M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la nécessité d’apporter de la souplesse au fonctionnement des structures médico-sociales.
Dans un contexte de réforme du financement des établissements d’hébergement, la coopération entre les établissements sociaux et médico-sociaux peut constituer une piste pour réaliser des économies d’échelle, par la mise en commun de services et d’équipements.
Figurant déjà dans la loi du 30 juin 1975, cette dynamique de coopération entre établissements a été relancée par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale.
A ainsi été institué un nouvel outil de coopération : le groupement de coopération sociale et médico-sociale. Le régime juridique de ces groupements a été clarifié et simplifié par les lois de 2009 et 2015.
Madame la ministre, pourquoi ne pas inciter plus fortement les établissements à s’emparer de cet outil pour mutualiser les fonctions de support ? Une généralisation de ces groupements ne sera possible et, surtout, acceptée par les acteurs concernés que si leurs règles de fonctionnement sont assouplies et simplifiées.
De plus, sur un même territoire, parfois sur une même commune, les établissements médico-sociaux et les personnels qui y travaillent relèvent de régimes juridiques et de statuts différents : secteur privé, fonction publique territoriale ou fonction publique hospitalière. Dans cette hypothèse, comment favoriser les passerelles afin de mettre en place une meilleure mutualisation ?
La coopération peut être également une réponse pour améliorer les partenariats entre structures médico-sociales et permettre ainsi l’accueil de personnes handicapées vieillissantes.
Rappelons qu’en France nous sommes très en retard pour l’accueil des personnes âgées handicapées, qui se retrouvent souvent sans solution ou sont accueillies dans des EHPAD « classiques » qui ne sont pas adaptés à la prise en charge du handicap mental.
Madame la ministre, je vous remercie de me faire part de votre avis sur les différents points de mon intervention.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Philippe Mouiller, vous posez une excellente question, celle de la mutualisation des fonctions de support, des coopérations et des regroupements.
Beaucoup de choses restent à faire, même si, aujourd’hui, la loi permet de faire un certain nombre de coopérations. Effectivement, l’enjeu auquel nous faisons face est l’amélioration de l’efficience d’un certain nombre d’établissements ; certains ont une gestion extraordinaire, d’autres peuvent être accompagnés pour progresser et, peut-être, coopérer ou se regrouper afin de favoriser des mutualisations. Cela permettrait de dégager des fonctions de support un personnel plus proche des résidents.
C’est ce que nous souhaitons, et nous voyons bien qu’il s’agit d’un travail de dentelle, parce que, d’un département ou d’un bassin de vie à l’autre, les situations sont extrêmement différentes. Certains territoires sont d’ores et déjà très bien organisés ; d’autres vont devoir être accompagnés. Bien entendu, le Gouvernement réfléchira à tout ce qui, dans la loi, permettra d’introduire un assouplissement ou de favoriser les mutualisations entre les secteurs.
Pour revenir à votre question sur la prise en charge des personnes handicapées ou atteintes de pathologies psychiatriques, qui sont de plus en plus nombreuses, l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pourrait justement proposer des innovations organisationnelles, afin de favoriser les liens entre les différents secteurs et une prise en charge plus adaptée à ce type de résidents.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre société fait face au vieillissement de sa population, ce qui se traduit notamment par l’accueil, dans les EHPAD, de personnes de plus en plus âgées. Comme l’indique le rapport de la mission d’information sur ce sujet, en 2015, 38 % des résidents avaient plus de quatre-vingt-dix ans, contre 26 % en 2007.
En outre, parler de la situation des EHPAD, c’est avant tout s’intéresser à deux questions centrales : comment mieux vieillir ? Comment mieux accompagner les personnes âgées ? À cette occasion, je veux citer cette très belle phrase de Stephen Hawking, à qui je veux rendre hommage, « l’intelligence, c’est la capacité de s’adapter au changement ». Comme nous le constatons tous, notre société se transforme, les moyens de communication évoluent, la technologie également, et c’est là une bonne chose. Il appartient donc à la puissance publique, mais aussi aux acteurs privés, de s’adapter à ce changement.
