Mme la présidente. Nous allons maintenant examiner l’amendement déposé par le Gouvernement.
articles 1er a à 2 bis d
Mme la présidente. Sur les articles 1er A à 2 bis D, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
article 2 bis ea
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« 3° bis Lorsqu’il est commis sur une personne …
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Sur les articles 2 bis EB à 5, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Maryse Carrère a indiqué que la majorité des membres du groupe du RDSE voterait en faveur de ce texte. L’interrogation porte sur mon vote.
Je déplore certains manques dans ce texte, mais je dois reconnaître un mieux, madame la secrétaire d’État. Je ne manquerai pas de revenir à la charge lors des chantiers de la justice sur un certain nombre de sujets qui me tiennent à cœur : la pédophilie, le renforcement des mesures concernant les cas d’inceste. À cet égard, on m’avait opposé une question prioritaire de constitutionnalité de 2011, mais j’ai travaillé cette question : la loi du 14 avril 2016 a réintroduit l’inceste dans le code pénal. Aussi, je ne manquerai pas de revenir sur ce point.
J’évoquerai enfin la disparition d’une implication plus importante dans la loi des signalements des enfants victimes par les médecins. Même si cela figure dans le code de déontologie, seuls 3 % des médecins procèdent à ces signalements.
En dépit de ces observations, je reconnais que le présent texte représente un mieux. Aussi, je le voterai. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement du Gouvernement, l’ensemble du projet de loi.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 230 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 252 |
Pour l’adoption | 252 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
4
Immigration, droit d’asile et intégration
Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (texte n° 697, résultat des travaux de la commission n° 701, rapport n° 700).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence du ministre d’État, ministre de l’intérieur, qui m’a demandé de le représenter aujourd’hui en raison de sa présence à l’Assemblée nationale, aux côtés du Premier ministre, pour le débat sur les motions de censure. Chacun comprendra que sa présence à l’Assemblée nationale était indispensable.
Après l’échec de la commission mixte paritaire, qui, le 4 juillet dernier, n’est pas parvenue à un accord, l’Assemblée nationale a examiné, en nouvelle lecture, le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Elle a adopté jeudi dernier une version rétablissant les grands équilibres auxquels elle était parvenue en avril dernier, mais prenant également en compte un certain nombre d’apports issus de l’examen du texte par la Haute Assemblée en première lecture.
Conformément au dernier alinéa de l’article 45 de la Constitution, il appartient désormais au Sénat de se prononcer en nouvelle lecture dans des délais que je sais particulièrement contraints, mais qui découlent de la volonté du Gouvernement d’achever l’examen parlementaire de ce texte avant l’été, afin que les mesures qu’il contient puissent rapidement entrer en vigueur.
Au cours de sa réunion de ce matin, votre commission des lois, tirant les conséquences de l’échec de la commission mixte paritaire, a décidé de proposer au Sénat l’adoption d’une motion tendant à opposer la question préalable. Le Gouvernement prend acte de cette décision et ne pourra que se plier à la décision que la Haute Assemblée rendra tout à l’heure.
Je veux dire solennellement que le Gouvernement aurait largement préféré que les assemblées parviennent à un accord. Je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous y avez travaillé dans le cadre d’un dialogue constructif avec les députés, la majorité de l’Assemblée nationale ayant notamment proposé un certain nombre de compromis. Toutefois, concernant certains grands choix politiques défendus par le Sénat, qu’il s’agisse de l’instauration de quotas ou du remplacement de l’aide médicale de l’État par une aide médicale d’urgence, le Gouvernement et sa majorité ne pouvaient y souscrire. Dès lors, face à une telle situation de blocage, la commission mixte paritaire n’a pu que tirer les conséquences de ces désaccords, nous le regrettons… peut-être tous d’ailleurs ! Il est désormais temps d’avancer.
Cela fait près d’un an que les grandes options retenues par le Gouvernement en matière d’asile et d’immigration font l’objet de débats, depuis la présentation par le Premier ministre, le 12 juillet 2017, du plan d’action intitulé Garantir le droit d’asile, mieux maîtriser les flux migratoires.
Depuis la fin de l’année 2017, le Gouvernement a lancé les concertations pour la préparation du projet de loi avec plus de trente associations engagées dans l’hébergement d’urgence et l’accueil des demandeurs d’asile. Le ministre d’État et moi-même avons, du reste, longuement consulté et écouté le milieu associatif au cours de cette période.
