M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à titre de préambule, je tiens à dire que je regrette moi aussi, comme un certain nombre de parlementaires, le rejet préalable du texte d’Aurélien Pradié relatif à l’inclusion des élèves en situation de handicap, le 11 octobre dernier à l’Assemblée nationale.
Vous le savez, notre groupe, le RDSE, est particulièrement attaché à la qualité du débat parlementaire ; j’espère que le Sénat, dans sa grande sagesse, mènera la discussion à son terme et la fera prospérer sous forme législative.
En avril dernier, le Gouvernement a annoncé vouloir mettre l’accent sur le diagnostic et sur la scolarisation des enfants dans le cadre du quatrième plan Autisme, qui a pour objectif le triplement du nombre d’unités d’enseignement en maternelle, la création de cent postes d’enseignants spécialisés, la multiplication du nombre d’ULIS et la création d’équipes mobiles supplémentaires.
Malheureusement, l’approche retenue dans ce plan fait que la question de l’inclusion scolaire reste une affaire de moyens, d’ajustement et de gestion des structures. Il reste donc à trouver une stratégie plus globale associant les différents acteurs du soin et de la scolarisation pour faire face à la demande croissante des élèves en situation de handicap, qui reste, à ce jour, non entièrement satisfaite.
Toutefois, je profite de cette tribune pour féliciter le service d’éducation spéciale et de soins à domicile pour le travail accompli à Saint-Martin ; ce travail, en effet, a permis d’intégrer graduellement des enfants en situation de handicap dans le système scolaire, via les CLIS, ou classes pour l’inclusion scolaire, et les ULIS, alors que ces enfants, il y a seulement quelques années, n’étaient même pas scolarisés.
Néanmoins, un travail important doit être conduit pour dépister plus efficacement et surtout plus précocement un certain nombre de troubles, tels l’autisme ou la dyslexie ; cela passe nécessairement par une meilleure sensibilisation des professionnels de santé, des parents et de la société.
Toutefois, il n’y a pas qu’à Saint-Martin que ce travail doit se poursuivre : malgré le développement continu de l’aide mutualisée et de la création d’ULIS, entre 30 et 1 500 élèves par département attendent toujours un accompagnement. Aujourd’hui, malgré plusieurs plans Autisme et plans quinquennaux concernant le handicap, les contraintes budgétaires ne nous permettent pas de rattraper le retard accumulé.
Un rapport sénatorial de décembre 2016 nous enseignait par exemple que, en 2015, quelque 1 500 enfants français en situation de handicap étaient pris en charge en Belgique et conventionnés par l’assurance maladie. Faut-il voir dans cette sous-traitance le signe de défaillances en matière de planification ?
Monsieur le secrétaire d’État, les objectifs inscrits dans le plan 2017-2022 en matière de transformation de l’offre médico-sociale sont très ambitieux, puisqu’il est envisagé que, en 2020, quelque 50 % des enfants accompagnés en établissements spécialisés soient scolarisés à l’école. Mais ce volontarisme nécessitera une étroite articulation entre tous les services.
De ce point de vue, je porte à votre attention trois interrogations.
Premièrement, quelle est votre stratégie pour opérer ce grand changement, associant les différents acteurs du soin et de la scolarisation et décloisonnant les interventions et les dispositifs, pour faire de l’école ce lieu institutionnel effectivement central de la prise en compte des besoins de tous les enfants ?
Je rappelle que, en juillet dernier, l’IGAENR, l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, et l’IGEN, l’Inspection générale de l’éducation nationale, remettaient un rapport définissant une stratégie globale et cohérente, renforçant les liens entre les établissements de soins et de scolarisation.
Les unités d’enseignement externalisées et les unités de soins mobiles devraient pouvoir être décuplées et pilotées au sein d’une plateforme de services à l’échelon départemental.
L’urgence est aussi de répondre à la situation de ceux que nous appelons les « invisibles de l’éducation nationale », à savoir les auxiliaires de vie scolaire, les AVS, et les accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH. Sans ces personnes qui, très investies dans leur mission, exercent malheureusement dans des conditions difficiles et souvent précaires, l’inclusion scolaire n’aurait jamais pu progresser comme elle l’a fait.
