucoup plus agressive. Selon un exemple souvent cité, après avoir observé, en 2014, le caractère extrêmement addictif du jeu Rapido, la Française des jeux, consciente de l’incidence sur la santé publique, a décidé de le retirer. Un acteur privé ne réagira pas de la sorte.
Par conséquent, il y a là une mission d’intérêt général pour la puissance publique, et de ce point de vue, deux garanties valent mieux qu’une : une régulation externe, certes, mais aussi une régulation interne parce que la Française des jeux a un sens du service public et de l’intérêt général qui n’existe pas dans une entreprise privée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le ministre, j’ai quelques questions à vous poser pour que le Sénat obtienne des éclaircissements sur la philosophie du Gouvernement concernant ces jeux pour lesquels il existe un monopole en vue de lutter contre l’addiction. Vous nous proposez aujourd’hui d’en ouvrir l’accès au privé de manière à libérer les capacités à s’ouvrir au monde extérieur et à accélérer sa montée en compétences. Quand on connaît les réalités du monde extérieur en matière de jeux, c’est un peu inquiétant !
De même, la fin de l’exposé des motifs de votre amendement mentionne : « la seule conséquence directe de la privatisation de la Française des jeux sera la perte, à hauteur de la part de capital cédée, du dividende perçu chaque année par l’État ».
C’est nier totalement la loi de 2010, qui soulignait les risques d’une déstabilisation économique des filières concernées, dont mon collègue Vogel a parlé, notamment les paris hippiques et le PMU.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous avons des motifs d’être inquiets quant à l’avenir des jeux, des filières et des emplois sur l’ensemble de nos territoires.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Il y a quelque chose d’un peu surprenant dans notre discussion !
Soit on estime que les jeux de hasard sont tellement dangereux qu’il faut un contrôle complet de l’État, position parfaitement cohérente. Cependant, dans ce cas, il faut proposer la nationalisation du PMU et des casinos, offrant des jeux de hasard, qui évoluent dans le secteur privé.
Soit on estime que ce qui compte, c’est avant tout la régulation de ces jeux, mais non leur gestion commerciale et on suit – c’était l’avis de Sophie Primas – l’orientation du Gouvernement, c’est-à-dire qu’on regarde d’un œil plutôt favorable cette logique : considérant que le PMU et les casinos sont privés, il n’y a aucune raison que l’État s’occupe de la commercialisation des jeux de hasard.
Telle est la position du Gouvernement et elle revient, comme dans toutes ces opérations, à remettre en cohérence le rôle de l’État dans la société et l’économie françaises.
J’estime, au plus profond de moi-même, qu’il ne revient pas à l’État de commercialiser les jeux de hasard. Et je continuerai de défendre jusqu’au bout cette position, comme j’ai considéré que le rôle de l’État n’est pas de s’occuper de boutiques, d’hôtels ou de développement international d’un aéroport dont les recettes constituent 73 % des revenus d’Aéroports de Paris.
Voilà la position claire et simple du Gouvernement.
En revanche, qu’il y ait un vrai sujet sur la régulation, le contrôle des jeux et l’addiction au jeu, j’en suis parfaitement d’accord et je partage tout ce qui a été dit sur l’ensemble des travées du Sénat. Oui, il faut lutter contre l’addiction au jeu !
La situation actuelle est-elle satisfaisante ? Non ! Le fait que l’État commercialise des jeux lui permet-il de mieux contrôler l’addiction au jeu ? Absolument pas ! Au contraire, on pourrait même trouver quelque peu malsain de voir un État juge et partie. Il a intérêt à la fois à commercialiser au maximum les jeux et à rendre les Français les plus addictifs possible aux jeux qu’il commercialise puisqu’il est acteur de cette commercialisation et que cela garantit la rentabilité de son activité !
Et puis, de l’autre côté, il se décale et il essaie de réguler et de contrôler le plus possible. Là encore, je pense que le Gouvernement a une position cohérente : si on veut lutter contre l’addiction au jeu, il ne faut pas que l’État soit juge et partie en la matière. Il faut qu’il régule, il ne faut pas qu’il commercialise.
Je vous invite à réfléchir à cet argument. Je pense que tous ceux qui, dans cette enceinte, sont attachés à l’État régulateur, comme je le suis, estimeront qu’il ne peut pas être celui qui commercialise et celui qui régule.
Un certain nombre de questions parfaitement légitimes m’ont été posées. Je remercie M. Gay de bien avoir fait la différence – il était important de le rappeler – entre les dividendes et les revenus fiscaux. Il est évident que ce qui compte dans la Française des jeux, ce ne sont pas les dividendes, lesquelles sont inférieurs à 100 millions d’euros, mais les revenus de la fiscalité qui sont supérieurs à 3 milliards d’euros. Comme ministre des finances, entre 100 millions d’euros et 3 milliards d’euros, j’ai toujours préféré les 3 milliards ! C’est ce qui fait l’intérêt de la Française des jeux pour les caisses de l’État et pour le Trésor public. De ce point de vue, comme vous le savez, les revenus de la fiscalité ne changent pas.
Certains m’ont interrogé sur les associations. Nous veillons, bien entendu, aux intérêts des associations d’anciens combattants, les Gueules cassées, et aux dividendes qui leur sont versés. C’est la raison pour laquelle l’État reste présent au capital de la Française des jeux. L’opération que nous vous proposons consiste à permettre à l’État de conserver 20 % dans le chiffre d’affaires de la société. Il serait actionnaire à hauteur d’environ 20 %, de façon à pouvoir pérenniser les dividendes de ces associations d’anciens combattants. C’est un engagement que nous prenons, qui est garanti par le maintien de la présence de l’État au conseil d’administration de la société.
S’agissant des buralistes, nous faisons évidemment très attention à eux. Ils ont un lien privilégié avec la Française des jeux, mais il n’est pas question de leur accorder des droits de succession préférentiels. Il y aura des droits de souscription auxquels ils pourront participer.
J’ai été interrogé sur le loto du patrimoine, question parfaitement justifiée, car les Français sont attachés à ce jeu, qui marche bien. Ils sont également attachés à Stéphane Bern ! Mieux vaut éviter de susciter des réactions trop vives chez Stéphane Bern – on sait qu’elles peuvent l’être. (Sourires.) Nous garantirons par la convention qui sera signée entre l’État et la future société d’exploitation de la Française des jeux la pérennisation des activités du loto du patrimoine. C’est un engagement que je prends devant vous et que je prendrai envers Stéphane Bern. Le loto du patrimoine est un succès auquel Stéphane Bern a contribué. Nous devons garantir noir sur blanc dans cette convention le maintien du loto du patrimoine.
