Mme Monique Lubin. Cet amendement ne vise, notamment, qu’à supprimer quatre mots : « prioritairement du milieu ordinaire », mais quatre mots lourds de sens pour les entreprises adaptées.
Le dispositif adopté par la commission tend à donner des objectifs aux entreprises adaptées pour qu’elles conduisent les personnes qu’elles font travailler vers l’emploi durable.
Or, pour de nombreuses personnes en situation de handicap, être recruté dans l’une de ces entreprises, qui sont pour la plupart concurrentielles, normales, si je puis dire, et tout à fait adaptées, justement, au monde du travail – Mme la ministre le sait, qui est venue visiter une entreprise absolument remarquable dans mon département voilà une dizaine de jours –, constitue un aboutissement : ces personnes sont insérées dans le monde du travail quand elles sont recrutées dans une entreprise adaptée.
Si l’on assigne à ces entreprises des pourcentages d’inclusion dans le monde du travail dit classique, on transforme complètement la philosophie de ces structures.
Pour présider depuis très longtemps une association d’insertion par l’activité économique dans mon département, je puis vous dire que l’objectif des personnes atteintes de handicap, qui sont une partie du public dont nous nous occupons, est d’être recrutées dans une entreprise adaptée pour pouvoir mener une vie normale en étant durablement insérées dans le monde du travail.
Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, réfléchissez bien avant de vous prononcer sur cet amendement, car le monde des entreprises adaptées est inquiet devant le dispositif actuel !
M. le président. L’amendement n° 189 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Capus, Guerriau, Decool, A. Marc, Lagourgue, Fouché et Malhuret, Mme Mélot, MM. Wattebled et Longeot, Mme Goy-Chavent, M. L. Hervé, Mme Vullien, M. Moga et Mme Gatel, n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 393 ?
M. Philippe Mouiller, rapporteur. Avant de donner l’avis de la commission, je tiens à saluer le travail réalisé au sujet des évolutions engagées par les entreprises adaptées, en particulier les négociations qui ont été menées entre le Gouvernement et les représentants de ces entreprises et les conventions qui sont aujourd’hui mises en place.
En même temps, le travail de la commission est un peu compliqué : on nous demande de travailler sur un texte que nous découvrons quarante-huit heures à l’avance et sur lequel nous devons donner des avis d’orientation. Il est particulier de signer une convention alors que le texte n’est pas encore voté. Ces questions de calendrier mettent parfois en difficulté.
J’en viens à la clarification demandée par les auteurs de l’amendement n° 393.
La commission s’est montrée attentive à ce que les trois milieux de travail ouverts aux personnes handicapées, soit les milieux protégé, adapté et ordinaire, fassent l’objet d’une distinction. Les amendements déposés par le Gouvernement allant dans le sens d’une plus grande porosité entre entreprises adaptées et entreprises dites classiques vont d’ailleurs implicitement dans ce sens.
Les auteurs de l’amendement n° 393 souhaitent que soit gommée toute mention dans la loi d’une non-appartenance des entreprises adaptées au milieu ordinaire. Je comprends tout à fait cette philosophie, mais la question de typologie est délicate. Il sera intéressant de connaître l’avis du Gouvernement. Avis de sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le débat sera plus facile à partir de l’examen du prochain amendement, l’amendement n° 683 du Gouvernement, qui va me permettre d’exposer la philosophie d’ensemble que nous proposons. En l’occurrence, l’ordre d’appel des amendements ne facilite pas les échanges…
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 393, qui vise, en supprimant une modification opérée par la commission, à rétablir la rédaction issue de la concertation menée avec le secteur.
Cette concertation sera le socle de l’évolution que vous avez bien comprise et qui va dans le sens de ce que nous souhaitons et que souhaite le secteur des entreprises adaptées : ces entreprises ne fournissent pas seulement un travail à des personnes en situation de handicap ; elles permettent à tous ceux qui le peuvent d’aller vers l’emploi ordinaire, non adapté.
