M. Henri Cabanel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la violence est toujours inacceptable, surtout quand elle s’attaque aux symboles de la République et à nos forces de l’ordre. Le devoir de l’exécutif et de la représentation nationale, c’est de la condamner, et nous le faisons, tout en essayant de comprendre les raisons d’une crise et d’en tirer vite les leçons.
Quelques jours après la présentation par le Gouvernement du projet de loi d’orientation des mobilités et de la programmation pluriannuelle de l’énergie, et alors que s’ouvre aujourd’hui la vingt-quatrième édition, en Pologne, de la Conférence sur le changement climatique, le sujet dont nous débattons est au cœur de la crise que connaît aujourd’hui le pays.
Le groupe du RDSE, comme une grande majorité de nos concitoyens, est convaincu depuis longtemps que le réchauffement climatique est une menace vitale pour l’homme et que la transition écologique et énergétique est une nécessité impérieuse, une urgence, appelant une politique forte ainsi que des choix stratégiques économiques nouveaux.
Production de l’énergie, utilisation de l’énergie, mobilités, préservation de l’eau, nécessitent des approches et des moyens nouveaux, mais d’abord une politique transparente et lisible.
La crise actuelle en est l’illustration. La transition impose des financements considérables, donc des ressources nouvelles. Très simplement, nos concitoyens veulent que les efforts fiscaux demandés pour la transition écologique soient clairement identifiés, fléchés vers cet objectif et en adéquation avec leurs capacités contributives.
Le caractère prioritaire des enjeux impose de balayer les postures idéologiques qui ont pollué ces débats depuis de longues années.
Notre groupe, dans sa très grande majorité, a toujours défendu la filière nucléaire et sa modernisation – nous avons notamment toujours rappelé que l’abandon de la surgénération était une faute. Mais, bien sûr, nous avons toujours été favorables également à un rééquilibrage, au développement fort de toutes les énergies renouvelables, solaire, éolien, hydroélectricité, à une politique d’économies d’énergie, en particulier dans le bâtiment.
Sortir de la dépendance aux produits pétroliers est une évidente nécessité, mais on ne saurait le faire n’importe comment. Et, madame la ministre – vous le savez –, les problématiques ne sont pas les mêmes pour tous les territoires. Quand on ne peut se déplacer qu’avec une automobile, certaines mesures sont perçues comme inacceptables, voire provocatrices. N’oublions pas que ce sont les exécutifs successifs, quelle que soit leur couleur politique, qui ont vanté et développé la production du diesel !
Notre groupe a défendu ici, depuis des années, la filière hydrogène. Nous avons été peu entendus jusqu’à présent, et nous nous réjouissons qu’enfin l’hydrogène vert soit placé au cœur du nouveau dispositif.
Les véhicules électriques et les véhicules à hydrogène ne sont pas seulement l’avenir ; ils doivent être le présent.
Un mot sur les chaudières au fioul : leur suppression est un bon objectif, mais il faut cesser les annonces brutales. Il faudra du temps et des concours financiers. Quand on a une petite retraite – on a vécu une situation analogue avec l’assainissement individuel –, trouver 6 000 euros est impossible ; et les banques sont sourdes aux sollicitations des plus pauvres.
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Sur les questions de mobilité, madame la ministre, nous attendons avec impatience le débat auquel donnera lieu votre projet de loi.
Je sais, moi, votre bon sens sur ces sujets – vous l’avez clairement exprimé depuis dix-huit mois – et votre attachement à une politique de justice territoriale. Les dernières décennies ont favorisé les autoroutes et les lignes à grande vitesse ; les territoires qui en sont dépourvus sont des victimes qui, à ce titre, ont aujourd’hui droit à la réparation des dégâts qu’elles ont subis depuis des décennies – droit, donc, à la restructuration de leur réseau de routes nationales, au soutien à leurs lignes de transport aérien régional, et à un vrai service ferroviaire.
D’une autre manière, le Grand Paris Express est une nécessité pour l’Île-de-France. Mais je conçois la difficulté de l’exercice.