Je rappelle d’ailleurs que le loto du patrimoine est également une bonne opération pour la Française des jeux et que le nouvel actionnaire aura tout intérêt à le maintenir. Je comprends tout à fait que vous vouliez des garanties supplémentaires. Elles figureront dans la convention qui sera signée, je le répète.
J’en viens à la prévention de l’addiction au jeu. Cette question, soulevée par un certain nombre d’entre vous, notamment par Mme Sophie Primas, est la plus importante, car personne n’a envie de voir se développer l’addiction au jeu, en particulier chez les jeunes, en France. Je suis tout aussi sensible que vous à ce sujet.
Vous me permettrez d’observer que la situation actuelle n’est pas satisfaisante, ce pour deux raisons. D’abord, parce qu’il y a plusieurs contrôles, ce qui n’est pas forcément la solution la plus efficace. Ensuite, parce que l’État est juge et partie. Il est totalement schizophrène parce qu’il a intérêt au développement des jeux et à des taux de retour aux joueurs qui soient satisfaisants et en même temps il faut qu’il régule et qu’il limite.
Nous, nous allons renforcer la régulation, d’abord, en assurant l’harmonisation. Aujourd’hui, vous avez, d’un côté, les casinos, les jeux en ligne, le PMU, qui sont des opérateurs privés, et, de l’autre côté, la Française des jeux. Avec notre proposition, tout le monde sera logé à la même enseigne. Vous aurez une seule régulation harmonisée des jeux de hasard en France.
Je rejoins l’argument exposé il y a quelques heures à propos d’Aéroports de Paris, mais cette fois, je le retourne : vous vouliez une régulation unique. Nous la créons pour la Française des jeux, de façon à la rendre plus efficace.
Comment cette régulation va-t-elle fonctionner ? D’abord, elle reviendra à une autorité administrative indépendante de régulation et de surveillance des jeux d’argent et de hasard qui sera dotée d’une compétence générale sur les jeux en ligne, les jeux sous droits exclusifs de la Française des jeux et du PMU.
Cette autorité administrative indépendante aura vocation à contrôler les points de vente en second niveau. Ce sont les opérateurs qui contrôleront en premier niveau, mais au second niveau, cette autorité sera chargée de vérifier l’effectivité et la rigueur des contrôles assurés par les opérateurs. Elle disposera à cette fin de tous les rapports, de tous les résultats des inspections des points de vente. Elle devra informer les ministères compétents en cas d’abus ou de manquement des détaillants.
Je veux maintenant préciser un point essentiel à l’intention de Mme Primas. Les catégories de jeux et les gammes exploitables par les deux monopoles resteront déterminées par décret. Les gammes des taux de retour aux joueurs seront fixées par arrêté. Ce point est capital. Ce n’est pas le futur opérateur privé qui va déterminer les taux de retour aux joueurs qui définissent l’addiction. Il reviendra à un arrêté de définir ces taux de retour aux joueurs qui seront ensuite affectés jeu par jeu. L’autorité sera en outre compétente – c’est aussi un point absolument stratégique – pour déterminer les futurs jeux qui seront autorisés dans le respect des gammes définies par le pouvoir réglementaire.
Le pouvoir réglementaire continuera à définir les gammes de jeux autorisées, tandis que l’autorité administrative de contrôle déterminera les jeux autorisés dans la gamme définie par l’État en fonction du taux de retour aux joueurs déterminé par arrêté.
Vous le voyez donc, tout ce qui est conditionnalité de l’addiction, c’est-à-dire le taux de retour et le type de jeu, reste du domaine et de la compétence du secteur public. Tout ce qui est contrôle de cette régulation, bon fonctionnement des opérateurs et respect des règles relève du contrôle de cette autorité administrative indépendante.
Enfin, cette dernière a une compétence d’ensemble qui n’existe pas aujourd’hui. Il me semble que tout cela devrait être de nature à vous rassurer sur ces contrôles !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je veux faire quelques observations. D’abord, l’alibi de la simplification et de l’alignement sert souvent à justifier la dérégulation d’un certain nombre d’institutions. On invoque le fait que le PMU et les casinos sont du secteur privé pour en tirer la conséquence qu’il faut s’aligner. Le raisonnement me paraît un peu juste ! Il doit exister d’autres arguments pour justifier une telle décision : se contenter de dire qu’on veut procéder à l’alignement sans mesurer toutes les conséquences de l’opération me paraît un peu sommaire et insuffisant.
Imaginons qu’il y ait des inconvénients extrêmement graves. Le ferait-on quand même par pur désir d’alignement ?
Monsieur le ministre, vous nous dites – je pourrais vous rejoindre sur ce point – qu’il est délicat d’être juge et partie. On peut s’attarder un peu sur le sujet et convenir que ce n’est pas simple. Encore faudrait-il que vous nous affirmiez que l’État n’aura aucun intérêt à l’augmentation du chiffre d’affaires de la Française des jeux, ce qui pourrait être le cas avec une fiscalité proportionnelle au chiffre d’affaires.
Bref, l’État va tout de même rester juge et partie, ce qui est un peu gênant selon votre logique.
Vous nous apportez un certain nombre de garanties, mais elles ne sont qu’orales. La commission spéciale a tout de même considéré qu’il fallait une étude d’impact. Elle souligne la nécessité d’obtenir davantage de détails et de précisions pour éviter toutes les dérives actuelles et faire en sorte que l’addiction au jeu ne devienne pas une règle.
Je crois que la sagesse veut que l’on reporte au minimum la décision, reconnaissant que la mesure n’est pas mûre et qu’il nous faut davantage d’informations pour pouvoir prendre position en conscience et en connaissance de cause.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le ministre, dans votre propos, vous avez comparé les différentes filières. Pour ma part, je voudrais évoquer le sujet tout à fait particulier du PMU. Ce n’est pas un opérateur de même nature que, par exemple, les casinos, puisque ses bénéfices servent à financer une filière économique spécifique. Celle-ci est particulièrement performante en France ; elle structure les territoires. C’est une différence profonde entre le PMU et la Française des jeux ou les casinos.
Monsieur le ministre, la loi du 12 mai 2010 permettait de garantir l’équilibre économique de cette filière ; comment votre proposition peut-elle le faire ?
Mme la présidente. En conséquence, l’article 51 demeure supprimé.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger nos travaux jusqu’à zéro heure trente, afin d’aller plus avant dans l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Article additionnel après l’article 51
Mme la présidente. L’amendement n° 901 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 51
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – A. – Il est institué un prélèvement sur le produit brut des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne mentionnés au I de l’article 51 de la présente loi.