Quelle est la différence ? En termes d’emploi, elle n’est pas très importante. Mais, dans un cas, l’emploi est financé massivement par les pouvoirs publics, tandis que, dans l’autre, il s’agit d’un emploi ordinaire. Bref, du point de vue des conditions de marché, les entreprises adaptées sont des entreprises ordinaires, mais les emplois qu’elles offrent ne sont pas des emplois ordinaires.
Une partie des personnes en situation de handicap qui travaillent dans les entreprises adaptées sont en mesure d’évoluer vers le milieu ordinaire et le souhaitent. Les entreprises adaptées peuvent donc servir de tremplins pour une partie des personnes en situation de handicap ; pour d’autres, il n’y aura pas de changement.
Dans l’attente des amendements que je présenterai dans quelques instants pour favoriser les expérimentations en ce sens, le Gouvernement est, je le répète, favorable à l’amendement n° 393, qui vise à rétablir le socle juridique.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 683, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 12
Insérer trois paragraphes ainsi rédigés :
… – L’article L. 5213-16 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au début, sont ajoutés les mots : « Pour favoriser la réalisation de leur projet professionnel, » ;
2° Après les mots : « autre employeur », sont insérés les mots : « pour une durée déterminée, en vue de leur éventuelle embauche, » ;
3° Il est ajouté un alinéa rédigé :
« Pour faciliter leur accès à un emploi durable, l’entreprise adaptée met en œuvre un appui individualisé pour l’entreprise utilisatrice, et des actions d’accompagnement professionnel et de formation pour les travailleurs handicapés. La prestation d’appui individualisée est rémunérée par l’entreprise utilisatrice et est distincte de la mise à disposition. »
… – L’article L. 5213-19 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 5213-19. – Seul l’emploi des travailleurs qui remplissent les conditions mentionnées aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 5213-13-1, ouvrent droit au bénéfice d’aides financières contribuant à compenser les conséquences du handicap et des actions engagées liées à leur emploi. Ces aides sont attribuées dans la limite des crédits fixés annuellement par la loi de finances. »
… – Après l’article L. 5213-19 du code du travail, il est inséré un article L. 5213-19-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5213-19-1. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application de la présente sous-section, notamment :
« 1° Les conditions d’exécution, de suivi, de renouvellement et du contrôle des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens mentionnés à l’article L. 5213-13, ainsi que leurs modalités de suspension ou de dénonciation ;
« 2° Les modalités de l’accompagnement spécifique mentionné à l’article L. 5213-13-1 ;
« 3° Les modalités de détermination et d’attribution et de versement des aides financières de l’État mentionnées à l’article L. 5213-19 et les règles de non cumul. »
II. – Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le second alinéa de l’article L. 5213-18 est supprimé ;
III. – Alinéas 19 à 21
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Comme je m’y étais engagée lors du débat budgétaire dans cet hémicycle, nous avons mené une concertation avec le secteur des entreprises adaptées.
Avec l’Union nationale des entreprises adaptées, qui représente les 780 entreprises du secteur, mais aussi l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis, l’UNAPEI, et l’APF France Handicap, nous avons conclu cette concertation, en avons rendu compte et avons annoncé hier des engagements communs, en présence, mesdames, messieurs les sénateurs, du président de votre commission des affaires sociales, Alain Milon, et de votre collègue Patricia Schillinger.
Quelle est l’ambition de l’État partagée avec le secteur ?
Nous voulons permettre progressivement à 40 000 personnes handicapées supplémentaires de ne plus être enfermées dans le chômage et de travailler dans une entreprise adaptée. Aujourd’hui, 500 000 travailleurs handicapés sont à Pôle emploi et n’arrivent pas à accéder au marché du travail. Notre objectif est de doubler d’ici à quatre ans le nombre de personnes susceptibles de travailler en entreprise adaptée, ce qui fera 10 % de chômage en moins par rapport à la situation actuelle.
Tout en confortant ce modèle, l’innovation doit donner le cap vers des transitions professionnelles et des passerelles vers les autres employeurs. C’est l’idée que l’entreprise adaptée ne doit pas simplement avoir un stock d’emplois – excusez ce terme –, mais doit aussi permettre un flux vers d’autres types d’emploi, notamment vers l’emploi ordinaire.
