M. le président. Monsieur Vaspart, l’amendement n° 421 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Vaspart. Monsieur le ministre, je veux bien admettre ce que vous dites, sauf que, sur le territoire, ce n’est pas ainsi que les choses se passent.
Dans les départements bretons, comme dans les autres, des projets sont aujourd’hui bloqués. Peut-être est-ce la faute des préfets qui ne font pas bien leur travail, je n’en sais rien. Toujours est-il que les dispositifs que vous avez évoqués ne sont pas appliqués et que les choses ne fonctionnent pas.
Je pourrais citer très précisément un certain nombre de projets en situation de blocage, qu’il s’agisse d’extension d’écoles de voile ou de clubs nautiques, et même de stations d’épuration.
Faut-il préciser la loi ou donner des instructions ? Il est important de comprendre ce dont nous avons besoin. Tant que je ne suis pas convaincu que des instructions seront suffisantes, je maintiens mon amendement, quitte à retirer ses dispositions au moment de la commission mixte paritaire si vous nous garantissez que des instructions seront bien données aux préfets pour faire appliquer les dispositifs actuels.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12 sexies.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 336 rectifié bis, présenté par M. Canevet, est ainsi libellé :
Après l’article 12 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 121-7 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les zones non interconnectées au réseau électrique métropolitain continental dont la largeur est inférieure à dix kilomètres au maximum, les ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent peuvent être autorisés par dérogation aux dispositions du présent chapitre. »
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Dans l’Hexagone, on dit d’un certain nombre de territoires – ce sont souvent des îles – qu’ils sont « interconnectés » au réseau électrique. Je pense notamment aux îles de Sein et d’Ouessant, à la pointe de l’Europe, dans le Finistère. Leur approvisionnement en énergie électrique repose sur des groupes électrogènes qui fonctionnent avec du pétrole.
Nous avons adopté voilà peu la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Ces territoires, conscients que leur attractivité dépendra aussi de la qualité de vie sur l’île, sont particulièrement allants sur la production d’énergie renouvelable. Ils veulent éviter que les groupes électrogènes qui les alimentent ne polluent l’air.
Or l’exigüité d’un certain nombre de territoires îliens pose de sérieuses difficultés au regard de la réglementation en vigueur. Il leur est particulièrement difficile de développer leur production d’énergie renouvelable, la loi leur interdisant la construction des ouvrages nécessaires – je pense en particulier à l’installation d’éoliennes de taille extrêmement modeste.
Les élus de ces territoires veulent tout simplement participer à cette transition énergétique et mettre en place un mix énergétique composé à la fois de solaire – à partir d’équipements installés sur les maisons, par exemple –, d’éolien et d’hydrolien.
Nous souhaitons d’ailleurs que le Gouvernement soutienne les projets hydroliens, notamment ceux d’initiatives territoriales nationales, pour permettre l’émergence d’une véritable filière.
En tout état de cause, il est absolument nécessaire que des projets innovants puissent voir le jour sur ces îles. Cet amendement, préparé en lien avec l’association Les îles du Ponant et la région Bretagne, vise justement à permettre de réaliser cette transition énergétique sur les îles. Nous espérons que la grande majorité de notre assemblée voudra bien souscrire à cet objectif.
M. le président. L’amendement n° 990 rectifié ter, présenté par MM. Labbé et Guérini, est ainsi libellé :
Après l’article 12 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 121-12 du code de l’urbanisme est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les zones non interconnectées au réseau électrique métropolitain continental dont la largeur est inférieure à cinq kilomètres au maximum, les ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent ne sont pas soumis aux dispositions de l’article L. 121-8.
« Ils peuvent être implantés après délibération favorable de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal de la commune concernée par l’ouvrage, et après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Toucher à la loi Littoral, même de manière dérogatoire, est un exercice délicat pour un écologiste.
D’un autre côté, après avoir beaucoup travaillé sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, doit-on laisser ces îles non connectées continuer de s’alimenter par des centrales au fioul ou accepter de déroger, de manière très encadrée et spécifique, à la loi Littoral pour permettre l’implantation d’éoliennes sur des territoires de moins de cinq kilomètres de large ?
Si le respect de la loi Littoral est essentiel à nos yeux, ses règles peuvent s’avérer extrêmement bloquantes dans les petites îles : il s’agit de lieux de vie et non uniquement de paysages à préserver. Une telle dérogation nous semble donc pleinement justifiée.
La délibération favorable de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme ou celle du conseil municipal de la commune concernée par l’ouvrage et l’avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites garantissent le caractère équilibré de la dérogation.
