M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur, dans la mesure où il est satisfait par le projet de loi, lequel prévoit que le plancher de la formation théorique de l’apprenti est de 25 % du temps contractuel.
A contrario, cela montre bien que le temps consacré à la formation pratique est prépondérant. Il est effectué dans l’entreprise, et complété sur les plateaux techniques du CFA, quand l’entreprise n’a pas toutes les compétences techniques pour couvrir l’ensemble d’un diplôme.
M. le président. L’amendement n° 265 rectifié est-il maintenu, monsieur Retailleau ?
M. Bruno Retailleau. Ayant perçu dans l’avis de sagesse du rapporteur une attitude de précaution vis-à-vis du défenseur de l’amendement, je m’apprête à le retirer.
Ce faisant, j’incite mes collègues dont les amendements pourraient recevoir un avis mitigé de la commission à être assez disciplinés, et ce pour permettre aux débats d’avancer à un bon train. Je paye ainsi mon écot à une discussion sereine et rapide.
M. le président. L’amendement n° 265 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Je voudrais souligner un paradoxe. D’un côté, on entend dire que la priorité est de valoriser la formation et de lutter contre le décrochage en adaptant les parcours ; d’un autre côté, Mme la ministre s’apprête à supprimer le dispositif des stagiaires de la formation professionnelle. Vous le savez, celui-ci vise à assurer une formation à des jeunes qui souhaiteraient suivre un cursus en apprentissage, mais n’auraient pas trouvé d’entreprise. Concrètement, ces jeunes s’inscrivent en CFA et sont autorisés à y suivre les cours durant un an.
Ce dispositif a – ou avait ! – deux intérêts majeurs. Premièrement, il évite le déclassement de ces jeunes, qui, sinon, se retrouveraient sans formation et sans emploi. Deuxièmement, il peut aussi représenter une opportunité lorsque l’on n’est pas sûr de son projet professionnel, grâce à la multiplication des expériences en entreprise.
Finalement, les stagiaires de la formation professionnelle sont peut-être mieux formés à « penser leur métier » que les apprentis.
Ainsi le groupe CRCE avait-il proposé un amendement qui a malheureusement été frappé d’irrecevabilité. Il s’agissait de réinscrire dans ce texte le dispositif que je viens d’évoquer, sans doute supprimé pour des raisons financières, ce que nous ne considérons pas comme une bonne chose.
Nous l’avons souligné au cours du débat, il est de plus en plus difficile pour les apprentis de trouver des entreprises où effectuer leur apprentissage. On est bien obligé de mettre ce constat en relation avec l’augmentation du nombre de jeunes souhaitant s’orienter vers l’apprentissage. Ainsi, le nombre d’entrées dans le dispositif s’est élevé à 304 000 en 2017-2018.
Oui, madame la ministre, nous sommes d’accord avec vous, il faut valoriser l’apprentissage, mais à la condition d’assurer à toutes et tous les volontaires une place en CFA, ce qui n’est pas le cas. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous voterons contre cet article.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l’article.
M. Marc Laménie. Je voterai bien sûr cet article. Dans nos départements, on est souvent sollicités par la nécessité de former des jeunes, en particulier dans le cadre de l’apprentissage, qui permet de revaloriser le travail manuel.
Quand on participe aux assemblées générales de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre d’agriculture ou de la chambre de métiers et de l’artisanat, on réalise la place importante tenue par les CFA, tous métiers confondus. À cet égard, je tiens à rendre hommage à celles et ceux qui y travaillent.
Je n’oublie pas non plus le rôle joué, dès le collège, par l’éducation nationale. Après une orientation professionnelle, les artisans forment les jeunes dans le cadre de l’apprentissage, grâce à leur savoir-faire.
L’amendement présenté tout à l’heure par M. Bruno Retailleau s’inscrivait dans une telle logique. Il est fondamental que les apprentis soient bien formés au sein des entreprises et des CFA. Malheureusement, il y a vraiment de quoi faire ! On parle toujours du chômage, mais certains métiers ont du mal à trouver des jeunes pour les former. Certains garagistes ne trouvent pas d’apprentis pour les recruter ensuite en CDI !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote sur l’article.