Si j’ai souhaité intervenir dans ce débat, c’est justement pour parler d’innovation technologique. En effet, il faut savoir que 90 % des emplois et de l’activité de la « silver économie » sont orientés vers les services à la personne et vers les EHPAD ; voilà la réalité.
Par ailleurs, dans ce domaine, de formidables avancées ont été faites, aussi bien pour accompagner la personne âgée et sécuriser ses déplacements que pour améliorer sa qualité de vie et préserver son lien social, pour, au fond, faciliter son quotidien. Les exemples ne manquent pas : objets connectés pour prendre la tension ou le poids, piluliers informatisés, sols composés de capteurs pour prévenir les chutes, robots, tableaux interactifs, ou encore tablettes pour échanger avec l’extérieur.
Enfin, en dépit de certains discours parfois trop pessimistes, à nous, mes chers collègues, de défendre ces belles réussites, d’encourager ces start-up et de favoriser l’esprit d’entreprendre.
Madame la ministre, comment le Gouvernement entend-il soutenir ces acteurs économiques, mais également faciliter l’installation de ces nouvelles technologies, souvent très coûteuses pour les établissements ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Philippe Mouiller applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Guidez, vous avez raison, la silver économie est aujourd’hui au cœur du « bien-vieillir », et nous prendrons évidemment en compte cette filière dans le cadre de la feuille de route que nous ouvrons, puisqu’il s’agit d’une filière encore en devenir. Ce marché de la silver économie a été évalué, pour la France, à 92 milliards d’euros en 2013, et il devrait atteindre 130 milliards d’euros en 2020.
Au-delà de la structuration de cette filière et de l’appui à lui apporter, il faut se demander comment ces nouvelles technologies s’intègrent dans nos modèles et notamment dans les EHPAD, puisque certains de ces équipements peuvent contribuer à améliorer la prise en charge des personnes âgées. D’ailleurs, je veux rappeler que la télémédecine va d’ores et déjà se déployer en EHPAD, puisque nous avons mis de côté un financement pour équiper les EHPAD en dispositifs de télémédecine, afin d’éviter des hospitalisations inutiles.
Au-delà de la télémédecine, il peut y avoir des freins ou des réserves à utiliser ces nouvelles technologies, car leur degré de maturité et leur adaptation réelle à l’environnement ne sont pas toujours au rendez-vous. Aussi, il faut que l’on ait une véritable stratégie d’évaluation, d’abord, et d’achat, ensuite, de ces nouvelles technologies.
Cela rejoint la question que M. Savary posait il y a quelques instants à propos de la recherche sur la perte d’autonomie. Pour vous répondre à tous les deux, sachez que, dans le programme national de santé publique que j’ai présenté cette semaine, il y aura le pendant de cela : un plan de recherche en santé publique, dans lequel figureront les recherches sur la prévention de la perte d’autonomie. Ces nouvelles technologies pourront donc être évaluées, parce qu’il n’y a pas aujourd’hui de cadre très clair d’évaluation.
Enfin, nous inclurons évidemment cette silver économie dans la feuille de route. Nous essaierons d’identifier les besoins, de prendre en compte les attentes tant du personnel que des résidents, et d’améliorer notre capacité d’expertise – nous sommes un peu en déficit de capacité d’évaluation de ces nouvelles technologies –, pour les inclure dans notre dispositif.
Enfin, pour favoriser leur déploiement, il faut favoriser des mutualisations et des centrales d’achat dans les EHPAD, comme on en voit dans les hôpitaux. C’est quelque chose que nous allons favoriser.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la maltraitance financière est un phénomène dont il est encore peu courant de parler. Il n’y a pas de chiffre, mais les professionnels du secteur en témoignent, de plus en plus de personnes dont la vulnérabilité s’accentue avec le nombre d’années – nos aînés – sont touchées par ce fléau.
Cette maltraitance financière est difficile à quantifier tant il est de non-dits et de réserves à faire état des faits. Les victimes elles-mêmes n’ont parfois pas pleinement conscience d’être abusées ; de leur côté, les professionnels du secteur peinent à témoigner, faute d’une réelle protection des sources, pourtant inscrite dans la loi.
