M. Alain Fouché. Mais non !
M. Arnaud de Belenet. Souvenons-nous que le plan présenté par le Premier ministre pour faire face à la reprise de la hausse du nombre de morts sur les routes comportait une vingtaine de mesures, dont certaines renforçaient la coercition contre l’usage des stupéfiants et de l’alcool, en particulier. Il prévoyait également un certain nombre de dispositifs nouveaux en matière de prévention et de sensibilisation.
S’agissant de ce texte, il faut noter que l’ampleur de la sanction est rarement le déterminant d’un comportement, même si la crainte de la sanction elle-même incite à être plus respectueux des règles. Je vois là un premier biais de la proposition de loi que vous nous soumettez.
D’autres arguments, que M. le rapporteur a d’ailleurs soulevés, plaident en défaveur du texte. Je pense en particulier au fait que la réduction du délai de récupération des points concernerait également les excès de vitesse commis en centre-ville ou sur les autoroutes, ainsi que d’autres infractions à la réglementation routière.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Et alors ?
M. Arnaud de Belenet. Je ne crois pas que la déresponsabilisation des conducteurs soit l’objectif visé par cette proposition de loi. Notre objectif commun est bien de trouver un juste équilibre entre la lutte concrète contre l’insécurité routière et l’adoption de mesures qui ne soient pas ressenties comme injustes par nos concitoyens.
Une réflexion sur la valorisation des comportements responsables sur la route est menée par le Conseil national de la sécurité routière. Ses conclusions devraient être présentées en ce début d’année. Attendons-les. Le grand débat national sera aussi évidemment l’occasion de soulever la question de la limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure.
Je ne doute pas que, « Marcheurs » et membres d’un autre mouvement politique, nous sommes capables d’intelligence collective. Ce sujet le mérite bien. Je fais confiance à votre sens des responsabilités, mes chers collègues, pour prendre en compte cette problématique des 80 kilomètres par heure, en y ajoutant sans doute quelques adaptations, et pour ne pas adopter ce texte en l’état. (M. Alain Richard applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « c’est une connerie ! » C’est par ces mots que le Président de la République a récemment qualifié l’abaissement de la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure sur le réseau secondaire. Sur ce coup-là, nous pouvons dire que nous sommes bien d’accord avec lui ! Comme quoi, parfois, il peut exister des points d’accord entre nous et le Président de la République…
Mais alors, et compte tenu de la situation, cette proposition de loi est-elle la solution ? En effet, depuis le 1er juillet, la vitesse maximale sur les routes à double sens, sans séparateur central, a été abaissée de 90 à 80 kilomètres par heure.
Le code de la route prévoit que toute personne ayant perdu des points sur son permis de conduire les récupère automatiquement au bout de deux ans si elle n’a commis, dans ce délai, aucune nouvelle infraction au code de la route. Une dérogation est cependant prévue pour les infractions les plus légères, puisqu’une récupération de points est possible dans un délai de six mois si aucune infraction n’est commise dans ledit délai. C’est cette dérogation que souhaitent modifier les auteurs du texte en faisant passer le délai de six à trois mois.
Mes chers collègues, la sécurité routière ne se marchande pas. Il est question de vie humaine et de déplacements sécurisés. Parler sécurité routière aujourd’hui, c’est parler de vitesse, mais c’est aussi parler des infrastructures, car, ne nous y trompons pas, la sécurité tient beaucoup à l’état de ces infrastructures.
L’entretien de la voirie coûte cher et incombe aux collectivités, qui n’ont pas de moyens suffisants. Classée première en 2011 pour l’état de ses routes, selon les critères du Forum économique mondial, la France n’est aujourd’hui plus que septième. C’est bien l’histoire d’une dégradation à la suite d’un manque d’investissement dans les infrastructures.
La baisse des dotations de l’État aux collectivités, qui entretiennent les 370 000 kilomètres de routes départementales, tout comme la baisse des crédits pour les presque 12 000 kilomètres de routes nationales et d’autoroutes non concédées, se fait sentir sur les chaussées. Alors, à quelle suite s’attendre, monsieur le secrétaire d’État ? Un nouvel hashtag ? Un #BalanceTonDépartement ou un #BalanceTaRouteDépartementale pour stigmatiser nos départements, qui n’ont plus les moyens d’assurer pleinement leurs compétences en la matière, comme vous avez pu le faire avec nos maires lorsque ces derniers ont dû augmenter les impôts locaux ?