Il s’agit non seulement d’éolien de taille moyenne, mais aussi d’hydrolien et de solaire – photovoltaïque et thermique –, c’est-à-dire de l’ensemble du bouquet énergétique qui permettra à ces îles d’être autonomes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Entendre Joël Labbé défendre une dérogation à l’inconstructibilité des espaces proches du rivage pour l’implantation d’éoliennes sur les îles de petite taille est assez savoureux. Je ne peux bouder mon plaisir, cher Joël… (Sourires.)
Toutefois, je rappelle que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte autorise déjà une dérogation à la loi Littoral pour l’implantation d’éoliennes.
La commission n’a pas souhaité revenir sur cet équilibre sans une réflexion d’ensemble. Cette question mériterait d’être étudiée dans le cadre d’un texte spécifiquement dédié aux énergies renouvelables.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Les éoliennes bénéficient aujourd’hui d’un régime spécifique : elles peuvent être implantées en discontinuité de l’urbanisation, sous certaines conditions et toujours en dehors des espaces proches du rivage. Les implantations encadrées sont donc possibles.
Ces amendements montrent qu’il y a toujours une bonne raison de déroger à la loi Littoral, même pour ceux qui en ont fait un totem. Si nous empilions toutes ces demandes, il n’y aurait plus de loi Littoral.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Tout à fait !
M. Jacques Mézard, ministre. Nous avons voulu solutionner le problème des dents creuses et celui des installations nécessaires à la conchyliculture et à d’autres productions agricoles marines dans un cadre très clair qui ne souffre pas d’interprétation.
Si nous allions au-delà, nous ouvririons la boîte de Pandore et permettrions à toutes les issues conflictuelles et aux recours constants de prospérer. Il en existe déjà suffisamment pour ne pas en fabriquer de nouveaux. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Une fois n’est pas coutume, je pense que l’ensemble des parlementaires bretons peut se retrouver pour défendre cette proposition.
Il s’agit simplement d’une demande de dérogation à la loi Littoral pour permettre l’implantation d’éoliennes. Je ne vois là rien de trop contradictoire quand on connaît la spécificité de ces îles. L’île de Sein, par exemple, fait 800 mètres de large : la loi Littoral interdit donc toute implantation d’éolienne et il faut y livrer des tonnes de fioul chaque semaine, chaque mois, pour satisfaire les besoins énergétiques des habitants et des touristes qui viennent chaque été alors que le vent y souffle de manière importante. Idem à Ouessant.
Je voudrais que tout le monde se penche sur la spécificité de ces îles qui méritent un vote quasi unanime de notre assemblée.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je vous rassure, ce n’est pas la mafia bretonne vertueuse qui est à l’œuvre… (Sourires.)
Je veux rappeler à Mme la rapporteur et à M. le ministre, sous la statue de Portalis et avec mon plus grand respect, que la loi est faite pour les hommes et que des personnes vivent sur ces îles du Ponant, îles de l’extrême-ouest.
Il s’agit d’un combat commun que je mène avec Joël Labbé. En refusant d’adapter la loi Littoral pour permettre l’implantation d’éoliennes près du rivage, vous favorisez la désertification de ces petites îles.
Nous souhaitons simplement apporter aux femmes et aux hommes qui vivent sur ces îles très difficiles tout au long de l’année une énergie vertueuse. Il ne s’agit pas d’opposer loi Littoral et transition énergétique. J’aimerais que chacun comprenne bien la particularité de ces petites îles du bout du monde, où vivent courageusement beaucoup d’hommes et de femmes.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je m’étonne de la rigidité de M. le ministre, dont j’ai bien écouté les arguments.
Il est absolument nécessaire de tenir compte de la configuration des territoires. Appliquer la loi Littoral sur l’île de Sein, c’est y interdire tout projet d’aucune sorte parce qu’elle fait moins de deux kilomètres de long et 500 mètres de large. On ne peut rigoureusement rien y construire.
Que veut-on pour ces territoires ? Par notre amendement, nous souhaitons leur permettre, demain, d’être exemplaires conformément aux objectifs définis dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Veut-on favoriser le développement des énergies renouvelables sur ces îles ou laisser les générateurs fonctionnant au pétrole les polluer ? Veut-on qu’elles puissent continuer d’accueillir des visiteurs et permettre à la population sédentaire d’y demeurer ?
Je ne comprends pas que l’on puisse refuser ces adaptations particulièrement justifiées ; à défaut, il sera rigoureusement impossible de faire quoi que ce soit sur ces îles. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Union Centriste – M. Richard Yung applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Chers collègues bretons, vous n’êtes pas seuls : je vous apporte le soutien des Français de l’étranger, parmi lesquels figurent de nombreux Bretons… (Sourires.)