Mme Corinne Féret. Je ne reviendrai pas sur les arguments évoqués au début de l’examen de cet article. Sans doute avions-nous espéré que certains de nos amendements seraient adoptés, ce qui aurait pu orienter différemment notre vote.
Tel n’étant pas le cas, notre groupe votera contre cet article.
M. le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 207 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l’adoption | 232 |
Contre | 91 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l’article 8
M. le président. L’amendement n° 459, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 6223-8 du code du travail, il est inséré un article L. 6223-… ainsi rédigé :
« Art. L. 6223-… – Le maître d’apprentissage bénéficie de contreparties au titre de la fonction tutorale sous forme de compensation salariale et/ou d’un repos compensateur. Les modalités de cette compensation font l’objet d’un accord de branche. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Par cet amendement, il s’agit de lever l’un des freins à l’embauche d’apprentis. En effet, selon une enquête de la chambre de commerce et d’industrie Paris Île-de-France de 2016, plus de 20 % des patrons de TPE et de PME refusent de recruter un apprenti, car ils estiment ne pas pouvoir le confier à un encadrant.
Il est vrai qu’être chargé de former un jeune à son travail sur des périodes continues plus ou moins courtes représente forcément une responsabilité, donc une charge. De fait, cela demande un investissement en temps important, parfois incompatible avec les propres tâches du salarié encadrant.
Cet amendement prévoit donc que le maître d’apprentissage bénéficie d’avantages en rémunération ou en jours de repos. L’enjeu est bien de motiver les salariés à assumer cette tâche.
Concrètement, la disposition vise à laisser aux branches le soin de définir la formule la mieux adaptée : une prime ou un repos compensatoire.
Il me semble que, sur ce sujet, beaucoup de choses pourraient être faites. L’introduction d’une valorisation est un premier pas pour rendre attractive la charge d’un suivi d’apprenti. Car, mathématiquement, si l’employeur doit, en vertu du code du travail, permettre au maître d’apprentissage de dégager sur son temps de travail des moments d’accompagnement d’un apprenti, il faut bien trouver une solution pour que le travail soit effectué.
Et bien souvent – vous le savez, mes chers collègues –, c’est via des heures supplémentaires que le maître d’apprentissage arrive à remplir toutes ses obligations. C’est tout l’enjeu du mécanisme de repos compensatoire que d’accorder aux maîtres d’apprentissage une compensation à leur investissement jusqu’ici purement bénévole.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Une gratification pour les maîtres d’apprentissage risque d’inciter à l’exercice de cette fonction pour des raisons financières et de freiner l’embauche d’apprentis par les entreprises ; il faut laisser l’employeur libre de ce genre d’initiative.
En outre, le code du travail prévoit déjà que l’employeur doit permettre au maître d’apprentissage de dégager sur son temps de travail les disponibilités nécessaires à l’accompagnement de l’apprenti et aux relations avec le centre de formation d’apprentis.
Dans mon domaine, la taille de pierre, la tradition était de payer le casse-croûte. Suivant les diverses traditions de nos métiers, il peut donc exister des avantages qui sont en même temps de nature à entretenir la convivialité.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement visant à introduire une obligation nouvelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je comprends le sens de cette proposition, qui est d’encourager et de valoriser les maîtres d’apprentissage.
Cela dit, nous avons préféré que les partenaires sociaux déterminent eux-mêmes, dans les branches professionnelles, les modes de reconnaissance et de valorisation de cette activité. La compensation peut prendre la forme des deux modalités que vous évoquez, madame la sénatrice, mais des usages comme ceux qui viennent d’être évoqués ont parfois déjà cours ; la contrepartie peut également être l’ouverture de droits supplémentaires au titre du CPF : de nombreuses formes sont possibles.
Les partenaires sociaux, dans certaines branches, se sont déjà, d’ailleurs, saisis du sujet ; ils ont déjà prévu des compensations. D’autres vont le faire, et je considère qu’il ne faut pas les contraindre ni les limiter, ce que nous ferions si cet amendement était adopté.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Au vu des explications qui viennent de nous être données par M. le rapporteur et par Mme la ministre, nous retirons notre amendement.