À la demande de mon collègue et ami Ronan Dantec, un mot concernant les agences de l’eau : il considère à juste titre que la réduction de 500 millions d’euros de leur budget est trop importante, d’autant que le montant de la redevance est plafonné. Il attire aussi votre attention sur le changement du mode de calcul de la contribution à l’Agence française pour la biodiversité et à l’ONCFS, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, qui ne lui semble pas compenser le sous-dimensionnement de ces organismes.
Pour conclure, ce projet de loi de finances suscite un débat justifié sur la fiscalité des carburants. La décarbonation automobile est un bon et indispensable objectif – la pollution, dans les grandes villes, suffit à le démontrer –, mais un concept lointain pour beaucoup de nos concitoyens, ceux qui n’ont pas d’autre choix que l’automobile et dont les fins de mois sont critiques.
Un tempo plus équilibré, plus pédagogique, moins technocratique, si vous me permettez ce mot qui m’est cher, s’impose donc, afin de rendre acceptable la transition écologique, c’est-à-dire de faire en sorte qu’elle ne soit plus perçue comme une punition mais comme un espoir pour l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Bien ! Depuis le temps que nous le disons…
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Mme Sophie Joissains et M. Hervé Maurey applaudissent.)
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me concentrerai, dans mon intervention, sur les crédits consacrés aux transports et à la mobilité. Comme mes collègues, je ne peux que me féliciter de les voir désormais regroupés en un seul rapport. Le caractère lisible et simple des documents budgétaires n’est pas seulement une question formelle : c’est un sujet de démocratie – cette lisibilité et cette simplicité conditionnent l’effectivité du contrôle que le Parlement exerce sur les finances de la Nation.
Ce budget des transports est le budget de transition par excellence. Il est calé entre deux réformes majeures : d’un côté, la loi pour un nouveau pacte ferroviaire ; de l’autre, la loi d’orientation des mobilités, ou LOM. Cette situation pour le moins atypique n’est pas sans conséquences.
Première conséquence : ce budget est le premier à prendre acte de la réforme ferroviaire. Mais, pour l’heure, il ne transcrit que les efforts de productivité acceptés par l’opérateur dans le contrat de performance. Ce n’est qu’en 2020 et 2022 que l’État reprendra la dette de SNCF Réseau. Par ailleurs, du fait du glissement du calendrier de la loi d’orientation des mobilités, nous n’avons pas une vision claire des orientations stratégiques globales en matière de transports. Tel sera l’enjeu du volet « programmation » de la LOM.
En attendant, les grandes lignes du présent budget nous semblent aller dans le bon sens. Assainissement financier et sécurisation des infrastructures : tels semblent en être en effet les maîtres mots. L’assainissement concerne principalement l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF. Mais l’établissement de son budget à 2,7 milliards d’euros prouve que nous sommes toujours au milieu du gué.
Le scénario 2 du Conseil d’orientation des infrastructures prévoyait un budget annuel de 3 milliards d’euros par an pour l’AFITF, afin de concilier contrainte budgétaire et investissements. Nous n’y sommes pas encore, et il serait bon que vous nous indiquiez, madame la ministre, comment le Gouvernement entend y parvenir.
Quant à la problématique de l’obsolescence des infrastructures, elle est transverse au ferroviaire et à la route. Après l’effondrement du pont de Gênes et la catastrophe de Brétigny-sur-Orge, l’inquiétude est croissante. Elle n’est pas sans fondement, puisqu’un audit a révélé un écart de 520 millions d’euros entre les besoins théoriques de renouvellement des infrastructures et le contrat de performance signé par SNCF Réseau.
De même, dans le secteur routier, plusieurs années de sous-investissement ont fait dangereusement baisser le pourcentage de chaussées en bon état structurel.
Dans ces conditions, sécuriser est évidemment la priorité immédiate. La taxe sur les poids lourds pourrait être le vecteur financier de cette sécurisation. Mais va-t-elle être créée ? Encore une incertitude de taille qu’il serait bon de voir levée au plus vite.
Pour conclure, un mot, tout de même, de ce qui a suscité les plus vifs débats lors de l’examen de la première partie du PLF, à savoir la fiscalité environnementale. Nous nous réjouissons du succès de la prime à la conversion. Nous soutenons par conséquent son renforcement annoncé.
