Mme Nathalie Loiseau, ministre. Cet amendement vise à préserver une finalité suffisamment large pour tenir compte, lors de l’adoption des mesures, de l’issue des négociations et de l’adoption par le Royaume-Uni de mesures réciproques.
La commission spéciale a souhaité préciser la finalité des ordonnances prévues à l’article 1er. Cette rédaction n’est cependant pas satisfaisante, car elle ne préserve pas la possibilité pour le Gouvernement de tenir compte de l’adoption de mesures équivalentes par le Royaume-Uni à l’égard des ressortissants français ou de mesures prises par les autres États membres.
Une rédaction alternative est en conséquence proposée de façon à marquer une direction en évoquant, premièrement, le maintien en France des ressortissants britanniques, deuxièmement, la poursuite d’activités économiques et, troisièmement, la poursuite des flux de personnes et de marchandises. C’est une solution plus limitée que de « préserver » ou de « garantir », ce qui – ne nous mentons pas – sera sans doute hors d’atteinte. Il y aura des conséquences au Brexit. Dire que l’on est capable de préserver totalement ou de garantir absolument les activités économiques ou le sort des ressortissants britanniques sur notre territoire est une illusion.
M. le président. L’amendement n° 19, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 10
1° Remplacer les mots :
jusqu’à l’entrée en vigueur
par les mots :
dans l’attente
2° Après le mot :
Royaume-Uni
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, à tirer les conséquences de l’absence d’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, afin de :
II. - Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Régler la situation en France des ressortissants britanniques résidant légalement sur le territoire national au moment du retrait du Royaume-Uni ;
III. - Alinéa 13
Après le mot :
personnes
insérer les mots :
à destination et
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En même temps que je présenterai cet amendement, j’expliquerai pourquoi la commission est défavorable à l’amendement n° 13 rectifié du Gouvernement.
Une fois encore, madame la ministre, vous voulez supprimer le travail de la commission spéciale, ce que je regrette. Tel que nous avions présenté notre amendement adopté la semaine dernière, notre objectif était de donner plus de souplesse au Gouvernement dans l’entrée en vigueur des ordonnances. En utilisant l’expression « dans l’attente, le cas échéant, de traités ou d’accords bilatéraux, nous avons, là encore, fait un effort.
Vous en profitez au passage – je reviens sur l’intervention de notre collègue Laurent Duplomb – pour supprimer l’alinéa concernant les mesures sanitaires. Pourquoi le Gouvernement en veut-il autant au monde rural et aux agriculteurs ? (Mme la ministre, amusée, proteste.) Ne riez pas, c’est vrai !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ne suis pas content, et j’ai le droit de le dire !
M. André Gattolin. La réciprocité ! (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Non, je ne caricature pas ! Le ministère de l’agriculture a certes fait une petite confusion entre les douaniers et les agences sanitaires pour exercer la surveillance sanitaire et phytosanitaire, passons…
Quoi qu’il en soit, dès le départ, le ministère de l’agriculture a affirmé qu’il faudrait au moins quatre-vingt-dix personnes. Pour des raisons budgétaires qui ont été exposées par Gérald Darmanin, le Gouvernement a considéré que quarante personnes suffiraient. Il a donc inscrit quarante équivalents temps plein dans le budget, dont – de mémoire – douze vétérinaires et vingt-huit agents de catégorie B.
Or la profession agricole dit que cela ne suffira pas pour assurer la protection sanitaire et pour protéger notamment l’agriculture française.
Je remercie mon collègue d’avoir retiré son amendement et d’avoir accepté la phrase, bénigne, que la commission spéciale a ajoutée pour préciser que les choses peuvent évoluer, car le nombre de postes ne sera peut-être pas suffisant. Il ne s’agit bien évidemment pas de doubler le nombre d’équivalents temps plein. Je ne fais aucune proposition budgétaire. Il s’agit juste de veiller à ce que la surveillance puisse être effective. Qu’il y ait accord ou pas, les choses seront nécessairement amenées à évoluer. C’est pourquoi le groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l’Union européenne, coprésidé par Jean Bizet, est important. Il a montré qu’il était capable de mener des travaux essentiels et il continuera dans cette voie. Il suivra notamment cet aspect du problème.
