Mme Esther Benbassa. Et alors ?
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Ladislas Poniatowski. Madame la ministre, soyons un peu plus sérieux ! Il faut réfléchir à une éventuelle remise en cause de la venue de ces imams pour le ramadan. Ces imams ne sont absolument pas contrôlés : on ne sait pas qui ils sont, même si l’on sait qu’ils proviennent pour la plupart de quatre principaux pays, et on ne sait pas non plus ce qu’ils viennent prêcher !
Au demeurant, je le répète, je voterai contre ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Au moment du vote, je voudrais une nouvelle fois dire que cet amendement vise à éviter que, faute de formation, des ministres du culte véhiculent des messages contraires au respect des valeurs républicaines de notre pays. Je veux surtout insister sur le fait que c’est grâce à cette formation que l’on pourra faire en sorte que, demain, ces guides, ces chefs, ces imams portent la parole d’un islam modéré, adapté à notre pays, auprès des fidèles.
« Le texte dans le contexte », dit-on. Avec cette mesure, j’ai le sentiment que nous pourrions travailler pour l’avenir, sur le moyen, voire le long terme, à l’opposé des textes répressifs que l’on adopte malheureusement de manière ponctuelle après chaque drame.
J’ai entendu que mon amendement présentait un risque d’inconstitutionnalité. Là encore, je souhaite rappeler qu’à la lecture des études approfondies de deux éminents constitutionnalistes que j’ai consultés, ce risque n’est pas certain ! (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
Je relis ce qu’a écrit l’un d’eux : « Il est extrêmement délicat d’anticiper une quelconque réponse, tant de la part du Conseil constitutionnel que de la Cour européenne des droits de l’homme, dans un sens ou dans l’autre ». Pour ma part, compte tenu des enjeux pour notre pays, je pense qu’il faut prendre ce risque. Le juge constitutionnel ou conventionnel appréciera ensuite, selon la règle dite « du contrôle de proportionnalité ».
Certes, une telle mesure implique du courage politique, car il faudra l’assumer, mais, dès lors que cette qualification et cette formation sont définies par les confessions concernées, mes chers collègues, l’ingérence étatique est essentiellement formelle !
Lorsque, les 17 et 18 mars dernier – c’était hier ! –, l’Union des mosquées de France, encore elle, a proposé « de travailler sur la mise en place d’un socle commun de compétences, facilitant l’évaluation et la procédure d’agrément des cadres religieux », était-on si éloigné d’un accord avec cette communauté ? Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Union des mosquées de France !
M. André Reichardt. Je persiste à le dire, je voterai avec conviction cet amendement. Il me paraît adapté à une laïcité qui, selon moi, ne doit pas être comprise comme l’interdiction faite à la sphère publique de s’occuper d’une question religieuse lorsqu’elle pose problème !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’aimerais répondre à M. Poniatowski par une comparaison, même si elle est morbide, je vous l’accorde.
En 2017, on comptabilisait quelque 11 650 morts à la suite de massacres perpétrés dans des établissements scolaires par des individus qui ont tué à l’aveugle, sans aucune justification.
M. Ladislas Poniatowski. Pas en France !
M. Pierre Ouzoulias. Cela viendra !
Avec cet exemple, je veux montrer que ces jeunes, car il s’agit généralement de jeunes, ont agi au nom d’une culture nihiliste, d’une culture de la mort, d’une négation des valeurs humanistes que nous portons. Si ces personnes avaient revendiqué leurs actes au nom de la religion, nous n’aurions pas épuisé la question de la justification de ces morts.
Pour répondre aux questions importantes que vous posez, nous devons en effet combattre les ennemis de la République, mais nous devons le faire avec les armes laïques de la République. Je ne vois pas l’intérêt qu’il y aurait à nous déporter sur le terrain de la religion pour le faire.
Des membres de ma famille ont payé de leur vie, de leur sang, la défense de nos libertés. Je serais prêt à les défendre avec la même vigueur, mais aussi avec les outils de la République. Ceux de la religion ne m’intéressent pas !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voudrais rebondir un instant sur les propos que j’entends et faire de la politique.
Aujourd’hui, le groupe Les Républicains s’apprête à voter contre mon amendement et celui d’André Reichardt, alors que, demain matin, on retrouvera ses dirigeants dans la rue en train d’exiger des lois de plus en plus répressives, des mesures de plus en plus fantaisistes contre les fichés S, des dispositifs totalement extra-juridiques et sans base légale…
M. Philippe Dallier. N’en jetez plus, la coupe est pleine !
Mme Nathalie Goulet. Mon cher collègue, cela s’est déjà vu !
