M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Il me semble y avoir une mauvaise compréhension du texte, qui prévoit justement que ces changements s’appliquent « à compter du 1er janvier 2019 », et non pas jusqu’à la fin de 2019. Il n’y a donc aucune trajectoire d’augmentation progressive du taux de la CSG. Je fais là une lecture simple de cet article.
Cet amendement ne me paraît pas nécessaire. Nous ne sommes pas dans le même cas que pour la fiscalité sur les carburants.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article additionnel après l’article 3
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié bis, présenté par Mmes Cohen et Apourceau-Poly, MM. Bocquet et Savoldelli, Mmes Assassi et Benbassa, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3231-4 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2020, le montant du salaire minimum de croissance servant de référence pour le calcul de l’indexation prévue au présent article ne peut être inférieur à 1 760 euros bruts mensuels dans le secteur privé. »
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Emmanuel Macron, dans son discours du 10 décembre dernier, a déclaré qu’il voulait que les Françaises et les Français « puissent vivre mieux de leur travail ». Cette volonté, nous la soutenons. C’est pourquoi nous vous présentons cet amendement, dont l’objet est de revaloriser le SMIC à hauteur de 1 760 euros bruts mensuels, à compter du 1er janvier 2020, ce qui correspond à une hausse de 200 euros nets du salaire minimum.
Cette revalorisation du SMIC est plus que nécessaire. Les inégalités sociales en France sont de plus en plus fortes, alors que le pays n’a jamais créé autant de richesses. Ces richesses n’ont jamais été aussi mal réparties entre les entreprises et les salariés, entre les « premiers de cordée » et le reste de la population. Nos concitoyennes et nos concitoyens aspirent à plus de justice sociale et refusent de continuer de travailler pour des salaires largement insuffisants.
Alors que des millions de personnes sont en situation de pauvreté et d’exclusion sociale, cette augmentation de 200 euros répond à un besoin fondamental : celui de se loger, de se soigner, de s’alimenter et de se reposer. Je rappelle qu’il faut 1 424 euros nets par mois à une personne seule pour pouvoir vivre décemment, selon un rapport de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale.
Il est urgent d’entendre la colère qui s’est exprimée ces dernières semaines, celle de milliers de citoyennes et de citoyens qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois. Cela est d’autant plus vrai pour les femmes, notamment pour celles qui sont seules avec des enfants. Ces femmes sont les plus exposées aux bas salaires, aux emplois précaires et aux temps partiels subis, faut-il encore et toujours le répéter !
Il est temps de donner à chacun les moyens de vivre décemment de son travail. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. En dehors de toute considération politique, la rédaction de cet amendement n’est pas opérationnelle. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Eh oui, j’en suis désolé, mes chers collègues !
Quant à la question de fond, croyez-vous qu’une augmentation de 200 euros du SMIC puisse être supportée financièrement par toutes les entreprises ? La commission a répondu par la négative. C’est pourquoi son avis sur cet amendement est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur sur la forme.
Sur le fond, le décret de revalorisation du SMIC a été adopté en conseil des ministres le 19 décembre dernier. Au 1er janvier 2019, le SMIC sera bien augmenté de 1,5 %, conformément aux règles de calcul automatiques prévues par le code du travail. Le SMIC horaire s’établira à 10,03 euros bruts, soit 1 521,22 euros par mois ; quant au SMIC mensuel net, il sera de 1 204 euros – c’est le chiffre qui intéresse le plus les gens, puisque c’est leur pouvoir d’achat.
Une fois établi le nouveau barème du SMIC, qui concerne directement 1,6 million de salariés du secteur privé, il se produit un effet de diffusion sur 11 millions de salariés, sur les 19 millions de personnes qui travaillent dans le secteur privé. Cette diffusion s’effectue par le biais des conventions collectives.