De nombreuses auditions ont été en particulier conduites, ce qui m’a beaucoup aidé dans le très court temps de travail dont j’ai disposé sur ce texte, mon cher Jean. Je suis confiant quant à ce qui pourra être fait après. On auditionnera encore les représentants du monde agricole comme on l’avait fait avant. Si on s’aperçoit qu’il y a un problème, madame la ministre, on vous le dira. À ce moment-là, vous serez amenée, parce qu’on vous le suggérera, à prendre des mesures, notamment dans le budget de 2020.
Quoi qu’il en soit, ça ne coûtait rien de laisser cette phrase : pourquoi la rayez-vous au passage ? Une fois encore, je suis plus qu’ennuyé !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean Bizet, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Dans une période antérieure, je fus rapporteur sur le fameux dossier de la vache folle. Cette maladie était née en Grande-Bretagne en raison d’une mauvaise exécution du processus de fabrication des farines animales, ce qui avait abouti à la création d’un prion.
M. Bruno Sido. Tout le monde s’en souvient !
M. Jean Bizet, président de la commission spéciale. En effet. J’avais découvert, à cette époque, l’état de déshérence du réseau d’épidémiosurveillance de ce pays. À ma connaissance, il ne s’est pas amélioré depuis.
Je vous invite à lire le Livre blanc de nos amis britanniques, qui compte 104 pages et dont la seule introduction est suffisamment explicite.
Elle suffit à démontrer que le Royaume-Uni, lorsqu’il sera sorti de l’Union européenne et devenu un pays tiers, se positionnera en vue de conclure des accords de libre-échange de façon beaucoup plus active que ce que nous avons pu supposer jusqu’à maintenant. Cela me laisse à penser, et M. Duplomb n’est pas loin de partager la même analyse, qu’il y aura des filières agroalimentaires « à double détente ». L’une de ces filières visera le marché unique des vingt-sept États membres, qui est le premier marché économique mondial, l’autre sera destinée aux marchés tiers, avec des normes qui seront, selon moi, différentes.
Pour entrer sur le marché des vingt-sept États membres, les Britanniques devront respecter les mêmes normes de sécurité sanitaire que nous. Il faudra donc faire preuve d’une extrême vigilance dans les ports français afin d’éviter toute porosité. En effet, avoir le premier marché économique mondial suppose aussi de veiller à la sécurité sanitaire que l’Union à Vingt-Huit a su, jusqu’à présent, merveilleusement bien architecturer.
Je ne sais pas combien d’effectifs seront nécessaires, mais, j’y insiste, nous devons laisser la porte ouverte afin de disposer de tous les moyens permettant de sécuriser nos frontières sur le plan sanitaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 19 ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Je ne voudrais pas laisser perdurer certaines imprécisions ou accusations sans y répondre.
Nous avons souhaité ne pas mentionner seulement les contrôles sanitaires et phytosanitaires, d’une part, parce qu’ils sont déjà mentionnés dans le projet de loi d’habilitation, à l’alinéa 6 de l’article 1er, et, d’autre part, parce qu’il y aura bien d’autres raisons d’effectuer des contrôles, au-delà de ceux qui sont à visée sanitaire. Je pense en particulier aux contrôles liés à la sécurité des personnes et des biens, et au maintien de l’attractivité de la France. Il paraît donc difficile de singulariser cette seule préoccupation, qui est évidemment importante.
Nous sommes pleinement à l’écoute des attentes des consommateurs et du secteur agricole. C’est le premier sujet dont je me suis entretenu avec le nouveau ministre de l’agriculture lorsqu’il a pris ses fonctions. Je lui ai demandé s’il considérait que les effectifs prévus étaient suffisants. Il m’a assuré que ce sujet était l’une des priorités de son ministère.
