M. Claude Bérit-Débat. Tout à fait !
M. Michel Raison. Madame la ministre, si vous vous trouviez en ce moment même dans une salle d’une soixantaine de personnes normalement constituées dans un département de France et que vous leur expliquiez cela, celles-ci vous mettraient dehors !
M. Michel Vaspart. Ah oui !
M. Michel Raison. Elles ne comprendraient pas ce que vous venez de dire…
M. Claude Bérit-Débat. Bien sûr !
M. Michel Raison. … et elles seraient à 100 % en désaccord avec vous ! Moi, quand je ne comprends plus et que je n’ai plus la capacité d’expliquer aux personnes ce que l’on est en train de leur vendre, je n’accepte pas ! Vraiment, je ne comprends pas votre position ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Cadic, rapporteur. Je veux vous dire, mon cher collègue, que je ne comprends pas du tout votre approche ni votre attitude. Nous avons à débattre de vingt-sept surtranspositions et j’ai déposé treize amendements de suppression.
M. Didier Marie. Cherchez l’erreur !
M. Olivier Cadic, rapporteur. Sincèrement, aujourd’hui, je ne vois qu’une chose : nous avons travaillé, dans cette commission spéciale ; nous avons fait des rapports pour simplifier le droit. Mais quand je vois les sujets dont on parle en ce moment, je trouve que les débats sont totalement surréalistes.
Vraiment, on passe de la raison à la déraison. (Rires. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Claude Bérit-Débat. Nous ne sommes donc pas au niveau, nous sommes des petits garçons, nous sommes des idiots ?...
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, j’avais prévu d’intervenir ultérieurement lors de l’examen des amendements sur l’article 45. Mais votre propos, madame la ministre, m’oblige à intervenir en cet instant. Je le redis, comme je l’ai dit en commission spéciale, étant membre de cette commission, beaucoup de sénatrices et de sénateurs ayant participé à cette commission ont été frustrés.
Le sujet de la surtransposition, on l’évoque souvent. On sait combien il peut pénaliser notre économie, comme il peut être mal compris par les citoyens français. Mais, sincèrement, le texte qui nous est proposé est à la marge. On en reste à l’accessoire, on n’est pas sur l’essentiel. Je suis surpris, madame la ministre, en cet instant, de votre réaction.
Effectivement, les sénatrices et les sénateurs ont été privés de la capacité d’enrichir ce texte pour en venir à l’essentiel et vraiment débattre. J’ai l’impression que l’on est plus dans de l’affichage. Nous ne sommes pas en train de travailler dans l’esprit qui nous a animés, quelle que soit notre sensibilité politique dans cet hémicycle, sur la surtransposition qui pèse sur notre économie et notre pays.
M. Laurent Duplomb. La com’ !
M. Daniel Gremillet. À cet instant, nous sommes en train de nous égarer et nous sommes à côté de ce qu’attendent les Français et de notre rôle de parlementaire sur un enjeu majeur, celui de la place de la France dans l’application des textes européens qui ne pénalise pas les citoyens et notre économie. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié quater et 9.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 2 est supprimé.
Mme Annie Guillemot. On n’est pas que des numéros !
Section 2
Droit des sociétés
Article 3
[Article examiné dans le cadre de la législation partielle en commission]
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Au second alinéa de l’article L. 226-1, après les mots : « à l’exception des articles L. 225-17 à L. 225-93 », sont insérés les mots : « et du troisième alinéa de l’article L. 236-6 » ;
2° À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 227-1, les mots : « et du I de l’article L. 233-8 » sont remplacés par les mots : « , du I de l’article L. 233-8 et du troisième alinéa de l’article L. 236-6 » ;
3° Le dernier alinéa de l’article L. 236-6 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« À peine de nullité, les sociétés anonymes et les sociétés européennes participant à l’une des opérations mentionnées aux premier et deuxième alinéas du même article L. 236-1 sont tenues de déposer au greffe une déclaration dans laquelle elles relatent tous les actes effectués en vue d’y procéder et par laquelle elles affirment que l’opération a été réalisée en conformité avec les lois et règlements. Le greffier, sous sa responsabilité, s’assure de la conformité de la déclaration aux dispositions du présent article.
« La déclaration prévue au troisième alinéa est également établie par les sociétés participant à une opération de fusion transfrontalière au sein de l’Union européenne. » ;
4° Le 2° du I de l’article L. 950-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les articles L. 226-1, L. 227-1, L. 236-6, L. 236-9 et L. 236-10 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français ».
