Mme Jacky Deromedi. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l’amendement n° 669 rectifié ter.
M. Philippe Dallier. Cet amendement a pour objet les enquêtes que les organismes de logement social doivent réaliser : l’enquête annuelle sur les ressources des locataires, qui permet de reconsidérer la situation de chacun, eu égard par exemple à l’application ou non d’un surloyer, et l’enquête à laquelle il doit être procédé tous les deux ans, qui a un caractère un peu plus large.
Ces enquêtes coûtent relativement cher au bailleur, parce qu’elles sont lourdes : il faut adresser des courriers, récupérer toutes les informations – les locataires mettent parfois du temps à transmettre leur avis d’imposition –, ce qui est relativement compliqué.
Nous proposons d’envisager une simplification de ce dispositif via une unification des deux enquêtes, à condition toutefois que puisse être mise en place une transmission automatique de données entre les services fiscaux et les bailleurs qui en feraient la demande – il est possible d’éviter, dans un premier temps, de rendre cette transmission obligatoire – et que soit prise la précaution, monsieur le ministre, de garantir, en la matière, le secret fiscal.
Je ne sais si l’amendement, dans la rédaction que nous proposons, est mûr. Il y a là, en tout cas, un vrai sujet. Les coûts par logement qui me sont communiqués sont importants ; le coût global, rapporté au nombre de logements sociaux, est très important. Je pense qu’on pourrait nettement mieux faire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Sur ces deux amendements identiques, l’avis de la commission, pour l’heure, est défavorable.
L’idée est particulièrement intéressante et pertinente. Néanmoins, il est prévu que les locataires devront donner leur accord, ce qui réduit d’emblée, peut-être, la portée du dispositif, puisqu’il faudra chaque année recueillir leur avis et traiter les refus.
Il est par ailleurs proposé de supprimer l’enquête sur le SLS, le supplément de loyer de solidarité, alors même que celle-ci porte sur des éléments autres que fiscaux, par exemple des questions complémentaires relatives à la composition familiale, à l’invalidité, au minimum vieillesse ou à la situation professionnelle.
Cette nouvelle enquête serait annuelle ; en l’état, elle alourdirait les tâches d’enquête des organismes, même s’ils récupèrent les données fiscales sous forme électronique.
En outre, vous l’avez souligné, mon cher collègue, les informations sont particulièrement sensibles. Pour les obtenir directement, le bailleur doit disposer du numéro INSEE des personnes. Or la CNIL accorde à cet identifiant, à juste titre, une protection particulière.
Il reste donc un certain nombre de freins à lever pour que nous puissions aller dans votre sens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. La question posée par le sénateur Dallier est opportune ; elle correspond à une réalité de terrain. Il est donc bon de l’avoir posée – je l’en remercie. Nous sommes en train d’y travailler avec Bercy ; les choses, je l’espère, vont avancer d’ici à l’examen du projet de loi de finances.
Vous demandez que soit rendue possible la transmission directe des informations fiscales. Cela paraît une simplification, mais pose de très nombreux problèmes techniques. En effet, il n’existe pas de système uniforme de gestion des locataires : chaque bailleur dispose du sien propre.
Il y va, de surcroît, d’informations très sensibles ; pour les obtenir directement, le bailleur doit disposer du numéro INSEE des personnes. La CNIL, elle, accorde à cet identifiant une protection particulière.
Nous avons donc besoin d’approfondir les modalités techniques de mise en œuvre de ce dispositif pour trouver la voie la plus efficace.
Nous sommes totalement d’accord sur l’objectif, monsieur le sénateur Dallier. Une réunion de travail entre mon cabinet et Bercy a d’ailleurs été organisée la semaine dernière sur ce sujet. Notre volonté est d’aboutir, si possible dans la perspective de la prochaine loi de finances.
En l’état, l’avis du Gouvernement est défavorable sur cet amendement ; mais nous sommes tout à fait d’accord pour travailler, et vite, sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. À la suite de ces explications, je vais retirer mon amendement.
Cela étant, je rassure Mme la rapporteur : l’idée n’est pas de complexifier les choses ; c’est même exactement le contraire. On demanderait au locataire son autorisation, et celle-ci serait valable une fois pour toutes.
Les chiffres que les bailleurs me donnent – je ne les ai pas inventés – sont de l’ordre de 50 millions à 100 millions d’euros par an : c’est ce que coûte le traitement de ces enquêtes. À l’heure où nous cherchons des moyens pour les bailleurs, afin de pouvoir construire, il y a là un vrai sujet. Il faut y regarder de près.