Deuxièmement, que proposez-vous pour simplifier la gestion de ces métiers et créer pour eux un parcours pérenne et attractif ?
Troisièmement, quel est votre regard sur la situation des enseignants référents ? Ces derniers peuvent aujourd’hui accompagner jusqu’à 350 élèves en situation de handicap, alors que le CNCPH, le Conseil national consultatif des personnes handicapées, recommandait que le nombre d’élèves suivi n’excède pas 120, afin que le projet personnalisé de scolarisation puisse être mis en œuvre dans de bonnes conditions.
Par ailleurs, comment lutter contre la forte inégalité des situations entre les territoires, les solutions et les services proposés aux enfants en situation de handicap variant selon les établissements ?
Enfin, le Gouvernement a annoncé l’ouverture de 250 ULIS à l’horizon 2022. Mais, dans un récent rapport, l’IGAS a précisé que, au rythme actuel de progression du nombre d’enfants devant être pris en charge en ULIS, il faudrait ouvrir non pas 50 unités supplémentaires par an d’ici 2022, mais 240 en moyenne.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi de 2005 a marqué un tournant décisif en direction de l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap – c’est indéniable. Les effets qu’elle a produits apparaissent extrêmement positifs. Cependant, de nombreux défis subsistent sur le chemin qui doit permettre à l’école d’instruire et d’éduquer tous les enfants et adolescents en situation de handicap, sans distinction aucune.
Nous vous invitons, monsieur le secrétaire d’État, à un travail de concertation avec le Parlement, pour apporter à cette loi, ensemble et rapidement, les améliorations nécessaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar.
Mme Nassimah Dindar. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, reconnaissons aujourd’hui, plus de dix ans après la loi de 2005, le saut de géant quantitatif réalisé en matière de scolarisation des élèves en situation de handicap. Ces derniers – ce chiffre a été rappelé tout à l’heure – sont aujourd’hui 340 000 à être scolarisés, et la demande s’accroît, surtout en structures spécialisées.
Toutefois, reconnaissons aussi que la réussite n’a pas été au rendez-vous de cette rentrée scolaire ; celle-ci a été très difficile dans nombre de départements, à La Réunion notamment, vu le nombre de contrats aidés qui, alors qu’ils permettaient de pourvoir des postes d’AVS, n’avaient pas été reconduits. La situation, cette année, a donc été difficile à gérer.
Où en est-on en matière de scolarisation des enfants en situation de handicap, sachant que ceux-ci ont des besoins éducatifs particuliers ?
Des disparités existent entre les territoires – elles ont été rappelées –, selon que ceux-ci ont structuré ou non des MDPH au sein desquelles les CDAPH, les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, répondent aux besoins des personnes en situation de handicap. Depuis 2005, en effet, c’est à la CDAPH d’élaborer un PPS, un projet personnalisé de scolarisation, pour chaque enfant atteint d’un handicap.
Une fois accepté par la famille, ce PPS s’impose aux établissements scolaires, donc aux enseignants, lesquels, en milieu ordinaire, n’ont pas été impliqués dans le projet.
Là est le hiatus : malgré l’obligation inscrite dans la loi de désigner un référent, la coordination ne fonctionne pas toujours, et, actuellement, peu d’académies disposent d’un nombre suffisant d’enseignants référents.
La loi de 2005 a permis de grandes avancées. Toutefois, le PPS peut créer des conflits entre la famille, la CDAPH et l’éducation nationale, qu’il y ait ou non un enseignant référent ; souvent, c’est l’inspecteur d’académie qui doit régler ces conflits. Résultat, beaucoup de temps perdu, beaucoup de va-et-vient, beaucoup de paperasse, beaucoup de difficultés.
Tels sont, selon moi, les véritables problèmes auxquels se heurte, d’un point de vue pragmatique, la vie quotidienne des parents qui demandent une place en milieu ordinaire, à l’école ordinaire ou au collège.
