M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Même avis bienveillant mais défavorable. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement est sympathique, mais irréaliste. D’un côté, vous dites, lorsque les demandeurs d’asile doivent recevoir par courrier telle ou telle décision les concernant, qu’il faut des délais, pour s’assurer de la bonne réception du courrier ; de l’autre, vous voudriez contraindre l’OFII à respecter un délai de huit jours ?
Quels que soient les moyens supplémentaires dont dispose l’OFII aujourd’hui – et, franchement, l’OFII fait très bien son travail –, un délai de huit jours est impossible à tenir ! (Mme Marie-Pierre de la Gontrie s’exclame de nouveau.) Il ne faut pas demander l’impossible !
Dieu sait que les effectifs de l’OFII ont été renforcés, et que l’OFII, qui se concentre sur cette mission, gère nettement mieux l’ADA que Pôle emploi. Mais de là à dire que le versement doit intervenir dans les huit jours, il y a un pas qui ne peut aboutir qu’à de nombreux contentieux : aussi vite que puisse faire l’OFII, huit jours, c’est beaucoup trop court !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Proposez un autre délai !
M. Roger Karoutchi. Un mois, c’est faisable ; mais huit jours, c’est trop court, franchement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Si l’on souhaite accélérer les procédures de demande d’asile, il est absolument indispensable que les demandeurs d’asile disposent des moyens qui leur permettent de vivre au moment où ils doivent déposer leur demande, écrire leur récit, etc.
M. Roger Karoutchi. Huit jours, ce n’est pas faisable !
M. Jean-Yves Leconte. Huit jours, c’est peut-être très court, monsieur Karoutchi,…
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Jean-Yves Leconte. Vous êtes un bien meilleur défenseur des droits de l’OFII que de ceux des demandeurs d’asile !
M. Roger Karoutchi. Pas du tout !
M. Jean-Yves Leconte. Lorsque nous vous disons qu’il est impossible, pour un demandeur d’asile, de faire une demande de recours en quinze jours, vous nous répondez : « Si ! Il faut qu’il s’y mette ! ».
Concrètement, si l’on veut pouvoir exiger d’un demandeur d’asile qu’il soit capable très rapidement d’écrire son récit et de répondre à des convocations, il faut qu’il dispose d’un minimum de moyens.
C’est la raison pour laquelle, s’il s’avère qu’un délai de huit jours est trop court, il faut du moins qu’un délai soit inscrit dans la loi – il en existe beaucoup d’autres en matière de procédures d’asile –, afin que les choses soient encadrées de manière très précise.
Il faut s’assurer que, lorsque l’on demandera au demandeur d’asile qui habite à Montpellier de venir à Paris et de répondre à un certain nombre d’exigences, celui-ci disposera d’un minimum de moyens pour y pourvoir.
M. Roger Karoutchi. Proposez un délai d’un mois ! Huit jours, ce n’est pas possible !
M. Jean-Yves Leconte. Si un délai de huit jours est impossible à tenir, essayons de trouver autre chose. Mais on ne peut pas tirer argument d’une telle impossibilité pour dire qu’il ne faut rien faire !
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas ce que j’ai dit ! J’ai dit que huit jours, c’est trop court !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 361 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 507, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 47
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 744-9, il est inséré un article L. 744-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 744-9-1. – Lorsque le droit au maintien a pris fin en application du 4° bis ou du 7° de l’article L. 743-2, l’étranger bénéficie des conditions matérielles d’accueil jusqu’au terme du mois au cours duquel lui a été notifiée l’obligation de quitter le territoire français prise en application du 6° du I de l’article L. 511-1. À défaut d’une telle notification, le bénéfice des conditions matérielles d’accueil prend fin au terme du mois au cours duquel a expiré le délai de recours contre la décision de l’office ou, si un recours a été formé, au terme du mois au cours duquel la décision de la cour a été lue en audience publique ou notifiée s’il est statué par ordonnance.
« La suspension de l’exécution de la mesure d’éloignement prononcée par le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin saisi sur le fondement du dernier alinéa de l’article L. 743-3 entraîne le rétablissement des conditions matérielles d’accueil. Celui-ci ne peut être obtenu par aucune autre voie de recours. »
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Il s’agit, à travers cet amendement, d’unifier les contentieux de l’ADA, du recours non suspensif et de l’OQTF, l’obligation de quitter le territoire français, dans un souci de clarification.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a regretté que cette proposition n’ait pas été examinée dans l’étude d’impact. Nous y sommes malgré tout favorables.
