M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Frédéric Marchand. (M. Henri Cabanel applaudit.)
M. Frédéric Marchand. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, soyons clairs : la transition écologique et solidaire est un véritable projet de société, qui passe par une transformation de l’ensemble des secteurs économiques et par une mobilisation de tous les acteurs, entreprises, collectivités, citoyens.
Aussi implique-t-elle une évolution des politiques portées par l’État, au travers des missions directement impulsées par le ministère de la transition écologique et solidaire comme de celles des autres administrations.
La cohérence de l’action gouvernementale sera une condition de la réussite de la transition écologique menée au service des Français et des entreprises, grâce au potentiel remarquable qu’elle constitue pour la croissance économique.
Cette démarche stratégique nationale et interministérielle a pour enjeux une meilleure qualité de vie, une meilleure santé, plus de solidarité, d’emplois, d’activité et d’innovation et, enfin, une meilleure compréhension par les citoyens de cet enjeu d’avenir.
Dans ce cadre, les crédits prévus pour 2019 permettent de financer la poursuite du plan Climat, notamment l’augmentation des capacités de production en énergies renouvelables, les mesures du plan Biodiversité, l’augmentation du montant moyen du chèque énergie, tout en préservant les crédits affectés à la prévention des risques.
À ce stade, il me semble essentiel de revenir sur l’action que conduit le Gouvernement en matière de fiscalité écologique. C’est un sujet sensible, qui suscite, depuis plusieurs semaines, des débats voire des polémiques. Des exactions inadmissibles, évoquées tout à l’heure, ont été commises hier. Rappelons-le collectivement, la colère peut être légitime, à condition d’être exprimée par des moyens légitimes. Je veux à mon tour apporter mon entier soutien à nos forces de l’ordre, face aux vandales qui s’attaquent aujourd’hui aux symboles de la République.
Oui, le verdissement de la fiscalité, c’est-à-dire l’utilisation de la fiscalité comme un levier de changement des comportements des Français, est un outil de cohérence.
En effet, il est nécessaire de taxer davantage la pollution et les émissions de gaz à effet de serre, ne serait-ce que pour rattraper notre retard au niveau européen.
Je rappelle également que cette augmentation de la fiscalité écologique intervient dans un contexte de baisse substantielle des prélèvements obligatoires dans d’autres domaines, baisse qui atteint 4,2 milliards d’euros pour l’année 2019.
Au travers de ce projet de loi de finances, le Gouvernement affirme clairement ses ambitions.
Il s’agit de poursuivre et d’accélérer la transition énergétique déclinée dans le plan Climat en poursuivant les actions concrètes en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et des polluants atmosphériques.
Il s’agit également de renforcer la solidarité envers les plus précaires, en portant le montant du chèque énergie de 150 euros à 200 euros par an.
Il s’agit aussi de renforcer les moyens de la biodiversité, d’assurer la prévention des risques et l’information des citoyens, dans un contexte d’augmentation des phénomènes climatiques majeurs.
Par ailleurs, il convient de maintenir la priorité accordée à la régénération des réseaux de transport : la politique de mobilité doit répondre aux besoins de l’ensemble de nos concitoyens ; elle représente un facteur majeur de cohésion territoriale et sociale, en donnant accès, sur tous les territoires, aux services essentiels et à l’emploi. Elle constitue un levier majeur de la transition écologique, énergétique et solidaire de la France. Dans un cadre résolument intermodal et innovant, elle est aussi au cœur des enjeux de préservation de l’environnement et du cadre de vie des Français et d’amélioration de la compétitivité de notre économie, pour laquelle les réseaux de transport constituent un atout important.
Conformément aux priorités définies par le Gouvernement, les investissements dans le domaine des infrastructures de transport continueront de privilégier les transports de la vie quotidienne, la recherche d’une meilleure efficacité dans l’exploitation des réseaux de transport existants et leur optimisation.
En définitive, c’est un budget à l’offensive, n’en déplaise à certains, que nous présente le ministère de la transition écologique et solidaire.