Parole d’une mère : « Mon PPS, c’est beaucoup de papier, d’incompréhension et de pleurs. » Néanmoins, mes collègues l’ont rappelé, il existe aussi des success stories, là où l’éducation nationale est fortement présente et impliquée dans les équipes des CDAPH.
En revanche, les enseignants, eux, restent démunis et isolés ; ils font du mieux qu’ils peuvent pour prendre en compte ces besoins particuliers – je pense surtout aux handicaps mentaux. Souvent, à l’occasion de la journée départementale des personnes en situation de handicap, on aime montrer les réussites ; mais celles-ci – il en existe de belles – concernent souvent des personnes en fauteuil roulant. Les charges qui pèsent sur la scolarisation des enfants atteints de handicaps mentaux, quant à elles, sont beaucoup plus lourdes ; par conséquent, les réussites en la matière sont moins faciles à afficher.
J’ajouterai que les CLIS et les UPI, ou unités pédagogiques d’intégration, manquent souvent du soutien nécessaire dans leurs relations avec les SESSAD. Lorsqu’ils sont présents sur un territoire, les SESSAD peuvent collaborer avec les établissements médico-sociaux, mais moins facilement avec les écoles, par défaut de coordination entre l’éducation nationale et toutes les unités d’accompagnement médical. Une coordination véritable reste donc à mettre en œuvre.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Nassimah Dindar. Convenons que le sujet n’est pas simple et que la feuille de route du Gouvernement, qui va dans le bon sens, rencontre une adhésion certaine de la part des acteurs impliqués.
Pour ma part, je soutiens la création de postes d’AESH et la formation des enseignants, qui permettraient une meilleure intégration de ces enfants et amélioreraient la continuité de leur accompagnement.
M. le président. Il faut vraiment conclure !
Mme Nassimah Dindar. Tous les problèmes semblent avoir été identifiés.
J’ajoute simplement que je souhaite l’ouverture de postes destinés aux diplômés du CAPA-SH, ou certificat d’aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap : il en manque !
M. le président. Votre temps de parole est écoulé.
Mme Nassimah Dindar. L’enjeu est d’attirer des enseignants, sachant la difficulté de telles missions. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, veillons à ce que M. le secrétaire d’État ait le temps nécessaire pour répondre. À défaut, à quoi sert-il de débattre ?
La parole est à M. Olivier Paccaud. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de toutes les révolutions qu’a connues notre pays depuis 1789, la plus heureuse et peut-être la plus importante est la « révolution scolaire ».
C’est avec les lois dites « Jules Ferry » instaurant la gratuité, la laïcité, mais aussi l’obligation de la scolarité, dans les années 1880, que s’est réellement développé et démocratisé l’enseignement, d’abord au niveau primaire. La République offrait ainsi à tous ses enfants l’accès au savoir, leur permettant d’espérer une progression sociale à travers la réussite scolaire et la reconnaissance des mérites de chacun. À tous ses enfants, dis-je – ou presque, devrais-je ajouter.
Au fil des décennies et des Républiques, l’esprit desdites lois a été décliné et complété, avec une démocratisation de l’accès au collège, puis au lycée, enfin à l’université. Mais cette belle œuvre de diffusion du savoir dans toutes les couches de la société a longtemps, trop longtemps, oublié les enfants en situation de handicap.
Avec la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont beaucoup de nos collègues ont parlé, la scolarisation des élèves handicapés en milieu scolaire est devenue un principe de droit. On a ainsi fait beaucoup pour accueillir ces élèves différents et pour les intégrer au mieux au sein des classes.
L’instauration, en 2000, des auxiliaires de vie scolaire, AVS, désormais accompagnants des élèves en situation de handicap, AESH, a été une étape charnière. Aujourd’hui, il est d’ailleurs difficilement envisageable d’imaginer la scolarisation des enfants handicapés sans l’aide des AESH.