Le projet de loi est, quant à lui, connu depuis le 21 février dernier, date de son passage en conseil des ministres. Il a fait l’objet de débats intenses et nourris en commission et en séance publique, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Il a été largement amendé, précisé et enrichi ; et je dois dire que la version qui vous est aujourd’hui soumise est le fruit des travaux parlementaires.
Après le temps de la discussion parlementaire, le Gouvernement considère qu’il faut désormais passer au temps de l’action. Car s’il est un enjeu au cœur des préoccupations des Français sur lequel il est indispensable d’apporter des solutions, c’est bien celui de l’asile et de l’immigration.
Cela a souvent été rappelé lors des débats, alors que le nombre des demandeurs d’asile a diminué de moitié en Europe entre 2016 et 2017, passant de 1,2 million à 600 000 personnes, il a cependant continué à augmenter en France, avec 100 000 demandeurs en 2017, ce qui représente une croissance de 17 % en un an.
Les conséquences de cette évolution, les Français les vivent au quotidien parce que le parc d’hébergement des demandeurs d’asile est saturé, que celui de l’hébergement d’urgence l’est tout autant et que se développent dans le cœur de nos villes des campements dont chacun sur ces travées s’accorde à dire qu’ils sont indignes de notre République. Pour faire face à cette situation de plus en plus intenable, le Président de la République et le Gouvernement interviennent sur tous les fronts.
Nous agissons à l’échelon international pour contribuer à la stabilisation de la rive sud de la Méditerranée et pour faire en sorte, au travers de l’aide au développement, que la jeunesse des pays africains puisse trouver un avenir. En outre, par une coopération étroite avec les États africains, nous pourrons mieux lutter contre les filières de passeurs qui font trafic d’êtres humains.
Nous agissons également au plan européen pour rapprocher les législations des États membres, pour consolider le régime d’asile européen commun, pour renforcer les frontières de l’espace Schengen et pour faire en sorte que les pays qui bénéficient d’une exemption de visas ne voient pas un certain nombre de leurs ressortissants détourner cette disposition en déposant des demandes d’asile abusives. Ces mesures sont indispensables, car c’est évidemment à l’échelon européen qu’il faut concevoir les réponses à apporter aux défis migratoires – chacun a pu voir à quel point la question migratoire était de nature à mettre profondément en question les relations entre les États au sein de l’Union européenne.
Toutefois, il est aussi indispensable que nous revoyions nos propres politiques qui ne fonctionnent plus.
La France doit continuer à être une terre d’accueil pour toutes celles et tous ceux qui fuient la guerre et les persécutions ; mais nous devons aussi éloigner de notre territoire celles et ceux qui n’ont pas de droit au séjour.
L’objectif principal du Gouvernement, avec les actions qu’il met en œuvre, est, comme vous le savez, la réduction du délai d’instruction de la demande d’asile à six mois. Ainsi, ceux qui ont vocation à obtenir une protection pourront commencer plus rapidement leur parcours d’intégration, tandis que ceux qui, au contraire, seront déboutés pourront regagner leur pays sans que les liens familiaux et sociaux avec leur pays d’origine se soient distendus.
Réduire les délais d’instruction de la demande d’asile, c’est ce que vise ce projet de loi, et c’est aussi ce que nous avons commencé à réaliser dans les faits. Pour ne prendre qu’un exemple, le temps nécessaire pour obtenir un premier rendez-vous en préfecture est ainsi passé en quelques mois de vingt et un jours à moins de quatre jours seulement. De plus, les renforcements d’effectifs dans les services étrangers des préfectures, avec 150 équivalents temps plein, permettront de progresser encore sur cette voie.
Il fallait aussi gagner en efficacité pour ce qui concerne nos politiques d’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Vous le savez, grâce à la mobilisation des préfets et de l’ensemble des services, le nombre de personnes ayant quitté le territoire a augmenté de 21,6 % en un an.
Enfin, dans le cadre de la loi de finances pour 2018, nous avons mobilisé les moyens budgétaires qui vont nous permettre à la fois d’héberger dans des conditions dignes les demandeurs d’asile et de mieux intégrer celles et ceux qui ont vocation à rester sur notre sol au travers, notamment, du renforcement des cours de Français.
Nous en sommes persuadés, avec ce projet de loi, nous apportons la bonne réponse, une réponse qui ne nie pas les problèmes que nous connaissons en matière d’asile et d’immigration, mais entend leur apporter des solutions équilibrées.