Avis favorable, donc, sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 403 rectifié, présenté par MM. Assouline, Jomier et Féraud, Mmes Lienemann, de la Gontrie, Conway-Mouret et Conconne, MM. Cabanel, Antiste et Tissot, Mmes Artigalas et Ghali, MM. Temal et Tourenne, Mme Lubin, M. Vallini, Mme Lepage, MM. Manable, Houllegatte et Daudigny, Mmes Jasmin et S. Robert, MM. Durain, Courteau et Magner, Mme Préville, MM. Iacovelli et Dagbert et Mmes Espagnac et Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 52
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Dans les communes le souhaitant, des centres de premier accueil peuvent accueillir pour une durée maximale d’un mois des étrangers qui ne disposent pas d’un domicile stable. Le droit à l’hébergement d’urgence de toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale est garanti dans les conditions prévues à l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles.
En lien avec les associations et avec l’État ces centres de premier accueil offrent des prestations d’accompagnement social, juridique et administratif.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement vise à établir un principe d’accueil digne pour l’ensemble des migrants, sans distinction de situation : réfugiés, « dublinés », demandeurs d’asile. Cette mesure est inspirée du dispositif concret qui a été mis en place par la mairie de Paris, à la porte de la Chapelle notamment.
Les centres de premier accueil offrent un hébergement aux étrangers en situation irrégulière, quelle que soit cette situation. Des services d’accompagnement juridique seront mis en place afin de faciliter le dépôt d’une demande d’asile pour ceux qui en ont exprimé la volonté.
Il s’agit de travailler à la création de structures dédiées, dont la conception se ferait en relation avec l’État, comme beaucoup de maires l’ont demandé, notamment le maire de Bordeaux, la maire de Paris et d’autres maires de villes françaises d’importance.
La situation que l’on a vue se répéter sous les ponts de la porte de la Villette n’est pas acceptable. On a attendu, deux mois, trois mois, pour finir par installer les migrants dans des gymnases disséminés ici et là, remplissant la fonction exacte qui serait celle de ces centres dont je vous propose de prévoir la création par la loi, au lieu de n’agir qu’en urgence et en catastrophe. Il y a absolument besoin de lieux d’hébergement où les migrants puissent concrètement entamer leurs démarches. C’est nécessaire !
On le voit notamment à propos des « dublinés », phénomène auquel vous n’avez pas voulu qu’on apporte de réponse voilà quelques instants. Lorsque 600 Soudanais ou Érythréens, qui ont droit à l’asile politique, sont en France en situation irrégulière parce qu’ils sont passés par l’Italie, on fait semblant de ne pas les voir. Or on pourrait, de façon digne, leur accorder ce premier accueil, tout en traitant leurs demandes de façon individuelle, et non pas collective, contrairement à ce qui nous a été opposé. Ils pourraient ainsi avoir accès à leurs droits.
Pour Paris, c’est important – on voit bien l’importance de ce qui s’y passe, à chaque fois que cela se passe. Il faut cesser de traiter ces situations dans l’urgence ; toutes les villes d’importance demandent des centres d’hébergement de premier accueil.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux communes d’accueillir pour une durée maximale d’un mois des étrangers qui ne disposent pas d’un domicile stable.
L’article 9 du texte me semble satisfaire cet amendement, avec la consécration légale des CAES, les centres d’accueil et d’examen des situations, qui sont justement destinés à cette fin.
En outre, rien n’empêche les communes d’organiser elles-mêmes cet hébergement, dont elles peuvent parfaitement, le cas échéant, maîtriser les modalités.
La commission et son rapporteur n’entrent pas dans la particularité des débats avec les communes.
Avis défavorable, donc.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. J’entends bien les propos du rapporteur ; mais, comme vous le savez, une commune ne peut pas gérer à la fois l’amont, le centre et l’aval.
Qu’a-t-on vu à Paris ? Tant que l’État assurait l’aval, c’est-à-dire tant qu’à la sortie du centre humanitaire les migrants étaient répartis dans les centres des différentes autres communes, le premier centre a quasiment rempli sa fonction, et on n’a pas connu de reconstitution des campements de rue. Mais à partir du moment où l’État a cessé d’assurer cette orientation d’aval, et dès lors que le centre a fermé, les campements de rue se sont reconstitués.