J’ai interpellé les branches professionnelles pour leur demander d’accélérer au début de 2019 les négociations annuelles de branche. Le patronat s’est engagé à mener en 2019 des négociations dans toutes les branches où le minimum professionnel est aujourd’hui inférieur au SMIC, ce qui crée un tassement pour de nombreuses rémunérations autour du SMIC. Celui-ci n’est donc que l’un des aspects du sujet de la rémunération dans le secteur privé ; les négociations annuelles obligatoires et les conventions de branche en sont l’aspect principal.
Cela dit, je veux revenir sur le fond de votre question, monsieur le sénateur. Si l’on veut lutter contre le chômage, ce qui me semble être notre objectif à tous, il faut de la croissance pour créer des emplois ; or il faut pour ce faire que les entreprises soient compétitives. Vous proposez que l’on augmente extrêmement fortement et rapidement le SMIC, qui est déjà le plus élevé d’Europe et qui a l’évolution la plus dynamique. Si l’on agissait ainsi, même pour les emplois non délocalisables, très clairement, le prix d’un certain nombre de produits et de services augmenterait très rapidement et bien des employeurs, notamment parmi les artisans et les commerçants – les petites et moyennes entreprises, plus largement –, ne seraient pas en mesure de suivre et devraient licencier des employés. Tout cela est très bien documenté par l’expérience pratique et du point de vue économique.
Nos propositions contenues dans ce texte découlent du fait que nous reconnaissons tous qu’un sujet s’impose : la capacité, pour les travailleurs les plus modestes, de vivre décemment de leur travail dans notre pays. Il faut donc, d’une part, faire progresser le SMIC dans sa dynamique habituelle, avec toutes les conséquences que cela entraîne dans les diverses branches, et, d’autre part, par le biais de la prime d’activité, dispositif français original et important, augmenter les revenus des personnes qui, alors même qu’elles travaillent, rencontrent des difficultés financières. Cette articulation du salaire versé par l’entreprise et d’une forme de solidarité permet l’augmentation des revenus des travailleurs modestes, ce qui est essentiel.
La prime d’activité, dont nous augmentons le barème et élargissons la portée, pourra être versée jusqu’à 2 000 euros de salaire dans le cas d’une personne vivant seule avec un enfant et n’ayant pour vivre que son salaire. Pour une personne vivant seule sans enfant, elle sera versée jusqu’à 1 550 euros de salaire. Nous sommes donc bien en train de prendre, ensemble, une mesure allant dans le sens que vous souhaitez. J’espère donc que vous la voterez.
L’avis du Gouvernement sur cet amendement est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. De ce côté de l’hémicycle, lorsque nous évoquons la revalorisation des aides sociales ou des minima sociaux, on nous oppose souvent la « valeur travail », que, contrairement à d’autres, nous n’aurions pas. Or j’entends aujourd’hui que, pour améliorer les revenus de ceux qui perçoivent les salaires les plus faibles, on va revaloriser la prime d’activité. C’est tout de même un raisonnement assez extraordinaire !
La valeur travail, nous l’avons tous et toutes. Dès lors, si le travail a une valeur, il faut le rémunérer à sa juste valeur. Que signifie la valeur travail, si un salarié ne peut pas vivre de son travail ? C’est notamment le problème que rencontrent ceux qui effectuent les tâches les plus pénibles et les moins intéressantes.
J’ai entendu Mme la ministre évoquer les négociations annuelles obligatoires ; elles visent en effet précisément à négocier les augmentations de salaire. Mais, au-delà de ces négociations et de vos propositions d’aujourd’hui, comme l’année 2019 devrait être propice à de grands débats, commençons à débattre entre nous et à effectuer une grande réflexion sur la nature de la valeur travail : comment le travail doit-il être rémunéré dans ce pays ? Que pouvons-nous suggérer aux employeurs à cette fin ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Je voudrais dire un mot de la notion de compétitivité.
Vous nous ressortez cet argument : la nécessité de rester compétitif empêcherait d’augmenter les salaires. Je voudrais à ce propos adresser une double mise en garde au Gouvernement.