Je voudrais maintenant insister sur un sujet peu évoqué, mais qui me paraît essentiel dans le cadre de sa dimension solidaire.
Jeudi dernier, M. Christophe Itier, haut-commissaire à l’économie sociale et solidaire, et François de Rugy, ministre de la transition écologique et solidaire, ont présenté le pacte de croissance pour l’économie sociale et solidaire, l’ESS, qui fixe les objectifs pour les années à venir.
Les entreprises de l’économie sociale et solidaire doivent bénéficier d’une meilleure visibilité et stabilité de leur environnement pour révéler leur potentiel de transformation.
L’économie sociale et solidaire doit être mieux reconnue et plus influente afin de pouvoir pleinement irriguer les politiques publiques et les rendre plus efficientes et innovantes. L’effet « pollinisateur » de l’ESS sur l’économie aidera à la rendre plus vertueuse sur les plans social et écologique.
Car elle fait émerger des solutions innovantes et concrètes pour répondre aux défis et enjeux sociaux majeurs de notre société. Quatre ans après la loi du 31 juillet 2014, qui a permis de fixer son cadre législatif, ce secteur doit franchir une nouvelle étape pour changer d’échelle au niveau microéconomique comme macroéconomique et révéler son potentiel.
Cette nouvelle étape se retrouve dans les crédits 2019 consacrés à l’ESS, et on ne peut que s’en féliciter. Car aujourd’hui, dans notre économie, l’économie sociale et solidaire, c’est 200 000 entreprises, 2,3 millions de salariés, 14 % de l’emploi privé, une augmentation de 23 % des emplois au cours des dernières années, 10 % du PIB et 5 000 créations d’entreprises chaque année.
Pour consolider les modèles économiques des entreprises de l’ESS et activer de nouveaux leviers de croissance, le Gouvernement fait un pari important, en proposant un allégement, dès 2019, de 1,4 milliard d’euros des cotisations patronales de toutes les entreprises de l’ESS, en encourageant le mécénat de proximité des TPE, en autorisant annuellement 10 000 euros de dons éligibles à la réduction d’impôt mécénat, en relevant à 72 500 euros le plafond de chiffre d’affaires annuel avant impôt commercial pour les associations, contre 60 000 euros aujourd’hui, afin de leur permettre de diversifier leurs recettes, sans remettre en cause leur caractère non lucratif.
En définitive, l’économie sociale et solidaire poursuit son développement. Elle est l’expression souvent directe des besoins de nos concitoyens, qui éprouvent la nécessité d’organiser eux-mêmes une réponse à un besoin collectivement ressenti, auquel le marché ne répond pas ou répond mal.
L’économie sociale ne connaît pas de sujet qui lui soit interdit ni de domaine où elle ne puisse prospérer. Nul doute que le pacte conclu jeudi et ce budget pour 2019 lui donneront un élan décisif.
Pour toutes ces raisons, le groupe LREM votera bien sûr les crédits de la mission. (M. Didier Rambaud applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est dans le contexte troublé du mouvement social des « gilets jaunes » que nous examinons le budget de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Face à l’enjeu climatique, crise planétaire, nous ne pouvons répondre par des ajustements. Le Gouvernement défend bec et ongles une politique qu’il qualifie d’« écologique ». Mais ni le discours de la méthode du Président de la République prononcé mardi, ni la présentation de la PPE, la programmation pluriannuelle de l’énergie, dans la foulée, ni les crédits du ministère de la transition écologique et solidaire que nous examinons aujourd’hui, ne permettent de donner corps à cette affirmation.
Il faudra ainsi expliquer à nos concitoyens que, malgré l’augmentation importante de la fiscalité sur les carburants, les crédits du ministère n’augmentent que de 0,22 % ! Il faudra aussi leur expliquer pourquoi seulement 19 % des recettes de la TICPE – encore moins que l’an dernier, un comble ! – viennent abonder le budget de la transition écologique.
On comprend aisément que nos concitoyens les plus démunis se sentent floués et que la « pédagogie » gouvernementale soit impuissante.
Alors entrons dans le détail.