Les quatre amendements que le Gouvernement a déposés traduisent cette volonté partagée de transformation, sans renier les réalités et les spécificités des entreprises adaptées, qui jouent un rôle essentiel dans notre pays.
Premièrement, nous voulons réaffirmer la vocation économique et sociale de ces entreprises en renforçant leur modèle inclusif. En d’autres termes, il s’agit d’adapter leur modèle économique pour rendre possible l’objectif d’inclusion et de flux vers d’autres emplois, ce qui n’est pas facilement le cas aujourd’hui, et d’obtenir une plus grande mixité des publics : des personnes en situation de handicap plus proches de l’emploi en milieu ordinaire pourront y travailler à côté d’autres personnes qui travailleront dans un contexte de marché ordinaire tout en ayant besoin de plus de soutien.
Deuxièmement, nous proposons d’expérimenter un dispositif innovant, le contrat tremplin. Si vous l’autorisez, ce nouveau contrat ouvrira aux entreprises adaptées volontaires la possibilité de proposer des parcours de remise en emploi de vingt-quatre mois au maximum permettant à des personnes d’accéder à un emploi dans une autre entreprise, avec évidemment un suivi et un coaching très approfondis.
Troisièmement, nous souhaitons créer des entreprises adaptées de travail temporaire qui seront spécialisées dans les mises en situation d’emploi pour les intérimaires en situation de handicap.
La moyenne de 3,4 % d’emploi de travailleurs handicapés dissimule ce fait que, si certaines entreprises sont à 6 %, beaucoup sont à 0 %. Il y a en effet une appréhension et une méconnaissance du handicap, une méconnaissance du fait que l’emploi de telles personnes est possible. Le travail intérimaire handicapé permettra indirectement de lever un certain nombre de barrières, en montrant que c’est possible et en donnant la possibilité aux travailleurs handicapés de prouver leur valeur.
Enfin, de concert avec Nicole Belloubet, il vous sera proposé de renforcer les chances de réinsertion sociale et professionnelle des détenus en offrant à ces derniers des activités au sein d’entreprises adaptées.
Les quatre amendements du Gouvernement concourent à une réforme que Sophie Cluzel et moi-même voulons construire avec le secteur des entreprises adaptées, pour aboutir à un modèle plus ouvert et plus inclusif.
La réforme de 2005, qui a fait passer les entreprises adaptées du secteur protégé vers le milieu ordinaire adapté, a été très utile. Treize ans plus tard, le cap que nous voulons donner ensemble est l’entreprise inclusive. Des engagements ont été pris de part et d’autre, des moyens financiers très importants sont engagés par l’État et l’évolution du modèle économique des entreprises adaptées permettra, je le répète, de doubler d’ici à 2022 le nombre de personnes handicapées travaillant dans ces entreprises.
Enfin, nous voulons aller chercher des publics aujourd’hui bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés et qui n’ont pas accès à l’emploi.
M. le président. Le sous-amendement n° 768, présenté par M. Forissier, Mme C. Fournier, M. Mouiller et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Amendement n° 683, alinéa 12
Supprimer les mots :
et de moyens
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Mouiller, rapporteur. La commission est fidèle à la logique que j’ai exposée précédemment : elle souhaite supprimer les mots « et de moyens », afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur la nature tarifaire des relations.
M. le président. L’amendement n° 190 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Capus, Guerriau, Decool, A. Marc, Lagourgue, Wattebled et Malhuret, Mme Mélot, M. Longeot, Mme Goy-Chavent, M. L. Hervé, Mme Vullien, M. Moga et Mme Gatel, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 394, présenté par Mmes Lubin et Grelet-Certenais, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Seuls les travailleurs reconnus handicapés sans emploi ou qui courent le risque de perdre leur emploi en raison de leur handicap ouvrent droit à des aides financières contribuant à compenser les conséquences du handicap et des actions engagées liées à leur emploi. »
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Il s’agit de sacraliser le terme « compenser » pour les emplois de travailleur handicapé. Ces emplois, nous le savons, sont aidés par l’État. Le texte le précise bien, mais le terme « compenser » n’y figure pas.
On sait que les aides accordées par l’État pour les emplois de travailleur handicapé le sont pour compenser le handicap de ces personnes qui rend leur travail moins productif – je pense que c’est le terme qui convient.