M. le président. L’amendement n° 459 est retiré.
L’amendement n° 460, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 6222-23 du code du travail, il est inséré un article L. 6222-23-… ainsi rédigé :
« Art. L. 6222-23-… – Dans les entreprises de plus de onze salariés, l’employeur prend à sa charge la moitié des frais de transport personnel de l’apprenti dans le cadre du déplacement entre son domicile et son lieu de travail. Cette prise en charge ne peut être déduite du salaire de l’apprenti. »
II. – Les charges qui pourraient éventuellement résulter pour les collectivités territoriales et l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par l’augmentation du taux de la contribution prévue à l’article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Selon une enquête de 2011 de la Jeunesse ouvrière chrétienne, les conditions de travail et le salaire des apprentis ne sont pas à la hauteur de l’intérêt de la formation. Ainsi, 54 % des jeunes interrogés considèrent que les apprentis n’ont pas de bonnes conditions de travail. Cette opinion n’est pas contrebalancée par le niveau de la rémunération, puisque seuls 18 % des jeunes considèrent que les apprentis sont bien payés, 70 % d’entre eux affirmant le contraire. Seuls 12 % des jeunes sondés affirment que les apprentis ont facilement accès à un logement ; ils sont 58,7 % à penser le contraire.
Dans ce contexte, le coût du transport peut constituer un frein à la mobilité. Nous proposons donc que les frais de transport personnels engagés par l’apprenti dans le cadre de ses déplacements entre son domicile et son lieu de travail soient pris en charge à 50 %.
Le coût des trajets entre le domicile et le lieu de travail réduit d’autant le montant des salaires des apprentis. Nous proposons donc que, dans les entreprises de plus de onze salariés, l’employeur prenne à sa charge la moitié des frais de transport personnels de l’apprenti, tout en précisant que cette prise en charge ne peut être déduite du salaire de l’apprenti.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Les entreprises prennent déjà en charge les frais de transport des apprentis, au même titre que ceux des salariés. Accroître la contribution des entreprises au financement des frais de transport risque de freiner le recrutement d’apprentis.
Par ailleurs, les collectivités territoriales, en particulier les régions, peuvent elles aussi soutenir les apprentis via des aides aux transports, ce qui se pratique dans de nombreux cas.
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 621 rectifié, présenté par M. Lévrier, Mme Schillinger, MM. Rambaud, Patriat, Amiel, Bargeton, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un module supplémentaire de « savoir-être » dans le monde professionnel, d’une durée de 35 heures durant le premier mois de la formation, est créé. Il concerne les apprentis de niveau 4 et 5.
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Il s’agit d’un amendement d’appel.
Le projet de loi porte principalement sur l’acquisition des savoirs et des savoir-faire, c’est-à-dire sur les compétences techniques, qui sont certes essentielles à l’insertion des apprentis dans le monde professionnel ; mais il n’y est pas fait mention de l’acquisition des compétences que l’on pourrait qualifier de « savoir-être », qui sont pourtant essentielles au renforcement de l’employabilité des jeunes, et dont la maîtrise serait même indispensable comme préalable à l’entrée dans l’entreprise.
Ces savoir-être relèvent, entre autres, de la prise de parole en public, de l’écoute, de l’attention, de la capacité à s’adapter, autant de compétences dont l’absence est discriminante en entretien d’embauche. Ces compétences dépassent d’ailleurs le simple comportement : elles comprennent la connaissance des droits de la personne en tant qu’employé, en matière de congés payés, de protection sociale, de droit du travail.
Ce sont ces compétences qui sont les véritables sources d’inégalités. La nécessité de les maîtriser écarte du marché du travail des publics dont le parcours scolaire ou professionnel antérieur n’a pas permis cette acquisition : des publics jeunes, qui font très tôt le choix de l’apprentissage, des publics pour lesquels le code du travail apparaît obscur et flou, et qui ignorent jusqu’à leurs droits. Ces publics ont un besoin urgent d’accompagnement ; il convient de leur apporter les réponses dont nous proposons la mise en œuvre.
Dans cette perspective, mes chers collègues, la création de ce module complémentaire de « savoir-être » dans le monde professionnel pour les apprentis de niveau 4 et 5 paraît plus que nécessaire : elle répond à des objectifs d’efficacité des politiques de l’emploi et surtout de réduction des inégalités sociales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. La volonté exprimée par notre collègue est louable.