Le prélèvement est dû par la personne morale chargée de l’exploitation des jeux de loterie mentionnés au premier alinéa du présent I.
Le prélèvement est assis sur le produit brut des jeux, constitué par la différence entre les sommes misées par les joueurs et les sommes versées ou à reverser aux gagnants. Les sommes engagées par les joueurs à compter du 1er janvier 2020 sont définies comme des sommes misées à compter de la date de réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu, y compris celles apportées par l’opérateur à titre gracieux. Les sommes versées ou à reverser aux gagnants sont constituées de l’ensemble des gains en numéraire ou en nature versés ou à reverser aux joueurs à compter de la date de réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu, à l’exclusion des sommes en numéraire ou en nature attribuées à titre gracieux à certains joueurs dans le cadre d’actions commerciales.
Le taux du prélèvement est fixé à 54,5 % pour les jeux de tirage traditionnels dont le premier rang de gain est réparti en la forme mutuelle et à 42 % pour les autres jeux de loterie.
L’exigibilité du prélèvement est constituée par la réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu. Pour les jeux de loterie pour lesquels l’intervention du hasard est antérieure à la mise à disposition du support de jeu, l’exigibilité du prélèvement est constituée par l’affectation au jeu des mises engagées par le joueur.
Le produit du prélèvement est déclaré et liquidé par la personne morale chargée de l’exploitation des jeux de loteries mentionnés au I de l’article 51 de la présente loi sur une déclaration mensuelle dont le modèle est fixé par l’administration. Elle est déposée, accompagnée du paiement, dans les délais fixés en matière de taxe sur le chiffre d’affaires.
Dans le cas où le produit brut des jeux calculé au titre d’un mois est négatif, celui-ci vient en déduction du produit brut des jeux calculé au titre des mois suivants.
Le prélèvement est recouvré et contrôlé selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ces mêmes taxes.
B. – Le prélèvement mentionné au A du présent I donne lieu au versement, au comptable public compétent, d’un acompte au titre du mois de décembre effectué chaque année au mois de décembre dans des conditions fixées par décret.
Le montant de cet acompte est égal au montant du prélèvement dû au titre du mois de novembre de la même année.
Si l’acompte versé est inférieur au prélèvement dû au titre du mois de décembre, le complément est acquitté au mois de janvier qui suit le versement de l’acompte dans des conditions fixées par décret.
Si l’acompte versé est supérieur au prélèvement dû au titre du mois de décembre, l’excédent est déduit des versements suivants.
II. – A. – Il est institué un prélèvement au profit de l’État sur les sommes misées par les joueurs dans le cadre des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne ainsi que des jeux de paris sportifs commercialisés en réseau physique de distribution mentionnés au I de l’article 51 de la présente loi.
Ce prélèvement est dû par la personne morale chargée de l’exploitation des jeux de loterie et de paris sportifs mentionnés à l’alinéa précédent.
Pour les jeux autres que les jeux instantanés, la fraction prélevée est constituée des lots et gains non réclamés par les gagnants à l’expiration des délais de forclusion fixés par les règlements de ces jeux. Pour les jeux instantanés, elle est constituée par le solde de la part des mises allouées aux joueurs sous la forme de lots et gains, après déduction des lots payés à l’expiration des délais de forclusion fixés par les règlements de ces jeux.
La fraction prélevée est également constituée des lots et gains non réclamés dans les conditions fixées à l’alinéa précédent afférents à des prises de jeux syndiquées entre joueurs et groupes de joueurs, après déduction des parts sur lesquelles les joueurs n’ont pas engagé de mise, ainsi que de ceux afférents à ces dernières.
Ce prélèvement est recouvré chaque année, pour les jeux et événements dont le paiement est forclos, dans des conditions fixées par décret. Il est contrôlé selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ces mêmes taxes.
B. – Le A du présent II s’applique aux lots et gains versés à compter du 1er janvier 2020, à l’exception des lots et gains de premier rang de répartition et mis en jeu dans le cadre des jeux de paris sportifs organisés en la forme mutuelle et de tirage traditionnel, ainsi que des lots et gains de premier rang des jeux de tirage additionnels. La personne morale mentionnée au A du même II remet en jeu les lots et gains de premier rang mentionnés au A du même II dans le cadre de jeux ou opérations promotionnelles organisés ultérieurement.
III. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – L’article 302 bis ZH est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « l’article 42 de la loi de finances pour 1985 (n° 84-1208 du 29 décembre 1984) » sont remplacés par les mots : « le I de l’article 51 de la loi n° … du … relative à la croissance et la transformation des entreprises » ;
b) Après le mot : « sur », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « le produit brut des jeux, constitué par la différence entre les sommes misées par les joueurs et les sommes versées ou à reverser aux gagnants. » ;
2° Au second alinéa, les mots : « l’article 42 de la loi de finances pour 1985 » sont remplacés par les mots : « le I de l’article 51 de la loi n° … du … relative à la croissance et la transformation des entreprises ».
B. – Le premier alinéa de l’article 302 bis ZJ est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les prélèvements mentionnés aux articles 302 bis ZG et 302 bis ZI sont assis sur le montant des sommes engagées par les joueurs. Les gains réinvestis par ces derniers sous forme de nouvelles mises sont également assujettis à ces prélèvements.
« Le prélèvement mentionné à l’article 302 bis ZH est assis sur le produit brut des jeux, constitué par la différence entre les sommes misées par les joueurs et les sommes versées ou à reverser aux gagnants. Les sommes engagées par les joueurs à compter du 1er janvier 2020 sont définies comme des sommes misées à compter de la date de réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu, y compris celles apportées par l’opérateur à titre gracieux. Les sommes versées ou à reverser aux gagnants sont constituées de l’ensemble des gains en numéraire ou en nature versés ou à reverser aux joueurs à compter de la date de réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu, à l’exclusion des sommes en numéraire ou en nature attribuées à titre gracieux à certains joueurs dans le cadre d’actions commerciales. ».
C. – Le deuxième alinéa de l’article 302 bis ZK est ainsi rédigé :
« 31,5 % du produit brut des jeux au titre des paris sportifs commercialisés en réseau physique de distribution et 38 % du produit brut des jeux au titre des paris sportifs en ligne ; ».