Sous réserve donc des importants éclaircissements que nous attendons dans les prochains mois, en particulier avec l’examen de la LOM, le groupe Union Centriste soutiendra les crédits dévolus aux transports. (Mme Sophie Joissains, ainsi que MM. Hervé Maurey et Jean-Pierre Corbisez applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (MM. Antoine Lefèvre, Stéphane Piednoir, Jean-Pierre Moga et Jean-Pierre Corbisez applaudissent.)
Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, madame le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les budgets passent, les constats demeurent.
Il y a un an, dans cet hémicycle, à l’occasion, déjà, de la discussion des crédits de la mission « Écologie », j’avais eu l’occasion de dénoncer le changement de philosophie en matière de fiscalité de l’eau.
Les redevances sur l’eau, versées aux agences de l’eau, devaient donner à ces dernières les moyens de soutenir des actions permettant aux industriels, aux agriculteurs, aux collectivités, de préserver la ressource en eau. La débudgétisation introduite par le PLF pour 2018 et poursuivie par le PLF pour 2019 transforme ces taxes en un impôt de rendement. Ces redevances sont payées par les consommateurs, sans prise en compte de leur situation sociale ou familiale. Elles pèsent donc davantage sur les ménages les plus modestes.
L’année dernière, j’avais invité le Gouvernement à ouvrir un chantier sur la fiscalité écologique. En application du principe pollueur-payeur, il serait honorable de diversifier les assiettes contributives et de mettre le financement des mesures assurant la protection et la restauration de la biodiversité terrestre à la charge des activités qui la dégradent.
Ce chantier sur la fiscalité écologique doit également porter sur la fiscalité de l’énergie. À de multiples reprises, des orateurs de tous les groupes ont dénoncé l’écart grandissant entre, d’une part, le montant des recettes perçues sur la consommation des différentes énergies et, d’autre part, les dépenses en faveur de la transition écologique et énergétique.
Ces recettes substantielles – les trois composantes de la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, doivent rapporter près de 38 milliards d’euros en 2019 – devraient permettre de mettre en œuvre un plan Marshall de la rénovation thermique des bâtiments.
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Christine Lavarde. Le gouvernement auquel vous appartenez, madame le ministre, a délibérément choisi de taxer massivement les carburants pour faire changer les comportements. Mais le secteur des transports représente moins d’un tiers de l’énergie consommée, quand celui des bâtiments avoisine 45 %. La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe l’objectif qu’à l’horizon 2050 l’ensemble des bâtiments du parc immobilier français atteigne le niveau de basse consommation d’énergie. Elle prévoyait, à cette fin, qu’à partir de 2017 serait atteint un rythme de 500 000 rénovations énergétiques par an.
L’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, se félicite de ses résultats très encourageants en 2017 ; certes, le niveau atteint est le meilleur depuis 2010, mais, avec 81 000 logements réhabilités seulement, nous sommes très loin du compte.
Madame le ministre, je l’affirme ici avec conviction : la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas. Et, en la matière, nous pouvons tous être acteurs de la transition écologique et énergétique, et ce dès le plus jeune âge, en éteignant la lumière, en économisant l’eau, en prenant les transports en commun, toutes mesures du quotidien.
Il est certes difficile – je l’entends – de passer au « sans voiture » dans les territoires les plus enclavés ou les moins denses ; cependant, dans la région francilienne, les transports du quotidien sont la clef de voûte de la décarbonation et de l’amélioration de la qualité de l’air. Or, là encore, l’État n’est pas au rendez-vous.
Les engagements ne sont pas honorés : 50 millions d’euros ont manqué en 2017 dans la mise en œuvre du contrat de plan État-région ; en 2018, ce sont les régions Île-de-France et Grand Est, ainsi que le département de Seine-et-Marne qui ont pallié la démobilisation de l’État à hauteur de 40 millions d’euros pour l’électrification de la ligne Paris-Provins-Troyes ; en 2019, les crédits inscrits dans le PLF sont inférieurs de 90 millions d’euros aux engagements pris antérieurement par l’État. De lourdes incertitudes pèsent désormais sur la réalisation de plusieurs opérations de transport – et je ne parle pas du métro du Grand Paris.