Cela étant, je retire mon amendement.
M. le président. Madame Deromedi, l’amendement n° 330 rectifié est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. Les amendements identiques nos 330 rectifié et 669 rectifié ter sont retirés.
Je mets aux voix l’article 46 bis.
(L’article 46 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 46 bis
M. le président. L’amendement n° 460 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Meurant et Pemezec, Mmes Garriaud-Maylam et Bonfanti-Dossat, MM. Danesi et Revet, Mmes Bories et Lassarade et MM. Rapin et Ginesta, est ainsi libellé :
Après l’article 46 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2252-2 du code général des collectivités territoriales est abrogé.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Il s’agit d’abroger l’article L. 2252-2 du code général des collectivités territoriales et, surtout, d’appeler l’attention du Gouvernement sur la question des garanties d’emprunts.
Les communes – je pense notamment à celles qui produisent beaucoup de logements sociaux – sont tenues, depuis l’entrée en vigueur de la loi Égalité et citoyenneté, de garantir les emprunts des bailleurs. Nous arrivons à des montants qui dépassent, pour certaines d’entre elles, leur budget de fonctionnement.
C’est évidemment prendre un risque majeur : on garantit ces emprunts pour des décennies ; or, du fait notamment de la fragilisation des bailleurs, on ne peut exclure le risque que certains organismes, à l’avenir, disparaissent. Cela fait peser de graves menaces sur les collectivités, dans un contexte où, par ailleurs, le montant de la DGF a, depuis 2014, pour un département que je connais bien, le Val-d’Oise, baissé de 36 %, ce qui représente plus de 84 millions d’euros de manque à gagner.
Construire coûte cher, c’est évident ! Or s’ajoute à ce coût celui des services nécessaires pour accueillir dans de bonnes conditions les populations qui s’installent. Vous savez très bien, mes chers collègues, que, lorsqu’on construit, il faut aussi prévoir des écoles, des gymnases et divers autres services.
La question des garanties d’emprunts est assez peu soulevée. Est-il de bonne gestion, de la part des collectivités, de continuer à garantir les emprunts des bailleurs ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Mon cher collègue, la question que vous soulevez se pose évidemment au regard de l’actuelle réorganisation du secteur social HLM, qui laisse penser que des bailleurs pourraient se retrouver dans une situation financière particulièrement délicate, et eu égard, aussi, aux contraintes financières qui pèsent sur les budgets des communes. Pour autant, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de revenir sur les dispositions que vous proposez d’abroger.
Les communes n’ont pas l’obligation de souscrire des garanties d’emprunts : elles peuvent aussi décider de ne pas le faire. Cette procédure a permis à des collectivités territoriales de garantir les emprunts des bailleurs, sans qu’il arrive jamais ou presque, au demeurant, que les premières doivent se substituer aux secondes pour assumer l’exécution desdits emprunts. Certes, la situation actuelle est un peu différente de celle qui prévalait il y a encore quelque temps. Mais ce n’est pas en abrogeant les dispositions visées que nous réglerons le problème.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées par Mme la rapporteur.
Nous sommes certainement nombreux, ici, à avoir voté des garanties d’emprunts. Elles ont fait beaucoup moins de dégâts que les emprunts toxiques.
M. Philippe Dallier. Pourvu que ça dure !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Le sujet des garanties est un vrai sujet pour qui veut construire en zone tendue. Certes, il existe d’autres systèmes de garantie que ceux où c’est la commune ou le département qui se porte garant. Mais le département paraît le bon échelon de la garantie – les plans départementaux de l’habitat l’attestent. Or combien de départements n’en peuvent mais ? Nous avons un problème de soutenabilité financière de ces garanties.
Notre collègue Sébastien Meurant parlait du Val-d’Oise, qu’Arnaud Bazin connaît aussi très bien. Dans l’Oise, le montant total des garanties équivaut exactement à notre budget annuel. Vient un moment où, en matière de garanties, on ne sait plus ce qu’on fait : toute entreprise qui octroierait des garanties analogues serait très mal notée par les agences de notation.
Il faut donc réfléchir à la possibilité de nouvelles garanties pour les emprunts, s’agissant en particulier des constructions en zone tendue, mais aussi des départements dont les finances sont les plus grevées.