M. Michel Canevet. C’est vrai. Merci !
M. Richard Yung. J’ai du mal à comprendre quel drame se joue dans cette affaire. Installer de petites éoliennes, voire de petites hydroliennes, dans ces îles que nous connaissons bien – Molène, Houat, Sein, Hoëdic… – et qui sont elles-mêmes toutes petites ne va bouleverser ni leur paysage ni leur fonctionnement.
Cette idée me paraît assez raisonnable et je pense que le législateur a l’occasion de montrer qu’il peut faire preuve de souplesse dans l’appréciation des situations.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je suis d’accord avec vous, monsieur le ministre : si l’on empile dérogation sur dérogation, il ne restera plus rien de la loi Littoral.
Mais cet exemple précis montre qu’il y a bien un problème : faute d’un processus dérogatoire, nous devons modifier la loi par petits bouts, alors qu’un consensus s’est clairement dégagé entre le monde environnemental et les collectivités locales sur la nécessité d’implanter des éoliennes sur ces îles particulièrement venteuses.
Nous passons des heures à discuter d’une éventuelle modification de la loi faute d’un processus dérogatoire défini. Établissons enfin ce processus en invitant les associations de protection de l’environnement autour de la table, même si tout le monde n’est pas d’accord sur ce point.
En Bretagne, tout le monde s’accorde sur ce projet. Il s’agit vraiment de l’exemple typique qui montre l’importance de disposer d’un tel processus.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 336 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.) (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Union Centriste – M. Richard Yung applaudit également.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12 sexies, et l’amendement n° 990 rectifié ter n’a plus d’objet.
L’amendement n° 374 rectifié ter, présenté par MM. Fouché et Guerriau, Mme Procaccia, MM. Panunzi et de Nicolaÿ, Mme Lopez et MM. Bouloux et Perrin, est ainsi libellé :
Après l’article 12 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’avant-dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 515-44 du code de l’environnement, après le mot : « minimum » sont insérés les mots : « équivalente à 3 fois la hauteur de la structure pale comprise et au minimum ».
La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Ce premier amendement de fond vise à préserver le cadre de vie des Français en exigeant une distance minimale entre les éoliennes et les habitations, les immeubles habités et les zones destinées à l’habitation qui prenne en compte la hauteur de l’éolienne, afin que la distance soit proportionnée à la taille de la structure.
Le plan Climat fixe une ambition de neutralité carbone pour notre pays à l’horizon 2050 et de diversification des modes de production d’électricité. Le développement des énergies renouvelables, plus particulièrement de l’éolien terrestre, constitue un enjeu fort pour parvenir à cette évolution de notre mix énergétique et à la décarbonation de notre énergie. Ce développement doit toutefois être réalisé dans le respect des populations et de l’environnement.
Pour que le développement de l’éolien ne s’accompagne pas de mise en danger de nos concitoyens, pour que le développement des parcs éoliens respecte l’acceptabilité des riverains, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, il convient d’instaurer un éloignement proportionné entre les installations éoliennes et les habitations. Tout le monde se rend compte, en traversant la campagne ou en prenant le train, de ce qui se passe.
Je précise enfin que cet amendement s’inscrit bien dans l’objet du présent projet de loi qui comporte un chapitre II, intitulé « Rénovation énergétique », au sein du titre IV, lui-même intitulé « Améliorer le cadre de vie ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’encadrement législatif de l’implantation d’éoliennes, inchangé depuis la loi Grenelle II, ne saurait être modifié au sein d’un projet de loi dédié principalement au logement.
Je vous ferai également remarquer, mon cher collègue, que votre amendement ne figure pas dans la partie du texte à laquelle vous faites référence…
La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons.
Dans certains endroits, on nous demande plus d’éoliennes, dans d’autres on en veut moins… Cela correspond sans doute aux réalités de terrain, mais c’est assez compliqué à mettre en application…
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Je ne suis pas du tout d’accord avec la commission et le Gouvernement : on ne peut pas dire que les choses fonctionnent bien.
Dans certains endroits – en Beauce, par exemple –, la présence de quelques parcs éoliens se justifie tout à fait. Ce n’est pas le cas partout.
Les municipalités sont démarchées sans arrêt par des sociétés étrangères qui proposent d’implanter des éoliennes et offrent des financements. C’est d’ailleurs pour cette dernière raison que certaines municipalités donnent leur accord.