A contrario, bien des parents, mais aussi des enseignants, déplorent le nombre insuffisant de ces personnels dont le statut et la formation sont à préciser. La récente rentrée scolaire a d’ailleurs eu son lot de déceptions et de mécontentements, avec de nombreux enfants sans AESH, mais aussi beaucoup d’AESH prérecrutés, mais finalement remerciés sans explication, le lendemain ou la semaine suivante – de nombreux exemples pourraient être cités dans mon département de l’Oise.
Afin d’améliorer encore cette insertion des élèves en situation de handicap au cœur des classes « traditionnelles », il pourrait être précieux de permettre aux enseignants de mieux appréhender et comprendre les difficultés spécifiques et toujours particulières de ces enfants. En effet, le code de l’éducation prévoit très précisément, dans son article L. 721-2, que « les écoles supérieures du professorat et de l’éducation […] organisent des formations de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les discriminations, à la scolarisation des élèves en situation de handicap. »
Or, dans la réalité, même si chaque ESPE, ou école supérieure du professorat et de l’éducation, présente ses particularités, la prise en considération de la problématique des enfants handicapés est au mieux rare et insuffisante, au pire inexistante.
Aussi pourrait-il être pertinent et formateur d’inclure dans le cursus des futurs professeurs une période consacrée exclusivement à l’accompagnement d’élèves handicapés. C’est d’ailleurs l’objet d’une proposition de loi que j’ai déposée le 13 juin dernier, qu’a évoquée mon collègue et ami Philippe Mouiller et qui a été cosignée par près de cent sénateurs siégeant sur tous les travées, ou presque, de l’hémicycle.
L’idée est simple : durant sa formation, l’apprenti enseignant remplirait pour plusieurs semaines – pourquoi pas pour un mois, voire pour un trimestre ? – la même mission qu’un AESH, afin de bien intégrer les attentes et les besoins de l’élève qui se trouve sous sa responsabilité. L’expérience ainsi acquise serait évidemment utile aux futurs « maîtres » lorsqu’ils auront à gérer des effectifs comprenant un ou plusieurs élèves en situation de handicap, que ces derniers soient ou non « tutorés » par un AESH.
L’autre intérêt de ce dispositif serait de permettre la prise en charge individuelle d’enfants handicapés en bien plus grand nombre qu’aujourd’hui. Le coût d’une telle mesure serait par ailleurs très raisonnable. D’autres pistes sont aussi à creuser dans le cadre de la formation continue des enseignants titulaires. C’est une question d’imagination, mais surtout de volonté gouvernementale.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, s’il est essentiel de renforcer les effectifs d’AESH, ainsi que d’améliorer leur statut et leur formation en les professionnalisant, il est tout aussi indispensable de former les enseignants eux-mêmes à cet accueil des élèves en situation de handicap.
C’est au soin qu’elle apporte aux plus fragiles qu’on mesure la grandeur et la dignité d’une société. En matière de scolarisation des élèves en situation de handicap, des progrès ont été réalisés, mais il reste beaucoup à faire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Nassimah Dindar et Colette Mélot applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin. (M. Guillaume Arnell applaudit.)
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à remercier mes collègues d’avoir inscrit ce sujet à l’ordre du jour de nos travaux, tant cette problématique est importante à nos yeux.
Le handicap affecte aujourd’hui près de 10 millions de Français, dont de nombreux enfants et adolescents qu’on ne peut se résoudre à laisser hors de l’institution scolaire. L’inclusion sociale des enfants atteints de handicap constitue donc une absolue nécessité.
En 2002 déjà, interpellai-je la communauté éducative, au sein du conseil de l’éducation nationale de la préfecture de Guadeloupe, sur les problématiques liées au handicap. En 2004, en ma qualité de présidente d’une fédération de parents d’élèves, je fus à l’initiative de la mise en place d’une classe dédiée à l’accueil des enfants autistes, en Guadeloupe, à l’école mixte Grand Camp 1 des Abymes.
Au fil des années, les gouvernements successifs ont étoffé l’arsenal juridique et réglementaire.
Aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, un inventaire statistique et un état des lieux précis portant sur les différents dispositifs existants serait salutaire, afin d’adapter au mieux le projet de loi annoncé par votre gouvernement à la réalité des besoins des enfants, des parents, des associations et des territoires.
Permettez-moi de vous soumettre quelques propositions, qui se veulent des orientations concrètes et techniques, d’ores et déjà applicables, à partir de la législation en vigueur, destinées à faciliter l’inclusion de tous ces enfants et à répondre ainsi aux attentes des familles.
Face à l’augmentation des besoins, il devient indispensable de repenser la scolarité de ces enfants comme un parcours continu d’apprentissage personnalisé, à la fois sur le temps scolaire et sur le temps péri-périscolaire.
Cette transformation passe par une mobilisation de tous : l’État bien sûr, les collectivités locales, les conférences régionales de santé et de l’autonomie, les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, les maisons départementales du handicap, ainsi que tous les acteurs médico-sociaux libéraux et associatifs, avec le soutien des familles, afin de favoriser une prise en charge effectivement transversale et inclusive.
Je préconise des personnels de l’éducation, les enseignants et les non enseignants, tels que les ATSEM, les animateurs, les personnels d’orientation, plus nombreux et mieux formés, grâce à des modules obligatoires sur le handicap dans le cadre de leur formation initiale et continue, comme l’apprentissage des fondamentaux de la langue des signes, par exemple.
Les accompagnants d’élèves en situation de handicap doivent disposer d’un statut unifié et être mieux rémunérés, avec un référentiel des métiers clair et mieux valorisé.
Il faut un accompagnement des collectivités locales sur l’accessibilité du bâti et des outils pédagogiques, par exemple, pour les élèves du second degré, des espaces de lecture au sein de tous les centres de documentation et d’information, avec des fonds en braille et des écouteurs pour l’audiodescription.
L’éducation nationale doit prendre en charge des ressources et outils pédagogiques numériques, tels que des tablettes ou des téléphones portables mis à la disposition exclusive – j’y insiste – des élèves sourds ou malentendants sachant lire et pouvant communiquer par écrit, afin notamment de leur permettre de transmettre et de recevoir les messages d’alerte et d’urgence.
Il faut mettre en place un référentiel national applicable sur l’ensemble du territoire de la République, notamment pour les aménagements nécessaires pour le passage des diplômes et examens par des personnes en situation de handicap.
Pour favoriser l’utilisation de l’alternance et de l’apprentissage dans les différentes branches professionnelles, pour les jeunes en situation de handicap, il serait également utile de renforcer l’accompagnement spécifique pour les entreprises et les établissements scolaires, en créant de nombreuses interfaces de dialogue. Certes, les modalités de prises en charge de chaque jeune sont différentes en fonction du handicap et des capacités cognitives, mais il faut valoriser les dispositifs au sein d’un environnement sécurisé, différent et adapté.
Mieux former, accompagner et informer les différents acteurs : telles sont mes recommandations pour améliorer les conditions d’accueil des enfants et adolescents en situation de handicap au sein de nos écoles et de nos établissements du second degré. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Cuypers. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 22 mai dernier, en prévision de la rentrée scolaire 2017-2018, j’ai interrogé le Gouvernement sur la situation précaire des AVS et des AESH. Aucune réponse acceptable ne m’a été apportée, si ce n’est l’annonce d’un décret censé structurer davantage la profession, dont la parution était imminente.
J’ai attendu naïvement. Hélas ! Le décret du 27 juillet ne règle en rien la situation des personnels concernés. Il n’améliore pas les conditions de travail et les salaires. De plus, il porte atteinte au droit de nombreux élèves souffrant de handicap à recevoir une éducation la plus adaptée possible. Il ne contient pas de mesure de reconnaissance et, encore moins, de pérennité de l’emploi. Faudra-t-il qu’un drame survienne pour que, enfin, l’on considère ces personnels ?
« Ensemble pour une école de la confiance », déclarez-vous… Oui, nous sommes tous tout à fait d’accord ; c’est une belle priorité, mais encore faudrait-il qu’elle se traduise dans les faits et sur le terrain.