Les collectivités consacrent une part importante de leurs dépenses à la voirie. Elles représentent 9 % de celles des communes et plus de 8 % de celles des départements. Toutefois, la tendance générale est encore une fois à la baisse dans ce domaine. Il s’agit d’ailleurs d’une baisse considérable, puisque les dépenses de voirie des collectivités ont fléchi de 19 % entre 2013 et 2015. Cette orientation est confirmée par les premiers résultats publiés par l’Observatoire national de la route en novembre dernier.
D’après l’analyse que je viens d’évoquer, laquelle a porté sur un échantillon de 57 départements, les chiffres montrent une baisse continue des dépenses de fonctionnement depuis 2013, qui touche tous les postes : les fournitures, notamment le sel pour la viabilité hivernale, la part de travaux confiée aux entreprises ou les frais généraux. Les départements, sans vrais moyens, sont impuissants.
Monsieur le secrétaire d’État, allez-vous continuer à prendre des décisions, qui visent certes un vrai objectif louable, mais qui utilisent un véhicule pour y parvenir qui reste abject ?
Avec le groupe communiste républicain citoyen et écologiste du Sénat, nous prônons depuis longtemps le report modal, notamment vers le fret ferroviaire. Aujourd’hui, un nombre significatif de poids lourds se retrouve sur les routes départementales non prioritaires du réseau, ce qui pose des problèmes, non pas forcément en termes de bouchons, mais en termes de sécurité et de pérennité de voies qui n’ont pas été conçues initialement à cette fin.
L’état du réseau routier français se dégrade, et vous n’êtes pas sans savoir que la question du risque en matière de sécurité routière peut se poser. En cas d’accident, le défaut d’entretien peut entraîner la responsabilité de l’État. Investir sur nos routes est un vrai signal envoyé à nos concitoyens, le signal d’un État fort, soucieux de la sécurité des usagers de la route.
Les Français n’ont pas besoin de panneaux limitant leur vitesse de plus ou moins 10 kilomètres par heure ; ils ont besoin de routes viables, sans nid-de-poule, salées en période de neige ; ils ont besoin de signalisation indiquant les zones réellement dangereuses. Ils n’ont surtout pas besoin de décisions prises de façon aléatoire, sans concertation avec l’ensemble des acteurs concernés.
Permettez-moi de vous dire que, si vous aviez écouté les recommandations du Sénat, nous n’en serions peut-être pas là ! Comme un certain nombre de mes collègues, je me rappelle du débat que nous avions eu avec Mme Gourault, qui nous expliquait qu’il n’y avait aucun problème, que tout allait bien et que tout se passerait très bien. Quelques mois après, on voit que les discours ont finalement évolué, tout simplement parce que la situation sur laquelle nous vous avions alerté était réelle. Il faut aujourd’hui faire évoluer les décisions prises.
Vous qui prônez la concertation, vous auriez pu voir que, dans certains départements, la vitesse aurait même pu être limitée à 70 kilomètres par heure si cela se justifiait. Nous avons besoin d’une sécurité routière au plus près de la réalité, qui soit compréhensible par toutes et tous ! Nous qui traversons au quotidien les routes de nos départements, nous pouvons constater que, sur un trajet de quelques dizaines de kilomètres, la limitation de vitesse passe de 30 kilomètres par heure à 50 ou 70 kilomètres par heure, et parfois même à 80, 90, voire à 110 kilomètres par heure ! Pour les conducteurs, cette variation n’obéit à aucune logique.