D. – L’article 1609 novovicies est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Un prélèvement de 5,1 % est effectué sur le produit brut des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne mentionnés au I de l’article 51 de la loi n° … du … relative à la croissance et la transformation des entreprises. Le produit brut des jeux est constitué par la différence entre les sommes misées par les joueurs et les sommes versées ou à reverser aux gagnants. Les sommes engagées par les joueurs à compter du 1er janvier 2020 sont définies comme des sommes misées à compter de la date de réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu, y compris celles apportées par l’opérateur à titre gracieux. Les sommes versées ou à reverser aux gagnants sont constituées de l’ensemble des gains en numéraire ou en nature versés ou à reverser aux joueurs à compter de la date de réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu, à l’exclusion des sommes en numéraire ou en nature attribuées à titre gracieux à certains joueurs dans le cadre d’actions commerciales. »
2° Le troisième alinéa est supprimé ;
3° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« L’exigibilité du prélèvement est constituée par la réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu. Pour les jeux de loterie pour lesquels l’intervention du hasard est antérieure à la mise à disposition du support de jeu, l’exigibilité du prélèvement est constituée par l’affectation au jeu des mises engagées par les joueurs. »
E. – L’article 1609 tricies est ainsi rédigé :
« Art. 1609 tricies. – Il est institué, pour les paris sportifs, un prélèvement assis sur le produit brut des jeux, constitué par la différence entre les sommes misées par les joueurs et les sommes versées ou à reverser aux gagnants. Les sommes engagées par les joueurs à compter du 1er janvier 2020 sont définies comme des sommes misées à compter de la date de réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu, y compris celles apportées par l’opérateur à titre gracieux. Les sommes versées ou à reverser aux gagnants sont constituées de l’ensemble des gains en numéraire ou en nature versés ou à reverser aux joueurs à compter de la date de réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu, à l’exclusion des sommes en numéraire ou en nature attribuées à titre gracieux à certains joueurs dans le cadre d’actions commerciales.
« Ce prélèvement est dû par la personne morale chargée de l’exploitation des jeux de paris sportifs commercialisés en réseau physique de distribution mentionnée au I de l’article 51 de la loi n° … du … relative à la croissance et la transformation des entreprises et par les personnes devant être soumises, en tant qu’opérateur de paris sportifs en ligne, à l’agrément mentionné à l’article 21 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard.
« Le taux de ce prélèvement est fixé à 7,5 % du produit des jeux pour les paris sportifs commercialisés en réseau physique de distribution et à 12 % pour les paris sportifs en ligne.
« Le produit de ce prélèvement est affecté à l’Agence nationale du sport chargée de la haute performance sportive et du développement de l’accès à la pratique sportive dans la limite du plafond fixé au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.
« L’exigibilité du prélèvement est constituée par la réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu. »
IV. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
A. – Le I de l’article L. 136-7-1 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Il est institué une contribution sur le produit brut des jeux dans le cadre des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne mentionnés au I de l’article 51 de la loi n° … du … relative à la croissance et à la transformation des entreprises. Cette contribution est assise sur le produit brut des jeux, constitué par la différence entre les sommes misées par les joueurs et les sommes versées ou à reverser aux gagnants. Les sommes engagées par les joueurs à compter du 1er janvier 2020 sont définies comme les sommes misées à compter de la date de réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu, y compris celles apportées par l’opérateur à titre gracieux. Les sommes versées ou à reverser aux gagnants sont constituées de l’ensemble des gains en numéraire ou en nature versés ou à reverser aux joueurs à compter de la date de réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu, à l’exclusion des sommes en numéraire ou en nature attribuées à titre gracieux à certains joueurs dans le cadre d’actions commerciales. » ;
2° Au second alinéa, après les mots : « et sanctions que », la fin de la phrase est ainsi rédigée : « le prélèvement prévu au I de l’article… de la loi n° … du … relative à la croissance et la transformation des entreprises. »
B. – Au 3° du I de l’article L. 136-8, le taux : « 8,6 % » est remplacé par le taux : « 6,2 % » ;
C. – L’article L. 137-21 est ainsi rédigé :
« Art. L.137-21. – Il est institué, pour les paris sportifs, un prélèvement assis sur le produit brut des jeux, constitué par la différence entre les sommes misées par les joueurs et les sommes versées ou à reverser aux gagnants. Les sommes engagées par les joueurs à compter du 1er janvier 2020 sont définies comme des sommes misées à compter de la date de réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu, y compris celles apportées par l’opérateur à titre gracieux. Les sommes versées ou à reverser aux gagnants sont constituées de l’ensemble des gains en numéraire ou en nature versés ou à reverser aux joueurs à compter de la date de réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu, à l’exclusion des sommes en numéraire ou en nature attribuées à titre gracieux à certains joueurs dans le cadre d’actions commerciales.
« Ce prélèvement est dû par la personne morale chargée de l’exploitation des jeux de paris sportifs commercialisés en réseau physique de distribution mentionnée au I de l’article 51 de la loi n° … du … relative à la croissance et à la transformation des entreprises et par les personnes devant être soumises, en tant qu’opérateur de paris sportifs en ligne, à l’agrément mentionné à l’article 21 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard.
« Le taux de ce prélèvement est fixé à 7,5 % du produit des jeux pour les paris sportifs commercialisés en réseau physique de distribution et à 12 % pour les paris sportifs en ligne.
« L’exigibilité du prélèvement est constituée par la réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu. »
V. – L’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi modifiée :
A. – Le I de l’article 18 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Il est institué une contribution sur le produit brut des jeux dans le cadre des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne mentionnés au I de l’article 51 de la loi n° … du … relative à la croissance et à la transformation des entreprises. Cette contribution est assise sur le produit brut des jeux, constitué par la différence entre les sommes misées par les joueurs et les sommes versées ou à reverser aux gagnants. Les sommes engagées par les joueurs à compter du 1er janvier 2020 sont définies comme des sommes misées à compter de la date de réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu, y compris celles apportées par l’opérateur à titre gracieux. Les sommes versées ou à reverser aux gagnants sont constituées de l’ensemble des gains en numéraire ou en nature versés ou à reverser aux joueurs à compter de la date de réalisation du ou des événements sur lesquels repose le jeu, à l’exclusion des sommes en numéraire ou en nature attribuées à titre gracieux à certains joueurs dans le cadre d’actions commerciales. » ;
2° Après le mot : « que », la fin du second alinéa est ainsi rédigée : « le prélèvement prévu au I de l’article… de la loi n° … du … relative à la croissance et la transformation des entreprises. ».
B. – À la seconde phrase de l’article 19, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 2,2 % ».
VI. – Les fonds mentionnés aux articles 13 et 14 du décret n° 78-1067 du 9 novembre 1978 relatif à l’organisation et à l’exploitation des jeux de loterie autorisés par l’article 136 de la loi du 31 mai 1933 et de l’article 48 de la loi n° 94-1163 du 29 décembre 1994 sont clos à compter du 1er janvier 2020.