Nous avons largement débattu du contenu de ce texte. Aussi ne reviendrai-je pas en détail sur les différentes mesures que comporte celui-ci.
Si l’Assemblée nationale a, en nouvelle lecture, rétabli en très grande partie les dispositions qu’elle avait adoptées le 22 avril dernier, elle a retenu plusieurs modifications du texte adoptées par le Sénat.
À ce titre, j’observe que le projet de loi voté par les députés comporte l’article 4 A relatif à l’intégration des aspects liés à l’identité de genre dans les motifs de persécution, au sens de l’article L. 711-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Y figurent également l’obligation pour l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, de refuser ou de mettre fin au statut de réfugié en cas de condamnations pour des faits graves, notamment de terrorisme, prononcées dans un autre pays de l’Union européenne, ainsi que l’obligation pour l’Office de statuer en procédure accélérée quand le demandeur constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État.
On retrouve aussi l’article 5 bis qui consacre dans la loi les opérations de réinstallation dans les pays tiers, organisées par les autorités en charge de la politique de l’asile.
Parmi les mesures votées par le Sénat, on compte en outre le maintien à trente jours du délai de recours devant la CNDA, la Cour nationale du droit d’asile, maintien assorti d’une évolution des délais de l’aide juridictionnelle, comme votre assemblée nous avait invités à le faire, et la mise en place d’une commission de concertation ad hoc composée de représentants des collectivités territoriales, des services départementaux de l’éducation nationale, de gestionnaires de lieux d’hébergement et d’associations de défense des droits des demandeurs d’asile, commission qui émettra un avis sur les schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés.
Par ailleurs, je note la reprise des articles 9 ter et 9 quater issus de la proposition de loi déposée par M. Thani Mohamed Soilihi, qui a pour objet d’adapter l’application du droit du sol à Mayotte, compte tenu de l’ampleur de l’enjeu migratoire dans l’archipel. Le Gouvernement étant très attentif à la situation mahoraise et déterminé à apporter des solutions pragmatiques à cette problématique migratoire spécifique, nous avons, dans le droit fil des propos tenus par le chef de l’État, décidé de soutenir ces dispositions.
Enfin, il faut mentionner l’article 26 sexies autorisant la constitution d’un traitement de données comprenant les empreintes digitales et la photographie des personnes se présentant comme des mineurs non accompagnés, dans le double objectif d’assurer la protection de l’enfance et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers.
Il me semblait important de rappeler ces apports voulus par le Sénat, qui a été entendu sur tous ces points.
S’agissant du placement en rétention des familles accompagnées de mineurs, sujet délicat qui touche chacune et chacun d’entre nous, le Gouvernement a pris bonne note de la solution retenue par la commission des lois de l’Assemblée nationale. Si votre Haute Assemblée avait décidé de limiter à cinq jours le placement en rétention des mineurs accompagnés de leurs parents, le Gouvernement avait fait valoir les difficultés opérationnelles qui pouvaient s’opposer à une telle limitation. Je crois d’ailleurs que celles-ci avaient été entendues.
Je rappelle d’abord que la procédure de placement en rétention des familles doit toujours demeurer exceptionnelle, car l’intérêt de l’enfant doit évidemment primer. C’est la raison pour laquelle cette procédure est strictement encadrée et que l’on ne doit y recourir que lorsque la famille s’est déjà soustraite à une procédure d’éloignement.
Il est toutefois nécessaire de la prévoir, car c’est le seul moyen pour faire appliquer le droit dans certaines situations. Bien entendu, dans ces cas, nous veillerons à ce que celle-ci s’effectue dans des locaux adaptés, uniquement destinés à l’accueil des familles, et à ce qu’elle soit toujours la plus brève possible.
Sur ce sujet, le Gouvernement a entendu les préoccupations exprimées par les députés et les sénateurs et demeurera attentif, dans le cadre d’initiatives législatives qui pourraient intervenir prochainement, aux équilibres entre ces différentes exigences.
Je veux, pour terminer, souligner que l’Assemblée nationale a rétabli l’article 19 ter du projet de loi relatif au prétendu « délit de solidarité », article qui avait été supprimé par le Sénat. Les députés étaient d’autant plus fondés à le faire qu’il était nécessaire de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet dernier.
En effet, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions existantes, au motif que l’exemption pénale actuellement prévue par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour l’aide accordée aux personnes en situation irrégulière ne s’étendait pas à l’aide à la circulation. Il a rappelé bien sûr que cette exemption ne doit s’appliquer que si l’aide poursuit un but humanitaire.