Je terminerai en disant que, à nos yeux, cette proposition de loi n’offre pas de solution viable. Nous ne pouvons pas compenser un durcissement de la réglementation routière par un allégement des sanctions aux infractions. Pour nous, la solution se trouve dans un investissement massif pour des routes de qualité. Par conséquent, notre groupe ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Viviane Artigalas. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où bon nombre de nos concitoyens occupent les routes et les ronds-points pour dénoncer un ras-le-bol général, une préoccupation revient régulièrement dans les débats : l’abaissement de la vitesse maximale autorisée sur les routes secondaires de 90 à 80 kilomètres par heure. Cette mesure, entrée en vigueur le 1er juillet dernier, a suscité la colère de nos élus et de nos concitoyens dans beaucoup de territoires.
C’est un fait que les excès de vitesse les plus faibles sont les plus nombreux, et cela ne concerne pas uniquement la vitesse sur les routes secondaires. Aussi, lorsqu’ils sont flashés pour deux ou trois kilomètres par heure en trop, sommés de régler une amende et de perdre un point sur leur permis, beaucoup de nos concitoyens le vivent comme une injustice.
Estimant que cette réduction de vitesse contribuera à faire « exploser » les amendes pour excès de vitesse inférieurs à 10 kilomètres par heure, les auteurs de la présente proposition de loi justifient dès lors de réduire le délai de récupération de points pour les petits excès de vitesse, en le faisant passer de six mois actuellement à trois mois, en l’absence de nouvelle infraction durant ce laps de temps. En outre, ceux-ci s’interrogent sur l’intérêt pédagogique du permis à points pour motiver ces aménagements. Je propose plutôt de nous interroger sur la portée de ce texte et sur sa réelle motivation.
Sacrifier la sécurité routière au pouvoir d’achat n’est pas une bonne solution. Or modifier la procédure de récupération de points du permis de conduire va clairement à l’encontre de la politique de sécurité routière menée ces dernières années. Celle-ci a pourtant largement porté ses fruits depuis les années soixante-dix et, plus récemment, ces deux dernières années, au cours desquelles on a enregistré une forte baisse de la mortalité sur les routes.
Faire passer le délai de récupération de points à trois mois pourrait aisément inciter les conducteurs à relâcher leur vigilance et à ne plus se soucier de commettre un excès de vitesse, puisque le désagrément ne serait finalement que très bref. Mes chers collègues, souvenez-vous que, avant 2011, il fallait attendre un an avant de récupérer le point perdu. Le passage de ce délai à six mois a été adopté contre l’avis du gouvernement et du ministre de l’intérieur de l’époque, Brice Hortefeux. Assouplir de nouveau ces règles à l’excès conforterait effectivement les mauvaises habitudes de conduite, même si elles ne concernent qu’une minorité de conducteurs.
Les auteurs de la proposition de loi stigmatisent en outre l’intérêt des stages de récupération de points, assimilés à une politique de sécurité routière répressive, et affirment que les points perdus ne sont jamais récupérés, sauf à effectuer – et donc à payer – un tel stage. Cela est faux. Certes, ces stages ont un coût financier et présentiel – c’est indéniable –, mais leur utilité en termes de prévention et de rétribution ne saurait être niée : quatre points en deux jours, tout de même ! Sans compter que cette récupération est automatique.
Par ailleurs, le stage ne constitue pas la seule possibilité pour récupérer ses points. Il suffit d’attendre tout simplement la fin du délai de récupération sans commettre de nouvelle infraction, ce qui encourage de facto les bons comportements sur les routes.
Plus qu’un réel souci pour le pouvoir d’achat des Français, ce qui semble avoir motivé les auteurs de ce texte reste la dénonciation de la réduction de la vitesse à 80 kilomètres par heure. Ici, au Sénat, cette décision avait, il est vrai, suscité beaucoup d’oppositions. Nous qui sommes pour la plupart élus de territoires ruraux, nous savons que cette mesure avait renforcé le sentiment de déclassement de nos concitoyens qui n’ont pas d’autre choix que d’emprunter ces routes secondaires.
Ce désaccord s’est traduit par la création au mois de janvier 2018 d’un groupe de travail sénatorial sur la sécurité routière, sur l’initiative de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des lois. Plutôt que d’appliquer la réduction de vitesse de manière uniforme, ce groupe de travail a proposé que cette décision soit décentralisée au niveau des départements, afin de l’adapter aux situations locales et aux réalités des territoires. Cette conclusion convient à la plupart des maires et des élus.