Les sommes déposées sur les fonds mentionnés au premier alinéa du présent VI sont versées à l’État avant une date fixée par décret qui ne peut être postérieure au 31 décembre 2025.
VII. – Le troisième alinéa de l’article 42 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985, l’article 6 de la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986 de finances rectificative pour 1986 et l’article 88 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 sont abrogés.
Dans toutes les dispositions législatives en vigueur, les mots « à l’article 88 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 » sont remplacés par les mots « au I de l’article… de la loi n° … du … relative à la croissance et la transformation des entreprises ».
VIII. – Le présent article entre en vigueur à compter du 1er janvier 2020.
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Cet amendement vise, dans la perspective de la privatisation de la Française des jeux, à mettre en place une fiscalité spécifique pour la loterie, en points de vente et en ligne, ainsi que pour les paris sportifs, en points de vente et en ligne.
Nous avons le souci de garantir à l’État une rémunération plus stable. Tel est l’objectif de cette nouvelle fiscalité, qui sécurisera les prélèvements publics. Elle reposera sur une assiette unique, le produit brut des jeux ; les taux seront déterminés par segment pertinent. Elle prévoira également un partage de sort équitable entre l’État et l’entreprise. Elle sécurisera le niveau et la dynamique des prélèvements publics sans accroître la pression fiscale sur la Française des jeux.
Nous avons donc découpé l’activité de cette dernière en quatre segments distincts : les paris sportifs en ligne, les paris sportifs en points de vente, les jeux de tirage traditionnels et les autres jeux de loterie. Le taux applicable à chacun de ces segments a été fixé de manière à tenir compte de ses caractéristiques économiques propres.
Au total, cette réforme n’entraîne ni hausse ni baisse immédiates de la pression fiscale ; elle a pour simple finalité de garantir, pour l’État, la stabilité du retour fiscal des activités de jeu de hasard.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1030, présenté par M. de Montgolfier, est ainsi libellé :
Amendement n° 901
I. – Après l’alinéa 14
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
C. – Les jeux dédiés au patrimoine organisés par la personne morale chargée de l’exploitation des jeux de loterie mentionnés au premier alinéa du présent I ne sont pas soumis :
1° À la contribution sociale généralisée prévue par les articles L. 136-7-1 et L. 136-8 du code de la sécurité sociale ;
2° À la contribution instituée par l’article 18 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ;
3° Au prélèvement institué par l’article 1609 novovicies du code général des impôts ;
4° À la taxe sur la valeur ajoutée au taux en vigueur applicable en vertu du 2° de l’article 261 E du même code.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet amendement par trois paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour l’État de l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée pour les jeux dédiés au patrimoine est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de l’exonération de la contribution sociale généralisée et de la contribution relative au remboursement de la dette sociale pour les jeux dédiés au patrimoine est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
… – La perte de recettes résultant pour l’Agence nationale du sport chargée de la haute performance et du développement de l’accès à la pratique sportive de l’exonération de prélèvement pour les jeux dédiés au patrimoine est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Je reprends, dans ce sous-amendement, une disposition qui a déjà été adoptée par le Sénat à l’unanimité – j’insiste sur ce point – lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, mais qui n’a malheureusement pas été retenue par l’Assemblée nationale.
À l’époque, monsieur le ministre, le Gouvernement nous avait invités à rediscuter de cette question dans le cadre de l’examen du présent projet de loi, dont on savait déjà qu’il contiendrait la réforme de la fiscalité des jeux que vous venez de nous présenter. Nous vous avons entendu ; voici donc ce sous-amendement, qui vise à exonérer les produits du loto du patrimoine de toute fiscalité.
Il y a quelques jours, M. Stéphane Bern est venu s’exprimer devant notre commission de la culture. Je n’ai pu assister à cette réunion, n’étant pas membre de cette commission, mais j’ai lu les chiffres qu’il a alors fournis. M. Bern a rappelé que 86 % des Français adhèrent à l’idée d’un loto du patrimoine ; celui-ci a connu un grand succès, puisqu’on a relevé une augmentation de 30 % de la vente de tickets de loterie.
Je rappellerai quelques autres chiffres, qui ont d’ailleurs été évoqués par ma collègue Marie-Pierre Monier : sur les 15 euros que coûte un ticket à gratter de ce loto, 1,5 euro est bien destiné à la Fondation du patrimoine, mais 1,04 euro va à l’État, par le biais de diverses taxes.
Or les joueurs, notamment les 30 % supplémentaires qui sont enregistrés à cette occasion, n’ont à l’évidence pas acheté ces tickets pour offrir à l’État des recettes supplémentaires, mais tout simplement pour aider notre patrimoine.
Tel est bien l’objet de notre sous-amendement : exonérer de toute taxe le loto du patrimoine. Ce serait évidemment conforme aux souhaits de ces joueurs : aider notre patrimoine et, en particulier, les plus petits monuments.
Au Royaume-Uni, qui est en quelque sorte le modèle dont s’est inspiré le Gouvernement pour la création de ce loto du patrimoine, une exonération totale de taxes s’applique à la loterie. Chaque année, 22 % de son produit va à différentes causes, parmi lesquelles le patrimoine. C’est ce qui a permis de sauver ce dernier !
Dans le cadre de la privatisation, cette exonération permettrait également, sans doute, d’éviter des mécaniques compliquées. Hier, la Française des jeux, organisme d’État, a bien voulu répondre à la commande du Gouvernement de créer un loto du patrimoine. Qu’en sera-t-il demain ?
Inscrire dans la loi l’exonération de taxes ne serait selon moi que justice. En tout cas, cela correspondrait à l’objectif des Français, qui souhaitent aider leur patrimoine. Dans un contexte – Stéphane Bern l’a dit très justement – où beaucoup d’interrogations se posent, notamment sur l’emploi et sur l’animation dans les territoires les plus ruraux, apporter un soutien à l’entretien du patrimoine et au tourisme, y compris dans les secteurs les plus reculés, est sans doute ce que nous pouvons faire de mieux. Tel est bien l’objet de ce sous-amendement ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Très bon sous-amendement !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1034, présenté par M. Husson, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Amendement n° 901
I. – Alinéas 29, 39 et 51
1° Deuxième phrase
Après les mots :
sur lesquels repose le jeu
supprimer la fin de cette phrase.
2° Dernière phrase
Après les mots :
sur lesquels repose le jeu,
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
y compris les gains résultant de sommes apportées par l’opérateur, à condition que le joueur puisse en demander le versement en numéraire ou sur son compte de paiement.