Le président Bizet a parfaitement rappelé l’importance de se prémunir contre des risques que nous avons trop bien connus dans le passé. Cela, nous l’avons parfaitement à l’esprit. S’il faut procéder à davantage d’aménagements à l’avenir, nous le ferons. Mais, en l’occurrence, le sujet des contrôles ne se limite pas aux contrôles sanitaires et phytosanitaires.
Pour en revenir à l’amendement n° 19, la nouvelle rédaction proposée est en partie satisfaisante, et je salue, au nom du Gouvernement, l’effort qui a été fait par M. le rapporteur et par la commission spéciale.
Je n’essaierai pas de vous apitoyer en vous disant qu’un certain nombre d’amendements présentés par M. le rapporteur vont à l’encontre de l’énorme travail qui a été effectué par l’ensemble des ministères et des administrations. Et pourtant, c’est une réalité ! Mais telle est la vie du dialogue entre le Gouvernement et le Parlement…
J’approuve, dans la nouvelle rédaction, la mention des accords bilatéraux, la référence aux accords de retrait et aux flux à destination du Royaume-Uni. Nous avons d’ailleurs repris ces apports dans notre propre amendement.
Pour ce qui concerne les finalités, la nouvelle rédaction proposée demeure problématique selon le Gouvernement. En effet, les ordonnances pourront prévoir des mesures temporaires, mais non pas régler la situation en France des ressortissants britanniques. Là encore, prétendre que l’on va préserver celle-ci n’est pas compatible avec la réalité du Brexit, et a fortiori d’un Brexit sans accord, lequel aura inévitablement un coût.
Dire aux personnes que nous essayons d’aider et d’accompagner que nous réglerons leur situation d’un trait de plume et avec des ordonnances, ce serait leur mentir.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je n’arrive vraiment pas à comprendre votre argument justifiant la suppression de cette partie du texte, et en particulier de l’alinéa 14.
Nous vous entendons prôner sans arrêt le principe de précaution, afin d’éviter tous les risques possibles pour la population. Or là, justement, il s’agit de la sécurité sanitaire et de la sécurité alimentaire. M. le rapporteur l’a dit, notre objectif n’était pas de prévoir un effectif imposé et une dépense induite, mais d’écrire noir sur blanc que, dans le cas où nous découvririons des problèmes, nous nous donnons les moyens de les régler. Voilà ce que nous disons !
Vous nous répondez : « Ne vous faites pas de souci, tout est déjà prévu dans les autres articles. » Or ce n’est pas obligatoirement le cas ! Vous dites aussi : « L’administration française et l’exécutif sont là pour régler les problèmes. » Cela traduit un mépris du Parlement, mais aussi de tous ceux qui connaissent la capacité des Anglo-Saxons, et particulièrement des Britanniques, à se servir de leurs accords avec le Commonwealth pour faire entrer sur les marchés un maximum de produits.
Le président Bizet a évoqué ce qui s’est passé pendant des années en Angleterre, avec la suppression de tous les systèmes de contrôle sanitaire. Les risques sont nettement plus importants lorsqu’on laisse entrer des produits sans pouvoir les contrôler. Il sera difficile, dans ces conditions, de préserver le bon état sanitaire de nos élevages, mais aussi de nos produits alimentaires.
Madame la ministre, non seulement vous ne m’avez pas convaincu, mais je continue à penser qu’il faut rejeter votre amendement. (Mme Isabelle Raimond-Pavero et M. Jérôme Bascher applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Madame la ministre, deux options nous sont manifestement proposées aujourd’hui : la vôtre, qui laisse le champ des ordonnances le plus ouvert possible dans le cadre des négociations que l’Union européenne et vous-même menez avec nos amis britanniques, et celle qui est retenue par M. le rapporteur, qui vise à répondre au mieux aux préoccupations exprimées par le Conseil d’État, lequel a souhaité que cette habilitation soit mieux encadrée que dans le texte initial.
Vous avez dit que la question des contrôles sanitaires était déjà prévue dans le texte. Or, puisque ces dispositions ne figurent plus à l’article 6 du texte de la commission, elles doivent être inscrites à l’article 1er, à la place prévue dans l’amendement présenté par M. le rapporteur.