Je me félicite bien sûr que, à la suite du mouvement des « gilets jaunes », le Président de la République lui-même ait fait des annonces qui vont dans le même sens. En concertation avec les maires et les collectivités locales, l’application de cette mesure de réduction de la vitesse pourrait ne pas être généralisée, mais étudiée au cas par cas. Cependant, comme l’a dit mon collègue Michel Raison, il est vraiment dommage que les conclusions du groupe de travail sénatorial n’aient pas été entendues plus tôt par le Gouvernement.
M. Bruno Sido. C’est vrai !
Mme Viviane Artigalas. Cela aurait peut-être permis de ne pas cristalliser l’exaspération de nos concitoyens, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines.
Cela démontre, s’il en était encore besoin, l’importance du travail sénatorial et la capacité du Sénat à trouver des solutions de compromis et de bon sens, qui respectent la diversité de nos territoires. Bien sûr, nous veillerons à ce que les annonces présidentielles soient suivies d’effets. Vous pouvez compter sur nous, monsieur le secrétaire d’État.
Cette proposition de loi me paraît donc désormais sans objet et, surtout, contre-productive en matière de sécurité routière, puisqu’elle va à l’encontre du principal intérêt pédagogique du permis à points, qui est d’inciter, de façon égalitaire, les conducteurs ne respectant pas les règles à modifier leur comportement sur la route pour ne pas perdre leur droit à conduire. Comme l’ensemble des membres de mon groupe, je me range évidemment à l’avis du rapporteur – j’en profite pour remercier la commission des lois pour le travail réalisé – en ne votant pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bouloux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Fouché applaudit également.)
M. Yves Bouloux. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour débattre d’une proposition de loi particulièrement courte et simple : un article unique, une phrase, un mot changé dans le code de la route. Pourtant, ce texte apporte une avancée à la problématique du retrait de points pour infractions légères compte tenu, en outre, de la confusion sur certaines voies entre limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure ou à 90 kilomètres par heure.
Un certain nombre d’amendements ont été déposés. On peut discuter de la pertinence ou non de chaque mesure, mais je note une chose en commun : l’ensemble de ces amendements visent à faciliter la vie des Français ou, du moins, à réduire les contraintes excessives de certaines réglementations. En effet, c’est bien là l’un des enjeux institutionnels que nous mettons aujourd’hui en exergue à travers ce texte : lorsque l’exécutif prend des mesures générales qui visent notre vie locale, elles complexifient et apparaissent souvent inopportunes ou insatisfaisantes.
Face à cette réalité, le Sénat a une responsabilité particulière dans le cadre de nos institutions. Nous la connaissons bien : il s’agit de défendre nos territoires, de contrôler l’action du Gouvernement et d’évaluer les politiques publiques. Le Gouvernement se donne deux ans pour évaluer la mesure. Nous gagnerions à engager notre propre évaluation.
Il semble qu’il existe, et je conclurai par cette idée, une façon de concilier les différents objectifs avec celui – fondamental – de la réduction du nombre d’accidents sur nos routes, en modulant la limitation de vitesse à 80 ou 90 kilomètres par heure sur les routes secondaires en fonction de leurs caractéristiques. Cette piste a été présentée au printemps dernier par nos collègues Michel Raison, Michèle Vullien et Jean-Luc Fichet dans un rapport d’information intitulé Sécurité routière : mieux cibler pour plus d’efficacité. Nos collègues préconisent, entre autres mesures, la décentralisation de la décision en matière de réduction des vitesses maximales autorisées à 80 kilomètres par heure, en lien avec les préfets et présidents de département, et un ciblage de la limitation des vitesses maximales sur les routes accidentogènes.