II. – Alinéa 31
Remplacer le taux :
31,5 %
par le taux :
27,9 %
et le taux :
38 %
par le taux :
33,7 %
III. – Alinéas 41 et 53
Remplacer le taux :
7,5 %
par le taux :
6,6 %
et le taux :
12 %
par le taux :
10,6 %
IV. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I à III, compléter cet amendement par trois paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour l’État de la prise en compte des sommes apportées par l’opérateur dans les gains ainsi que de la diminution du taux du prélèvement sur le produit brut des jeux est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de la prise en compte des sommes apportées par l’opérateur dans les gains ainsi que de la diminution du taux du prélèvement sur le produit brut des jeux est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
… – La perte de recettes résultant pour l’Agence nationale du sport chargée de la haute performance et du développement de l’accès à la pratique sportive de la prise en compte des sommes apportées par l’opérateur dans les gains ainsi que de la diminution du taux du prélèvement sur le produit brut des jeux est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 901 rectifié et sur le sous-amendement n° 1034.
M. Jean-François Husson, rapporteur. L’amendement n° 901 rectifié du Gouvernement vise à modifier la fiscalité des jeux offerts par la Française des jeux sous droits exclusifs.
L’activité de paris sportifs présente une spécificité en ce qu’elle est exercée par la Française des jeux sous monopole pour les paris en points de vente, mais de façon concurrentielle pour les paris sportifs en ligne.
Il faut éviter de dupliquer pour une activité concurrentielle les caractéristiques retenues pour une activité exercée sous droits exclusifs.
Ce sous-amendement tend par conséquent à prolonger la réforme proposée par le Gouvernement en l’adaptant aux réalités du marché des jeux en ligne de trois manières.
Nous proposons, premièrement, de tenir compte des gratifications commerciales offertes par les opérateurs de paris sportifs, deuxièmement, d’ajuster le taux du prélèvement sur les paris sportifs en ligne et, troisièmement, d’ajuster le taux de prélèvement sur les paris sportifs en réseau physique de distribution.
Cela dit, en ce début de journée du 6 février, nous nous penchons donc sur la réforme de la fiscalité des jeux. En parallèle avec le dossier ADP, le Sénat a certes rejeté la privatisation, mais cela ne nous empêche pas de travailler sur la fiscalité, preuve de la bonne volonté, du sérieux et du travail de notre assemblée.
L’amendement n° 901 rectifié du Gouvernement tend à apporter un élément de réponse attendu, en rénovant la fiscalité des jeux. Actuellement, cette fiscalité est assise – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – sur les mises. Pour la Française des jeux, elle est définie, chaque année, par un arrêté du ministre du budget. On peut convenir que ce régime est un peu archaïque, en tout cas par la manière de faire. La rédaction de cet amendement a en outre été sécurisée, du point de vue juridique, par un avis du Conseil d’État.
Je formulerai néanmoins trois remarques.
D’abord, cette réforme ne préjuge pas l’avenir de la Française des jeux. Il s’agit d’une actualisation bienvenue d’un régime fiscal obsolète.
Ensuite, le changement d’assiette se traduira par un rendement équivalent et un dynamisme préservé des recettes. Les recettes destinées à soutenir le mouvement sportif sont sécurisées ; il faut le rappeler.
Enfin, ce changement d’assiette traduit, selon moi, une logique vertueuse du point de vue de la lutte contre l’addiction.
Je suis donc favorable à cet amendement sur le principe, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 1034 que je viens de présenter.
Quant au sous-amendement n° 1030, en le défendant, M. le rapporteur général de la commission des finances a tout dit et l’a bien dit. Une telle promesse avait été faite par le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019. Je ne doute donc pas que tout le monde se retrouvera, joyeusement, pour exprimer son accord sur ce sujet. L’avis de la commission sur ce sous-amendement est évidemment favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les sous-amendements nos 1034 et 1030 ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Pour ce qui concerne le sous-amendement n° 1034, je reconnais bien volontiers que M. le rapporteur a mis le doigt sur un point important ; c’est une nouvelle fois la preuve de la qualité du travail qu’il a accompli, allant voir jusque dans le moindre détail ce qui pouvait être amélioré.
Le Gouvernement s’en remet donc, sur ce sous-amendement, à la sagesse du Sénat ; il était selon moi important de soulever ce point relatif à la future fiscalité applicable à la Française des jeux.
Quant à la fiscalité à laquelle est soumis le loto du patrimoine, c’est un vieux et long débat.
M. Albéric de Montgolfier. Tranchez-le ce soir, alors !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ce débat a déjà eu lieu au Sénat. Je connais les positions de Stéphane Bern sur ce sujet ; elles sont parfaitement respectables. Je connais également celles de la Haute Assemblée.
Je veux juste rappeler, pour expliquer mon avis défavorable sur ce sous-amendement, que la part totale des prélèvements sur les jeux de hasard est ordinairement de 17 %. Pour le loto du patrimoine, nous l’avons réduite au minimum légal de 7 %. Il ne reste que la TVA – il est difficile de la supprimer totalement : si les Britanniques peuvent le faire, c’est qu’ils ont fait des choix différents des nôtres sur cette taxe –, les contributions sociales que sont la CSG et la contribution à la réduction de la dette sociale, ou CRDS, et enfin le financement du sport.
Je tenais à souligner ce dernier point, parce que cela renvoie à des remarques qui ont été faites précédemment. On voudrait garantir la pérennité du financement du sport et, en même temps, avoir une fiscalité nulle pour le loto du patrimoine !
Cela explique pourquoi le Gouvernement a émis un avis défavorable sur ce sous-amendement. Cela dit, cela fait partie des sujets qui suscitent au Sénat des discussions fréquentes, régulières et constantes. Dès lors, je donne ma position, mais je ne doute nullement que cette discussion se poursuivra à l’avenir !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. La commission de la culture, qui s’occupe également des sports, s’interroge : pourquoi le loto sportif ne pourrait-il pas soutenir également le patrimoine ? On pourrait faire l’un et l’autre.
Je soutiendrai bien évidemment le sous-amendement de M. de Montgolfier. Vous dites, monsieur le ministre, craindre de temps en temps les colères de notre ami Stéphane Bern. Il est revenu nous voir, parce qu’il a ressenti une adhésion complète à son projet de notre assemblée, l’assemblée des territoires.
La plateforme de la deuxième édition du loto du patrimoine est déjà ouverte. La réserve parlementaire, maintenant abolie, nous permettait de participer à des réparations de monuments dans nos villages ; aujourd’hui, ces réparations sont financées grâce à ce loto.