On est en train de défigurer totalement le paysage. Les plans régionaux ne sont pas du tout respectés. Il faut reprendre les choses en main et élaborer des plans à l’échelon départemental en organisant, à l’instar de ce qu’on fait pour le nucléaire, une répartition des atouts financiers.
Le système éolien ne donne pas satisfaction. Si la commission et le Gouvernement souhaitent laisser le paysage se détériorer, ils en assumeront la responsabilité. Beaucoup de gens suivent nos travaux sur ces questions…
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Monsieur Fouché, vous proposez de modifier le code de l’environnement qui prévoit d’ores et déjà une distance de 500 mètres entre une éolienne dont le mât fait 50 mètres de haut et la première habitation.
Or votre amendement prévoit une distance égale à trois fois la hauteur du mât pale comprise. Dans le cas d’un mât de 50 mètres de haut et d’une pale de 20 à 30 mètres de long, la première habitation se situera à environ 250 mètres de l’éolienne. Il s’agit donc d’une régression pour les habitations concernées par rapport aux dispositions du code de l’environnement…
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 374 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 372 rectifié ter est présenté par MM. Fouché et Houpert, Mme Procaccia et MM. Guerriau, de Nicolaÿ et Bouloux.
L’amendement n° 639 rectifié quater est présenté par Mme Bonnefoy, MM. Daunis et Iacovelli, Mme Guillemot, M. Kanner, Mmes Artigalas et Conconne, MM. Montaugé, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Cartron, M. Devinaz, Mmes M. Filleul, Grelet-Certenais, Harribey et Lienemann, MM. P. Joly et Kerrouche, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Roger, Sueur et Temal, Mme Tocqueville, M. Tourenne et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 12 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’avant-dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 515-44 du code de l’environnement, le nombre : « 500 » est remplacé par le nombre : « 1000 ».
La parole est à M. Alain Fouché, pour présenter l’amendement n° 372 rectifié ter.
M. Alain Fouché. Selon la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie de notre pays doit atteindre le seuil de 32 % en 2030.
Si le développement du parc éolien participe à cet effort de diversification, il doit être encadré et doit respecter les paysages de nos territoires.
La multiplication des éoliennes, qui répond souvent à des mesures fiscales intéressant les collectivités, est un sujet d’aménagement du territoire. Elle entraîne un véritable mitage qu’accompagne la perte de valeur de nombreux biens immobiliers. Pis, l’installation d’éoliennes à proximité immédiate de sites historiques met en péril la réalisation de certains projets de rénovation.
La multiplication exponentielle et incontrôlée des projets éoliens inquiète clairement les élus locaux et la population. Cet amendement vise donc à rendre obligatoire l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France sur les installations d’éoliennes visibles depuis un immeuble classé, un monument historique ou un site patrimonial protégé et visible dans un périmètre de 10 kilomètres.
Je précise enfin que cet amendement s’inscrit toujours dans l’objet du présent projet de loi.
À côté de Chambord, on a bien abaissé la hauteur de la centrale nucléaire pour qu’elle ne soit pas visible depuis le château. Nous disposons d’un patrimoine architectural exceptionnel, ne le saccageons pas en installant des éoliennes visibles de partout.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour présenter l’amendement n° 639 rectifié quater.
Mme Nicole Bonnefoy. La progression importante de la taille des éoliennes, dont certaines atteignent 200 mètres de haut, nous invite à réfléchir aux conséquences de ces installations sur les habitations voisines, notamment en raison du bruit dû au fonctionnement des pales.
Alors que de nombreuses communes se sont livrées à une sorte de course folle voilà déjà une dizaine d’années en vue d’implanter le plus d’éoliennes possible sur leur territoire en raison des recettes fiscales induites, elles peuvent aujourd’hui regretter ces chantiers parfois hâtifs compte tenu des récriminations importantes des administrés, qui, non contents de devoir subir négativement l’effet visuel et sonore de ces structures au quotidien, doivent aussi faire face à la dévalorisation pécuniaire de leurs biens immobiliers.
Alors que le législateur anglais et certains Länder allemands ont opté pour une distance de 1 500 mètres et que certains États américains ont fixé une limite au-delà de 2 000 mètres pour des raisons de santé publique, cet amendement vise à fixer une distance de 1 000 mètres entre les éoliennes et les habitations, ce qui permettrait de concentrer dans des zones inhabitées des parcs éoliens de taille critique, tout en maintenant l’intérêt des énergies renouvelables et en diminuant le coût financier pour l’opérateur chargé de la construction, de la gestion et de l’entretien du réseau.
M. Laurent Duplomb. Pas chez moi !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission ne souhaite pas revenir sur des arbitrages effectués dans la loi Grenelle II et émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Monsieur Fouché, je dois vous avouer que je n’y comprends plus rien.