Permettre aux communes de mener cette action, leur donner la légitimité de la loi, c’est instaurer un rapport plus équilibré avec l’État dans la discussion sur l’aval, sur ce qui vient après ce centre.
S’agissant de l’amont, mon collègue David Assouline l’a dit : ces centres visent à répondre à ce qui constitue quand même un angle mort du projet de loi, à savoir la question des « dublinés ».
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Mon collègue Jomier a répondu aux petits éléments donnés par le rapporteur, qui a dit qu’il existe déjà des CAES. Non ! On voit bien qu’ils ne remplissent pas cette fonction.
Il s’agit, d’abord, du premier accueil ; il s’agit, ensuite, qu’un travail puisse être effectué, dans des conditions dignes et humaines, pour diriger les migrants vers les différents centres existants.
Or, je le répète, lorsque 600 Érythréens, qui savent qu’ils ont toute légitimité à obtenir l’asile politique, savent aussi qu’ils sont en situation irrégulière du point de vue de Dublin, ils se cachent, ou individuellement ou en groupe, et, en général, ils se regroupent – c’est ce qui s’est passé sous le pont de la Chapelle.
Que ce premier accueil puisse se faire sous les ponts, c’est une indignité pour un pays comme le nôtre – ceux qui ont été voir le savent : huit semaines, les pluies, les inondations, en bord de Seine, deux noyés, la promiscuité totale, les risques d’épidémies, des gosses mélangés à tout ça !
Nous voulons simplement que des centres soient dédiés à cet accueil, aux premiers soins, au nom de la dignité, afin que les demandes d’asile puissent être faites, avec l’aide des associations, et afin que les demandeurs puissent ensuite être dirigés vers les dispositifs déjà existants.
Au lieu d’organiser cet accueil au coup par coup, parce qu’on y est obligé, par le biais de gymnases notamment, comme cela s’est toujours passé, nous demandons qu’une politique soit définie et que les communes aient la légitimité, par la loi, de pouvoir mettre en place ledit accueil. Beaucoup de communes le demandent ; elles veulent prendre des responsabilités. Que la loi leur donne cette possibilité !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Mes chers collègues, le rapporteur et le ministre vous expliquent, de bonne foi, en toute sincérité, que votre amendement est très largement satisfait,…
M. David Assouline. Mais non !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … et vous revenez encore, dans vos explications de vote, sur l’exposé de vos motifs.
Mais en fait, que constate-t-on ? Vous savez bien que 70 % des demandeurs d’asile seront déboutés du droit d’asile, si bien que nous avons à traiter un problème massif, qui est un problème de société : c’est que le demandeur d’asile n’a généralement pas droit à l’asile.
M. David Assouline. Ce n’est pas le cas des Érythréens et des Soudanais !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous allons naturellement lui permettre de défendre ses chances, et nous faisons en sorte que des garanties lui soient apportées.
Mais nous ne pouvons pas nous mettre systématiquement du côté du demandeur d’asile, comme si sa demande allait être probablement admise, alors que nous savons que la réalité est que, dans 70 % des cas, elle ne le sera pas.
Le problème que nous avons à traiter ici, qui est le problème principal, n’est pas de construire un système de garanties supplémentaires pour les demandeurs d’asile,…
M. David Assouline. Non ! C’est un problème de dignité humaine !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … car la France peut s’honorer d’avoir un système extrêmement protecteur qui remplit intégralement nos obligations internationales.
Le problème d’aujourd’hui, la question qui nous est posée, que la réalité nous impose de traiter, est celle de savoir comment faire pour réguler la demande d’asile de telle manière qu’on ne multiplie pas les déboutés du droit d’asile, lesquels viennent engorger nos dispositifs d’accueil. (M. David Assouline s’exclame.)
Mme Esther Benbassa. Nous savons tout cela !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. L’enjeu n’est pas de créer davantage de dispositifs d’accueil ; nous n’en avons pas besoin pour traiter les demandes d’asile légitimes !
M. David Assouline. Vous n’avez pas lu l’amendement !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ce débat sous-jacent, il faut quand même réussir à le formuler ; sinon, vous allez continuer à vous faire les porte-étendards du demandeur d’asile qui sera débouté, tandis que nous allons continuer, sans le dire – mais nous devons aussi l’assumer –, à nous faire les défenseurs d’un système conçu pour éviter que notre dispositif, dont la vocation est de faire respecter les droits légitimes des demandeurs d’asile, ne soit « embolisé » par des étrangers qui, en réalité, le détournent pour essayer d’obtenir un titre de séjour durable en France. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. David Assouline. Tout cela n’a rien à voir avec l’amendement !