Des progrès ont été accomplis depuis le vote de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, que nous devons à notre excellent collègue Philippe Bas, président de la commission des lois.
Dois-je rappeler que le nombre des enfants en situation de handicap est en constante augmentation ? Le recrutement sera encouragé, comme le prévoit le décret de juillet 2018.
Sera-t-il suffisant pour contenter toutes les demandes des parents ? Le salaire des personnels sera-t-il revalorisé ? Je le souligne, le salaire moyen d’un assistant est de 700 euros par mois. Ces personnels sont mal rémunérés, en sous-effectifs et en manque de reconnaissance, sans parler de l’absence de formation préalable pour la plupart d’entre eux.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous soumettre un cas concret rencontré en Aquitaine, mais il en existe évidemment bien d’autres ailleurs. À la fin du mois de septembre dernier, un nombre important de personnels en renouvellement de CDD ou bénéficiant d’un contrat nouveau n’ont pas touché l’intégralité de leur salaire. Le rectorat de Bordeaux invoque une transmission tardive de leur dossier, ce qui est faux !
Les salaires ne sont pas versés intégralement par l’éducation nationale. Certains accompagnants, sans être avertis, n’ont perçu à la mi-octobre que 70 % de leur salaire de septembre, le reste devant être versé avec le salaire d’octobre. Ils n’ont toujours rien reçu à ce jour. Qu’en sera-t-il ?
Au-delà de la situation financière difficile que vivent la majorité des AVS ou AESH, se pose le problème de leur statut. Les contrats existants ne pérennisent pas les emplois et fragilisent la relation de confiance qui s’établit entre les enfants, les enseignants et la famille. Les enseignants reconnaissent eux-mêmes que, sans ces accompagnants, il leur serait difficile de gérer une classe accueillant un enfant handicapé.
Monsieur le secrétaire d’État, les recruter, comme le prévoit le décret de juillet, c’est bien ; les payer et leur proposer un contrat sérieux, c’est mieux !
Il semble que, par la force des choses, et sans doute en raison du mécontentement exprimé à la rentrée par les parents des élèves concernés, le Gouvernement esquisse un plan en faveur des AVS et des AESH sur la base de l’expérimentation de pôles inclusifs d’accompagnement localisés, à coup d’annonces dans la presse.
Vous évoquez de prétendues mesures concrètes que vous n’annoncerez que le 11 février 2019, date anniversaire de la loi de 2005. On croit rêver. De qui se moque-t-on ? Est-ce une promesse ou une future nouvelle reculade ? Existe-t-il au moins une ligne budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2019 ?
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Pierre Cuypers. Quand allez-vous enfin donner les moyens aux parents de ces enfants de leur offrir le meilleur environnement scolaire possible ? Si nous devons, nous tous ici réunis, respecter un des principes fondateurs de la République, l’école pour tous, il serait stupéfiant que vous ne le respectiez pas aussi.
Quelles dispositions supplémentaires comptez-vous prendre dans l’immédiat ? C’est maintenant que les familles et les enfants ont besoin de vous. Monsieur le secrétaire d’État, c’est urgent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État. J’en suis désolé, monsieur le secrétaire d’État, mais il ne reste que neuf minutes de temps de parole.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie le groupe Union Centriste d’avoir choisi d’organiser un débat sur la scolarisation des élèves en situation de handicap.
Le sujet me tient particulièrement à cœur. Je me réjouis donc d’intervenir pour la première fois au Sénat sur ce thème, même si je suis un peu frustré de n’avoir que quelques instants pour vous répondre, comme M. le président vient de le rappeler. J’espère que vous me pardonnerez la rapidité de mon propos. Avec ma collègue Sophie Cluzel, je suis tout à fait disposé à vous apporter des réponses plus fournies par écrit si vous nous en faites la demande.
Le sujet est fondamental et complexe à la fois. Tous ceux qui affirment le contraire détournent la juste émotion que soulève cette question chez les familles et ne sont à la hauteur ni des enjeux ni de ce que nous voulons réaliser ensemble. Je suis heureux que nous ayons ce débat au Sénat, connaissant la capacité de la Haute Assemblée à aborder les sujets sur le fond, de manière dépassionnée au plan politique.