M. le président. Le vote est réservé.
Article 4
[Article examiné dans le cadre de la législation partielle en commission]
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° L’article L. 236-9 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est insérée la mention : « I. – » ;
b) L’article est complété par un II ainsi rédigé :
« II. – Par dérogation au premier alinéa du I, l’assemblée générale extraordinaire de la société absorbante peut déléguer sa compétence au conseil d’administration ou au directoire, selon le cas, pour décider d’une fusion par absorption pendant une durée qu’elle fixe et qui ne peut excéder vingt-six mois. L’assemblée générale extraordinaire de la société absorbante qui décide une fusion par absorption peut également déléguer le pouvoir au conseil d’administration ou au directoire, selon le cas, de déterminer les modalités définitives du projet de fusion, pour une durée qu’elle fixe et qui ne peut excéder cinq ans.
« Lorsqu’il sollicite l’une ou l’autre de ces délégations, le conseil d’administration ou le directoire établit un rapport écrit qui est mis à la disposition des actionnaires.
« Lorsque l’assemblée générale extraordinaire fait usage d’une des facultés prévues au deuxième alinéa du présent II et que la fusion nécessite une augmentation de capital, elle délègue également, par une résolution particulière et dans les conditions prévues aux articles L. 225-129 à L. 225-129-5, son pouvoir ou sa compétence de décider de l’augmentation de capital permettant d’attribuer des titres de capital aux associés de la ou des sociétés absorbées.
« Lorsque l’assemblée générale extraordinaire fait usage d’une des facultés prévues au premier alinéa du présent II, un ou plusieurs actionnaires de la société absorbante réunissant au moins 5 % du capital social peuvent demander en justice, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, la désignation d’un mandataire aux fins de convoquer l’assemblée générale extraordinaire de la société absorbante pour qu’elle se prononce sur l’approbation de la fusion ou du projet de fusion. » ;
2° La seconde phrase du II de l’article L. 236-10 est complétée par les mots : « ou, le cas échéant, à la décision du conseil d’administration ou du directoire, selon le cas, de la société absorbante » ;
3° (Supprimé)
M. le président. Le vote est réservé.
Article 5
I. – L’article L. 123-16 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les moyennes entreprises peuvent, dans des conditions fixées par un règlement de l’Autorité des normes comptables, adopter une présentation simplifiée de leur compte de résultat. » ;
2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont des moyennes entreprises au sens du présent article les commerçants, personnes physiques ou personnes morales pour lesquels, au titre du dernier exercice comptable clos et sur une base annuelle, deux des trois seuils suivants, dont le niveau et les modalités de calcul sont fixés par décret, ne sont pas dépassés : le total du bilan, le montant net du chiffre d’affaires ou le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice. »
I bis (nouveau). – Le IV de l’article L. 232-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le mot : « commerciales », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « pour lesquelles, au titre du dernier exercice comptable clos et sur une base annuelle, deux des trois seuils suivants, dont le niveau et les modalités de calcul sont fixés par décret, ne sont pas dépassés : le total du bilan, le montant net du chiffre d’affaires ou le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice. » ;
2° Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’une entreprise dépasse ou cesse de dépasser deux de ces trois seuils, cette circonstance n’a d’incidence que si elle se produit pendant deux exercices consécutifs. »
II. – L’article L. 232-25 du code de commerce est ainsi modifié :
1° (nouveau) La première phrase du deuxième alinéa est ainsi modifiée :
a) La référence : « de l’article L. 123-16 » est remplacée par la référence : « du IV de l’article L. 232-1 » ;
b) Les mots : « demander que le compte de résultat ne soit » sont remplacés par les mots : « déclarer que le compte de résultat ne sera » ;
2° Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lors de ce même dépôt, les sociétés répondant à la définition des moyennes entreprises, au sens de l’article L. 123-16, à l’exception des sociétés mentionnées à l’article L. 123-16-2, peuvent déclarer que seule une présentation simplifiée de leur bilan et de son annexe sera rendue publique, dans des conditions fixées par un règlement de l’Autorité des normes comptables. Dans ce cas, le bilan comporte la mention du caractère simplifié de sa présentation. Les sociétés appartenant à un groupe, au sens de l’article L. 233-16, ne peuvent faire usage de cette faculté. »
III (nouveau). – Le chapitre II du titre III du livre II du code de commerce est complété par un article L. 232-26 ainsi rédigé :
« Art. L. 232-26. – Lorsque les micro-entreprises font usage de la faculté prévue à l’article L. 232-25, le rapport des commissaires aux comptes n’est pas rendu public.