Madame le ministre, la mobilisation des « gilets jaunes » est l’expression d’un ras-le-bol, d’une incompréhension face à des prélèvements toujours plus lourds sur l’énergie, sur l’eau, demain sur les déchets, sans amélioration du quotidien, sans réalisation d’actions concrètes.
La planète est notre patrimoine. Nous devrions donc tous, gilets jaunes, citoyens, entreprises, élus, pouvoir nous rejoindre sur un grand principe : les dépenses en faveur de la transition écologique et énergétique doivent être d’un volume équivalant à celui des recettes collectées par l’intermédiaire des taxes comportementales.
Une nouvelle fois, à l’unanimité du Sénat, a été adopté un amendement visant à affecter une partie des recettes nouvelles de TICPE aux collectivités territoriales.
Le maire, par sa proximité avec ses concitoyens, est l’élu préféré des Français, car il est l’élu du quotidien. En proposant de donner des moyens aux collectivités pour la réalisation d’actions concrètes, nous vous donnons une piste, madame le ministre, pour essayer de faire en sorte que l’État ne reste pas un monstre froid. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Joël Bigot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question sociale et écologique est désormais sur toutes les lèvres et de tous les débats.
La séquence allant de la démission de Nicolas Hulot, celui-ci ayant perdu la plupart de ses arbitrages budgétaires, à l’affirmation d’un puissant mouvement de protestation populaire, celui des « gilets jaunes », en passant par le nouveau rapport alarmiste du GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le démontre, s’il en était besoin : l’écologie, la sauvegarde de la biodiversité, la transition énergétique, les mobilités, sont aujourd’hui des thèmes centraux de l’action politique.
Il est temps, et les Français nous le rappellent à juste titre, de fonder un véritable contrat social-écologique qui réconcilie nos engagements climatiques et la justice sociale.
Malheureusement, ce budget transcrit mal ces attentes et ne répond en aucun cas aux inquiétudes et à la colère qui s’expriment dans les rues.
Le ministère de l’écologie annonçait en septembre une augmentation de son budget de l’ordre de 3 %. Nous nous en félicitons, mais est-ce bien à la hauteur des enjeux ? La question se pose d’autant plus que, dans le même temps, vous supprimez 1 000 postes équivalents temps plein !
Vous ratez ici l’occasion de faire entrer la France dans une nouvelle ère, en ne transférant pas massivement les ressources de la fiscalité carbone vers la transition écologique ; en ne proposant pas un véritable accompagnement de la population dans la sobriété énergétique que nous appelons de nos vœux ; en ne rétablissant pas l’équité fiscale pour les personnes vivant dans les « zones blanches de la mobilité », soit 28 % de la population totale, selon les chiffres du CEREMA, le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement. Nos concitoyens se mobilisent aujourd’hui pour vous rappeler cette erreur et ce manque profond de lisibilité des mesures prises.
Lors de son discours de présentation de la très décevante programmation pluriannuelle de l’énergie, mardi dernier, le Président de la République lui-même avouait ne pas comprendre ce qu’est le chèque énergie.
Devant cet aveu un peu ubuesque, et au regard de la gestion calamiteuse, jusqu’à présent, de la crise sociale, il est peut-être temps, madame la ministre, d’écouter attentivement le Parlement. Nous avons en effet des propositions très concrètes pour nos concitoyens, applicables dès janvier 2019.
En l’occurrence – Roland Courteau vous le disait à l’instant –, nous vous proposons de tripler le montant du chèque énergie à destination des ménages modestes.
L’augmentation du chèque, dont le montant serait porté à 600 euros, permettrait à ses bénéficiaires de faire face à la nouvelle fiscalité et leur donnerait en même temps la possibilité de prévoir des travaux d’isolation énergétique, ce chèque étant cumulable avec d’autres aides.
L’idée d’un chèque transport fait également son chemin. Notre collègue Olivier Jacquin vous la présentera.
Concernant le budget de la mission « Écologie » proposé par le Gouvernement, nous nous interrogeons sur plusieurs mesures qui nous paraissent plus qu’étonnantes.