Si le terme « compenser » ne figure pas clairement dans la loi, on peut craindre que, un jour ou l’autre, ces aides ne soient considérées comme des subventions classiques. C’est pour l’éviter que nous proposons leur sacralisation dans la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Mouiller, rapporteur. Après avoir salué l’initiative du Gouvernement, j’émets naturellement un avis favorable sur son amendement. Plusieurs motifs militent pour l’adoption de celui-ci.
D’abord, je me félicite de l’ambition de rationaliser l’aide financière au poste et de la réserver aux travailleurs handicapés. La disparition de la subvention spécifique dont bénéficiaient les entreprises adaptées au profit de l’aide au poste est sans doute une mesure de bonne gestion.
Ensuite, il est proposé que, si un salarié d’une entreprise adaptée souhaite intégrer une autre entreprise, cette dernière bénéficie d’un appui individualisé à l’intégration du salarié. Intéressant dans son principe, ce dispositif sera financé par l’entreprise d’accueil et lui ouvre ainsi une voie d’acquittement possible de son obligation d’emploi.
En revanche, la commission est défavorable à l’amendement n° 394, qui tend à réserver l’aide financière au poste versée à l’entreprise adaptée aux travailleurs « sans emploi ou qui courent le risque de perdre leur emploi ». Cette proposition ne me semble pas réalisable, dans la mesure où l’aide financière n’est versée qu’à raison des travailleurs effectivement embauchés par les entreprises adaptées, donc nécessairement titulaires d’un emploi.
Je propose aux auteurs de cet amendement de se rallier à celui du Gouvernement qui vise à limiter l’aide financière au poste aux travailleurs handicapés en entreprise adaptée et qui renvoie les modalités de calcul et d’attribution à un décret qui, j’en suis sûr, ne manquera pas de cibler convenablement les travailleurs devant être le plus accompagnés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je me félicite de notre convergence de vues sur l’avenir des entreprises adaptées.
Je suis toutefois défavorable au sous-amendement de la commission, car, comme je l’ai déjà expliqué, le contrat d’objectifs et de moyens est un concept qui a été compris et accepté par les représentants du secteur lors de la concertation.
Je suis également défavorable à l’amendement n° 394, pour les raisons que le rapporteur vient d’expliquer.
M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour explication de vote.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Madame la ministre, faut-il rappeler que le Parlement n’est pas une chambre d’enregistrement de vos concertations au fil de l’eau de la navette parlementaire ?
Avec le présent amendement n° 683, l’amendement n° 600 sur les CDD tremplins et l’amendement n° 601 sur l’expérimentation des agences d’intérim, vous chamboulez aussi bien la philosophie que le financement du secteur des entreprises adaptées. Vous transformez ces entreprises spécifiques en une sorte d’agences de placement et d’accompagnement des personnes en situation de handicap.
Bien sûr, nous partageons l’objectif d’une véritable chaîne d’accès à l’emploi pour une société plus inclusive, mais pas de cette manière.
Vous nous demandez de nous prononcer sur cette évolution majeure sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État.
Madame la ministre, vous savez pourtant comment les groupes politiques travaillent en amont de l’examen en séance des projets de loi. Mon groupe a auditionné de nombreux acteurs du secteur de l’emploi des personnes en situation de handicap, mais nous n’avons évidemment pas été en mesure de les consulter sur l’évolution majeure que vous proposez.
Je regrette que votre gestion de la réforme par à-coups nous empêche d’appréhender et, surtout, d’apprécier les changements dans leur globalité. Ce n’est assurément pas de bonne méthode !
Cette évolution nous inspire à tout le moins de fortes questions. De fait, nous ne partageons pas la même philosophie : pour nous, les entreprises adaptées ne sont pas un tremplin vers le milieu ordinaire ; elles sont une facette de ce milieu très divers, avec des contraintes et des objets spécifiques. Au contraire, avec cet amendement, vous allez au bout de la logique de transformation de l’entreprise adaptée en tremplin vers le milieu ordinaire.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Par rapport à la rédaction actuelle de l’article, les amendements qui nous sont soumis représentent à la fois un progrès et une source de préoccupations.