Il s’agit d’escroqueries, vols, abus de procuration, détournements d’aides sociales et emprises diverses perpétrés par des personnes proches ou tierces, avec pour dessein, comme le précise une première définition, « l’appropriation de ressources financières [d’une personne] à son détriment, sans son consentement ou en abusant de sa confiance ou de son état de faiblesse physique ou psychologique ». Cette première définition est issue d’un rapport rédigé par Alain Koskas, président de la Fédération internationale des associations de personnes âgées, et remis en 2011.
Cet auteur vous a remis en février dernier un nouveau rapport. Si un certain nombre de propositions ont été prises en compte dans la loi d’adaptation de la société au vieillissement, la maltraitance financière dans les EHPAD doit être un chantier à nouveau ouvert. Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge a décidé de se saisir pleinement du contenu de ce rapport, en l’inscrivant à son programme de travail au titre de l’année 2018.
Qu’en est-il, madame la ministre, des actions de ce gouvernement pour mettre en place des mesures et enrayer ce fléau qui touche nos aînés ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Michelle Meunier, la maltraitance financière représente effectivement un aspect encore défaillant de la protection des personnes et du respect de leurs droits, qui nécessitent un renforcement de certaines dispositions pour mieux identifier, prévenir et limiter ce risque d’emprise et d’abus. La maltraitance financière en établissement se caractérise surtout par des pratiques générales, comme la privatisation de leurs biens, la précarité financière et matérielle ou encore des pratiques commerciales et financières abusives.
La question de la maltraitance financière fait aujourd’hui l’objet d’une attention particulière, au travers notamment de l’encadrement renforcé des dispositions en matière de dons et de legs, d’une meilleure comparaison des prix à prestation donnée, de mesures de protection juridique des majeurs, et d’actions spécifiques de formation. Le portail national d’information pour l’autonomie des personnes âgées est également à disposition des proches.
Ce sujet doit effectivement être une priorité, vous l’avez dit, madame la sénatrice, et vous pouvez compter sur ma vigilance pour prévoir, dans la prochaine feuille de route, des mesures spécifiques dédiées à la maltraitance financière.
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial.
M. Édouard Courtial. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la situation dans les EHPAD est un enjeu majeur de politique publique parce que, d’une part, il s’agit de respecter la dignité de nos aînés et, d’autre part, il nous appartient d’anticiper un phénomène bien connu, celui du vieillissement de la population française. De nombreuses collectivités n’ont pas attendu pour agir et ont mis en place des politiques volontaristes dans ce domaine. C’est le cas du conseil départemental de l’Oise, dont j’ai eu l’honneur d’assumer la présidence.
Beaucoup de collègues vous alertent sur le manque de moyens humains ou matériels, mais, pour ma part, je tiens à appeler votre attention sur le point GIR départemental unique, issu de la réforme relative à la nouvelle tarification des EHPAD, qui nous a été imposée en 2015 par la précédente majorité et qui est entrée en vigueur l’année dernière. Il en résulte une convergence de la tarification à l’échelle départementale, mais ne prenant absolument pas en compte certaines spécificités locales, dont notamment le déséquilibre entre le nombre d’EHPAD publics et le nombre d’EHPAD privés – les EHPAD publics et associatifs sont les premiers concernés.
Ce point d’indice étant particulièrement bas dans l’Oise, le rattrapage devra être supporté par des finances départementales déjà fragilisées par la baisse des dotations, malgré un effort sans précédent de redressement, et il conduira in fine à une diminution de la prise en charge ainsi qu’à une rupture de l’égalité dans la relation entre département et patient.
Madame la ministre, vous avez déclaré à l’Assemblée nationale en janvier dernier : « pour ce qui est du modèle de financement, la réforme initiée en 2017, longuement travaillée avec l’ensemble des acteurs, sera poursuivie ». Pourtant, revenir à la tarification antérieure est une absolue nécessité, tant à court terme que dans la durée, car elle donne plus de souplesse aux collectivités locales, les plus à même de répondre aux besoins du terrain.
Madame la ministre, selon l’adage, on mesure le degré de sophistication d’une société à sa manière de traiter ses aînés ; faisons collectivement en sorte de nous montrer à la hauteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Édouard Courtial, je crois avoir déjà répondu, lors de mon discours liminaire, à cette interpellation sur la convergence tarifaire.