Depuis des années, certains sujets sont prétendument tabous, parmi lesquels l’augmentation massive des bas salaires. Ce n’est pas possible d’y toucher : il y a la compétitivité !
Vous nous parlez de vivre décemment du travail. Mais pourquoi le sujet monte-t-il justement dans le pays ? Parce que des millions de salariés ne peuvent pas vivre décemment de leur travail, aujourd’hui, en France. La question des salaires se pose et se posera de plus en plus si les logiques actuelles sont maintenues.
Par ailleurs, en matière de compétitivité, votre raisonnement ne marche pas. Depuis des années, on tire les salaires vers le bas dans notre pays. Cela a-t-il enrayé le déclin des emplois industriels ? Absolument pas, bien au contraire ! Depuis vingt ans, nous ne cessons de perdre des emplois industriels du fait de cette prétendue logique de compétitivité, qui accroît les inégalités. Il va falloir changer de raisonnement et de logique !
La question que pose le pays n’est pas seulement une question de justice sociale : il demande que l’on invente une logique différente de celle-là, qui est en train de tirer vers le bas, non seulement la vie des salariés, mais aussi toute notre économie : elle risque de continuer à l’enfoncer. C’est une question qui se pose, non pas seulement en France, mais dans toute l’Europe et bien d’autres pays encore.
Il va falloir changer de logiciel, de discours et de logique, madame la ministre. Vous pouvez continuer à ne pas l’entendre, mais c’est bien la question que notre pays, parmi d’autres, continuera de poser toujours plus massivement. Je vous mets en garde à ce sujet !
Voilà un an, il était impossible de toucher à la hausse de la CSG ; vous y touchez ! Il était impossible de parler des salaires ; on en parle ! Eh bien, dans les mois qui viennent, on parlera d’une augmentation massive du SMIC et des salaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je voudrais réagir aux propos de nos collègues. À les entendre, tout serait de la faute des entreprises.
M. Pierre Laurent. Non, c’est de la faute d’une logique économique !
Mme Pascale Gruny. Pardonnez-moi, mais le mouvement des « gilets jaunes », à l’origine, ne portait pas sur les rémunérations, mais sur la hausse des taxes. C’est surtout les impôts et les dépenses de l’État qui posent problème.
Vous parlez toujours des entreprises du CAC 40, mais le tissu des entreprises est constitué de PME et de TPE qui sont écrasées de charges et de taxes.
M. Pierre Laurent. Elles sont écrasées par les donneurs d’ordre !
Mme Pascale Gruny. Elles préféreraient rémunérer correctement leurs salariés !
Votre discours est d’un autre temps et ne correspond pas à la demande actuelle des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Alain Fouché applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Oui, il y a un problème de la répartition de la richesse produite par les entreprises. Un ancien Président de la République avait d’ailleurs imaginé une règle des trois tiers pour la répartition des dividendes : l’investissement, les actionnaires et les salariés. Les entreprises du CAC 40 versent, chaque année, 50 milliards d’euros de dividendes. Cette situation n’est certes pas la même pour l’ensemble du tissu industriel, mais elle n’en est pas moins réelle.
Je voudrais citer M. Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, qui, il y a quelques jours, s’est dit choqué par l’écart entre les dividendes et les salaires : « L’entreprise privée et particulièrement les patrons doivent mieux répartir l’argent entre le capital et le travail. Qu’il y ait autant de dividendes distribués et pas assez d’augmentations de salaire, personnellement, ça me choque. Lorsque les Français demandent une augmentation de leur pouvoir d’achat par leur salaire, c’est bien aussi une critique de notre système capitaliste. »
Alors, oui, il y a bien un problème de la répartition de la richesse produite par les entreprises ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Mes propos vont dans le même sens que ceux qui viennent d’être tenus.