Je ne voterai pas cet amendement ; néanmoins, le système des garanties d’emprunts est à réinventer. La soutenabilité de la construction de nouveaux logements est aujourd’hui très fragile.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 460 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre III
Améliorer les relations locataires bailleurs et favoriser la production de logements intermédiaires
Article 47
(Non modifié)
La première phrase du dernier alinéa de l’article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée est ainsi rédigée : « La personne physique qui se porte caution signe l’acte de cautionnement faisant apparaître le montant du loyer et les conditions de sa révision tels qu’ils figurent au contrat de location, la mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle contracte ainsi que la reproduction de l’avant-dernier alinéa du présent article. »
M. le président. L’amendement n° 672 rectifié bis, présenté par MM. Dallier et Bascher, Mmes Deromedi et Dumas, M. Laménie, Mme Lamure, M. Lefèvre, Mme Micouleau et MM. Milon, Savin et Sido, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase du premier alinéa de l’article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, les mots : « , sauf en cas de logement loué à un étudiant ou un apprenti » sont supprimés.
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Cet amendement vise à revenir sur une différence de traitement entre les salariés et les étudiants en matière d’accès à la location.
Les bailleurs personnes physiques peuvent avoir recours au cautionnement selon des modalités différentes en fonction du profil du candidat locataire.
La loi du 29 mars 2009 interdit de cumuler un cautionnement et un contrat d’assurance, sauf pour les étudiants et les apprentis. Cette disposition spécifique était justifiée par l’impossibilité pour ce public d’être couvert par un contrat d’assurance, en l’absence de justification de ressources. Or, depuis 2018, le dispositif VISALE est ouvert à l’ensemble des étudiants et alternants, sans condition de ressources, ce qui retire toute justification au régime spécifique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’idée est intéressante, mais je crains qu’elle ne se retourne, en définitive, contre les étudiants. En effet, la possibilité de cumuler la caution et le contrat d’assurance rassure les bailleurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je partage l’avis de Mme la rapporteur.
En toute logique, vous avez raison, monsieur le sénateur Dallier, mais nous cherchons à rassurer le propriétaire, afin qu’il consente à louer aux publics visés.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Monsieur Dallier, l’amendement n° 672 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Philippe Dallier. J’hésite à le retirer, parce que, en matière de caution, il y a ceux qui ont la chance d’en avoir une et les autres. Or, à partir du moment où le dispositif VISALE existe, la situation change.
Vous me dites que je pose une bonne question, mais aucune réponse n’est apportée. J’ai donc presque envie de faire adopter mon amendement, et nous verrons en CMP.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Je rappelle simplement, pour être précis, mais vous le savez très bien, que ce n’est pas obligatoire. C’est un « plus ».
M. Philippe Dallier. Soit, je retire l’amendement !
M. le président. L’amendement n° 672 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 47.
(L’article 47 est adopté.)
Article 47 bis A
L’article 3 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un délai d’un mois à compter de la prise d’effet du contrat de location, le bailleur notifie au syndic de l’immeuble les nom, prénom, coordonnées téléphoniques et courriel de son locataire, après avoir recueilli l’accord de ce dernier. »
M. le président. L’amendement n° 1029 rectifié, présenté par MM. Grand, Bouchet, Danesi, Lefèvre, D. Laurent et Allizard, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam et Deroche et M. Rapin, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsque l’immeuble est soumis au statut de la copropriété, le syndic peut demander à un copropriétaire bailleur de lui communiquer, dans un délai d’un mois, les nom, prénom, coordonnées téléphoniques et adresse électronique de son locataire, après avoir recueilli l’accord de ce dernier. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. L’article 47 bis A prévoit l’obligation pour le bailleur de notifier à son syndic les coordonnées de son locataire, dans un délai d’un mois suivant la prise d’effet du contrat de location.
L’intention de cet article est louable, notamment pour permettre au syndic de faire respecter les dispositions du règlement de copropriété en interpellant directement le locataire occupant en cas de troubles de voisinage ou de mauvais usage des parties communes, par exemple. Dans les faits, il s’avère lourd en termes de gestion. Il est donc proposé d’inverser le dispositif en prévoyant que le syndic puisse demander au copropriétaire bailleur les coordonnées de son locataire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’amendement ne prévoit qu’une faculté. Il n’est donc pas besoin de l’inscrire dans la loi. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. La disposition prévue par cet article a été introduite à l’Assemblée nationale pour faciliter le travail des syndics, qui n’est pas toujours facile, comme chacun le sait.
M. le président. Madame Deromedi, l’amendement n° 1029 rectifié est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1029 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 47 bis A.
(L’article 47 bis A est adopté.)