J’ai bien entendu, monsieur le ministre, ce que vous avez promis : vous demanderiez à la Française des jeux, si elle était privatisée, de pérenniser le loto du patrimoine. Toutefois, je ne sais pas comment vous pourriez l’y obliger. L’État a bien dû quelque peu lui forcer la main l’année dernière et cette année.
Par ailleurs, combien de temps durerait un tel engagement ? Notre patrimoine aura besoin d’une certaine planification ; c’est vraiment spécifique, vous le savez bien.
Dès lors, outre l’aspect fiscal évoqué précédemment, je pense qu’il faut que les choses soient bien plus claires quant à la pérennisation de ce loto si jamais la Française des jeux était privatisée. Surtout, nous resterons très fidèles à notre ami Stéphane Bern et nous lui offrirons notre soutien total.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Je soutiens entièrement la position que vient d’exprimer Laure Darcos ; je voterai en faveur du sous-amendement de M. de Montgolfier.
Certes, monsieur le ministre, vous avez affirmé que vous ferez attention à ce que le loto du patrimoine soit pérennisé. Dont acte, mais on peut se demander comment cela se fera. Une fois encore, quel pouvoir aura l’État pour imposer quoi que ce soit s’il ne détient que 20 % de cette société ?
Vous avez reconnu que le loto du patrimoine avait connu un grand succès auprès des Français. C’est vrai. Seulement, un sujet demeure. Cette année, le problème a été réglé – Stéphane Bern nous l’a dit avec beaucoup d’humour – par l’emploi de fonds qui ont été gelés puis dégelés. Les Français ont compris qu’une grande partie du produit de cette loterie avait été attribuée au patrimoine. Mais cette solution n’est pas pérenne.
C’est pourquoi ce sous-amendement est important : il s’agit de garantir, de façon pérenne, que les taxes applicables au loto du patrimoine reviendront entièrement au patrimoine.
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je ne comprends pas votre position, monsieur le ministre. En septembre, nous apprenions la mise en place du loto du patrimoine. Il faut en remercier la mission de Stéphane Bern, tout en rendant hommage à François de Mazières, maire de Versailles, qui est lui aussi à l’origine de cette idée.
La première version de ce loto a suscité un engouement sans pareil de la part des Français pour leur patrimoine. Ils ont très bien compris qu’ils avaient l’occasion, en jouant, non seulement d’espérer un gain hypothétique, mais surtout de voir que l’argent qu’ils auront dépensé sera fléché directement vers le patrimoine.
Or, monsieur le ministre, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, vous êtes revenu en arrière par diverses circonvolutions, donnant par là l’impression de parasiter de manière inutile cette initiative en prélevant un pourcentage supplémentaire de TVA, de CRDS et de financement du sport, pour un total de 7 % du prix du ticket. Certes, c’est moins que 17 %, mais les Français retiendront que l’État a cédé, en quelque sorte, aux arguties de la technostructure, pour reprendre les propos de Stéphane Bern. Il me semble, finalement, que ces propos vous concernent aussi : vous voyez que ce ne sont pas simplement les hauts fonctionnaires qui sont touchés par cette tendance.
Par ailleurs, je crains que ce parasitage ne dissuade les Français de participer plus avant et n’alimente l’idée selon laquelle vous voudriez accabler tout le monde de taxation, à tous les étages et à tout propos, pour que l’État puisse se refaire la cerise du fait de son manque d’argent ! Votre position est regrettable, d’autant que c’est justement parce que l’État est désargenté qu’il avait inventé ce moyen d’entretenir et de restaurer des éléments du patrimoine.
Enfin, si la raison ne vous parle pas, monsieur le ministre, j’aimerais m’adresser à l’amoureux de la littérature que vous êtes. Parmi les 269 sites qui ont été choisis, j’ose espérer que quatre, au moins, auront retenu votre attention : la maison de Pierre Loti, l’hôtel de Polignac, à Condom, le château de Bussy-Rabutin et la maison d’Aimé Césaire. Voilà au moins quatre bonnes raisons pour que vous changiez votre position !
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. J’apporte tout mon soutien à mon collègue Albéric de Montgolfier, et je veux expliquer pourquoi.
Le patrimoine n’est pas la contemplation nostalgique d’un passé : sa restauration génère une économie touristique qui, dans les territoires ruraux, permet de maintenir une activité commerciale et des activités de service. Je suis présidente d’une association qui regroupe 160 petites cités de caractère de France. Ces communes sont disséminées dans toutes les régions, certaines d’entre elles n’ont que 300 habitants, mais elles parviennent, en valorisant leur patrimoine, à accueillir chaque année 900 000 touristes, ce qui crée une activité non négligeable dans des territoires où il n’y a rien d’autre.
Monsieur le ministre, pour ma part, je salue l’intelligence du Gouvernement, qui a encouragé, par la création du loto du patrimoine, une démocratie participative très rapide. De fait, ce sont les Français qui contribueront à financer une compétence qui est du ressort de l’État.
Derrière le patrimoine, on génère une économie touristique. Il faut considérer d’une manière spécifique un jeu qui entraîne une telle activité et qui permet également à l’État de dépenser moins d’argent.
Je pense qu’il en est de même concernant le PMU. Monsieur le ministre, je vous ai posé une question sur l’équilibre de la filière équine ; vous ne m’avez pas répondu.
Je vous invite à être extrêmement attentif sur ce sujet, puisque la restauration du patrimoine entraîne des emplois non délocalisables et des recettes de TVA provenant de la réalisation des travaux. C’est une dépense d’investissement. Il est dommage de racketter la bonne volonté de nos concitoyens !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. L’amendement du Gouvernement me pose un problème : il ne règle pas la question du plafonnement des taxes qui alimentent le Centre national pour le développement du sport, le CNDS. Lorsqu’on aborde à la fois le CNDS et le loto du patrimoine, on parle de nos territoires ! Ces taxes ont été réduites de moitié entre 2017 et 2018. Il faudrait que nous recevions des assurances qui nous permettent de savoir si tous les investissements réalisés dans le sport, dans nos quartiers et nos villages continueront d’être subventionnés à la hauteur voulue. Aujourd’hui, beaucoup de dossiers sont en attente et n’avancent pas.