S’agissant du budget des infrastructures de transports, nous saluons tout de même son augmentation de 5,7 % par rapport à l’année dernière. Nous mesurons l’effort, même si nous ne pouvons pas le juger suffisant, dans le contexte de dégradation globale de nos infrastructures.
S’agissant de la route, il faut renouveler 50 % des 12 000 kilomètres des routes nationales et rénover nos ponts et infrastructures. Parce qu’elles accueillent 85 % du transport de marchandises dans notre pays, nos routes sont particulièrement sollicitées, le développement graduel des 44 tonnes présentant un défi nouveau pour la robustesse de nos installations. Il est plus que temps de mettre à contribution le fret routier pour financer ces rénovations, qui ne peuvent reposer uniquement sur les contribuables.
Madame la ministre, le projet du Gouvernement en la matière se fait cruellement attendre, et son report nous inquiète.
Concernant le ferroviaire, l’augmentation des émissions françaises de CO2 et votre politique fiscale visant à contraindre l’usage de la voiture nous invitaient à imaginer que la priorité budgétaire serait mise sur le rail. Il n’en est rien ! Un effort insuffisant est fait sur la rénovation, mais aucun mécanisme ne vient compenser la diminution inexorable du réseau du quotidien qu’entraînera l’ouverture à la concurrence du réseau ferré.
À l’heure où nous parlons, le site Reporterre a recensé 27 lignes à l’arrêt, représentant 1 250 kilomètres de rail, soit 4 % du réseau, dont la moitié est d’ores et déjà condamnée. Nos compatriotes, otages de leur voiture individuelle, apprécieront.
Nous sommes également sans nouvelle de votre projet de remise à niveau du système capillaire de fret.
La situation n’est pas meilleure pour ce qui concerne les transports collectifs, le seul effort consenti par le Gouvernement concerne l’aberrant et inutile projet du Charles-de-Gaulle Express. Encore une fois, nos concitoyens apprécieront qu’en période de disette budgétaire on trouve 140 millions d’euros pour permettre aux hommes d’affaires de gagner dix minutes entre Roissy et la gare du Nord, au détriment des usagers du RER B. Cruel sens des priorités !
Hélas, ce n’est pas dans les transports collectifs que le Gouvernement envisage l’avenir des mobilités. Certes, le compte d’affectation spéciale « Aide à l’acquisition d’un véhicule propre » augmente de 63 %. Mais il porte fort mal son nom. En effet, la prime à la conversion a essentiellement servi, en 2018, à remplacer de vieux véhicules thermiques par des véhicules thermiques moins vieux ou neufs. Alors que les SUV représentent, selon l’ADEME, 32 % des ventes de véhicules neufs en 2017, chiffre en augmentation constante, on doute fort que la prime à la conversion permette réellement une baisse des émissions de CO2.
Quand bien même la prime serait réservée aux véhicules électriques, le problème serait le même, le bilan carbone de leur cycle de vie ne présentant pas une amélioration décisive par rapport à un véhicule thermique. Il est de toute façon illusoire de vouloir remplacer 40 millions de véhicules thermiques par 40 millions de véhicules électriques, alors même que nous devons diminuer notre consommation d’énergie. Là est l’enjeu. C’est vers les mobilités douces, les véhicules partagés et les transports collectifs que doivent se porter nos efforts budgétaires, si nous voulons préserver le moindre espoir de remplir nos objectifs climatiques.
S’agissant du programme « Eau et biodiversité », nous nous étonnons fortement que ses crédits n’augmentent pas, alors que le plan Biodiversité nécessite un effort de 600 millions d’euros. Les opérateurs du ministère en font les frais, avec 13 250 suppressions de postes depuis 2013.
Le budget de l’ONCFS, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, est plombé de 21 millions d’euros par l’aberrante réduction du permis de chasse et perd 39 agents. Le budget de l’AFB, l’Agence française pour la biodiversité, est à peine stabilisé, mais son directeur général estime qu’il lui manque 20 millions pour remplir correctement ses missions. La fusion des deux entités ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices.