Le progrès tient à l’instauration d’un contrat d’objectifs et de moyens qui assurera aux entreprises adaptées des financements sur plusieurs années.
Mais d’autres mesures sont préoccupantes. Ainsi, alors que, aujourd’hui, les entreprises adaptées doivent embaucher 80 % de personnes handicapées, le texte ne prévoit plus qu’un plancher minimal, fixé par décret. C’est potentiellement la porte ouverte à une réduction des embauches de personnes handicapées.
Par ailleurs, le remplacement de l’expression « travailleurs handicapés » par « travailleurs reconnus handicapés » risque d’exclure de fait, par exemple, les accidentés du travail avec incapacité permanente, les victimes de guerre, les bénéficiaires d’une pension d’invalidité ou les attributaires de l’allocation aux adultes handicapés.
Les personnes handicapées doivent avoir une sécurité suffisante pour pouvoir retrouver un emploi. J’ai l’impression que, avec ces amendements, comme il vient d’être dit, on tire plutôt vers des logiques d’entreprises ordinaires.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 394 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 766, présenté par M. Forissier, Mme C. Fournier, M. Mouiller et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 25, première phrase
Après les mots :
premier alinéa
insérer la référence :
du I
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Mouiller, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. C’est un peu plus qu’un amendement de coordination. Plus exactement, il pose un problème juridique.
La modification proposée porte sur une mesure visant à ouvrir des droits à l’assurance chômage aux travailleurs handicapés en tenant compte de leur situation antérieure au sein d’un ESAT.
Or les personnes handicapées accueillies en ESAT ne disposent pas du statut de salarié soumis au code du travail. Elles ne bénéficient pas non plus d’un contrat de travail et ne peuvent faire l’objet d’un licenciement. Elles sont donc considérées comme les usagers d’un établissement social et signent à ce titre un contrat de soutien et d’aide par le travail prévu par le code de l’action sociale et des familles.
Il n’est pas possible juridiquement d’ouvrir à ces personnes des droits à l’assurance chômage sans remettre en cause le principe même de l’assurance chômage, puisqu’il n’y a pas de fait générateur, en l’occurrence pas de rupture du contrat de travail.
Par ailleurs, cet amendement tend à renvoyer la détermination de certaines mesures d’application du régime d’assurance chômage propres aux travailleurs handicapés à un décret en lieu et place des accords d’assurance chômage, ce qui pose également un problème juridique.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Mouiller, rapporteur. Nous ne faisons pas du tout la même analyse juridique, madame la ministre, mais dans un souci de simplification, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 766 est retiré.
Je mets aux voix l’article 43, modifié.
(L’article 43 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 43
M. le président. L’amendement n° 682, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est complété par les mots : « , ainsi que des dispositions relatives aux entreprises adaptées prévues aux articles L. 5213-13 et suivants du code du travail dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État au plus tard le 1er septembre 2020 »
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Mouiller, rapporteur. L’intention qui anime le Gouvernement me paraît extrêmement louable, mais je crains qu’elle ne manque son objectif.
En effet, l’intégralité des dispositifs qui s’appliquent aux entreprises adaptées, notamment les aides financières dont elles peuvent bénéficier à l’embauche d’un travailleur handicapé, est conditionnée, d’après le nouvel article L. 5213-13-1 du code du travail, à la signature d’un contrat de travail entre l’entreprise et le travailleur.
Or le travail de la personne détenue est encadré par un acte spécifique, dont ne sont signataires que la personne et le chef d’établissement pénitentiaire, et qui n’a pas la qualification de contrat de travail.
L’incitation de l’entreprise adaptée à solliciter le travail d’une personne handicapée détenue, qui n’est pas couverte par un contrat de travail et n’ouvre le droit à aucune aide, me paraît donc fortement diminuée. Je crains que le dispositif proposé ne trouve pas d’effectivité.
La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 43.
L’amendement n° 600, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2022, est mise en place pour les entreprises adaptées mentionnées au II la possibilité d’expérimenter un accompagnement des transitions professionnelles afin de favoriser la mobilité professionnelle des travailleurs handicapés vers les autres entreprises en recourant au contrat à durée déterminée conclu en application du 1° de l’article L. 1242-3 du code du travail.