Nous, nous sommes extrêmement attentifs, je l’ai dit dans mon intervention sur l’article, à ce que les contrôles phytosanitaires et vétérinaires puissent être effectués au plus haut niveau possible, et que les moyens nécessaires soient prévus.
C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons l’amendement de la commission, et non le vôtre, madame le ministre. (Mme Muriel Jourda et M. Jérôme Bascher applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je ne comprends pas non plus votre position, madame la ministre, et ce pour deux raisons.
Il y a quelques semaines, nous avons débattu ici de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi ÉGALIM, un texte, voulu par le Président de la République, qui exige que soient posées pour l’agriculture française, mais aussi pour la société française tout entière, des garanties supplémentaires en matière d’alimentation.
Nous ne sommes pas en décalage, contrairement à ce que vous nous dites, madame la ministre.
Je rejoins notre rapporteur. Qu’avons-nous voté, en effet, dans cet hémicycle ? Nous avons décidé que l’exigence française, laquelle va sur certains points au-delà du niveau d’exigence européen, devait s’appliquer aux produits que nous importons. Nous avons des raisons supplémentaires d’imposer cette règle dès lors que les Britanniques ne sont plus dans l’Union européenne.
Je vous rappelle les débats que nous avons eus en France voilà quelques décennies, et les problèmes que nous avons rencontrés, hélas, à cause de produits importés d’Angleterre, qui n’étaient pas d’origine anglaise mais transitaient par ce pays. Ces problèmes sanitaires pouvaient avoir des conséquences terribles pour notre économie agricole et rurale.
Le dernier point que je veux évoquer justifie que l’on soutienne la ligne directrice de la commission. Il s’agit de la santé publique et de la sécurité alimentaire pour nos concitoyens, question qui dépasse le champ de l’agriculture et de l’économie agricole. Je soutiens donc l’amendement présenté par le rapporteur, car il est équilibré et apporte une réponse économique pour l’agriculture et une réponse sociétale, celle de l’exigence française. (Mme Muriel Jourda et M. Jérôme Bascher applaudissent.)
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer cet alinéa par un alinéa ainsi rédigé :
Ces ordonnances peuvent notamment prévoir des adaptations de la législation de droit commun ou des dérogations.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Cet amendement vise à préciser le type de modalités envisagées pour les ordonnances, tout en permettant l’adoption de l’ensemble des mesures nécessaires.
La commission spéciale a souhaité préciser la finalité des ordonnances prévues à l’article 1er, qui doivent viser « à prévoir des dérogations, des procédures administratives simplifiées et des délais de régularisation pour les personnes morales ou physiques concernées ». Une telle rédaction ne permettrait pas de couvrir l’ensemble des mesures envisagées, et notamment pas la mise en place d’un régime juridique ad hoc allant au-delà des simples dérogations.
La rédaction proposée vise en conséquence à couvrir des dérogations, mais également les adaptations de la législation de droit commun, ce qui peut inclure des régimes spécifiques, et nous n’avons pas de raison de l’exclure a priori aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Une fois de plus, la commission est plus précise que le Gouvernement.
Vous évoquez, madame la ministre, la possibilité de créer des procédures administratives ad hoc pour gérer le Brexit. Mais quelles seraient ces procédures ? Nous n’avons aucune information à cet égard !
Notre collègue Didier Marie évoquait « un loup ». Je ne crois pas, quant à moi, qu’il y en ait un. Mais s’il n’y en a pas, dites-nous quelle procédure vous envisagez éventuellement de mettre en place. Le « notamment » que vous inscrivez dans l’article engendre une incertitude énorme.
Vous souhaitez également supprimer la référence aux procédures administratives simplifiées, que la commission spéciale avait retenue, et aux délais de régularisation. Or, dans le même temps, le Premier ministre a affirmé il y a tout juste un mois sa volonté de réformer l’État pour simplifier les procédures administratives, et d’autres ministres ont répété ces propos dans le cadre de l’examen d’autres textes de loi.
On ne peut pas tenir un discours un jour et l’envoyer aux pelotes le lendemain ! (M. Jean-Claude Requier s’exclame.)