Pire encore, alors que nos réseaux d’eau potable et d’assainissement accumulent les retards d’investissements, l’État renforce le plafond mordant des agences de l’eau et acte une baisse de leur budget de 195 millions d’euros, alors que leurs missions augmentent en permanence. Quant au CEREMA, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, il perd plus de 100 équivalents temps plein, un effort tellement considérable que l’établissement doit revoir le périmètre de ses missions.
Alors que nous déplorons la perte d’ingénierie dans nos territoires, alors que la future Agence de cohésion des territoires ne comble en rien ce manque, c’est vers l’expertise privée que les collectivités sont invitées à se tourner, au mépris de l’intérêt général et de l’impératif écologique.
Rien n’est fait pour accompagner les territoires dans leur adaptation au changement climatique. Météo France va encore perdre 90 postes par an jusqu’à la fin du quinquennat. Le fonds Barnier augmente moins que l’inflation. Après la catastrophe de l’Aude, c’est incompréhensible !
Vous l’aurez compris, madame la ministre, une politique écologique digne de ce nom mérite un budget en conséquence. Cet exercice budgétaire n’est pas à la hauteur des enjeux planétaire ni de la colère et de l’attente de nos concitoyens. Il est urgent de changer de cap et de retrouver de la lisibilité. Les recettes de la fiscalité carbone doivent être fléchées vers la transition écologique, c’est une nécessité, et notamment en s’appuyant sur les collectivités, comme l’a proposé le Sénat dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mmes Martine Filleul et Angèle Préville, ainsi que M. Joël Bigot applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la violence, inouïe, anarchique de groupes mal identifiés, déterminés à ne rien respecter et à tout casser, nous a tous frappés, vos interventions en ont témoigné. Bien évidemment, il faut sans faiblesse rechercher et poursuivre ces individus et permettre à nos tribunaux de réprimer ces délinquants, car ce ne sont que des délinquants.
La colère et l’angoisse exprimées par le mouvement des « gilets jaunes » ne sont évidemment pas de même nature.
S’agissant de la transition écologique et de l’urgence sociale, il faut donc absolument et sans tarder reprendre la voie du dialogue.
Mon groupe partage la nécessité de poursuivre avec détermination la transition écologique, essentielle pour l’avenir de notre planète. C’est une question cruciale et urgente qui nous concerne tous. La COP de Katowice s’ouvre aujourd’hui. Son ambition est considérable, puisqu’elle prépare la COP de 2020, dont vous mesurez tous l’importance.
Toutefois, la conscience de l’urgence ne doit pas masquer celle de la pauvreté immédiate, vécue chaque jour par un grand nombre de nos compatriotes. Certes, à l’issue des discussions, une enveloppe de 11,5 milliards d’euros en crédits de paiement devrait être affectée à la mission que nous examinons. C’est à la fois beaucoup d’argent mais probablement pas assez. La mobilisation récente de milliers de Français démontre qu’aucune transition ne réussira si transition ne rime pas avec solidarité.
M. Roland Courteau. C’est sûr !
M. Jérôme Bignon. Cette dernière doit autant s’exercer entre les générations qu’au sein d’une même génération partageant une communauté de destin.
Les objectifs sont trop ambitieux pour n’être portés que par quelques pionniers convaincus et engagés. En effet, il faut limiter la pollution de l’air, des eaux et des sols, lutter contre le réchauffement climatique, protéger la biodiversité menacée par la destruction des habitats et développer des alternatives énergétiques. Mais la meilleure volonté du monde ne suffira pas à amorcer le changement, si elle n’est le fait que d’une minorité. Aucune fiscalité écologique ne sera acceptable si elle a pour corollaire l’accentuation des inégalités. Le renforcement de la prime à la conversion et l’abondement du chèque énergie ne permettant pas de compenser pleinement la hausse de la fiscalité sur l’énergie, les contributeurs les plus fragiles se retrouvent démobilisés, voire hostiles au changement.