En effet, et tout d’abord, nous ne saisissons pas la raison pour laquelle le budget de l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, est étrangement en baisse de 6 millions d’euros, alors que – vous le savez, madame la ministre –, l’agence est le fer de lance, le grand ensemblier, de la transformation écologique dans les territoires, aussi bien dans le domaine des mobilités que dans la mise en œuvre de projets environnementaux structurants. Cette décision est illisible !
S’il est bien un secteur où l’investissement de l’État ne doit pas diminuer, c’est celui de la transition écologique. Conscient de l’urgence, le groupe socialiste proposera donc de remettre à niveau l’action n° 12, ADEME, du programme 181, « Prévention des risques » – et je ne parle pas du « fonds chaleur », dont le Président de la République avait promis le doublement de l’enveloppe.
Une telle remise à niveau serait un bon message envoyé à cette agence et à l’ensemble des collectivités territoriales qui, désireuses d’investir dans la transition énergétique, regrettent l’abandon des appels à projets « Territoires à énergie positive », les fameux TEPOS, lancés durant le précédent quinquennat, et qui ont obtenu, au niveau local, des résultats remarquables.
Par ailleurs, comme de nombreux collègues dans cet hémicycle, nous sommes très attachés au principe en vertu duquel l’eau paie l’eau.
Or ce principe est progressivement mis à mal par l’État. En effet, la loi de finances pour 2018 a prévu un prélèvement cumulé de 480 millions d’euros sur les budgets des agences de l’eau, entraînant une baisse nette de plus de 20 % de leur budget.
Ce prélèvement est opéré pour combler les déficits de l’État et financer l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, donc pour financer des missions sans lien avec l’objet des redevances prélevées. Le budget des agences de l’eau ne doit pas servir à financer la baisse des redevances cynégétiques, et cela n’a rien à voir avec le soutien que nous pouvons adresser aux chasseurs dans nos circonscriptions respectives.
L’enveloppe dédiée aux agences de l’eau baisse, au total, de près de 1 milliard d’euros sur la période 2019–2024. Comment pourront-elles remplir, avec moins de moyens, des missions dont l’étendue s’accroît ?
La question se pose, car le Gouvernement a annoncé, lors des assises de l’eau, l’augmentation de 50 % des aides versées par les agences de l’eau aux territoires ruraux qui n’ont pas les moyens d’investir dans le renouvellement de leurs installations, soit 2 milliards d’euros qui devraient être investis dans le cadre du XIe programme 2019–2024.
En outre, un plan Biodiversité a été présenté en juillet dernier. Au regard des moyens qui y sont consacrés, il apparaît très ambitieux. Je pense notamment à l’objectif « zéro plastique rejeté dans l’océan d’ici à 2025 », qui passera par l’interdiction des produits en plastique à usage unique d’ici à 2020, ou encore à l’objectif « 100 % plastique recyclé d’ici à 2025 ».
Nos inquiétudes portent également sur le programme 159, « Expertise, information géographique et météorologie », et notamment sur la situation du CEREMA. En deux ans, les crédits auront diminué de 11,6 millions d’euros. Notre collègue Angèle Préville aura l’occasion d’y revenir durant le débat.
Les enjeux de ce budget étant ainsi brossés, je réitère notre désaveu, et surtout notre crainte que le Gouvernement ne soit pas à la hauteur du défi climatique et social auquel nous faisons collectivement face.
Le Gouvernement, jusqu’à présent, use de tous les faux-fuyants pour repousser le moment des réponses. La loi d’orientation sur les mobilités en est un bon exemple : elle risque d’être réduite à peau de chagrin si nous n’arrivons pas à vous convaincre, dans la discussion à venir, de proposer aux Français des solutions efficaces et significatives en matière de pouvoir d’achat. Nous serons donc très attentifs au cours du débat budgétaire ; et vous l’aurez compris, madame la ministre : en l’état actuel des choses, nous ne voterons pas les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à défaut d’être réellement en mouvement, ce gouvernement veut nous faire croire qu’il est en marche. Soit. Encore faudrait-il connaître la direction envisagée, et le sens de parcours choisi.