L’avis est donc défavorable.
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Compléter cet alinéa par les mots :
à une date fixée par décret
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Cet amendement vise à habiliter le Gouvernement à suspendre par décret l’application des mesures prévues par les ordonnances. L’alinéa 16 prévoit la possibilité pour le Gouvernement de suspendre l’application des mesures prévues par les ordonnances prises en application du présent article s’il venait à constater que le Royaume-Uni n’accorde pas un traitement équivalent aux ressortissants français au Royaume-Uni. Une telle suspension devra prendre effet à compter d’une date prévue par décret, qui sera expressément précisée dans les ordonnances.
Néanmoins, dès lors qu’il s’agira pour le Gouvernement de suspendre par décret des mesures qui sont de nature législative, une telle habilitation doit expressément être prévue par le législateur, et donc figurer dans la loi d’habilitation. C’est ce que nous vous demandons de voter, car elle ne peut être prévue seulement au stade de l’ordonnance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ce n’est plus un secret, Mme la ministre et moi-même avons essayé de discuter pour apporter des améliorations.
Je fais un lien entre votre amendement n° 15, madame la ministre, et mon amendement n° 19 : vous avez eu l’amabilité de rappeler que, s’agissant de ce dernier amendement, je vous avais proposé trois alinéas et que nous étions parvenus à rapprocher nos points de vue. Nous n’avons pas trouvé d’accord, en revanche, sur le fameux alinéa concernant les questions sanitaires et phytosanitaires.
Sur la question du décret, je pense vraiment que vous avez tort, et je vais vous dire pourquoi.
La loi du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, dite loi Travail, visait à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances. L’habilitation ne renvoyait à aucun décret. Pourtant, dans l’ordonnance du 22 septembre 2017, le Gouvernement a renvoyé à des décrets pour fixer les conditions d’application des mesures, en particulier aux articles 4, 8, 10, 16, 20, 24, 28, 33, 37, 38 et 40.
Je croyais que nous nous étions entendus, rapprochés, et que nous nous étions compris sur le problème phytosanitaire. Ce n’est visiblement pas le cas, et donc rebelote ; idem pour ce qui est du décret !
Il me semblait pourtant être allé au-delà de mon rôle en tentant de me rapprocher de vous pour trouver des points d’accord. Cet accord n’existant pas, l’avis est défavorable sur votre réécriture de notre texte adopté la semaine dernière, à l’unanimité, sur le problème du décret.
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le présent article n’entre en vigueur qu’à compter de l’annonce par les dirigeants de l’Union européenne qu’ils renoncent à exiger la création d’une frontière douanière passant à l’intérieur du Royaume-Uni pour en disjoindre l’Irlande du Nord.
La parole est à Mme Claudine Kauffmann.
Mme Claudine Kauffmann. Si aujourd’hui la plus grande incertitude subsiste au sujet des modalités du Brexit, c’est parce que, au sein de l’Union européenne, beaucoup de responsables font tout leur possible pour compliquer les négociations. En fait, ils souhaitent punir les Britanniques d’avoir décidé de sortir de l’Union européenne. Ils pensent en effet que plus les Britanniques rencontreront de difficultés, plus nos concitoyens accepteront l’idée que l’évolution vers une Europe fédérale serait la seule solution pertinente pour l’avenir.
Manifestement, ils ne sont pas de bonne foi lorsqu’ils prétendent négocier des conditions loyales et honnêtes de sortie, alors que dans le même temps ils exigent la création d’une frontière douanière à l’intérieur du Royaume-Uni pour en disjoindre l’Irlande du Nord.
Ce projet de loi sur les ordonnances n’est théoriquement justifié que par l’urgence. C’est donc la conséquence directe du retard pris par les négociations du Brexit, lequel résulte lui-même des exigences volontairement extravagantes formulées par l’Union européenne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous avez déposé, ma chère collègue, trois amendements identiques – celui-ci sur l’article 1er, un autre sur l’article 2 et le troisième sur l’article 3 –, lesquels visent à subordonner l’entrée en vigueur de l’article au règlement de la question nord-irlandaise. Ce vœu est totalement irréaliste et gratuit.