La réforme de la tarification, je l’ai dit, avait été bien évaluée du point de vue macro-analytique, mais elle n’avait pas fait suffisamment l’objet d’études d’impact au cas par cas ; j’en hérite. J’ai mis en place un comité de suivi et un médiateur, qui a fait émerger, sur le terrain, un certain nombre de problématiques, et qui doit me rendre un rapport contenant des propositions visant à neutraliser les effets négatifs de cette réforme.
Cela dit, par rapport à la dotation globale, cette réforme avait une philosophie vertueuse, je l’ai dit il y a quelques instants, consistant à être plus adaptée au degré de dépendance des résidents, à l’inverse d’une dotation globale qui était, pour certains établissements, purement historique. Néanmoins, elle a fait émerger des difficultés que je ne nie pas et sur lesquelles nous allons travailler.
En outre, pour ce qui concerne la partie « soins », l’État a pris ses responsabilités. Il convient maintenant de mieux réguler la partie « dépendance ». Dans son rapport, M. Bonne évoque l’idée qu’il n’y ait qu’un financeur, cela pourrait être une voie d’avenir, nous allons y travailler.
Je ne veux pas revenir complètement sur cette réforme parce qu’elle suit son cours ; il faut que j’en neutralise les effets négatifs ou néfastes, et nous réfléchirons collectivement à la phase suivante, au prochain modèle, qui sera peut-être très différent de celui-ci.
En tout cas, vous pouvez compter sur ma vigilance et sur le fait que les propositions du médiateur seront mises en œuvre.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout le monde l’a dit et redit dans cet hémicycle, le nombre de personnes âgées et très âgées dépendantes va considérablement croître d’ici à 2050. Nous devrons donc les accueillir dans de bonnes conditions de soins et de bienveillance, mais également dans des conditions financières satisfaisantes.
Tout le monde réfléchit, et vous l’avez également indiqué, madame la ministre, à de nouvelles formes d’accueil. Nous nous y employons déjà dans les départements ; nous expérimentons notamment les résidences autonomie, qui sont des solutions satisfaisantes, mais qui ne répondront pas aux besoins en matière d’accompagnement de fin de vie, puisqu’il s’agit bien de cela.
On parle aussi beaucoup de maintien à domicile ; nous y travaillons beaucoup dans nos départements, notamment avec les nouvelles technologies, dont ma collègue a parlé précédemment.
Cela dit, le coût du maintien à domicile est également très important pour les départements, en particulier pour les personnes âgées classées en GIR 1 et en GIR 2. Donc, en tout cas pour ce qui relève de la question financière, cela ne réglera pas tous les problèmes, il faudra créer, c’est inévitable, de nouvelles places d’ici à 2050, pour accueillir ces personnes âgées très dépendantes ayant besoin de soins importants. Nous devrons continuer de les accueillir dans des EHPAD.
Madame la ministre, alors que les comptes publics s’améliorent, ferez-vous le choix d’une programmation prévisionnelle de création de places dans les quatre ans qui viennent, et inciterez-vous ainsi les collectivités à créer des établissements publics, garants de tarifs nettement plus compatibles avec les revenus des Français, lesquels ne progresseront pas, on a pu le constater lors d’une audition sur l’avenir des retraites, au même rythme que l’allongement de la durée de vie ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Lubin, vous l’avez dit, le maintien à domicile est parfois aussi une difficulté. C’est la raison pour laquelle il me semble absolument nécessaire d’ouvrir aujourd’hui la réflexion sur toutes les modalités d’accompagnement des personnes âgées, en fonction de leur envie. En effet, nous avons deux modèles assez rigides – le maintien à domicile et l’EHPAD –, et très peu d’hébergements temporaires, de résidences autonomie ou de résidences seniors.
Or la réalité, c’est qu’une personne peut vouloir aller dans une résidence autonomie, une autre vouloir rester à domicile, et il faut impérativement que notre modèle s’adapte aux désirs des personnes âgées, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. J’espère donc bien proposer, dans la feuille de route, des modalités évolutives beaucoup plus agiles, permettant tout un éventail de solutions par rapport à un moment de vie de la personne. En effet, on peut même imaginer qu’une personne, à un moment de sa vie, perde de son autonomie, puis la récupère après un certain temps de rééducation. Il faut donc que les solutions ne soient pas fermées et définitives.