Certes, on se situe dans un cadre un peu particulier avec ce texte. Je comprends parfaitement l’exercice contraint auquel nous nous livrons avec une proposition de loi dont la constitutionnalité est contestée. J’ai bien écouté et parfaitement compris les débats : nous avons paramétré de nouveau certaines dispositions, car, c’est vrai, le texte était perfectible, ce que j’ai du reste souligné lors de la discussion générale.
Toutefois, on a tout de même un travail important à réaliser en amont en ce qui concerne la formation des ministres du culte !
Monsieur Ouzoulias, j’ai dit à cette tribune qu’il fallait que la loi républicaine soit appliquée partout et que c’était aux religions de s’adapter à la République, non à la République de s’adapter aux religions. Je partage donc complètement votre position sur les outils républicains, dont vous assurez la promotion à juste titre. Je tiens simplement à dire que la demande d’une formation civique pour tous les ministres du culte ne me semble pas être une mesure antirépublicaine !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Les interventions des uns et des autres font rebondir le débat… Je me satisfais des avis émis à la fois par la commission et le Gouvernement. Je ne voterai évidemment pas ces amendements.
Cela étant, je tiens tout de même à le signaler aux auteurs de cette proposition de loi, qui défendent ces amendements, en exigeant une formation spécifique assurant une connaissance suffisante des principes civils et civiques, des rites de cette confession et de la langue française – c’est l’amendement n° 9 rectifié de notre collègue André Reichardt –, on se place sur le terrain de la formation religieuse.
Par ailleurs, laisser la confession concernée définir la qualification et la formation exigées, après consultation du conseil consultatif des cultes, l’instance dont Mme la rapporteur soutient la création, signifie que ce conseil consultatif se verrait confier une mission de contrôle : on est là bien au-delà du principe de laïcité !
Il faut non seulement revoir la loi de 1905, mais aussi revoir la Constitution. Certes, on trouvera toujours un constitutionnaliste qui estimera qu’une disposition de cette nature n’est pas forcément anticonstitutionnelle et qu’il est impossible de le savoir à l’avance. C’est en effet à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité que le Conseil constitutionnel jugera peut-être un jour qu’une telle loi ne tient pas. Mais, franchement, il faut être sérieux et ne pas se raconter d’histoire : aujourd’hui, on ne peut pas adopter de tels amendements.
Enfin, madame Goulet, vous ne pouvez pas affirmer que, grâce à la mesure sur la formation civique des ministres du culte que vous proposez, il n’y aura plus d’individus incités à devenir terroristes. Bien souvent, ceux-ci se radicalisent au contact de personnes qu’ils rencontrent là où ils sont incarcérés ou lorsqu’ils visionnent des sites internet, sans même aller dans les mosquées. (Mme Nathalie Goulet acquiesce.) Tel est le problème !
Personnellement, même si le dispositif mériterait peut-être d’être renforcé, je préfère que l’on s’en tienne à la possibilité qui nous est donnée aujourd’hui de contrôler ce qui se dit dans les mosquées au nom de l’ordre public et d’aboutir, s’il le faut, à des fermetures de mosquées, voire à des poursuites contre ceux qui prôneraient le terrorisme. C’est là que réside la solution, et non dans les mesures qui sont en débat aujourd’hui !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 126 :
Nombre de votants | 296 |
Nombre de suffrages exprimés | 296 |
Pour l’adoption | 1 |
Contre | 295 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 6.
J’ai également été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Mme Nathalie Goulet. Je retire mon amendement, madame la présidente ! On ne va pas faire d’acharnement thérapeutique… (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 6 est retiré.
En conséquence, l’article 4 demeure supprimé.
Article 4 bis (nouveau)
Tout aumônier recruté par contrat, sur la proposition du culte dont il relève, atteste, dans les six mois suivant la signature de son contrat, d’une formation civile et civique, dès lors qu’il intervient :
1° Dans un établissement mentionné à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
2° Dans un établissement pénitentiaire mentionné à l’article 724 du code de procédure pénale ;
3° Dans les forces armées mentionnées à l’article L. 3211-1 du code de la défense.
Les aumôniers déjà en fonction lors de l’entrée en vigueur de la présente loi attestent de la formation civile et civique mentionnée au premier alinéa du présent article dans les six mois suivant la date de promulgation de la présente loi.
Les modalités de la formation civile et civique mentionnée au même premier alinéa sont fixées par décret en Conseil d’État.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 3 est présenté par M. Masson.
L’amendement n° 17 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guillaume, Mme Jouve et MM. Menonville et Requier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 3 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Mon amendement tend à supprimer l’article 4 bis, qui traite des aumôniers et de leur formation.