Article 47 bis B
La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée est ainsi modifiée :
1° Après l’article 8-1, il est inséré un article 8-2 ainsi rédigé :
« Art. 8-2. – Lorsque le conjoint du locataire, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin notoire quitte le logement en raison de violences exercées au sein du couple ou sur un enfant qui réside habituellement avec lui, il en informe le bailleur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, accompagnée de la copie de l’ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales dont il bénéficie et préalablement notifiée à l’autre membre du couple ou de la copie d’une condamnation pénale de ce dernier pour des faits de violences commis à son encontre ou sur un enfant qui réside habituellement avec lui et rendue depuis moins de six mois.
« La solidarité du locataire victime des violences et celle de la personne qui s’est portée caution pour lui prennent fin le lendemain du jour de la première présentation du courrier mentionné au premier alinéa au domicile du bailleur, pour les dettes nées à compter de cette date.
« Le fait pour le locataire auteur des violences de ne pas acquitter son loyer à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa est un motif légitime et sérieux au sens du premier alinéa de l’article 15. » ;
2° Au premier alinéa du I de l’article 40, après la référence : « 8-1 », est insérée la référence : « , 8-2 ».
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. À notre grande surprise, l’amendement que nous avions déposé a été déclaré irrecevable. Je m’exprimerai donc en intervenant sur l’article.
Chaque année, 216 000 femmes sont victimes de violences de la part de leur conjoint. Le logement est d’abord le lieu principal où s’exercent les violences et peut également devenir un outil d’emprise pour l’auteur de ces violences : opposition à la vente, mise à la porte, dégradations, accumulation de dettes… Ce dernier peut être évincé du logement afin de protéger les victimes de façon temporaire. Beaucoup d’entre elles préfèrent cependant quitter le logement, provisoirement ou définitivement, afin de se mettre en sécurité, souvent avec leurs enfants. Certaines sont alors hébergées chez des tiers, à l’hôtel, dans des CHRS ou dans des services spécialisés. D’autres sont sans abri ou vivent en squat.
Toutes doivent chercher un nouveau logement. Qu’elles obtiennent un logement social, une mutation de logement ou un autre type de contrat locatif, ce nouveau « chez elles » pourra être un environnement rassurant et sécurisant où elles et leurs enfants pourront se reconstruire.
Pour améliorer les droits des victimes de violences, nous proposions au travers de notre amendement d’étendre le domaine d’application de l’ordonnance de protection à toutes les personnes d’une famille vivant dans le même domicile et de préciser que les violences visées à l’article 515-9 du code civil sont « de toute nature, y compris sexuelles ».
En conséquence de cette extension, nous proposions de modifier l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation afin de donner à toutes les personnes protégées par une ordonnance de protection une priorité dans l’attribution des logements sociaux. Malheureusement, comme je l’ai souligné en introduction, notre amendement a été déclaré irrecevable.
Nous considérons pourtant que la protection des victimes de violences et d’infractions sexuelles doit continuer à être une priorité pour l’exécutif et le législateur. L’ordonnance de protection est un dispositif qui permet une grande réactivité et une certaine efficacité. Il nous paraît donc important d’offrir à tous les membres de la famille qui résident au même domicile et qui subissent une situation de violence une meilleure protection.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 625 rectifié, présenté par M. Sueur, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mmes M. Filleul, Grelet-Certenais, Harribey, Lienemann et Jasmin, MM. P. Joly, Jomier et Kerrouche, Mme Lubin, M. Lurel, Mmes Monier et S. Robert, M. Roger, Mme Taillé-Polian, M. Temal, Mme Tocqueville, MM. Tourenne, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Remplacer les mots :
de la copie de l’ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales dont il bénéficie et préalablement notifiée à l’autre membre du couple ou de la copie d’une condamnation pénale de
par les mots :
du dépôt de plainte contre
2° Supprimer les mots :
et rendue depuis moins de six mois
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. L’article 47 bis B vise à protéger les victimes de violences conjugales. Il n’est pas tolérable que le locataire qui a quitté les lieux – il s’agit souvent d’une femme –pour échapper à ces violences puisse se voir réclamer par le bailleur le paiement du loyer impayé par son conjoint resté sur place. La disposition du projet de loi prévoyant de mettre fin à cette solidarité va donc dans le bon sens. Toutefois, sa mise en œuvre risque d’être problématique et, au final, de n’avoir que peu de conséquences concrètes.
En effet, il est prévu que la solidarité cesse sous réserve de communiquer au bailleur la copie d’une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales ou d’une condamnation pénale de l’auteur des violences. Or la production de tels documents induit une procédure longue pouvant durer de nombreux mois, voire plus d’une année, dans le cadre d’une action pénale. La victime de violences se verra donc opposer la clause de solidarité pendant toute cette période.
