M. le président. Je rappelle que chaque orateur dispose au maximum de deux minutes, y compris la réplique, avec une réponse du Gouvernement également pour un maximum de deux minutes.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les difficultés des EHPAD ne datent pas d’aujourd’hui.
En effet, l’entrée en EHPAD se fait dans un état de grande dépendance, avec un GMP d’établissement supérieur à 700, le personnel actuel est insuffisant pour gérer correctement la journée de nos aînés.
L’Assemblée nationale et le Sénat ont conduit une mission d’information. Je me permets d’émettre quelques avis.
Oui à la valorisation des actions de prévention, « dépendance nutrition », « escarres », qui, malheureusement, ne sont pas suffisamment reconnues aujourd’hui par le budget soins – pathos et pathos moyen pondéré, ou PMP.
Oui à la suspension de la réforme tarifaire de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, dite loi ASV, qui n’a rien apporté aux EHPAD et complexifie le calcul des dotations soins et dépendance. Il faut requalifier le forfait soins en se basant uniquement sur le GMP de l’établissement qui reflète sincèrement le niveau de dépendance et les moyens à mobiliser.
Oui, le médecin coordonnateur doit pouvoir prescrire en dehors de l’urgence, mais en informant le médecin traitant, celui-ci restant le médecin du pensionnaire. Contrairement à ce qui a pu être dit, cela n’entraîne pas de surmédicalisation.
Le problème des EHPAD n’est pas médical, mais il réside dans le manque de personnel. La proposition n° 1 du rapport de la mission de l’Assemblée nationale prévoit une norme d’encadrement « aide-soignante, infirmière » de 0,6 emploi par pensionnaire dans les quatre ans. Ce serait formidable, car cela reviendrait à doubler le personnel actuel, qui est de 0,3. Lorsqu’il était ministre, en 2006, notre collègue président de la commission des lois avait fait la même proposition. Je suggère une augmentation moins ambitieuse, mais immédiate : passer à 0,4 en 2019, et à 0,5 en 2020–2021. Ces emplois ne sont pas sanitaires, mais nécessaires, car ils relèvent de la surveillance, de la prévention et de l’accompagnement de la dépendance.
Les propositions nos 17 et 19 dudit rapport de l’Assemblée nationale préconisent d’augmenter les places d’hébergement temporaire et de jour. Cela va dans le bon sens.
La proposition n° 16 relative aux établissements entièrement dédiés aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer est possible en ville, mais pas en milieu rural.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Chasseing. Il faut une section Alzheimer par EHPAD, afin que les pensionnaires soient près de leur famille. La télémédecine est un « plus ».
Madame la ministre, les EHPAD sont incontournables et indispensables à nos aînés, mais ils doivent bénéficier d’un personnel suffisant pour prendre en charge ces derniers.
M. le président. Merci, mon cher collègue !
M. Daniel Chasseing. Ne pensez-vous pas que cela passe par une augmentation du nombre d’infirmières et d’aides-soignantes, ces nouveaux personnels étant exclusivement pris en charge par le budget de l’État ?
M. le président. Je rappelle à tous les orateurs que leur temps de parole est de deux minutes maximum.
Mme Laurence Cohen. Ce n’est même pas la peine de poser des questions…
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Chasseing, vous m’interpellez sur la proposition n° 1 du rapport Iborra. Je répondrai donc essentiellement à la question suivante : comment rendre opposable la norme d’encadrement de 60 équivalents temps plein pour 100 résidents ou, plutôt, aller vers celle-ci ?
Cette proposition, que nous avons chiffrée, équivaut à 0,3 point de PIB. Nous savons que la France dépense, d’ores et déjà, davantage que la moyenne européenne pour la dépendance. (M. Daniel Chasseing hoche la tête en signe de dénégation.) Cette mesure, qui représenterait un surcoût de 7 milliards d’euros par an, nécessiterait l’embauche de 140 000 aides-soignantes, alors même que nous avons du mal à en recruter aujourd’hui.
Nous avons décidé de nous atteler prioritairement à la compréhension des très fortes disparités entre les EHPAD pour ce qui concerne le taux d’encadrement. Celui-ci varie, par exemple, en fonction du statut juridique. Il peut ainsi être de 55 % ou de 70 %, selon qu’il s’agit d’un établissement public, privé, ou encore public non lucratif.
Il nous faut donc comprendre comment les établissements fonctionnent, et réduire ces disparités lorsqu’elles ne sont pas justifiées par une gestion plus uniforme. Nous avons mandaté l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, l’ANAP, afin qu’elle appuie les agences régionales de santé, les ARS, pour aider les gestionnaires d’EHPAD à comprendre certaines disparités.
Nous devons également optimiser le taux du personnel soignant par rapport à celui des autres personnels, en nous appuyant sur les meilleures pratiques. Dès lors que notre dépense est dans la moyenne haute européenne, il nous faut comprendre réellement ces différences, qui ne tiennent certainement pas à un taux d’encadrement moyen plus élevé à l’étranger, mais à des éléments organisationnels.
Nous essayons donc, au cas par cas, d’aider les EHPAD qui sont en situation de grande disparité à se rapprocher de la moyenne de leur département. Je le répète, nous avons demandé aux ARS de les soutenir via l’ANAP, une agence d’habitude plutôt orientée vers les établissements de santé qui accompagnera, en l’occurrence, les établissements médico-sociaux.
M. le président. La parole est à M. Olivier Léonhardt.
M. Olivier Léonhardt. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les choix que nous devons faire collectivement pour préparer au mieux l’importante transition démographique que représente le vieillissement de la population nous obligent tous.
Le récent et inédit mouvement social dans les EHPAD a fort heureusement placé ce sujet au cœur de l’actualité. Il fut d’abord question de dignité pour les résidents et de conditions de travail pour les 320 000 agents, les « hussards blancs, les invisibles de la solidarité », pour reprendre l’expression de mon ami Jérôme Guedj, ancien président de mon département de l’Essonne et spécialiste reconnu de ce sujet. Je veux rendre hommage, pour leur dévouement quotidien, à ces personnels soignants ou non soignants qui interviennent chaque jour auprès de plus de 700 000 personnes âgées.
Vous avez indiqué, madame la ministre, ne pas vouloir satisfaire la revendication « 1 personnel pour 1 résident ». Cependant, ne pourriez-vous pas ouvrir une perspective, un pacte que la société passerait avec nos aînés afin de renforcer la présence et les moyens humains dans nos EHPAD, pour être en phase avec les besoins des nouveaux arrivants qui requièrent, encore davantage que dans le passé, une présence renforcée ?
La mobilisation des professionnels et le soutien qu’elle a recueilli ne relevaient pas d’une revendication corporatiste, mais du réveil d’une société qui s’interroge sur les moyens qu’elle décide de consacrer à ses aînés et donc, in fine à chacun d’entre nous.
C’était aussi, d’une certaine manière, un formidable plaidoyer pour que notre société s’adapte au vieillissement, pas uniquement dans les EHPAD mais aussi à domicile, en faisant évoluer l’offre de logement, l’offre de transports, l’aménagement des villes, l’accès aux sports et à la culture, bref, en demandant à la société de s’adapter à ses aînés, et non l’inverse.
Madame la ministre, comment envisagez-vous de corriger les imperfections et d’amplifier le mouvement engagé en 2015 avec le vote de la loi dite ASV, mais insuffisamment porté au niveau interministériel et trop peu mobilisateur pour toute la société ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Léonhardt, pour répondre à votre dernière question, nous souhaitons, comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, ouvrir le dossier de l’accompagnement de nos aînés et du vieillissement de la population. Il s’agira en effet d’un phénomène auquel nos systèmes de financement et le regard de la société ne sont pas préparés.
Notre société n’est pas inclusive pour les personnes âgées dépendantes. Or, je le rappelle, nous serons plus de 5 millions de personnes âgées de plus de 85 ans en 2050. Nous devons dès maintenant préparer cet avenir, en proposant un modèle de prise en charge beaucoup plus proche des besoins des personnes. Aujourd’hui, elles n’ont le choix qu’entre leur domicile et l’EHPAD. Il faut proposer une offre beaucoup plus diverse, de façon à les accompagner progressivement vers la dépendance, et surtout leur permettre de privilégier le plus longtemps possible le maintien à domicile, ou en tout cas dans un lieu de résidence qu’elles auront choisi, ce qui est rarement le cas de l’EHPAD.
S’agissant du taux d’encadrement dans les EHPAD, celui-ci s’accroît : il a augmenté de 11 % en six ans. Chaque année, ce taux est en hausse, mais il est éminemment variable en fonction de l’état de dépendance des personnes. S’il est de 57 % pour la moyenne des établissements d’hébergement pour personnes âgées, il est ainsi de 38 % dans les EHPA, c’est-à-dire les établissements d’hébergement hors EHPAD, de 63 % dans les EHPAD, et de 103 % dans les unités de soins de longue durée, les USLD.
Vous le voyez, le taux d’encadrement est donc d’ores et déjà adapté au niveau de dépendance. Nous allons continuer, dans les années qui viennent, à augmenter le nombre de personnes présentes au chevet de nos personnes âgées, tout en réfléchissant à un modèle de société qui permette une société plus inclusive et le maintien à domicile si nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Abdallah Hassani.
M. Abdallah Hassani. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a peu, les personnels des EHPAD s’étaient mis en grève, directeurs compris. Épuisés, ils témoignaient d’une réelle détresse à se trouver en nombre insuffisant pour accompagner le quotidien des résidents avec l’humanité et la dignité nécessaires, ce qui aboutit à des situations que l’on peut qualifier de maltraitance institutionnelle.
Si je félicite le Gouvernement d’avoir pris la mesure de cette question, via son plan récemment annoncé, il reste pourtant essentiel de s’attarder sur le vrai problème, à savoir mettre en place un modèle d’organisation pérenne prenant en charge le vieillissement de la population, ce « cinquième risque ».
Est-il d’ailleurs à propos de parler d’un risque ? La vieillesse n’est pas un risque, elle est inéluctable, compte tenu de l’accroissement de l’espérance de vie. En 2050, la population de plus de 65 ans aura doublé et les dépenses pour la prise en charge de la dépendance pourraient aussi doubler en part de PIB. Il est donc primordial de nous préparer et nous adapter à ce défi de société.
Alors que certains cherchent, de manière un peu artificielle, à opposer maintien à domicile et placement en EHPAD, je pense que nous devrions essayer d’aborder les questions de soins et d’autonomie de façon globale.
On sait bien que, dans les EHPAD, certains budgets relèvent du conseil départemental, d’autres de la santé. Mais mettons-nous un instant à la place des personnes victimes d’une perte d’autonomie, ainsi que de leur famille et de leur entourage.
Certes, avec la réforme de la tarification, près de 400 millions d’euros de financements supplémentaires seront alloués aux EHPAD sur la période de 2017–2023.
M. le président. Il faut poser votre question, mon cher collègue !
M. Abdallah Hassani. Dans les lois de financement de la sécurité sociale pour 2017 et 2018, ce sont d’ores et déjà 285 millions d’euros qui ont été consacrés à l’amélioration du taux d’encadrement, de la qualité des accompagnements et des conditions de travail des personnels.
Aussi, madame la ministre, je souhaiterais savoir où en est la réflexion de l’instauration d’un système gérant de manière globale et complète la dépendance et son financement, car le reste à charge pour les familles risque de provoquer de nombreuses inégalités à l’avenir.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Hassani, vous m’interrogez sur le reste à charge des familles. Cette question mérite toute notre attention puisque beaucoup de familles ont aujourd’hui des difficultés à s’en acquitter.
Il est évidemment inenvisageable, dans le cadre de la réforme de la tarification, qu’elles subissent une augmentation de leur reste à charge. La question qui se pose aujourd’hui est plutôt de savoir comment faciliter l’hébergement en EHPAD pour les familles qui rencontrent des problèmes financiers.
C’est la raison pour laquelle nous voulons modifier aussi le schéma actuel des EHPAD, offrir davantage d’hébergements temporaires et de moments de répit pour les familles, faciliter les plateformes de services issus des EHPAD qui se rendraient à domicile. Toutes ces mesures permettraient de réduire considérablement le reste à charge des familles.
Se pose aussi, et depuis de nombreuses années, la question du financement du cinquième risque, certains préconisant des assurances privées, d’autres, au contraire, un financement de l’État.
Je veux rappeler que la réforme de la tarification améliorera de façon importante la prise en charge des soins dans les EHPAD : je l’ai dit, 85 % des établissements seront gagnants.
Nous avons fait un calcul afin d’évaluer le nombre de postes qui seront créés grâce au budget soins alloué par les différentes lois de financement de la sécurité sociale : pour accompagner cette réforme, 20 000 équivalents temps plein – ETP – seront dédiés, pour la partie soins, aux EHPAD.
Vous voyez que l’État fait un effort considérable, en dégageant 430 millions d’euros supplémentaires pour les six prochaines années. Cela ne préjuge en rien la réforme plus générale que nous devrons mener pour la prise en charge de la dépendance. Cette réforme que vous évoquiez dans votre question, nous l’ouvrons aujourd’hui à l’occasion de cette consultation.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Directeurs, professionnels exerçant dans les EHPAD, toutes et tous s’accordent à dire que le système est à bout de souffle.
Madame la ministre, nous vous avons auditionnée il y a un mois en commission des affaires sociales sur la situation des EHPAD. Face à mes questions sur ces métiers majoritairement occupés par des femmes, peu valorisés, faiblement rémunérés, vous m’aviez notamment répondu que ces femmes peu qualifiées avaient peu de perspectives, et que si l’on voulait recruter des aides-soignantes, il fallait améliorer l’attractivité du métier et promouvoir la gestion des carrières.
Je suis tout à fait d’accord. Mais, en attendant, je souhaiterais que vous puissiez m’expliquer comment ces salariées, qui sont déjà débordées faute d’effectifs et dont la liste des tâches s’allonge, en particulier à cause de la suppression de nombreux contrats aidés, pourraient mettre en application les formations, très parcellaires, qu’elles reçoivent ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Cohen, vous avez parfaitement pointé la difficulté de recruter dans les EHPAD, notamment des personnels aides-soignants.
Le nombre de personnes qui s’engagent dans la formation d’aide-soignante a été divisé par quatre en quelques années. Il y a donc un véritable manque d’attractivité de ces métiers. Nous travaillons, au sein de mon ministère, sur la réévaluation du référentiel du métier d’aide-soignant, qui répond à un engagement ancien, et relançons les concertations sur ce sujet.
Au-delà des enjeux statutaires et des problèmes d’effectifs, la perspective de carrière des aides-soignantes est aujourd’hui très fermée. Nous nous sommes engagés auprès des professionnelles que nous avons consultées voilà quinze jours à faciliter les formations, afin de permettre les reconversions à mi-carrière.
Nous devons également mieux former les personnels chargés de l’encadrement de ces métiers, afin de nous assurer que ces fonctions d’encadrement soient également proposées à ces métiers. Cela permettrait une valorisation des métiers exercés au sein des EHPAD. Nous allons aussi construire un plan Métiers et compétences, en lien avec le ministère du travail, les fédérations du secteur et les organismes de formation.
Nous prenons donc ce sujet à bras-le-corps, pour offrir à ces professionnelles des perspectives qui donnent envie, de nouveau, d’entrer dans ces carrières.
Certains ont également souligné la difficulté qu’il y a, pour des personnes de vingt ans, de s’engager dans une carrière d’aide-soignante et d’être confrontées aussi rapidement à la fin de vie. Nous devons, dans le cadre de la commission sur la qualité de vie au travail dans les EHPAD, réfléchir à la façon d’accompagner ces professionnelles qui doivent faire face quasiment chaque jour, alors qu’elles sont très jeunes, à des situations douloureuses.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Vos paroles, madame la ministre, entrent en écho avec notre expérience. Avec mes collègues du groupe CRCE et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine de l’Assemblée nationale, nous faisons le tour de France des hôpitaux et des EHPAD, et constatons qu’il y a une grande souffrance des personnels.
Le problème, c’est qu’il faut débloquer des moyens financiers et humains. Ce dont nous parlent les professionnelles, en plus des conditions de travail éprouvantes et épouvantables qu’elles subissent, c’est des troubles cognitifs et des cas de maladie d’Alzheimer, certains extrêmement lourds, dont souffrent les résidents ; or elles n’ont pas été formées pour y faire face. (Mme la ministre opine.)
Vos réponses ne correspondent pas aux réalités du terrain. Mettre en œuvre une politique de bientraitance envers nos aînés, c’est un choix de société, un choix politique qui doit être fait par le Gouvernement. Il implique de prévoir un nombre suffisant d’aides-soignantes, d’infirmières, mais également de kinésithérapeutes, d’orthophonistes… Il faut repenser ce système à bout de souffle !