Pour ce qui concerne le nombre nécessaire de places d’hébergement, j’ai demandé au Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, le HCAAM, de faire, dans un rapport, de la prospective sur les besoins de places en EHPAD et de places intermédiaires.
En outre, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, nous avons d’ores et déjà prévu 4 500 nouvelles places d’hébergement en EHPAD, plus 1 500 places d’hébergement temporaire qui sont déjà financées pour cette année. Enfin, nous discuterons, dans quelques mois, des besoins pour 2019 ; ce rapport du HCAAM permettra de nous éclairer collectivement sur les besoins en la matière, en attendant d’avoir des modèles beaucoup plus souples à proposer à nos personnes âgées.
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la semaine dernière, en Lot-et-Garonne, trois ex-employées de la maison de retraite de Fumel ont été condamnées à quatre mois de prison avec sursis pour violences volontaires sur personnes vulnérables.
Cette affaire n’est pas isolée. Elle s’ajoute à une liste malheureusement longue de faits de maltraitance. La maltraitance peut être le fruit d’actes délibérés ou résulter, le plus souvent, d’une forte pression sur le personnel, qui ne peut exercer son métier consciencieusement. L’absence de moyens humains et financiers est mal vécue à tous les échelons : par le personnel en sous-effectif, obligé de travailler à un rythme de plus en plus difficile à tenir, par les patients à qui l’on prodigue des soins en mode dégradé, et par la famille de ces derniers, en situation de détresse morale.
Une fois rappelé ce lourd diagnostic, il convient de reconnaître que la colère est profonde et va bien au-delà d’un seul mouvement de grève. Dans le département dont je suis élue, cette situation est particulièrement critique.
Certes, des réponses ont été apportées – mise en place d’un numéro d’écoute et de signalement, création dans les conseils départementaux de cellules de contrôle de la qualité des services dans les EHPAD –, autant de démarches pertinentes qui attestent une bonne prise de conscience du problème et une volonté sincère d’agir, tant il semble nécessaire de trouver un système pérenne de financement de la dépendance des personnes âgées et primordial de répondre à la situation budgétaire implosive dans laquelle se trouvent certains EHPAD.
Néanmoins, il ne faut pas l’oublier, c’est bien le travail quotidien du personnel aidant qui définit la qualité de l’accueil d’une personne âgée. Madame la ministre, je m’interroge sur deux points : qu’allez-vous faire pour améliorer leur formation, garante d’un accompagnement de qualité, et qu’allez-vous faire pour revaloriser cette profession afin de mieux la rémunérer et de susciter davantage de vocations – vous parliez vous-même voilà quelques instants de difficultés de recrutement ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Bonfanti-Dossat, je veux signaler un petit glissement sémantique entre maltraitance institutionnelle et maltraitance individuelle. Quand on est condamné à quatre mois de prison, on parle de maltraitance individuelle et intentionnelle ; je ne crois pas que ce soit, fort heureusement, la situation dans la majorité des EHPAD. Mettons donc de côté ces trois personnes dont vous parliez et qui ont dû faire des actes très répréhensibles.
En ce qui concerne la difficulté à travailler en EHPAD et la question de la maltraitance et de la bientraitance, la secrétaire d’État Sophie Cluzel et moi-même avons mis en place la Commission de promotion de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance des personnes vulnérables, présidée par le conseiller d’État Denis Piveteau, qui connaît extrêmement bien ces questions et qui va nous faire des propositions.
Cette commission sur la bientraitance réunit des personnalités qualifiées, des représentants syndicaux et des représentants des fédérations. Il faudra effectivement aider à former le personnel des EHPAD pour favoriser les bonnes pratiques, c’est donc un enjeu de formation et de prise de conscience.
Pour ce qui concerne votre question sur la valorisation des carrières, je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, cela passe par la réécriture du référentiel des aides-soignantes, par un meilleur plan de gestion des carrières et des compétences – je vais y travailler avec la ministre du travail – et par l’ouverture de perspectives à ces professionnels qui s’engagent.
