M. Daniel Gremillet. Je salue la position de la commission. Contrairement à ce que vous affirmez, madame la ministre, je ne pense pas que le copilotage soit en aucune manière un frein au développement de l’apprentissage. Dans de petites branches, des apprentis seraient orphelins si la région n’intervenait pas. Il s’agit ici non pas d’une opposition entre régions et branches, mais d’une coconstruction.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la ministre, on peut, me semble-t-il, retourner vos arguments. Il ne faut pas voir un frein dans cette proposition d’instaurer un copilotage ; elle relève au contraire d’un esprit d’ouverture.
Mme Catherine Deroche. Il faut faire confiance !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. La concertation est à la base même de ce texte. En quoi un groupement d’entreprises serait-il empêché de créer un CFA si ces amendements étaient adoptés ? Conformément à la pratique habituelle des collectivités locales, que je connais bien, ce groupement d’entreprises présentera son projet au président de la région, qui le félicitera de sa démarche constructive et financera le nouveau CFA.
M. Daniel Gremillet. Oui !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je soutiens moi aussi ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Votre approche m’étonne quelque peu, mes chers collègues, comme m’avait étonné votre volonté d’imposer aux CFA de présenter leurs documents budgétaires et comptables à la région, que celle-ci les finance ou pas…
D’un côté, vous réclamez la décentralisation au bénéfice des régions ; de l’autre, quand le Gouvernement veut aller plus loin en décentralisant vers les branches, vous demandez une recentralisation à l’échelon régional. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le copilotage peut présenter des avantages, mais il est instauré par le biais des contrats d’objectifs et de moyens et il peut aussi avoir l’inconvénient de favoriser l’apparition de situations de blocage.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Mais non !
M. Martin Lévrier. En l’occurrence, l’important est de laisser les branches professionnelles avancer le mieux possible.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je ne pense pas que le copilotage entre les branches et la région soit de nature à entraver le développement de l’apprentissage.
Mmes Laurence Cohen et Cathy Apourceau-Poly. Au contraire !
M. Daniel Chasseing. Il faut associer les régions. À cet égard, je tiens à féliciter les rapporteurs, notamment M. Forissier, qui connaît bien l’apprentissage pour l’avoir pratiqué dans son entreprise et a remarquablement conduit les travaux de la commission. (Mme Michèle Vullien applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 313, 559 rectifié bis, 578 rectifié et 712 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15.
L’amendement n° 602, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsque l’État met en œuvre un programme national dans les conditions définies au II de l’article L. 6122-1 du code du travail, la Caisse des dépôts et consignations peut assurer la gestion administrative et financière des fonds pour le compte de l’État, de ses établissements publics ou des collectivités territoriales. Pour chaque action financée par des crédits ouverts au titre du programme national, une convention de gestion est conclue entre la Caisse des dépôts et consignations et, selon le cas, l’État, ses établissements publics ou la collectivité territoriale concernée, après avis de la commission de surveillance.
Les fonds sont déposés chez un comptable du Trésor pour le compte de l’État ou des autres organismes mentionnés au premier alinéa. Les commissions chargées des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat sont informées annuellement de la situation et des mouvements des comptes correspondants.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Cet amendement a pour objet de permettre à la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, de gérer les appels à projets émis dans le cadre du volet national du plan d’investissement dans les compétences.
En effet, la CDC a une grande expérience en matière d’appels à projets dans le domaine de la formation et de l’insertion professionnelle, et elle exerce des missions d’intérêt général pour le compte de l’État et des collectivités territoriales. En outre, elle contribue au développement économique des territoires.
Le ministère du travail restera bien sûr maître d’ouvrage du plan d’investissement dans les compétences, ainsi que des échanges et de la négociation avec les régions. Permettre à la CDC d’être l’opérateur des appels à projets rendra l’exercice fluide et efficace.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Cet amendement vise à sécuriser la gestion des actions mises en œuvre au titre du plan d’investissement dans les compétences, en en confiant la gestion à la Caisse des dépôts et consignations, à l’instar de ce qui a été prévu pour le programme d’investissements d’avenir. L’avis de la commission est bien entendu favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.)
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Contrôles et sanctions en matière de concurrence en Polynésie française
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie (texte de la commission n° 635, rapport n° 634).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 9 février 2017 sur les contrôles et les sanctions en matière de concurrence en Polynésie française qui s’est réunie le 4 juillet dernier est parvenue à un accord.
Cette ordonnance a été prise par le Gouvernement sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution, c’est-à-dire sans habilitation du Parlement, de sorte qu’elle doit être expressément ratifiée dans un délai de dix-huit mois, sous peine de caducité. Ce délai expire le 10 août prochain.