Permettez-moi d’illustrer mon propos par quelques exemples d’actions visant à désamorcer les tensions et à améliorer le dialogue. Les moyens d’action de la Commission nationale du débat public restent très insuffisants. Si nous saluons la hausse des concertations préalables gérées par la Commission à la suite de sa réforme en 2016, les résultats des discussions, notamment sur la PPE, restent trop peu intégrés aux décisions.
Le prochain débat portant sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs est très attendu. Nous espérons que le Gouvernement sera à l’écoute des besoins de la société civile et des positions qu’elle exprime. Comme dit le proverbe, prince qui n’a pas d’oreilles pour écouter n’a pas de tête pour gouverner.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires salue toutefois un certain nombre d’avancées présentées par le Gouvernement dans ce projet de loi de finances. Il s’agit notamment du ciblage du CITE, le crédit d’impôt pour la transition énergétique, pour le remplacement des chaudières à fioul, dès 2019, et du soutien au développement de la filière hydrogène, qui est très prometteuse et dont la technologie est stratégique pour la France.
Par ailleurs, la mission pour la préservation des zones humides que je mène avec ma collègue Frédérique Tuffnell, députée de la Charente-Maritime, qui nous a été confiée par le Premier ministre, nous conduira probablement à suggérer au Gouvernement des actions indispensables pour limiter la destruction des espaces de régulation que sont les écosystèmes des zones humides, qui concernent en France plus de 25 % de la biodiversité métropolitaine, en termes de qualité de l’eau, de biodiversité et de piège à carbone.
Néanmoins, il convient de rester vigilant, certaines mesures budgétaires et organisationnelles sont de nature à fragiliser le fonctionnement d’opérateurs dont les actions se situent au cœur de la transition écologique.
Ainsi, l’ONCFS, cela a été dit par de nombreux collègues, accusera une perte de ressources de 21 millions d’euros. Ces diminutions budgétaires nous préoccupent, car elles ont des répercussions sur les missions exercées, notamment en direction de la biodiversité et de la police de la nature.
Les agences de l’eau, qui sont des instruments essentiels de la politique de la biodiversité, voient leurs moyens diminuer, à la suite de la baisse de 123 millions d’euros du plafond annuel des redevances qui leur sont affectées. Comment feront-elles face à l’élargissement de leur mission, tout en préservant leur soutien aux collectivités locales en matière de gestion et de qualité des eaux ?
Le CEREMA accusera une baisse de crédits de 2,25 % et une perte de 101 équivalents temps plein, alors que les risques naturels sont en recrudescence permanente, comme le montrent, notamment, les inondations de l’Aude. Un trop grand nombre de communes restent exposées, sans plan de prévention des risques naturels, et démunies d’ouvrages de protection.
L’INERIS, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques, perd 11 ETP, ses capacités de contrôle étant drastiquement réduites à un inspecteur pour 420 usines.
Enfin, Météo France gagne 5 millions d’euros sur les 144 millions d’euros nécessaires à l’installation d’un supercalculateur supplémentaire, mais l’établissement sera amputé de 40 % de ses effectifs territoriaux l’année prochaine. Or, chacun le sait, Météo France, l’INERIS et le CEREMA travaillent ensemble. Ces entités sont essentielles pour l’avenir de notre pays.
M. le président. Il faut conclure.
M. Jérôme Bignon. Dans ce contexte, c’est au vu des explications que vous nous donnerez, madame la ministre, que notre groupe s’abstiendra sur ces crédits ou votera contre.
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances est toujours la traduction, l’illustration ou la déclinaison d’un projet politique au sens étymologique du terme : il s’agit d’être au service de la cité, donc du peuple. Et on ne fait pas le bonheur des gens malgré eux !
Ce budget pour 2019 ne traduit rien, sinon la volonté de dégager des recettes supplémentaires. Nous sommes sidérés, tout comme nos concitoyens, de l’abîme entre les investissements nécessaires à la transition écologique, qui sont très en deçà des besoins, et des recettes en forte hausse. En effet, jamais les mesures à caractère environnemental et énergétique n’auront rapporté autant au budget de l’État. À elle seule, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques devrait engendrer 36,3 milliards d’euros de recettes.