On entend toujours le même discours : on ne peut pas augmenter les salaires, on ne peut pas revaloriser le SMIC ! Or on voit bien que, quand on pousse un peu, on y arrive ! Les « gilets jaunes » ont aussi demandé qu’il soit mis fin à cette injustice criante.
On rigole quand nous déclarons qu’il faut augmenter le SMIC de 200 euros. Je ne sais pas si c’est si drôle ! Il me semble que toutes les mesures contenues dans ce texte visent précisément à ne pas augmenter le SMIC. Tel est votre dogme : ne pas toucher au SMIC !
Mme Laurence Cohen. Tout à fait !
M. Guillaume Gontard. Il faut sortir de ce dogmatisme : le pragmatisme vers lequel il faut aller consiste à répondre à la demande des « gilets jaunes ».
On nous parle de compétitivité. Pour ma part, j’ai été responsable d’une SARL ; je sais donc de quoi il s’agit, j’ai employé des salariés. Or il me semble que l’on a justement mis en place un système en faveur de la compétitivité : le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. En 2018, 40 milliards d’euros ont ainsi été dépensés. À quelle fin ? Si cela ne fonctionne pas, il faut le supprimer ; si cela fonctionne, c’est un avantage pour les entreprises, et il me semble qu’il faut mettre en place des compensations, notamment afin d’assurer une revalorisation des salaires et la création de nouveaux emplois.
On nous dit qu’il y a des études. Il faut parfois regarder à l’extérieur du pays. Certains États européens ne suivent pas votre dogme, augmentent le SMIC, ce qui commence à produire des résultats, notamment en matière d’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité au 1er janvier 2019, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Ce rapport a pour objet de présenter un bilan de la mise en œuvre opérationnelle de cette disposition réglementaire et de son impact sur le pouvoir d’achat des foyers bénéficiaires.
Il a également pour objet de proposer des pistes de réforme pour améliorer le recours à la prestation et son impact sur le pouvoir d’achat des ménages modestes.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. La hausse de 100 euros du SMIC a fait l’objet de nombreuses tergiversations, signe flagrant d’un exécutif désemparé face à la crise sociale des « gilets jaunes ».
Le Gouvernement ayant renoncé à la contribution des plus aisés à cet effort en faveur des plus précaires, l’annonce de la revalorisation du SMIC pouvait nous faire craindre le pire, mais il semble avoir évité certains écueils. Le Premier ministre, redoutant de voir sa mesure retoquée par le Conseil constitutionnel, a renoncé à augmenter le salaire minimum net par le biais d’une baisse des cotisations sociales.
De même, il pouvait se révéler problématique de faire passer la hausse des bas salaires par la prime d’activité, alors que seuls certains salariés peuvent actuellement en bénéficier, et ce sur demande. En élargissant la base des bénéficiaires de cette prime, en prévoyant l’automaticité de son versement par les CAF et en rendant son recours plus lisible, le Gouvernement semble avoir mis en place un dispositif plus ou moins raisonnable.
Bien sûr, nous aurions préféré une augmentation substantielle du salaire brut, à l’image de ce qu’ont récemment fait nos voisins espagnols. Fallait-il encore que l’exécutif ait du courage politique et un véritable temps de réflexion pour entreprendre une telle mesure, sans compter évidemment ses choix antérieurs en la matière, qui le bloquent, et auxquels s’ajoute son amateurisme de ces derniers jours !
Le problème majeur que pose en fin de compte cette mesure est son coût : 2,5 milliards d’euros, ce n’est pas rien ! Cela aurait pourtant facilement pu être couvert par la réinstauration de l’ISF ou encore une meilleure utilisation du CICE. Le Gouvernement s’y refuse et frappe ainsi la loi de finances pour 2019 du sceau de l’insincérité budgétaire. Nous en prenons bonne note.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 4 du projet de loi prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité au 1er janvier 2019. Je profite de l’examen de cet article pour revenir sur les annonces du Gouvernement.