Cette ordonnance prévoit principalement les voies de recours contre les décisions de l’Autorité polynésienne de la concurrence et les prérogatives d’enquête de cette autorité pouvant affecter les libertés publiques, en matière de pratiques anticoncurrentielles. Ces deux matières relèvent de la compétence du législateur national, qui a complété ici des dispositions déjà adoptées par l’Assemblée de la Polynésie française, laquelle a décidé en 2014 de se doter d’un code de la concurrence, inspiré du livre IV du code de commerce national, et de créer une autorité polynésienne de la concurrence, sur le modèle de l’Autorité de la concurrence métropolitaine.
La détermination des prérogatives et des pouvoirs d’enquête ordinaires de l’Autorité polynésienne de la concurrence relève de la compétence de l’Assemblée de la Polynésie française, qui a d’ailleurs adopté il y a quatre mois, le 14 mars dernier, une nouvelle loi du pays pour modifier certains aspects du code de la concurrence et des missions de l’autorité.
Avec la ratification de cette ordonnance, nous venons donc conclure ce processus d’élaboration d’un droit moderne de la concurrence en Polynésie.
Madame la ministre, il nous faut malheureusement constater que ce processus aura été particulièrement long : quatre ans se sont écoulés depuis l’adoption de la première loi du pays en juin 2014 ! Que de temps perdu, mes chers collègues, alors que l’Autorité polynésienne de la concurrence a été officiellement installée en février 2016…
En novembre 2014, l’Assemblée de la Polynésie française a demandé à l’État de prendre les dispositions complémentaires relevant de sa compétence. Le projet d’ordonnance n’a été transmis à l’Assemblée de la Polynésie française qu’à la fin de l’année 2016, soit deux ans plus tard. L’ordonnance correspondante, que nous ratifions aujourd’hui et qui comporte quatorze articles seulement, a été prise en février 2017. De plus, l’ordonnance prévoyait la prise d’un décret d’application avant le 30 juin 2017 ; il n’a toujours pas été pris à ce jour… Quelles qu’en soient les causes, comment admettre ces retards successifs ? Nos compatriotes d’outre-mer ne sont pas des citoyens de seconde zone : nous devons faire diligence pour adapter en temps utile le droit applicable localement.
MM. Claude Kern et Gérard Poadja. Très bien !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Sans doute devons-nous améliorer, madame la ministre, notre méthode pour légiférer pour les outre-mer : un rendez-vous annuel permettrait sans doute de mettre à niveau régulièrement, et sans retard excessif, les législations applicables localement, sans devoir s’en remettre trop souvent à des ordonnances.
En première lecture, le Sénat a accepté de ratifier l’ordonnance, tout en y ajoutant trois dispositions : premièrement, par stricte analogie avec les règles déjà prévues par la loi pour l’Autorité nationale de la concurrence, la fixation des délais de recours contre les décisions de l’Autorité polynésienne de la concurrence en matière de pratiques anticoncurrentielles et l’attribution à la cour d’appel de Paris de la compétence pour connaître de ces décisions ; deuxièmement, la détermination d’une base légale permettant à l’Autorité nationale de la concurrence et à l’Autorité polynésienne de la concurrence de coopérer volontairement dans le cadre d’enquêtes sur des pratiques anticoncurrentielles ; troisièmement, enfin, pour remédier à une malfaçon de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2, le rétablissement, dans la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, de l’obligation de transmettre à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP, les déclarations d’intérêts et de patrimoine pour les membres, directeurs généraux et secrétaires généraux des autorités administratives indépendantes de régulation économique que peuvent créer non seulement la Polynésie française, mais également la Nouvelle-Calédonie, dans un strict parallélisme des formes et par stricte analogie, là encore, avec les règles applicables aux autorités administratives indépendantes nationales.
L’Assemblée nationale a apporté à ces dispositions des modifications rédactionnelles ponctuelles, ne soulevant aucune difficulté, de sorte que la commission mixte paritaire les a approuvées. Elle a également ajouté deux dispositions supplémentaires, qui posent toutes les deux, à mon sens, des difficultés.
D’une part, nos collègues députés ont fait mention des rapporteurs généraux des autorités administratives indépendantes créées par la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, au titre des obligations déclaratives auprès de la HATVP, au motif que les deux seules autorités existantes – deux autorités de régulation de la concurrence – ont chacune un rapporteur général. Or, même si cette situation résulte de la même malfaçon de la loi Sapin 2, une telle obligation n’existe pas au niveau national pour le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence, ce qui pose un problème au regard du principe d’égalité. Le Sénat avait bien identifié cette difficulté, mais nous avons considéré que celle-ci devait être résolue de façon globale, à l’occasion d’une prochaine révision de la loi relative à la transparence de la vie publique. La commission mixte paritaire s’est ralliée à la position du Sénat sur ce point.