Toutefois, cette disposition risque d’être redondante avec les objectifs déjà assignés à l’apprentissage et avec les missions des CFA : normalement, dans les CFA, si le travail est bien fait, ce que vous proposez doit déjà être prévu.
En effet, la loi dispose que l’apprentissage concourt au développement des connaissances, des compétences et de la culture nécessaires à l’exercice de la citoyenneté.
Par ailleurs, les enseignements dispensés dans les CFA, qu’ils soient théoriques ou qu’ils aient lieu sur des plateaux techniques, doivent permettre aux apprentis d’acquérir un savoir-être en milieu professionnel.
En la matière, ma conviction est que le maître d’apprentissage a aussi un rôle prépondérant à jouer : il est en quelque sorte le tuteur de l’apprenti.
Il n’apparaît donc pas nécessaire de figer cette obligation dans la loi en créant des contraintes sur les bénéficiaires et sur la durée d’un tel module. Une telle obligation serait une charge supplémentaire à ajouter au coût de l’apprentissage.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Soit le développement des savoir-être professionnels constitue un quasi-préalable à l’entrée en apprentissage elle-même – dans ce cas, la question est traitée par la création des « prépa-métiers », dont c’est l’objet principal ; soit cette nécessité existe pour tous les jeunes, et pas seulement, tant s’en faut, pour ceux qui souhaitent entrer en apprentissage – alors mieux vaut regarder ce que font aujourd’hui les centres de formation d’apprentis : plutôt que de figer cette obligation dans un module, ils l’intègrent dans le parcours de façon continue.
Les maisons familiales rurales, les compagnons du devoir, de nombreux CFA et chambres de métiers, intègrent cette notion de savoir-être professionnel tout au long du parcours.
Je demande donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer.
M. le président. Monsieur Lévrier, l’amendement n° 621 rectifié est-il maintenu ?
M. Martin Lévrier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 621 rectifié est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, serait-il envisageable que nous nous ménagions quelques minutes de pause avant d’entamer l’examen de l’article 8 bis ?
M. le président. C’est tout à fait possible.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 8 bis
L’article L. 337-3-1 du code de l’éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 337-3-1. – Au cours de la dernière année de scolarité au collège, les élèves volontaires peuvent suivre une classe intitulée “troisième « prépa-métiers »”. Cette classe vise à préparer l’orientation des élèves, en particulier vers la voie professionnelle et l’apprentissage, et leur permet de poursuivre l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture mentionné à l’article L. 122-1-1. Elle permet de renforcer la découverte des métiers, notamment par des stages en milieu professionnel, et prépare à l’apprentissage, notamment par des stages dans des centres de formation d’apprentis, des sections d’apprentissage ou des unités de formation par apprentissage.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 209 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 284 rectifié est présenté par MM. Magner, Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach et Manable, Mmes Monier, S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 209.
Mme Céline Brulin. Madame la ministre, il s’agit, en cohérence avec d’autres amendements que nous avons précédemment défendus – vous n’en serez donc pas surprise –, de supprimer les classes « prépa-métiers », qui constituent à nos yeux un détournement de l’obligation d’instruction jusqu’à 16 ans.
Comme le montrait, en septembre 2016, le Conseil national d’évaluation du système scolaire, le CNESCO, et comme le montrent aussi de multiples études, l’école républicaine ne joue pas son rôle d’ascenseur social et ne contribue pas à résorber les inégalités sociales : elle contribue même à les creuser.
Dans la société qui est aujourd’hui la nôtre, il est nécessaire de former les élèves, notamment les plus jeunes générations, de manière à leur donner la capacité de s’adapter tout au long de carrières professionnelles qui seront faites d’évolutions, et même de changements de métier. Cette situation exige, à nos yeux, une formation la plus large possible, et non un enfermement dans une professionnalisation trop rapide. Or toutes les mesures qui participent du développement du préapprentissage, les classes de « prépa-métiers » en particulier, contribuent à renforcer les inégalités sociales et à « enfermer » les jeunes concernés dans une spécialisation très précoce.