« Lorsque les petites et les moyennes entreprises font usage de la faculté prévue à l’article L. 232-25, le bilan n’est pas accompagné du rapport des commissaires aux comptes. Il comporte une mention précisant si les commissaires aux comptes ont certifié les comptes sans réserve, avec réserves, s’ils ont refusé de les certifier, s’ils ont été dans l’incapacité de les certifier, ou si leur rapport fait référence à quelque question que ce soit sur laquelle ils ont attiré spécialement l’attention sans pour autant assortir la certification de réserves. »
IV (nouveau). – À la seconde phrase de l’article 6 de l’ordonnance n° 2014-86 du 30 janvier 2014 allégeant les obligations comptables des microentreprises et des petites entreprises, les mots : « troisième alinéa des articles L. 123-16 et L. 123-16-1 » sont remplacés par les mots : « dernier alinéa de l’article L. 123-16 et du troisième alinéa de l’article L. 123-16-1 ».
V (nouveau). – Au dernier alinéa de l’article L. 524-6-6 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « au troisième » sont remplacés par les mots : « à l’avant-dernier ».
VI (nouveau). – Le I de l’article L. 950-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 123-16 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français. » ;
2° Après le sixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les articles L. 232-25 et L. 232-25-1 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … précitée. »
VII (nouveau). – Le présent article s’applique aux comptes afférents aux exercices clos à compter de la publication de la présente loi.
M. le président. L’amendement n° 39, présenté par M. Cadic, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 14
1° Première phrase
Remplacer les mots :
que seule une présentation simplifiée de leur
par les mots :
qu’une présentation simplifiée du
2° Deuxième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Dans ce cas, la présentation du bilan et de son annexe comporte la mention de son caractère simplifié.
II. – Alinéa 17
1° Première phrase
Remplacer les mots :
le bilan n’est pas accompagné
par les mots :
les documents rendus publics ne sont pas accompagnés
2° Seconde phrase
Remplacer les mots :
Il comporte
par les mots :
Ils comportent
La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Cadic, rapporteur. Cet amendement porte sur les modalités allégées de publication des comptes des entreprises prévues à l’article 5 du projet de loi. Il apporte plusieurs modifications d’ordre rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement rédactionnel.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Section 3
Dispositions financières
Article 6
I. – Après le mot : « client », la fin l’article L. 127-5-1 du code des assurances est supprimée.
II. – Après le mot : « client », la fin de l’article L. 224-5-1 du code de la mutualité est supprimée.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, sur l’article.
M. Jacques Bigot. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, madame, monsieur les rapporteurs, je veux intervenir sur cet article parce que, contrairement à la proposition qui nous est faite dans le projet de loi et qui a été acceptée par la commission spéciale, l’article du code des assurances et celui du code de la mutualité que l’on vise à modifier ne sont pas des surtranspositions de directive.
La directive européenne est intervenue dans l’assurance de protection juridique pour affirmer la nécessité de protéger le libre choix de l’avocat. Avant que cette directive n’existe, la pratique de l’assurance de protection juridique, qui, soit dit en passant, ne fonctionne pas beaucoup en France – on l’a noté notamment lors de la mission conduite par le président de la commission des lois, Philippe Bas, sur le redressement de la justice –, a un objectif : dans une négociation inexistante avec les avocats, dans la mesure où il n’y a pas de tarif, contrairement à ce qui existe en Allemagne pour les professions d’avocat, pouvoir peser sur le choix de l’avocat.
Il s’agit pour la compagnie d’assurance de dire au client – c’était le cas avant que la directive n’entre en vigueur – : nous avons un réseau d’avocats, voilà comment il fonctionne et quelles sont ses pratiques. Si vous vous adressez à ce réseau, on paie tout, dans le cas contraire, vous regardez le plafond de couverture, vous payez d’avance et vous serez remboursé une fois la facture reçue. C’était une façon d’inciter les gens à se tourner vers le réseau d’avocats désignés par la compagnie d’assurance. Or le libre choix est fondamental.
Les compagnies d’assurance voudraient agir ici comme elles le font en matière de réparation automobile, avec les carrosseries agréées : si vous vous adressez au carrossier agréé, celui-ci est directement payé, sinon on vous rembourse. S’agissant de la réparation d’une voiture, l’essentiel, c’est la qualité de la réparation. Pour ce qui concerne un procès, l’important c’est pouvoir avoir une relation de confiance entre l’avocat et son client ; celle-ci est fondamentale. Si le libre choix de l’avocat n’est pas garanti, l’assurance de protection juridique devient une compagnie d’assurance qui assure une clause de direction du procès.