D’autre part, l’Assemblée nationale a introduit des dispositions visant à étendre à l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie certains pouvoirs d’enquête en matière de pratiques anticoncurrentielles. Sur le fond, ce sont des dispositions analogues à celles qui sont prévues par l’ordonnance que nous ratifions concernant la Polynésie. La rédaction retenue me semble néanmoins perfectible, et je ne suis pas convaincue qu’elle fasse parfaitement la distinction entre ce qui relève de la compétence du législateur national, et que nous pouvons voter, et ce qui relève de celle du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. De plus, elle omet la faculté de coopération avec l’Autorité nationale de la concurrence.
Enfin, dans un texte propre à la Polynésie, introduire ces dispositions relatives à la Nouvelle-Calédonie, au dernier moment et sans expertise juridique suffisante, semble quelque peu cavalier.
Néanmoins, dans un esprit de compromis et de responsabilité, au vu des besoins liés à la mise en place il y a quelques mois seulement de l’autorité calédonienne, mais aussi compte tenu du risque de caducité de l’ordonnance que nous devons ratifier, la commission mixte paritaire a accepté de conserver ces dispositions en l’état. Toutefois, je prendrai l’initiative, dans les prochains mois, de proposer un texte afin de parfaire les dispositions concernant l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d’approuver les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi de ratification ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le président, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, faire vivre la concurrence dans l’ensemble des territoires de la République, tel est le sens profond de ce projet de loi. C’est une exigence forte de nos concitoyens ultramarins, comme vous l’avez dit, madame la rapporteur.
L’insularité, l’isolement géographique, ainsi que des structures économiques pas assez tournées vers la production locale, peuvent conduire à une déformation des prix au détriment du consommateur.
C’est le thème de la « vie chère » qui demeure une préoccupation du quotidien, car c’est toujours le consommateur qui, in fine, paie l’absence de concurrence et l’existence de situation de monopole.
Si l’Autorité nationale de la concurrence est compétente dans les départements et régions d’outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution, il n’en va pas de même pour les collectivités territoriales régies par l’article 74. La Polynésie française a donc pris – comme l’avait fait, avant elle, la Nouvelle-Calédonie – des mesures fortes, dans son champ de compétences, pour dynamiser l’économie, protéger le consommateur et renforcer le pouvoir d’achat des ménages.
Par une loi du pays du 23 février 2015, l’Assemblée de la Polynésie française a créé une autorité administrative indépendante, dotée de pouvoirs de sanction, l’Autorité polynésienne de la concurrence, l’APC. Cette loi est entrée en vigueur le 1er février 2016. L’ordonnance du 9 février 2017, prise sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution et soumise aujourd’hui à votre ratification, a pour objet de prendre les mesures nécessaires afin que l’Autorité polynésienne de la concurrence puisse exercer pleinement ses fonctions et disposer enfin de moyens de contrôle coercitifs. Son décret d’application devrait, après bien des vicissitudes, être publié dans les prochaines semaines. Oui, madame la rapporteur, le temps a été trop long.
Pour faire de ce texte de ratification une opportunité, le Sénat l’a enrichi – comme d’habitude, dirais-je –, en apportant des précisions en matière de voies de recours concernant la détermination de la cour d’appel compétente, à savoir celle de Paris, et les délais de recours et en rétablissant l’obligation de transmission des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d’intérêts à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, pour ce qui concerne les membres des autorités administratives indépendantes en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
Dans le même esprit, l’Assemblée nationale a elle aussi apporté des compléments, pour étendre les obligations de déclaration auprès de la HATVP aux rapporteurs généraux des autorités polynésiennes et calédoniennes, dès lors que ceux-ci disposent de prérogatives significatives lors de l’instruction des affaires, et pour étendre certaines techniques d’enquête dont bénéficie l’Autorité nationale de la concurrence à l’Autorité calédonienne de la concurrence.
L’accord obtenu en commission mixte paritaire permettra de ratifier l’ordonnance du 9 février 2017 dans les délais voulus : c’était essentiel.
Je tiens à remercier tous les parlementaires qui se sont investis dans l’examen de ce projet de loi qui, sous un abord technique, touche à des préoccupations concrètes des habitants de Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie.
Madame la rapporteur, je suis d’accord avec vous : il faut que les délais administratifs et législatifs soient plus respectueux des outre-mer. Je dis « oui » au rendez-vous annuel que vous avez proposé.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Très bien !