Cette expérimentation est mise en place avec le concours financier de l’État dans la limite des crédits inscrits chaque année en loi de finances et des organismes publics et privés volontaires pour soutenir de nouvelles modalités de mises en emploi des travailleurs handicapés exclus du marché du travail.
Dans le cadre de cette expérimentation, les entreprises adaptées mentionnées au II quel que soit leur statut juridique, concluent avec les travailleurs reconnus handicapés sans emploi ou qui courent le risque de perdre leur emploi en raison de leur handicap, des contrats à durée déterminée en application de l’article L. 1242-3 du même code.
1° La durée de ces contrats ne peut être inférieure à quatre mois. Ces contrats peuvent être renouvelés dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre mois.
2° À titre dérogatoire, ces contrats peuvent être renouvelés au-delà de la durée maximale prévue au 1° afin d’achever une action de formation professionnelle en cours de réalisation à l’échéance du contrat. La durée de ce renouvellement ne peut excéder le terme de l’action de formation concernée.
3° À titre exceptionnel, lorsque des difficultés particulières, dont l’absence de prise en charge, feraient obstacle à l’insertion durable dans l’emploi pour des salariés âgés de cinquante ans et plus, ce contrat de travail peut être prolongé par l’employeur au-delà de la durée maximale prévue, après avis de l’organisme ou de l’institution du service public de l’emploi en charge du suivi du travailleur reconnu handicapé, qui examine la situation du salarié au regard de l’emploi, la capacité contributive de l’employeur et les actions d’accompagnement et de formation qui ont été conduites.
La durée initiale peut être prolongée par décisions successives d’un an au plus, dans la limite de la durée de l’expérimentation.
La durée hebdomadaire de travail du salarié embauché dans ce cadre ne peut être inférieure à vingt heures, sauf lorsque le contrat le prévoit pour mettre en œuvre des modalités d’accompagnement du projet professionnel adaptées à leurs possibilités afin qu’ils obtiennent ou conservent un emploi. Elle peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat sans dépasser la durée légale hebdomadaire.
4° Ce contrat peut être suspendu, à la demande du salarié, afin de lui permettre :
1- En accord avec son employeur, d’effectuer une période de mise en situation en milieu professionnel dans les conditions prévues aux articles L. 5135-1 et suivants du code du travail ou une action concourant à son insertion professionnelle ;
2- D’accomplir une période d’essai afférente à une offre d’emploi visant une embauche en contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée au moins égale à six mois.
En cas d’embauche à l’issue de cette période de mise en situation en milieu professionnel, d’une action concourant à son insertion professionnelle, ou de cette période d’essai, le contrat est rompu sans préavis.
Par dérogation aux dispositions relatives à la rupture avant terme du contrat de travail à durée déterminée prévues à l’article L. 1243-2 du même code, le contrat peut être rompu avant son terme, à l’initiative du salarié, lorsque la rupture a pour objet de lui permettre de suivre une formation conduisant à une qualification prévue à l’article L. 6314-1 du même code.
II. – Un cahier des charges national fixe les critères que doivent respecter les entreprises adaptées candidates à l’expérimentation notamment les objectifs, les moyens, et résultats attendus en termes de sorties vers l’emploi.
Sur proposition du comité de suivi de l’expérimentation, le ministre chargé de l’emploi dresse la liste des structures retenues pour mener l’expérimentation.
Un décret précise les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation, notamment le montant de l’aide financière susceptible d’être accordée, le contenu de l’avenant au contrat conclu avec l’État ainsi que les conditions de son évaluation en vue de son éventuelle généralisation.
Au plus tard douze mois avant le terme de l’expérimentation, est réalisée une évaluation afin de déterminer les conditions appropriées pour son éventuelle généralisation. Au terme de l’expérimentation, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur l’application de la présente disposition au regard de son impact sur l’accès à l’emploi des travailleurs reconnus handicapés, sur les formations suivies ainsi que les conséquences sur les finances publiques.
La parole est à Mme la ministre.