Lorsque nous avions auditionné à l’époque avec Philippe Bas les compagnies d’assurance à propos de la protection juridique, ces dernières nous expliquaient précisément que leur souhait était d’abord de faire de la médiation et, s’il le fallait, d’accompagner vers la justice. Elles n’ont aucune envie de faire autre chose. Or, quand je lis l’étude d’impact, je vois qu’il a été clairement envisagé que les compagnies d’assurance puissent avoir des conventionnements avec les avocats pour dire au client : « Voilà la convention que nous avons avec tel et tel avocat ; allez chez lui. » C’est une atteinte.
Il n’y a pas, dans le texte existant, de surtransposition de la directive ; il témoigne bien de la volonté de faire respecter la directive qui n’était pas respectée au préalable dans ces termes.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 29 rectifié est présenté par M. Reichardt et Mme Keller.
L’amendement n° 32 rectifié est présenté par MM. Requier, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Roux et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. André Reichardt, pour présenter l’amendement n° 29 rectifié.
M. André Reichardt. Comme vient de le dire à l’instant notre collègue Jacques Bigot, cet amendement vise à supprimer l’article 6.
En effet, cet article supprime l’interdiction faite à l’assureur de protection juridique d’intervenir dans la négociation des honoraires entre l’assuré et l’avocat qu’il choisit. Cette suppression est motivée, nous dit-on, par le fait que cette interdiction ne serait pas prévue par la directive du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice.
Or les articles visés du code des assurances et du code de la mutualité, modifiés par l’article 6 du projet de loi, résultent de la loi du 19 février 2007 portant réforme de l’assurance de protection juridique.
Le dispositif ainsi mis en œuvre par le droit interne en 2007 est clairement antérieur à la directive du 25 novembre 2009. Dès lors, il ne saurait y avoir de surtransposition de la directive de 2009 par une loi datant de 2007. Vous l’avez compris, on ne peut pas parler ici de surtransposition.
En outre, l’intervention de l’assureur aux côtés de l’assuré pour négocier les honoraires avec son avocat est contraire au principe de libre détermination des honoraires entre l’avocat et son client. Une telle intervention aurait pour conséquence de soumettre la défense de l’assuré à un tarif proposé et, en pratique, imposé par l’assureur.
Enfin, la présence de l’assureur aux côtés de l’assuré lors de la négociation des honoraires de l’avocat peut remettre en cause le libre choix de l’avocat reconnu par la directive. La compagnie d’assurance pourra indiquer à l’assuré que, s’il choisit tel avocat, avec lequel elle a un accord, les honoraires qu’elle acceptera d’avancer seront intégralement pris en charge, ce qui risque de ne pas être cas dans une autre hypothèse. L’assuré sera alors fortement incité à choisir l’avocat ainsi désigné par son assureur, renonçant ainsi à son droit de choisir librement son avocat, ce qui est contraire au principe cardinal consacré par la Cour de justice de l’Union européenne, qui a jugé que le justiciable ayant souscrit une assurance de protection juridique doit, en toute circonstance, pouvoir décider de l’opportunité de faire appel à l’assistance de tel ou tel avocat, sans que l’assureur lui impose un avocat particulier.
Tels sont les arguments essentiels justifiant cet amendement de suppression de l’article 6.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à conserver l’interdiction générale faite aux assureurs de participer à la négociation des honoraires des avocats intervenant au titre de la protection juridique.
Cette interdiction a été introduite en droit interne par la loi du 19 février 2007 portant réforme de l’assurance de la protection juridique, soit deux ans avant l’adoption de la directive européenne du 25 novembre 2009, dite Solvabilité 2.
Il s’agissait donc initialement non pas d’une surtransposition, mais d’une volonté du législateur de garantir à l’assuré, comme cela a été dit, la faculté de choisir librement son avocat et la détermination des honoraires entre ce dernier et son client.
Comme on le sait, la profession d’avocat est régie par le principe de la libre fixation des honoraires. L’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose que « les honoraires […] de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client ». Ce principe a été consacré par la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que par la Cour de cassation.