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Très bien !
Mme Annick Girardin, ministre. Il faut que nous puissions le mettre en place. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, l’ordonnance du 9 février 2017 a été prise pour répondre aux attentes et aux besoins de l’Autorité polynésienne de la concurrence, créée en 2015, en la dotant des pouvoirs d’enquête nécessaires à la réalisation de ses missions.
Si la Polynésie française a pu, par les lois du pays, créer une autorité administrative indépendante et adopter des réglementations de la concurrence et des pratiques commerciales, elle a dû, conformément à son statut, solliciter l’intervention de l’État pour que ce dispositif soit complété pour les matières relevant de la compétence de ce dernier en ce qui concerne le droit pénal, la procédure pénale et les voies de recours.
Les mesures adoptées au travers de cette ordonnance reprennent largement les règles du livre IV du code de commerce, en les adaptant toutefois à la situation polynésienne.
Conformément à l’article 74-1 de la Constitution, sur le fondement duquel elle a été prise, cette ordonnance doit nécessairement être ratifiée dans les dix-huit mois suivant sa publication, soit avant le 10 août prochain.
Lors de son examen, en avril dernier, le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 9 février 2017 a reçu un large soutien de la part des sénateurs. Ainsi, l’article unique du projet de loi initial, valant ratification de l’ordonnance, a été adopté. Le Sénat a jugé les dispositions de l’ordonnance utiles à la Polynésie française et au bon fonctionnement de son autorité de la concurrence.
Par ailleurs, sur l’initiative de Mme la rapporteur, notre collègue Catherine Troendlé, deux amendements ont été adoptés en commission des lois, qui ont modifié le droit applicable à l’Autorité polynésienne de la concurrence.
Le premier de ces amendements, devenu l’article 2 du projet de loi, tire les conséquences du retard du Gouvernement dans l’édiction du décret d’application de l’ordonnance en élevant au niveau législatif des dispositions relatives aux voies de recours. En outre, il organise la coopération en matière d’enquêtes de concurrence entre l’Autorité polynésienne de la concurrence et, au niveau national, l’Autorité de la concurrence ou les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF.
Le second amendement, devenu l’article 3 du projet de loi, soumet les membres et les agents des grades les plus élevés des autorités de la concurrence de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie à des obligations de déclaration d’intérêts et de patrimoine auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, de façon à renforcer le contrôle déontologique dans ces institutions.
Je me félicite que la commission mixte paritaire, qui fut conclusive, ait gardé l’ensemble des apports du Sénat. Elle a également conforté le travail de l’Assemblée nationale, qui a introduit l’article 4 portant extension de techniques d’enquête dont bénéficie l’Autorité nationale de la concurrence, pour lesquelles le législateur n’avait pas prévu d’application en Nouvelle-Calédonie depuis 2009.
Cette extension, qui demeure dans le champ du projet de loi, puisqu’il s’agit de sanctionner des manquements au droit de la concurrence dans les deux territoires ultramarins autonomes, concerne principalement les procédures en rapport avec les nouvelles technologies – saisies informatiques, identité d’emprunt.
Madame la ministre, mes chers collègues, ce texte aux dispositions très techniques ne comporte aucune difficulté particulière et va dans le bon sens.
En effet, il est nécessaire – c’était l’objet de l’ordonnance – de donner à ce territoire des instruments économiques et, à travers le code de commerce, les outils indispensables à la mise en œuvre de la concurrence, à son contrôle et à son bon exercice.
Aussi le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera-t-il en faveur de l’adoption de ce projet de loi utile au développement économique de la Polynésie française, auquel nous sommes tous attachés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, levons le voile dès à présent : le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen votera ce projet de loi, qui a déjà été adopté à l’unanimité en première lecture et qui ne suscite pas d’opposition particulière.
Comme l’article 1er qui ratifie l’ordonnance a été adopté conforme, il ne reste en discussion que des dispositions additionnelles ajoutées par le Sénat et l’Assemblée nationale.
L’accord trouvé en commission mixte paritaire la semaine dernière satisfait toutes les parties. Ces conclusions ne devraient donc pas soulever de difficultés particulières.
L’objet de ce texte est d’apporter des aménagements concrets au fonctionnement économique de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie et, plus précisément, au marché concurrentiel de ces territoires.
Si l’image de l’outre-mer en métropole se résume parfois à une accumulation de clichés, le quotidien, pour les habitants, n’est pas toujours aussi paradisiaque. En effet, ceux-ci sont confrontés à l’éloignement géographique, à des difficultés économiques structurelles, comme le chômage et la vie chère, sans omettre les risques de catastrophe naturelle.