Emmanuel Macron, lors de son discours du 10 décembre dernier, a annoncé que les salariés au SMIC gagneraient 100 euros de plus par mois. Pendant un court instant, nombre de nos concitoyens y ont cru, et même moi, madame la ministre : je me suis cru à Noël avant Noël ! Nous avons cru à cette revalorisation du salaire minimum, mais quelle n’a pas été notre déception quand la réalité de la mesure a été révélée ! On a en effet vite compris l’entourloupe de vos mesurettes. L’expression le dit bien : on n’attrape pas des mouches avec du vinaigre ! En effet, il ne s’agit pas d’une augmentation du salaire, mais d’une revalorisation, exceptionnelle, de la prime d’activité. Or il s’agit d’une allocation sociale, versée sous conditions de ressources tenant compte de l’ensemble des revenus du ménage.
En raison de ces conditions restrictives, au moins 45 % des salariés au SMIC seraient exclus de cette mesure. Les premières concernées seront évidemment les femmes. De nombreuses femmes recevant de bas salaires n’en bénéficieront pas, parce que leur époux gagne trop. C’est pourquoi nous avions déposé un amendement visant à individualiser le bénéfice de la prime d’activité, qui a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution ; cela est regrettable.
Combien de couples, aujourd’hui, ne mutualisent pas leur argent, n’ont pas de compte commun ? Conditionner la prime d’activité au revenu du conjoint exclut bon nombre de femmes et les infantilise : cela renforce une certaine dépendance économique à l’égard du mari. Il me semble qu’il est plus que temps de dépasser cette conception patriarcale et archaïque et d’individualiser les droits, d’autant que les femmes constituent 90 % des personnes recevant de bas salaires : ce sont elles qui auraient dû bénéficier en priorité de cette prétendue augmentation du SMIC. Or, en l’état de votre dispositif, la plupart d’entre elles en seront privées.
Par ailleurs, cette mesure crée une confusion entre rémunération du travail et solidarité nationale. On demande à cette dernière de compenser les salaires trop faibles versés par les entreprises.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Moi, je tiens à saluer la mobilisation des « gilets jaunes », ce formidable mouvement social qui vous incommode tout simplement parce que les gens refont de la politique. Ils s’y intéressent beaucoup, parce qu’il y a beaucoup d’intelligence, beaucoup de technicité et beaucoup de subtilité dans le peuple.
Quand on veut bien les écouter, ils nous parlent de justice sociale, d’égalité devant l’impôt et de répartition des richesses. Ils ont bien raison. Le dernier rapport d’Oxfam nous apprend que, entre 2009 et 2016, Total a versé 43 milliards d’euros de dividendes ; Sanofi, 37 milliards ; Engie, dont l’État est encore actionnaire, 27 milliards. En outre, l’écart entre les plus bas salaires et ceux des patrons s’est aggravé de 25 % depuis la crise de 2008.
Ils nous parlent aussi de démocratie. Or vous répondez par de l’inégalité.
Il y aura inégalité devant la prime de Noël : certains la toucheront, d’autres non. Celui qui travaille dans un grand groupe y aura droit, et c’est tant mieux, mais ce ne sera le cas ni de son voisin de palier, qui travaille dans une PME, incapable de la verser, ni d’un fonctionnaire.
Il y aura inégalité devant la hausse de revenus : la moitié des smicards seront exclus de la prime d’activité. Il me faut le répéter : c’est une prestation sociale ; vous ne touchez pas aux salaires. Ce que vous donnez de la main gauche, vous le reprendrez de la main droite, parce que, si ce ne sont pas les entreprises qui paient, ce sera nous, par les impôts !