Aussi, introduire l’intervention de l’assureur dans la négociation des honoraires risque de remettre en cause cette liberté. D’une part, l’assuré se verra proposer des tarifs correspondant au montant de la prise en charge supportée par son assurance. D’autre part, les assureurs pourront former des ententes entre les compagnies sur les prix de leurs prestations de protection juridique, des ententes prohibées par le droit européen.
Pour ces raisons, il est souhaitable de laisser en l’état les dispositions prévues par la loi de 2007 précitée. (M. Joël Labbé applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Olivier Cadic, rapporteur. L’article 6, que ces amendements visent à supprimer, met fin à l’interdiction faite aux assureurs d’intervenir dans la négociation des honoraires entre l’assuré et l’avocat qu’il choisit, dans le cadre de la mise en œuvre d’un contrat d’assurance de protection juridique.
La commission spéciale a approuvé cet article, qui supprime une surtransposition et que j’estime tout à fait opportun sur le fond.
En premier lieu, rien n’imposait de prévoir cette interdiction en droit français. Il s’agit donc d’une surtransposition.
En second lieu, j’approuve complètement le dispositif proposé, dont l’objectif est de permettre aux assurés de s’appuyer sur leur assureur dans la négociation avec l’avocat, afin de bénéficier de tarifs plus avantageux. Contrairement à ce que vous avez dit, mon cher collègue, il ne remet pas en cause la liberté pour l’assuré d’un contrat de protection juridique de choisir son avocat, liberté qui constitue, je le rappelle, une prescription européenne, consacrée à l’article L. 127–3 du code des assurances.
L’assureur ne pourra toujours pas proposer le nom d’un avocat à son assuré, sans demande écrite de la part de ce dernier. Même dans ce cas, l’assuré sera toujours libre de choisir in fine un autre avocat que celui qui lui est proposé pour l’assister.
Enfin, rien n’interdira, lors de la négociation, de convenir, si la complexité de l’affaire le justifie, que les honoraires dépasseront le plafond garanti par l’assureur et que le solde demeurera à la charge de l’assuré, comme c’est le cas actuellement.
Lors des auditions, certains avocats ont exprimé leur opposition, pour des raisons d’intérêt que l’on peut comprendre. Je suis très gêné quand des parlementaires, qui sont avocats ou ont des liens personnels avec un avocat, n’expriment pas publiquement leur potentiel conflit d’intérêts. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Claude Bérit-Débat. Quand on est chef d’entreprise, c’est pareil !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
En effet, l’interdiction faite aux assureurs de négocier les honoraires directement avec leurs avocats partenaires s’avère pénalisante pour les assurés. Cette interdiction prive les consommateurs d’éventuels tarifs compétitifs pouvant être obtenus par les compagnies d’assurance, faisant usage de leur position d’acheteurs en gros.
L’article 6 du projet de loi, qui supprime cette interdiction, est donc favorable in fine aux consommateurs. Cette mesure est d’ailleurs soutenue par les associations de consommateurs, qui ont rencontré la mission inter-inspections.
En outre, comme l’a relevé le Conseil d’État dans son avis, et comme l’indique le rapporteur de la commission spéciale, le libre choix de l’avocat, le principe de libre détermination des honoraires et le secret professionnel ne sont nullement remis en cause par cet article, les dispositions garantissant ces principes, tant dans le code des assurances et le code de la mutualité que dans la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, ne sont pas modifiées et demeurent applicables.
Ainsi, le client assuré sera toujours en droit de recourir soit à un avocat choisi par lui, soit à un avocat proposé à sa demande par sa compagnie d’assurance.
De plus, même si l’avocat est proposé par la compagnie d’assurance, l’assuré demeurera libre de négocier les honoraires avec son avocat, indépendamment des accords conclus par ce dernier avec l’assureur et, finalement, de faire part de son accord ou de son désaccord sur le montant des honoraires proposés.
Par ailleurs, il n’existe aucun risque d’atteinte au secret professionnel qui résulterait de la négociation entre les avocats et les assureurs, faisant usage de leur situation d’acheteurs en gros. Ces négociations devront se faire dans le respect du secret professionnel, qui est bien évidemment opposable à l’assureur. Seul l’assuré peut être éventuellement tenu de rendre des comptes à son assurance sur l’évolution de l’affaire et les diligences accomplies, comme cela est déjà le cas actuellement.
Enfin, pour répondre à la question de savoir si nous luttons ou non contre une surtransposition, il est exact que la loi était antérieure à la directive, mais nous luttons contre cette forme d’inertie juridique consistant à ne pas adapter notre législation nationale à la directive lorsqu’elle a été adoptée.