Dans l’attente d’une telle évolution, en souhaitant que la sécurité routière fasse toujours plus de pédagogie et de sensibilisation aux dangers de la route, je voterai en faveur de ce texte. Celui-ci va dans le sens d’une liberté accrue, ou au moins de contraintes réduites pour nos concitoyens de bonne volonté, sans remettre en cause l’objectif fondamental de la sécurité routière. Je l’espère vivement, il y aura moins de conducteurs privés de permis de conduire qui font la folie de prendre tout de même la route pour ne pas perdre leur emploi, ce qui est un véritable drame pour notre société. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Dominique de Legge. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat qui nous rassemble est l’occasion de tirer les enseignements d’un processus de décision qui illustre une méthode de gouvernement méritant sans doute d’être affinée.
Sous couvert de lutter contre la mortalité routière, le Gouvernement a annoncé vouloir abaisser la vitesse à 80 kilomètres par heure sur toutes les routes, et ce sans étude d’impact ni concertation. Des voix se sont élevées ici et là, singulièrement au Sénat, pour demander des explications et proposer de laisser des possibilités d’adaptation aux acteurs locaux. Je pense en particulier à nos collègues Raison, Vullien et Fichet. Le Premier ministre n’a rien voulu entendre. Le décret a été signé et a dû s’appliquer sans délai. Tous ceux qui émettaient des réserves ont été vilipendés au nom de la mortalité routière et passibles de procès en irresponsabilité.
Pourquoi 80 kilomètres par heure et pas 70 ? Où est la logique quand le Gouvernement, qui dit militer pour l’inscription dans la Constitution d’un droit à la différenciation, nie ce principe en exigeant une application uniforme de la mesure sur tout le territoire ?
Alors que la réduction de la dépense publique est un objectif, on peut s’interroger sur l’évaluation qui a pu être faite du coût de cette mesure, tant pour les services publics que pour les entreprises et les salariés.
La question de l’acceptabilité et de la compréhension par les usagers de la route qui prennent leur voiture tous les jours pour aller travailler est taboue. Les experts savent et le Gouvernement décide. J’ai envie de dire : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »
Je pense très sincèrement, monsieur le secrétaire d’État, que cette mesure a contribué à faire émerger le mouvement des « gilets jaunes », car elle est emblématique, dans la forme comme sur le fond, d’une pratique qui conjugue suffisance, mépris des réalités, jacobinisme et autoritarisme. On le sait, la politique n’est pas une science exacte et ce qui compte est souvent davantage la perception de la mesure que sa justification.
M. Jean-Paul Émorine. C’est vrai !
M. Dominique de Legge. On ne gouverne pas un pays sans explications et avec les seuls experts contre l’opinion. L’humilité, permettez-moi de vous le dire, loin d’être un signe de faiblesse, peut quelquefois être un signe d’intelligence.
Aujourd’hui, un texte nous est soumis pour apporter une réponse à une situation que beaucoup récusent et vivent comme une brimade. Merci aux auteurs de cette proposition de loi d’avoir posé le débat publiquement !
Je ferai trois remarques
Tout d’abord, plutôt que de chercher à agir sur les conséquences d’une mauvaise décision, je pense préférable d’agir sur la décision elle-même, et donc de revenir tout simplement sur le décret.
Ensuite, nous avons l’illustration de la difficile articulation entre le décret et la loi. C’est un décret qui est à l’origine de la situation. On ne corrige pas un décret par une loi. Le décret procède de la loi et non l’inverse. Cela ne peut que nous conforter dans notre regret de voir le Gouvernement, dans cette affaire comme dans bien d’autres, refuser le débat au Parlement et passer outre ses avis. Nous écouter lui aurait évité ce faux pas.
Enfin, c’est avec étonnement que nous avons entendu le Président de la République déclarer la semaine dernière qu’il n’était pas hostile à une évolution de la réglementation. Feignant de découvrir le sujet, c’est tout juste s’il n’a pas fait le reproche aux parlementaires de ne pas l’avoir alerté sur ce point. Cela ne manque pas de piquant si l’on se réfère aux propos tenus ici même par Michel Raison lors d’une question d’actualité au Gouvernement et à la réponse faite par le Premier ministre.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le plus simple et le mieux, c’est de ne pas voter ce texte et de revenir sur le décret en essayant de l’appliquer de façon intelligente,…
Mme Sylvie Goy-Chavent. Ça n’a rien à voir !