Or tel était précisément l’objet principal de l’article 19 ter voulu par les députés qui ont, de surcroît, adopté un amendement en séance publique, qui tire les conséquences de la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel sur le fait que tout acte en relation avec une aide au séjour ou à la circulation, apportée dans un but humanitaire, ne saurait faire l’objet de poursuites pénales.
Le Gouvernement relève enfin que la décision du Conseil constitutionnel rappelle bien que « l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière participe de la sauvegarde de l’ordre public, qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle » et que, à ce titre, l’aide à l’entrée, et donc au franchissement de la frontière, doit demeurer pénalement répréhensible.
Voilà ce que je souhaitais faire valoir en introduction de ce débat. Je relève que, malgré les points de convergence auxquels nous sommes parvenus, les désaccords entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale, dont certains membres me semblent étrangers à l’efficacité des politiques publiques, ont prévalu. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais formuler quelques observations à l’issue de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, qui s’est tenue le 4 juillet dernier.
Aucun accord n’a pu être trouvé entre le Sénat et l’Assemblée nationale, et le texte qui nous revient aujourd’hui est celui de l’Assemblée nationale.
Je tiens à rappeler que, en première lecture, nous avions largement réécrit ce texte en élaborant, si ce n’est un contre-projet, en tout cas un nouveau projet qui nous paraissait plus cohérent, plus ferme et plus réaliste pour notre politique migratoire.
Ce texte tendait notamment à renforcer les peines complémentaires d’interdiction du territoire, à réduire le nombre de visas accordés aux pays les moins coopératifs, qui font échec aux procédures d’éloignement de leurs ressortissants en refusant de délivrer les laissez-passer consulaires, à réintroduire la visite médicale des étudiants étrangers, afin de répondre à un grave enjeu de santé publique, à réorganiser la durée de la rétention administrative, à interdire le placement en rétention des mineurs isolés et, enfin, à encadrer rigoureusement celui des mineurs accompagnant leur famille.
La réduction de trente à quinze jours du délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile, prévue par le Gouvernement, mais que nous avons considérée comme étant attentatoire aux droits des demandeurs d’asile et inefficace, avait été supprimée.
En outre, un effort particulier avait été consenti en faveur de l’intégration des étrangers en situation régulière, avec un investissement renforcé dans les cours de français et l’appui de Pôle emploi pour améliorer les dispositifs d’insertion sur le marché de l’emploi.
Enfin, le Sénat avait souhaité soutenir et accompagner les collectivités territoriales en proposant l’insertion des places d’hébergement des demandeurs d’asile dans le décompte des logements sociaux prévu par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, et la création d’un fichier national biométrique des étrangers déclarés majeurs à l’issue de leur évaluation par un département. Cette mesure qui ne figurait ni dans le projet de loi initial ni dans le texte issu de l’Assemblée nationale était souhaitée par le Sénat et était très attendue par l’ensemble des départements français.
Malgré un dialogue constructif engagé avec l’Assemblée nationale – il faut le reconnaître –, la commission mixte paritaire n’est pas parvenue à un accord, les concessions nécessaires pour trouver un compromis semblant trop importantes.
La commission des lois du Sénat et moi-même regrettons que le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture ne prenne finalement que très marginalement en compte les préoccupations majeures exprimées par la Haute Assemblée.
Cependant, je note quelques points d’accord entre les deux chambres. Il faut insister sur le fait que l’Assemblée nationale a conservé le délai de trente jours pour interjeter appel des décisions de l’OFPRA devant la Cour nationale du droit d’asile – c’est un point auquel nous étions attachés –, ainsi que l’adaptation du droit du sol à Mayotte.
De même, il faut se féliciter de la création d’un fichier comportant les empreintes digitales et une photographie des étrangers se présentant comme des mineurs non accompagnés, même si cette initiative n’est pas tout à fait la même que celle que nous avions adoptée. Il n’en demeure pas moins qu’elle constitue une première étape.
Je voudrais également souligner que la disposition prévoyant l’évolution du droit du sol à Mayotte, adoptée sur l’initiative de notre collègue Thani Mohamed Soilihi et largement soutenue par le Sénat, a été conservée.
J’ajoute que les désaccords entre l’Assemblée nationale et le Sénat sont malgré tout restés extrêmement nombreux.