Je voudrais rappeler que jamais personne – et notamment pas Michel Barnier qui a mené, comme l’ont dit deux ou trois intervenants, un travail remarquable en tant que négociateur – n’a eu envie ou l’intention de remettre une frontière entre la région d’Irlande du Nord et la République d’Irlande. Cela n’a jamais été l’intention de la France non plus.
C’est la raison pour laquelle Michel Barnier a proposé une solution consistant à créer une sorte de frontière fictive au milieu de la Manche pour séparer la Grande-Bretagne de l’Irlande du Nord.
On sait qu’il ne faut en aucun cas remettre une frontière en Irlande. Les accords de paix de 1998, qui faisaient suite, je vous le rappelle, à plus de 3 000 morts, ont totalement supprimé la frontière existante. Lorsque vous vous promenez sur une route entre l’Irlande du Nord et l’Irlande du Sud, vous ne voyez pas de quel côté vous êtes.
Il ne faut surtout pas jouer à ce jeu dangereux consistant à rétablir une frontière. Encore une fois, et je fais un lien avec votre exposé des motifs, madame Kauffmann, telle n’a jamais été l’intention de personne. Ne remettons pas ce sujet sur la table !
Vos amendements visant à prévoir cette condition préalable pour chacun des articles, la commission spéciale émettra sur tous un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles qu’il a invoquées sur l’amendement n° 4. Je réitérerai cet avis s’agissant des amendements qui reposent sur les mêmes motifs, ce qui me conduira à me rapprocher du rapporteur de la commission spéciale. (Sourires.)
M. Jean Bizet, président de la commission spéciale. Tout arrive !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi pour tirer les conséquences d’un retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne sans accord conclu conformément à l’article 50 du traité sur l’Union européenne, en ce qui concerne :
1° La prise en compte, pour l’ouverture et la détermination des droits sociaux, des périodes d’assurance, d’activités ou de formation professionnelle exercées ou effectuées au Royaume-Uni avant la date de son retrait de l’Union européenne ;
2° La prise en compte des diplômes et des qualifications professionnelles acquis ou en cours d’acquisition au Royaume-Uni à la date de son retrait de l’Union européenne et de l’expérience professionnelle acquise au Royaume-Uni à cette même date ainsi que les diplômes et qualifications professionnelles s’inscrivant dans le cadre d’un parcours de formation intégrant ceux obtenus ou en cours d’acquisition au 30 mars 2019 ;
3° La poursuite par les bénéficiaires de licences et d’autorisations de transfert de produits et matériels à destination du Royaume-Uni, délivrées en application des articles L. 2335-10 et L. 2335-18 du code de la défense avant la date du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, de la fourniture de ces produits et matériels jusqu’à l’expiration du terme fixé par ces licences et autorisations ;
4° L’accès des entités françaises aux systèmes de règlement interbancaire et de règlement livraison des pays tiers dont le Royaume-Uni en assurant le caractère définitif des règlements effectués au moyen de ces systèmes, la continuité de l’utilisation des conventions-cadres en matière de services financiers et la sécurisation des conditions d’exécution des contrats conclus antérieurement à la perte de la reconnaissance des agréments des entités britanniques en France ;
5° La continuité des flux de transport de passagers et de marchandises entre la France et le Royaume-Uni à travers le tunnel sous la Manche en vue d’assurer le respect par la France de ses engagements en tant que concédant du tunnel sous la Manche.
II. (nouveau) – Les ordonnances prévues au I visent, jusqu’à l’entrée en vigueur, le cas échéant, de traités ou d’accords bilatéraux entre la France et le Royaume-Uni, à :
1° Préserver les droits sociaux et professionnels des ressortissants français et des autres personnes auxquelles le droit de l’Union européenne interdit de réserver un traitement différent ;
2° Préserver les intérêts de la France en matière économique, financière, de défense et de sécurité.
III. (nouveau) – Les ordonnances prévues au présent article sont prises dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi.