Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant la première phrase du sixième alinéa du II de l’article 11 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Afin de répondre à la demande de trafic ferroviaire par wagons isolés, ce système de production est déclaré d’intérêt général. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Nous souhaitons, par les amendements que nous avons déposés, proposer la voie d’une autre réforme ferroviaire, d’une réforme qui réponde à l’intérêt général. En ce sens, nous considérons qu’il convient d’agir par tous les moyens pour le rééquilibrage modal, notamment dans le domaine du transport de marchandises.
Les transports sont l’un des modes les plus émissifs de gaz à effet de serre. Ce secteur représente plus de 30 % de ces émissions pour la France. Les émissions ont même augmenté de 0,9 % en 2015 en France, selon les derniers chiffres dont nous disposons. Pis, deux ans après la signature de l’accord de Paris sur le climat, les résultats sont décevants : selon ces chiffres provisoires, publiés par le ministère de la transition écologique, en 2016, la France aurait émis 463 millions de tonnes de gaz à effet de serre, en hausse par rapport à 2015.
Il nous semble dès lors qu’il est plus que temps que les pouvoirs publics interviennent et créent un cadre juridique qui permette de limiter ces émissions.
Dans ce cadre, le développement du fret ferroviaire est un levier important. En effet, alors que le Grenelle de l’environnement souhaitait porter la part du fret non routier à 25 % à l’horizon de 2022, chaque année le fret ferroviaire perd des parts de marché. Aujourd’hui, il représente moins de 10 % du fret global.
Alors que le réseau routier s’est largement développé en trente ans, le réseau ferroviaire, lui, a régressé. Cette situation est la conséquence directe des politiques de désengagement de l’État de ce secteur d’intérêt général. La politique de volume a été remplacée par la volonté de développer uniquement les autoroutes ferroviaires, au détriment de l’activité du wagon isolé.
À l’inverse, nous proposons de longue date de déclarer le fret d’intérêt général. Nous l’avons encore proposé au Sénat en décembre dernier au travers d’une proposition de résolution. Une telle démarche permettrait son subventionnement direct sous forme d’aide publique et, ainsi, son développement. D’autres pays européens s’engagent dans cette voie. La décision récente de la Commission européenne sur le cas italien crée ainsi un précédent bienvenu pour investir dans le rail sans risque de distorsion de concurrence.
La France, qui a accueilli la COP 21, se doit d’être exemplaire dans ses politiques environnementales. Pour cela, il convient de déclarer le fret ferroviaire d’intérêt général.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Longeot, rapporteur. Madame la sénatrice, vous proposez, dans cet amendement, de reconnaître le transport de marchandises par wagon isolé comme un service d’intérêt général. Or il s’agit d’un service commercial et non d’un service public. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Éliane Assassi. Ça, c’est fort ! Au moins, la chose est dite !
M. Jean-François Longeot, rapporteur. L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je partage tout à fait votre ambition, madame la sénatrice, de voir le fret ferroviaire assumer une part plus importante du transport de marchandises. J’estime néanmoins que cela s’accomplira, non pas par des déclarations de principes ou par des objectifs de part de marché, mais bien par des actions concrètes. Il faudrait notamment restaurer une concurrence plus loyale de la part du transport routier, ce qui passe notamment par le paquet mobilité et par l’application de la directive Travailleurs détachés au transport routier. C’est l’un des enjeux du Conseil Transports du mois de juin prochain.
Cela passe aussi par une plus grande participation des poids lourds qui transitent sur notre territoire au financement des infrastructures. Cela permettra d’avoir une concurrence plus équitable entre le rail et la route.
Cela passe en outre par des investissements qui puissent garantir des sillons de qualité. C’est tout le travail qui a été fait dans le cadre du Conseil d’orientation des infrastructures.
Cela passe enfin par une politique de péages pour le fret ferroviaire et par le maintien d’une politique d’aide au transport combiné.
Voilà donc des sujets importants dont nous aurons à débattre, notamment dans le cadre de la concertation que j’ai engagée pour la préparation du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Une réunion sera consacrée à ce sujet.
Je le répète, j’estime que cette ambition ne passe pas par des déclarations de ce type. Le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je peux tout à fait comprendre cet amendement, qui a trait au fret ferroviaire. Nous avons souvent évoqué ce problème. J’aurais bien voté cet amendement du groupe CRCE – une fois n’est pas coutume –, d’autant que j’ai déjà voté certains amendements de ce groupe relatifs au transport ferroviaire, domaine qui me passionne, comme beaucoup de nos collègues.
Il est vrai, certes, que l’objet de ce texte est le transport ferroviaire de voyageurs, mais il est important de faire le parallèle avec le fret. L’ouverture du fret ferroviaire à la concurrence remonte à 2003, et l’on assiste malheureusement depuis lors à une chute du trafic dans ce secteur. Les problèmes que rencontre le fret capillaire, notamment sur les petites lignes, sont aussi graves : maintenant, seul le service de trains complets est assuré ; il n’y a plus de wagons isolés. Cela est particulièrement dommageable.
C’est pourquoi je peux vraiment comprendre l’objet de cet amendement. J’ai en mémoire une proposition de loi sur le transport ferroviaire régional que nous avions examinée en décembre 2015 sur l’initiative de Mmes Beaufils et Didier. Il est vrai qu’alors aussi les collègues du groupe CRC avaient soulevé des problèmes très importants et sur lesquels je partageais leur préoccupation.
Sur cet amendement, je m’abstiendrai.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, vous avez raison : il faut des actes. Je veux vous donner un chiffre ; dites-moi si je me trompe. Selon plusieurs rapports, le volume de marchandises à transporter devrait être multiplié par trois au cours des quinze prochaines années. On assistera donc, globalement, à une explosion du transport de marchandises. Or, aujourd’hui, le fret ferroviaire ne représente que 10 % de ce trafic, alors qu’on avait fixé un objectif général de 25 %. Pour l’atteindre, il faut donc des actes !
Alors, comment faire ? Voilà la véritable question ! On nous dit souvent qu’il faut aller voir ce que font les pays d’Europe du nord ; je suis donc allé voir ce qui s’y fait. Ils ont une approche très concrète : ils relient leurs ports au réseau ferroviaire. Or quand je me suis rendu, il y a un mois, à Saint-Nazaire, où j’ai rencontré la direction du port et beaucoup de syndicalistes des docks, mes interlocuteurs m’ont expliqué qu’ils voudraient faire du fret ferroviaire, mais que la voie ferrée est à 100 mètres. Il n’y aurait que 100 mètres supplémentaires de voie à construire, mais on ne le fait pas. Voilà un exemple très concret, madame la ministre ! Va-t-on s’engager dans cette direction ? Va-t-on, entre autres choses, relier tous nos ports et docks au réseau ferroviaire ?
Il se pose par ailleurs une véritable question sur le ferroutage.
Vous le voyez, nous faisons de vraies propositions. Des questions de moyens se posent, mais il existe des actions très concrètes qu’on pourrait faire tout de suite et qui ne coûteraient pas des centaines de millions d’euros. C’est sur de telles propositions qu’il faut que le débat se tienne, notamment autour du fret ferroviaire, parce que c’est une question économique, sociale, mais aussi écologique, et vous savez combien notre groupe est attaché à cet enjeu.
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. La question du fret ferroviaire est essentielle. Pourquoi ? Nos routes, nos autoroutes sont engorgées. Ça ne peut pas continuer ainsi ! Certains pays, comme la Suisse ou l’Autriche, ont pris le problème à bras-le-corps et ont mis en place des politiques en faveur du ferroutage : les transporteurs, au-delà d’une certaine distance, ont obligation d’employer la voie ferrée. Pourquoi ne nous posons-nous pas ces questions en France ?
La vraie démarche à prendre, si nous voulons améliorer la qualité de l’air, est de mettre en place une politique de ferroutage, de mettre au gabarit européen certains tunnels par lesquels les conteneurs ne peuvent passer et de faire en sorte qu’on réhabilite les voies ferrées pour qu’on puisse ainsi traverser la France. Nous avons l’infrastructure, mais elle n’est pas au gabarit européen dans beaucoup de domaines. Nous avons donc besoin de rénovations et d’investissements lourds, mais ça en vaut la peine ! Combien a coûté la privatisation des autoroutes ?
Mme Éliane Assassi. Eh oui ! Et combien ça rapporte !
M. Martial Bourquin. À aucun moment ce problème n’a été posé avant qu’on ne prenne la décision de les privatiser.
Quand on reconstruit l’ensemble des routes de France pour que des millions de camions les empruntent, on ne parle pas de la dette. Il faut payer, et c’est l’État qui s’en charge, ainsi que les régions et les départements ! Comment se fait-il que, lorsqu’on évoque la SNCF et, plus largement, le chemin de fer, on parle de dette ?
Je vous le dis franchement, madame la ministre, je ne pense pas comme vous : j’estime qu’un jour ou l’autre cette dette devra être épongée par l’État, parce qu’en réalité ce n’est pas une dette. En effet, il existe entre l’infrastructure routière et l’infrastructure ferrée une inégalité profonde et anormale. Pourquoi existe-t-elle ? Quand on transporte des marchandises par chemin de fer, on paie l’infrastructure, alors que, sur la route, on ne la paie pas. Quand fera-t-on payer les camions qui traversent la France par milliers ? Ça a été essayé en Bretagne, mais on a vite reculé : c’était une erreur ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mais si ! Ce sont de vraies questions. Quand fera-t-on tout ça ? Dernière chose… (Marques d’impatience sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union centriste.)
Mme la présidente. Veuillez terminer rapidement, mon cher collègue !
M. Martial Bourquin. Vous pourrez me répondre, mes chers collègues, je n’attends que ça !
Madame la ministre, la dette de la SNCF, c’est l’équivalent de dix ans d’ISF. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Or, sur ce sujet, vous avez décidé d’ouvrir la bourse : vous y êtes même allés très fort !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Au travers de cet amendement, c’est une question de fond qui est posée.
Madame la ministre, je vous ai entendue, lors de votre réponse à la fin de la discussion générale, expliquer qu’il n’y avait pas de souci, parce que les régions ont aujourd’hui la capacité entière de décider de l’organisation territoriale des dessertes ferroviaires. Vous savez pourtant que les petits ruisseaux font les grandes rivières. Or, aujourd’hui, les petits ruisseaux ont été complètement abandonnés.
Je suis un élu de la Lorraine et donc, aujourd’hui, de la région Grand Est. Notre région a acheté un matériel roulant performant, qui aurait pu permettre d’apporter un service plus rapide et de meilleure qualité. Toutefois, comme les petites lignes – ces petits ruisseaux – n’ont pas été entretenues, ce matériel n’est pas exploité aujourd’hui à sa hauteur. Somme toute, les TER qui circulent actuellement vont moins vite que les locomotives à vapeur de jadis et même, dans certains secteurs, parfois moins vite que des vélos électriques !
Nous avons donc un vrai souci, qui concerne aussi le dossier du fret ferroviaire, puisque les mêmes petites lignes voient circuler à la fois des trains de voyageurs et des convois de marchandises.
Je suis élu d’un petit département, les Vosges, qui est l’un des départements les plus désindustrialisés par rapport à sa population : nous sommes de ce point de vue le quatrième département de France. J’y constate, année après année, le recul quotidien de la livraison de fret par la SNCF, alors même que nous disposions d’un réseau absolument formidable qui irriguait nos territoires. Et cela se produit tout simplement parce que ces petits ruisseaux, ces petites lignes ne sont aujourd’hui plus en mesure effective d’absorber, au vu du temps requis et de la vitesse possible, à la fois le trafic de voyageurs et le transport de marchandises. Or vous n’ignorez pas, madame la ministre, combien le temps s’est aujourd’hui raccourci pour les entreprises : la gestion des stocks a été complètement modifiée, on doit assurer les livraisons en flux tendu. C’est pourquoi il est nécessaire que le fret ferroviaire ait la capacité de répondre en temps et en heure à la demande. Or l’arrosage territorial ne permet plus aujourd’hui de le faire.
Il s’agit donc bien d’un vrai sujet, et l’État ne pourra pas abandonner nos territoires. Oui, certaines choses peuvent être faites avec les régions, mais il faut au préalable que l’État assume sa responsabilité de remettre en état les petits ruisseaux pour en faire de grandes rivières ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je ne sais pas si la solution proposée par les auteurs de l’amendement n° 3 – déclarer le fret ferroviaire d’intérêt général – est la bonne. Je ne sais pas si l’adoption de cet amendement permettrait de régler le problème, mais la question posée n’en est pas moins réelle, importante et essentielle. Madame la ministre, nous demandons au Gouvernement d’y consacrer le plus d’attention possible.
Je voudrais illustrer cette importance à travers deux exemples. J’évoquerai en premier lieu une usine chimique d’un grand groupe allemand située dans un bourg de 2 000 habitants du département de l’Aisne. Pendant très longtemps, cette usine recevait d’Allemagne ses matières premières par wagon isolé. Certes, le service n’était pas totalement performant, et l’usine ignorait parfois où se trouvait le wagon, mais, dans la très grande majorité des cas, il finissait par arriver. Il a fallu se battre à un certain moment pour le maintenir, puis il y a eu une seconde attaque, et ce service a disparu. Aujourd’hui, ces matières, qui sont dangereuses, sont transportées par camion : c’est une aberration !
En second lieu, dans le même département, une communauté de communes, devenue communauté d’agglomération, a réalisé une zone de développement économique qui est reliée à la voie ferrée. Les travaux de raccordement sont réalisés, et l’entreprise qui s’installerait là n’aurait qu’à faire rouler ses wagons et à terminer la voie ferrée jusqu’à ses bâtiments. Or, en une dizaine d’années, la collectivité n’a reçu aucune proposition d’entreprises intéressées par ce raccordement au réseau ferré, tout simplement parce que le service rendu n’est pas de qualité.
Alors, je ne sais pas si je voterai pour cet amendement. Je ne le ferai peut-être pas, parce que la déclaration d’intérêt général n’est pas la bonne solution, mais le problème qui est soulevé par nos collègues du groupe CRCE est un vrai problème d’avenir, qui s’inscrit bien dans la modernisation du fonctionnement de nos transports et, en même temps, dans la modernisation de notre économie.
Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger nos travaux jusqu’à zéro heure trente, afin que nous allions plus avant dans l’examen du texte.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
L’amendement n° 4, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 3221-1 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – des charges d’entretien des infrastructures et des coûts externes ; ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je trouve dommage, madame la ministre, que vous n’ayez pas répondu aux différentes questions relatives au fret, qui est un sujet structurant pour nos territoires comme pour nos entreprises. À ce titre, il mérite un véritable débat et, surtout, des réponses, et non de simples formules comme « il faut passer à l’action ». Justement, quels sont les actes que le Gouvernement nous propose en la matière ?
J’en viens à l’amendement n° 4.
Dans le même esprit que l’amendement précédent, nous souhaitons tracer les lignes d’une politique des transports permettant d’engager notre pays dans la voie du service public et de l’intérêt général. Dans ce cadre, comme nous l’avons déjà évoqué, la question du report modal de la route vers le rail semble centrale, afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre.
Ce rééquilibrage est rendu aujourd’hui difficile du fait que le transport routier bénéficie, je le répète, d’un environnement législatif, réglementaire et fiscal largement favorable par rapport au rail. Il n’est qu’à prendre ce simple exemple : les opérateurs du rail participent au financement des infrastructures par le paiement de redevances à SNCF Réseau. Il n’en est pas ainsi pour la route, dont l’usage, hors autoroute concédée, est purement gratuit et totalement financé par les pouvoirs publics.
Cet amendement, reprenant une proposition que nous avons formulée dans la proposition de loi permettant la relance du secteur public ferroviaire pour le droit à la mobilité et la transition écologique déposée en 2012, tend à prévoir que toute opération de transport routier de marchandises doit aussi prendre en compte les coûts d’entretien des infrastructures, qui sont aujourd’hui supportés par les seules collectivités, et les coûts externes. Je précise que les coûts externes sont les coûts des effets négatifs du transport qui ne sont pas payés par les usagers eux-mêmes. Il en est ainsi des coûts du changement climatique, du coût de la pollution et de ses conséquences sanitaires, du bruit, de l’encombrement, autant d’éléments qu’il convient de prendre en compte dans la tarification des transports routiers.
Dans le même sens, la Commission européenne estime qu’un consensus se dégage parmi les scientifiques sur le fait que les coûts externes du transport peuvent être mesurés via des approches axées sur les meilleures pratiques et que des chiffres sont prêts pour être utilisés à des fins politiques. Ainsi, voilà presque vingt ans, en 2006, il avait déjà été calculé que les coûts externes relatifs aux transports représentaient 300 milliards d’euros par an, soit le PIB d’un pays comme la Suède.
Nous pouvons donc instaurer un véritable outil de rééquilibrage entre les différents modes de transport, en faveur du fret ferroviaire, en intégrant les coûts externes du transport routier dans sa tarification. Cela permettrait également de lutter contre le dumping social, qui se traduit souvent par une sous-tarification du service.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Longeot, rapporteur. Cet amendement vise à inclure les charges d’entretien des infrastructures et les coûts externes dans le prix du transport public routier de marchandises. Cette question est tout à fait intéressante, mais reste très éloignée de l’objet de la proposition de loi, à savoir le transport ferroviaire de voyageurs. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je tiens à vous rassurer, madame la présidente Assassi, un débat sur le fret ferroviaire est prévu au sein de cette assemblée le 3 avril prochain. Nous pouvons donc nous concentrer aujourd’hui sur le transport de voyageurs, puisque nous aurons l’occasion de parler du fret ferroviaire la semaine prochaine.
Au demeurant, je suis tout à fait d’accord sur le fait qu’il est souhaitable que le transport routier paye davantage ses coûts d’entretien et ses coûts externes. Toutefois, il est ici proposé de faire payer les chargeurs, alors qu’il s’agirait de faire payer les camions. Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’État, majoritairement représenté au conseil de surveillance de la SNCF, propose au directoire, et notamment au vice-président représentant SNCF Réseau, l’instauration d’un moratoire sur la fermeture des gares de triages, les points de desserte fret et la suppression des effectifs à Fret SNCF.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Nous proposons un moratoire sur la fermeture des gares de triage, qui sont essentielles pour le maintien et le développement du fret ferroviaire, pilier de la transition écologique. On rappellera une nouvelle fois cet objectif d’intérêt général ainsi que les engagements de la France lors des accords de Paris. Comment comptons-nous mettre en œuvre cette transition si nous laissons le fret ferroviaire perdre du terrain face au fret routier ?
Le développement du fret est un outil indispensable pour diminuer la circulation massive des poids lourds et la pollution, ainsi que la gêne qu’elles engendrent. Ainsi, nous proposons un moratoire sur la fermeture des gares de triage, dont la résorption est un non-sens écologique. Nous étions presque unanimes sur ce point lors de l’examen de la proposition de résolution de notre groupe voilà à peine trois mois.
Nous vous invitons donc, chers collègues, à voter cet amendement, en cohérence avec nos positions antérieures.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Longeot, rapporteur. Comme à l’amendement n° 2, il s’agit là d’une injonction adressée au Gouvernement, ce qui n’est pas conforme au principe de séparation des pouvoirs.
Mme Éliane Assassi. Elle est bien bonne, celle-là !
M. Jean-François Longeot, rapporteur. Qui plus est, cet amendement porte sur le fret, qui n’est pas l’objet de la proposition de loi. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je tiens à préciser qu’il n’y a pas de projet de fermeture d’installations ferroviaires. L’enjeu premier, c’est que des entreprises de fret ferroviaire utilisent ces installations. Le second enjeu, c’est l’état de ces installations : il faut notamment prévoir des investissements sur des voies de service. Je vous rassure, dans le cadre de la trajectoire financière de SNCF Réseau à laquelle nous sommes en train de travailler, ces besoins d’investissement seront bien pris en compte.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le réseau ferroviaire est propriété de la Nation.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Par cet amendement simple, nous souhaitons affirmer une position de principe, qui tend à être mise à mal par les réformes successives.
Nous estimons que le réseau ferré national, construit principalement grâce à l’impôt de nos concitoyens, doit être exclusivement détenu par la puissance publique, afin d’affirmer non seulement sa cohérence et sa pertinence, mais aussi son unicité, qui garantit l’accès au service public des transports, donc au droit de toutes et tous à la mobilité.
Nous ne partageons évidemment pas l’idée confortée par le rapport Spinetta qu’il faudrait se dessaisir des petites lignes, sacrifiant ainsi près de 9 000 kilomètres de réseau.
Nous ne souhaitons pas non plus, comme veut l’organiser le gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, le transfert de charge sur les régions, contraintes de reprendre certaines liaisons pour éviter leur abandon par l’État, comme cela a été le cas pour certains trains Intercités, devenus des TER.
Le nouveau pacte ferroviaire, comme cette proposition de loi qui organise la concurrence pour les TER, Intercités et autres TGV, risque, sous couvert de mise en concurrence, de renforcer ce mouvement.
Les régions se voient attribuer, réforme après réforme, des compétences nouvelles, y compris par cette proposition de loi, qui prévoit de confier aux régions la propriété du matériel roulant et des ateliers de maintenance. Elles ne peuvent assumer un tel transfert de charge sans les moyens qui vont avec. Le succès de la décentralisation des TER s’est faite au prix que cette charge devienne le premier poste de budget des régions.
Le succès a tenu également aux relations tripartites entre l’État, les régions et la SNCF. La multiplication des opérateurs altérera la cohérence globale de l’offre interrégionale et renforcera les fractures territoriales.
Par ailleurs, nous nous opposons à cette balkanisation du système ferroviaire et à sa privatisation rampante, comme le prévoit le projet gouvernemental. Nous savons ce que prépare le changement de statut des trois EPIC en SA, nous en avons déjà l’expérience. Certes, l’État ne cédera pas d’actions, mais il existe d’autres façons de privatiser, par exemple en augmentant le capital, donc le nombre d’actions.
À notre sens, le changement de statut de SNCF Réseau serait dangereux. Le réseau national, structurant et stratégique, ne peut être dévolu aux intérêts privés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Longeot, rapporteur. Cet amendement vise à affirmer que le réseau ferroviaire est la propriété de la Nation. Or le code des transports prévoit déjà que SNCF Réseau est le propriétaire unique de l’ensemble des lignes du réseau ferré national. SNCF Réseau est un établissement public de l’État, qui gère par conséquent ces lignes pour le compte de l’État. Une telle précision ne semblant pas nécessaire, la commission a émis un avis défavorable.