Je souhaite revenir quelques instants sur le débat qui a eu lieu à l’Assemblée nationale, auquel vous êtes plusieurs à avoir fait référence. Il est faux de prétendre qu’il n’y a pas eu de discussion sur la proposition de loi du député Aurélien Pradié ! Nous avons examiné ce texte – à l’époque, j’étais encore député – pendant quatre heures en commission, et la discussion a été extrêmement fournie.
Certes, une motion a bien été déposée en séance. Mais je rappelle que le texte prévoyait la mise en place d’un diplôme d’État existant déjà, la reconnaissance d’une validation des acquis de l’expérience déjà effective, la possibilité d’accorder un brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur aux AESH, ce que ces personnels ne demandent pas, puisqu’il s’agit d’accompagnants et non d’animateurs.
En outre, le terme « aidants » figurait à plusieurs reprises dans la proposition de loi alors qu’il est refusé par tous les collectifs d’AESH. D’ailleurs, un certain nombre de députés de même sensibilité politique que les orateurs qui viennent de s’exprimer avaient déposé des amendements de suppression, et d’autres groupes avaient aussi déposé une motion.
Je me réjouis de la manière dont les sénatrices et les sénateurs qui sont intervenus ont abordé le sujet. Je pense évidemment d’abord à Mme Billon, que je remercie d’avoir salué la « stratégie intéressante » du Gouvernement en la matière, même si elle a souligné que beaucoup restait à faire et formulé des propositions. Mme la sénatrice a notamment abordé la question du numérique et de l’intégration. Avec d’autres, comme Mme Féret, M. Arnell ou Mme Jasmin, elle a évoqué la stratégie nationale pour l’autisme ; sachez que la volonté du Gouvernement d’avancer avec vous sur ces sujets est totale.
Mme Mélot a eu raison de dénoncer le retard de la France. En tant que député, j’ai eu la chance d’accompagner Jean-Michel Blanquer et Sophie Cluzel au Danemark une journée. J’y ai vu ce qu’est une vraie école inclusive et combien il est possible d’inclure des enfants en situation de handicap dans l’école, avec les autres élèves, en organisant un parcours d’accueil. Il est donc possible d’avancer.
Cela a été rappelé, la création d’une école toujours plus inclusive nécessite une révolution des esprits et une transformation de notre système scolaire. C’est notre ambition, qui a été réaffirmée ce matin encore au comité interministériel du handicap, où il a été rappelé que la grande priorité, avec l’emploi, est la scolarisation des enfants en situation de handicap.
Néanmoins, il faut aller vite. Avant d’être membre du Gouvernement, j’étais député ; et avant d’être député, j’ai été élu local. Je sais comme vous combien la pression sur le terrain est forte. La détresse des familles et les attentes sont là. Vous êtes en première ligne auprès des élus locaux, qui sont eux-mêmes en première ligne auprès d’administrés parfois confrontés à des situations très difficiles, voire dramatiques.
Une telle transformation ne peut pas s’effectuer en un jour. Elle nécessite de traiter un nombre considérable de questions, dont, bien entendu, l’accompagnement des familles, l’accueil personnalisé des élèves, la transformation du métier d’accompagnant, l’adaptation des locaux et du matériel pédagogiques ou encore la coordination de tous les acteurs. C’est pour relever l’ensemble de ces défis que le Gouvernement a fait une priorité de la scolarisation des élèves en situation de handicap.
Depuis 2005, les progrès ont été considérables, ainsi que Mme Doineau l’a rappelé. Certes, monsieur Karam, s’il faut se réjouir de ces progrès, dans un certain nombre de territoires, dont le vôtre, la Guyane, la situation demeure difficile. Il reste beaucoup à faire. La question de l’inclusion des élèves en situation de handicap en outre-mer revêt évidemment une dimension spécifique et fait l’objet d’un suivi tout particulier de la part du Gouvernement. Soyez assuré que des progrès seront réalisés.