J’ose espérer que les aumôniers embauchés, choisis et rémunérés par l’État respectent déjà des critères de formation bien définis, qu’ils officient dans les prisons, les hôpitaux, ou auprès des militaires français.
Mme Nathalie Goulet. Eh non !
Mme Françoise Laborde. Pourtant, ma chère collègue, il existe déjà un décret relatif à la formation civile et civique des aumôniers, le décret n° 2017-756 du 3 mai 2017.
En réalité, l’article 4 bis, qui a été introduit en commission des lois, inscrit dans la loi des dispositions proches de ce décret. Cela signifie que ce texte réglementaire, certes très récent, ne serait pas bien appliqué ou que l’on manquerait de recul pour en contrôler l’application. Quoi qu’il en soit, l’introduction de cet article me semble quelque peu prématurée.
En outre, j’ai une réserve par rapport à la formation retenue. Celle-ci dure douze mois et son contenu nécessiterait d’être évalué. En l’état actuel des choses, et compte tenu du faible recul dont on dispose par rapport au décret du 3 mai 2017, je propose la suppression de l’article 4 bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous avons tout à l’heure clairement rejeté la proposition de formation des ministres du culte. Nous discutons maintenant des aumôniers qui interviennent dans les prisons, dans les hôpitaux et dans les armées, c’est-à-dire dans des lieux où les gens doivent pouvoir exercer leur liberté de culte, mais ne peuvent se rendre à l’extérieur.
L’État recrute et rémunère des aumôniers de différents cultes pour exercer dans ces lieux, qui sont sensibles. Je le rappelle, la radicalisation se fait parfois en prison. Il me paraît donc nécessaire, par précaution, de reprendre sous une forme différente le décret qu’avait signé Bernard Cazeneuve lorsqu’il était ministre, lequel, je le rappelle, prévoyait une formation diplômante.
Pour notre part, nous considérons que l’État ne peut pas imposer aux cultes une telle formation. Nous proposons donc une formation civile et civique non diplômante. Je remercie Mme la ministre de nous avoir donné des nouvelles très fraîches, si je puis dire, de l’avancement du recours qui a été fait contre ce décret. Quelqu’un a rappelé à juste titre que ce recours a été intenté non par des musulmans, mais par l’Église catholique.
À ce stade, permettez-moi de faire un aparté. Nous avons demandé aux représentants de l’Église catholique que nous avons rencontrés quels étaient les motifs de ce recours. Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, les peurs qui saisissent notre société aujourd’hui conduisent au développement d’une laïcité excessive, radicale, voire hostile aux religions. L’Église catholique de France, en déposant ce recours, souhaite que les difficultés que nous rencontrons avec certaines religions ne provoquent pas de dégâts collatéraux sur les cultes qui s’exercent dans le cadre de l’espace républicain.
On ne sait pas aujourd’hui quelle sera la décision finale du Conseil d’État. Pour ma part, je propose de maintenir cet article et d’inscrire dans la loi que les aumôniers recrutés par l’État pour exercer dans des lieux très sensibles, comme les prisons, doivent suivre une formation civile et civique. Cela me paraît assez naturel.
Chère collègue, j’ai donc le regret d’émettre un avis défavorable sur votre amendement, par cohérence avec les arguments que j’avance depuis le début de ce débat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement de suppression de l’article 4 bis, qui inscrit dans la loi l’obligation pour les aumôniers des forces armées, des établissements pénitentiaires et des centres hospitaliers de suivre une formation civile et civique.
Selon nous, il n’est pas nécessaire d’inscrire cette disposition dans la loi, dès lors qu’une obligation de niveau réglementaire, pour tous les aumôniers rémunérés et nouvellement recrutés à compter du 1er octobre 2017, d’obtention d’un diplôme sanctionnant une formation civile et civique agréée a été instaurée par le décret du 3 mai 2017 relatif aux aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires.
Une telle obligation relève, selon le Gouvernement, de ce niveau de norme, comme l’a confirmé le rapporteur public au Conseil d’État, qui a conclu hier, sur la requête dirigée contre ce décret, à la compétence du pouvoir réglementaire pour ce faire. Certes, ce n’est pas la décision définitive du Conseil d’État, mais notre avis est conforme à celui du rapporteur public.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. Je suis favorable à cet amendement, car je suis quelque peu gêné par l’article 4 bis que vous avez introduit dans le texte, madame la rapporteur.