Vous l’avez reconnu, ces mesures à 10 milliards d’euros ne sont pas encore financées. On trouvera 500 millions d’euros dans la taxation des GAFA, 200 millions ailleurs, mais il manquera encore 7 milliards ou 8 milliards d’euros ! En réalité, ce sont les gens qui le paieront par l’impôt, pour financer les caisses de sécurité sociale. Mais ils ne se laissent pas prendre ! La dinde aux marrons, les huîtres et le foie gras n’étoufferont pas la colère sociale : ils ont bien compris l’enjeu et reviendront, plus fort encore, sur la question de la répartition des richesses ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 4
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Daudigny, Mmes Meunier et Rossignol, M. Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mme Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Courteau et Féraud, Mmes de la Gontrie, Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 7 de la loi n° du de financement de la sécurité sociale pour 2019 donne lieu à compensation intégrale par le budget de l’État aux régimes de la sécurité sociale concernés pendant toute la durée de son application.
II. – Les articles du présent projet de loi donnent lieu à compensation intégrale par le budget de l’État aux régimes de la sécurité sociale concernés pendant toute la durée de son application.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts du taux du 1° du B du 1 de l’article 200 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Le pouvoir d’achat ne se résume pas au montant net sur sa fiche de paye, à celui de sa pension de retraite ou aux prestations sociales. Les charges incompressibles, au premier rang desquelles le loyer, pèsent lourdement sur les ménages, et proportionnellement plus sur les ménages modestes.
Dans notre pays, nous avons la chance d’avoir un système de santé où le reste à charge pour les familles est parmi les plus bas. Nous avons réussi à le réduire encore sous le quinquennat de François Hollande, tout en assainissant les comptes de la sécurité sociale. Ainsi, la part restant à la charge des ménages a continué de reculer, pour s’établir à 7,5 % de la consommation de soins et de biens médicaux en 2017. Cet acquis, nous entendons le conserver, car il garantit un haut niveau de prise en charge à l’ensemble de nos concitoyens.
La remise en cause de la compensation intégrale du coût des allégements de charges par l’État et, pire, l’instauration d’une règle inverse, basée sur le principe de non-compensation à l’avenir, sont un très mauvais coup porté à la protection sociale des Français et à leur pouvoir d’achat futur. Car ce gouvernement attend de la part de la sécurité sociale une solidarité financière à l’égard du budget de l’État au moment même où il aggrave le déficit, y compris avec ces mesures dites « d’urgence ».
Les excédents attendus de la sécurité sociale doivent rester à la sécurité sociale et servir au système de santé, à la santé au travail, à la famille, à la petite enfance et aux retraites. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Ainsi que cela est indiqué dans l’objet de l’amendement, la compensation est conforme à la loi Veil ; elle est donc de droit. Seule une loi de financement de la sécurité sociale – nous en déciderons donc ensemble – peut revenir sur cela.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par Mmes Cohen et Apourceau-Poly, MM. Bocquet et Savoldelli, Mmes Assassi et Benbassa, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à l’incidence sur les finances publiques d’une hausse du SMIC de 200 euros nets.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Si nous étions provocateurs – mais nous ne le sommes pas (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) –, nous vous proposerions non pas de remettre un rapport, mais d’augmenter d’abord le SMIC de 200 euros, et de faire un rapport ensuite. C’est ce qui s’est passé pour l’ISF : on l’a supprimé en quelques minutes, et on va évaluer cette suppression seulement maintenant…
Madame la ministre, sur l’augmentation du SMIC, il y a deux visions économiques.
D’un côté, il y a la vôtre, et elle est respectable. Selon vous, augmenter le SMIC risque de plomber l’économie et la compétitivité. Nous connaissons bien ce discours. Mais il faut aller au bout de la logique. Ceux qui le tiennent disent qu’il ne faudrait pas de salaire minimum du tout. Ils sont sur ce registre-là !
De l’autre, nous disons que si on donne tout de suite 200 euros aux smicards, ils vont le réinjecter dans l’économie. Car ceux qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois aujourd’hui, avec 1 153 euros, rempliront le frigo. C’est la réalité ! D’ailleurs, d’autres augmentent le salaire minimum : plus 22 % en Espagne,…