Mme Esther Benbassa. Quel rapport avec l’amendement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Républicains, l’autre, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 153 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 217 |
Contre | 114 |
Le Sénat a adopté.
Article 9 bis AA (nouveau)
Après les mots : « réinsertion sociale », la fin de la première phrase du 4° du IV de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigée : « , des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, des centres provisoires d’hébergement mentionnés aux articles L. 345-1, L. 348-1 et L. 349-1 du code de l’action sociale et des familles et des centres d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile. » – (Adopté.)
Article 9 bis A
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre V du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 751-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 751-3. – Dans l’attente de la fixation définitive de son état civil par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire peut solliciter le bénéfice des droits qui lui sont ouverts en application du code du travail, du code de la sécurité sociale, du code de l’action sociale et des familles ou du code de la construction et de l’habitation, sur la base de la composition familiale prise en compte dans le cadre de la procédure d’asile prévue au titre IV du présent livre.
« Un décret fixe les modalités d’application du présent article. » – (Adopté.)
Article 9 bis
Le I de l’article L. 349-3 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’accès aux centres provisoires d’hébergement, il est tenu compte de la vulnérabilité de l’intéressé, de ses liens personnels et familiaux et de la région dans laquelle il a résidé pendant l’examen de sa demande d’asile. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 9 bis
M. le président. L’amendement n° 484 rectifié, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les articles 19-1, 19-3, 19-4 et 20-5 du code civil sont abrogés.
II. – Au deuxième alinéa de l’article 20 du même code, les références : « 19-1, 19-3 et 19-4 » sont supprimées.
III. – Les articles 23 et 25 de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 complétant et modifiant le code de la nationalité française et relative à certaines dispositions concernant la nationalité française sont abrogés.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Les changements majeurs, pour ne pas dire révolutionnaires, intervenus dans les flux migratoires ces dernières années nous imposent – ou devraient nous imposer – une refonte profonde des règles de délivrance de la nationalité française. Nous devons pouvoir choisir au cas par cas qui aura la chance, pour ne pas dire l’honneur, de devenir Français.
Cet amendement vise à supprimer tous les articles de notre législation qui consacrent le droit du sol.
Je le rappelle pour mémoire, l’un de nos anciens collègues, alors ministre de l’outre-mer, avait déclaré au mois de septembre 2005, après une visite à Mayotte, que, pour certaines collectivités d’outre-mer, « le chantier le plus important, c’est l’immigration » ! Le ministre François Baroin, libéré de toute idéologie, libéré aussi de ses lectures (M. Roger Karoutchi rit.), avait pris conscience de la réalité de l’immigration en général, et de l’immigration clandestine à Mayotte en particulier, d’où son souhait de modifier le code de la nationalité.
Cette proposition a bien sûr été refusée par le Président de la République de l’époque, grand architecte de l’immigration de masse, M. Chirac, avant d’être frappée d’inconstitutionnalité. On ne peut évidemment pas avoir un droit du sol en métropole et un droit du sang dans nos collectivités d’outre-mer.
Mes collègues à l’Assemblée nationale ont déposé une proposition de loi constitutionnelle qui est au fondement de notre contre-projet. Nous souhaitons inscrire dans la Constitution une mesure que nous considérons comme préalable à toute politique d’immigration. Nous proposons ainsi d’introduire, après l’article 2 de notre Loi fondamentale, la disposition suivante : « Nul étranger ne peut accéder à la nationalité française s’il ne l’a demandé, s’il n’est assimilé à la Nation et s’il ne satisfait aux autres conditions requises. » Ces conditions sont, par exemple, de ne pas avoir été condamné pour crime ou délit ou de ne pas être fiché S.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est important : il vise purement et simplement à supprimer le droit du sol. La commission y est évidemment défavorable.
Il ne me semble pas concevable de remettre en cause par un simple amendement un principe aussi important que le droit de la nationalité, auquel nombre d’entre nous sommes très attachés. Cela supposerait un travail beaucoup plus approfondi et anticipé.
Je tiens tout de même à rappeler quelques principes.
Les dispositions relatives à l’acquisition de la nationalité par le droit du sol sont prévues depuis le XIXe siècle en droit français.