Après avoir organisé les « assises de la mobilité » – il fallait oser –, et face à la grogne très vive qui s’exprime en réaction à une fiscalité écologique hors sol, on nous livre un volant de pseudo-mesures pour la transition écologique, une sorte d’usine à gaz nouvelle génération totalement inappropriée.
Pour paraphraser un journal satirique bien connu, tout cela fait plutôt penser à une transition « bricologique »…
Le constat est très clair concernant les crédits alloués au budget de l’écologie : à comparer la hausse des recettes issues de la fiscalité avec la réalité du budget du ministère, le compte n’y est pas.
Les Français, et particulièrement ceux qui résident en zone rurale, vont subir un choc fiscal sans précédent si aucune inflexion n’est envisagée. Chacun est capable de comprendre l’urgence climatique. Mais embarquer l’ensemble des Français dans des changements de comportement suppose de leur donner une vision claire des moyens techniques, politiques et financiers qui vont être mobilisés pour atteindre cet objectif. Force est de constater qu’en la matière tout reste encore aujourd’hui beaucoup trop flou.
On a ainsi le sentiment, par exemple, que la seule ligne directrice de la programmation pluriannuelle de l’énergie dévoilée en début de semaine, fidèle à une forme d’écologie punitive et pour tout dire très idéologique, est de programmer la fermeture de réacteurs nucléaires dans un délai plus ou moins long.
Or il est indispensable que les objectifs d’évolution de notre mix énergétique soient crédibles et réalistes. Je me suis livré à quelques calculs. Savez-vous que chaque réacteur fermé, si l’on prend pour base une puissance fournie de 1 gigawatt, nécessitera par exemple l’implantation d’environ 2 000 éoliennes, ce qui consommera près de 50 000 hectares ? À titre de comparaison – j’aurais souhaité adresser cette remarque au ministre de la transition écologique –, il faudrait trente sites équivalents à celui de Notre-Dame-des-Landes pour accueillir ces éoliennes.
M. Antoine Lefèvre. Cela fait réfléchir !
M. Stéphane Piednoir. Voilà de quoi, à n’en pas douter, susciter bien des velléités !
En outre, l’acceptabilité citoyenne de ce genre de projets, comme celle des réformes fiscales, doit être prise en compte et anticipée.
Je n’ai rien entendu non plus de très volontariste concernant la filière hydrogène, pour laquelle les 100 millions d’euros précédemment annoncés par Nicolas Hulot semblent bien modestes compte tenu des enjeux, y compris à l’échelle européenne. En ce domaine, avons-nous réellement l’intention d’accélérer, ou nous contenterons-nous d’attendre et, si j’ose dire, de laisser passer les trains ?
J’en viens maintenant à la loi d’orientation des mobilités, qui a aussi été présentée en début de semaine. La dépendance à la voiture individuelle est aujourd’hui incontournable. L’enjeu des prochaines années est bien que les nouvelles mobilités ne soient pas des mobilités à plusieurs vitesses, laissant sur le bord du chemin une part importante de la population et des territoires, notamment les plus ruraux.
Le projet de loi prévoit un élargissement des compétences territoriales. Je m’interroge sur les moyens qui seront mis en place pour accompagner cet élargissement. En matière d’infrastructures par exemple, la question se pose pour les départements, qui connaissent déjà des difficultés financières importantes, et dont on ne connaît pas l’avenir des recettes fiscales.
Pour ce qui concerne la mobilité décarbonée, volet essentiel de la transition énergétique, je prends acte de l’augmentation du compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres ». Beaucoup reste encore à faire, certes, pour atteindre l’objectif de l’arrêt des ventes de véhicules essence et diesel à l’horizon 2040 ; néanmoins, les deux mesures d’augmentation du montant de la prime à la conversion, d’une part, et d’élargissement des bénéficiaires aux automobilistes effectuant un trajet domicile-travail supérieur à 60 kilomètres par jour, d’autre part, vont dans le bon sens.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, mon avis est que, en matière de transition énergétique, les défis à relever sont encore nombreux pour passer de l’annonce, voire de l’injonction politique, à la mise en œuvre effective. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Pierre Corbisez et Michel Dagbert applaudissent également.)