Enfin, il faut travailler, je l’ai dit également et on n’en a pas beaucoup parlé, à un meilleur accompagnement de la fin de vie en EHPAD, parce que, quand on discute avec ces professionnels, notamment avec les plus jeunes, on réalise que c’est aussi l’une des difficultés, au-delà de la charge de travail, qui rendent le métier extrêmement difficile à exercer.
Mme Françoise Gatel. Bien sûr !
Mme Agnès Buzyn, ministre. La douleur, le fait de ne pas être aidé pour accompagner dignement et correctement des personnes en fin de vie posent la question des soins palliatifs…
Mme Françoise Gatel. Oui !
Mme Agnès Buzyn, ministre. … et de notre capacité à les mettre en œuvre en EHPAD. Tout cela doit être amélioré dans la stratégie que nous allons proposer.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Bertrand.
Mme Anne-Marie Bertrand. Madame la ministre, nous estimons que, en 2050, une personne sur trois aura plus de soixante ans. L’allongement de la durée de vie et l’augmentation des maladies chroniques et des pathologies psychiatriques nous obligent à prendre la mesure de la situation.
La Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés indiquait, à la fin de l’année 2017, que l’aide aux personnes âgées était le seul secteur, en France, qui voyait ses taux d’arrêt maladie et d’accidents du travail augmenter ; c’est à mon sens révélateur d’un réel malaise.
Les bas salaires du personnel entraînent une crise des vocations, et je crois pouvoir dire, sans trop prendre de risque, que personne ici n’a envie d’être accompagné à la fin de sa vie par un personnel épuisé et découragé.
Le personnel souffre de cette situation – je tiens d’ailleurs à leur manifester toute mon admiration – et, par voie de conséquence, les résidents et leurs familles aussi.
Les inégalités entre nos territoires sont criantes ; dans les Alpes-Maritimes, le point GIR est de 5,68, alors que, par exemple, dans la Creuse, il s’élève à 8,22.
Vous me direz sans doute que les conseils départementaux doivent faire un effort. C’est le cas dans les Bouches-du-Rhône, qui va l’augmenter à 6,06, pour un coût de 1,7 million d’euros, mais tous ne pourront pas le faire. Se défausser ainsi sur les départements ne fait pas honneur au Gouvernement et créera des inégalités insupportables face au vieillissement.
Madame la ministre, ma question est simple : quelles seront vos mesures pour assurer une plus grande équité de traitement dans l’accompagnement de nos aînés ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Bertrand, vous pointez du doigt peut-être une difficulté, ou quelque chose qu’il nous faudra discuter tous ensemble, à savoir que la politique du vieillissement est décentralisée. Le rapport de la Cour des comptes montre un rapport allant de 1 à 2,5 dans l’investissement des départements dans la dépendance et le vieillissement ; c’est probablement l’un des sujets que j’aurai à discuter avec Dominique Bussereau lorsque je le rencontrerai prochainement, car nous avons un travail collectif à mener pour ouvrir cette feuille de route.
Avec une politique très décentralisée, il faut que nous soyons tous en phase sur ce que nous sommes capables de financer. Je ne jette pas du tout la pierre aux départements, car certains d’entre eux sont en très grande difficulté du fait de leur démographie, il ne s’agit donc évidemment pas d’une critique dans ma bouche. Simplement, il est nécessaire d’harmoniser et de réfléchir ensemble sur les moyens de faire mieux collectivement pour mieux accompagner les personnes âgées.
Ensuite, vous avez parlé du personnel. J’ai déjà beaucoup dit sur le personnel en EHPAD. Il convient de revaloriser sa carrière, de lui donner plus de perspectives. Ce sont des emplois locaux, non délocalisables, pouvant avoir un intérêt dans beaucoup de territoires. Nous devons donc porter collectivement un autre regard sur ces emplois, car il s’agit aussi du regard de la société, pas seulement de l’État ou des départements.
Enfin – c’est quelque chose qui m’a été demandé par les fédérations –, nous devrons peut-être faire des campagnes de valorisation des métiers du soin, du care ; ce sont en réalité des métiers d’avenir parce qu’ils vont nous concerner et qu’ils permettront la cohésion sociale à l’avenir. Nous devons clairement porter un regard sociétal différent sur ces métiers-là, que j’essaierai de revaloriser pendant mon mandat.