Le code civil distingue l’attribution et l’acquisition de la nationalité française. L’attribution de la nationalité française vise ceux qui naissent français. Elle obéit aux deux principes traditionnels du droit français de la nationalité que sont le droit du sang, c’est-à-dire est français l’enfant né d’au moins un parent français, et le double droit du sol, c’est-à-dire est français l’enfant né en France d’au moins un parent lui-même né en France. Le code civil distingue en outre plusieurs modes d’acquisition de la nationalité française visant ceux qui, ayant une nationalité étrangère, deviennent ensuite français. Il prévoit notamment l’acquisition par la naissance et la résidence en France, la nationalité étant acquise à la majorité de l’enfant. Elle peut faire l’objet d’une déclaration anticipée de la part du mineur de plus de seize ans, ou formée par les parents au nom de l’enfant à partir de ses treize ans.
Ces principes sont anciens, mais ils ont fait leurs preuves.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne serais pas intervenu sur cet amendement, car je partage ce qu’a dit notre rapporteur, si M. Ravier n’avait pas fait allusion aux fiches S.
Subordonner le droit de la nationalité aux fiches S est proprement insensé, pour une raison que nous devons constamment rappeler : l’immense majorité des personnes qui sont fichées S n’ont commis aucune infraction, aucun délit, aucun crime. C’est un fichier qui fait partie des outils du renseignement, outils utiles, car le renseignement est nécessaire dans la lutte contre le terrorisme.
Cela procède d’un certain nombre de déclarations politiques tendant à dire que toute personne fichée S devrait être emprisonnée ou expulsée. Or, mes chers collègues, vous le savez tous, lorsqu’une personne commet une infraction, un délit ou un crime, cela relève de la justice !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois, a eu la bonne idée de nous convier à constituer un groupe de travail présidé par François Pillet sur les fichés S. Cela me paraît nécessaire pour éviter de telles confusions, qui n’ont vraiment aucun sens.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. On ne peut évidemment que s’opposer à un tel amendement. Je remercie M. le rapporteur d’avoir rappelé quelques principes.
Le droit de la nationalité va faire l’objet d’autres amendements. Nous mesurons là, me semble-t-il, les dangers d’un texte sur l’immigration, l’asile et l’intégration dans lequel on voudrait insérer des amendements concernant les dispositions du code civil relatives à la nationalité.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Jacques Bigot. Le droit du sol, stabilisé depuis la loi du 16 mars 1998 relative à la nationalité, est extrêmement précis. L’enfant né en France de parents étrangers n’acquiert pas d’office la nationalité française. Il l’acquiert à la majorité, à condition de justifier qu’il a vécu en France de manière continue ou discontinue pendant cinq ans depuis l’âge de onze ans et qu’il dispose d’une résidence en France au moment où il veut acquérir la nationalité. Autrement dit, c’est quelqu’un qui est présent sur le sol français et qui a pu s’intégrer grâce à l’école.
Trop de gens croient que l’on peut arriver sur notre territoire, avoir des enfants et acquérir la nationalité française. Or ce n’est pas possible ; il faut le répéter.
De tels amendements montrent bien que le populisme est à nos portes. C’est contre ce populisme qu’il faut lutter !
Pourtant, comme le soulignait notre collègue de Savoie ou comme le montre l’exemple que j’ai mentionné précédemment à propos de la commune du Luc, les étrangers sont acceptés en France. La vision de masse est dangereuse, alors que la vision individuelle de nos concitoyens reste humaniste et généreuse. C’est à nous, élus, de le rappeler ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Esther Benbassa et Laurence Cohen, ainsi que M. Fabien Gay applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Il est absolument essentiel de bien le comprendre : ce qui définit la communauté nationale, ce sont les dispositions du code civil relatives au droit de la nationalité. Notre conception du droit du sol n’a rien à voir avec la manière dont la nationalité est conférée aux États-Unis.
Comme l’a rappelé notre collègue Jacques Bigot, un enfant né en France de parents étrangers a des possibilités d’acquérir la nationalité française à partir de l’âge de treize ans, mais avec des conditions exigeantes et précises de durée sur le territoire français.
Tous ceux qui, par leurs propositions ou discours, font croire que le droit du sol en France consiste simplement à naître en France propagent des idées fausses et sont responsables de certaines évolutions. Il me semblait utile de le rappeler.