En 2024, la taxe carbone pour une tonne de CO2 devrait dépasser la valeur de 100 euros, six ans plus tôt que ce que prévoyait la loi relative à la transition énergétique. L’augmentation des taxes énergétiques a rapporté à l’État 3,9 milliards d’euros supplémentaires en 2018. Seulement 80 millions d’euros seront en réalité consacrés à la transition énergétique.
Ce projet de loi de finances pour 2019 opte également pour une accélération de la hausse de la fiscalité de 6,5 centimes le litre pour le diesel et de 2,9 centimes le litre pour l’essence. Vous ne pouvez douter des lourdes conséquences que cela entraîne pour les ménages, notamment dans les zones rurales où la voiture est souvent le seul moyen de locomotion. Telle est l’origine des protestations que nous avons évoquées précédemment.
Face au réchauffement climatique, ou plutôt au dérèglement climatique, terme qui me semble plus approprié, aux sécheresses et inondations dont la fréquence et l’intensité sont croissantes, à la perte de plus en plus inquiétante de notre biodiversité, il paraît décisif d’agir dès aujourd’hui et fortement. Néanmoins, rien ne laisse à penser que le Gouvernement souhaite agir. En regardant de plus près la mission « Écologie, développement et mobilité durables », on s’aperçoit, comme l’a souligné notre collègue Guillaume Chevrollier, que les moyens consacrés à la biodiversité et à la nouvelle Agence française pour la biodiversité sont largement insuffisants. Les moyens des agences de l’eau et de l’ONCFS le sont également.
Pire encore, madame la ministre, votre majorité a voté à l’Assemblée nationale un amendement limitant une fois de plus les dépenses du Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier, à hauteur de 105 millions d’euros au lieu de 125 millions d’euros. L’an dernier, j’étais intervenu ici même afin de dénoncer le plafonnement des recettes affectées, ponctionnées de 55 millions d’euros en 2017, de 71 millions d’euros en 2018 et de 120 millions d’euros en 2019. Cette mesure est irresponsable. Les collectivités soumises à des risques d’inondation importants auront donc encore moins de moyens que l’année dernière pour financer des travaux afin de prévenir ces catastrophes. C’est un élu de Vendée ayant vécu Xynthia voilà dix ans qui vous le dit ! En effet, compte tenu de la lenteur des procédures, seulement 35 % des travaux ont été réalisés !
Si le Gouvernement fait des efforts sur le chèque énergie et la prime à l’achat des véhicules électriques et la prime à la conversion, ces efforts restent insuffisants au regard des recettes engendrées par les taxes.
Par ailleurs, concernant le CITE, le crédit d’impôt pour la transition énergétique, j’appelle le Gouvernement à prendre des décisions claires et à s’y tenir. Soit on juge inefficace ce dispositif, comme le suggère la Cour des comptes, et on réfléchit ensemble à un nouveau dispositif, soit on le maintient avec un taux incitatif. L’entre-deux doit cesser, pour une meilleure lisibilité de tous les acteurs des filières.
Madame la ministre, l’augmentation de ces taxes aurait un sens si les recettes supplémentaires étaient consacrées à l’accompagnement de nos concitoyens vers un mode de consommation plus vertueux. Puisque tel n’est pas le cas, cette augmentation apparaît illégitime aux yeux des Français.
Si nous avons la chance de vivre dans un pays où les citoyens ont pleinement compris et intégré les enjeux de développement durable, de réchauffement climatique, de protection de la biodiversité, c’est grâce à l’important travail de pédagogie engagé, depuis plusieurs années, par tous les acteurs politiques, associatifs et du monde économique. Comme je l’ai dit lors du débat sur la COP 2024, je ne crois pas qu’une taxe fluctuante ou un Haut Conseil pour le climat résoudront, à court terme, ces questions de fond.
C’est grâce à des mesures incitatives que nous arriverons à progresser vers un modèle plus durable, avec l’objectif de modifier les comportements individuels et collectifs en suscitant l’adhésion de nos concitoyens, plutôt que de chercher à les culpabiliser et à les infantiliser.