Un dernier mot : je ne suis pas sûre – eux-mêmes en doutent, d’ailleurs – que les artisans, les employeurs, les maîtres d’apprentissage soient armés pour encadrer des enfants en pleine construction, adolescents ou préadolescents, puisque c’est d’eux qu’il s’agit. Et je ne pense pas qu’on puisse exiger des maîtres d’apprentissage qu’ils encadrent des jeunes dans cette période de leur développement.
Nous proposons donc la suppression de cette mesure.
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour présenter l’amendement n° 284 rectifié.
M. Jacques-Bernard Magner. Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’article 8 bis, qui supprime le DIMA, ou dispositif d’initiation aux métiers en alternance, dont l’accès avait été réservé aux jeunes de plus de 15 ans par la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République.
Aujourd’hui, on nous propose de remplacer ce dispositif par des classes de troisième « prépa-métiers ». Pour les bonnes raisons qui ont été exposées tout à l’heure, sur lesquelles je ne reviendrai pas, cette proposition ne saurait nous satisfaire : le statut scolaire, au sens sérieux où nous l’entendons, serait perdu pour ces jeunes qui n’ont pas 16 ans – or nous rappelons à Mme la ministre que la scolarisation est obligatoire jusqu’à 16 ans. Et, dans ce type de classes, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture serait largement abandonné.
Nous demandons donc la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Je suis un peu surpris par ces amendements. En effet, le dispositif d’initiation aux métiers par alternance n’a pas fait ses preuves ; il n’a pas rempli les objectifs que nous lui avions fixés.
Dans le rapport qu’elle a remis au Gouvernement en amont de la réforme de l’apprentissage, Sylvie Brunet, que nous avons auditionnée, constate que les bénéficiaires du DIMA sont en constante diminution, et que la moitié d’entre eux seulement entrent en apprentissage à son issue.
Son remplacement par une troisième « prépa-métiers » apparaît donc intéressant en vue de préparer des jeunes à la voie professionnelle tout en les maintenant au collège, où ils recevront le même socle de connaissances que les autres élèves.
Il s’agit bel et bien toujours d’une formation initiale : il n’est pas question de faire des économies sur la partie « académique » de l’éducation, c’est-à-dire savoir lire, écrire et compter. Il faut maintenir cette partie, qui est nécessaire pour toute la vie ; la qualité de l’aménagement proposé me semble supérieure à celle du DIMA.
La commission a donc émis un avis favorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 209 et 284 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 153 et 267 rectifié sont identiques.
L’amendement n° 153 est présenté par M. Chasseing et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
L’amendement n° 267 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Babary, Bansard, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet, Cambon, Carle, Cardoux, Chaize, Cornu, Courtial, Cuypers, Dallier, Danesi et Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Deseyne et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Ginesta, Grand et Gremillet, Mme Gruny, M. Hugonet, Mme Imbert, MM. Kennel et Laménie, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. D. Laurent, Le Gleut, Lefèvre, H. Leroy, Longuet et Magras, Mmes Malet, M. Mercier et Micouleau, MM. Nougein, Paccaud, Panunzi, Paul, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, M. Raison, Mme Renaud-Garabedian, MM. Savin, Schmitz et Sido, Mme Troendlé et MM. Vaspart et Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
de la dernière année
par les mots :
des deux dernières années
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 153.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à ouvrir les classes « prépa-métiers » aux élèves de quatrième.
La loi de 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels prévoyait un dispositif de découverte approfondie des métiers et des formations pour les élèves de quatrième et de troisième, supprimé par la loi de 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
L’article 8 bis du présent projet de loi reprend cette idée ; il s’agit de conforter le choix des élèves pour les filières d’apprentissage et d’enseignement professionnel.
Il convient, selon nous, d’ouvrir ces classes aux élèves de quatrième et de troisième, comme c’était le cas dans le cadre de la loi de 2011, afin de préparer le plus en amont possible l’orientation de ces élèves et leurs perspectives professionnelles.
Il ne s’agit pas d’enfermer des jeunes dans la voie de l’apprentissage, mais de créer des classes proposant des découvertes plus larges de l’entreprise, avec possibilité, bien sûr, de poursuivre des études longues, puisque c’est bien au sein des collèges que ces classes seront ouvertes. D’ailleurs, même lorsqu’on est orienté dans une profession, on peut très bien, plus tard, en changer, via des passerelles aménagées à cet effet.