M. Dominique de Legge. …ce qui veut dire qu’il ne l’a pas été jusqu’à maintenant. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Pour rebondir sur les propos de MM. Requier et Fouché, je précise que la vitesse excessive n’est évidemment pas la seule cause de mortalité sur les routes – nous n’avons jamais prétendu le contraire – et que l’état du réseau fait l’objet de toutes nos attentions.
Je tiens également à vous dire, monsieur Fouché, que le produit des amendes des radars, vous le savez bien, ne contribue à la baisse de la dette qu’à hauteur de 8 %. (M. Alain Fouché fait un signe de dénégation.) Le reste des recettes est notamment consacré aux aménagements en matière de sécurité routière. Il me semblait important de le préciser.
M. Alain Fouché. Je ne suis pas d’accord avec vous !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Il me paraît également important de rappeler les chiffres attendus pour 2019 : 516 millions d’euros seront affectés aux infrastructures routières de transport et de sécurité et 455 millions d’euros au réseau national.
M. Alain Fouché. Inexact !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Concernant votre interpellation sur l’expérimentation en cours de la SANEF à Boulay-Moselle, monsieur Masson, j’indique que celle-ci n’a pas pour but d’obliger les conducteurs à s’abonner, mais de leur permettre de payer à l’avance pour éviter les files d’attente et les bouchons. Cette expérimentation est évidemment susceptible d’évolutions. Comme vous le souhaitez, je veillerai à faire remonter les éléments que vous m’avez communiqués à la ministre des transports, dont le cabinet se tient à votre disposition.
Monsieur Longeot, quand j’expliquais qu’un certain nombre de mesures ciblaient les réseaux routiers où la mortalité est la plus forte, je comprends bien sûr que ce propos puisse vous apparaître comme une lapalissade, mais il est heureux quand même que les mesures mises en œuvre pour prévenir un certain nombre de risques le soient là où ces risques sont les plus élevés.
Monsieur Raison, je ferai juste un commentaire. Nous nous connaissons bien, nous nous sommes toujours parlé très franchement. Le Président de la République, en décidant de porter ce sujet au niveau du grand débat national, a répondu à une revendication légitime des Français, et non à la violence, comme vous l’avez dit. La violence, nous la combattons tous les samedis. Les mots ont un sens, il faut être prudent : vous savez toute l’attention que les forces de l’ordre portent tous les samedis, sous notre autorité, à contenir ces violences.
Voilà les quelques éléments d’éclaircissement que je tenais à apporter.
M. François Patriat. Très bien !
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi initiale.
proposition de loi relative à l’aménagement du permis à points dans la perspective de l’abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire
Article additionnel avant l’article unique
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par Mme Sollogoub, M. Henno, Mme Perrot, M. Longeot et Mmes C. Fournier et Vermeillet, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 223-3 du code de la route, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Le délai pour notifier le retrait d’un ou plusieurs points est de trois ans à compter de la date constatée de l’infraction concernée. Passé ce délai, le retrait de points lié à ladite infraction ne peut être effectué. »
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Après avoir entendu tous ces débats autour de la sécurité routière, de la prévention routière et des 80 kilomètres par heure, je vais très modestement vous parler de la gestion des points du permis de conduire. Je considère en effet qu’une bonne gestion de ces points permettrait d’avoir un système qui fonctionne de façon optimale. Il me semble qu’il existe une petite lacune dans le système actuel.
Si vous vous faites flasher, vous perdez un point. Entre le moment où vous commettez l’infraction et perdez de fait le point et le moment où cette décision vous est notifiée s’écoule obligatoirement un délai. Or ce délai n’a pas de limite actuellement, c’est-à-dire qu’il n’existe pas de prescription. On pourrait donc imaginer qu’un point virtuellement perdu se balade dans les circuits informatiques pendant des années et que, dix ans après, on puisse vous enlever ce point.
Sachant qu’un automobiliste qui ne commet pas d’infraction pendant trois ans récupère tous ses points, il serait logique qu’un délai de prescription de trois ans soit également établi lorsqu’il perd des points. Cela participe aussi de la bonne gestion du système d’être en mesure de gérer soi-même son crédit de points.