Le texte transmis aujourd’hui constitue une véritable occasion manquée – je le dis – en matière de lutte contre l’immigration irrégulière tout particulièrement : il ne prévoit ni stratégie migratoire ni aucune des mesures de rigueur proposées par le Sénat. Je pense notamment à un meilleur encadrement de l’immigration familiale et à une plus grande efficacité des procédures dites « Dublin ». Il y a évidemment bien d’autres mesures dans ce domaine qui nous auraient permis de nous montrer beaucoup plus fermes.
De même, les politiques d’intégration demeurent le parent pauvre de ce texte, alors que l’Assemblée nationale aurait pu utilement s’inspirer des mesures de bon sens proposées par le Sénat, comme la certification du niveau de langue des étrangers primo-arrivants, une meilleure insertion dans l’emploi, la prise en compte de leur connaissance des questions de civisme et des règles de notre République. C’est avec la volonté d’engager une démarche qualitative et le souhait de former, en s’en donnant les moyens, les étrangers primo-arrivants sur notre territoire que nous avions introduit de telles mesures dans le texte. Ces dernières ont malheureusement disparu.
Des désaccords majeurs persistent également sur les modalités d’organisation de la rétention.
Le séquençage adopté par l’Assemblée nationale est finalement à la fois peu protecteur pour les étrangers et trop contraignant pour l’autorité administrative et les tribunaux. Combien de fois nos services nous ont-ils dit qu’une réforme impliquant une intervention du juge des libertés et de la détention au cinquième jour de rétention ne laisserait pas de côté les droits du demandeur et permettrait à l’administration de mieux se défendre devant les tribunaux, notamment parce que les décisions d’annulation de mesures de rétention sont en grande partie motivées par des problèmes de forme plutôt que par des problèmes de fond ? Nous aurions gagné en termes d’efficacité dans la lutte que nous menons contre l’immigration irrégulière.
Mes chers collègues, nous avons interdit la rétention des mineurs isolés. Nous l’avons exprimé clairement, et cet engagement a été conservé dans le texte de l’Assemblée nationale.
En revanche, pour les mineurs accompagnants, nous avions estimé que le délai de cinq jours était un délai maximum, qui ne pouvait être dépassé. Or cette disposition n’a pas été retenue par l’Assemblée nationale, avec la conséquence pratique que des mineurs accompagnants pourraient rester jusqu’à quatre-vingt-dix jours en rétention, puisqu’il s’agit du nouveau délai fixé par le texte.
Nous avons également relevé un certain manque de considération pour l’action des collectivités territoriales en faveur de l’accueil des demandeurs d’asile, alors que le Sénat avait adopté plusieurs mesures visant à les soutenir, comme l’inclusion des dispositifs d’hébergement des demandeurs d’asile dans le décompte de logements sociaux – j’en ai déjà parlé – ou l’introduction de représentants des collectivités territoriales au sein du conseil d’administration de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII. Plus aucune de ces mesures ne figure dans le texte.
Enfin, l’Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture deux mesures clairement contraires à la règle dite de « l’entonnoir », qui résulte de l’article 45 de la Constitution : la suppression du rôle de coordination des centres provisoires d’hébergement en matière d’intégration des réfugiés, et une mesure plus « exotique » – si vous me permettez cette expression à la tribune –, l’habilitation à légiférer par ordonnances pour réformer le contentieux des étrangers devant les juridictions administratives et créer des procédures d’urgence devant la CNDA.
Il s’agit d’un sujet pourtant très important à tout point de vue, qui échappera de fait aux assemblées et, singulièrement, au Sénat. Cette question avait fait l’objet d’une discussion ici même, lors d’une séance qui avait vu le Gouvernement revenir sur ses intentions initiales. C’est une difficulté qu’il faut souligner.
À l’issue de ses travaux, la commission des lois a décidé de ne pas adopter le texte issu de l’Assemblée nationale et de déposer une motion tendant à opposer la question préalable au présent projet de loi, en application de l’article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat. La commission souhaite naturellement que cette motion soit examinée à l’issue de la discussion générale avant une éventuelle discussion des articles.
Il y aurait encore beaucoup à dire, mais, comme mon temps de parole touche à sa fin, je terminerai mon propos en remerciant l’ensemble des collègues qui ont travaillé sur ce texte et ont contribué à l’améliorer, ainsi que les services de la commission, qui ont effectué un travail considérable ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur les travées du groupe La République En Marche.)