Il convient d’être beaucoup plus pratique et de tenir compte de la situation d’urgence, voire de dénuement, dans laquelle se trouvent ces personnes. C’est pourquoi il est ici proposé de faire cesser la solidarité dès communication au bailleur de la copie du dépôt de plainte.
M. le président. L’amendement n° 945 rectifié, présenté par MM. Labbé et Dantec, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mme Laborde et M. Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
et rendue depuis moins de six mois
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Les victimes de telles violences n’osent pas quitter le logement aussi vite qu’elles le voudraient, car elles ont peur de représailles. Cet amendement vise à supprimer cette limite dans le temps et donc à faciliter la vie des victimes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements, qui ne sont pas complètement identiques.
Je comprends l’intention des auteurs de l’amendement n° 625 rectifié. Néanmoins, cette proposition risque de conduire à des détournements du dispositif et à pénaliser injustement le bailleur : que se passera-t-il si la plainte est retirée ou si l’auteur n’a pas été condamné ? Il me semble préférable d’en rester au texte qui exige a minima une condamnation pénale ou une ordonnance de protection.
L’adoption de l’amendement n° 945 rectifié pourrait aussi conduire à un détournement du dispositif au détriment du bailleur : le conjoint pourrait ainsi apporter une condamnation de plus de deux ans, de plus de trois ans, etc. Ce dispositif doit être encadré pour éviter tout abus.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 625 rectifié, puisqu’il vise à subordonner la cessation de la solidarité entre les époux au moment du dépôt de plainte. Or un dépôt de plainte ne peut pas entraîner de telles conséquences juridiques. Comme cela vient d’être exposé, une plainte peut être retirée ou classée sans suite. Le parquet peut aussi répondre par poursuite inopportune, etc. Au final, il peut également ne pas y avoir de condamnation. Un tel amendement ne nous paraît donc pas réaliste.
En ce qui concerne l’amendement n° 945 rectifié de M. Labbé, je ferai la même observation que Mme la rapporteur et j’émettrai un avis défavorable, car il est nécessaire d’encadrer le dispositif.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Mme la rapporteur affirme que le dispositif pourrait être détourné au détriment du bailleur. Mais dans un cas comme celui-là, en raison du silence qui accompagne les violences, que vaut ce risque face à l’immense danger pour l’intégrité des personnes et de la famille ?
La Fédération nationale solidarité femmes rappelle que le logement est le principal lieu où s’exercent les violences au sein du couple et qu’il peut devenir un outil d’emprise pour l’auteur de ces violences. Celui-ci peut refuser de quitter le logement ou ne pas payer le loyer. La victime solidaire du paiement des loyers se trouve alors coincée. C’est dans cet esprit que nous avons été conduits à supprimer ce délai de six mois.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Le dispositif prévu à cet article pourrait pénaliser deux fois la victime des faits. On sait très bien que la procédure peut durer jusqu’à un an au pénal. Pendant tout ce temps, elle est coresponsable vis-à-vis du bailleur des loyers non payés. Cela n’incite pas les femmes à « décohabiter » et à porter plainte contre ces violences conjugales. Comme l’a rappelé M. le sénateur Labbé, le domicile est le lieu principal de ces violences.
M. le président. L’amendement n° 968 rectifié, présenté par Mmes Billon et Létard, M. D. Dubois et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Au II de l’article 40, les références : « 8 à 20 » sont remplacées par les références : « 8, 8-1, 9 à 20 ».
La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. L’article 47 bis B désolidarise des dettes de loyers les conjoints, concubins ou partenaires liés par un PACS cotitulaires du bail lorsqu’ils ont été victimes de violences conjugales et ont quitté le logement, sous réserve d’en avoir informé le bailleur.
Nous partageons évidemment cet objectif, mais nous souhaitons ajuster le dispositif, notamment pour permettre que toutes les victimes de violence puissent bénéficier de cette nouvelle écriture de la loi. Ainsi, cet amendement vise à supprimer l’alinéa 6 tel qu’il est actuellement rédigé, car il tend à exclure de ce dispositif les victimes de violences conjugales locataires d’un logement non conventionné du parc social, alors que les locataires titulaires d’un bail dans un logement social conventionné pourraient en bénéficier. Il vise également à étendre le bénéfice de ce dispositif aux locataires victimes de violences et titulaires du bail soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948.