Votre amendement précédent tendait à réduire la distance entre une éolienne et la première habitation à trois fois la hauteur du mât pale comprise, soit environ 250 mètres pour une éolienne de 50 mètres de haut avec une pale de 30 mètres, ce qui constituait une régression par rapport aux 500 mètres en vigueur.
Le présent amendement vise à étendre cette distance minimale à 1 000 mètres. La bonne distance se situe entre les deux et la réglementation en vigueur qui prévoit une distance de 500 mètres me semble adéquate.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Je ne partage pas du tout votre raisonnement, monsieur le secrétaire d’État.
Vous avez bien compris que derrière tout cela, il y a des histoires d’argent pour les communes comme pour les particuliers.
Implanter des éoliennes à 500 mètres des habitations, c’est très néfaste. Les élus ruraux, les anciens maires ici présents savent ce que les gens en disent.
Ma proposition, et celle de Mme Bonnefoy, de porter cette distance à 1 000 mètres est tout à fait sage. Et même si vous n’adoptez pas ces amendements aujourd’hui, je suis certain que vous y viendrez : les gens sont las de voir des éoliennes être implantées n’importe où. Vous devrez faire face à toujours plus de protestations et vous viendrez aux 1 000 mètres, c’est une certitude !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Ces amendements – ainsi que l’amendement n° 373 rectifié ter qui concerne la covisibilité des éoliennes et des monuments historiques – ont été soumis au vote du Sénat voilà environ trois ans.
Ils avaient été rejetés, car des simulations faites avec le plus grand sérieux avaient établi que leur adoption aurait entraîné la fin de tout projet d’implantation d’éoliennes sur notre territoire.
Or je rappelle que l’éolien est une filière mature sur laquelle nous devons nous appuyer si nous voulons réussir la transition énergétique et faire en sorte que la France atteigne les objectifs de 32 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2030 et de 40 % d’électricité d’origine renouvelable au même horizon.
Cela étant dit, il ne s’agit pas de faire n’importe quoi, n’importe où, n’importe comment. Nous sommes tous d’accord sur ce point. Nous avons d’ailleurs légiféré à deux reprises pour trouver un consensus.
La distance de 500 mètres aujourd’hui en vigueur permet de tenir compte à la fois du respect des populations et de la nécessité de développer les énergies renouvelables.
Je ne peux voter en faveur des amendements de M. Fouché et de ma collègue et amie Nicole Bonnefoy, car fixer une distance de 1 000 mètres est de nature à supprimer tout nouveau projet éolien sur notre territoire.
La règle des 500 mètres est un point d’équilibre qu’il nous faut maintenir. Nous avons déjà travaillé sur la question des éoliennes à d’innombrables reprises. N’y revenons pas !
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je tiens à expliquer ma position sur cette question. J’ai en effet une expérience assez douloureuse en matière d’installation d’éoliennes, puisqu’il y a eu une véritable levée de boucliers à Petit-Canal, en Guadeloupe, contre leur cliquetis, qui rendait les gens un peu fous, et les éoliennes étaient pourtant situées à 500 mètres des habitations. La population a protesté devant les grilles de l’hôtel de région – il s’agissait pourtant d’un problème relevant de la commune –, contre des installations trop proches.
Si nous sommes tous favorables à l’implantation d’éoliennes, nous avons également conscience de l’importance de ne pas déranger les habitants.
Pour ma part, je souscris aux propos de mon collègue et voterai ces amendements, qui visent à augmenter la distance entre les éoliennes et les habitations, laquelle passerait de 500 mètres à 1 000 mètres. Cela me paraît raisonnable.
Ce faisant, on ne touche pas au totem sacré de la loi Littoral ! Si l’on veut composer avec la population en vue d’une acceptabilité sociale, nous devons comprendre que la pollution sonore des éoliennes est parfois considérée comme insupportable.
Pour résoudre le problème, nous avons dû recevoir une habilitation du Parlement et du Gouvernement, ce qui nous a permis de légiférer par le biais d’une « loi de région ». L’on parle aujourd’hui de différenciation, mais cela existe d’ores et déjà dans les outre-mer.
Nous avons cependant rencontré quelques difficultés, le Gouvernement ayant fait preuve d’une certaine rigidité. Il est donc difficile de trouver un équilibre entre le respect, d’un côté, des engagements en matière d’énergies renouvelables, de production électrique et de mix énergétique et, de l’autre côté, de la tranquillité publique.
Je le répète, je voterai ces amendements identiques.