Je regrette qu’André Reichardt soit parti – il n’était pas très heureux de la manière dont sont traités ses amendements, qu’il a d’ailleurs retirés, semble-t-il…
Mme Nathalie Goulet. Il avait un train à prendre !
M. Ladislas Poniatowski. En effet, il a été comme moi un membre assidu de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens des services de l’État pour faire face à l’évolution de la menace terroriste.
Dans ce cadre, nous avons eu la chance de rencontrer et d’entendre plusieurs aumôniers pénitentiaires, un musulman et un catholique – ils ne suivent pas de formation aujourd’hui –, des hommes remarquables, effectuant un travail formidable, dans le respect de leur religion, et sachant traiter une population particulièrement difficile – ce sont quasiment des psychologues.
J’indique au passage que je suis très inquiet par ce qui va se passer lorsque certains condamnés sortiront de prison. Comme vous le savez, quelque 450 détenus radicalisés sortiront de prison d’ici à la fin de l’année 2019, puis d’autres après eux.
Je voterai l’amendement de suppression de l’article 4 bis, car les aumôniers qui sont en place et qui n’ont pas suivi la formation que vous souhaitez imposer font un travail formidable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je suis favorable à cet amendement, car un décret a été pris. La disposition qui nous est proposée est très logiquement d’ordre réglementaire. Il s’agit en effet de définir dans quelles conditions l’État contractera avec les aumôniers intervenant dans les prisons, dans les hôpitaux et dans les armées. Il est normal d’exiger d’eux un diplôme, comme pour les vacataires travaillant dans les établissements publics. Je le répète, cette disposition relève incontestablement non pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. Je suis content de savoir que le rapporteur public du Conseil d’État va dans le même sens. Nous verrons bien ce que décidera le Conseil d’État au final.
J’ajoute que le décret est préférable à l’article du texte, qui prévoit simplement que tout aumônier recruté par contrat devra attester dans les six mois suivant la signature de son contrat d’une formation civile et civique. Le décret prévoit quant à lui qu’un diplôme est exigé au moment du recrutement, sauf, bien entendu, pour ceux qui sont en poste. Cet article est donc à mon sens moins performant que le décret pris par Bernard Cazeneuve.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Peut-être me suis-je mal exprimée ou ai-je des difficultés de compréhension en cette fin d’après-midi…
Monsieur Poniatowski, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention. Permettez-moi de revenir sur ce que j’ai proposé pour la formation des imams. Nous avons évoqué, même si ce n’est pas directement l’objet du texte que nous examinons aujourd’hui, ces lieux de grande fragilité, en termes de radicalisation, que sont les prisons.
Je n’ai jamais porté de jugement sur la façon dont les aumôniers exercent leur profession. Je n’ai jamais critiqué non plus le recrutement par l’État d’aumôniers, afin de permettre à ceux qui sont en prison ou dans les hôpitaux de pratiquer leur culte. J’ai juste dit qu’il me semblait évident et nécessaire, dès lors que ces gens exercent une mission particulière pour le compte de l’État, de s’assurer qu’ils le font dans un cadre républicain et qu’ils connaissent nos lois.
Il me semble, monsieur Poniatowski, que j’allais là dans le sens souhaité par M. Reichardt, qui demandait même que l’obligation de suivre une formation soit étendue à tous les ministres du culte, y compris dans des sphères que l’on a qualifiées de privées.
Monsieur Bigot, je vous avoue que je n’ai pas bien compris ce que vous venez de dire, mais sans doute est-ce aussi parce que nous sommes en fin d’après-midi… Nous avons pourtant tous gardé notre calme, ce dont je suis ravie.
De manière brillante, très solide et très respectueuse, vous avez indiqué votre souci que le principe de laïcité soit respecté et qu’il n’y ait pas d’ingérence dans les cultes. Quand certains ont parlé de formation et que j’ai rejeté cette idée, il m’a semblé que nous partagions la même vision des choses.
Nous proposons une formation qui n’est pas diplômante, c’est-à-dire que l’État ne dit pas quel doit être le contenu de la formation des aumôniers, il pose simplement un cadre civique et civil. Il me semble donc que l’article 4 bis est plus en phase avec le principe de neutralité que l’idée de formation diplômante de M. Cazeneuve.
M. Jacques Bigot. Les aumôniers sont au service de l’État !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur Bigot, avec toute l’amitié, très sincère, que je vous porte, il me semble que vous évoquez un crime que je n’ai pas commis, lequel serait de toute façon bien moins grave que celui qu’aurait commis M. Cazeneuve, avec tout le respect que j’ai pour lui. Je pense d’ailleurs qu’il n’est coupable d’aucun crime !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je soutiens absolument la position de la commission.