Il reste du chemin à faire à l’échelon national, d’autant que les prescriptions de handicap ne cessent d’augmenter. Notre objectif, qui a déjà été affirmé, est clair : nous voulons que l’école française soit pleinement inclusive en 2022.
Il est ambitieux, mais nous allons l’atteindre. Nous travaillons depuis un an à sa réalisation concrète. Cela implique notamment un investissement massif dans le recrutement des accompagnants. Car, pour répondre à M. Cuypers, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit le financement de 12 400 nouveaux emplois d’AESH.
L’enjeu, Mme Billon l’a rappelé, c’est la pérennité. Je vous suis totalement : l’aspect quantitatif ne suffit pas. La pérennité implique d’améliorer la qualité des contrats offerts aux accompagnants. Pour la première fois depuis dix ans, le nombre d’accompagnants ayant le statut d’ASH dépasse celui des emplois aidés, qui étaient majoritaires jusqu’alors ; c’est bien la preuve qu’il y a un saut qualitatif.
Monsieur Paccaud, le recrutement des ASH s’effectue tout au long de l’année en fonction des notifications des MDPH. Une analyse fondée sur la seule rentrée scolaire me paraît donc un peu biaisée.
À la rentrée 2018, quelque 29 000 emplois aidés et 43 041 AESH en équivalents temps plein accompagnaient les élèves en situation de handicap. Je veux le rappeler, aucun contrat aidé dédié à l’accompagnement du handicap n’a été supprimé, que ce soit en cette rentrée ou à la rentrée précédente.
Nous savons qu’il y a eu une politique en matière de réduction des contrats aidés. Vous connaissez la position du Gouvernement. Des priorités avaient été fixées. Je pense notamment à l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Il n’y a pas eu de suppression de contrats liés à l’accompagnement. Ces chiffres traduisent concrètement la volonté du Gouvernement d’offrir un statut stable et pérenne aux accompagnants.
La pérennité passe également par l’amélioration de la formation des professeurs et des accompagnants. Je rejoins totalement M. Mouiller, qui a évoqué la nécessité de renforcer la formation des enseignants. Un grand chantier nous attend. Le texte qui sera défendu par Jean-Michel Blanquer aborde la question de la refonte de la formation des enseignants. L’objectif est que tous les enseignants bénéficient dans le cadre de leur formation de modules sur l’accueil des élèves en situation de handicap. Cet engagement, qui est très fort, sera au cœur de la réforme.
La hausse de la scolarisation des élèves en situation de handicap est une réussite collective. Elle implique désormais une évolution de la fonction d’accompagnant de ces élèves. Nous avons réalisé un progrès quantitatif formidable. Nous devons désormais répondre à un enjeu qualitatif. La nécessité d’un changement de paradigme est un constat aujourd’hui partagé par tous : parents d’élèves, professionnels et associations.
C’est pourquoi les ministres ont lancé ce lundi 22 octobre devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées, ou CNCPH, une large concertation. L’objectif est d’établir une relation de confiance entre l’école et les familles, à partir du projet personnalisé de scolarisation, le PPS, qui deviendra l’outil d’organisation de la scolarité.
Je rejoins plusieurs des orateurs qui sont intervenus, notamment Mme Doineau et M. Mouiller, sur la nécessité de réduire les délais et de simplifier le lien entre les MDPH et les écoles. Nous y travaillons beaucoup. Certains éléments ont été annoncés ce matin lors du comité interministériel. Je pense notamment à la simplification des procédures liées à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé.
Dans son rapport, le député des Hauts-de-Seine Adrien Taquet propose également des mesures très intéressantes, qui seront reprises. Je pense ainsi au fait que 100 % des MDPH soient équipées d’ici à la fin de l’année 2019, afin de venir au bout des démarches administratives et de la paperasserie que plusieurs intervenants ont décrites. L’important, c’est la fluidité et la simplification des démarches.
Nous souhaitons également développer l’attractivité du métier d’accompagnant.