Les cas de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, ces lointains territoires du Pacifique sud, sont encore plus spécifiques. Les articles 74,75 et 76 de la Constitution leur confèrent une très large autonomie, y compris pour mettre en place des outils de développement et de régulation économique. Ainsi, la loi de 2012 relative à la régulation économique outre-mer ne s’applique pas en Nouvelle-Calédonie, alors que, dans les départements ultramarins, elle a permis la mise en œuvre du « bouclier qualité-prix » et doté l’autorité de la concurrence de pouvoirs élargis, afin de lutter plus efficacement contre les oligopoles et la vie chère.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. C’est vrai !
M. Jean-Claude Requier. Toutefois, l’État peut accompagner ces territoires autonomes, et c’est d’ailleurs ce qu’il fait aujourd’hui par le biais du présent projet de loi.
La Polynésie française est confrontée depuis plusieurs années à une crise du tourisme, à laquelle s’ajoutent des difficultés dans le secteur agricole, ainsi qu’un déficit en matière de développement industriel. Le niveau de vie y est plus faible qu’en métropole et le chômage, en particulier celui des jeunes, s’est fortement accru. Des caractéristiques plus structurelles, comme la part importante du secteur non marchand, le contrôle des prix et l’importation de la plupart des produits de consommation courante, viennent s’ajouter à ces faiblesses conjoncturelles.
Pourtant, l’archipel est riche de nombreuses ressources paysagères, de sa faune et de sa flore uniques au monde, de la production locale de vanille, de coprah et de perles, et d’une zone économique exclusive aussi vaste que l’ensemble du continent européen.
La Nouvelle-Calédonie, quant à elle, fait face à des problèmes comparables, même si son unité géographique –c’est le deuxième plus grand territoire ultramarin après la Guyane –, son moindre isolement – elle est située à « seulement » 1 500 kilomètres des côtes australiennes – et, surtout, la richesse de son sous-sol, en particulier ses gisements de nickel, en font un territoire bien doté.
Il reste que, d’après l’Institut d’émission d’outre-mer, les prix en Nouvelle-Calédonie sont supérieurs de 33 % à ceux constatés en métropole, avec un écart record pour les produits alimentaires. Des coûts de production élevés, des marges confuses, la nécessité de stocker et le manque de concurrence entre les distributeurs expliquent ces prix élevés.
À cela s’ajoutent les héritages de l’histoire et une situation politique dont nous connaissons la complexité. Le référendum prévu cet automne sera un rendez-vous crucial pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Nous avons voté il y a quelques mois la loi organique prévoyant les modalités de ce référendum. Nous savons que le Gouvernement est déterminé à ce que celui-ci se tienne dans les meilleures conditions possible pour l’avenir du territoire et de tous ses habitants.
Si ce projet de loi n’a pas vocation à se situer au niveau de ces enjeux majeurs, il doit néanmoins apporter sa pierre à l’édifice juridique des deux territoires et contribuer ainsi à améliorer le fonctionnement des économies locales.
L’ordonnance du 9 février 2017 renforce les pouvoirs d’enquête et de contrôle des agents de l’Autorité polynésienne de la concurrence, l’APC. Les apports du Sénat donnent à l’APC et à l’Autorité de la concurrence la possibilité de coopérer dans le cadre d’enquêtes.
L’article 2 a également précisé les voies et délais de recours contre les décisions de l’APC, en consacrant naturellement la compétence de la cour d’appel de Paris en la matière.
L’article 3, adopté dans la rédaction du Sénat, établit les obligations déclaratives des membres du collège de l’APC et de l’Autorité de concurrence de la Nouvelle-Calédonie à l’égard de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, à l’instar de ce qui a déjà été prévu pour les agents de l’Autorité nationale de la concurrence. Ils seront ainsi soumis aux mêmes exigences de transparence que leurs homologues de métropole.
Enfin, l’article 4, introduit par nos collègues députés, concerne exclusivement la Nouvelle-Calédonie. Il permettra l’application de mesures de la loi Macron, de la loi de 2014 sur la consommation et de la loi de 2016 sur la lutte contre le terrorisme.
Mon groupe apportera évidemment son soutien à ces dispositions, qui relèvent d’une volonté de donner à ces territoires les moyens de leur développement.
La vie chère est un mal endémique des territoires d’outre-mer, quoique nous connaissions aussi dans certains territoires métropolitains l’isolement géographique, l’enclavement même, et ses conséquences économiques et démographiques. Une autorité de la concurrence suffira-t-elle à résoudre ce problème ? Nous pensons que sa création est au moins de nature à y contribuer !