Pour avoir présidé la première commission d’enquête sur les réseaux djihadistes, en 2014, dans cette maison, pour avoir visité les lieux privatifs de liberté et avoir rencontré l’ensemble des aumôniers qui y travaillent, je puis vous dire que ce dont ils ont besoin, qu’ils exercent dans l’armée, dans les hôpitaux ou dans les prisons, c’est d’un statut, c’est d’être bien payés et d’avoir une formation, comme ils le demandent d’ailleurs. C’est une nécessité !
J’ai vu que vous aviez rencontré l’excellent aumônier militaire Abdelkader Arbi, qui est absolument formidable. Il fait de bons militaires et non pas de bons musulmans. Je le connais, nous l’avons auditionné plusieurs fois. Cela fait des années que nous suivons ce dossier. Esther Benbassa le connaît par cœur.
S’il est adopté, ce texte n’ira pas au-delà du Sénat, mais notre Haute Assemblée aura envoyé un signe important en insistant sur la formation non diplômante. Si le décret est confirmé, les choses avanceront telles que les a vues Bernard Cazeneuve.
Pour conclure, il faut envoyer un signal fort, car les aumôniers pénitentiaires et hospitaliers sont extrêmement importants face à des gens très fragilisés, dans des situations réellement difficiles. Il est positif d’évoquer leur cas, leur formation, leur statut et leur rémunération, qui sont, je le rappelle, au passage, tout à fait indignes du travail qu’ils accomplissent.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4 bis.
(L’article 4 bis est adopté.)
Article 5
(Supprimé)
Article 6
(Supprimé)
Article 7
I. – Au deuxième alinéa de l’article 421-2-5 du code pénal, après le mot : « commis », sont insérés les mots : « dans le cadre d’une réunion pour la célébration d’un culte ou ».
II. – Le septième alinéa de l’article 24, le deuxième alinéa de l’article 32 et le troisième alinéa de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sont complétés par une phrase ainsi rédigée : « La peine d’emprisonnement est portée à deux ans lorsque les faits ont été commis dans le cadre d’une réunion pour la célébration d’un culte. »
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par M. Masson, n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8
(Supprimé)
Chapitre II
(Division et intitulé supprimés)
Articles 9 à 11
(Supprimés)
Chapitre III
(Division et intitulé supprimés)
Article 12
(Supprimé)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Étant à l’origine de ce débat, je tiens à remercier les collègues qui ont bien voulu y participer.
Je remercie également Mme la ministre de sa patience sur un texte qui n’était pas inscrit à son agenda, ainsi que Mme la rapporteur de ses efforts pour aboutir à un texte dont le mérite est de poser des questions que nous aurons à retraiter à un moment ou à un autre.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. J’ai écouté religieusement les débats d’aujourd’hui. (Exclamations amusées.) S’il faut reconnaître que l’unification du régime juridique applicable aux associations cultuelles pourrait être justifiée par la volonté de tracer des lignes de démarcation plus claires entre les activités cultuelles et les activités non cultuelles, il serait à mon avis hâtif d’adopter un texte dont l’ossature contrevient manifestement à des libertés de nature constitutionnelle et conventionnelle.
Même si une solution de repli plutôt adroite a été trouvée par notre rapporteur, dont je salue le travail, pour instituer une obligation de formation pour les aumôniers intervenant dans les services publics pénitentiaires, hospitaliers et militaires, il n’est pas certain, comme l’a rappelé notre collègue Jacques Bigot, qu’elle relève de l’action du législateur.
Je me pose par ailleurs la question de l’opportunité et de la pertinence de ce texte pour les collectivités ultramarines. À Mayotte, mais également en Guyane, la loi de 1905 n’est pas appliquée. En conséquence, si la présente proposition de loi avait été adoptée dans sa version initiale, on aurait interdit aux cultes de s’organiser en loi 1901 sans leur permettre de s’organiser en loi 1905. Seul aurait été possible l’exercice des cultes et des missions religieuses des décrets-lois Mandel, ce qui est une formule peu utilisée.
J’attire solennellement l’attention de notre assemblée sur l’équilibre multiséculaire que la société mahoraise est parvenue à assurer dans notre République. Attention à ne pas rompre cet équilibre dans ce territoire où l’islam est non pas la deuxième religion, mais la première religion.
Je déplore donc que les auteurs de ce texte n’y aient pas songé, alors que, dans mon territoire, jamais la pratique de l’islam n’a posé de problème vis-à-vis des règles de la République.
C’est la raison pour laquelle je voterai contre ce texte.
Mme Esther Benbassa. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.