Je suis ravie, madame la ministre, que vous mettiez en place des commissions et des référents, mais ces paroles sont loin de la mise en acte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mmes Vivette Lopez et Marie Mercier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Pierre Moga. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 28 décembre 2015, la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement a réformé la tarification des EHPAD. Son objectif a été d’anticiper les conséquences du vieillissement de la population.
Cependant, l’application de certaines dispositions réglementaires a entraîné la diminution des dotations soins et dépendance dans les EHPAD de Lot-et-Garonne, comme dans d’autres départements.
Pour nos territoires situés en zone rurale, l’EHPAD répond à une demande importante des familles, notamment pour l’accueil des personnes souffrant des pathologies d’Alzheimer ou de Parkinson.
Je suis conscient des difficultés de la conjoncture actuelle, mais nous devons offrir des moyens identiques à nos aînés. Aujourd’hui, de nombreux acteurs des structures ont le sentiment que l’obligation de conclure des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, à la place des anciennes conventions tripartites, a joué en la défaveur de nos territoires.
Les dotations budgétaires intègrent maintenant le pathos moyen pondéré, le PMP. Celui-ci, fixé à l’arrivée de la personne, n’est pas révisé ensuite, alors que l’entrée en établissement est justement liée à l’existence de polypathologies, et qu’inéluctablement l’état de la personne se dégradera rapidement.
Les EHPAD accueillent toujours plus tardivement les personnes âgées, qui vivront en moyenne deux ans et demi dans l’établissement. Cela crée un préjudice en ce qui concerne la tarification.
Nos EHPAD ont donc besoin de davantage de moyens financiers et humains.
Madame la ministre, j’aimerais connaître les mesures envisagées par le Gouvernement pour remédier à cette situation et donner aux EHPAD la possibilité de mieux assurer leurs missions : garantir la prise en charge de nos aînés dans la dignité et permettre à leur personnel de travailler dans des conditions plus acceptables. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Moga, permettez-moi de compléter vos propos, puisque la réforme compte plusieurs volets dont certains sont absents des débats.
Cette réforme permet de mettre en place un nouveau cadre budgétaire, qui donne de la souplesse aux établissements dans l’affectation de leurs résultats. Elle permet une tarification à la ressource dans un cadre pluriannuel et en fonction des besoins, plutôt qu’une négociation annuelle purement comptable.
Pour ce qui concerne le forfait soins, je le répète, la progression sensible des tarifs de soins permet à 85 % des EHPAD de gagner des moyens supplémentaires tous les ans, pendant sept ans, dans le cadre de l’ONDAM, soit une somme de 430 millions d’euros supplémentaires sur la période. Cela correspond à la création de 20 000 ETP pour la partie soins. C’est donc un effort considérable.
Ces apports ne sont pas contestés, et ils doivent être préservés.
Vous l’avez dit, la convergence des tarifs dépendance autour d’une moyenne départementale a été contestée. C’est la raison pour laquelle j’ai nommé un médiateur, M. Pierre Ricordeau, qui m’a fait un retour et me fera des propositions pour réguler l’aspect négatif de cette réforme, afin qu’aucun établissement ne soit perdant, comme je l’ai dit à l’Assemblée nationale.
Ces premiers retours montrent que l’impact établissement par établissement était assez mal appréhendé, du fait de l’absence d’étude d’impact lorsque la réforme a été mise en œuvre. (M. René-Paul Savary s’exclame.)
Les impacts par établissement sont significativement plus importants que lorsque l’on regarde les effets par grandes masses et par catégories. Mais très peu d’établissements sont réellement perdants – sur sept ans, seulement 20 % d’entre eux. Le médiateur doit me remettre des propositions en vue de neutraliser les effets négatifs de la réforme à leur égard. (M. René-Paul Savary s’exclame de nouveau.)
Pour autant, nous avons confié aux ARS un budget de 50 millions d’euros pour accompagner les EHPAD les plus en difficulté ainsi que l’ANAP, qui doit aider ces établissements à organiser leur gestion.