Le sous-amendement de M. de Montgolfier est une bonne initiative. Le sort du loto du patrimoine m’inquiète : je ne suis pas sûr du tout que la FDJ, une fois privatisée, maintiendra ce jeu récent destiné à financer la restauration du patrimoine. À chaque privatisation, des assurances extraordinaires sont avancées. Pour ma part, je ne suis pas sûr. Plusieurs milliers de monuments doivent être rénovés. On a besoin du Gouvernement et des collectivités pour y parvenir, mais on a aussi besoin du loto du patrimoine.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Je soutiens moi aussi le sous-amendement d’Albéric de Montgolfier. Dans la lignée de mes collègues Laure Darcos, Françoise Gatel et François Bonhomme, je tiens à insister sur la problématique de la ruralité. Le loto du patrimoine participera au financement de travaux sur un peu moins de 300 sites, avant tout ruraux. Il s’agit le plus souvent de petites sommes, autour de 10 000 ou de 12 000 euros, ou tout au plus de 50 000 euros. Jadis, elles pouvaient provenir de la réserve parlementaire.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Olivier Paccaud. Le montant global rapporté par le loto du patrimoine approche les 20 millions d’euros ; il convient de le mettre en parallèle avec les 500 millions d’euros qui vont être alloués aux travaux du Grand Palais. Certes, il faut évidemment valoriser le Grand Palais – c’est un fleuron français –, mais si on laissait tomber tout ce patrimoine extraordinaire, cette mosaïque formidable de vieilles pierres de nos territoires, on ferait une erreur colossale ! (M. François Bonhomme applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je veux, à mon tour, soutenir le sous-amendement de M. de Montgolfier. Il me semble en effet que le loto du patrimoine a été bien accueilli par les Français, même s’ils sont conscients du fait qu’il aurait été préférable que la puissance publique puisse financer ces travaux. Ils se sont engagés en toute bonne foi, croyant qu’en jouant au loto ils contribuaient à l’amélioration de notre patrimoine. Celui-ci est souvent rural – vous avez raison, mon cher collègue. Il s’agit de nos petites communes, de territoires où toute la diversité de la France peut s’exprimer. Il y a une grande adhésion à cette idée. En toute bonne foi donc, les Français pensaient que cet argent serait massivement investi dans la rénovation du patrimoine. Or, au dernier moment, on leur apprend que ces sommes seraient taxées ! C’est d’une mesquinerie sordide !
M. François Bonhomme. Et c’est contre-productif !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas la somme que cette mesure rapporte à l’État qui va sauver notre économie nationale !
Rien n’est trop beau pour l’exit tax et pour les impatriés qui s’installent en France, mais quand il s’agit de favoriser au maximum notre patrimoine culturel commun dans la diversité de nos territoires, on grappille la moindre rentrée fiscale !
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela tue la confiance des Français en l’État. Ils ont l’impression que c’est de la pure propagande : on leur dit de soutenir le patrimoine, mais une partie de l’argent se retrouve ensuite affectée à la prétendue compensation du déficit de l’État. Cela ne donne pas une haute idée de la politique et de l’État.
Il me paraît donc souhaitable que nous soutenions la proposition de notre collègue Albéric de Montgolfier, afin que cet argent aille massivement là où les Français estiment qu’il doit aller ! (Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Je souhaite, monsieur le ministre, vous poser une petite question à propos de votre amendement : pourquoi ne faire bénéficier d’un prélèvement assis sur le produit brut du jeu que la Française des jeux ? Vous savez bien que beaucoup d’autres opérateurs le demandent, en particulier le PMU, qui pourrait ainsi redistribuer davantage vers les territoires, la filière équine et les professionnels. Pourquoi, alors, limiter ce dispositif à la Française des jeux ?
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1030.
(Le sous-amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Monsieur le ministre, acceptez-vous de lever le gage sur ce sous-amendement ? (Exclamations d’encouragement sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Le Maire, ministre. J’y consens, madame la présidente. Par ailleurs, je veux redire tout mon attachement au patrimoine. (Exclamations d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce n’est pas parce qu’on essaie de défendre les comptes de la Nation qu’on n’est pas attaché au patrimoine. Je considère que le loto du patrimoine est un vrai succès.
Je répète à M. Bourquin, qui s’en inquiétait, que nous ferons figurer noir sur blanc dans la convention entre l’État et le futur opérateur de la Française des jeux le maintien du loto du patrimoine. En effet, je suis d’accord avec vous, monsieur le sénateur : les belles paroles ne suffisent pas !
Et puis, monsieur Bonhomme, vous connaissez mes attaches familiales dans la ville de Condom. Si nous pouvons, un jour, aller y visiter ensemble l’hôtel de Polignac rénové, ce sera avec grand plaisir que je vous y accompagnerai ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Il s’agit donc du sous-amendement n° 1034 rectifié.
Je mets aux voix l’amendement n° 901 rectifié, modifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 51.
Article 51 bis
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 267, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 5 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation des jeux d’argent et de hasard est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il est interdit de vendre ou d’offrir gratuitement à des mineurs des jeux d’argent et de hasard sur les hippodromes et dans les points de vente autorisés à commercialiser des jeux de loterie, des jeux de pronostics sportifs ou des paris sur les courses hippiques proposés au public conformément aux dispositions de l’article 136 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l’exercice 1933, de l’article 42 de la loi de finances pour 1985 (n° 84-1208 du 28 décembre 1984) et de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l’autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux.
« La personne physique qui commercialise directement auprès du client les jeux d’argent et de hasard dans les lieux mentionnés à l’avant-dernier alinéa du présent article peut exiger du client qu’il établisse la preuve de sa majorité. »
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Cet amendement vise à réintroduire le contrôle sur les mineurs, afin de les protéger des risques liés au jeu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Nous partageons le souci du Gouvernement de protéger les mineurs face aux jeux d’argent et de hasard. Toutefois, la disposition proposée n’a pas de lien avec le présent projet de loi, qui porte sur la croissance et la transformation des entreprises. L’avis de la commission spéciale sur cet amendement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je souhaite intervenir en tant que membre de la commission des affaires sociales. Je comprends l’argument de M. le rapporteur, du point de vue juridique, mais je suis convaincu, au sein de ce débat, que ce sujet de santé publique est suffisamment important pour mériter une dérogation. Je regrette la position de M. le rapporteur et je suis plutôt favorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Nous voterons, nous aussi, en faveur de cet amendement et des deux mains, par souci de cohérence avec notre suppression de la privatisation de la Française des jeux. Notre opposition à la privatisation se justifie, notamment, par nos inquiétudes relatives à ce contrôle.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 51 bis est rétabli dans cette rédaction.
Article additionnel après l’article 51 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 713 n’est pas soutenu.
Mes chers collègues, nous avons examiné 91 amendements au cours de la journée ; il en reste 223.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 6 février 2019, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises (texte de la commission n° 255, 2018-2019).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 6 février 2019, à zéro heure trente.)
Direction des comptes rendus
ÉTIENNE BOULENGER