Vous comprendrez pourquoi le Sénat a voté contre cette politique fondée sur toujours plus de taxes. Elle est injuste, car elle pénalise des ménages sans leur donner de contreparties suffisantes pour s’adapter. Elle est aussi incroyablement dangereuse, car elle désigne l’écologie et le développement durable comme responsables des hausses de la fiscalité, alors que les recettes sont destinées, pour l’essentiel, à combler les déficits publics. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, effectivement, ne confondons pas les « gilets jaunes » avec les casseurs.
Voilà un mois, j’avais prévenu ici même M. le ministre François de Rugy, en insistant sur le fait que la transition énergétique devait être socialement inclusive, faute de quoi il y aurait problème. Sans commentaire.
Je formulerai simplement quelques remarques sur ce budget, lequel, compte tenu des enjeux, aurait gagné à être plus ambitieux, avant d’évoquer le dossier inquiétant de l’éolien flottant en Méditerranée.
Sommes-nous assurés que la fiscalité écologique, au demeurant légitime compte tenu des dérèglements climatiques, est bien fléchée, pour l’essentiel, vers la transition énergétique et écologique ? Pour ma part, j’en doute ! Il y aurait pourtant là des marges de manœuvre pour lutter contre la précarité dans laquelle risquent de basculer nombre de ménages.
Quant à la transformation du CITE en prime reportée d’un an de plus, voilà une belle occasion manquée d’accélérer la rénovation thermique chez les plus modestes ! Il est difficile, dans ces conditions, d’atteindre l’objectif de rénovation de 500 000 logements par an, d’autant que les crédits CITE sont réduits de moitié. Nous présenterons donc un amendement sur ce sujet.
Concernant le chèque énergie et sa revalorisation de 50 euros, disons-le tout net : ce montant est insuffisant pour compenser la hausse des prix et inciter à la rénovation. Nous présenterons donc un autre amendement sur ce point.
Faute de temps, je ne traiterai pas du stockage de l’électricité ou de la probable et nécessaire réforme de la structure du TURPE, le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, dans la mesure où le développement de l’autoconsommation va s’accélérer. Car il faudra bien continuer à utiliser nos réseaux et à conforter la péréquation.
J’en viens donc à l’éolien en mer : sommes-nous vraiment en route vers une nouvelle économie environnementale ? Si j’écoute les discours officiels, j’applaudis. Si je juge les actes, je suis profondément déçu. L’annonce par le Gouvernement d’un développement très limité de l’éolien en mer a eu l’effet d’une douche froide. On ne peut pas se positionner en champion de la lutte contre le changement climatique et, en même temps, donner un grand coup de frein à des projets à long terme.
L’enjeu est majeur. Il s’agit, avec l’éolien en mer, d’accélérer la transition énergétique grâce à la massification apportée par l’éolien flottant et de structurer ainsi une filière industrielle susceptible de se placer en tête du marché mondial. Faut-il, enfin, parler des nombreux emplois attendus ?
En Occitanie, et plus particulièrement dans le département de l’Aude, nous nous sommes battus, avec l’ancienne députée Marie-Hélène Fabre, pour arracher l’installation en 2015–2016 de deux fermes pilotes dans le golfe du Lion. La présidente de la région, qui défend cet important projet, a rappelé que 210 millions d’euros sont investis dans les travaux de Port-la-Nouvelle, destinés à accompagner le développement de cette filière. Sur son initiative, élus et acteurs économiques ont signé le pacte de Narbonne, que je soutiens.
Le coup de frein annoncé par le ministre est terrible pour l’ensemble des acteurs ayant déjà investi. Où est la cohérence ? Quand on veut développer, on donne de la visibilité et non des coups de frein. Dans ce dernier cas, cela peut provoquer l’arrêt des programmes d’investissement.
Je vous demande, madame la ministre, d’intervenir pour que le Gouvernement revoie sa feuille de route s’agissant du calendrier et des volumes annoncés. Ne brisons pas la dynamique de la filière de l’éolien flottant. Nous sommes aujourd’hui pionniers, ne soyons pas demain les derniers ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)