M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le constat est sans appel : les EHPAD vivent une véritable crise de modèle, qui tient en grande partie à des raisons financières et au vieillissement massif de la population, je le rappelle. Ce manque de moyens budgétaires et humains est, en effet, à la source de la colère des personnels des EHPAD, et non de la « grogne », comme la qualifient certains journalistes déconnectés de la société.
Les personnels d’accompagnement mis, de fait, sous tension ne sont plus en mesure d’accomplir correctement leur travail. Je rencontre régulièrement dans la Sarthe des personnels exténués qui indiquent ne plus pouvoir accorder le temps nécessaire aux personnes âgées dont ils ont la charge. C’est une question de dignité pour eux, pour les résidents et enfin pour les familles, qui attendent beaucoup des soins dispensés dans ces structures.
Par ailleurs, le profil des personnes accueillies par les EHPAD a bien changé. Les personnes entrantes ont en moyenne plus de 85 ans et ont donc des pathologies plus complexes, des handicaps plus importants qui nécessitent des prises en charge spécifiques.
Cette évolution, qui démontre à la fois la réussite du maintien à domicile, explique cependant la réelle souffrance des aides-soignants, qui se retrouvent sans cesse en décalage entre leur métier et la médicalisation inévitable de leur profession face à la perte grandissante d’autonomie des résidents, vous l’avez dit.
La suppression des 25 000 contrats aidés a achevé de désorganiser ces établissements qui, pour certains, sont en sous-effectifs ; c’est le cas de nombreux EHPAD des Pays de la Loire. La pénibilité du travail et l’usure professionnelle des personnels engendre un cercle vicieux lié à l’absentéisme, qui accroît la pression psychologique du reste de l’équipe.
Les EHPAD doivent demeurer des lieux de vie et de liberté avant d’être des lieux de soins, cela a également été souligné. Les aides-soignants ne peuvent pas être réduits à de simples exécutants aux tâches chronométrées. La relation humaine doit prévaloir.
Ainsi, face à cette « maltraitance institutionnelle », vous avez récemment annoncé, madame la ministre, l’ouverture d’un « chantier sur la qualité de vie au travail » et affirmé « la nécessité d’une réflexion d’ensemble sur la formation ». Nous attendons beaucoup des pistes envisagées pour redonner une attractivité au secteur.
Au-delà de la création de centres de formation adossés aux EHPAD, de partenariats mis en place avec Pôle Emploi et des actions de communication, les axes retenus, que vous citiez il y a quelques instants, en termes de référentiel et de perspectives de carrière seront-ils dotés des moyens qui s’imposent ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Grelet-Certenais, vous avez évoqué différents sujets.
Pour ce qui concerne les emplois aidés, certes il n’y a plus de fléchage de ces emplois sur des secteurs d’activité, mais nous avons demandé aux ARS de faire remonter les demandes des EHPAD dans ce domaine.
Pour obtenir des emplois aidés ou équivalents, il faut désormais proposer un réel plan de formation, car ces emplois ne doivent pas être dépourvus de perspective en la matière. Rien n’empêche certains EHPAD de demander des postes, à la condition qu’ils offrent une véritable ouverture pour les personnes en termes de formation.
Je vais essayer de prendre en compte dans sa globalité cette problématique de la carrière des aides-soignantes, grâce au rapport sur la qualité de vie au travail qui va m’être remis, et au travail qui a été engagé sur la formation des aides-soignantes et la gestion des emplois et des compétences sur le long terme. Avec la ministre du travail, nous allons proposer à ces professionnels de santé des perspectives d’évolution, notamment dans les domaines de la coordination et dans le management au sein des établissements.
Se pose, par ailleurs, la question du nombre de personnels. Je l’ai dit, l’État, qui est garant du financement de la partie soins en EHPAD, prend ses responsabilités, puisqu’il dégage 430 millions d’euros sur la période, ce qui représentera 20 000 ETP supplémentaires dans ces établissements.
Il nous reste à poser, de façon commune et ouverte sur la société, la question du financement de la dépendance, qui est devant nous. C’est un énorme dossier, aujourd’hui à la main des départements, mais qui, de facto, doit aller au-delà d’un simple « ping-pong » entre l’État et les départements et les fédérations. Nous devons nous attacher à savoir quel financement nous souhaitons, collectivement, mettre en œuvre pour accompagner nos aînés, et nous-mêmes dans quelques années – nous serons en effet tous concernés.